Lettre à Henry Dame Stérile et sa descendance car Dieu regardera la longue sterilité de la
grand dame, qui puis apres conceura
deux enfans principaux:—mais elle periclitant,
celle qui luy sera adioustee
par la temerité de l'aage
de mort periclitât dedans le dixhuictiesme,
ne pouuant passer le trentesixiesme
qu'en delaissera trois masles,
& vne femelle, & en aura deux, celuy qui n'en eut iamais d'vn mesme pere,—de
trois freres seront telles differences
puis vnies & accordees,
que les trois & quatre parties de l'Europe trembleront:—par le moindre d'aage sera la monarchie crestiêne soustenue & augmêtee: sectes esleuees, & subitemêt abaissees, Arabes reculez, Royaumes vnis,
nouuelles Loix promulguees:—des autres enfans le
premier occupera les Lions furieux couronnez, tenans
les pattes dessus les armes interpidez.—Le second se profondera si auant par les
Latins accompagné, que sera faicte la seconde voye tremblante & furibonde au mont Iouis
descendant pour monter aux Pyrennees ne sera translatee Ă l'antique monarchie, sera faiste
la troisiesme innĂ´dation de
sang humain, ne se trouuera de long temps Mars en Caresme.—Et sera donnee la fille
par la conseruation de l'Eglise ChrestiĂŞne
tombant son dominateur Ă la paganisme secte des nouueaux
infidelles elle aura deux enfans,
l'vn de fidelité, &
l'autre d'infidelité par la côfirmation
de l'Eglise Catholique.—Et l'autre qui a sa grande confusion & tarde
repentance la voudra ruiner, seront trois regions par
l'extreme difference des
ligues, c'est assauoir la Romaine, la Germanie,
l'Espagne, qui feront diuerses sectes par main
militaire, delaissant le 50. & 52. degrez de hauteur,—& feront
tous hommage des religions loingtaines aux regions de l'Europe & de Septentrion de 48. degrez d'hauteur, qui premier par vaine timidité tremblera,
puis les plus occidentaux, meridionaux &
orientaux trembleront,—telle sera leur puissance, que
ce qui se fera pas concorde & vnion insuperable des conquestes belliques. De nature seront esgaux:
mais grandement differents de foy.—Apres
cecy la Dame sterille de
plus grande puissance que la seconde sera receĂĽe par
deux peuples, par le premier obstiné par celuy qui a
eu puissance sur tous, par le deuxiesme & par le
tiers qui estêdra ses forces vers le circuit de l'Oriêt de l'Europe aux pannons l'a profligé
& succôbé & par voile marine fera ses
extensions Ă la Trinacrie Adriatique par Mirmidon,
& Germaniques du tout succombé, & sera la secte Barbarique
du tout des Latins grandement affligee
& dechassee.— Après être entré dans cette Lettre par la seconde chronologie et le typologique 1792, mettant peut-être en correspondance Frédéric II de Hohenstaufen et Napoléon Bonaparte,
est abordé la première partie avec la Dame stérile : Commence, à partir d'ici, la part prophétique de la Lettre à Henry (Jean-Charles de Fontbrune, Nostradamus historien et prophète, tomme II, Rocher, 1982, p. 117).
On dira plutôt "historique". L'aspect typlogique historique de cette première partie n'est pas apparu actuellement, mais putôt un aspect typologique au sens de l'exégèse biblique chrétienne, avec
une Rachel, femme de Jacob, type de l'Eglise. La "dame stérile" : Rachel et ses deux enfants La fille de Laban, Rachel, est choisie par Jacob mais son
père donne à ce dernier, à son insu, sa fille aînée Léa par un subterfuge.
Rachel est la première dans le cœur de Jacob. Rachel met au monde Joseph et Benjamin, qui seront les
préférés [cf. "enfants principaux"] de Jacob (Gen.
30, 24 et 35, 18) Joseph a pour sens hébreu "ajouter" cf.
"qui luy sera adjoustee".
"péricliter" est emprunter au latin periclitari « faire l'essai, risquer de » d'où « être en
péril », attaché en latin médiéval au sens de « faire naufrage (d'un navire) »
934-936 ds Nierm., « périr
par naufrage » 1180, ibid., dér. de navire) 934-936 ds
Nierm., « périr par naufrage » 1180, ibid., dérivé de
periculum « péril » Dans le latin de la Vulgate on a au chapitre 35, lorsque Rachel accouche de Benjamin (elle en meurt) : 17. Ob difficultatem partus periclitari cœpit
(Et ayant grande peine à accoucher, elle se trouva en péril de sa vie) Exaudita nempe fuit Rachel, sed suscepto altero filio ipso partus articulo extincta est tanta
est humana ignorantia atque temeritas, ut ea interdum adeo assidua improbitate efflagitemus que postulatibus concessa sint maxime nocitura Né à Yanguas (Soria, Espagne) en 1484, Antonio Honcala fit des études en philosophie, en langues orientales et en théologie à l'université de Salamanque.
Ordonné prêtre, il fut précepteur du prince don Felipe, le futur Philippe II, et professa à Salamanque jusqu'en 1528. Il devint chanoine de la cathédrale d'Avila et rencontra à ce titre François de Borgia en mai 1554.
Honcala mourut, après une vie fort charitable, le 2 septembre 1565. François Ribera rapporte que Thérèse d'Avila vit son âme monter au ciel sans passer par le purgatoire, eu égard à sa parfaite chasteté Rien ne coûte quand on aime, rien n’est difficile au cœur
épris. Voyez Jacob, combien il a souffert pour Rachel ! Jacob, dit l’Écriture, servit
sept ans pour obtenir Rachel, et ces années lui paraissaient des jours, parce
qu’il l’aimait. Aimons donc aussi Jésus-Christ, cherchons toujours ses divins
embrassements, et tout ce qui est difficile nous semblera facile, tout ce qui
est long nous paraîtra court, et, blessés d’amour, nous dirons : Oh ! que notre exil est long sur la terre ! - Non, les
souffrances d’ici-bas ne sont rien, auprès de la gloire éternelle qui nous
attend aux cieux. La tribulation opère la patience, la patience l’épreuve, l’épreuve
l’espérance; et l’espérance ne confond pas. Et quand le fardeau de vos peines
vous semblera pesant, relisez la seconde Epître de saint Paul aux Corinthiens :
J’ai essuyé bien des immune, reçu bien des coups, enduré souvent la prison;
plus d’une fois j’ai vu de près la mort. J’ai reçu des Juifs jusqu’à cinq fois
trente-neuf coups de fouet. J’ai été battu de verges par trois fois, lapidé une
fois, naufragé trois fois; j’ai passé un jour et une nuit au fond de la mer.
Souvent en péril dans les voyages, en péril sur les fleuves, en péril parmi les
voleurs ou au milieu des miens, en péril parmi les gentils, en péril dans les
cités, en péril dans la solitude, en péril sur la mer, en péril parmi les faux
frères; dans les travaux et les chagrins, dans les veilles, dans la faim et la
soif, dans les jeûnes, dans le froid et la nudité Jacob, type du peuple nouveau, quand Jérôme l'envisage
dans ce contexte de substitution et de choix, est encore type du Christ, quand
Jérôme l'envisage comme époux ; par voie de conséquence, Rachel est un des
types les plus cités par le moine de Bethléem. La belle stérile,
particulièrement aimée de Jacob, est le signe précurseur de l'Église, tandis
que Lia féconde et maladive est le type de la Synagogue : Isaac fut la figure
du Christ portant sa croix et Jacob en ce qu'il eut pour Ă©pouses Lia malade des
yeux, et la belle Rachel (Gen., 29). Dans Lia,
l'aînée, nous comprenons l'aveuglement de la Synagogue et dans Rachel, labeauté de l'Eglise (In Osée). Jérôme emprunte toute cette
symbolique à Hippolyte : il y trouvait cette idée de Jacob, c'est le Christ qui
va choisir une épouse parmi les païens, Rachel figure de l'Église : Mais de
même que, pour fuir les ruses de son frère, Jacob se dirige vers la
Mésopotamie, ainsi le Christ contraint par l'incrédulité des Juifs, part pour
la Galilée ; il y prendra une épouse choisie parmi les païens, l'Église... tout
ce qui précède est de l'auteur que j'ai nommé. (In Osée) Voilà pourquoi les enfants
de Rachel ramenés dans leur pays, c'est l'Israël sauvé dans toutes les parties
du monde, grâce à la passion de N. S. On le voit, le témoignage de Jérôme sur
toute cette symbolique est traditionnel. Toutefois cela s'inscrit chez lui dans
un contexte de controverse avec les Juifs, particulièrement dans le commentaire
des Prophètes. Le système exégétique juif consistait à décocher les oracles
contre Rome et l'Empire. JĂ©rĂ´me renvoie la balle aux Juifs et leur reproche
tant leurs persécutions contre les chrétiens, que leur aveuglement, signe de la
Miséricorde De Léa : les trois
frères et la fille On notera enfin que la liste canonique des « fils de
Jacob » mettra en tête les trois fils de Léa, Ruben, Siméon et Lévi. Ils ont
été les porteurs des plus anciennes traditions sur Jacob, Ruben en
Transjordanie, Siméon et Lévi dans la région de Sichem, mais ces groupes,
d'abord puissants, ont été très tôt absorbés par d'autres (Ruben, Siméon) ou
