Lettre à Henry Eulalie —puis apres en sortira du tige celle qui auoit demeuré tant long têps
sterille, procedât du cinquantesme degre, qui renouuellera toute l'Eglise
chrestienne.—Et sera faicte grande paix vnion & côcorde entre vns des
enfans des fronts esgarez, & separez par diuers regnes—sera faicte telle
paix que demeurera attaché au plus profond baratre le suscitateur &
promoteur de la martiale faction par la diuersité des religieux, & sera vny
le royaume du Rabieux: qui côtrefera le sage.—Et les côtrees villes, citez,
regnes, & prouinces qui auront laissé les premieres voyes pour le deliurer,
se caftiuant plus profondement seront secrettement laschez de leur liberté,
& parfaicte religion perdue, commenceront de frapper dans la partie gauche,
pour retourner à la dextre,—& remettant la saincteté profligee de long
temps, auec leur pristin escrit, qu'apres le grand chien sortira le plus gros
mastin, qui fera destruction de tout, mesmesde ce qu'au parauât sera esté
perpetré, seront redressez les temples comme au premier temps, & sera
restitué le clerc à son pristin estat,—& commencera à meretricquer &
luxurier,faire & cômettre mille forfaits.—Et estant proche d'vne autre
desolation, par lors qu'elle sera à sa plus haute & sublime dignitése
dresseront de potentats & mains militaires & luy feront ostezles deux
glaiues, & ne luy demeurera que les enseignes,—desquelles par moyen de la
curuature qui les attire, le peuple le faisant aller droict, & ne voulât se
condescendre à eux par le bout opposite de la main aigue, touchât terre,
voudront stimuler—iusques,a ce que naistra d'vn rameau de la sterile de long
temps, qui deliurera le peuple vniuers de celle seruitude benigne &
volontaire,soy remettant à la protection de Mars spoliant Iupiter de tous ses
hôneurs & dignitez, pour la cité libre, constituee & assise dans vn
autre exigue Mezopotamie,—Et sera le chef & gouuerneur ietté du milieu,
& mis au lieu de l'air, ignorant la conspiration des coniurateurs, auec le
second Trasibulus, qui de long temps aura manié tout cecy:—Alors les
immundicitez des abominations seront par grande honte obiectees &
manifestees aux tenebres de la lumiere obtenebre, cessera deuers la fin du
changement de son regne, & les clefs de l'Eglise seront en arriere de l'amour
de Dieu, & plusieurs d'entre eux apostatizerôt de la vraye foy,—& des
trois sectes, celle du milieu, par les culteurs d'icelle, sera vn peu mis en
decadence. La prime totallement par l'Europe, la plus part de l'Affrique
exterminee de la tierce, moyennât les pauures d'esprit, que par insêsez esleuez
par la luxure libidineuse adultereront.—La plebe se leuera soustenant,
dechassera les adherâs des legislateurs, & semblera que les regnes
affoiblis par les Orientaux que Dieu le Createur aye deslié Satan des prisons
infernalles, pour faire naistre le grand Dog & Dohan, lesquels seront si
grande fraction abominable aux Eglises, que les rouges ne les blancs sans yeux
ne sans mains plus n'en iugeront, & leur sera ostee leur puissance.—Alors
sera faicte plus de persecutiô aux Eglises, que ne fut iamais.—Et sur ces
entrefaictes naistra la pestilence si grande que trois pars du monde plus que
les deux defaudront. Tellement qu'on ne sçaura, cognoistre ne les appartenans
des champs & maisons, & naistra l'herbe par les ruës des cités plus
haute que les genoux:—Et au clergé sera faicte toute desolation, &
vsurperont les martiaux ce que sera retourné de la cité du Soleil de Melite,
& des isles Stechades, & sera ouuerte la grâd chaisne du port qui prêd
sa denomination au boeuf marin.—Et sera faite nouuelle incursion par les
maritimes plages, volant le saut Castulum deliurer de la premiere reprinse
Mahumetane. Renouvellement de
l'Eglise : "cinquième degré" du Concile de Latran de 1215 et Mérida Autrefois toute parenté collatérale bien établie formait
un empêchement canonique. (Concile d'Agde de 506, canon 61.) Grégoire III
limita cet empêchement au septième degré; mais le quatrième concile de Latran
de 1215 limita encore cet empêchement; il régla qu'une fois qu'on aurait
atteint le cinquième degré, il n'y aurait plus d'empêchement. Cette loi règle
encore aujourd'hui la matière Dans le IV. Concile de Latran tenu sous le même Pape
Innocent III, on vit comparoître le Sçavant Roderic Archevêque de Tolede, pour
se plaindre que malgré les Rescripts de tant de Papes, les Archevêques de
Brague, de Compostelle, de Tarragone & de Narbonne, refusoient de le
reconnoître pour Primat. Ce grand Prelat sembla triompher de l’Archevêque de
Compostelle, en faisant voir que Ia Metropole de Merida n’y avoit été
transferée que depuis l’an 1124. & que tout ce qu’on disoit des voyages de
Saint Jacques en Espagne, n’étoit appuyé sur aucune preuve solide. L’Archevêque
de Brague & un Evêque au nom de celui de Tarragone, ayant discuté les
Droits de ces Metropoles par de fortes raisons, le Pape les renvoya, dit
Mariana, sans rien prononcer, Lite integra discessum est, neutro inclinatis
sententiis. Zurita rend de même témoignage, & cela se justifie par les
Lettres d’Honoré III, successeur d’Innocent III, aux Archevêques de Tolede
& de Brague. Il paroît par ces Lettres que le procès avoit été encore
renouvellé de son tems à Rome, & qu’il n’avoit pas non plus été decidé. Au
contraire, ce Pape pour confoler l’Archevêque de Tolede, lui donna la Primatie
de Seville, qui étoit encore sous la domination des Mores, ensorte que lors
qu’elle seroit reconquise, celui qui en seroit Metropolitain releveroït du Primat
de Tolede. Il faut donc demeurer d’accord de bonne foy, que quoy que Roderic
Archevêque de Tolede eut tâché de donner non seulement du lustre & de
l’autorité, mais encore de l’antiquité à la Primatie de son Eglise, & qu’il
eut mesme remarqué pour cela que l’Archevesque de Seville fut transferé Ã
Tolede dans le XVI. Concile, tenu en cette derniere Ville, comme à un Siege
Superieur, il est neanmoins incomparablement plus probable, ainsi que Mariana
le montre fort au long, qu’avant Urbain II,le Metropolitain
de Tolede n’avoit jamais joüi d’aucun de ces avantages qui font propres &
particuliers aux Primats Pour l'Eglise de Compostelle, elle ne joüit du titre de
Metropole que depuis environ l'an 1123, que le Pape Calixte II y transfera
celui qui étoit à Merida la grande à la priere & à la poursuite d'Alphanse
VII Roi d'Espagne Inefficace ou presque, sur le plan politique, l'action
d'Innocent III fut plus heureuse sur le plan spirituel. La réforme de l'Eglise
exigeait assurément le renouveau de la discipline ecclésiastique, mais la
discipline du for externe, si elle peut assurer le bon ordre de la société
chrétienne et même influencer de quelque manière le comportement des chrétiens,
est incapable de réaliser la transformation profonde des esprits et des coeurs
sans laquelle il ne saurait y avoir de christianisme loyal et complet. Les
courants de la piété populaire qui agitaient depuis un siècle le peuple
chrétien n'étaient pas nécessairement ni absolument mauvais. S'ils revêtaient
souvent la forme de l'antisacerdotalisme, c'était peut-être parce que la
hiérarchie, plus ou moins sclérosée dans ses bénéfices, ne répondait plus
entièrement à ce qu'on pouvait attendre d'elle. Le Souverain Pontife eut
l'intelligence de comprendre tout de suite ce que cette piété populaire pouvait
contenir de richesses spirituelles et il pensa l'utiliser en « l'intégrant dans
la structure hiérarchique de l'Eglise ». Il se montra plein de bienveillance Ã
l'égard de chrétiens sincères qu'animait un réel désir de perfection et qui
n'étaient souvent devenus hérétiques que pour avoir traduit malaisément le
charisme qui les tourmentait. Il pensa que la rencontre de la hiérarchie et de
l'inspiration, la hiérarchie renouvelée par l'inspiration et l'inspiration contròlée par la hiérarchie, pouvait sauver
l'Eglise. Il ne fut pas toujours compris. Il eut des déceptions. Il réussit
néanmoins à convertir certaines communautés vaudoises et il recut avec joie
l'aide providentielle que lui apportèrent en même temps saint Dominique et
saint Francois d'Assise La riposte de l'Église au catharisme s'est développée en
plusieurs temps : 1e) Prédication conjuguant itinérance et pauvreté (dont
l'association définit la vita apostolica), qui entraîne la naissance des deux
grands ordres mendiants (Dominicains et Franciscains). Innocent III
recommandant de choisir des « hommes éprouvés qui, imitant la pauvreté du
Christ, ne craindraient pas d'aller sous un vêtement humble et avec un souffle
ardent, trouver les hérériques afin de les arracher à l'erreur par l'exemple de
leur vie et la science de leurs discours ». 2e) Devant les faibles résultats se
déclenche la Croisade des Albigeois (1209). Des milliers de chevaliers du Nord
s'en vont « châtier cette méchante et vaniteuse race des Provençaux et faire
cesser ces complaintes plaines de licence contre l'Apostole de Rome ». On
connaît la suite, la transformation de la Croisade en conquête au profit de la
Royauté, sanctionnée par le traité de Meaux (1220). 3e) Pour purger les terres
méridionales de l'hérésie, mise en place de l'Inquisition. Œuvre du concile de
Toulouse (1229), qui établit un tribunal extraordinaire, formé de juges
délégués permanents. Ils se recrutent essentiellement chez les Dominicains et moindrement
chez les Franciscains; ils jouissent de l'appui du bras séculier pour la
recherche et la punition des Cathares "dans la partie gauche, pour tourner à la dextre" Cette formule reprend ce que Saint Louis disait à son
fils Philippe alors qu'il était malade à Tunis. Il existe plusieurs versions des Instructions que saint
Louis adressa en mourant à sou fils Philippe-le-Hardi, dont celle de Jean de
Joinville, Histoire de saint Louis : A justices tenir et
à droitures sois loyal et raide à tes sujets , sans
tourner à dextre (droite) ni à senestre (gauche) ; mais aide au droit et
soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit déclairiée.
