LETTRE à HENRY - Antéchrist

Lettre à Henry

 

Antéchrist

 

Puis le grand Empire de l'Antechrist commencera dans la Atila & Zerses descendre en nombre grand & innumerable, tellement que la venue du Sainct Esprit procedant du 48. degré, fera transmigrastion, dechassant à l'abomination de l'Antechrist, faisant guerre contre le royal qui sera le grand Vicaire de Iesus-Christ, & contre son Eglise, & son regne per tempus, et in occasione temporis,—& precedera deuant vne eclypse solaire le plus obscur, & le plus tenebreux, qui soit esté depuis creation du monde iusques à la mort & passion de Iesus-Christ, & de la iusques icy,—& sera au moys d'octobre que quelque grâde translatiô sera faicte, & telle que l'on cuidera la pesanteur de la terre auoir perdu son naturel mouuement, & estre abismee en perpetuelles tenebres, seront precedens au têps vernal, & s'en ensuyuant apres d'extremes châgemens, permutations de regnes, par grand tremblement de terre,—auec pullulation de la neufue Babylonne, fille miserable augmentee par l'abomination du premier holocauste, & ne tiendra tant seulement septante trois ans, sept moys

 

La poursuite de l’interprétation se fait dans l’étude de la période historique marquée par la deuxième croisade de 1147 à 1149, avec une excursion en 1215 sous le règne du pape Innocent III illustré par la croisade des Albigeois.

 

Arda et Zerda

 

Il y aura un tremblement de terre à Mayence en 1146, en Suisse, ailleurs en Europe et à Lisbonne. Plus sérieux en Syrie en 1170, ressenti dans l'Europe de l'Est (Alexis Perrey, Mémoire sur les tremblements de terre dans le bassin du Rhinn, Tome 19, 1847 - books.google.fr).

 

Pendant la deuxième croisade de 1147 à 1149, le 26 octobre 1147, à la seconde bataille de Dorylée (Turquie), la Croisade allemande de Conrad III de Hohenstaufen est décimée par les forces seldjoukides du sultan Masud Ier (Mesud Ier, 1116-1155), ce qui oblige l'Empereur germanique à rentrer en Allemagne (jeanmarieborghino.fr).

 

Conrad, frère de Frédéric le Borgne, fut fait duc de Franconie par Henri V en 1112, fut, ainsi que son frère, vicaire de l'empire, et fut reconnu empereur sous le nom de Conrad III à la mort de Lothaire, en 1137. C'est de son avènement que datent les longues guerres des Guelfes et des Gibelins. Les membres de la maison de Hohenstaufen qui ont porté la couronne impériale sont : Conrad III, qui régna de 1137 à 1152; Frédéric I, Barberousse (1152-1190); Henri VI (1190-1197), qui le premier joignit les Deux-Siciles à ses Etats; Philippe (1198-1208); Frédéric II (1212-50); Conrad IV (1250-54). Le dernier prince de cette famille est l'infortuné Conradin, fils de Conrad IV, qui régna un instant en Sicile; il fut mis à mort en 1268 par Charles d'Anjou, à qui le pape avait donné ses États. La maison de Hohenstaufen, après avoir porté au plus haut degré la puissance impériale, surtout sous Conrad III et Frédéric Barberousse, tomba sous ses derniers princes au plus bas degré de l'affaiblissement : elle succomba enfin sous les coups des papes et des grands vassaux (Dictionnaire universel d’histoire et de géographie Bouillet Chassang/Lettre H, 1842-1878 - fr.wikisource.org).

 

L'Arda coule en Thrace, Zersas est une ville de Dacie (Turquie) : extension de l'empire ottoman (Henri Torné-Chavigny, L'Histoire prédite et jugée par Nostradamus, 1860 - books.google.fr).

 

L'Antéchrist peut désigner à la fois le Turc infidèle, ou la maison de Hohenstaufen qui s'oppose à la papauté et à ses affidés Guelfes par Gibelins interposés.

 

Frédéric II de Hohenstaufen serait le "seccond Antéchrist" de la seconde partie de la Lettre à Henry.