ont changé de statut (Lévi) : les traditions qu'ils ont transmises doivent être
très anciennes. Quoi qu'il en soit de ces incertitudes, l'horizon géographique
du cycle de Jacob en Palestine centrale et en Transjordanie centrale est
différent de celui du cycle d'Abraham, qui se déroule en Palestine du sud
(Abraham - Isaac) et en Transjordanie du sud (Abraham-Lot). Les deux groupes de
traditions se distinguent aussi par leur forme et par leur thème dominant. Le
cycle d'Abraham est avant tout l'histoire d'une famille et du problème de sa
continuité ; l'élément ethnologique, l'ancêtre personnifiant le groupe qui en
descend, n'apparaît que secondairement, avec la figure d'Ismaël et dans
l'histoire des filles de Lot. Dans le cycle de Jacob, l'aspect familial
subsiste, les relations envisagées étant cette fois celles entre frères et non
plus entre père et fils ; mais les individus représentent aussi, ou uniquement,
des collectivités : la rivalité entre Jacob et Ésaû
est celle entre pasteurs et chasseurs ou, dans les bénédictions de Gen., XXVII, entre paysans et nomades ; Jacob et Édom sont
les Israélites et les Édomites ; le traité avec Laban engage les Israélites et
les Araméens ; Siméon et Lévi à Sichem personnifient deux groupes et,
généralement, ce qui est dit des douze fils de Jacob, et déjà de leur
naissance, ne s'explique que du point de vue des douze tribus d'Israël. D'autre
part, le thème dominant n'est pas le même : dans le cycle d'Abraham- Isaac
c'était la promesse, dans celui de Jacob c'est la bénédiction : de sa lutte
avec Dieu, Jacob n'obtient pas une promesse, il arrache une bénédiction, Gen., XXXII, 27-30. C'est cette bénédiction de Dieu qui
explique sa force surhumaine, Gen., XXI, 8, 10, et le
succès de ses entreprises avec Ésaû ou chez Laban. Ce
thème de la bénédiction revient sous d'autres formes : Jacob reçoit la
bénédiction de son père, Gen., XXVII, Laban est béni
Ă cause de Jacob, Gen., XXX, 27, 30, enfin Jacob mourant
bénit les fils de Joseph, Gen., XLVIII Jacob maudit trois de ses fils, Ruben, Siméon et Lévi :
Ruben, Ă cause de ses rapports sexuels avec Bilha, la
concubine de son père (Gn 35, 22) ; SimĂ©on et LĂ©vi, Ă
cause des violences qu'ils ont commises Ă Sichem (Gn
34). Or, curieusement, en Nb, on retrouve les descendants de ces trois fils en
état de rébellion, qui est punie de mort à chaque fois Les aînés de Jacob sont donc délaissés ("délaissera
trois masles et une femelle") puisque deshérités. Au profit de Joseph, fils de Rachel comme
Benjamin ("les deux enfants"), dont l'histoire est raconté au livre
XXXVII de la Genèse ("passera le trente-sixième"). D'où peut-être le chapitre
XVIII ("dix-huitième") qui raconte la promesse faite à Abraham par Dieu de la fin
de la stérilité de Sarah qui donnera bientôt naissance à Isaac. Dinah délaissée (par Jacob) comme Siméon et Levi ? Dinah Fille de Jacob et de Léa (Gen.30:21). Etant sortie sans escorte pour observer les filles cananéennes, elle fut violée par Sichem, fils de Hamor, chef de la contrée. Le jeune prince desirant ensuite épouser Dina, Jacob accepta l'offre mais les frères de Dina feignèrent d'y consentir, à condition que les habitants se fassent circoncire. Ils acceptèrent et le firent, mais Siméon et Levi, propres frères de Dina attaquèrent soudain la ville de Sichem et massacrèrent tous les mâles, Hamor et Sichem inclus (Gen.34:1-29). Alors Jacob réprima ses enfants en leur déclarant : “Vous me troublez, en me rendant odieux aux habitants du pays...” Ils répondirent : “Traitera-t-on notre soeur comme une prostituée ?” (Gen. 34:30-31) (Jean Albert Rejouis, Apprendre La Sainte Bible à travers ses personnages: Learn the Holy Bible Through Its Characters, 2014 - books.google.fr). Les enfants de Jacob sont douze fils et une fille : par
sa première épouse Léa, Ruben, l'aîné, Siméon, le deuxième, Lévi, le troisième,
Juda, le quatrième, Issachar, le neuvième, Zabulon,
le dixième, Dinah, la seule fille qui soit mentionnée
; par sa deuxième épouse Rachel, Joseph, le onzième, Benjamin, le douzième et
dernier ; par sa concubine Bilha, servante de Rachel,
Dan, le cinquième, Nephtali, le sixième ; par sa concubine Zilpa,
servante de Léa, Gad, le septième, Aser, le huitième Lévi : le
troisième des trois frères, le "moindre d'aage" Les juifs de la péninsule se considéraient comme
descendants de la tribu de LĂ©vi. Ils se seraient Ă©tablis en terre hispanique
avant l'ère chrétienne. On sait en tout cas qu'ils y étaient présents en grand
nombre au Ve siècle après J.-C. Depuis quand appliquent-ils le mot de Sefarad à cette Espagne qu'ils aimaient comme leur patrie ?
Le terme figure dans Abdias (avec le sens de «
confins »). D'après Baer, J. Pérez pense cette identification tardive ; mais le
problème n'est pas résolu Les meilleures têtes dans ces nouvelles communautés, et
surtout les convertis les plus ardents Ă poursuivre le culte qu'ils venaient
d'abjurer, firent un chemin rapide dans l'Ă©glise romaine, et l'Ă©rudition qu'ils
avaient puisée autrefois dans les synagogues fut regardée comme une arme utile
entre leurs mains pour combattre les HĂ©breux. De ce nombre fut le rabbin
Salomon Halevi ou de la tribu de LĂ©vi, savant thalmudiste,
qui, ayant embrassé en 1390 le christianisme, fut connu sous le nom de Paul de
Burgos, d'après le siége épiscopal qu'il obtint en
récompense de son zèle; il fut de plus grand chancelier du royaume de Castille, ce qui prouvait aux Juifs qu'aucune dignité ne
leur était fermée dans la société chrétienne. Les fils qu'il avait eus étant
encore rabbin entrèrent également dans l'église et obtinrent des bénéfices.
Paul de Burgos est auteur d'une chronique des rois d'Espagne, et l'un de ses
fils, devenu évèque d'Astorga et Placentia,
fut envoyé par le roi au concile de Constance et de Bâle, où il fut pris des
mesures rigoureuses contre les Juifs. Il fallut que saint Bernard, pour faire
cesser les cruautés des chrétiens, exhortât les évêques de Franconie et de
Bavière à s'opposer à ces exécutions sanguinaires, et qu'il se rendît en
Allemagne pour engager le fanatique Radulphe Ă
remettre le glaive dans le fourreau, Ă retourner dans son couvent, et Ă cesser
d'ameuter la populace Saint Bernard voulait qu'on laissât vivre les Juifs,
attendu qu'ils sont destinés à errer sur la terre, et qu'ils doivent revenir un
jour de leurs erreurs; seulement il désirait qu'on les empêchât de prendre des
intérêts usuraires de ceux qui se croisaient pour la terre sainte. A l'égard
des plaintes sur leur rapacité, saint Bernard fait observer que là où il n'y a
pas de Juifs, les usuriers chrétiens sont encore pires, et peuvent être appelés
à juste titre des Juifs baptisés. Aben-Hezrah, né à Tolède en
1119, et surnommé par les Juifs Chacam ou le Sage,
était à la fois philosophe, astronome, médecin, poëte,
et surtout interprète de la Bible ; c'est dans cette dernière qualité qu'il
s'est fait une grande réputation. Avant lui, les Juifs avaient noyé l'écriture
sainte dans une mer d'explications et de commentaires oĂą l'esprit le plus
intelligent se perdait; d'un autre côté, leur imagination orientale, amie des
allégories, en avait cherché dans toutes les parties de la Bible, et avait
produit d'étranges rêveries et les systèmes les plus bizarres. Aben-Hezrah, très-versé dans l'arabe et le grec, entreprit
de purger l'interprétation de la Bible de cet amas
d'explications indigestes, et d'y porter le flambeau de la critique et de la saine
raison. Dans une savante introduction Ă ses commentaires il examina d'abord les
divers systèmes d'interprétation, en montra les défauts ou les avantages, et fit
voir quel esprit il fallait porter dans ce travail important. Il pensa avec
raison qu'il fallait s'en tenir Ă la lettre du texte, l'expliquer mot Ă mot, et
n'y chercher des allĂ©gories que quand elles se prĂ©sentent naturellement Ă
l'esprit. Un homme aussi versé dans la langue de ses pères que l'était Aben-Hezrah, et doué d'ailleurs d'un esprit philosophique
qu'il avait éclairé encore par ses voyages en Europe, était fait pour commenter
le plus ancien monument de la littérature sacrée. Son commentaire intitulé
Seder Olam, ou l'ordre de l'univers, explique
parfaitement le texte hébreu dans un style élégant et pur, mais tellement
concis qu'il perd quelquefois de sa clarté, et qu'il a fallu de nouveaux
commentaires pour Ă©claircir le sien. C'est principalement sur le Pentateuque
que ce profond interprète s'est étendu. Son travail a été utile, non-seulement