[...] Honore et aime toutes les personnes de sainte Eglise et garde que on ne
leur soustraye ni apetisse (diminue) leurs dons et leurs aumônes, que tes
devanciers leur auront donnés. L’on raconte d’un roi Philippe, mon aieul,
qu’une fois lui dit un de ses conseillers que moult de torfaiz (tort) lui
faisaient ceux de sainte Eglise, en ce que ils lui tollaient (enlevaient ) ses droitures (droits seigneuriaux) et
apetissaient ses justices , et était moult grand merveille comment il le
souffrait. Et le bon roi répondit qu’il le croyait bien mais il regardait les
bontés et les courtoisies que Dieu lui avait faites , si vouu lait mieux
laisser aller de son droit que avoir contens a (contestation) Ã (avec) la
sainte Eglise. Louis IX était fils de Louis VIII, et son aïeul était
Philippe-Auguste. Durant le règne de ce dernier, la croisade contre les Albigeois
est lancée (1208), ainsi que la tentative de la conquête du trône d'Angleterre,
avec son fils le futur Louis VIII, excommunié par le pape Innocent III qui la
désapprouve "enseignes... curvature... faire aller droict" La formule alambiquée de la Lettre, en rapport avec la
précédente, semble vouloir dire qu'on déploiera les enseignes pour partir au
combat. On trouve cette expression en occitan : "Senheiras
desplegadas e'ls gonfanons banditz" Guillaume de Tudèle commença au début du XIIIe siècle la
« Chanson de la Croisade contre les Albigeois » qu'un anonyme termina. Les
péripéties de la lutte entre le Nord et le Midi y sont relatées depuis les
prédications contre les hérétiques jusqu'au siège de Toulouse par Louis VIIl.
L'extrait que nous en donnons ci-dessous a trait à la reprise de Beaucaire par
le jeune comte Raymond VIl en 1216. Il peut être intéressant de rapprocher la
langue d'oc de cette époque de notre patois actuel Plier (en latin plicare) est dérivé du grec
"plèkèin", entrelacer. Ployer vient du verbe
latin plectere, courber. On doit dire plier, en parlant d'une armée : «l'aile
commençait à plier (à céder), et non pas à ployer. » Quoique plier signifie
mettre par plis, nous avons encore plisser , verbe
augmentatif, qui signifie faire de petits plis serrés : « on plie une chemise,
on plisse un jabot. On dit déployer des voiles, une armée, des enseignes
militaires, et, au figuré,de grands talents,
etc.,etc.;mais, bien que l'on dise déployer les voiles, il faut dire plier les
voiles, qu'on veut faire entendre les mettre par plis "ployer enseignes &
sonner la retraite" Le
"Rabieux" et "le Sage" Sanche VII de Navarre, dit le Fort, né vers 1170, il est
mort le 7 avril 1234 à Tudela. Il régna sur la Navarre de 1194 à 1234. Il est
le fils de Sanche VI le Sage et de Sancha de Castille4 (†1177), parfois nommée
Béatrice de Castille. Par la bulle du 16 avril 1198 (annulée le 29 janvier
1199), il est excommunié par le pape Innocent III pour avoir soutenu Abû Yûsuf
Ya'qûb al-Mansûr (mort en 1199), fils de Abû Ya'qûb Yûsuf (mort en 1184).
Enfin, près du tombeau de Sanche à Roncevaux, les restes d'une femme sont
conservés. La nécrologie de l'abbaye la qualifie de "reine Clémence, fille
de Frédéric, empereur de Germanie". Sans héritier direct, Sanche VII de
Navarre eut comme successeur son neveu Thibaut Ier de Navarre L'an 1199, Sanche VII passe en Afrique dans l'espérance
d'épouser la fille du roi de Maroc, qui la lui avait offerte, en lui promettant
pour dot tout ce qu'il possédait en Espagne. Mais tout ce qu'il rapporta de ce
voyage, au bout de deux ans, ce fut un cancer, suite d'une grande maladie qu'il
avait eue à Maroc. Ce mal le rendit si triste et si sauvage, qu'il demeura
presque toujours enfermé dans son palais de Tudèle, sans vouloir se communiquer
à personne : c'est ce qui l'a fait nommer par quelques-uns l'Enfermé. L'an
1209, il a une entrevue avec les rois de Castille et d'Aragon, et conclut la
paix avec le dernier par la médiation du premier. Sanche, malgré ses
infirmités, se mit en campagne l'an 1212, et eut grande part à la célèbre
victoire qu'Alfonse, roi de Castille , et roi
d'Aragon, remportèrent, le 16 juillet, sur les Mahométans. Le roi Sanche mourut
le 7 avril 1234, à l'âge de 50 ans, après un règne de 40 ans, et fut enterré Ã
Roncevaux. Ce prince devait être fort économe, s'il est vrai, comme on le dit,
qu'il laissa dans son trésor, en mourant, 1,700,000
liv. Il avait épousé Constance, fille de Raimond VI, comte de Toulouse, qu'il
répudia après en avoir eu un fils, Ferdinand, mort long-tems avant lui. « On
blâme beaucoup , dit D. Vaissète, le roi Sanche
d'avoir répudié Constance qui, étant très-féconde, l'aurait empêché de laisser éteindre
sa race » Au XIVe siècle, le royaume de Navarre n'a plus de façade
maritime. Il a perdu vers 1200, au temps de Sanche le Fort, les provinces
vasconganes, avec la disponibilité des ports cantabres. Les souverains du XIVe
siècle doivent négocier l'utilisation du port de Fontarabie, s'ils veulent
exporter leurs denrées, acheminées par la Bidassoa et déchargées plusieurs fois
jusqu'aux vaisseaux de haute mer. L'Etat, et c'est heureux pour sa vie
économique, commande les régions pyrénéennes occidentales, du moins le col de
Roncevaux Fontarabie, en espagnol Fuente Rabia [en espagnol rabia
signifie "rage"], en latin Fons Rapidus [ou fons rabidus, source
furieuse, enragée], autrefois Ocaso [ou Hondarribia en basque], est une ville
forte du Guipuzcoa, et une des clefs de l'Espagne. Elle est située dans une
petite péninsule au bord de la mer et sur la rive gauche du Bidazoa ; elle a le
titre de cité Le diocèse de Bayonne, suivant les limites qui lui sont
désignées dans un rescrit de Célestin III, daté de 1194, s'étendait autrefois
dans la Navarre espagnole et jusqu'à Saint-Sébastien dans le Guipuzcoa. Il y
comptait quatre archiprêtres, ceux de Baztan, de Cinco-Villas, de Fontarabie et
de Lérin. Ces archiprêtres comprenaient trente paroisses, toutes situées sur
les terres d'Espagne Sanche VII, Roi de Navarre, commença en 1194 à munir
Fuente Rabia d'un fort ; Alphonse XI, Roi de Castille, ajouta quelque chose Ã
ses fortifications, lesquelles furent enfin perfectionnées par le Roi Philippe
II Chien et mâtin :
les Della Scala La rage (rabia) est raccord avec le chien et le mâtin (« chien enragé »). Les débuts de la fortune politique des Della Scala date de ce début du XIIIème siècle. Jules Scaliger exilé Ã
Agen, rappelons-le, était une connaissance de Nostradamus et revendiquait
l'ascendance des seigneurs de Vérone dans sa parenté. Jacopino della Scala (XII secolo – 1215 o 1248) era
nipote di Balduino della Scala, che diede origine alla dinastia Della Scala.Inizialmente
era un mercante di lana, non particolarmente ricco e privo di titoli nobiliari.
Abile e autorevole politico, incline alla pace, divenne vicario imperiale di
Ostiglia, oltre a podestà di Cerea. Dalla prima moglie Margherita Giustiniani
ebbe Manfredo (1215-1256), vescovo di Verona dal 1241 al 1256 Plusieurs des seigneurs Della Scala qui régnèrent dans
Vérone de 1259 à 1387, adoptèrent les prénoms de Cane (chien), ou Mastino
(mâtin) ; choix qui n'a rien de plus bizarre que celui des noms de Loup, de
Griffon, de Renard, si communs en Danemarck, en Angleterre et en Allemagne.
Deux d'entre eux s'illustrèrent assez pour être connus sous la désignation d'il
Gran'Can. Des historiens, voyant le même prénom porté par trois ou quatre de
ces princes, ont parlé du Can, du Grand Can de Vérone, et créé ainsi un titre
qui transformait en un chef de Tatars le seigneur d'une ville d'Italie "exigue Mésopotamie" : retour en Béturie La Béturie constitue l'un des problèmes les plus
complexes de la géographie antique de l'Hispanie. Deux peuples habitaient cette
petite région centrée sur l'actuelle province de Badajoz, entre le Guadalquivir
(Baetis) au Sud et le Guadiana (Anas) au Nord. Le peuple des Turduli, Ã l'Est,
passait pour apparenté aux Turdétans de la Basse Andalousie ; celui des
Celtici, à l'Ouest, était censé provenir a Celtiberis ex Lusitania (Pline
l'Ancien, III, 13). Cette formule condensée laisse entrevoir qu'à partir d'un
foyer ethnique celtibère, quelque part dans l'Est ou le Nord de la Meseta, les
Celtiques de la Béturie firent d'abord étape en Lusitanie, dans le bassin
inférieur du Tage, avant de s'établir au Sud du Guadiana Lorsqu’il introduit l’Europe comme nourrice du populus
victorieux de toutes les gentes, Rome, il est séduisant mais non justifié de penser
que « peuples » et « nations » constituent l’Europe. « Populus » en langage
plinien désigne une communauté de citoyens organisés en cité et « gens » parle
des peuples en général, formés par des groupements de familles mais distincts
d’une communauté civique, d’un populus ou d’une civitas. Lorsqu’il aborde la
Béturie divisée en Celtique et en Turdule (NH, III, 13), l’érudit propose des
critères de distinction entre les populations que ne pouvaient que s’approprier
les historiens nationaux modernes : il affirme que la gens des Celtici de
Béturie, inclus dans la Bétique, sont une branche des Celtibères de Lusitanie
en raison de leurs rites religieux (sacra), de leur langue et des toponymes de
leurs villes dont seuls les surnoms ajoutés diffèrent. La langue et les cultes
sont des repères mais la formule plinienne semble indiquer que les populations
elles-mêmes n’ont pas de revendication particulière à ce sujet. Les Romains
s’intéressent à leurs origines sans affirmer qu’ils forment une communauté
ethnique que Rome de toute manière n’aurait pas tolérée. Il résulte clairement
que la cité ou l’oppidum en constituent le mode d’organisation, le mot de gens
renvoyant à des origines extérieures à la cité romaine. Il faut relever
l’ambiguïté du passage invoquant des Celtibères de Lusitanie jamais nommés par
ailleurs pour cette région. L’idée qui devrait s’imposer est sans doute
l’inverse de celle que l’on serait tenté de privilégier : les idéologues des
nations modernes ont cru rencontrer dans les sources romaines une illustration
ancienne du bien-fondé de leurs critères identitaires conformes à la nature
humaine (Patrick Le Roux, Provinces romaines d’Occident et nations modernes,
Historika II, 2012). Eulalie de Mérida, Mars et sa Cantilène Mérida est l'ancienne Augusta Emerita fondée par Auguste
en 25 avant J.C. La chapelle Sainte Eulalie à Mérida est un monument digne
de la curiosité des amis des arts. Elle est construite presque en entier avec
les fragments d'un temple de Mars, qui existoit jadis sur le même emplacement;
la preuve de ce fait se lit sur une inscription placée dans la frise, et ainsi conçue : MARTI SACRVM VETILL PACVLI. Une inscription moderne, placée au-dessous de
cette derniere, porte ces mots : Jam non Marti, sed Jesu Christo D. O. M.