 

Outre la figure de l'Antéchrist, Nostradamus reprend aussi celle du champion du Christ, l'Empereur de la Fin des Temps ou rex justus, " le roi de justice " : leur lutte avait été présentée au moins depuis le XIIe siècle dans le Ludus de Antichristo. Dans le rex justus, les propagandistes médiévaux du roi de France avaient prophétisé " la réunion de la Chrétienté sous un roi français" (Jacques Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1964, p. 243). C'est à cet épisode que fait llusion le § 44 de l'Epitre à Henri II : " Puis le grand Empire de l'Antechrist commencera dans la Atila et Zerses descendre en nombre grand et innumerable [= les armées innombrables de Gog et de Magog], tellement que la venue du Sainct Esprit procedant du 48. degré, fera transmigration, dechassant a l'abomination de l'Antechrist, faisant guerre contre le royal qui sera le grand Vicaire de lesus-Christ [...]." Quant à la description de l'immense § 45, elle n'est que la reprise de celle annoncée par Jésus pour la fin des temps dans Matthieu, XXTV, 29. Nostradamus ignore évidemment ce que l'exégèse du XIXe siècle établira : que la seconde Bête de l'Apocalypse (XIII, 11 sqq.), dans laquelle la tradition reconnaît l'Antéchrist et dont le nom a pour équivalent le nombre 666 (Apocalypse, XIII, 18), est l'empereur Néron, 666 étant la traduction numérique des lettres hébraïques formant les mots Kaisar Neron (Pierre Béhar, Les langues occultes de la Renaissance: essai sur la crise intellectuelle de l'Europe au XVIe siècle, 1996 - books.google.fr).

 

Le millénarisme est la croyance dans l'avènement d'un règne terrestre du Christ lors de la Parousie, établissant la paix et la justice pendant mille ans pour les justes ressuscités, avant la seconde résurrection. L'hétimasie est l'attente de cet événement. En 431, le Concile d'Ephèse le déclara hétérodoxe. En Occident, le décret De libris recipiendis et non recipiendis, attribué à tort à Gélase mais reçu par l'Eglise, condamna les ouvrages de plusieurs millénaristes : Tertullien, Sulpice Sévère, Lactance, Commodien et Victorin de Pettau.Le pape Urbain V, né à Grizac vers 1310, condamna Barthélemy Ianouesius pour avoir fixé l'avènement de l'Antéchrist au jour de la Pentecôte de l'an 1360. Arnaud de Villeneuve, condamné en 1311, avait fixé l'avènement et la persécution de l'Antéchrist à l'année 1377 un an avant le Grand Schisme. L'Eglise défendit sous peine d'excommunication d'annoncer pour époque déterminée la venue de l'Antéchrist ou le jour du Jugement dernier, sous Léon X, en l'an 1516, au Vème concile œcuménique de Latran.

 

Il existe à partir du XIème siècle au moins, des mouvements fondés sur la croyance que la fin des temps est proche, cherchant à préparer voire à instaurer un ordre nouveau. L'instauration d'un règne terrestre de paix et de prospérité se retrouve ainsi dans la croyance dans le dernier empereur.L'exemple le plus net en est les Révélations du pseudo-Méthode. Ce texte est attribué à Méthode d'Olympe (18 septembre), évêque et martyr syrien du IVème siècle. Il fut écrit, à la manière de l'Apocalypse de Daniel - c'est-à-dire après coup et attribué à un auteur du passé -, au VIIème afin de réconforter les chrétiens de Syrie en proie à la menace musulmane. Les Révélations du pseudo-Méthode furent traduites en latin au VIIIème siècle, par un moine nommé Pierre et vivant dans un couvent en Gaule. Ayant eu un grand succès à partir du XIIème, les Révélations affirment que quand le malheur sera immense, un empereur ressuscitera, et partant "de la mer d'Ethiopie" vaincra les ismaélites, établira un règne de paix et de prospérité. Il anéantira aussi Gog et Magog, les peuples dévastateurs (Apocalypse 20, 7-10), puis se rendra à Jérusalem et restituera l'empire chrétien à Dieu. Il mourra à cet endroit, et le règne de l'Antéchrist débutera. Ce texte échappa à la censure probablement parce que le règne de félicité sera instauré par un roi humain et non le Christ.

 

Un deuxième texte s'est inspiré de la légende du dernier empereur. Il s'agit du Traité sur l'Antéchrist d'Adson moine puis abbé de Montier-en-Der dans la deuxième moitié du Xème siècle. Ce traité, composé à la demande de la reine Gerberge entre 949 et 954, est une synthèse de l'eschatologie de cette période et témoigne d'un millénarisme atténué : " Ce temps n'est pas encore venu, car, même si nous voyons l'Empire romain en grande partie détruit, aussi longtemps qu'il y aura des rois francs pour le maintenir, la dignité du royaume romain ne périra pas tout à fait, puisqu'elle subsistera dans ces rois. Certains de nos docteurs disent qu'un roi des Francs tiendra en dernier l'Empire romain, qu'il apparaîtra au dernier jour et qu'il sera le plus grand et le dernier de tous les rois. Après avoir gouverné heureusement son royaume, il viendra enfin à Jérusalem et il déposera son sceptre et sa couronne sur le mont des Oliviers. Ce sera alors la fin et la consommation de l'empire des Romains et des chrétiens". Adso, à l'exemple des vies des saints - un genre littéraire en plein essor à l'époque - rédigea une véritable Vita Antichristi qui exerça une profonde influence sur la perception de cette figure pendant tout le Moyen Age. Le dernier empereur, nouveau Constantin, et image terrestre du Christ finira sa vie, après avoir combattu Gog et Magog sur le Golgotha. Il rendra au Seigneur les attributs de l'empire que Constantin avait reçu avec le labarum à la bataille du Pont Milvius (28 octobre 312). Le roi des derniers jours est censé libéré les chrétiens du joug de l'Islam et apporté la félicité et la prospérité (nonagones.info - Calendrier et Fin des Temps).

