Le XVIème siècle
est fait de craquements, de fractures et de schismes qui divisèrent l’Europe
sans doute parce que les pays du Sud subissaient un assoupissement culturel
alors que le Nord, protestant, bénéficiait d’un progrès économique accéléré. En
effet des pays comme l’Espagne et l’Italie réservaient l’accès aux Ecritures,
donc l’alphabétisation, aux élites. « La division de chrétienté
occidentale par la Réforme protestante fut probablement l’effet d’un
dépassement culturel du Sud par le Nord de l’Europe [1] ».
La France, coincée entre ces deux orients, qui écrasera sa minorité réformée,
trouvera la force de son développement non pas à l’intérieur mais à l’extérieur
de son territoire, jusqu’au XXème siècle. Cependant même la Réforme,
qui prônait un retour au premier temps du christianisme, condamnait la
curiosité intellectuelle suivant l’exemple de la Vulgate qui interprétait par
un contresens l’exhortation de Paul contre l’orgueil moral. Le contresens fut
révélé par Erasme sur les indications de Lorrenzo Valla, mais le malentendu
perdura. Les Eglises et les pouvoirs politiques se trouvaient ainsi à l’abri de
toute remise en cause. Les sciences en furent aussi victimes puisque Luther
condamna Copernic dans ses Propos de table en 1539. Si la première moitié du
siècle est marquée par des échanges entre culture populaire et culture savante,
ce qu’illustre un Rabelais, la deuxième moitié voit une reprise en main des
populations par les classes dominantes avec le contrôle des groupes marginaux
et l’intensification des procès en sorcellerie. Le personnage historique de
Faust, astrologue et médecin au savoir hors du commun, qui tirait ses
ressources de sa pratique dans les milieux populaires, fut un marginal à qui on
refusa les chaires universitaires qu’il demandait. Diabolisé dans les ouvrages
comme le Livre de Faust de 1587, objet de spectacles de marionnettes, il
deviendra un mythe repris par les plus grands auteurs, symbole de l’homme
tentant de se libérer d’un ordre qu’il n’accepte plus. Nostradamus, au
contraire, bénéficiera de la protection de Catherine de Médicis qui, férue de
sciences occultes, connaissait ses almanachs et le fera venir à Paris après la
publication des Centuries. Bien inséré socialement, ce n’est pas le personnage
qui atteindra au mythe, mais ses prophéties maintes fois interprétées. Ce livre sur une partie
des Centuries de Nostradamus et non sur leur auteur – je renvoie pour cela à la
biographie de Louis Schlosser, « La vie de Nostradamus » - fait partie
d’une longue suite d’interprétations. Dans la mesure où la méthode que j’ai
conçue produit d’intéressantes coïncidences - on pourra y voir le don de
prophétie de Nostradamus ou bien un don du monde jouant avec le hasard d’une
manière étonnante -, je la livre au lecteur qui voudra bien s’en faire une
idée. La méthode
d’interprétation vise à dater une partie des quatrains conservés dans leur
continuité et leur succession en leur faisant correspondre une période de temps
bien définie. Parmi les coïncidences que
l’on pourra découvrir dans la suite de l’ouvrage, certaines peuvent se
comprendre comme de simples prévisions faites par un observateur de phénomènes
célestes tel que fut l’astrologue Nostradamus. La prévision de la comète de
1664, qui passa dans le ciel anglais et semblait présager l’épidémie de peste
de 1665 ou l’incendie de Londres de 1666 : Au ciel veu feu, courant longue estincelle (quatrain II, 46) ainsi que de l’éclipse du
22 septembre 1968 alors que les superpuissances russe et américaine étaient en
pleine course aux armements : Lorsque que Sol par Selin clair perdue (quatrain VI, 58) reste étonnante du fait
que les moyens de calcul à la Renaissance ne sont pas comparables à ceux
d’aujourd’hui. Plus étonnants sont les quatrains décrivant des événements
politiques avec concision et précision ou des phénomènes naturels imprévisibles
dans les différentes parties du monde. Ainsi pour la France, le
quatrain I, 17 rappelle un détail concernant les armoiries accordées à
Catherine de Médicis par François Ier et qui contenaient un arc en ciel,
symbole de la divinité romaine de la paix Iris : Par quarante ans l’Iris n’aparoistra, Par quarante ans tous les jours sera veu Catherine de Médicis,
reine de France en 1547, mourut en 1589 après 42 ans de participation à la vie
politique du pays qui connut une alternance de guerres de religions et de
trêves plus ou moins longues. La concision du quatrain réside dans
l’assimilation de Catherine de Médicis à la paix tant recherchée, la précision
à la durée de son règne, à deux ans près ! Autre quatrain qui emploi
le terme juste pour le début de la Régence commençant à la mort de Louis XV en
1715, le quatrain III, 15 : Le grand regent sera lors plus contraire D’autres Français
illustres paraissent concernés par les quatrains, ainsi le plus célèbre du
siècle dernier : le Général de Gaulle. A « Londres par
paix faincte meurtry » (quatrain VI, 22) en 1940, il retrouve le
pouvoir en 1958 et procède alors à des changements constitutionnels :
« L’estat changé » (quatrain VI, 50). Echappant à des
attentats, « comme miracle,/Le Roy sauvé » (quatrain VI, 51),
il met fin à la guerre d’Algérie. Les étudiants voudront le voir quitter le
pouvoir en 1968, il fera une escapade à Baden Baden dans un but obscur : Chassé du regne loing aspre apparoistra, Qu’au
faict bellique chascun le viendra croire.