ejusque sponsœ Eulaliœ vir Sainte Eulalie de Mérida est une vierge martyre morte en
304, célébrée dans un hymne de Prudence (Peristephanon 3). Son histoire fit l'objet du plus ancien poème en langue d'oïl, intitulé La
Cantilène de sainte Eulalie ou Séquence de sainte Eulalie. Cette séquence (ou
cantilène) est une transcription en langue vernaculaire d'une séquence latine
de 29 vers, composée aux environs de 880 à l'abbaye de Saint-Amand, dans le
nord de la France En septembre 1938, un savant américain, Henry Dexter Learned, qui faisait à cette époque des recherches à la Bibliothèque municipale de Valenciennes, a regardé le manuscrit. Il a constaté que la quatrième lettre du verbe en question avait été mal lue. Dans un article publié dans la revue américaine Speculum, où il reproduit tous les n et tous les r du manuscrit, il prouve que ce que le copiste avait écrit est, à n'en pas douter, un r - ce qui ne ressort d'aucun des divers fac-similés qui existaient à cette époque. Il n'en demeure pas moins vrai que, non seulement sur les fac-similés mais sur le manuscrit lui-même, on voit très clairement, à droite, un deuxième jambage qui fait que le caractère en question ressemble plutôt à un n. Comment faut-il expliquer ce deuxième jambage ? D'après Learned, il s'agirait tout simplement d'une bavure, d'une petite traînée d'encre (il emploie en anglais le mot "smear"), produite tout accidentellement et dépourvue par conséquent de toute importance. La leçon "aduret" a été presque universellement retenue par ceux qui se sont préoccupés depuis la publication de l'article de Learned - c'est-à -dire depuis bientôt un demi-siècle - de l'interprétation du vers en question : voir les travaux de Hatcher, Barnett, Avalle, Atkinson, Milani, Cernyak, Hilty et Bambeck. Il est vrai que Heisig maintient que, pour des raisons d'ordre sémantique, la leçon "aduret" est totalement inadmissible. [...] Les plus anciens monuments de la langue française présentent tous des passages dont l'interprétation est controversée.
Si pour les Serments de Strasbourg c'est le fameux non lostanit, pour la Cantilène de sainte Eulalie c'est le vers 15 :
ell'ent aduret lo suon element. Dans deux études publiées en 1978 j'ai discuté toutes les propositions faites jusqu'à ce moment-là pour interpréter le vers énigmatique. Ce n'est pas le lieu de reprendre
ces discussions. Je me limiterai à rappeler le résultat auquel m'ont conduit mes réflexions : le verbe adurer à ici le sens de "endurer" et le substantif element désigne un des quatre éléments, à savoir le feu. Pour comprendre
le rapport spécifique qui existe entre la sainte et le feu il faut connaître un peu l'histoire de son martyre : plusieurs tortures auxquelles Eulalie est soumise gardent un rapport direct avec le feu et la chaleur : aspersion
d'huile bouillante sur la poitrine, aspersion de plomb fondu, brûlage des genoux, introduction dans une fournaise. Mais le corps d'Eulalie est miraculeusement rendu insensible au feu et à la chaleur. L'huile bouillante ne
lui fait rien, parce qu'elle est moins chaude que l'amour que la sainte éprouve pour Jésus-Christ. Malgré le brûlage des genoux, la sainte peut encore marcher et dans la fournaise, Eulalie ne se consume pas. Cette insensibilité
miraculeuse explique aussi pourquoi aux attributs de la sainte appartiennent la fournaise et la torche. A mes yeux le vers 15 signifie donc : "elle endure le feu". Le feu est son élément parce que ses ennemis veulent la
torturer et la tuer par lui ; c'est son élément aussi parce qu'il est pour ainsi dire son allié qui ne lui cause pas de mal, mais nuit, en revanche, à ses bourreaux; c'est son élément enfin parce qu'elle prendra place dans le
ciel sous la forme d'une étoile qui luit grâce au feu qu'elle contient, comme nous le dit la séquence latine, conservée avec notre Cantilène. Le vers que nous venons de discuter se trouve exactement au milieu de
la Cantilène et énonce l'idée centrale du martyre de la sainte. Par l'adverbe ent il est relié à ce qui précède. Cet adverbe a une signification complexe mi-temporelle, mi-causale (= à la suite et comme conséquence). Son
utilisation dans ce double sens est un emploi favori, par exemple, du poète de la Chanson de Roland et il est intéressant de constater que dans cette chanson la plupart des exemples de ce en(t) sont précédés immédiatement
d'un style direct. Dans la Cantilène de sainte Eulalie, ce n'est pas un discours reproduit en style direct qui précède, mais un discours rapporté. A la suite et comme conséquence de la conversation avec Maximien, dont le résultat
a été négatif, Eulalie endure le supplice du feu. Mais le rapport établi par l'adverbe en va encore plus loin et concerne toute la première partie du poème : parce qu'Eulalie est bonne, parce qu'elle a une belle âme de chrétienne,
parce qu'elle ne veut pas servir le diable et renier Dieu... elle endure le feu. Le vers central évoque, au moyen de l'adverbe ent, les raisons du martyre indiquées dans la première partie, et en même temps il marque le début
de la réalisation du martyre. Les deux vers qui suivent contiennent le premier exemple français de ce qu'on est convenu d'appeler "style indirect libre". Les vers rendent la pensée de la sainte et expriment par là la raison
subjective du martyre, vu ici du dedans, tandis que la scène précédente avec la conclusion dans le vers 15 est décrite dans la perspective objective de l'auteur, du dehors. Le por o du vers 18 enfin réunit les raisons objectives
et subjectives (contenues entre les deux por o des vers 11 et 18) et fixe le résultat irrévocable au passé (furet morte), tandis que la première allusion au supplice du feu au vers 15 se trouve au présent, dans un présent
qui exprime l'action dans une perspective encore inaccomplie. Le triste résultat de la mort une fois fixé, le poète nous décrit, aux vers 19 à 25, les phases décisives de l'action, avant d'entonner la prière finale.
De même que le vers 18 est au fond un résumé anticipé des sept vers qui suivent, le possessif suon du vers 15 et l'équation element=feu sont une anticipation de quelques aspects fondamentaux du récit du martyre d'Eulalie
(/ou [19], arde [19], no's coist [20]). Et pour ceux qui connaissent déjà l'histoire de la sainte, il devait y avoir aussi des liens intimes entre element et empedementz [16] et même entre element et l'ascension finale
de la sainte qui devient une étoile brillante. Dans cette perspective notre vers est vraiment le centre de la Cantilène et notre analyse montre aussi la structure parfaitement équilibrée du petit chef-d'oeuvre qu'est le
premier poème conservé en langue française. Mais que veut dire dans ce contexte "langue française" ? Quelle est la langue dans laquelle est écrite notre Cantilène ? Pour déterminer cette langue il faut, évidemment, interpréter
l'orthographe de notre texte qui est loin d'être une transcription fidèle de la réalité phonétique sous-jacente, mais obéit à certaines traditions auxquelles le scribe n'a pas pu se soustraire complètement.
Je donne un exemple : la voyelle finale -a du latin apparaît dans notre texte aussi bien sous la forme de -a (buona [1], pulcella [1], anima [2]) que sous la forme de -e (manatce [8], cose [9], polle [10]). Personne
n'interprétera cette opposition comme réalité phonétique. Dans les formes en -a on verra l'effet d'une influence plus forte de la tradition de l'orthographe latine, et pour ce qui est du premier vers on se demandera peut-être
même si le scribe n'avait pas conservé les -a pour reprendre en anagramme le mot alleluia, qui précédait toute séquence : buonA puLcELla fUt EulallA. Quoi qu'il en soit, pour déterminer la base linguistique, dialectale de la
Cantilène, il faut interpréter l'orthographe. Heureusement cette interprétation conduit en partie à des résultats généralement acceptés : la langue de l'Eulalie présente des traits wallons incontestables D'autres influences autre que Prudence, secondaires mais non négligeables, ont été relevées par des commentateurs récents:
il s'agit, au premier chef, de traits de vocabulaire d'inspiration érigénienne qui ont été décelés par J. Orr, puis par J. Györy, dans le difficile vers 15. [...] Mème en tenant compte de la correction proposée par Learned, on voit que le sens philosophique de ce vers demeure. Selon Györy, ces concepts et ce vocabulaire
à résonances théologiques remontent directement, malgré leur teinte poétique, à l'enseignement de Jean Scot Érigène, “professeur à la cour de Charles le Chauve et, non sans vraisemblance, maître à penser d'Hucbald et
de ses contemporains immédiats, Heiric et Remi d'Auxerre. Des traces possibles d'influences irlandaises sont au niveau de la coupe bisectionnelle des vers, relevées par E. Lorenz Jean Gyôry, dans Le système philosophique de Jean Scot Erigène et la cantilène de Sainte Eulalie. - Ègyetemes Philolôgiai Kôzlony. (T. 60. nos. 1—3. pp. 29—37. En français.)
explique le vers 15, jusqu'ici incompris de la Cantilène. Eulalie, la belle chrétienne, est devant le roi des païens qui l'invite à renoncer à sa foi pour pratiquer des coutumes frivoles, mais sans succès.
Alors la jeune fille "réunit son élément", ou, comme dit le poète : "Ellent adunet lo suon element". Selon l'auteur l'explication de ce passage énigmatique se trouve dans l'oeuvre de Jean Scot Erigène : De divisione Naturae.
Le mot adunatio y est fréquent et signifie le retour de la nature à Dieu. L'explication du mot lo suon element est plus difficile, cela ne peut signifier les quatre éléments : terre, feu, eau, air, car le mot est en singulier,
cela ne peut pas être l'un d'eux non plus (le feu p. ex.). Le mot element remplace - selon l'auteur — les quatre parties de l'homme, corps, sens, âme, intellect, dont le Christ a opéré une réunion mystique (adunavit)
en un "non compositum unum sed simpliciter unum" - ce qui explique le singulier. Eulalie réunit donc sa nature, son moi à la manière du Christ. Les vers 14 et 15 de la Séquence : Qued elle fuiet lo nom chrestiien.
Ellent adunet lo suon element, pourraient être traduits donc ainsi : Elle réunit son tempérament (sa nature, son moi) en imitant le Christ. Ou, en en faisant une paraphrase: elle (tendue vers l'absolu) réunit
(d'une façon mystique) son moi, en imitant le Christ Merida, sous domination musulmane, fut en état de révolte entre 828 et 830 ; ce mouvement fut encouragé par l'empereur Louis le Pieux
qui se déclarait prêt à accueillir les chrétiens désireux de quitter la ville. Nous savons simplement que le frère ou un des frères de Prudence, qui fut lui aussi évêque, resta en Espagne.
C'est à une date inconnue qu'il change de nom, que Galindo devient Prudence, en hommage au célèbre poète latin du IVe siècle. A partir de 836, il tient les annales impériales, c'est le premier repère chronologique
sûr que nous possédions sur son compte. A la même époque ou un peu avant il écrit un florilège des psaumes pour une noble dame éprouvée qui n'est autre que l'impératrice Judith. En un temps de troubles politiques
virulents, il reste proche du couple impérial et cette fidélité ne se dément pas durant la guerre civile qui oppose les héritiers de Louis le Pieux ; en effet Charles le Chauve lui marque avec régularité sa confiance,
il tient les annales royales jusqu'à sa mort ; il devient évêque de Troyes vers 843/45 et en 844 il reçoit la charge de missus avec Loup Servat abbé de Ferrières, autre intellectuel carolingien bien connu.