 

L'abbé Guibert de Nogent considérait que les Orientaux étaient les premiers responsables de leurs malheurs, et il a ironisé sur le basileus «harcelant le pape de ses prières», alors que celui-ci était «bien plus ému par le péril qui menaçait l'ensemble de la chrétienté», notamment en Espagne, exposée «aux incursions des Sarrasins» (L. II, p. 74). Par cette phrase, l'historien du XIIe siècle rejoint l'analyse des historiens modernes de l'Eglise: ceux-ci ont souligné l'impression produite sur l'esprit d'Urbain II par la simultanéité des progrès des Seldjouqides en Orient et de l'invasion des Almoravides débarqués en Espagne, qui avaient infligé au roi de Castille Alphonse VI la terrible défaite de Zalacca (25 octobre 1087), bloquant pour un temps la Reconquista. D'autres arguments avancés par l'abbé de Nogent — le thème de l'Antéchrist, cher aux prédicateurs populaires ; la multiplication des phénomènes célestes — ont beaucoup contribué, selon lui, à soulever les foules. De là ces départs massifs de pauvres gens, paysans et vagabonds, menés par des chefs irresponsables tels que Pierre l'Ermite, et qui ont inspiré à Guibert des pages sévères autant que désolées. Il a longuement décrit leurs errances et leurs folies, leurs crimes et leur échec final, dans un but à la fois moral et politique. Il voulait montrer que cette expédition populaire fut non seulement inutile, mais qu'elle contribua à «donner plus d'audace aux Turcs». Car il n'est jamais entré dans les intentions du pape de mettre en branle un monde de paysans fanatisés. Il voulait rassembler une armée de chevaliers aguerris dont l'Eglise prendrait la tête, et c'est en cet objectif que l'abbé de Nogent a vu une inspiration divine des événements. Ce fut une entreprise par bien des aspects tout à fait originale. Urbain II, écrit Guibert, «manifesta toute sa grandeur d'âme dans l'essor qu'il sut lui donner, et le monde entier en fut saisi de stupeur» (L. II, 1). Guerrière dans ses buts, elle était aussi un pélerinage. Les participants faisaient vœu de partir, un vœu symbolisé par la croix en tissu qu'ils cousaient sur leurs vêtements ; ils étaient crucesignati, «marqués de la croix», et ne pouvaient se dédire, sous peine d'excommunication ; ils bénéficiaient d'une indulgence plénière pour leurs péchés, jusqu'aux plus graves. Le voyage de Jérusalem tenait lieu de pénitence à ceux qui l'effectuaient après s'être confessés et avoir reçu l'absolution (Monique-Cécile Garand) (Abbé Guibert de Nogent, Geste de Dieu par les Francs: histoire de la première croisade, traduit par Monique-Cécile Garand, 1998 - books.google.fr).

 

L'éclipse du 26 octobre 1147

 

Ce fut le 26 octobre 1147, qu'eut lieu la dédicace de la cathédrale de la cité châlonnaise, avec tout l'appareil dont la circonstance la rendait susceptible, au milieu d'un concours incroyable de clergé et de peuple. Les évêques firent les processions en dedans et par dehors l'église, les aspersions d'eau bénite et les autres cérémonies. Le pape consacra le grand autel dans lequel il enferma des reliques de sainte Nymphe et d'autres saints. Quand la cérémonie de la consécration fut terminée et que le Pape allait commencer la messe, il survint un phénomène qui jeta tout le monde dans une grande stupéfaction; un voile sombre et immense sembla descendre sur la cathédrale, l'envelopper de toutes parts, lui dérober la lumière du soleil, et la plonger dans la nuit. Ce phénomène, qui paraissait si étrange et si effrayant, c'était simplement une éclipse de soleil. On pourra en avoir la preuve dans l'Art de vérifier les dates, qui fait mention de cette éclipse le 26 octobre de l'an 1147, à onze heures du matin. Cette éclipse dura jusqu'à la fin du saint sacrifice (Alexandre-Clément Boitel, Les beautés de l'histoire de la Champagne, 1868 - books.google.fr).