(quatrain VI, 61) Les Etats-Unis peuvent
être reconnus dans différents quatrains. Pays à « l’Occident
d’Europe » (quatrain III, 35), devenus à la fin du XXème
siècle la seule superpuissance mondiale, « Nompareil regne, puissant
& invincible » (quatrain V, 83), ils auront assuré malgré tout à
Yalta, avec F.D. Roosevelt réélu en 1944, un paix relative au monde : Un peu après sera nouveau Roy oingt, Qui
par longtemps pacifiera la terre.
(quatrain VI, 24) Des tremblements de terre,
phénomènes imprévisibles s’il en est, sont annoncés. Celui du Japon d’octobre
1707 : Au fond d’Asie on dira terre tremble (quatrain III, 3) Ou ceux de mai 1990, en
Italie, Soudan et Europe de l’Est : Lors que dans may seront terres tremblées (quatrain VI, 88) La méthode La méthode que j’utilise pour interpréter les Centuries m’a été inspirée par le plan de la « Lettre à Henri second roi de France » reproduite et traduite dans le second tome de « Nostradamus, historien et prophète » de Jean-Charles de Fontbrune. Cette lettre contient en effet deux chronologies bibliques. J’ai appliqué cette division aux Centuries considérant alors les six premières, se terminant d’ailleurs par le seul quatrain en latin du texte et constituant un bloc homogène de 100 quatrains chacune, et les suivantes dont la septième en particulier est incomplète. A ces premiers quatrains j’ai fait correspondre une chronologie historique dont la date de début est donnée par Nostradamus dans cette même lettre. Celui-ci, en effet, pose comme point de départ de sa prophétie une date précise – le 14 mars 1557 : « Toutefois espérant de laisser par escrit les ans, villes, citez, régions où la pluspart adviendra, mesmes de l’année 1585 et de l’année 1606 accomençant depuis le temps présent, qui est le quatorzième de mars, 1557 ». Cette date correspondrait en fait au 14 mars 1558, car à l’époque l’année commençait à la fête de Pâques qui est fixée au dimanche qui suit le 14ème jour de la première lune de mars [2]. La date de fin, 1999 sept mois, est la date donnée en clair au quatrain X, 72 et la plus élevée des Centuries. C’est à dire au mois d’octobre car, je le rappelle l’année commençait à Pâques, généralement au mois de mars, et le septième mois à partir de mars est celui d’octobre. De plus ce mois d’octobre d’une année à éclipse est cité dans l’extrait de la lettre à Henri suivant : « et precedera devant une ecclipse solaire le plus obscur, et le plus tenebreux, que soit esté depuis la création du monde jusques à la mort et passion de Jesus-Christ, et de là jusques icy, et sera au mois d’Octobre que quelque grande translation sera faicte, et telle que l’on cuidra la pesanteur de la terre avoir perdu son naturel mouvement, et estre abismée en perpetuelles ténèbres, seront précédant le point vernal [3] », que je considère comme la description catastrophiste de l’éclipse totale de soleil du 11 août 1999. Je mets donc en parallèle les 600 premiers quatrains et les 441 années et 8 mois séparant le mars 1558 et octobre 1999, associant à chaque quatrain une durée d’un peu moins d’un an et à chaque Centurie celle de 73 ans 7 mois. Or dans la suite de l’extrait précédemment cité cette même durée est mentionnée : « et s’en ensuyvant après d’extrêmes changements avec pullulation de la neufve Babylone, fille misérable augmentée par l’abomination du premier holocauste, et ne tiendra seulement que septante trois ans sept mois. [4] » Ce nombre de 441 a un écho chez Maurice Scève (Lyon, vers 1505 - vers 1562), poète lyonnais dont on sait peu de chose sur la vie. Scève se décida, sous la pressions de ses amis Visagier, Bourbon, Dolet etc., à publier son poème intitulé Délie. Il fut imprimé par Sulpice Sabou et parut chez Antoine Constantin. « Il se composait d'un huitain liminaire et de dizains, dont le nombre et la disposition trahissent des préoccupations d'ordre mathématique, architectural et cabalistique. Car, si des 449 dizains nous retranchons les cinq premiers, qui sont une sorte de prélude à l'ouvrage, et les trois derniers qui en sont la conclusion, nous obtenons le nombre 441 ; ce nombre, décomposé en ses facteurs premiers, est égal au produit des carrés des deux nombres impairs 7 et 3. D'autre part, si on additionne les chiffres dont est composé le nombre 441, on obtient le nombre 9 qui est le carré de 3. Pour décorer son livre, Maurice Scève fit graver sur bois cinquante emblèmes qui se rapportent au texte, et que l'on rencontre dans le volume tous les neuf dizains. » (Bertrand Guégan - Introduction aux OEuvres poétiques complètes de Maurice Scève - Garnier). Les six premières Centuries sont ainsi présentées dans leur continuité, alors que de nombreux interprètes en ont fait une lecture éclatée. Hypothèses de travail