aux Juifs, mais encore aux chrétiens, et les nombreuses éditions et traductions
faites des diverses parties de son commentaire, dans plusieurs pays de l'Europe,
prouvent le cas que l'on a fait de sa profonde instruction et de sa grande
sagacité. Un travail de cette nature était fait pour occuper la vie entière
d'un homme; mais Aben-Hezrah a laissé bien d'autres
ouvrages sur les matières les plus différentes entre elles, dont les manuscrits
sont répandus dans les diverses bibliothèques des grandes villes. Quelques-uns
ont été imprimés à plusieurs reprises. On a de lui des traités de grammaire où
il entre dans les moindres détails sur les lettres; des livres de morale, de
géométrie et même d'astrologie, ce qui prouve que ce vaste esprit n'avait pu se
débarrasser de tous les préjugés de sa nation et de son temps. Dans un petit
traité sur les astres, il veut que pour les maladies on consulte la
conjonction de la lune et des planètes. C'étaient les rêveries de toutes les
nations de cette Ă©poque. On a aussi d'Aben-Hezrah des
cantiques, et même un poëme sur les échecs, que Hyde
a inséré dans son histoire de ce jeu. Aben-Hezrah mourut en 1168, ou, selon d'autres, en 1192,
dans l'île de Rhodes, où il s'était retiré5. Sa mort coïncide à peu près avec
celle de MaĂŻmonide, son ami, et celui qui contribua, avec Aben
Hezrah, à l'éclat de ce siècle Le cycle de 354 ans auquel Nostradamus aime se réfèrer et que développe Roussat
est déjà utilisé par l’astrologue Abraham Ibn Ezra (1089-1167) dans son Liber rationum. L’histoire est découpée en périodes de 354 ans 4
mois, chacune de ces périodes étant gouvernée par l’ange d’une planète. De même
qu’il existait une année d’années (cycle de 365 ans), les astrologues juifs
avaient lancé l’idée d’une années d’années lunaires,
c’est-à -dire un cycle de 354 ans 4 mois, correspondant au cycle de 354 jours
1/3 des douze lunaisons d’une année. Sept archanges (Gaffiel,
Satkiel, Samaël, Michaël, Annaël, Raphaël, Gabriel) gouverneurs des sept corps
célestes (Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure et Lune) règnent sur
sept périodes de 354 jours et 4 mois mais dans l’ordre inverse des jours de la
semaine : Saturne, VĂ©nus, Jupiter, Mercure, Mars, Lune, Soleil. Les Ĺ“uvres
complètes d’Abraham Ibn Ezra furent publiées à Venise en 1507 et leur influence
se firent aussitôt sentir. La doctrine des périodes de 354 ans fut reprise
l’année suivante, en 1508, par Trithemius, le maître
de Cornelius Agrippa dans un petit ouvrage intitulé Le Traité des causes
secondes sous titré La chronologie mystique. Trithème fait remonter le début de l’histoire à -5208 et la
déroule selon des périodes de 354 ans 4 mois. Voici le calendrier mentionné qui
va de l’an zéro à l’an 7441 avec les correspondances planétaire.  La vingtième période, sous la direction de
Gabriel, allait commencer selon Trithème le 4 juin
1525 et se terminer en octobre-novembre 1879. “Pour la vingtième période,
Gabriel, Ange de la Lune, prendra à nouveau la direction du monde, au quatrième
jour du mois de Juin de l’an 6732 de la Création, qui est l’an 1525 de l’ère
chrétienne. Il gouvernera le monde pendant 354 ans quatre mois, jusqu’à l’an
7086 du monde, au huitième mois, ou 1879 après la Nativité du Seigneur. On aura
besoin d’une prophétie pour la série d’évènements futurs.” Nul doute que ce
livre paru en 1508 a influencé profondément Nostradamus. Le livre de Roussat reprend les données d’Ibn Ezra avec un décalage de
quelques années dans les dates par rapport à celles données par Trithème. D'où l'an 7000 correspondant à 1793 pour Trithème et 1801 pour Roussat Ruben : l'aîné des
trois frères L'Auteur des Paralipomenes ne pouvoit nous expliquer plus clairement le sens de la
prédiction de Jacob, qu'en nous en faisant : voir l'accomplissement dans toutes
les principales circonstances. A cause de l'outrage que Ruben avoit fait Ă son pere, son droit
d'aînesse fut transferé à Joseph qui eut deux Tribus
pour ses deux enfans, Ruben n'en ayant qu'une seule
pour tous les siens, encore n'a-t-elle guere crĂ» en
nombre d'hommes, non crescas. Le Royaume &
l'empire sur les autres appartenoit naturellement Ă
Ruben, major in imperio
: mais il a été donné à Juda & Ruben n'a jamais crû
en dignité ni en puissance, non crescas. Quelques Interpretes ajoutent après S. Jerôme , que le Sacerdoce
qui étoit aussi attaché à la personne des aînez, fut donné à Lévi & ôté à Ruben, selon la même
prophétie de Jacob leur pere Dieu a accordé a Gad un territoire étendu cf. Gen. IX, 26, XXVI, 22. — Quasi Leo requievit.
Litt. "il repose comme une lionne". Cf. Gen. XLIX, 9, où le caractère guerrier de Gad est indiqué. Gad est le lion oriental, tandis que Juda
est le lion occidental. Cf. Paral. XII, 8. - Cepitque brachium et verticem. Litt. "il déchire
le bras et la couronne de la tête" Siméon : le deuxième des trois frères Bersabée est une ville de la
tribu de Siméon située dans le sud de la Palestine (Néguev), à la limite du
territoire israélite qui, à l'époque de David et de Salomon, s'étendait « de
Dan à Bersabée » (Jug., XX,
1). La ville de Bersabée (Beersheba), dont le nom
signifie probablement « puits du serment », était célèbre à cause de son
sanctuaire rattaché par les traditions bibliques aux patriarches Abraham (Gen., XXI, 31), Isaac (Gen.,
XXVI, 23-25) et Israël-Jacob (Gen., XLVI, 1-5), puis
aux fils de Samuel (I Sam., VIII, 2). Lors de la division du royaume de
Salomon, Bersabée est rattachée au royaume de Juda et
reste un centre de pèlerinage pour tous les Israélites : le prophète Élie
lui-même y serait venu (I Rois, XIX, 3) ; mais ce centre de pèlerinage est
ensuite vivement critiqué par le prophète Amos (Amos, V, 5 ; VIII, 14) et son
sanctuaire probablement désaffecté puis détruit lors des réformes religieuses
des rois Ezéchias (II Rois, XVIII, 4) et Josias (II Rois, XXIII, 8) qui
centralisent le culte au temple de JĂ©rusalem. Au retour de l'exil (ve s.), un groupe d'immigrants juifs revient s'installer
dans cette ville (NĂ©h., XI, 27-30), qui n'est plus
alors, et jusqu'à la période romaine, qu'un poste frontière de la Judée, à la
fois forteresse militaire et centre du marché entre les sédentaires et les
nomades Lorsqu'Abraham, suivant l'ordre du Seigneur, ayant quitté
son pais, avançoit du côte du midi, il s'arrêta en un endroit près de Béthel, où
il dressa un autel au Seigneur, pour invoquer son nom. Ce fut aussi auprès de
Béthel, que le Seigneur apparut à Jacob d'une manière si éclatante. Voici
comment : Ce Patriarche, étant sorti de Bersabée, s'en
alloit Ă Haran. Lorsqu'il
fut arrivé en un certain lieu, il résolut d'y passer la nuit, parce que le
soleil étoit déjà couché. Il prit une des pierres,
qui Ă©toient lĂ , et s'en faisant
un chevet, il s'endormit au mĂŞme lieu. Alors il vit en songe une Ă©chelle, dont
le pied étoit appuyé sur la terre, et le haut touchoit an ciel; et des anges de Dieu montoient
et descendoient le long de l'Ă©chelle. Il vit aussi le
Seigneur appuyé sur le haut de l'échelle, qui lui dit : Je suis le Seigneur, le
Dieu d'Abraham votre père et le Dieu d'Isaac : je vous donnerai, et à votre
race, la terre ou vous dormez. Votre postérité sera nombreuse comme la
poussière de la terre : vous vous étendrez à l'orient et à l'occident, au
septentrion et au midi; et toutes les nations do la terre seront bénies en vous
et dans votre race En 1527, Hector Boethius,
historien Ă©cossais, publie son Buik of the Croniclis of Scotland, dans lequel des Irlandais vont
chercher Ă Brigant en Espagne Symon
Brak (remarquons le prénom) apportant avec lui la
pierre de marbre qui servira de pierre du couronnement (appelée plus tard
Pierre de Scone après être exportée en Ecosse). Symon
Brak est fait roi d'Irlande Flauum Brigantium :
Compostela Le nom de Symon Brach est ailleurs donné comme "Breck,"
"Berech," "Brach,"
ou "Berach." Berach/Werach, de Berechiah, Berakha : bénédiction. Boethius ne parle pas de Jacob
mais d'un Claudius qui en latin a pour signification "boiteux",
handicap du frère d'Esaü blessé par l'ange au gué du Yabbocq. "inondation de sang humain" : Pluie de sang, en Espagne R. Moïse Deraï, originaire de
Fez (Maroc) se vit révéler en songe en 1122 que « la venue du Messie était
imminente » et qu'il viendrait rédimer Israël la veille du Pessah de la même
année Un homme pieux et éminent, un des sages d'Israël, connu
sous le nom de Mar Moïse Deraï, se rendit de Darca en Andalousie pour étudier la Tora auprès de Rabbi
Joseph Halévi, Ibn Magach.