 

Alfonse-Henriquez, roi de Coïmbre ou de Portugal, après sa victoire d'Ourique sur les Maures, en 1139, ayant pris Santarem, Lisbonne, Merida, etc., en 1147, fut vaincu, en 1161, par Abd-el-Moumen, destructeur des Almoravides en Afrique et en Espagne, et fondateur de la dynastie des Almohades, qui reprit Badajoz, Beja, et autres villes.

 

Alfonse-Henriquez, premier roi de Portugal, avec le secours d'une flotte de croisés anglais et flamands, prit Lisbonne, après un siége de cinq mois, le 25 octobre de l'année 1147 (an 542 de l'Hégire) ; cette conquête avait été précédée de celle de Santarem, et fut suivie de celle de Mérida et de plusieurs autres places (Continuation de l'Art de vérifier les dates: Espagne, Tome III, 1826 - books.google.fr).

 

La neuve Babylone : les Sarrasins

 

Mais dans le temps marqué par le sixième sceau du premier état l'antique Babylone fut frappée; ainsi, par concordance, et sous le sixième sceau du second état, sera frappée la Babylone nouvelle. Et comme, dans cette même période du premier état, les Assyriens et les Macédoniens écrasèrent les Juifs, nous voyons aujourd'hui les Sarrazins attaquer la chrétienté, et nous verrons bientôt surgir les faux prophètes qui doivent suivre ces fauteurs de désastre, et qui, faisant par eux-mêmes un mal profond sur la terre, amèneront une tribulation comme jamais n'en virent les hommes. Ces épreuves terminées, sonnera enfin l'heure du temps bienheureux, du temps qui sera semblable aux fêtes pascales, l'heure où, les ombres étant dissipées dans le ciel enfin ouvert, les fidèles verront Dieu face à face. Dès ce moment nul n'entendra plus personne nier que le Christ soit le fils de Dieu. La terre sera tout entière remplie de la science du Seigneur, à l'exception toutefois des seules nations que le diable doit perdre à la fin du monde. Cet état sera le troisième, réservé au règne du Saint Esprit (Joachin de Flore - Liber întroductorius in expositionem in Apocalipsim, ch. V) (Jacques Lafaye, Le messie dans le monde ibérique: aperçu. In: Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 7, 1971 - www.persee.fr).

 

"augmentée par l'abomination du premier holocauste" : jouons sur les mots

 

Le terme "holocauste" peut être pris dans un de ses sens actuels marqués par l'histoire du XXème siècle, de manière prophétique. Ici, il n'explique pas le sens dans un contexte médiéval l'expression étudiée. "holocauste" en grec signfieio "tout brûlé" (olos + kaustos).

 

La plus importante des traductions judéo-arabes de la Bible est celle de Saadia Gaon ben Joseph (Sa'id Ibn Yûsuf al-Fayyûmî) (882-942), Juif égyptien. Philosophe, poète, grammairien, linguiste, considéré comme le père de la littérature rabbinique, devenu l'un des maîtres de l'école talmudique de Soura, il est le premier à s'occuper de l'étude du judaïsme de manière scientifique. Sa version reste jusqu'à nos jours la Bible arabe classique pour tous les juifs de langue arabe. [...]

Saadia traduit holocauste (olah hébreu) par "ça'îda" qui est dérivé d'une racine qui veut dire "monter, s'élever" [cf. "augmentée"] (D. S. Blondheim, Les Parlers Judéo-Romans et la Vetus Latina: Étude sur les rapports entre les traductions bibliques en langue Romane des Juifs au Moyen Âge et les anciennes versions, 2013 - books.google.fr).

 

Le korban 'olah (offrande montante) est l'une des premières offrandes décrites dans le Pentateuque (fr.wikipedia.org - Holocauste (sacrifice)).

 

L'holocauste grec n'a pas le même sens que l'holocauste biblique. R.K. Yerkes fait remarquer (Sacrifice, p. 128) : « La traduction de 'olah en grec posait un problème aux traducteurs de la LXX. En effet, un rite grec où un animal était complètement brûlé n'était pas un acte de culte et d'adoration mais visait à écarter ou satisfaire un pouvoir néfaste. Le karpoun grec apparaît deux fois pour décrire un animal brûlé de cette façon. Le verbe holokautein ou holokautoun apparaît deux fois. Les traducteurs de la LXX évitèrent prudemment ces mots pour rendre 'olah, mais employèrent d'autres mots tirés de la même racine, la plupart apparemment inventés dans ce but, afin de laisser entendre que 'olah désignait une victime entièrement brûlée (Jean Laporte, La doctrine eucharistique chez Philon d'Alexandrie, 1972 - books.google.fr).