- J’ai considéré qu’un quatrain pouvait décrire plusieurs événements s’étant déroulés simultanément, d’une manière indépendante ou non. - La chronologie exacte n’est pas toujours respectée. Certains « dérapages » de quelques années peuvent intervenir, ainsi pour l’incendie de Londres (II, 51) – 2 ans - , pour l’attentat contre le World Trade Center du 11 septembre 2001, ou pour l’explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre de la même année – 4 ans. - Certains quatrains concernent manifestement le passé de l’époque de Nostradamus mais se rapportent à un événement futur, par exemple le quatrain I, 86 qui porte sur un épisode de l’histoire romaine antique, la fuite de Clélie, otage laissée au main des Etrusques, mais dont le premier vers – « La grande royne » change le contexte et qui, situé en 1620 par la méthode décrite plus haut, décrit la fuite de Maris de Médicis du château de Blois. Un événement du passé annoncerait un événement du futur comme dans ce que l'on appelle la typologie dans l'éxégèse biblique entre l'Ancien et le Nouveau Testament. - Les termes Roy, Prince, Monarque prennent le sens de « dirigeants » politiques pour les Etats contemporains qui ne sont pas des monarchies. - Une partie peut désigner le tout : ainsi par exemple « Coloigne » (Cologne) symbolise l’Allemagne (quatrain V, 94) Le Chronographe de 354
Le quatrain VI,54 mentionne une date : L’an mil six cens & sept, de Liturgie. On peut considérer qu'il faut compter 1607 à partir d'un point concernant la "liturgie". Comput que l'on peut peut-être aussi apppliquer au quatrain X,91. Le plus ancien Calendrier romain liturgique connu est celui du pape Melchiade (mort en 314) qui nous est connu par les extraits donnés dans le Chronographus de Denys Philocalus ou Chronographe de 354, nom que l'on donne, depuis Mommsen, à une collection de textes et d'images, qui forme une espèce de manuel, ou de répertoire, et qui a exercé une grande influence au Moyen Age, rédigé sous Damase entre 336 et 354. Dans son œuvre, Philocalus a inséré deux listes, la Depositio episcoparum et la Depositio martyrum, toutes deux dérivant d’un ouvrage antérieur, elles ne dépassent pas 36 noms et ajoutent les fêtes de Pâques et de Pentecôte : elles représentent donc le cycle hagiographique romain du début de la paix constantiniennne. Philocalus nous renseigne aussi sur l’existence de la fête de Noël du 25 décembre, mentionnée ici pour la première fois (fr.wikipedia.org - Itinéraire d'Antonin, Encyclopédie, ou dictionnaire universel raisonné des connoissances humaines, Supplément, Tome I, 1775 - books.google.fr, Nostradamus, Les premières centuries, ou, Propheties: (édition Macé Bonhomme de 1555), présenté par Pierre Brind'Amour, 1996 - books.google.fr, Marie-Pierre Arnaud-Lindet, Histoire et politique à Rome: les historiens romains IIIe siècle av. J.-C.-Ve siècle ap. J.-C., 2001 - books.google.fr, www.introibo.fr). Ceux qui ont étudié l'histoire des Catacombes et les origines de l'Église romaine, connaissent l'importance de ce document de premier ordre que nous appelons le Calendarium Bucherianum (d'après le jésuite Bucher, qui en fut le premier éditeur) ou le Chronographe de l'an 354. La compilation de ce chronographe, qui n'est autre que le secrétaire du pape Damase, Furius Dionysius Philocalus, artiste grec de grand talent, était ornée d'illustrations qui représentaient les allégories des mois, etc., illustrations qui nous ont été conservées par les copies du manuscrit original parvenues à notre époque (Le correspondant, Volume 158, 1890 - books.google.fr). Le jésuite français Bucherius associait déjà le Calendrier de Philocalus à l'anné 354 (Caesaris S.R.E. Card. Baronii, Volumes 3 à 4, 1864 - books.google.fr). Le calendrier constitue un cadeau de jour de l'an, qui a été exécuté au cours de l'année 353, et donné le 1er janvier 354 à un certain Valentin, jusqu'à présent impossible à identifier. L'original est perdu (Paul Lemerle, Stern (H.). Le calendrier de 354. Étude sur son texte et ses illustrations (Bibl. archéol. et hist. de l'Institut français d'Archéol. de Beyrouth, LV). Paris, 1953. In: Revue des Études Grecques, tome 68, fascicule 319-323, Janvier-décembre 1955 - www.persee.fr). La plus ancienne copie connue, Le Luxemburgensis, qui maintenant est perdue, se trouvait a Luxembourg en 1560, entre les mains de Jean Brenner jésuite et secrétaire d'Etat, puis à son gendre Antoine de Blanchart, selon un témoignage d'un autre gendre Remacle d'Huart qui dit encore qu'une copie fut faite pour Charles de Langhe (Carolus Langius) ; il passa, en 1580, aux mains d'un Christophe d'Assonville, conseiller du roi d'Espagne à Bruxelles; en 1620 on le retrouve entre les mains d'un président d'Arras, gendre du précédent, Renon de France ; par l'intermédiaire de Robert de Scheidler, il fut alors prété a Peiresc, dans la correspondance duquel il est longuement décrit; Peiresc ne le rend pas et depuis sa mort en 1637, on en a perdu toute trace. Peiresc l'estimait du VIIIe ou IXe siècle. Il contenait de magnifiques illustrations, dont il subsiste des copies à la plume, envoyées par Peiresc a Aleander; elles étaient conservées autrefois dans la bibliothèque Barberini; maintenant la plupart se trouvent au Vatican (R. W. Burgess, The Chronograph of 354: Its Manuscripts, Contents, and History, Journal of Late Antiquity 5.2 (Fall): 345–396, 2013 The Johns Hopkins University Press (Louis Duchesne, Le Liber Pontificalis, 1886 - books.google.fr). Catherine de Médicis, selon Renon, « estimait le pronostic de Nostradamus, son grand mathématicien » (Renon de France, Histoire des troubles des Pays-Bas, Tome 3, présenté par Charles Piot, 1891 - books.google.fr). La copie de Vienne a été réalisé par Johan Fuchsmagen, à partir d'un manuscrit trouvé lors de ses voyages, dans la région de Nuremberg. Il