C'est donc entre 843/45 et 861 qu'il compose la Vie de Maure. On peut toutefois affiner considérablement cette fourchette chronologique : d'une part nous ne possédons, mises à part les annales, aucun écrit
de Prudence postérieur à 853. Son continuateur et rival Hincmar de Reims nous donne l'explication de cette cessation quasi totale d'activité littéraire : les dernières années de Prudence furent marquées par une
grave maladie Hincmar, qui succède à Prudence dans la rédaction des Annales reconnaît qu'il était très lettré, mais ajoute : "Il se fit le défenseur acharné
de l'hérésie et composa plusieurs écrits peu cohérents entre eux et contraires à la foi". Par ces mots, Hincmar accuse Prudence d'avoir soutenu des thèses du moine Gottschalk concernant la double prédestination.
Cette affaire qui passionna l'Église carolingienne pendant vingt ans, qui opposa les évêchés du Sud à ceux du Nord, est bien connue. Hincmar, qui soutenait Raban Maur contre son ancien moine Gottschalk, avait demandé
l'aide de Jean Scot Erigène, qui, en s'appuyant sur les arguments de la dialectique, écrivit un traité De la prédestination. Prudence, avec une fougue toute wisigothique, lui répliqua point par point Luis de Granada (1504 - 1588) explique ainsi cette impression de chaleur que les mystiques éprouvent dès les premières ferveurs.
"Dieu étant une source de lumière et de chaleur, celui qui s'approche du feu sent aussitôt en lui la chaleur et l'allégresse de la flamme; mais, dès qu'il s'en écarte, il se refroidit peu à peu et, deux heures après, il
est froid complètement pour s'être éloigné de la source de chaleur" (« Como dios es fuente de luz y de calor, assi como el que se llega al fuego, luego siente y recibe en si el calor y alegria del fuego, mas en desviandose
del, luego tambien poco a poco se va enfriando y de a y a dos horas esta ya del todo Mo porque se desuio la causa del calor » (Libro de la Oracion, lib. III, cap. I) Le nouveau Thrasybule : le Comte Julien L'effort de l'Eglise, qui règle en 633, puis en 653
(VIIIe concile), l'élection en la confiant aux dignitaires du palais et aux
évêques, n'empêche pas la progressive aggravation à la fin du vne siècle, des
luttes entre les descendants de Receswinth et de Wamba. Le mécontentement de
larges couches sociales, l'attitude hostile de la minorité juive et les guerres
civiles entre les grandes familles aristocratiques se conjuguent pour accroître
la fragilité interne de la monarchie. Lorsqu'en 710, meurt le roi Witiza,
descendant de Wamba, il désigne pour lui succéder son fils Akhila, duc de la
Tarraconaise. La fraction opposée élit roi Rodéric, duc de Bétique, de la
famille de Receswinth. C'est pour lutter contre lui qu'
Akhila fait appel aux musulmans d'Afrique. Ceux-ci passent le détroit de
Gibraltar en 711, comme mercenaires au service d'une querelle interne des
Wisigoths. La conquête musulmane Jusqu'à ce moment, l'expédition musulmane peut
être considérée comme une des multiples razzias lancées depuis le Maghreb par
le gouverneur d'Ifriqija, Musa-ben-Nosayr, pour employer dans des entreprises
extérieures l'ardeur guerrière des remuants berbères. Dans une perspective plus
large, l'intervention en Espagne apparaît dans la ligne directe de l'expansion
arabe qui, peu après l'année 700, poussait les groupes d'Arabes et de Berbères
à pénétrer au Maroc. La renommée de la richesse de l'Hispania, l'appât du
butin, et les appels qu'ils recevaient aussi bien des juifs que du parti d' Akhila, ont pu les pousser à tenter leur chance dans la
péninsule. En 711, un petit groupe expéditionnaire d'environ sept mille
Berbères, commandé par un lieutenant de Musa, Tariq-ben-Ziyad, traverse le
détroit dans les bateaux fournis par le comte Julien, gouverneur de Ceuta,
dernière place forte byzantine de la région, Tariq conquiert sans difficulté la
montagne qui depuis porte son nom, Djebal-Tariq, Gibraltar, et s'installe Ã
Carteia (Algésiras). La rencontre avec le roi Rodéric, accouru du Nord où il
combattait les Basques, a lieu sur le Guadalete le 19 juillet. La victoire de
Tariq est complète. Le roi Rodéric meurt peut-être dans la bataille (ou
disparaît deux ans plus tard dans un combat mineur). L'appareil de l'Etat
s'écroule et des mécontents s'incorporent à l'armée de Tariq, qui exploite Ã
fond sa victoire. Il s'empare de Cordoue, puis de Tolède, que ses habitants ont
abandonnée. L'année d'après, Musa, à son tour, arrive avec une armée formée en
majorité d'Arabes, et forte de dix-huit mille hommes. Il prend Séville et
Médina-Sidonia, Mérida (en 713, après un long siège) et rencontre Tariq sur le
Tage Les deux colonnes d'Hercule devenues Jibal Musa au Sud et
Jibal Tariq (c'est-à -dire Gibraltar) au Nord se trouvaient ainsi réunies par
l'initiative d'un gouverneur d'Ifriqiya, avec l'aide du gouverneur byzantin, le
Comte Julien. Le comte Julien aurait eu une fille qui, suivant la
coutume de l'époque, fut envoyée à la cour tolédane afin d'y recevoir une
éducation princière. Le roi Roderic aperçut un jour la jeune Grecque et, séduit
par sa beauté, exigea ses faveurs. Averti en secret, Julien vint lui-même Ã
Tolède, malgré la rigueur de la saison, pour ramener sa fille en Afrique ; et
il jura qu'il vengerait cet affront. La malheureuse devait porter désormais la
responsabilité des maux qui s'abattirent sur l'Espagne, du jour où ce pays
tomba aux mains des Musulmans. Toute une littérature allait être inspirée par
la fille du comte Julien : de nombreux récits de date très postérieure et des
poèmes du Romancero rapportent comment, en se baignant dans le Tage, à Tolède,
elle fut aperçue par Roderic ; ils l'affublent du nom de Florinda et du
sobriquet infamant de « Caba » ou « Cava » (du mot arabe qui signifie «
prostituée »). Toujours au rapport des chroniques arabes, Julien, à peine de
retour à Ceuta, entreprit le long voyage de l'Ifrikiya pour y rencontrer le
gouverneur Musa ibn Nusair. Il lui
représenta la facilité d'une conquête éventuelle de la Péninsule ibérique et
fit briller à ses yeux les profits considérables que les Musulmans ne
manqueraient pas d'en retirer. Musa ibn Nusair, acceptant l'offre de
collaboration du comte Julien, lui aurait prescrit de procéder lui-même à une
reconnaissance préliminaire sur le littoral espagnol. L'exarque regagna Ceuta,
y mit sur pied un petit corps de débarquement, puis opéra une descente hardie
dans la baie d'Algeciras. Il fit du butin et des captifs et rentra à Ceuta au
bout de quelques jours. Ce raid, dont la réussite impressionna fortement les
Musulmans du Nord marocain, aurait eu lieu en octobre ou novembre 709 (fin de
90). Les historiens arabes donnent à entendre qu'à la faveur de ces événements,
Musa ibn Nusair fut bientôt convaincu qu'une expédition de quelque envergure
était possible contre l'Espagne. Mais il ne pouvait la décider de son propre
mouvement; il lui fallait l'accord du calife. Pressenti, al-Walid n'accorda pas
d'emblée l'autorisation demandée. Par deux fois, il aurait prescrit à son
gouverneur d'Ifrikiya de se borner à faire opérer de simples reconnaissances de
cavalerie, destinées à le renseigner sur la capacité de résistance des
Wisigoths et sur la véritable situation politique de l'Espagne. «Garde-loi,
ajoutait le souverain, d'exposer les Musulmans aux périls d'une mer aux
violentes tempêtes !» La première descente musulmane eut lieu au mois de
juillet 710 (ramadan 91) Le
"gouverneur" : le Goth Sacaru ou le duc Claude Aussitôt que les Maures eurent vaincu le roi des Gothts,
ilz conquétérent facilement toutes les provinces Hespagnoles. Ilz perdirent
huitante mille combatants, dans le combat qu'ils eurent contre le roi Rodrigue.