 

Saïd signifie en Arabe un terrain élevé, est devenu le nom particulier d'une Province, que les Arabes appellent aussi quelquefois Saïd Maltar ou Saïd Mesr, la Partie élevée & supérieure de l'Egypte. C'est ce que nous appelions aujourd'huy la Thebaïde, à cause de l'ancienne Ville de Thebes, qui en étoit autrefois la Capitale. Adferi nous a donné l'Histoire particulière de la Thebaïde, sous le nom de Thalè Al Sâïd fi Akhbar Al Saïd, que Soïouthi cite souvent dans son Histoire d'Egypte. Cet Auteur a donné à son Ouvrage ce titre, qui signifie l'Ascendant heureux, par allusion du mot de Saïd, lequel écrit en Arabe par un Sin, signifie Heureux, avec celuy de Sâïd, écrit par un Sad, qui signifie la Thebaïde (Bibliothèque orientale, Tome III, 1778 - books.google.fr).

 

Le prince Abdoulmoumen, après avoir associé à la couronne Muhamed, son fils aîné, distribua le gouvernement des provinces entre ses autres enfans. Abdoullah fut nommé à Bugie, Téléman devint le partage d'Abou-Umer. Le gouvernement d'Algésire fut donné à Abou-Saïd. Ce conquérant n'avoit rien oublié pour l'éducation de ses enfans : il leur avoit donné les maîtres les plus habiles pour les instruire dans toutes les sciences, & les avoit formés lui-même dans celle du gouvernement, et dans le grand art de la guerre. Abou-Saïd, arrivé en Espagne, voulut marcher sur les traces de son pere. Méïman-Zéïdan, prince de la dynastie des Almoravides, régnoit encore dans Grenade. Abou-Saïd se présenta devant Malaga, & fit sommer Méïman de lui remettre cette place, ainsi que les autres villes qui dépendoient de lui. Ce prince, mol et efféminé, aima mieux se retirer en Afrique, & y vivre dans l'obscurité, que de disputer une couronne qu'il auroit pu conserver. Le fils d'Abdoulmoumen, apres une conquête aussi facile, parut devant Almerie. Cette ville, dont les Chretiens s'etoient emparé, l'an 1147, fut investie par mer & par terre. Les habitans, apres avoir soutenu un siege long & meurtrier, surent enfin obliges de se rendre, saute de vivres (Cardonne, Histoire de l'Afrique et de l'Espagne, sous la domination des arabes: composée sur différens Manuscrits Arabes de la Bibliotheque du Roi, 1765 - books.google.fr).

 

Par abomination l'A. T. entend surtout ce qui se rattache au culte idolâtrique, pratiques magiques, victimes impures, autels, sacrifices, images et statues. Astarté est l'abomination de Sidon, Moloch celle des Phéniciens. Voir, par exemple, II Reg. 21, 2-8 (Les Livres des Maccabées: par le P. F.-M. Abel, 1949 - books.google.fr).

 

"Les hauts lieux qui étaient en face de Jérusalem, au sud du mont des Oliviers, et que Salomon roi d'Israël avait bâti pour Astarté, l'horreur des Sidoniens, pour Chamos, l'horreur des Moabites, et pour Milkom, l'abomination des Ammonites, le roi les profana ; il brisa aussi les stèles, coupa les bois sacrés et combla leur emplacement avec des ossements humains" (2R, 23,13). Voilà un passage - typique et uniforme aussi bien chez les prophètes d'Israël que chez l'auteur du Livre des Rois [...]. Le terme d'« abomination » y est clairement prononcé et si facilement repris et répété que tout ce qui vient de « Tyr et de Sidon », et par conséquent de « Ruth » et de « la veuve de Sarepta » est bel et bien en substance et en réalité pour les prophètes une « abomination ». Une abomination de par l'essence, le contenu, l'esprit, tout en somme (Vasilij Vasil'evic Rozanov, Les motifs orientaux, 1996 - books.google.fr).

 

Chanaan, fils de Cham et petit-fils de Noé, avait donné le jour à Sidon, père des Phéniciens de Syrie (qu'on appelait Syro-Phéniciens, pour les distinguer des Carthaginois, leurs descendants, qui étaient les Phéniciens d'Afrique). « Les limites de Chanaan furent de Sidon jusqu'à Gaza» (Gen. X, 19). La race chananéenne était en abomination chez les Hébreux, tant à raison du crime de Chanaan, son auteur, coupable d'avoir découvert à son père Cham l'ivresse de Noé, son aïeul, que pour l'idolâtrie sanguinaire et le débordement de mœurs de sa postérité (Joseph Théophile Foisset, Histoire de Jésus-Christ d'après les textes contemporains, 1857 - books.google.fr).

 

Tyr s'appelle aujourd'hui en arabe Soûr. et Sidon Saïda.