fait cette copie dans l'école Vischer de Nuremberg vers 1495. Sa bibliothèque est récupérée par Johannes Cuspinianus (Spießheimer) qui utilise le chronographe pour son De consulibus Romanorum commentarii. La copie sera achetée par l'évêque de Vienne de 1530 à 1541, Johann Fabri. C'est à partir de la copie de Bruxelles que Bucherius fit l'édition du Chronographe en 1634, copie qu'il avait vu en la possession du jésuite Jean Bolland à Anvers en 1632. Elle avait appartenu à Heribert Rosweyde, jésuite hollandais mort en 1629, enseignant à Saint-Omer et à Anvers (R. W. Burgess, The Chronograph of 354: Its Manuscripts, Contents, and History, Journal of Late Antiquity 5.2 (Fall): 345–396, 2013 The Johns Hopkins University Press). Deux catalogues de papes ont existé avant le Liber pontificalis et sont devenus les sources de celui-ci. L'un est le catalogue libérien, ainsi nommé parce qu'il s'arréte à Libère. Il a été inséré dans le chronographe de 354. On y trouve, outre les noms des papes et la durée des pontificats, de brefs renseignements historiques. Il tient le milieu entre une chronique et une liste. L'autre, appelé Index par M. Mommsen, n'a que les noms et les chiffres. Il est conservé dans un grand nombre de manuscrits (Revue critique d'histoire et de littérature, 1900 - books.google.fr). Le jésuite provençal Antoine Pagi (1624 - 1699) parle de deux copies du catalogue de Libère qui auraient existé manuscrites à Paris, dans le courant du dix-septième siècle : l'une à l'abbaye de Saint Victor, inscrite au catalogue sous ce titre : Chronica Damasi ; imais elle avait disparu depuis, sans qu'on sùt ce qu'elle était devenue ; l'autre, dans la bibliothèque des Jésuites du collège Louis-le-Grand, où elle avait été déposée par le jésuite auvergnat Jacques Sirmond (1559 - 1651) (Sanctorum Damasi Papae et Paciani necnon Luciferi episcopi Calaritani opera omnia, Tome 13 de Patrologiae cursus completus, 1845 - books.google.fr). Cependant, malgré les lettres apocryphes qui ont de tout temps servi d'introduction au livre des papes, celui-ci n'a été cité que très tard sous le nom de Damase. Les désignations Chronica Damasi, ou Damasus de gestis Pontificum, ne se rencontrent pas, dans la titulaire du livre pontifical lui-même, avant le déclin du XIVe siècle, et encore dans des recensions spéciales, fortement remaniées et pourvues de continuations jusqu'au XIIe siècle au moins. Martinus Polonus (mort en 1278) est, à ma connaissance, le premier auteur qui se soit servi d'une formule de ce genre. Du reste l'intention de l'auteur n'est pas douteuse ; il est clair qu'il a voulu rattacher l'origine de son livre à Damase. On peut même dire, en un certain sens, qu'il avait quelque raison de le faire; car ses notices, jusqu'à celle de Libère, le prédécesseur de Damase, ne sont autre chose qu'un développement du catalogue libérien de l'année 354; et celui-ci a reçu sa dernière forme entre les mains de Furius Dionysius Filocalus, le calligraphe de Damase, mentionné plusieurs fois sur ses inscriptions monumentales ! De plus, ces inscriptions elles-mêmes, témoignage de l'activité littéraire de Damase et de sa sollicitude pour le souvenir des martyrs et autres saints personnages de Rome, désignaient en quelque sorte son nom pour servir de recommandation à la première tentative d'histoire pontificale (Louis Marie Olivier Duchesne (1843-1922), Le Liber pontificalis, Tome 1, 1886 - archive.org). La renommée de Nostradamus est telle que la reine Catherine de Médicis l'appelle à la cour en 1555. Le motif de l'intérêt de la reine était peut-être que, dans son dernier Almanach, Nostradamus avait mis le roi en garde contre des dangers qu'il disait ne pas oser indiquer par écrit. En cette même année 1555, donc, Nostradamus, inquiet des intentions de la cour (il craint d'avoir la tête coupée), se rend à Paris, où il reçoit du couple royal des gratifications qu'en public il qualifiera d'amples mais dont il se plaint en privé qu'elles ne couvrent pas ses frais de voyage. Des nouvelles alarmantes sur l'intérêt que la justice parisienne porte à la source de sa prescience l'incitent à quitter Paris (fr.wikipedia.org - Nostradamus). Le Chronographe était donc bien connu à l'époque nostradamienne. Mais, il est vrai, on ne sait pas si Nostradamus en avait entendu parlé. On peut éventuellement en avoir une idée à travers le quatrain V,52 qui traiterait de saint Hippolyte de Rome et de l'empereur Pertinax, tous deux cités par le Chronographe de 354, le permier dans la Depositio martyrum, et le second dans les Natales Caesarum. A ce titre, l'exemple de César Nostradamus, fils du grand astrologue, est tout à fait significatif. Propriétaire d'une importante bibliothèque héritée de son père, il était en relation avec Peiresc avec lequel il entretenait, comme beaucoup d'autres, une correspondance suivie. De celle-ci, il ressort que César Nostradamus attendait de Peiresc une protection pour l'obtention d'un brevet de gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy. Il espérait ainsi gagner une forme de reconnaissance sociale qui le distinguerait aux yeux de la noblesse, dont il se plaignait du mépris. Dans une lettre datée du 4 mars 1629, il expose à Peiresc la justification de son ambition par « les asses passables services » que sa plume a rendus au roi tant par ses panégyriques que par la « prophétie et l'hymne triomphal, dont La Rochelle est le sujet ». Attiré par le seul prestige social, César de Nostradamus ne se soucie pas que le brevet de la charge qu'il brigue « soyt accompaigné de pension ». Cette ambition reflète très nettement les motivations des nombreuses prophéties publiées à la gloire du roi, de son mariage et de ses victoires (Hervé Drévillon, Lire et écrire l'avenir: l'astrologie dans la France du Grand Siècle, 1610-1715, 1996 - books.google.fr). César de Nostredame est né à Salon-de-Provence en 1553, et mort dans la même ville en 1629. Poète, peintre et historien, il est le second des fils de Michel de Nostredame. Il hérite des livres de son père, par son testament de 1566. Il aurait offert en 1628 et 1629 plusieurs livres de son père à Nicolas Fabri de Pereisc, grand bibliophile du XVIIe siècle. Par son testament de 1630, il lègue ensuite la plus grande partie de sa bibliothèque au couvent des Franciscains de Salon-de-Provence (numelyo.bm-lyon.fr). Les limites de la méthode
Comme Isis rassemblant, sauf un, les morceaux dispersés de son mari Osiris à qui la vie lui est à nouveau insufflée, la reconstitution des Centuries à travers la méthode exposée ici reste incomplète. Nostradamus fit d’ailleurs une traduction d’un poème hermétique en langue grecque, « Hiéroglyphes d’Horus Apollon », portant sur le mythe d’Horus né d’Isis et d’Osiris après sa résurrection, à laquelle il ajouta un dizain explicatif commençant par ce vers : « Je suis Isis iadiz royne d’Egypte ». Certains quatrains n’ont ainsi apparemment aucun rapport avec des événements survenus dans la période de temps de 1558 à 1999. Que ce soit des quatrains purement astrologique (IV, 33), des quatrains se rapportant à des événements du passé de l’époque de Nostradamus, ou des quatrains très obscurs. On pourra faire aussi remarquer que la « Lettre à Henry » est insérée dans la deuxième partie de l’édition de 1568 et que la date qui y est mentionnée et d’où Nostradamus fait partir sa prophétie ne concerne que les quatrains supplémentaires de cette partie. Mais je considère cette lettre comme une explication globale et plus précise des Centuries, puisqu’elle contient aussi la mention à la période de 73 ans et 7 mois. La date de départ – 1555 - des 353 premières Centuries publiées la même année donnée dans l’Epître à César serait purement indicative et n’était pas destinée au calcul. La méthode étant exposée, je pourrai prendre pour mon compte la critique faite par Nostradamus dans sa « Lettre à Henry » : « respondra quelqu’un qui auroit bien besoin de soy moucher, la rithme estre autant facile comme l’intelligence du sens est difficile ». Mais les coïncidences produites me font passer outre. Le texte Le texte des Centuries a
fait l’objet de plusieurs éditions et corrections dont je ne citerai que les
premières. D’abord celle de 1555 qui est constituée de 353 quatrains et qui a
été imprimée à Lyon chez Macé Bonhomme ; puis l’éditions de 1558
augmentant la première de 300 quatrains paraissant chez Pierre Rigaud. Enfin en
1566, année de la mort de l’auteur qui envoie trois nouvelles centuries au même
Pierre Rigaud. Le texte dont je me suis servi pour les 353 premiers quatrains est celui de l’exemplaire de l’édition de Macé Bonhomme de 1555 possédé par l’Österreichische Nationalbibliotek de Vienne et proposé par Pierre Brind’Amour dans son ouvrage « Les premières centuries » parues chez Droz en 1996. Pour les suivantes, je me suis fié au fac-similé de l’édition de 1568 publié par les éditions Michel Chomarat. Une vue d’ensemble des quatrains permet de dire que Nostradamus se rapproche des historiens de son temps par l’intérêt qu’il porte à de multiples sujets : le climat si important pour une France majoritairement rurale ; le commerce et les variations monétaires ; les conflits religieux et politiques. Ainsi faisaient Etienne Pasquier dans ses « Recherches de la France » en 1560, ou La Popelinière dans son « Idées de l’Histoire accomplie » en 1599. « Chez eux, une pratique neuve de l’histoire résulte en partie du projet d’une histoire « nouvelle », « parfaite », « accomplie », visant pour chaque peuple considéré à la compréhension rationnelle de l’ensemble des activités humaines – ce que La Popelinière appelait la représentation du tout [5] ». Orthographe et syntaxe
La lecture des quatrains peut être rendue mal aisée par l’orthographe de l’ancien français pratiqué par Nostradamus. A l’aide de la « Grammaire de la langue française du seizième siècle » de Georges Gougenheim, je préciserai quelques difficultés. On trouve : - des participes passés « prins » pour pris, « receu » pour reçu, « veu » pour vu, etc. : V, 15 : En navigant captif prins grand pontife I, 100 : Long temps au ciel sera veu gris oyseau III, 37 : Par feu et sang à mercy peu receu - des formes verbales particulières : le futur « donra » pour donnera ; IV, 32 : Es lieux & temps chair au poisson donra lieu - des terminaisons en y comme « roy » pour roi, « loy » pour loi, « ouy » pour ouï : IV, 43 : Seront ouy au ciel les armes batre - de persistance de graphie latine « taincte » de « tinctum » pour teinte, « faict » de « factum » pour fait, « isle » de « insula » pour île : VI, 98 : Leur grand cité taincte, faict pestilent I, 9 : : Temple Mellites : &