Mar MoĂŻse revint ensuite au centre du
Maroc, c'est-à -dire dans la ville de Fès et le peuple se rassemblait autour de
lui, à cause de sa piété, de son éminence et de son enseignement. Il leur fit
connaître que le Messie s'était révélé et que son nom lui avait été communiqué
en rêve. Mais il ne prétendit pas être le Messie. Le peuple afflua vers lui et
crut Ă ses paroles. [...] Une fois il dit que cette semaine-lĂ tomberait une
pluie mêlée de sang. Parce que c'est un signe du Messie selon le verset : «Et
je ferai apparaître des prodiges au ciel et sur la terre : du sang, du feu et
des colonnes de fumée» (Joël 3, 3). C'était au cours du mois de Marechvan. Une pluie forte et abondante tomba cette
semaine-là et l'eau était rouge et trouble comme si elle était mélangée de
boue. Ce prodige démontra aux yeux de tous qu'il était sans aucun doute
prophète (Maïmonide) En avril 1149, selon les Annales de Tolède, une pluie de
sang tomba dans l'Andalousie, et l'almohade Abdel-Moumem,
maître absolu en Afrique, débarqua en Espagne. Toutes les villes le
reconnurent, depuis Séville jusqu'à Grenade; tous les Chrétiens qu'on y trouva
périrent par l'épée et le christianisme fut anéanti dans l'Andalousie. Le roi
mahométan de Murcie et de Valence refusa l'obéissance au conquérant, et se fit
vassal du roi d'Aragon; mais l'inépuisable Afrique envoya de nombreuses armées
contre les Chrétiens La conquête de Tortosa (1148)
et de Lérida (1149) par Raimond-Bérenger IV comte de Barcelone rouvrait, après
quatre siècles de domination musulmane, les routes historiques qui, par le
Sègre et l'Ebre, faisaient communiquer les Pyrénées centrales avec la
Méditerranée. Par les voies transpyrénéennes, val d'Aran
et bassin de la Noguera Pallaresa,
Cerdagne et vallée du Sègre, nombre d'hommes accoururent du Midi français pour repeupler Lérida : de
Toulouse, du Comminges, de Foix, de Tarascon, BĂ©ziers, Carcassonne, etc... La
charte de peuplement octroyée par Raimond-Bérenger IV leur y offrait de très
larges franchises; marchands, artisans, paysans s'y voyaient proposer de larges
débouchés neufs, des ateliers aux traditions techniques renommées, des terres
bien arrosées et fertiles. Par ces mêmes voies, dès le lendemain de la
reconquête chrétienne, commencèrent à cheminer des groupes de pèlerins en route
vers Saint-Jacques de Compostelle ; pour eux, hospices et chapelles se
fondèrent dans les bourgades les plus importantes Le pouvoir almoravide était en pleine décomposition,
offrant de belles perspectives de conquĂŞte; en France, Bernard de Clairvaux
prĂŞchait la seconde croisade. Alphonse VII, Raymond BĂ©renger IV et Garsias Ramirez unirent leurs forces contre la place
d'AlmerĂa qui tomba le 17 octobre 1147 "Mars En CarĂŞme" Ce proverbe exprime la ponctualitĂ©, attendu que mars se
trouve toujours compris dans le carĂŞme. Ce proverbe existe en espagnol, dans le
recueil du commandeur Fernand Nugnez : Nopuede mas faltarque marzo de quaresma : « Cela ne
peut manquer non plus que mars en caresme. » Observez
que Nugnez est mort en 1553, plus qu'octogénaire;
vous voyez à quelle date ce proverbe remonte Hernán Núñez de Toledo y
Guzmán, en latin Nonius Pincianus, (Valladolid, 1475
- Salamanque, 1553) fut un humaniste espagnol issu de l'illustre famille de
Guzman. Son nom latin de Pincianus dérive de Pintia, le nom latin de Valladolid. On a de lui des Notes
sur Sénèque, sur Pomponius Mela, sur Pline, et des
Commentaires sur Juan de Mena Nous serions bien en Espagne. Le "Mont Jovis" et la "seconde voie" : trembler Le chemin de Saint Jacques de Compostelle qui part de
Vézelay est le troisième dans la liste fournie par le Guide du Pèlerin et non
le deuxième. Mais "la jonction entre les chemins des Alpes et ceux des
Pyrénées avait lieu de façon privilégiée dans le Massif Central. Partant de
Lyon - relais historique des itinéraires en provenance de l'Orient et grand
marché financier et commercial - ou de plus au nord en Bourgogne, ces routes de
liaison par Clermont-Ferrand se rejoignaient aux alentours du Puy et
s'orientaient ensuite vers Toulouse et les cols du centre des Pyrénées."
Le chemin de Saint Jacques qui part du Puy est bien le deuxième du Guide. La Via Arverna, chemin
auvergnat vers Saint-Jacques de Compostelle, est un maillon d'un chemin plus
longuement étiré qui part d'Europe du Nord, Frise en particulier, rejoint
Vézelay en Bourgogne, d'où s'offre la possibilité pour rallier Compostelle
d'emprunter la Voie du Bourbonnais puis la Via Arverna
qui Ă son tour offrira Ă partir du Cantal plusieurs alternatives pour pour avancer vers Compostelle La voie, si ce n'est pas une erreur typographique pour la
voix, qui paraît plus conforme aux adjectifs tremblante et furibonde, qualifiée
de seconde pourrait correspondre à une route ou un chemin. L'hospice du Mont-Joux fut fondé au milieu du XIe siècle par l'archidiacre d'Aoste Bernard sur l'une des voies alpines les plus fréquentées, sinon la principale, entre l'Italie du Nord et les régions alémaniques. Pèlerins marchands, routiers de toute espèce, venus du carrefour bâlois et de Rhénanie par Lausanne et Vevey, ceux qui affluaient de Franche-Comté, et, par Genève, des pays de l'Ain et de la Saône, ceux de Savoie enfin, se réunissaient à Agaune et Martigny, avant de remonter le Val d 'Entremont, austère et serré entre Grand-Combin et Mont-Blanc, puis de redescendre sur Aoste et les plaines avenantes d'Italie du Nord. Une voie romaine, déjà , franchissait le passage, à 2 472 mètres d'altitude. Au col lui-même, les Romains avaient élevé un temple à Jupiter et un refuge pour les passants. L'hospice médiéval, qui supplanta bientôt la fondation plus ancienne de Bourg-Saint-Pierre, à 13 kilomètres au nord, apparaît, en 1125, dédié à saint Nicolas de Myre; l'archidiacre Bernard, bientôt canonisé (sa canonisation épiscopale eut lieu en 1123), fut dès 1149 associé à ce patronage, signe que son culte est bien établi à cette date (Raymond Oursel, Les pèlerins du Moyen-âge: les hommes, les chemins, les sanctuaires, 1963 - books.google.fr). L'hospice des chanoines augustins du G., sur le col du
Grand-Saint-Bernard, fait partie du diocèse de Sion et de la commune de
Bourg-Saint-Pierre « Trois colonnes nécessaires entre toutes au soutien des ses pauvres ont été établies par Dieu en ce monde »,
affirme (vers le milieu du XIIe siècle) le Guide du pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Ce sont « l'hospice de Jérusalem, l'hospice du Mont-Joux et l'hospice de
Sainte-Catherine sur le Somport. Ces hospices ont été installés à des
emplacements où ils étaient nécessaires ; ce sont des lieux sacrés, des maisons
de Dieu pour le réconfort des saints pèlerins, le repos des indigents, la
consolation des malades, le salut des morts, l'aide aux vivants. Ceux qui
auront édifié ces saintes maisons posséderont, sans nul doute, quels qu'ils
soient, le royaume de Dieu ». (Le guide du pèlerin de
Saint-Jacques-de-Compostelle, J. Vielliard Ă©d. et
trad., Mâcon, 1938, p. 10-11). Si son existence est attestée dès 1125 (dans une charte
du comte Amédée III de Maurienne), il est tout d'abord dédié à saint Nicolas (dont
le nom se rencontre fréquemment le long des chemins qui mènent à Rome). En
1145, une bulle du pape Eugène III mentionne la prĂ©sence d'un hospice dĂ©diĂ© Ă
Bernard au sommet du futur Petit-Saint-Bernard. La première apparition du nom
de saint Bernard au col du Mont-Joux se trouve dans une charte de la comtesse
de Loritello datée du 12 avril 1149. En 1177, le pape
Alexandre III prend sous sa protection l'hospice de Saint-Nicolas et de
Saint-Bernard du Mont-Joux (hospitalis sanctorum Nicolai et Bernardi Montis Jovis) et confirme ses possessions C'est au XIIIe siècle, dans ce Moyen Age bien entamé
désormais, que se constitue et se consolide le plan à peu près définitif du
réseau routier européen. Destiné à persister jusqu'au seuil de la révolution
industrielle, il est centré sur un axe idéal qui relie entre elles les grandes
concentrations de Saint-Jacques de Compostelle d'une part, dernière frontière
vers l'Occident; Jérusalem d'autre part, en tant que référence de l'Orient
originel. Rome enfin, centre de la chrétienté aux sens religieux et culturel.
