En Italie

En Italie

 

VII, 27

 

2019

 

Au cainct de Vast la grande cavalerie

Proche Ă  Ferrage empeschee au bagage

Prompt Ă  Turin feront tel volerie

Que dans le fort raviront leur hostage.

 

Le quatrain entreprend une remontée dans le temps dans l’année 1536, année de guerre en Italie.

 

Cainct

 

cainct de ceindre, encercler : par exemple voir le Psaume 18 (17) (Jacques Lefèvre d'Étaples, Marten de Keyser, La Saincte Bible. en Françoys, translatée selon la pure et entière traduction de Sainct Hierome, conferée et entierement revisitée, selon les plus anciens et plus correctz exemplaires, 1530 - books.google.fr).

 

Quelle célèbre bataille gagna Clovis, en 507 ? R. Ce fut celle de Vouillé, près de Poitiers. Clovis ambitionnait la conquête du royaume des Visigoths. Les Français, en partant pour cette guerre, jurèrent de ne se point faire la barbe, qu'ils n'eussent vaincu leurs ennemis. Ces sortes de vœux étaient fort usités chez les anciens Francs. Tout est plein de merveilles dans cette entreprise du monarque français. L'usage de ces temps était de tirer augure du verset qu'on chantait à l'office au moment qu'on arrivait à l'église. Les envoyés de Clovis, à leur entrée dans Saint-Martin, entendirent ces paroles du pseaume 17e : « Vous m'avez revêtu de force pour la guerre; vous avez supplanté ceux qui s'étaient élevés contre moi; vous avez mis mes ennemis en fuite, et vous avez exterminé ceux « qui me haïssaient. » Ce qui arriva sur les bords de la Vienne fut une confirmation de cet heureux présage (Charles Constant Le Tellier, Instruction sur l'histoire de France: augmentée et continuée jusqu'au règne de Charles X; et suivie d'un abrégé d'histoire ancienne, 1830 - books.google.fr).

 

ou Maurice Scève :

 

cainct : O quand ie voy, que ce ceinct t'enuironne (Délie CLXXII) Ceinct de Citez (Délie CCVIII) (Jerry C. Nash, Maurice Scève: Concordance de la Délie, Partie 1, 1976 - books.google.fr).

 

Les Mémoires de Guillaume du Bellay mentionnent Alphonse d'Avalos marquis de Vasto ("Vast"), appelé du Guast en français, faisant une reconnaissance près des remparts (ceinture, courtine) de la ville d'Arles, le 17 août 1536 :

 

Le seigneur marquis du Guast et le capitaine Paule Saxe avoient, durant ce temps, continué le chemin qui leur avoit esté ordonné, avoient traversé tout le plain de Crau , dict autrement les Champs-Pierreux , sans y avoir trouvé rencontre: et à costé dudict plain, vers les maraiz. assez près du pont de Crau, s'arrestèrent et prindrent advis de ce qu'ils auroient à faire. Le capitaine Paule Saxe demoura audit lieu avecques la trouppe; le marquis, avecques seulement trente chevaulx , vint jusquesau pont, et y en laissa vingt à la garde; luy, avecques le surplus, passa le pont, et vint jusques en un tertre regardant sur la ville, lequel on luy avoitditestre moult propice (ainsi qu'estoit la vérité) pour la tenir en extrême subjection : car , y asséant quelques pièces d'artillerie, et faisant batterie par le costé dont la ceinture, ou courtine, se venoit encoigner avecques celle qui est au-dessous d'icelle montaigne,elles eussent battu par-dedans la ville, au long d'icelle courtine, où seroit faicte la batterie, en sorte que ceux de dedans ne se feussent osez présenter à soustenir l'assaut. En ceste sorte s'arresta le marquis, et, se tenant derrière deux moulins à vent qui le couvraient, apperceut clérement qu'il avoit esté pourveu a l'encontre de lacommodité qu'il y espéroit trouver ; et luy, en cas pareil, fut descouvert et apperceu des nostres. [...] Toutes ces fortifications veoit le seigneur marquis du Guast, dudict hault lieu où il s'estoit embusché, derrière les moulins à vent, ainsi que j'ay dict cy-dessus, et bien jugeoit à l'œil qu'il avoit esté suffisamment remédié contre toutes les commoditez qu'il avoit espéré trouver au siége et batterie de la ville; mais tost après il eust moyen (et non sans danger de sa vie) d'en juger par expérience, non que de l'œil; car il fut descouvert des nostres, et fut incontinant par ledict séneschal d'Agenois, lequel se pourmenoit avecques ledit seigneur de Bonneval, monstré au seigneur de Villiers, commissaire très-diligent et très-expérimenté au faict de l'artillerie, lequel promptement addressasi à propos devers le lieu où estoit ledict marquis, les deux pièces estans sur le théâtre des Arennes, que si le marquis, voyant mettre le feu, ne se fust tiré à costé, il n'eust failly d'arriver la fin de sa vie. Les boullets qui tombèrent près de luy et firent jaillir la terre à l'entour, effrayèrent tellement le cheval sur lequel il estoit monté, qui de fortune en avoit esté attaint, qu'il retourna la teste vers le chemin dont il estoit venu, et n'en sceust le marquis estre maistre, qu'il n'arrivast au pont où il avoit laissé les vingt chevaulx de garde (Nouvelle collection des mémoires pour servir à l'histoire de France, depuis le XIIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe : précédés de notices pour caractériser chaque auteur des mémoires et son époque, 1838 - books.google.fr, Amédée Pichot, Charles-Quint: Chronique de sa vie interieure et de sa vie politique, de son abdication et de sa retraite dans le cloitre de Yuste, 1854 - books.google.fr).