proches isles vuides - des mots tirés du latin et pluriel en « z »: « expoliez » pour « exspoliés », spoliés, dépouillés : V, 73 : Et les saints Temples seront expoliez L’ordre des mots peut influer sur l’interprétation. Ainsi le complément d’objet peut être placé avant le sujet et le verbe ou bien entre le sujet et le verbe. Le vers du quatrain I, 35 : « Le lyon jeune le vieux surmontera » veut dire aussi bien « Le jeune lion surmontera le vieux » que « Le vieux surmontera le jeune lion » ; le vers du quatrain I, 87 : « Puis Arethusa rougira nouveau fleuve » signifie « le fleuve fera rougir Aréthuse » [6], car il faut se souvenir de la légende de la nymphe Aréthuse qui fut poursuivie par le dieu du fleuve Alphée. A propos d’Henry Nicolas Machiavel adresse son « Prince » à Laurent le Magnifique en des termes d’humilité appuyés : « Et si parfois Votre Magnificence, du sommet de son élévation tourne les yeux vers la bassesse de ces lieux où je croupis », mais n’approche que de très loin la dédicace à Henry roi de France second, que Nostradamus écrit dans sa lettre : « la déité de votre Majesté immesurée », « singulière Majesté tant humaine », « premier Monarque de l’univers ». Une telle formulation présentant ce personnage d’Henry comme « déité » « tant humaine », homme et Dieu à la fois, indiquerait que Nostradamus s’adresserait plutôt au Christ, au Christ-Roi dont la fête ne sera instituée qu’en 1925, qu’à un roi de France tel qu’Henri II, second devant être pris dans le sens de « favorable » comme le fait Jean-Chales de Fontbrune. La dignité royale a été reconnue au Christ dès l’origine du Christianisme. Son fondement réside dans l’union de la nature humaine du Christ avec la nature divine, « union que les théologiens nomment « union hypostatique » […] C’est parce qu’il est lui-même Dieu véritable qu’il est essentiellement Roi. Le pouvoir royal, en effet, considéré dans sa racine, le pouvoir de « régire » les hommes, c’est-à-dire de leur donner des ordres, de les juger, de les punir, appartient à Dieu, et n’appartient qu’à lui. […] Ce n’est pas assez dire que la royauté de Dieu est au-dessus de toute royauté, elle est la seule véritable […] « Vous seul, êtes un bon roi » dit au deuxième livre des Macchabées, le grand prêtre Néhémie [7] ». On peut se demander pourquoi appeler le Christ Henry si ce n’est en raison d’un jeu de mot avec INRI, acronyme placardé sur la croix lors de la crucifixion (Marc 15, 26 et Jean 19, 19-20) signifiant « Iesus Nazarenus Rex Iudaerorum » c’est à dire « Jésus le Nazaréen Roi des Juifs » et proche par la prononciation du prénom Henri. Affirmation de la judaïté du Christ, pour un chrétien comme Nostradamus issu de convertis récents. En ce qui concerne les autres Centuries
La Centurie VII s'arrête selon certaines éditions au quatrain 42. Cela nous porte à l'année 2029, selon la méthode exposée ici. Au-delà un trou jusqu'au quatrain I de la Centurie VIII. Assez drôlement, ce trou peut être physique et non temporel. Les premières estimations indiquaient alors que l'astéroïde 2004 MNA, renommé 99942 Apophis, qui croise deux fois l'orbite terrestre au cours de sa révolution, pourrait rencontrer l'orbite de la Terre en avril 2029, avec une collision peu probable mais pas impossible. Selon Leonid Sokolov, professeur à la faculté de mécanique céleste de l'université de Saint-Pétersbourg, « le 13 avril 2029, Apophis s'approchera de la Terre à une distance d'environ 37 000 ou 38 000 kilomètres. Il peut entrer en collision avec la Terre le 13 avril 2036 ». D'autres chercheurs, dont les experts de l'Institut d'astronomie appliquée de l'Académie des sciences de Russie, considèrent cette collision comme peu probable (www.notre-planete.info). Ou pas, en 2029. La méthode se poursuit en mettant en continuité tous les quatrains des 10 centuries (trou non temporel de la centurie VII) et en appliquant la même méthode de calcul que celle définie pour les 6 premières. Ainsi le quatrain X,89 marque l'année 2242. La doctrine astrologique des chronocratories enseigne la domination des astres sur le temps, périodes de 354 ans et un tiers, elle même issue des spéculations sur la grande année. Notons la coïncidence des 354 années et de la date du Chronographe de Philocalus. Ainsi, selon Richard Roussat, la période de la Lune commence en 1533, celle du Soleil en 1887 et celle de Saturne en 2242 (Pierre Brind’Amour, « Nostradamus astrophile », Klincksieck, 1993, p. 187). Le quatrain X,89 qui correspond à l'année 2242-2243 parle en effet d'un âge d'or, âge de Saturne selon Ovide : Sept et cinquante annees pacifiques : Joye aux humains renoué Laqueduict, Santé, grandz fruict, joye et temps melifique. 693