Les itinéraires qui se tressaient entre ces pôles étaient complexes et parfois
variaient, soit en raison d'obstacles naturels dont il fallait tenir compte,
tels que les grands monts des Alpes et des Pyrénées ou les routes maritimes
périlleuses, soit parce que d'un voyage à l'autre, le cadre des événements
politiques et militaires avait changé et créait la menace de dangers
directement occasionnés par les hommes. Ainsi en dépit du déclin de la présence
islamique depuis le Xe siècle, les routes qui menaient à Saint-Jacques de
Compostelle se tenaient bien au nord de la Péninsule ibérique. Pour franchir
les Pyrénées, elles empruntaient les cols les plus proches de la côte
atlantique, au cœur du Pays Basque, dont le plus fréquenté fut sans nul doute
le col de Roncevaux. On recourait moins souvent aux cols situés plus à l'est
bien que celui de Somport et de la région d'Andorre fussent relativement actifs
dans la mesure oĂą ils aboutissaient Ă des concentrations importantes sur le
versant français. Ensuite, juste à l'ouest de Pampelune, les routes auxquelles
ils donnaient naissance se rassemblaient Ă partir de Puente-la-Reina,
une voie unique - sauf quelques petites variantes - conduisait vers Burgos,
LĂ©on, Astorga, le col du Cerredo, Lugo, et
Saint-Jacques de Compostelle. Cet axe a non seulement connu le flot mouvant des
pèlerins depuis le Xe siècle, mais il constituait également la voie principale
de liaison entre l'Espagne latine et le reste de l'Europe des points de vue
administratif, commercial et culturel. En France, le système routier se complexifie
et s'élabore en un réseau double, d'un côté tourné vers le chemin de
Saint-Jacques de Compostelle et de l'autre, vers les vallées alpines sur la
route de Rome. De plus, il accueille des cĂ´tes septentrionales le flux en
provenance des Iles Britanniques via les abords du golfe de Biscaye (La
Rochelle), de la Manche (Mont- Saint-Michel) et du Pas de Calais3. En direction
de Rome, au contraire, les routes avaient comme objectif intermédiaire quelques
cols alpins obligés, relativement inaccessibles. Parmi eux, les plus empruntés
depuis toujours étaient le Mont Cenis qui assurait une communication plus aisée
avec le centre et l'ouest et le Grand Saint-Bernard qui réunissait de manière
plus directe les routes du nord Ă travers la rĂ©gion du LĂ©man. Parallèlement Ă
ces cols principaux, suivant les Ă©poques, quelques autres passages furent plus
ou moins Ă l'honneur dans les Alpes Maritimes et Cottiennes
(Tende, Argentière, Maddalena ou Larche), le Mont Genèvre, le Petit
Saint-Bernard et surtout le Simplon qui constituait une alternative au Grand
Saint-Bernard par la vallée de Sion et débouchait vers Milan sans détour. La
jonction entre les chemins des Alpes et ceux des Pyrénées avait lieu de façon
privilégiée dans le Massif Central. Partant de Lyon — relais historique des itinéraires
en provenance de l'Orient et grand marché financier et commercial — ou de plus
au nord en Bourgogne, ces routes de liaison par Clermont-Ferrand se
rejoignaient aux alentours du Puy et s'orientaient ensuite vers Toulouse et les
cols du centre des Pyrénées. La première d'entre elles porte le nom de Voie Bolena, la seconde celui de Voie Regordana.
Il vint se joindre à ces itinéraires centraux et plus anciens, un parcours transversal
et plus au sud qui connut un succès accru lors du séjour des Papes en Avignon.
Cette route avait pour référence le col alpin du Mont Genèvre, parcourait la
Provence centrale et le Languedoc, rejoignait la région catalane historique qui
comprenait le Roussillon et une partie de l'Ariège, pour continuer directement
vers Barcelone ou alors reprendre la direction du Pays Basque en passant par
Toulouse La deuxième croisade (1147-1149) prêchée par Bernard de
Clairvaux Ă VĂ©zelay en 1146 suscite aussi un vif engouement, surtout en France
du nord, d'autant qu'elle est conduite par le roi Louis VII lui-mĂŞme. Tout au
long du XIIe siècle, les départs pour l'Espagne restent par ailleurs nombreux.
À l'est, le comte de Barcelone mobilise fréquemment ses fidèles du Midi
languedocien et provençal. En 1115-1116 par exemple, pour l'expédition qu'il
mène contre Majorque, encore musulmane, il bénéficie du soutien de Guillaume de
Montpellier, du vicomte de Narbonne Amaury, des Arlésiens Raimond Sacristain
Porcelet et Raimond de Baux. Les seigneurs de Montpellier deviennent des
habitués des campagnes barcelonaises contre les musulmans d'Espagne. En 1148,
juste après la prise de Tortosa, Guillaume VII semble
même avoir reçu la cité en fief du comte Raimond Bérenger IV. À l'ouest, ce
sont plutĂ´t des Francs du nord, Normands, Bourguignons et Poitevins, qui
combattent aux côtés des rois d'Aragon, de Castille et de Portugal. Grâce à saint Bernard les scènes d'enthousiasme qui
s'étaient déroulées Clermont lors de la première croisade se reproduisirent
VĂ©zelay; c'est ainsi que Bernard peut Ă©crire au pape au lendemain de
l'assemblée : "J'ai ouvert la bouche, j'ai parlé, et aussitôt les croisés
se sont multipliés à l'infini. Les villages et les bourgs sont déserts. Vous
trouveriez difficilement un homme contre sept femmes. On ne voit partout que
des veuves dont les maris sont encore vivants". Bernard, dont l'Ă©loquence
est persuasive, peut vaincre les résistances des féodaux ; l'Europe entière se
dirige vers l'Orient ; l'islamisme est attaqué à l'est par les Français et les
Allemands et à l'ouest par la flotte anglaise et les Flamands ; de leur côté, les
Allemands combattent le paganisme slave. C'est en raison de la prédication, des
lettres et des circulaires de saint Bernard que la chrétienté se dirige non
seulement vers la Terre sainte mais contre les Slaves le long de l'Elbe, et
contre les musulmans au Portugal. Lors du départ des croisés, Bernard écrivait
: « Le monde tremble et s'agite parce que le roi du ciel a perdu sa terre, la
terre oĂą jadis ses pieds se sont posĂ©s ! Les ennemis de la croix se disposent Ă
profaner les lieux consacrés par le sang du Christ ; ils lèvent les mains vers
la montagne de Sion, et si le Seigneur ne veille, le jour est proche oĂą ils se
précipiteront sur la cité du Dieu vivant » Bernard énumère, dans le sermon 67 sur le Cantique, des
émissions sonores humaines beaucoup plus spontanées. C'est de l'expression vocale
des sentiments que rĂ©sulte cette typologie de sons dont la production Ă©chappe Ă
la volonté et qui constituent l'équivalent d'un acte réflexe : "Les
sentiments ont leur accent propre par lequel ils se découvrent, même sans le
vouloir. La crainte, par exemple, rend la voix tremblante, la douleur la rend
gémissante, l'amour la rend enjouée" "Furibonde" : en
colère Furibond est de la même racine que fureur. L'oeuvre de l'Arioste, le Roland Furieux, met en relation le
mot avec la croisade et les Pyrénées. L'apport décisif de Marsile Ficin à la psychologie de
l'art et la pièce maîtresse de son enseignement consistent
en la notion de fureur divine (furor divinus), « une sorte d'illumination de l'âme raisonnable
par laquelle Dieu relève l'âme qui a glissé au monde inférieur et l'attire au
supérieur ». Dans le système de Ficin, il y a une hiérarchie de quatre espèces
de fureur divine, la plus basse Ă©tant celle de l'art (furor
poeticus) suivie par celles des mystères, de la
prophétie et, finalement, de l'amour sacré La Deffence associe la
conception du poème héroïque à des enjeux plus vastes que des questions
strictement linguistiques. En tĂ©moigne l’exemple moderne que cite Du Bellay Ă
côté des deux modèles antiques que sont Homère et Virgile : l’Arioste. Ce choix
peut surprendre car le rapport de l’Arioste aux formes classiques est assez
lâche. Mais, aux yeux de Du Bellay, l’auteur italien a fait ce qu’un Français
aurait dĂ» penser Ă faire : adapter des mythes nationaux dans le cadre des
modèles antiques. Fût-ce pour broder dessus avec une complète fantaisie, comme
Ronsard et Peletier le lui reprocheront. Mais le début, par exemple, est une
variation sur le «Arma virumque cano» de l’Enéide : «Je chante les Dames, les Chevaliers, les Armes, les Amours,
les Courtoysies, les audacieuses entreprises, qui
furent faictes au temps, que les Mores passerent la mer d’Aphrique, et feirent si grand nuisance à France, fuyant l’ire, les
juvéniles fureurs, d’Agramante leur Roy, qui s’était
vanté de venger la mort de Troian sur le Roy Charles,
Empereur Romain.» (Roland furieux, composé premièrement en ryme
thuscane par messire Loys
Arioste,... et maintenant traduict en prose françoise par Jean Martin, publié par Jean Des Gouttes chez
Sulpice Sabon, pour Jehan Thellusson,
Lyon, 1544, p. 1). Le premier chant inscrit le poème dans la geste
carolingienne et place au centre du récit les aventures du Sarrasin Roger, dont
les amours avec la guerrière chrétienne Bradamante
sont censés avoir donné naissance à la dynastie des Este (Anne Carrols, De l'ode à la pastorale : formes de la célébration
politique en France (1549-1572)). Le choix de Cassandre comme figure inspiratrice des
Amours est aussi dicté par une autre particularité du texte de Lycophron. En
bon lecteur de Pétrarque (« quand je soulois en ma
jeunesse lire Du Florentin les lamentables vois ») (216), le poète des Amours
de 1552-1553 connaissait en effet sans nul doute la « canzone » 28 que le Canzoniere adresse « à Giacomo Della
Colonna pour l'exhorter à prendre part à la croisade ». Comme dans le sonnet
précédent « Sur Philippe de Valois et la croisade » (No 27), Pétrarque félicite
les « Rois très-chétiens » issus de la dynastie des
Valois d'avoir assuré la victoire de l'Occident sur l'Orient (que la chanson
identifie à Babylone) comme les Grecs l'avaient fait autrefois en détruisant
l'armée de Xerxès sur l'Hellespont ou à Salamine. Or, Ronsard pouvait sans
peine retrouver dans cette invitation Ă la croisade une des innovations les
plus significatives que l'Alexandra introduit par rapport Ă la tradition : la
Cassandre de Lycophron ne prophétise pas seulement la chute de Troie mais aussi
toute l'histoire des guerres opposant l'Asie et l'Europe jusqu'Ă Alexandre le
Grand, voire jusqu'à la domination de Rome (en tant que parente d'Énée, Ennius
dans son Alexander, puis Virgile dans l'Énéide feront en conséquence de
Cassandre une figure tutélaire de l'imperium romain ou, comme l'on disait au
seizième siècle, de la « monarchie universelle »). Cette généalogie dynastique
que, par une métaphysique de la « fureur » propre au néo-platonisme sombre dans
les contradictions et les angoisses de la sexualité, de la mort et des possessions
diaboliques La fille et ses
deux enfants : Dinah, Aseneth
et Shaul Le destin de Dinah tout Ă fait
singulier – elle est violée par un étranger et ses frères pour la venger tuent
son mari et tous les hommes de sa tribu après les avoir affaiblis en les «
circoncisant » sous prétexte de les faire leurs – est rapporté dans la Genèse
(XXIV). Curieusement « les infortunes de Dinah » ont
servi à la composition de traités de gynécologie juive médiévale destinés aux
sages-femmes sous forme de questions-réponses entre Jacob, son père, détenteur
de ce savoir, et Dinah, la languissante, la stérile
qui pose les questions. Ayant enfin reçu ce savoir sur les femmes et toute leur
nature, elle se marie et trouve la fécondité. À ce genre appartient le Sefer
ha-Toledet, ou Sefer Dinah,
rédigé en judéo-arabe (Ron Barkaï, 1991 : 128). Biale (1997) fait une lecture un peu réductrice de la
vengeance des frères de Dinah en la ramenant à la
seule question du mariage mixte On lit au chapitre 38 des Pirkei
de rabbi Eliezer (Extraits de R. Eliézer), ouvrage midrachique rédigé probablement au VIIIe siècle de n.è., mais placé sous l'autorité d'un célèbre tana (Sage de la Mishna) de la 2e génération (vers 80-110
de n.è.), Eliézer ben Hyrkanos, que la femme de Joseph, fils de Rachel et de
Jacob, Aséneth (Ashnat)
n'est pas la fille d'un prĂŞtre paĂŻen. Elle est l'enfant de Dina, fille de
Jacob, violée par Sichem, fils de Hamor le Hivvite. Le Midrash prolonge le récit biblique qui nous dit
seulement comment Siméon et Lévi ont vengé leur sœur déshonorée (Gen. 34, 25-29). Dina s'est trouvée enceinte des œuvres de
Sichem. Elle met au monde une petite fille qu'un aigle (ou l'archange Michel)
transporte aussitôt en Egypte et dépose sur l'autel héliopolitain. Le prêtre
Poti-Phéra, Pentéphrès du
roman, et sa femme recueillent l'enfant et l'élèvent comme leur propre fille.