 

L'infanterie impériale avait une légère supériorité numérique sur l'infanterie française : 12.500 à 13.000 hommes, contre 11.000. Par contre la cavalerie était le point faible de l'armée du marquis Del Vasto. la cavalerie était le point faible de l'armée du marquis Del Vasto. Elle ne comprenait que de la cavalerie légère au plus 800 chevaux, dont 250 fournis par Florence. Peu d'artillerie de part et d'autre. Légère supériorité du côté français (19 à 20 pièces, contre 16 à 17 du côté impérial 11) (Ferdinand Lot, Recherches sur les effectifs des armées français des guerreqs d'Italie aux guerres de Religions, 1962 - books.google.fr).

 

Empeschee

 

Le 10 août 1536 mourrait le dauphin, fils aîné de François Ier.

 

Scève impute cette mort à celui qu'il désigne sous le pseudonyme de Crocodile : il s'agit de Sébastien, comte de Montecucculi, un noble italien de Ferrare qui était venu en France dans la suite de Catherine de Médicis, l'échanson du Dauphin. Montecucculi fut un bienfaiteur des lettres françaises et le protecteur, à Lyon, de François Rabelais qui, grâce à lui, put s'y établir comme médecin en 1531-1532. [...] Accusé de l'avoir empoisonné après avoir été circonvenu par des agents de Charles Quint, Montecucculi fut emprisonné. Sous la torture, il avoua tout ce qu'on voulait. Il fut écartelé ensuite, en présence du roi. Maurice Scève revient sur cet empoisonnement présumé – la France tout entière en était persuadée et s'en indigna – dans au moins deux des dizains de la Délie. Le numéro 116 compare le Dauphin à Abel et incrimine la corruption de l'échanson (« Insatiable est l'appétit de l'homme / Trop effréné en sa cupidité »). Le dizain précédent (115) condamne Charles Quint pour cet assassinat politique (Pierre Lazlo, Le Phoenix et la salamandre. Histoires de sciences, 2004 - books.google.fr).

 

Après le jugement et l'écartèlement de Sébastien Montecucculi – échanson du dauphin qui avait eu le malheur de posséder dans ses bagages un traité des poisons copié de sa main et un sauf-conduit impérial – et faute de preuves tangibles ou plus probablement faute de crédibilité de ce qui aurait été un geste politique désespéré, la rumeur d'un empoisonnement fomenté par l'Empereur disparut de l'argumentaire diplomatique sauf à demeurer mythifiée dans la production littéraire que suscita ce décès mystérieux.

 

Il ne faut pas oublier que, plus que tout autre, <b>François de Valois</b> était probablement l'héritier au trône dont les contemporains avaient le plus conscience : il <b>avait été tout à la fois l'otage de Charles Quint à la place de son père</b>, le motif de la rançon à laquelle contribuèrent tous les sujets du royaume pour le faire libérer mais aussi le jeune dauphin qui avait fait son tour de France et multiplié les entrées urbaines de 1532 à 1534 (Marie-Ange Boitel-Souriac, Le mythe du « Dauphin-roi », l'exemple des funérailles littéraires de François de Valois (1536-1537), Cahiers de la Méditerranée, 77, 2008- cdlm.revues.org).

 

Il est vrai on ne trouve pas le terme de "bagages" dans l'affaire de Montecucculi dans les textes de l'Ă©poque.