Selon la méthode exposée ici, la durée des 942 quatrains des dix centuries couvrent une période de 693 ans : de 1558 à 2251. 1558 est la date d'avénement de la reine Elisabeth Ière d'Angleterre et le dernier quatrain X,100 des Centuries parle du Pempotan de l'Empire d'Angleterre. Mais le quatrain I,1 ne semble pas concerner la Grande Bretagne. Ainsi les dix révolutions saturniennes ne sont-elles pas une simple "image" correspondant à 300 ans, sans aucun point de départ. Elles sont calées sur le début des quatre signes cardinaux, ce qui donne lieu à une chronologie spécifique. Parallèlement au cycle Jupiter - Saturne, il existerait ainsi un cycle proprement saturnien qui ne relie plus Saturne à une autre planète mais à certains signes zodiacaux, structures abstraites, qui ne constituent en fait qu'un balisage de sa découpent en quatre fois sept ans, environ, ce qui renvoie aux sept vaches grasses et aux sept vaches maigres du songe de Pharaon, interprété par Joseph (Genèse). Albumasar s'était contenté de signaler des corrélations avec des événements déjà passés tandis que Pierre d'Ailly - ou celui auquel il emprunte - en prolonge l'étude et confère à 1789 une dimension antéchristique qu'elle n'avait pas initialement. Pour l'astrologue de Balkh, le passage de Saturne dans les signes cardinaux, selon un cycle de 300 ans que nous préciserons, correspond avec de grands tournants religieux: sans donner de date, il signale successivement Alexandre le Grand - IVe siècle avant l'ère chrétienne - Jésus Christ, le persan Manès ou Mani (manichéisme) - au IIIe siècle - et bien entendu Mahomet, ce qui correspond effectivement à des dates espacées en gros de trois siècles. Pierre d'Ailly traduit en chiffres mais cette fois il ne risque guère de se tromper car il se contente de fait d'enchaîner des périodes de 300 ans, à savoir -11 (avant J.C.), 289, 589, 1189, 1489 et 1789 qui correspondent respectivement, de façon approximative, à l'entrée ou à l'approche de Saturne dans un signe cardinal. A peu de chose près, le début de la série coïnciderait avec le début de l'ère chrétienne. (Jung, 1983, p. 112) : - 11 avant JC, Saturne en capricorne 289, Saturne en bélier 589, Saturne en gémeaux, en cancer l'année suivante. Albumasar s'était arrêté à cette date. Pierre d'Ailly désigne évidemment Mahomet comme un "faux prophète". 1189, Saturne en balance, cette période qui commence voit notamment la fondation de l'Ordre Mendiant des des Franciscains (1209). Et Pierre d'Ailly de poursuivre pour l'avenir: 1489 Saturne en capricorne, crainte d'un nouveau schisme 1789 Saturne en fin du signe des poissons, en bélier l'année suivante. Avènement de l'Antéchrist. Pierre d'Ailly traite également (chap 53 et 55 de la Concordantia cum historica narratione) de la date de 889 qui se situerait entre 589 et 1189. Il fait allusion aux invasions normandes à propos du IXe siècle. Mais à cette date, Saturne ne passe pas dans un signe cardinal ni même ne s'en approche, il est dans le signe du lion. C'est qu'en effet, le système élaboré ou en tout cas transmis par Albumasar comporte en quelque sorte une faille sinon historique ou numérologique du moins astronomique que celui-ci a d'ailleurs du remarquer puisque cette anomalie se produit de son temps. Il semble bien que le calcul des révolutions du seul Saturne comportait moins de difficultés que celui de la combinaison des mouvements de deux planètes. On pourrait prolonger la série : 2089 Saturne en gémeaux, en cancer en 2391 (Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France: formation et fortune, Tome 1, 1999 - books.google.fr). Christophe Colomb n'a retenu pour sa part, dans son Libro de las profecias, que les cinquième et sixième points du chapitre IV de l'exposé d'Ailly, qu'il reprend mot pour mot: Quinto ponit doctor iste quod de destructione legis Machumeti certitudinaliter locuntur astronomi, nom secundum quod Albumazar dixit. On a l'impression, si on lit distraitement, que le « doctor » est Albumazar. Mais le début du chapitre mentionne l'évêque Guillaume de Paris, né à Aurillac et mort en 1249. Son nom figure dès le chapitre 1: "Sicut narrat Gallorum doctor eximius Guiltermus parisiensis libro suo de fide et legibus".(fol. Al v). En outre, Ailly précise que lorsque le dit docteur publia son texte, on se trouvait, selon ses dires, en l'an 665, selon le calcul des Musulmans qui commence au VIIe siècle, ce qui correspond effectivement à la fin du XIIIe - Guillaume d'Auvergne meurt en 1245 - ni à son ouvrage et certainement pas, en tout cas, à Albumasar qui vivait au Xe siècle. Selon le passage repris par Colomb, l'Islam ne devait pas durer au delà de 693 ans et sa fin était donc désormais très proche. Il convenait, nous dit-on, de rapprocher, à 30 ans près, ce chiffre des 663 ans (sic, au lieu de 666) de l'Apocalypse. On peut se demander pourquoi Colomb a choisi précisément un tel passage: peut-être veut-il insister sur le fait que la déconfiture des Arabes est un signe de la fin des temps. Or, en 1492, le royaume de Grenade est tombé. Amalgame, donc ou convergence de plusieurs prophéties. Le texte de Guillaume d'Auvergne connaîtra une certaine fortune, outre sa présence chez d'Ailly; les oeuvres de ce théologien seront imprimées de la fin du XVe siècle jusqu'à la fin du XVIIe siècle (Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France: formation et fortune, Tome 1, 1999 - books.google.fr). Selon le livre sur les conjonctions célestes de l'astrologue musulman du IXe siècle Abu Mashr, que Roger Bacon nomme Albumasar, très influent à son époque, l'islam devait donc bientôt disparaître à l'époque de Bacon, car il ne peut pas durer plus de 693 ans. Mort à Bagdad en 886, à l'apogée de l'empire abbasside, Albumazar est l'une des figures de proue de l'astrologie. Disciple