 

La ville moderne de Saïda occupe la pente nord-ouest d'un promontoire qui s'incline légèrement vers la mer. Sur la partie la plus élevée de ce promontoire et du côté du sud, à une altitude de 45 mètres, se trouvent les ruines d'une vieille tour, nommée Qala'at el-Mezzèh, connue sous le nom de château de saint Louis parmi les chrétiens, qui en attribuent la fondation à ce roi. Une muraille en fort mauvais état entoure la ville à l'est, reliant la colline du Qala'at el-Mezzèh à un pont de neuf arches ogivales construit dans la mer, par lequel la ville communique avec le Qala'at el-Bahr (château de la mer). Cette forteresse, mentionnée par le moine Burchard qui en attribue l'érection aux Germains (1227-1228), a certainement remplacé un monument plus ancien, à en juger par les nombreuses colonnes antiques engagées dans les murs. Désignée par les croisés sous le nom de château de Sagette, elle fut évacuée en 1291 (Encyclopédie des sciences religieuses, Volume 11, 1881 - books.google.fr).

 

Ibn Tufayl, né à Guadix en 1116 et mort en 1185, l'un des philosophes les plus importants de toute l'histoire d'al-Andalus, fut un sujet d'élite de la floraison de la pensée au XIIème siècle. Fils d'un sage de Marchena, il fut aussi un illustre poète, juriste, médecin et mathématitien. Il se distingua dans la cour du roi de Guadix, Ibn Milhan, qu'il accompagna dans son exil à Marrakech, la capitale de l'empire almohade. Là, en 1154, le calife Abdelmoumen le nomme secrétaire de son fils Ibn Saïd, gouverneur de Ceuta. Il devint cadi, vizir et premier médecin de l'empire. Il maintint également une étroite collaboration avec un autre sage andalou, Averroès, à qui il suggéra la composition des célèbres commentaires sur les ouvrages d'Aristote. Il est l'auteur, entre autre oeuvres, du "philosophe autodidacte", qui est une réflexion chargée de néoplatonisme musulman, sur l'isolement et les possibilités individuelles de l'homme (Itineraire Culturel des Almoravides et des Almohades, 1999 - books.google.fr).

 

Ibn Tufayl ouvre un débat critique avec Abû Bakr lbn Bâjja ou Avempace (463/1070-532/1l38), notamment sur la capacité de la science spéculative à déterminer les conditions d'accès à la réalité ésotérique. lbn Tufayl, tout en s'inspirant d'lbn Sînâ et de Ghazâlî, récuse les thèses d'lbn Bâjja sur une éventuelle saisie intuitive par le seul raisonnement spéculatif. Il met son interlocuteur devant deux choix : 1- Soit il désire connaître les réalités par intuition et goût initiatique, et cette forme de perception intuitive ne peut être décrite par le discours, autrement elle devient autre que ce qu'elle était dans son aspect pur et originel. 2- Soit il désire connaître les réalités incamées dans le discours et l'expression, et là il doit recourir à des instruments appropriés pour les saisir, notamment l'interprétation (ta 'wîl). Néanmoins, il n'a pas à divulguer le sens qu'il prétend obtenir, car ceci mettrait en péril aussi bien son intégrité physique et morale que la vérité qu'il porte en lui. L'apport d'Ibn Tufayl dans l'expérience mystique se traduit par l'allusion faite à l'indicible, à ce qu'on éprouve intimement sans pouvoir le formuler dans un support langagier (Mohammed Chaouki Zine, Ibn Arabi, gnoséologie et manifestation de l'être: Ibn Arabi et la perception mystique du savoir, 2010 - books.google.fr).

 

Le Ta'wil, c'est la faculté qui permet, par-delà le piège du symbole, de remonter au sens véritable, au sens premier (Awwal) du texte. Le Ta'wil du philosophe rationaliste, simple phénomène d'intellection, met en œuvre la pensée spéculative pour ramener au grand jour la réalité voilée derrière une figure allégorique. Alors que l'exégèse allégorique soustend l'effort et la recherche, l'exégèse spirituelle, consiste en une vision globale et immédiate de la réalité ; le Ta'wil, c'est la systématique détection du symbole et la mise en acte de la capacité intuitive qui permet d'accéder au sens réel (Djaffar Mohamed-Sahnoun, La perception mystique en islam: essai sur les origines et le développement du soufisme, 2009 - books.google.fr).