Ilz prirent la cité Mérida, qui étoit alorz métropolitaine de Lusitanie. Un
capitaine Goth, nommé Sacaru, qui en étoit gouverneur, résista longtems contre
l'armée de Muça, qui le tenoit assiégé; & lui tuä quantité de combatants,
avant de capituler; & ne capitula, que par la contrainte d'une opressante
famine, qui commençoit à ravager ladite cité.Â
Il capitula donc, dont le principal article de la capitulation étoit
qu'il sortiroit libre & honorablement, quant & ses soldats, &. ce que Muça exécuta ponctuèllement. Il passa en suite par le
milieu de Portugal, afin d'arriver jusqu'à un havre, où il fit embarquer sa
garnison Hespagnole, qui étoit sortie de Mérida. Il vint donc à un, où il
assembla une petite flotte, en laquelle il embarqua ses soldatz ; & puiz
navigua vers son païs Dans La véritable histoire du roi don Rodrigue publiée en 1592, traduction d'une supposée chronique en langue arabe d'un musulman contemporain des faits racontés, faite par Miguel de Luna, un nouveau chrétien, d'origine more, traducteur officiel de Philippe II, Sacaru jette du haut des murailles de Mérida du pain pour tromper l'assaillant sur leurs réserves alimentaires (Augustin Redondo, Les Représentations de l'Autre dans l'espace ibérique et ibéro-américain: Perspective diachronique, 1991 - books.google.fr). Thrasybule, tyran de Milet, étant assiégé par Alyatte, qui était prêt de prendre la ville par famine, lui envoya demander une trêve d'autant de temps qu'il lui en fallait pour achever le temple de Minerve Assesie. En même temps il ordonna aux habitans d'apporter au marché tout ce qu'ils avaient de vivres, de s'y mettre à table, et de se régaler. Le héraut d'Alyatte ayant vu ces choses, en fit son rapport à son maître qui, croyant par là les Milésiens dans une grande abondance de toutes choses, leva le siège et se retira (Polyen (avocat macédonien (v. 100-ap. 162) vivant à Rome), Stratagêmes, Livre VI, chapitre XLVII) (Bibliothèque historique et militaire, dédiée à l'armée et à la garde nationale de France, Volume 3, compilé par Charles Liskenne, Jean Baptiste Balthazard Sauvan, 1840 - books.google.fr). Ce Thrasybule ne doit pas être confondu avec l'Athénien de même nom, voir plus haut. Gouverneur (ou duc) de la Lusitanie (dux Lusitaniae), catholique, proche de Récarède, régnant de 586 à 601, permier monarque « espagnol » catholique, Claudius écrase en 587 dans la région de Mérida une conspiration arienne suscitée par l'évêque Sunna et deux nobles, Seggo et Wittéric. Leur projet était notamment de l'assassiner, de s'emparer de la ville de Mérida, et de faire soulever ensuite la province de Lusitanie tout entière contre le roi Récarède. Wittéric deviendra roi de 603 à 610 en faisant assassiner Liuva II qui lui avait donné le commandement de l'armée pour repousser les Byzantins. L'historien arabe Ibn al-Athîr dira à propos de Wittéric : « Pécheur, impie et tyrannique, cet homme fut attaqué et tué par l'un de ses familiers. » (fr.wikipedia.org - Claudius (duc)). "au millieu" et "lieu de l'air" : non-lieu Ayant fait se battre les uns contre les autres les
arguments au sujet du lieu (les arguments « pour » étant empruntés au sens commun,
les arguments « contre » à l'arsenal des apories sceptiques concernant les
conditions dans lesquelles peut exister le lieu), Sextus en arrive à la
conclusion qu'on ne peut rien dire de pertinent en faveur de la réalité du
lieu. Mais il ne suffit pas de prouver un manque de réalité - ce qui, à la
rigueur, suffirait aux modernes. Le Sceptique veutr prouver l'intelligbilité du
concept et ne s'estime satisfait que s'il y parvient. Dans ce dessein, Sextus
procédera par analyse et discussion successives des doctrines des philosophes
dogmatiques, dans l'occurrence les Stoïciens puis les Péripatéticiens. Trois
hypothèses peuvent être émises : ou le lieu peut être défini comme un corps ou
du vide ; ou le lieu contient les corps ; ou le lieu est la limite du corps qui
contient. Prenons la première hypothèse. Si le lieu est un corps, ce n'est pas
un lieu - sans quoi le lieu serait dans le lieu ! Si le lieu est du vide, de
trois choses l'une : ou ce sera du vide qui demeure comme tel, et alors ce vide
sera tantôt vide et tantôt plein quand un corps surviendra, ou ce sera du vide
qui s'écoule et alors ce vide sera en réalité un corps, ou ce vide sera détruit
— ce qui est impossible : car alors le vide existerait, étant plongé dans le
devenir. Passons à la seconde hypothèse : c'est que le lieu est ce qui contient
le corps. Quatre cas peuvent être envisagés : ou bien le lieu est matière -
non, ce n'est pas possible, le lieu étant dépourvu de corps et n'étant pas un
élément ; - ou bien il est forme - ce n'est pas possible non plus, car le lieu
peut se distinguer du corps et il ne change pas de position ; - ou bien il
consiste dans un intervalle - mais il n'est pas enfermé dans des limites, bien
au contraire ; - ou bien il constitue les limites extrêmes du corps, mais, lÃ
encore, on ne peut accorder cela, car le lieu ne fait pas partie du corps. La
troisième hypothèse est celle des Péripatéticiens ; elle est exprimée par
Aristote dans le IVe livre de sa
Physique et dans le Traité du Ciel. Le lieu serait l'extrémité du contenant, en
tant que contenant. Ainsi, la terre étant contenue dans l'eau, l'eau dans l'air, l'air dans le feu, le feu dans
le Ciel, il s'ensuivra que la limite de l'eau sera le lieu de la terre, celle
de l'air le lieu de l'eau, celle du feu le lieu de l'air, celle du ciel le lieu
du feu. Cependant, selon Aristote, le ciel n'existe nulle part puisqu'il existe
en lui-même, et c'est le premier dieu qui serait la limite du Ciel. Or, de deux
choses l'une : « le premier dieu » est autre chose qu'une limite, — et alors il
existe autre chose en dehors du ciel ; et le ciel, dans ce cas, est contenu
dans un lieu. Ou bien ce dieu se confond avec la limite du ciel, et alors cette
limite étant le lieu de toutes les choses qui existent, Dieu sera la limite de
toutes choses, ce qui fait partie des affirmations absurdes ou incongrues ou
contraires au bon sens. Il faut remarquer cette dernière expression, très
typique du besoin absolu d'intelligibilité. Sextus insiste sur ce fait que, si
l'extrémité du contenant est le lieu du contenu, cette extrémité est ou un
corps (et alors le lieu sera dans un lieu) ou un incorporel (et alors le lieu
sera une surface, puisque la limite de tous les corps est une surface) — ce qui
sera absurde. Et, en général, il est ridicule de dire que le ciel est lui-même
son propre lieu, car il serait à la fois contenant et contenu, donc deux choses
à la fois. Et la même chose ne peut être à la fois une et deux, à la fois corps
et incorporel. C'est un appel que fait Sextus au principe de non-contradiction Le mouvement naturel des éléments selon leur degré de gravité ou de subtilité semble effacer toute notion de limite d'une sphère élémentaire à l'autre. Sénèque, précisément à propos des étoiles filantes, le rappelle : « nécessairement entre la couche inférieure de l'éther et la couche supérieure de l'air, il existe quelque amalogie, car il n'y a pas brusque passage du différent au différent; ils mélangent peu à peu leurs propriétés sur leurs confins, au point qu'on peut se demander si telle partie est encore de l'atmosphère ou déjà de l'éther » (le texte latin de Questions naturelles, Livre II est : [Necesse est enim ut et imus aether habeat aliquid aeri simile et summus aer non s it dissimilis imo aetheri], quia non fit statim in diversion ex diverse transitus ; paulatim ista in confinio vim suam miscent ita ut dubitare possis aer an hoc jam aether sit) [...] Néanmoins, à l'intérieur même de l'air, on peut distinguer des zones. L'air dans lequel nous vivons est le plus pesant [...]. Alourdi de matières terrestres et aquatiques, c'est celui où se forment le brouillard et la rosée (Chantal Connochie-Bourgne, Le temps qu'il fait... expliqué par les premières encyclopédies, Le temps qu'il fait au Moyen âge: phénomènes atmosphériques dans la littérature, la pensée scientifique et religieuse, 1998 - books.google.fr). Julian del Castillo, historien des rois Goths, raconte
qu'une duchesse de Lorraine, calomniée par une espèce de géant appelé Lembrot,
alla en Espagne, à la cour du roi Rodrigue, où il y avait trois fameux
chevaliers, le comte Almeric, Agreses et Sacarus. Elle leur exposa sa
situation, et ils promirent de la défendre. Ils provoquèrent donc les
accusateurs de la duchesse et le combat judiciaire ayant en lieu en présence du
roi Rodrigue et de sa cour, Sacarus, après une lutte qui dura presque un jour
entier, vainquit Lembrot, tandis que Almeric et
Agreses triomphaient de ses tenans. Justifiée par cette victoire même, la
duchesse revint dans son duché de Lorraine Dans ce combat le feu sortait des casques frappés avec
force, selon la Crónica sarracina ou Crónica del rey don Rodrigo con la destruyción de España de Pedro de Corral, écrite en 1443 : "ya era cerca de mediodÃa,
e otra cosa no fazÃan sinon sofrir e dar golpes, e muchas vegadas veÃan salir
claramente fuego de los yelmos tan grandes golpes se davan" Bernardo
de Brito does not say that they go to Antilia; but he suggests that that island
may have something to do with the voyage of Sacaru; after repeating the passage
from Pedro de Medina, Brito says that we can infer (colligir) from this account
that the inhabitants of this isle of Antilia : serem os moradores desta famosa e quasi milagrosa ilha, descendentes destes,
que em companhia de Sacaru passarão a povoar fora de Espanha (might be the inhabitants of this
famous and almost miraculous island, descendents of those who, in the company
of Sacaru, went to settle outside of Spain) He thus
rather ambiguously equates the account of the voyage to the Fortunate Islands
with that to Antilia. He continues : & como he de
crer, que o Arcebispo de Merida Metropolitano da Lusitania & alguns
sufraganeos seus acompanhassem os que partirão, não he muito fora de razão
imaginar que conservassem nesta ditosa povoação, com o mesmo governo e
dignindade que tinhão vivendo em Espanha, & jà ouvi praticar entre pessoaas
de bom juizo, que parecia misterio sendo Merida restituÃda, ao nome de cidade,
carecer ate agora de honra e dignidade Episcopal, havendo outras que menos o
merecão em Espanha... Fallão nesta Ilha João Bo ter o, o seu livro da rezão de
estado, Antonio Galvão, no tratado das Malucas, & muytos outros que deixo
por brevidade. Bem sei que alguns têm para si ser esta huma Ilha que muytas
vezes aparece da Ilha da Madeira, e quando a vão demandar, desaparece, mas
difiicultamos dizerem que esta que se vè, e de que todos tem noticia, he
despovoada e muy cuberta de arvoredo, como notaráo certos homens, que huma vez
apontaraõ nella, o que não tem aprimeira, pois he tão povoada, como dizem os
que della escrevem. A
marginal notes on the page preceding all these
passages indicates that the source being used is Albucacin. Subsequently, as we
have seen, Brito cites Pedro de Medina, Antonio Galvao, whom we have discussed
elsewhere, and others. Brito also refers to the Della Ragion di Stato by
Giovanni Botero; that work gives a brief mention of the story as follows : "and
as it is alleged that the Archbishop of Merida, citizen of Lusitania, and some
of his followers, accompanied those whoÂ
departed, it would not be unreasonable to imagine that they might be
preserved in this fortunate population, with the same government and dignity
that they enjoyed while living in Spain; and I have heard said among people of
sound judgement, that it seems mysterious, Merida having been restored to the
stature of a city, that it lacked until now Episcopal honour and dignity, while
others that deserved it less in Spain did have it. Those that speak about this
island are Joao Botero [Giovanni Botero, 1540-1617], in his book on the razao
de estado "Della Ragion di Stato" , Antonio
Galvao, in the treatise on the Malucas, and many others whom I omit for the
sake of brevity. I know well enough that some are convinced that this island is
the one which is often seen from the Island of Madeira, and which when they go
to find it, disappears. But we are reluctant to say that this [island] which is
seen, and about which all of us have news, is uninhabited and quite covered
with trees, as certain men might observe; for once they approach it, while they
might not have this impression right away, it is in fact inhabited, as those
who write about it say C'est ainsi que l'on voit apparaître les îles d'Antilia,
de Brasil, des Sept Cités, de Saint-Brandan, des Démons, Inconnue, du Feu, Déserte,
Fortunées, etc. Lelewell dit que, « dès le Moyen-Age, on dessinait des cartes
par milliers, et le grand géographe polonais ajoute qu'aux siècles des grandes
découvertes, c'est-à -dire à la fin du XVème et au XVIème, en se basant sur les
nombreuses éditions d'Ortélius, qu'il devait y avoir de 3 à 400,000 cartes
marines et autres en circulation »
(Lelewell, Introduction à la Géographie du Moyen- Age, cité par Edmond Buron
dans l'Imago Mundi de d'Ailly). A ces connaissances un peu légendaires, et Ã
cette cartographie incertaine, les Géographes et Astronomes contemporains de
Colomb, comme Paolo Toscanelli en 1474, et, en 1492 même, Martin Béhain,
avaient donné des formes un peu plus concrètes, si l'on peut dire, encore
fantaisistes sans doute, nous le savons aujourd'hui, mais qui paraissaient
vraisemblables à des navigateurs de l'époque Moins digne de foi nous semble la légende que recueille
Martin Behaim sur son fameux Globe Terrestre (en 1492 Ã Nuremberg) et qui
rapporte qu'en l'an 734, « quand toute l'Espagne était aux mains des hérétiques
d'Afrique, l'île décrite (Insula Antilia, dénommée Septe Citades) fut habitée
par un archevêque de Porto-Portugar, avec sept autres évêques et d'autres
chrétiens, hommes et femmes, qui avaient fui d'Espagne avec leur bétail et tous
leurs biens Pour "haut lieu de l'air", dans Juvénal, Satire VI, "summus vertitur aer" est l'expression emphatique du banal mal de mer; sans doute parodie virgilienne;
cf. par ex. Aen., II, 250: uertitur... caelum Summus aer est proximus caelo. La femme d'Alexandre le Grand, postée sur la tour de
Pharos, et la reine Mérida, demeurant à Mérida en Espagne, correspondaient
ensemble à l'aide de miroirs, où elles se voyaient mutuellement. Ces deux
reines avaient sans doute lié connaissance lors du fameux voyage d'Alexandre
aux îles Fortunées. C'est le géographe arabe Edrisi qui nous raconte ces belles
choses le plus sérieusement du monde (Géographie d'Édrisi, trad. fr. de M.