On connaît la suite Hence it
is written (Genèse 46,10),
And the sons of Simeon, Jemuel, and Jamin, and Ohad, and Jachin, and Zohar, and Shaul the
son of a Canaanitish woman (Gen. XLVI, 10): (this
means, the son of [744] Dinah who was intimate with a Canaanite). R. Judah
said: It means that she acted in the manner of the Canaanites. R. Nehemiah
said: It means that she was intimate with a Hivite [Shechem] who is included in the Canaanites. The Rabbis
said: [She was so called because] Simeon took and buried her in the land of
Canaan (Midrash Rabba Genesis) Faire de Dinah la femme de son
frère Siméon serait effacer la trace d'un mariage
exogame. De mĂŞme, en faisant de l'Ă©gyptienne Aseneth la
fille de Dinah mais toutefois aussi de Sichem
(Légendes des Juifs II,38). The
borderline between brother and foreigner is not as clear as it appears. The
twelve sons of Jacob are supposed to form the identity of an Israelite
brotherhood. They are to be separated from foreigners, both Canaanites and
Egyptians. Intermarriage with foreigners is undesirable (if not forbidden).
Abraham and Isaac both avoid intermarriage of their sons with foreign wives
(24.3; 28.2). The genealogy of Jacob in 46.8-27 can be examined to see whether
the attempt to avoid intermarriage is successful or not. The genealogy records
Jacob's family of 70 who move to Egypt and form the beginning of the Israelite
people. At first glance, it lists only three members as children from
intermarriage. They are Shaul, Manasseh and Ephraim. Shaul is the son of Simeon by a Canaanite woman (46.10).
The other two are the sons of Joseph by an Egyptian wife. But only one of the
five sons of Simeon is recorded as being born of a foreign woman. Joseph is
sold into Egypt and is forced to take a foreign wife. Jacob later adopts
Joseph's two sons as his own and that seems to remedy the situation. The
avoidance of intermarriage seems to be successful. The cases of Simeon and Joseph
can be seen as an exception, a minor corruption of the Israelite people by
foreigners According
to both Genesis 46 and I Chronicles, the “kosher” half of Israel wasn't pure,
either. Simeon had a son, Shaul, by “a Canaanitish woman” (Gen. 46: 8) and the tribe seems to have
made marriages with several of the surrounding peoples. The tribe of Simeon
subsequently disappeared within the boundaries of Judah, which, as noted above,
contained more non-Israelite elements than all the other tribes combined.
Manasseh had Asriel by an Aramean concubine (I Chron.
8:14). Judah had a Canaanite wife and of his descendants
one married Bithiah, another (!) daughter of Pharaoh;
the Simeonites had extensive marital connections with
Edomites, Moabites and Midianites. It hardly matters
whether Chronicles is history or just story. Its editors/writers would hardly
chronicle such extensive intermarriage if a) such were not the memories passed
on to them and b) such unions were already beyond the pale Pourquoi l'auteur-rédacteur des Actes des Apôtres a-t-il introduit ce nouveau nom, Saul, au lieu de s'en
tenir Ă Paul tout au long, d'autant plus que l'apĂ´tre lui-mĂŞme ne semble pas
avoir aimé ce nom-là ? La réponse incontournable est celle qui saute aux yeux :
c'est que dans la tradition chrétienne, il était bien établi que Paul avait un
autre nom, et ce nom réel était bien connu. Le roi Saul était l'équivalent du
saint patron de la tribu de Benjamin, dont notre apĂ´tre Ă©tait fier, disait-il,
de faire partie (Rm 11,1 et Ph 3,5). Donc, en
admettant que la forme grecque du nom hébreu était Saulos,
quel Ă©tait son contexte social? C'Ă©tait peut-ĂŞtre l'un des deux premiers noms
de Paul, un peu comme le premier et le deuxième nom dans le système européen moderne
d'attribution des noms. C'est possible, mais on a présenté un meilleur argument
qui propose d'y voir un nom alternatif, faisant partie d'un double système
d'appellation. La situation serait analogue au système à deux noms utilisé dans
les sociétés colonisées, où l'on se sert d'un nom pour la vie publique et d'un
nom ethnique pour la famille et le clan. On aurait donc ici un nom gentil et un
nom «juif», chacun devant être utilisédans des situations
différentes. De cette façon, une famille gardait vivants à la fois sa position
dans la vie publique et son héritage culturel. Le roi Saul avait été le premier
roi d'Israël. Et Saul (Shaoul) était le nom du
fondateur de l'un des clans de la tribu de Siméon (Gn
46,10 ; Ex 6,15). Ce Saul était le fils d'une femme cananéenne et d'un père
israélite, d'où la convenance particulière de ce nom pour désigner un fidèle de
Yahvé dont la vie se déroulait au carrefour de deux mondes culturels. On
aimerait donc savoir pourquoi l'apĂ´tre n'emploie pas ce nom quand il
s'identifie dans ses lettres. [...] La meilleure réponse est celle, d'une parfaite
simplicité, proposée par T. J. Leary: «Saulos», en dépit de son origine hébraïque, avait, dans
l'argot grec démotique, un sens avec lequel l'apôtre n'aurait pas pu vivre. «Saulos» signifiait «cul-de-pute», une référence à la
démarche ondulante des prostitués. Étant donné sa condamnation catégorique de
l'homosexualité, on pouvait difficilement s'attendre à ce que l'apôtre accepte
un nom qui l'aurait identifié aux postérieurs des
jeunes prostitués et personnages efféminés. Sa dignité pouvait supporter les
jeux de mots autour du nom Paulos - petit gars, bas
sur pattes, et autres choses du genre - mais Saulos,
jamais D'autres textes juifs donneront Dinah
comme femme à Job avec une génération de 7 fils et de 3 filles. Si on écarte cette seconde union de Job, Dinah a deux enfants, Aseneth de
Sichem et Shaul de Siméon. "par la conservation de l 'Eglise" : Dinah,
type de l'Eglise Cæterum, secundum
superiorem explanationem, Dina Ecclesiam
significat, diabolo copulatam per gentilitatem ante baptismum, sive post baptismum per crimina : quam vindicant pater et fratres ejus, id est, Christus et apostoli,
vindicantes Ecclesiam, quæ est soror apostolorum.