 

"empeschée" de empêcher : entraver, embarraser du bas latin impedicare : prendre dans un piège. "empeschée" est au féminin d'où en rapport avec la mort du Dauphin :

 

Poison. L'Auteur des Remarques a dĂ©cidĂ© en deux endroits, que ce mot estent toujours masculin. Il est vray que prĂ©sentement on s'en sert plus ordinairement en ce genre. Mais da temps de Malherbe, & au dessus de son temps, il estoit aucontraire presque toujours fĂ©minin. CrĂ©tin dans son Chant Royal : « Pour l'empescher mist au verger terrestre / Une poison. Â»

 

Ronsard dans une de ses Elégies, imprimée parmi les Sonnets pour Héléne : "Mon ame en vos yeux but la poison amoureuse." Et dans son Epitre au Lecteur, pour réponse à ses Calomniateurs examinant ces vers d'un de ses adversaires : "Ie n ay suivi la Pleïade enyvrée / Du doux poison de ton brave cerveau / Tu trouveras ce mot de poison plus usité au genre féminin. Mats tu ressembles aux Athéniens."

 

Belleau dans la première Journée de sa Bergerie: "Puis si-tost qu'ay versé la poison altérée."

 

Desportes dans sa seconde Elégie : "Je semois la poison dans mes os écoulée." Et dans ses Stances du Mariage : "Du repos des Humains l'inhumaine poison".

 

Malherbe dans une de ses Chansons : "D'où s'est coulée en moi cette lâche poison ?" Et c'est de ce genre en effet qu'il devroit estre selon l'etymologie, aiant esté fait de potio, comme je l'ay remarqué dans mes Origines de la Langue Françoise. Mais nonobstant l'etymologie & l'autorité des Anciens, il est présentement masculin. Et il y a mesme déja allez long-temps que les bons Auteurs l'ont employé ence genre. Bertaud dans ses Stances : "Et pour me convier d'avaler le poison / La déloiale a feint d'en goûter la premiere."

 

Comme la Poésie aime les mots extraordinaires, je croi qu'on pourroit encore l'emploier en vers en ce genre. Mais en prose il faut toujours le faire masculin (Gilles Ménage, Observations de Monsieur Ménage sur la langue françoise, 1672 - books.google.fr).

 

La citation majeure dans ce quatrain est celle de Crétin :

 

Guillaume Dubois, dit Crétin, né vers 1460 et mort le 30 novembre 1525, est un poète français.Il fut trésorier de la Sainte-Chapelle de Vincennes, puis chantre de la Sainte-Chapelle de Paris et aumônier ordinaire du roi François Ier.On a de lui des chants royaux (1527), loués par ses contemporains. Reconnu comme un maître, notamment par Jean Lemaire de Belges et Clément Marot, toutes ses œuvres poétiques sont de circonstance (fr.wikipedia.org - Guillaume Dubois (Crétin)).

 

En 1536, Calvin et Marot trouvèrent bon accueil à Ferrare, par Renée de France, épouse d'Hercule d'Este beaucoup moins enthousiaste.

 

Pillage de Turin

 

François Ier désire toujours posséder le Milanais et, pour faciliter cette tâche, il envahit la Savoie le 1er février 1536. Charles III perd Bourg-en-Bresse le 24 février 1536 et Chambéry le 1er mars de la même année. La conquête de la Savoie s'achève en mars 1536 avec la prise de Turin, mais le roi de France n'empiète pas sur le Milanais afin de ne pas être l'instigateur de la guerre avec Charles Quint. Celui-ci lui propose alors à nouveau la Bourgogne contre le Milanais, mais voyant que leurs positions respectives demeurent inchangées depuis plusieurs années, Charles Quint décide d'envahir la Provence le 13 juillet 1536 en traversant Nice. Antibes tombe le 17 juillet 1536. Pour contrecarrer l'offensive, François Ier se poste en Avignon le 25 juillet 1536. Charles Quint, en réalité, reprend le plan du duc de Bourbon de 1524 qui ne se contentait pas d'envahir la Provence, mais lançait aussi une offensive dans le Nord afin que les armées du roi de France soient divisées. De Provence, Charles Quint laisse Henri de Nassau maître des opérations dans le Nord (Jean-Paul Duviols, Annie Molinié-Bertrand, Charles Quint et la monarchie universelle, 2001 - books.google.fr).

 

Le 25 juillet, les syndics et bourgeois de Turin s'adressaient encore au roi : leur ville, lui écrivaient-ils, "pensoit havoyr mis fin a ses malheurs , estant par vostre benigne graice reduyte, et unye a vostre couronne" ; les habitants espéraient que "dicte vostre cité seroyt soulaigee et tenue soubs vostre protection comme se feust Lyon ou Paris" ; or la ville est pillée par les "souldars" (Ordonnances des rois de France ...: pt. 1. Janvier-Juillet 1536, Volume 8, Parties 1 à 3 de Ordonnances des rois de France, Académie des sciences morales et politiques (France), 1963 - books.google.fr, Documenti di storia italiana copiati su gli originali autentici e per lo piu' autografi esistenti in Parigi Giuseppe Molini: 2, 1837 - books.google.fr).

 

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