Jaubert, t. Il, p. 25) Edrisi est un géographe arabe né vers 1099, à Ceuta,
était issu de la famille des Êdrisites. Chassé des domaines qu'il possédait en
Afrique, il voyagea beaucoup, puis se fixa en Sicile, où le roi Roger II lui
fit le meilleur accueil. Edrisi vécut à la cour de ce prince et exécuta pour
lui, vers 1153, un globe ou plutôt un planisphère terrestre en argent du poids
de 400 livres, sur lequel il avait fait graver tout ce qu'on savait alors de
géographie : il fit pour l'expliquer un traité de géographie fort complet pour
l'époque et qui a longtemps servi de base aux études géographiques. On n'en
possédait qu'un abrégé, publié pour la 1re fois en arabe à Rome en 1592, et
trad. en latin sous le titre de Geographia Nubiensis, par G. Sionite, Paris,
1619 Lieu commun : l'amnistie Ceuta est encore sous la dépendance de l'Empire de Byzance lorsque se produit la première invasion musulmane d'Ok'ba. Le comte Julien,
qui était gouverneur de Ceuta pour Constantin IV, se porte à la rencontre du général arabe avec des présents magnifiques, dit El-Bekri, et il obtient non seulement une amnistie, mais sa confirmation dans
le gouvernement qu'il exerçait. J'ai dit ailleurs avec quelle habileté le rusé byzantin se débarrassa de l'inquiétant chef musulman en l'envoyant convertir au Mahométisme les populations méridionales du Mag'rib-el-Ak'ça En rhétorique, les lieux communs, ou topoi en grec, sont un fond commun d'idées à la disposition de tous, et dont
la valeur persuasive est traditionnellement reconnue parce qu'elles font partie des idées couramment admises par l'auditoire et peuvent ainsi renforcer son adhésion Qu'un grand lieu commun "suscite une grande émotion - le grand pathos du movere -, le De Oratore nous l'a assez montré, et le Cinna de Corneille suffirait à nous le rappeler : émotion politique. Que d'autre part la clémence soit le moyen d'y parvenir, voilà qui n'est pas non plus une surprise. Mon propos était simplement de montrer que la clémence suscite aussi le pathos : ce n'est pas la seule douceur de l'èthos, qui aujourd'hui semble tomber dans le douceâtre de la morale privée. Pour notre propos, c'est donc à point nommé que Mélanchthon introduit ici l'allusion à Thrasybule et à son amnistie : (Pro Marcello, 9)... à entendre rapporter ou à lire (un acte de clémence), l'enthousiasme nous enflamme, studio incendimur, que ce soit un fait réel ou une fiction, jusqu'à nous faire aimer souvent des êtres que nous n'avons jamais vus. Dans une de ses paraphrases du Pro Marcello, Mélanchthon appelle précisément ce passage un "pathos" : Pathos. Et en effet, si même ces exemples de modération nous plaisent, delectent, dans les fictions, ou si nous aimons pour leur bonté ceux que nous n'avons jamais vus, tel Thrasybule épargnant ses concitoyens : combien plus nous t'aimerons, toi qui es parmi nous et dont la vertu est au centre de tous les regards, tant nous te voyons pardonner aux inimitiés privées contre l'Etat, épargner tes adversaires, rappeler des citoyens éminents, pacifier la terre entière, et dans l'Etat restaurer et la dignité de tous les grands corps politiques et la liberté. [...] Qu'a donc fait Thrasybule de si pathétiquement, de si violemment émouvant ? Mélanchthon lui-même donne la réponse, mais dans son Philosophiae moralis Epitome : A Athènes après la victoire de Thrasybule [sous le gouvernement oligarchique des Trente, en 403], les citoyens injustement chassés auraient pu en toute légalité, summo jure, reprendre possession de leurs biens, et tuer ceux qui les en avaient spoliés. Pourtant Thrasybule préféra l'équité aux rigueurs du droit, et il décréta une amnistia, c'est-à -dire l'oubli des injustices commises, (sanxit amnèstian, id est, oblivionem injuriarunt) afin d'épargner les vaincus : pour assurer la paix, on ne reviendrait pas sur les changements de propriété, de peur de déclencher de nouvelles guerres. Cette modération fut si profitable à la cité, qu'elle mit fin aux guerres civiles entre Athéniens. [...] La dimension politique de pareille amnistie est évidente. Son but est de refonder l'Etat. La restauration de Louis XVIII ne revient pas sur les acquis de la Révolution, et instaure par là -même la Concorde, concordia qui n'est pas, on s'en doute, un unanimisme doucereux, mais l'Harmonie mystérieuse et fragile des contraires. Comme le dit le dernier vers de Cinna : Auguste a tout appris, et veut tout oublier. Si l"'oubli des injures" est bonitas ou lenitas, cette douceur ne signifie pas mollesse, et cette bonté, aveuglement naïf. L'amnistie n'est pas l'amnésie, même si les deux mots parlent d'absence de mémoire" (Francis Goyet, Le sublime du "lieu commun": l'invention rhétorique dans l'Antiquité et à la Renaissance, 1996 - books.google.fr, Philipp Melanchthon, Loci communes theologici, 1536 - books.google.fr). Rabelais est opposé en principe à toute espèce de conquête; mais si, par suite de circonstances exceptionnelles, un pays est conquis, comment faut-il le traiter ? [...]
Rabelais cite beaucoup d'exemples à l'appui de son opinion ; le plus remarquable et le plus juste est celui qui suivit le renversement des trente tyrans à Athènes par Thrasybule et ses amis. Autant le gouvernement
aristocratique des Trente avait été injuste, cruel et implacable, autant les démocrates triomphants avec Thrasybule furent indulgents et généreux ;toute réaction fut défendue, et l'oubli, ordonné par une loi. Celui qui agit
autrement s'expose non-seulement à perdre ce qu'il a acquis, mais à faire croire à tous qu'il a acquis ce qu'il possède sans droit et injustement. Celui qui est fort de son droit est indulgent. Quant aux biens injustement
obtenus, vous savez ce que dit le proverbe : De bien mal acquis, le tiers hoir ne jouira Ainsi feut empereur de l'univers Alexandre Macedon; ainsi feut par Hercules tout le continent possedé, les humains soullageant des monstres,
oppressions, exactions et tyrannies, en bon traictement les gouvernant, en aequité et justice les maintenant, en benigne police et loix convenentes à l'assiette des contrées les instituant, suppliant à ce que deffailloit,
ce que abondoit avalluant, et pardonnant tout le passé, avecques oubliance sempiternelle de toutes les offenses précedentes, comme estoit la Amnestie des Atheniens, lors que feurent par la prouesse et industrie de
Thrasibulus les tyrans exterminez, depuys en Rome exposée par Ciceron, et renouvellée soubs l'empereur Aurelian (Pantagruel, Livre III, Chapitre I) La source probable de Rabelais est ici encore Erasme, Adages, II, 1, 94 : Ne malorum memineris [Ne te souviens pas des offenses,], qui rapporte à la
fois la clémence de Thrasybule et la mention qu'en fit Cicéron dans un de ses discours. Amnestie est un néologîsme. Le mot ne passa dans la langue qu'au XVIIe s. et avec la forme amnistie.
A la fin du XVIe siècle, Guillaume du Vair, citant la loi de Thrasybule l'appelle la loy d'oubliance, l'oubliance perpétuelle "Lieu de l'air" : Platon et Eulalie ? Les émirs et califes animent une remarquable vie culturelle, qu'imitent tous les Walis de Séville, de Merida, de Tolède, ou de Valence, ou de Grenade...
Abd er-Rahman Ier était sans doute trop préoccupé de vie militaire pour passer son temps à autre chose. Mais au IXe siècle, une belle vie culturelle est animée par Abd er-Rahman II 822-852 ; de même encore au Xe siècle
le temps des grands califes Abd er-Rahman III 912-961, calife en 929 et Al-Hakem II 961-976. Abd er-Rahman II a voulu orientaliser les mœurs de ses Andalous, jusque-là stricts Syriens ou Maghrébins de style de vie.
Il a fait venir de Bagdad des poètes fameux, Al-Gazel, et Ziriab qui a appris le maniement du luth à cinq cordes (al-laud), a tenu à Cordoue un institut de beauté, et a propagé la poésie chantée «andalouse» avec ses
rythmes et ses rimes, le muwashah et le zadjal. Abd er-Rahman II, ses successeurs du Xe siècle, et les Walis des provinces, réunissent de grandes bibliothèques, désormais conservatoires de manuscrits antiques
gréco-latins, de Platon et d'Aristote, d'Euclide, de Ptolémée, d'Hippocrate, de Galien, qu'ils envoient chercher à Alexandrie, Bagdad, ou à Byzance, et qu'ils transcrivent du grec à l'arabe Saint Augustin discute des Platoniques estimant que le corps terrestre ne peut être au ciel : Finalement si l'ordre des Elemens est tellement disposé, que selon Platon [Timée], les deux extremes, c'est à dire, le feu & la terre
se joignent aux deux du millieu, c'est à sçauoir l'air & l'eau, & l'air tient le plus haut lieu du Ciel, & elle tient le lieu du plus bas,comme si c'estoit le fondement du monde, & pour ceste cause la terre ne peult
estre au ciel, pourquoy est-ce que le feu mesmes est enterré ? Car selon c'este raison ces deux elemens, la terre & le feu, deuoient estre tellement en leurs lieux propres,le bas & le haut, qu'ainsi qu'ils ne
veullent pas que cela soit au plus haut qui est du plus bas, aussi ce qui est du plus haut ne pourroit estre au bas. Ainsi donques qu'ils pensent que nulle parcelle de la terre ou est ou sera au ciel, aussi
ne devions nous veoir aucune parcelle du feu en terre (La Cité de Dieu, Livre XXII, Chapitre XI) Le Critias aborde encore ce sujet : Le monde est un composé de feu, d'eau, d'air et de terre. De feu d'abord pour être visible, puis de terre pour être solide, d'eau et d'air enfin pour
être bien proporonné. Car la nature des corps solides est faite d'une proporon de deux principes moyens qui en se combinant forment un corps unique, et de tous les principes, pour que ce corps soit achevé et impérissable Le mythe des sept cités d'or de Cibola est à chercher à Mérida, avec l'archevêque et les évêques de la région d'Estrémadure ou avec le gouverneur Sacaru.