Dina autem
per dolum vindicatur : sic Ecclesia a Christo super diabolum
per dolum vindicatur. Duæ autem vindictæ
a Sichem sumuntur, nempe circumcisio et occisio :
sic bina fuit vindicta diabolo, id est, in praesenti et in futuro, sic et peccatoribus. Quod
autem die tertia sumpta est
vindicta de Sichem, significat vindictam tertia lege in diabolum et in peccatores. Aliter Dina significat animam uniuscujusque peccatoris, vel hominis ineuntis conjugium cum hæretico, quam vindicant Christus et doctores. Alii
autem dicunt hanc vindictam, quæ facta est
a Simeone et Levi, Domino non displicere : quod in hoc ostenditur, quia liberati sunt de manu inimicorum suorum : sive quod legem Dei, et circumcisionem vindicaverunt, eo quod vim fecit circumcisus super illam quæ de circumcisione
fuerat. Aliter hoc Domino displicuit,
dum Sichem et pater illius
ab Jacob circumcisionem acceperunt,
sed tamen Simeon et Levi pro merito patris illorum sanati sunt "Par la
confirmation de l'Eglise" : défenses des mariages mixtes Sichem est un non juif, "infidèle" donc, et son
mariage est exogame avec Dinah, contrairement Ă
celui, incestueux, avec Siméon. Alors qu'un mariage exogame introduit dans le groupe une
femme étrangère dont la fidélité est incertaine, le mariage avec le cousin paternel
garde la fille sous le contrôle de sa famille immédiate, ce qui assure sa
fidélité et par conséquent préserve l'honneur de son père (Granqvist,
1931, Antoun, 1968). En outre, la femme qui Ă©pouse le
« quasi-frère » auquel elle est destinée depuis sa naissance jouit de beaucoup
d'égards, alors que l'exogamie, du fait du principe de patrilocalité,
« sépare cruellement la jeune fille de l'unique milieu qu'elle connaisse » (Tillion, 1966). La répudiation d'une cousine est très
difficile, voire impossible et les relations avec la belle-mère,
traditionnellement conflictuelles, bénéficient de l'existence d'une communauté
d'intérêts et de la connaissance ancienne des deux parties (Breteau,
1981) Sans les déclarer nuls, le concile de Trente avait
interdit les mariages entre catholiques et «hérétiques». Les statuts synodaux
français ont souvent rappelé cette défense. Une prohibition symétrique avait
été édictée par les synodes nationaux protestants. Mais des dérogations étaient
accordées. Du côté catholique, la possibilité de dispense fut admise. Celles-ci
étaient réservées au pape, qui pouvait en déléguer l'octroi à des évêques. La
dispense, en général, exigeait l'abjuration du conjoint hérétique. Des mariages
mixtes, on disait «bigarrés», furent célébrés dans ces conditions. Mais, sur
la demande du clergé, un édit de novembre 1680 «portant que les catholiques ne
pouvaient contracter mariage avec les religionnaires», vint ajouter la
prohibition du pouvoir aux réticences des Églises. Célébrer une telle union
violait désormais les lois de l'État. Le mariage serait nul et les enfants
tenus pour illégitimes. Bien que l'édit fît référence aux « canons des conciles
condamnant ces mariages [...] comme un scandale public et une profanation du
sacrement», il dépassait les dispositions tridentines pour lesquelles il n'y avait
empêchement dirimant qu'en cas de mariage avec un «infidèle» Les sectes du
XIIème siècle en Europe Il se manifeste dans toute l'histoire de l'Église, jusque vers la fin du moyen âge, une succession non interrompue de doctrines et de sectes gnostique-manichéennes. Outre les Manichéens, les Marcionites, dont Théodoret trouva encore un grand nombre dans son diocèse, paraissent avoir existé longtemps, surtout en Syrie. Cette secte avait très-probablement donné lieu aux Pauliciens, qui ne prirent sans doute pas ce nom des fondateurs ou des premiers chefs de la secte - peut-être les deux frères Paul et Jean, fils de Callinique, femme qui professait le Manichéisme - mais plutôt de l'apôtre saint Paul, dont ils crurent devoir suivre les dogmes opposés à ceux des autres Apôtres et surtout de saint Pierre, et des disciples duquel ils empruntèrent les noms de leurs chefs, de même qu'ils donnèrent aussi à leurs communautés les noms des églises que saint Paul avait autrefois fondées ou administrées. Le fondateur de cette secte fut un syrien gnostique (probablement Marcionite) nommé Constantin (Sylvain) qui, entre les années 657 et 684, réussit à répandre ses principes au loin, de Cibossa en Arménie, où il demeurait. L'empereur envoya un certain Siméon qui le fit arrêter et lapider par ses propres disciples; mais bientôt Siméon se réunit lui-même à la secte et en devint le chef sous le nom de Titus (Ignaz von Döllinger, Histoire de l'Église, traduit par Ph. Bernard, 1841 - books.google.fr). Le terme de Romanie n'exprime pas une réalité
géographique bien définie et se retrouve en Romagne (ancien exarchat byzantin
de Ravenne), en Roumélie bulgare et, bien entendu, en Roumanie. Il est partout
étroitement lié au souvenir d'une présence romaine, vivace surtout dans les
couches populaires. À la fin de l'Empire, au IVe siècle, les habitants proclamaient
volontiers leur appartenance à la Romania, forme populaire désignant l'orbis romanus par opposition à la
Gothia barbare. Après la division (395) en Empire
d'Occident et en Empire d'Orient, la puissance impériale continua d'exister en
Orient, tirant sa force des traditions œcuméniques héritées de la Rome antique : l'Empire d'Orient fut donc la Romania, terme déjà courant chez saint Athanase
et saint Épiphane. Les sujets de cet Empire s'intitulaient eux-mêmes Romains,
librement soumis au basileus des Romains (basileus tĂ´n
Romaiôn) qui résidait dans la Nouvelle Rome, édifiée
par Constantin sur le site de l'antique Byzance. De fait, l'Empire dont Constantinople
est le centre va rester, malgré ses amputations territoriales, la Romanie
authentique. Les envahisseurs turcs respectent le terme en créant, sous les
Seldjoukides, le sultanat de Rûm en Asie Mineure
(Freddy Thiriet) L'acculturation bulgare Ă l'orthodoxie provoqua le rejet
d'une partie de la population, sensible à la prédication d'un prêtre, Bogomil, d'où le nom de l'hérésie qui critiquait
vigoureusement le clergé officiel. Leurs adversaires orthodoxes assimilent les
Bogomiles à des hérétiques dualistes; il est possible qu'ils aient été
influencés par des Pauliciens, transférés en grand nombre vers la Thrace, après
la chute de Téphriké, leur capitale Cette hérésie, inspirée de celle des Pauliciens, fut
prêchée en Bulgarie par le pope Bogomil au temps du
tzar Pierre (927-969), elle enseignait le mépris de l'Eglise officielle et
l'inutilité de ses sacrements. Le bogomilisme pénétra ensuite à Constantinople
et dans le reste des Balkans. Nous voici aux origines de l'aventure cathare.
L'hérésie fut propagée en Occident, depuis la péninsule balkanique, par des
missionnaires et des marchands. Les hommes revenus de la deuxième croisade
furent d'excellents propagandistes. A partir de 1150 environ, l'hérésie
nouvelle se répandit très rapidement dans le Nord de la France et les pays
rhénans, de même que dans les régions méridionales. Ses adeptes sont désignés
dans les textes sous des noms fort divers : Patarins en Lombardie, Cathares Ă
Cologne, Piphles en Flandre, texerands,
c'est-Ă -dire tisserands, en Champagne, Poplicains
aussi en Champagne et dans la province de Sens, bons hommes et Ariens dans le
Midi. Le terme de texerand n'a rien qui doive
étonner. L'hérésie a particulièrement gagné les gens de condition modeste, les
artisans, or la grande industrie de l'époque était l'industrie textile La seconde : Léa ou la Synagogue A la fin de l'extrait présenté ici, on a "que la seconde sera receüe par deux peuples, par le premier obstiné par celuy qui a eu puissance sur
tous, par le deuxiesme & par le tiers qui estêdra ses forces vers le circuit de l'Oriêt de l'Europe aux pannons l'a profligé". On rattache "la seconde" aux "pannons". Il y a dans le texte biblique plusieurs détails qui ont
incité à faire des deux sœurs la figure de la Synagogue et de l'Église : l'antériorité
du mariage avec LĂ©a, la chronologie de la naissance des enfants de part et
d'autre, ainsi que l'antithèse entre la beauté de Rachel, «belle à voir et
charmante à regarder» et les yeux malades de Léa (Gn
29, 17, LXX). Pour Origène, suivi par Victorin de Poetovio
et Cyrille d'Alexandrie, Léa représente le peuple juif, parce qu'elle est
l'aînée et engendre la première de nombreux enfants, tandis que la
cadette, qui est longtemps demeurée stérile, désigne l'Église. Citons Isidore de Séville qui résume cette tradition : «Le martyr Victorin et les autres ont vu en Léa et Rachel une image de
l'Église et de la Synagogue. Ils pensent en effet que l'aînée, Léa, fut un type
de la Synagogue parce qu'elle fut la première Ă Â
engendrer le peuple de Dieu [...]. Quant Ă Rachel, la cadette, qui est
belle, d'abord stérile, puis féconde, elle est l'image de l'Église [...]. Aussi
longtemps que la Synagogue engendrait le peuple, elle fut stérile» Il semble que Nostradamus parle des peuples du
Septentrion qui envahirent l'Europe de l'Est et la Russie. A la mĂŞme Ă©poque les
Khazars se convertirent au judaĂŻsme : apparemment le "premier",
"deuxième" et "tiers" sont les trois frères nés de Léa
identifiée à la Synagogue. Les Khazars sont notamment connus pour la conversion de
la dynastie régnante et de la caste noble au judaïsme. Ils étaient
originellement de religion tengriste, mais font
l'objet d'un prosélytisme chrétien, plus de l'Arménie et de l'Albanie que de
Byzance, ainsi que d'une pression musulmane, avec des conversions de la
population lors des invasions omeyyades. Le bouddhisme exerce Ă©galement une
certaine influence. Elle se serait faite en deux phases, la première autour de
735. Les premiers contacts avec le judaĂŻsme auraient eu lieu avec des marchands
juifs venus de Byzance, ou par le biais des populations de Crimée. Elle est
généralement expliquée par un choix stratégique des élites khazares,
leur permettant d'échapper à l'influence islamique et à l'influence chrétienne
de leurs puissants voisins arabes et byzantins. Les Byzantins ménagèrent l'Empire khazar qui les