 

Les Almohades professent une interprétation allégorique (ta'wîl) du Coran dérivée de la mu'tazila, mais c'était un ta'wîl prudent leur évitant d'être accusés de céder à l'oblitération des attributs de Dieu (ta'tîl), qui n'est pas gratifiée de moins de 99 dénominations splendides — al-asmâ' al-husnâ'. Certes, ils n'admettent pas ses attributs tels que les chrétiens, qui peuvent parfois être assimilés à des polythéistes (mushrikûn) les reconnaissent, comme sa « bonté ». Dieu est pour eux akbar (le plus grand) : ils mettent en avant sa toute-puissance, qui — pour l'Italien saint Thomas d'Aquin, contemporain des Almohades finissants, comme pour le Père de l'Église proto-algérien Augustin (354-430) — a aussi pour résultante la prédestination (qadâ' allâh, qadar : littéralement, le pouvoir de Dieu). C'est ainsi que l'entendent les ash'arites, et que le saisira le concepteur protestant Calvin trois siècles plus tard. Avec, en débat, la place du libre arbitre (ikhtiyâr) : il existe, dans l'histoire des religions, une opposition, mais aussi de nombreux paliers et nuances entre prédestination et libre arbitre (Gilbert Meynier, L'Algérie, coeur du Maghreb classique: de l'ouverture islamo-arabe au repli (698-1518), 2010 - books.google.fr).

 

Il avait commencé en 1147 avec la prise de Marrakech, capitale des Almoravides mais il était né vers 1125 avec la prédication passionnée du berbère marocain Ibn Toumert parmi les Maçmouda du Haut Atlas. Cette retraite lui permet de préciser sa doctrine qu'il va maintenant répandre dans son pays natal; le fondement essentiel en est l'affirmation de l'immatérialité et de l'unicité divine d'où le nom de ses adeptes : Al Mowahidoun (celui qui confesse l'unité de Dieu) dont on a fait Almohade. Il s'oppose ainsi aux Almoravides qui, à force d'interpréter à la lettre les textes coraniques, avaient abouti à un anthropomorphisme et à un polythéisme condamnables [cf. "nouvelle Babylone" ?] (Robert Cornevin, Marianne Cornevin, Histoire de L'Afrique: Des origines au XVIe siècle, Tome I, 1962 - books.google.fr).

 

Par leur contemporanéité tout d'abord, la menace almoravide à l'Ouest et la menace seldjoukide a l'Est purent donner à la Chrétienté l'impression d'un mouvement concerté des forces de l'Islam. Au total, cependant, l'empire hispano-marocain des Almoravides s'avéra plus durable que celui qu'avaient édifié les Seldjoukides en Orient. Alors que les chrétiens d'Occident devaient combattre une vaste construction étatique sous les règnes de l'émir Yusuf b. Tashfin (vers 1070-1106) et celui de son fils et successeur Ali (1106-1143), ceux d'Orient n'avaient en face d'eux, après la mort du sultan Malik Shah (1092) que des pouvoirs dont la division favorisa l'implantation, puis la consolidation, des Etats croisés, en dépit de l'échec des expéditions parties sur les traces de la première croisade à la nouvelle des succès que celle-ci avait remportés (1101). [...]

 

La puissance almoravide s'affaiblit dans la première moitié du XIIe siècle, mais la frontière évolua peu dans le secteur castellano-léonais, en partie du fait de la grande crise castillane qui suivit la mort d'Alphonse VI en 1109. L'avancée aragonaise put au contraire se poursuivre grâce à l'aide française et au dynamisme reconquérant du roi Alphonse le Batailleur. De ce côté, les Almoravides ne purent empêcher en 1118 la reconquête de Saragosse par ce dernier, assisté de forts contingents venus d'au delà des Pyrénées. Par l'occupation de Saragosse et par la grande victoire de Cutanda remportée quelque temps après sur une forte armée almoravide qui visait à regagner le terrain perdu dans la Marche Supérieure (1120), l'Aragon s'assurait la domination de la vallée de l'Ebre, et se dotait d'une nouvelle capitale. Alors que l'avancée piétinait quelque peu sur la frontière catalane, la papauté accordait les privilèges de croisade à une grande expédition navale pisano-catalane contre les Baléares, en 1114-1115. Les chrétiens détruisirent la dernière taifa andalouse qui y subsistait, et pillèrent les îles, mais ne les occupèrent pas durablement, laissant le pouvoir almoravide y restaurer ensuite le régime musulman (Pierre Guichard, L'Europe et le monde musulman au Moyen Âge, Hesperis Tamuda, Tome 35, 1997 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain IX, 73 - Jumelage aragono-seldjoukidien.