Ce mythe rejoint celui de l'Atlantide développé par Platon dans le Timée et dans le Critias Dans sa description du martyre d'Eulalie, Prudence décrit l'envol d'une colombe depuis la bouche de la martyre, pour désigner l'âme (Prud. Perist. III, 161-165)
[Cantilène : Quelle dõ raneiet chi maent sus en ciel : Qui veulent qu'elle renie Dieu qui demeure haut en ciel !].
On peut également penser à un psaume de David où le poète exprime son souhait de devenir colombe pour rejoindre les hauteurs du Ciel. L'image de la colombe était si familière au Moyen Âge que nous
la retrouvons, par exemple, au début du XIIe siècle dans la Vision d'Alberic où un enfant, le fils d'un noble chevalier, tombé gravement malade et immobile comme mort, est emmené jusqu'au Ciel par une colombe.
L'oiseau mit son bec dans la bouche de l'enfant, puis le souleva de terre. Deux anges et saint Pierre apparaissent alors à Albéric, puis l'emmènent traverser l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis [cf. Dante] [...]
Grégoire de Tours décrivant l'âme d'Eulalie sous la forme d'une colombe, Liber Primus de gloria beatorum martyrum 91 C'est une tradition plus ancienne que le christianisme même que celle qui donne aux âmes des ailes, symbole de spiritualité, de pureté et d'innocence.
On connaît l'admirable doctrine de Platon dans le Phèdre : les ailes sont arrachées aux âmes qui se sont souillées pendant leur passage dans le corps, mais elles les retrouvent lorsque, purifiées par l'expiation, elles sont
admises à la contemplation du vrai beau. Cette allégorie avait un sens si élevé et si conforme aux enseignements de l'Evangile, qu'elle devait être adoptée par l'art chrétien Phèdre traite de la beauté et de l'amour, ainsi que des incarnations de l'âme humaine.
Quant à la chute finale des Atlantes, elle n'est pas sans évoquer la chute des âmes dans le Phèdre (248a-b) : seule est sauve l'âme qui a vu le divin. La théorie de Platon sur les idées place le ressouvenir de l'être en soi au centre de la connaissance humaine. Un être en soi
pareil est dans la littérature médiévale la passion du Christ, et le ressouvenir est l'"imitation". Plus tard les saints jouent ce rôle (Alexius). On peut suivre la ligne de direction au Nord par
la religiosité orthodoxe de la Séquence de Ste-Eulalie, par la Passion et par la Légende de Leodgarius, et au Sud par l'esprit payen proche de l'hérésie des fragments de
Boéthius et par la Légende de Sancta Fides jusqu'à l'épopée héroïque française et à la poésie des troubadour. La première grande synthèse de ces deux idéologies est la Chanson de Roland. Ganelon représente
la nostalgie de l'antique, Roland par contre l'esprit ascétique du christianisme (M. Clauser, sur Les débuts de la littérature française (A francia irodalom kezdetei) de J. Gyôri) Pour Platon, la philosophie est l'anamnèse, ou la restauration dialectique de l'être en soi, réprimé par le sensible et, par conséquent, perdu de vue
dans la vie quotidienne. Le travail dialectique de l'anamnèse, constitutif de la philosophie, est décrit par Platon comme deuxième navigation qui ne se laisse pas aller spontanément aux vents du
sensible, mais exige un effort supplémentaire de la dialectique. [...] La première navigation est la métaphore que Platon utilise pour décrire la condition naturelle dans laquelle l'homme se comprend illusoirement,
i.e. immédiatement à partir du sensible, qui n'est que l'image de l'être véritable La pestilence Concernant la synagogue de la Ghriba à Djerba, et selon
les juifs de l'île, cet édifice serait construit au temps du roi David, car
nous rapporte-t-on "on a trouvé un jour à l'endroit dudit édifice une
pierre avec l'inscription suivante : jusqu'Ã ce point est venu Jacob Ben Zeruja
le général du roi David". Lorsque le voyageur juif Joseph Benjamin (il a
entrepris son voyage en Tunisie au milieu du XIXè s. à la recherche des traces
des dix tribus israélites réparties dans la Méditerranée) voulut la consulter,
on lui affirma qu'elle était scellée dans un mur à l'endroit où se dresse le
sanctuaire contenant l'Arche sainte. - Le même voyageur, informé par le Rabbin
de la ville de Sfax, voulut consulter une autre inscription gravée au dernier
étage de l'amphithéâtre d'El Djem et indiquant l'arrivée du même général Jacob
Ben Zeruja en Tunisie. Après de grandes peines, il ne put trouver que quelques
bribes de lettres en Saphardim (langue plutôt proche du portugais). Il en
conclut qu'elles y avaient été insérées ultérieurement. D'autres légendes
intéressent l'ancienne synagogue juive qui se trouvait dans la " Hara
" de Tunis (détruite en 1964). Elles sont plutôt de simples prophéties, mais
elles dénotent quand même, toujours dans le même esprit, d'une volonté chez les
juifs de s'attacher au sol tunisien. Autour de la salle de prière (Slat el
Achra : la salle des prières des dix) une intervention miraculeuse du prophète
Elie serait à l'origine de sa pieuse consécration. Celui-ci aurait pris la
place de l'un des rabbins qui avaient l'habitude de se réunir pour célébrer
cette prière. L'absence de ce rabbin devait rester aussi mystérieuse que
l'apparition du prophète. Toujours au sein de la même synagogue, on devait
conserver dans un placard muré une Bible qu'on disait appartenir au célèbre
Rabbin Ben Azra (1092-1167). Il aurait même conclu un pacte avec
"L'ouba" (la peste) qui décimait israélites et musulmans. Afin de
préserver les habitants, il lui a consacré cette Bible. Il était alors interdit
à quiconque, fut-il rabbin, d'y porter la main par peur de déchaîner ce fléau Il s’agit du rabbin dont Roussat et Trithème ont repris les théories chornographiques. Les troupes de Frédric Barberousse qui assiègent Rome en
1167 sont décimées par une maladie pestilentielle. En 1168, il y avait Ã
Jérusalem une telle peste, que presque tous les pélerins moururent. Là ,
Guillaume, comte de Nevers, mourut sans héritier, et eut pour successeur Guy,
son frère La peste qui décima une bonne partie de l'humanité
européenne est plutôt l'épidémie du XIVème siècle dite la "Peste
noire". La grande peste des XIVe-XVIIIe siècles n'est donc pas
une affaire européenne ou méditerranéenne au sens large. Il s'agit bien d'une
pandémie mondiale touchant trois continents, l'Asie, l'Afrique du Nord et
l'Europe. Il semble même vraisemblable qu'elle sévissait déjà en Inde dès le
XIe siècle, et donc probablement dans d'autres régions de l'Asie orientale
(peut-être dans le Yunnan dès 1165 Les trois sectes Le rouge symboliserait la lignée du prophète Mohammed, le blanc les Omeyyades de Damas (661 - 750), le noir les Abbassides de Bagdad (750 - 1258), et le blanc les Fatimides du Caire (969 - 1171). La secte "du milieu" devrait être les Fatimides, géographiquement entre l'ouest omeyyade espagnol (première) et l'est abbasside (troisième). Les Abbassides sont la la deuxième dynastie qui régna sur le monde musulman et succéda en 750 aux Omeyyades. Ceux-ci se distinguèrent par leur despotisme et le mécontentement croissant qu'il engendra les mena à leur perte. Depuis Damas, leur capitale, ils dirigèrent l'Empire en se reposant sur les solidarités claniques et tribales arabes. L'appel à la révolte contre les Omeyyades, à l'initiative des Abbassides en 747, fut lancé au nom des Hachémites, la Famille du Prophète, avec les descendants d'Abou Tâlib et d'Al-Abbâs, les oncles paternels de Mahomet, comme des descendants d'Ali. Les Abbassides arboraient le drapeau noir de la famille d'Al-Abbâs et s'enorgueillissaient de leur filiation directe avec le Prophète (Pierre-Jean Luizard, Chiites et Sunnites, la grande discorde en 100 questions, 2017 - books.google.fr). L'empire des Omeyyades, basé à Damas, s'étend à la plaine de l'Indus à la Transoxiane et à l'Espagne. En 747, les Abbassides de Damas, soulevés contre la trop grande centralisation du pouvoir omeyyade, se sont imposés. Ils soumettent aussitôt le bassin méditerranéen, massacrant la famille des Omeyyades, à la seule exception d'Abd alRahman al-Daklil (à ne pas confondre avec le chef des arabes à la bataille de Poitiers de 732). Ce dernier s'installe en Espagne en 755, ralliant les Berbères et les Arabes. C'est la fondation de l'émirat indépendant de Cordoue (Philippe Valode, Les Grands Coups de bluff de l'Histoire, 2011 - books.google.fr). A partir de 929, Cordoue devient la capitale d'un califat indépendant, après que l'émir Abd al-Rahman III a rompu tout lien avec les Abbassides de Bagdad et s'est lui-même proclamé calife. Durant les années 1009 à 1031, le califat de Cordoue s'effondre et se divise en plus d'une dizaine de petits États, les taïfas. Cordoue n'est plus que la capitale d'un de ces États, qui tombe en 1069 aux mains de l'émir de Séville. Elle est occupée ensuite par les Almoravides en 1086, puis par les Almohades en 1149. Cordoue reste sous contrôle musulman jusqu'en 1236, date de la prise de la ville par Ferdinand III de Castille (fr.wikipedia.org - Cordoue). Ainsi, 750-751 marque bien un tournant dans l'histoire du Moyen Age : tandis qu'en Occident les Mérovingiens cèdent la place aux Carolingiens avec Pépin le Bref, en Orient les Abbassides remplacent les Omeyyades, et la conquête musulmane est bloquée à Talas (Georges Minois, Histoire du Moyen Âge, 2016 - books.google.fr). À Talas donc, une fois de plus, le sort des armes est favorable à l'islam. Les troupes chinoises sont écrasées, l'étendard du Prophète flotte sur Tachkent et le Turkestan passe sous la domination du calife abbasside de Bagdad. Mais la « victoire de Talas », qui suit de peu le renversement des Omeyyades et qui se solde par de lourdes pertes pour les forces musulmanes, marque aussi la fin de la progression arabe vers l'Orient. C'est dans ce contexte qu'eut lieu le transfert technologique, sous la forme d'une sorte de prime imprévue dans le butin d'une opération militaire réussie : parmi les nombreux soldats chinois faits prisonniers à Talas par les armées musulmanes se trouvaient plusieurs artisans papetiers engagés de force dans les troupes de l'empereur de Chine. Conduits en captivité à Samarcande, sous l'autorité de Ziyâd.fiis de Câlih, ils se firent connaître et proposèrent de révéler le secret de leur art. Magnanimes, les vainqueurs offrirent aux