protégeait des envahisseurs vikings et arabes, si bien que leur empereur Constantin
V Ă©pousa une princesse khazare, dont le fils LĂ©on IV
fut surnommé Léon le Khazar. Leurs armées furent renforcées au cours des VIIIe siècle et IXe siècle par des nomades de la steppe,
en particulier des Pétchenègues. Ceux-ci devinrent
plus puissants que les Khazars, qui ne purent les empĂŞcher de franchir la Volga
et de s'installer en 889 entre le Don et le Dniepr; puis, en 895 de conquérir
le royaume magyar de l'Etelköz. De manière générale,
les Khazars protégèrent Byzance et leurs populations sujettes contre les
expéditions de pillage des Varègues, lancées le long des grands fleuves, et
contre les expéditions arabes qui tentaient de contourner la mer Caspienne La Pannonie, ancien nom de la Hongrie, serait citée par
"aux pannons" : Un empire florissant qui vécut du VIIe au Xe siècle ne
peut disparaître totalement sans laisser de traces. À l’heure actuelle, outre
son apport à la culture ashkénaze, la majorité des traces de cet empire restent
liĂ©es Ă l’histoire et Ă la culture russe et hongroise, grâce notamment Ă
l'influence des Kabars, nom de trois tribus khazares s'étant allié aux Magyars au IXe siècle pour
conquérir et fonder ce qui allait devenir le royaume de Hongrie "Trinacrie Adriatique" : Corfou La Trinacrie est l'ancien nom de la Sicile, mais l'adjonction de "adriatique" fait penser à une autre île. Corfou, pendant des siècles, joua le rôle d'un portier de l'Adriatique (Histoire de l'Adriatique, Pierre Cabanes, 2001 - books.google.fr). Les habitants de l'île de Corcyre, les Corcyréens, aimoient beaucoup la navigation & les jeux d'exercice. Leur principale ville portoit le même nom que l'isle. Il y avoit encore Ptychia, Cassiope & le temple de Jupiter Catlien, sans parler de trois promontoires, que Ptolémée appelle Leucimma, Amphipagus & Phalacrum. Cette isle prend aujourd'hui le nom de Corfou (L'Encyclopédie, Tome III, 1775 - books.google.fr). Contre les Sarrasins, la flotte vénitienne aurait aidé les empereurs de Théophile à Léon VI (842-912), notamment lors des campagnes du général Nicétas Oryphas. Elle aurait même permis à l'île d'éviter d'être conquise par les Sarrasins après leur victoire contre l'empereur Otton II à la bataille du cap Colonne, près de Crotone, en 982. En mai 1081, Robert Guiscard, en route vers Constantinople avec 1300 chevaliers et plusieurs milliers de fantassins, s'empara de Corcyre. En 1084, une flotte vénitienne reprit Corcyre. L'île fut à nouveau conquise par les Normands, menés cette fois par Roger II de Sicile en 1147. Manuel Ier Comnène la libéra après un long siège lors de l'hiver 1148-1149 (fr.wikipedia.org - Histoire de Corfou). ...delaissant le 50. & 52. degrez de hauteur, — & feront tous hommage des religions loingtaines aux regions de l'Europe & de Septentrion de 48. degrez d'hauteur, qui premier par vaine timidité tremblera, puis les plus occidentaux, meridionaux & orientaux trembleront, — telle sera leur puissance, que ce qui se fera pas concorde & vnion insuperable des conquestes belliques. Selon les tables de Ptolémée, la Normandie se trouve au parallèle 51, entre 50 et 52, Paris au 48 et Londres au 54 (Jean Pierre de Mesmes, Les Institutions astronomiques, Michel de Vascosan, demeurant en la rue s. Iaques, a l'enseigne de la fontaine, 1557 - books.google.fr). On pourrait voir une allusion aux invasions des Vikings qui font trembler Paris ("48 degrés"), qui s'installent en Normandie et qui essaiment dans la Méditerranée conquérant la Sicile dont Frédéric II de Hohenstauffen, un de leurs descendants, sera roi. Généalogie des Eglises Le XVIe siècle voit donc apparaître une recherche d'ancêtres du protestantisme, pour nier la nouveauté du mouvement :
Flacius Illyricus dans son Catalogus testium veritatis qui ante nostram aetatem Pontifici Romano ejusque erroribus reclamaverunt de 1556 et ses Centuries de Magdebourg (1559-1574); Jean Crespin avec son Livre des
Martyrs de 1554 où l'on trouve après les persécutuions exercées par les Romains, les Ariens, les Perses et "sous Mahomet", celles qui touchent les hérétiques du Moyen Âge, comme les Vaudois, les Cathares, Wyclif, Jean Hus,
Jérôme de Prague etc. Mais cela aboutit peu à peu à une véritable histoire alternative du christianisme. L'Histoire ecclésiastique des Églises réformées montre comment la vérité s'est manifestée à plusieurs reprises, chez
les Vaudois, les Albigeois, Wyclif, Jean Hus, Reuchlin, etc., mais sans qu'il y ait de lien explicite entre les témoins de la vérité des XIVe - XVe siècles et ceux du siècle suivant. En 1599, en revanche,
Philippe de Marnix fait un ample tableau du christianisme dans le monde, ce qui lui permet d'énumérer les témoins de la vérité occidentaux et de montrer comment les
Vaudois se sont répandus dans toute la chrétienté, donnant naissance entre autres aux hussites, qui se sont maintenus jusqu'à Luther. Un lien est ainsi établi entre tous les mouvements réformateurs Le protestantisme, à sa naissance, avait senti le besoin de se créer une généalogie qui le rattachât aux temps apostoliques,
et justifiât en lui l'accomplissement des promesses d'infaillibilité laissées par le Sauveur à son Église. Aussi alla-t-il remuant les pierres de toutes les ruines et de toutes les sépultures,
interrogeant les morts et les institutions éteintes, se faisant une famille des hérésies de tous les temps, cherchant les plus libres et les plus hardis génies du moyen Age, pour invoquer leur paternité. Il était sans doute
peu sévère dans le choix des preuves : il lui suffisait de quelques paroles amères tombées de la plume d'un homme célèbre sur les abus contemporains, pour l'admettre immédiatement au catalogue des prétendus témoins de la vérité.
Dante ne pouvait échapper à ces honneurs posthumes. Sa verve satirique s'était plus d'une fois exercée contre les mœurs du clergé et la politique des souverains pontifes. Plusieurs passages de son poëme, ingénieusement torturés,
semblaient, disait-on, contenir des allusions dérisoires aux plus saints mystères de la liturgie catholique. Mais surtout on citait le dernier chant du Purgatoire, où se trouve prédit un envoyé du ciel qui châtiera
la prostituée assise sur la bête aux sept tètes, aux dix cornes : il est désigné par des chiffres qui forment le mot latin DVX, et qui indiquent peut-être un des capitaines gibelins de la Lombardie ou de la Toscane.
Cet envoyé, disait-on, n'était autre que Luther; car ces chiffres donnaient le nombre de cinq cent quinze, lequel, ajoutant mille ans d'un côté et deux ans de l'autre, arrivait à la date de quinze cent dix-sept, qui est
l'hégire des réformés. Tels furent les arguments principaux de ceux qui, dès le seizième siècle, tentèrent de populariser en Italie les opinions nouvelles, à l'ombre d'un nom vénéré. Le patriotisme italien répondit noblement
par l'organe du cardinal Bellarmin; et ce fameux controversiste, qui portait le poids de toutes les querelles religieuses, qui avait la papauté pour cliente, et des rois, comme Jacques Ier, pour adversaires, ne dédaigna
pas de consacrer sa plume à la défense du poête national. Les mêmes questions s'agitèrent en France, avec moins d'éclat sans doute, mais non moins d'érudition, entre Duplessis-Mornay et Coeffeteau; et ce fut peut-être
sur une connaissance incomplète du débat que le père Hardouin prononça l'arrêt bizarre où il déclare la Divine Comédie l'œuvre d'un disciple de Wiclef. Plus tard, lorsque la littérature italienne, affranchie de la funeste
influence des seicentisti, revint à des traditions meilleures, le culte des vieux poêtes de la patrie fut habilement mis à profit par les sociétés secrètes, et rattaché à leurs théories politiques et religieuses.
Et de nos jours enfin, quand les chefs d'un parti vaincu, et vraiment digne d'une respectueuse pitié, allèrent demander un asile à l'Angleterre, le besoin de charmer les tristes loisirs de l'exil, et peut-être aussi
le désir de reconnaître en quelque manière l'hospitalité protestante, inspirèrent le nouveau système proposé par Ugo Foscolo et soutenu par M. Rossetti, non sans un vaste déploiement de science et d'imagination.
Il faut d'abord se rappeler qu'après la destruction de l'hérésie albigeoise, ses cendres, dispersées par toute la chrétienté, y firent germer les sectes nombreuses qui, sous le nom de Pastoureaux, de Flagellants,
de Fratricelles, préparèrent les voies des Wiclétistes et des Hussites, précurseurs eux-mêmes de Luther, de Henri VIII et de Calvin. Plus prudente que ces sectes diverses, mais dominée par le même esprit antipapal, une
association mystérieuse se serait formée, à laquelle Dante, Pétrarque et Boccace auraient prêté leurs serments et leur génie. Dès lors tous leurs écrits recéleraient un sens énigmatique dont la clef est perdue : les femmes
célèbres qu'ils ont chantées, Béatrix, Laure, Fiammetta, deviendraient les figures de la liberté civile et ecclésiastique, dont ils pensaient établir le règne; la Divine Comédie, les Rime et le Décaméron seraient à la fois
le Nouveau Testament et la Charte constitutionnelle destinés à changer la face de l'Europe. Dante particulièrement se constituerait le chef de cet apostolat; il s'en ferait donner la mission spéciale dans une de ces visions
où il se représente interrogé, applaudi, béni par les trois disciples privilégiés du Christ, Pierre, Jacques et Jean. Ainsi le pauvre proscrit n'a pas trouvé dans sa couche funèbre le repos qui, là du moins, attend le reste
des hommes. On l'en a tiré, pour le jeter, encore couvert de son linceul, dans l'arène des factions, pour en effrayer comme d'un fantôme les esprits vulgaires. Heureusement des mains pieuses sont venues l'arracher à ces
profanations. Foscolo a trouvé en Italie de savants contradicteurs; et l'oracle de la critique allemande, A. W. Schlegel, en réprouvant les paradoxes de M. Rossetti, a effacé pour toujours la flétrissure de déloyauté
qu'ils imprimaient au front de trois grands hommes |