d'al-Kindi, il avait tenté la synthèse des savoirs grecs, iraniens, indiens. Ses théories de l'Éternel Retour et des «grandes conjonctions» qui déterminent le destin des individus et des empires se fondent sur l'interaction des astres. Le traité contient la mention des grandes conjonctions dont l'histoire conserve le souvenir (Jacques T. Quentin, Fleurons de la Bodmeriana: chroniques d'une histoire du livre, 2005 - books.google.fr). Albumasar reprend en fait Ishâq Al-Kindî, « car, dit-il, au moment de la conjonction qui gouverne l'Islâm, Vénus était en 28°42' du Poisson. Il restait donc 11°18', puisqu'il y a soixante minutes dans un degré. Cela fait donc 693 ans. » Il dit encore: «Telle est la durée de l'Islâm selon la plupart des philosophes. Ce chiffre est alors tiré du total des valeurs numériques des lettres isolées qui figurent au commencement de certaines sourates, sans tenir compte des répétitions ». C'est le système expliqué par As-Suhaylî et il est très probable qu'il aura emprunté ses observations à l'autorité d'Al-Kindî. Jirâsh, dit le «Calculateur» (hâsib), dit aussi: « Le sage Hormozd-Afrîd, interrogé sur la durée du règne d'Ardeshir et de ses successeurs — les rois Sâsânides — , répondit en ces termes: "Le Significateur de son royaume, c'est Jupiter." Or, Jupiter était en exaltation (à l'avènement d'Ardeshir). Cela promet donc 427 années longues et heureuses. Ensuite, Vénus gouvernera et sera en exaltation, ce qui signifie que les Arabes prendront le pouvoir, parce que l'ascendant (tâli) de la conjonction sera la Balance (Mizân), qui est gouvernée par Vénus, alors en exaltation. Cela indique que l'empire arabe durera 1.060 ans. » Khosrô Anushirvân demanda à son vizir, le sage Bozorg-Mehr, comment le pouvoir passerait des Persans aux Arabes. Bozorg-Mehr lui répondit que le fondateur de l'empire arabe devrait naître dans la quarante-cinquième année du règne d'Anushirvân. Il s'emparerait de l'Orient et de l'Occident. Jupiter aurait passé ses pouvoirs à Vénus et la conjonction se ferait dans le Scorpion, non plus dans les signes aériens, mais dans les signes hydriques. Or, Vénus est le Significateur des Arabes. L'Islam devra donc durer autant qu'une révolution de Vénus, soit 1.060 ans. A la même question, posée par Khosrô Parviz au sage Ulyûs, fut faite la même réponse. Théophile, astrologue byzantin au temps des Omayyades, prétend que l'empire musulman aura la durée de la grande conjonction, soit 960 ans (Ibn Khaldun, Discours sur l'histoire universelle (Al-Muqaddima).: Traduction nouvelle, préf. et notes par Vincent Monteil, Tome II, 1968 - books.google.fr). Les 693 années d'Al KIndi semblent être des années lunaires, tandis que Pierre d'Ailly en fait des années solaires. Aux dates de 1789 et de 2089, selon la méthode, les quatrains ne mentionnent pas Saturne. Le De Persecutionibus Ecclesiœ traite d'une question qui avait à maintes reprises préoccupé Pierre d'Ailly et qui tenait une large place dans la pensée de ses contemporains, la question de l'Antéchrist et de la fin du monde. [...] Sur la date de la défaite du Mahométisme, Pierre d'Ailly espérait aussi trouver quelque renseignement précis dans les écrits des astrologues. Mais, suivant son maître Albumazar, la durée du règne de l'Islamisme n'aurait dû être que de 693 ou de 584 ans. Or, un bien plus grand nombre d'années s'était écoulé déjà, au temps de Pierre d'Ailly, depuis la fondation du Mahométisme, et notre auteur éprouvait à expliquer ces chiffres d'Albumazar le même embarras qu'à interpréter le nombre 666 de l'Apocalypse. Il en venait à se demander s'il ne fallait pas faire partir ces 584 ou ces 693 ans de l'époque de la plus grande extension du « royaume des Arabes, » c'est-à-dire seulement de la fin du XIe siècle; mais il demeurait perplexe, d'autant que, par un autre calcul, Albumazar assignait 1460 ans à la durée de la religion chrétienne et qu'en appliquant le même principe à a religion mahométane, on serait arrivé à faire durer celle-ci 1151 ans (Noël Valois, Un ouvrage inédit de Pierre d'Ailly, le De Persecutionibus ecclesiæ. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1904, tome 65 - www.persee.fr). L'année 1558 appartient à l'âge d'or de l'empire Ottoman, de la prise de Constantinople à la mort de Soliman le Magnifique. La sultane Hürrem ou Roxelane (La Ruthénienne) fut l'épouse du sultan Soliman après en avoir été l'esclave. Devenue la seule épouse de Soliman, elle est sa conseillère et semble avoir eu une influence considérable sur sa politique étrangère. Sa mort advient en 1558 avant celle de son mari, en 1566. Selim II, successeur de son père Soliman n'ayant pas ses qualités, est le fils de Roxelane (fr.wikipedia.org - Empire ottoman). [1] Emmanuel Todd, « La nouvelle France », Seuil, 1988, p. 43 [2] « L’an 1456 allait du 28 mars 1456 au 17 avril 1457 », note de Claude Thiry dans François Villon, « Poésies complètes », Livre de Poche, 1991 [3] Cité par Jean-Charles de Fontbrune, « Nostradamus, historien et prophète », tome II, Editions du Rocher, 1982, p. 128 [4] ibid. [5] R. Chartier, introduction à « Le temps de l’histoire », Philippe Ariès, Seuil, 1986, p. 26 [6] Pierre Brind’Amour, « Les premières prophéties », Droz, 1996, p. 170 [7] Dom de Monléon, « Le Christ-Roi », P. Téqui, 1933, p. 12-18 |