prisonniers la chance de se racheter en exerçant leur métier. Les artisans chinois furent chargés par les autorités musulmanes de mettre immédiatement en œuvre des ateliers de production (Pierre-Marc de Biasi, Karine Douplitzky, La saga du papier, 2002 - books.google.fr). La révolution abbasside a été portée par la "plèbe", un mouvement populaire mécontent des Omeyyades, irrigué par des mystiques professant le "renoncement". L'attitude de retrait est renforcée par la vertu spécifique du wara' qui rejoint l'aspect fondamentalement juridique de la morale islamique. La traduction habituelle de ce mot par « scrupule religieux » occulte le trait profond qui est l'obsession de la souillure, si éloignée qu'en soit la cause. Cela conduit donc au « renoncement » (zuhd), pratiqué surtout par les prédicateurs populaires, les traditionnistes et, bien sûr, les ascètes. Bien qu'en marge du monde officiel des hommes de religion, ils récupéraient à leur façon le culte de la Loi. L'histoire a donné une tribune aux adeptes du renoncement lors de l'installation de la dynastie umayyade, son étalage de richesse suscitant ce qu'on a appelé un « piétisme oppositionnel ». La révolution abbasside a exploité celui-ci de sorte que, bien que la dynastie issue d'elle n'ait pas changé de façon d'agir, le piétisme n'a plus été nécessairement une forme d'opposition. [...] Le mot sufi se répand au cours du IIIe/IXe siècle pour désigner les adeptes d'une vie religieuse axée sur l'expérience émotionnelle. [...] Le soufisme se distingue en effet du simple renoncement par son caractère élaboré, débouchant facilement sur une véritable doctrine (Dominique Urvoy, Histoire de la pensée arabe et islamique, 2006 - books.google.fr). Vers 880 se développe, au sein du Chi'ïsme dans les villes du Kufa et Bassora, un schisme différent, le Souffisme (habillés de laine ou souf) appelés par dérision «pauvres d'esprit». Ils vénèrent Ali et se regroupent en Zaouïya, (communautés fermées). Ils ont une interprétation allégorique du Coran orientée vers l'intuition bien plus que vers la raison. Des traces chrétiennes, zoroastriennes et hindoues (nirwana) se retrouvent dans leur doctrine et leurs pratiques, les poussant à des manifestations extrêmes d'annéantissement de la personnalité propre dans l'être divin seule réalité, à travers des rites répétitifs et masochistes poussés à l'extrême. Théorisé par Ibn Arabi « tout émane de l'essence divine et y retourne » (Charles Clarac, Français, Islam, Europe au XXIe siècle, 1999 - books.google.fr). En juin 747, un ancien esclave, agitateur de génie, Abu Muslim, peut-être d'origine turke, né vers 727, lança au Khorassan et, particulièrement près de Merv, à Mahuwan, un vaste mouvement populaire, connu plus tard sous le nom de « révolution abbasside ». Il rassemblait les mubayyida, paysans, marchands et même esclaves, combattant tous sous des étendards noirs, symboles des espérances messianiques, à fortes connotations chiites, de la révolte. Ils s'insurgeaient contre la dynastie omeyyade, en faveur de celle des Abbassides, descendants d'Abbas, oncle paternel du Prophète. Ceux-ci avaient envoyé Abû Muslim au Khorassan comme émissaire et propagandiste. Leur succès vint sans doute, en grande partie, de ce qu'ils proclamaient l'égalité, particulièrement en matière fiscale, entre musulmans arabes et non arabes, les mawâli (clients), ainsi qu'une plus grande tolérance à l'égard des non-musulmans (André Kamev, Le Turkménistan, 1980 - books.google.fr). En 1258 les Mongols dirigés par Houlagou Khan envahissent et détruisent Bagdad en massacrant la population par dizaines de milliers. Le 37e khalïfe abbasside Al-Mustassim est parmi les victimes ce qui provoque une profonde émotion dans l'ensemble du monde musulman. Cet événement est perçu par les populations comme un sentiment d'écroulement de l'Islam, d'apocalypse civilisationnel et religieux (Nas E. Boutammina, Les Ennemis de L'Islam - Le Regne Des Antesulmans, 2012 - books.google.fr). Stechades Aux premiers âges du monachisme de nombreux anachorètes
vécurent dans ces îles, et selon Denis Faucher (Annales provençales 1777-1786),
saint Honorat qui fonda en 375 le célèbre monastère de Lérins serait venu
d'abord se recueillir auprès de Caprais, un pieux ermite retiré dans les
Stoechades, véritable berceau du christianisme gaulois. Vers le Ve siècle, les
moines de Lérins, fondèrent une succursale dans l'île du Levant;
successivement, d'autres monastères s'installèrent à Port-Cros et Ã
Porquerolles. L'établissement de Porquerolles, dépendant alors du couvent du
Thoronet subit, dès 1160, le pillage des Maures d'Afrique. Ce monastère fut
renversé plusieurs fois avant cette date, et aurait été reconstruit par dom
Hilaire au Xème siècle (Bouche, Histoire de Provence). Leurs incursions se
renouvelleront dès lors sans cesse jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Du Xe au
XIIIe siècle les îles furent comprises dans les dépendances du fief d'Hyères,
appartenant à la maison de Fos; mais Porquerolles, en particulier, était plutôt
la propriété des Sarrazins qui, à partir de 1198, y avaient fondé des colonies
régulières. Leur occupation dura jusque vers 1505 ; leurs monnaies, trouvées en
petit nombre, ont pu cependant fixer l'époque de leur domination dans l'île. Selon
Jean de Nostradamus, Roméo de Villeneuve exila à Porquerolles lei troubadour
Rambaud d'Orange, seigneur de Courtezon, pour faire « pénitence de ses
effronteries et des lascivités de sa plume ». Le poète passionné ayant célébré
dans ses vers les charmes de Marguerite, fille aînée de Raymond-Béranger V,
comte de Provence, qui devint reine de France en 1234 "la cité du Soleil de Melite" Les Kerkennah sont un archipel tunisien de la mer Méditerranée situé à 17,9 kilomètres au large de Sidi Mansour, dans la périphérie nord-est de Sfax. Il est composé de deux îles principales — Gharbi, aussi appelé Mellita du nom du village qu'elle abrite, et Chergui ou Grande Kerkennah — et de douze îlots (fr.wikipedia.org - Kerkennah). Mais la révolte de Sfax et l'arrivée des Almohades en Ifriqiya ont vite raison du royaume normand d'Afrique qui tombe en 1160, entraînant dans sa chute la disparition de la chrétienté africaine (Michel Balard, Les Latins en Orient (XIe-XVe siècle), 2015 - books.google.fr). Cette année 1159 où nous voyons se réaliser l'unité du Maghreb sous une autorité unique est une date importante pour la Berbérie. C'est la seule fois dans son histoire que l'unité géographique qui va du golfe de Gabès à l'Atlantique est devenue une unité politique commandée par des chefs issus du terroir maghrébin et non plus par des orientaux. L'empire almohade a formé un tout homogène de 1160 à 1212 puis il s'est disloqué progressivement jusqu'en 1248. (Robert Cornevin, Marianne Cornevin, Histoire de L'Afrique: Des origines au XVIe siècle, Tome I, 1962 - books.google.fr). Fulgence de Ruspe (Thelepte, 462 ou 467-1er janvier 527 ou 533) fut évêque de la ville de Ruspe, province romaine d'Afrique, aujourd'hui Henchir-Sbia en Tunisie. En Byzacène, il a été canonisé comme saint. Plus tard, Fulgence se retire dans un monastère à l'île de Circinia (Kerkennah). Il est cependant rappelé à Ruspe, et y demeure jusqu'à sa mort le 1er janvier 533 (fr.wikipedia.org - Fulgence de Ruspe). Illustration d'un monde inachevé dans la vision de l'univers des Stoïciens, l'espace des Syrtes est perçu chez Lucain par exemple, comme une frontière incertaine entre le domaine maritime et le domaine terrestre. Syrtes vel primant mundo nalura figurant cum daret, in dubio pelagi terraeque reliquit. "Les Syrtes, alors que la nature donnait au monde sa première forme, semblent avoir été laissées par elle indécises entre la terre et la mer." Lieux de tous les échouages, les Syrtes libyques finissent même en métaphore pour marquer, sous la plume édifiante de saint Jérôme, à quel enlisement nous entraînent nos vices : Libycis uitiorum Syrtibus. Mais l'exemple de Fulgence de Ruspe, retiré dans un monastère dont les traces ont été reconnues sur un îlot du banc des Kneiss, montre que la Syrte peut être aussi, pour qui s'est dégagé de la lise du péché, un lieu d'ascèse et de méditation (Pol Trousset, La vie littorale et les ports dans la Petite Syrte à l'époque romaine, Histoire et archéologie de l'Afrique du Nord: spectacles, vie portuaire, religions : actes du Ve Colloque international réuni dans le cadre du 115e Congrès national des Sociétés savantes (Avignon, 9-13 avril 1990), 1992 - books.google.fr). Il suffit de citer ici l'interlocuteur stoïcien du De Natura deorum de Cicéron (II, 80) : Postremo cum satis docuerimus hos esse deos, quorum insignem uim et inlustrem faciem uideremus, solem dico lunam et uagas stellas et inerrantes et caelum et mundum ipsum et earum rerum uim quae inessent in omni mundo cum magno usu et commoditate generis humani. Dans ce passage, Lucilius Balbus cite le soleil en tête de la liste des dei : il faut se souvenir à ce propos du fait que Cléanthe faisait du soleil le siège de l'hegemonikon du cosmos, la raison du monde (ap. Arius Didyme, Epit., 29, 7 = Dox. gr. 465, 5, S.V.F., I, 499; Aetius, Planta, II, 4, 16 = Dox. gr. 332, 23), non sans faire intervenir l'identification d'Apollon et d'Hélios, considérant que le soleil est le plectre avec lequel Apollon ramène le monde à l'harmonie (ap. Clément d'Alexandrie, Strom., V, 8, 49 = S. V.F. I, 502) (Gilles Sauron, Qvis devm ? 1994 - books.google.fr). Selon la tradition, la ville de Lixus sur la côte occidentale du Maroc, occupée un temps par les Almohades, aurait été fondé par des navigateurs tyriens vers 1100 av. J.-C, aux confins occidentaux du monde, là où le soleil se couche. Durant l'époque punique, elle se prévalut du titre de Makom Shemesh, ou de Cité de Shamash (du Soleil) sur certaines monnaies à légende punique : Makom Shemesh peut signifier autant « la ville du soleil » que le « temple du soleil ». L'ancienne ville de Lixus se nommait Tchemich avant l'arrivée des Arabes. Selon Pline l'Ancien, Hercule aurait volé ici les pommes d'or du jardin des Hespérides, le onzième de ses 12 travaux. Faut-il ajouter que le disque solaire occupe une place importante dans l'iconographie religieuse de Carthage ? |