 

73 ans 6 mois

 

Sous la conduite de Youssef Ibn Tachfin (453/1061-500/1107), les Almoravides enlevèrent une à une les principales cités et régions de l'époque et poussèrent leurs raids jusqu'au Maghreb central. Aux alentours de 464/1072-466/1074, ils étaient solidement installés au Maroc et dans la moitié ouest de l'Algérie. En 466/1074, au terme de la chevauchée qui lui permit d'asseoir son autorité sur la plus grande partie du Maghreb, Youssef Ibn Tachfin reçut l'appel à l'aide des Reyes de Taïfas. Ces princes musulmans d'Espagne, héritiers du Califat de Cordoue, étaient en réel danger d'extermination par les troupes castillanes. Alphonse VI de Castille avait en effet poussé ses troupes dans un premier élan de Reconquista et put entrer dans Tolède en 477/1085. Ce fut l'acte qui décida les Almoravides à se porter sur l'autre rive du détroit de Gibraltar. Le choc avec les chrétiens eut lieu, en 478/1086, à Zallaqa, près de Badajoz. Il fut à l'avantage des troupes musulmanes. Youssef en retira un très grand prestige qui lui permit aussi de prendre pied en Andalousie et de conquérir, une à une, les principautés andalouses, minées par la division et la débauche de leurs princes. Maîtres du Maghreb et d'al-Andalus, les Almoravides réalisèrent pour la première fois dans l'histoire l'unification de la plus grande partie de cet occident islamique. Mais, en prenant al-Andalus, ces farouches guerriers du désert allaient surtout entrer en contact avec une civilisation brillante et raffinée. Leur capitale, Marrakech, créée ex-nihilo aux alentours de 461/1069 pour servir de base à leurs expéditions au Maroc, devint le point de ralliement des savants les plus réputés, des poètes les plus doués et des artistes les plus en vue. La puissance des monarques, la stabilité du pouvoir et la richesse de l'Empire permirent alors l'éclosion d'un art florissant dont les plus belles réalisationsverront le jour en terre maghrébine. Vers le milieu du VIe/XIIe siècle, le pouvoir almoravide est supplanté par celui des Almohades. L'avènement de ces derniers marque, selon certains, “l'apogée de la prépondérance marocaine” au Maghreb et en alAndalus en même temps que l'indépendance totale de l'occident islamique vis-à-vis de la tutelle orientale (Abdelaziz Touri, Aperçu historique, Le Maroc Andalou: A la découverte d'un Art de Vivre, 2015 - books.google.fr).

 

Le Maghreb central possédait également entre le IXe et le XIIe siècle des écoles talmudiques qui étaient en relations directes avec Babylone. À Tlemcen, les études juives connurent une période d'épanouissement sous les Almoravides, avant d'être anéanties par les Almohades en 1145 (Jean-Luc Allouche, Jean Laloum, Les Juifs d'Algérie: images et textes, 1987 - books.google.fr).

 

Pendant que se développent les arts et les lettres à Marrakech, un Berbère de l'Anti-Atlas, Ibn Toumert, s'installe dans la casbah de Tin-Mal, dans le Haut Atlas. Convaincu d'être un mahdi, un envoyé de Dieu, Ibn Toumert prêche une réforme religieuse radicale : l'unité de Dieu (Al-Mohad). A sa mort, son disciple, l'Algérois Abd el-Moumen, devient son successeur. Il s'empare de Marrakech en 1147, mettant un terme à la dynastie almoravide, puis entreprend la reconquête du Maroc, de l'Algérie et de l'Espagne au nom d'une profonde réforme des mœurs. A Marrakech, les Almoravides sont massacrés et leurs édifices mis à bas. Seule subsiste aujourd'hui une koubba (une coupole), abritant un bassin à ablutions (Guide Marrakech 2018/2019, Petit Futé, 2018 - books.google.fr).

 

La puissance des Almoravides, en Espagne, eut peu de durée. Ayant imposé aux habitants de Cordoue les traitements les plus durs, la capitale de l'empire secoua leur joug et bientôt ils furent obligés de se réfugier aux îles Baléares ou en Afrique (1146 ap. J.-C.). Ils n'avaient pas encore quitté l'Espagne, que déjà les Almohades s'y précipitaient et s'emparaient successivement de Tarifa, d'Algéziras (1144 ap. J.-C.), de Cordoue, de Carmona et de Jaen (1148 ap. J.-C.). A la faveur de cette révolution, les princes chrétiens tombèrent sur Lisbonne, Alméria, Tortose, Mérida et plusieurs autres places fortes (1147-1149 ap. J.-C). Quelques-unes d'entre elles repassèrent bientôt, il est vrai, aux mains des Musulmans; mais ces expéditions n'en fortifièrent pas moins la puissance chrétienne (Paul Émile Delair, Essai sur les fortifications anciennes, ou introduction à l'histoire générale de la fortification des anciens, 1875 - books.google.fr).

 

De 1074 à 1147 il y a bien 73 ans. Cette période de 73 ans 6 mois est aussi la durée d'une centurie complète de 100 quatrains, selon la méthode exposée par ce site.

 

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