Maréchal de Boucicaut et sainte Catherine

Maréchal de Boucicaut et sainte Catherine

 

VII, 39

 

2027-2028

 

Le conducteur de l'armée Françoise,

Cuidant perdre le principal phalange,

Par sus pavé de l'aveine et d'ardoise,

Soy parfondra par Gennes gens estrange.

 

"aveine" : Avignon

 

Avignon est l'ancienne Avenio, du vieux mot celtique aveigne, encore restée dans quelques-unes de nos provinces, et qui signifie bord de l'eau, de la rivière ; jadis capitale du comtat de ce nom, aujourd'hui chef-lieu du département de Vaucluse, dans une position avantageuse sur la rive gauche du Rhône (L. Gaudeau, Glossaire français polyglotte, dictionnaire historique, étymologique, raisonné et usuel de la langue française et de ses noms propres, Tome 1, 1846 - books.google.fr).

 

Les deux sièges du Palais des Papes du temps de Benoît XIII sont les événements militaires concernant Avignon les mieux documentés du Moyen Âge. Les sources nous renseignent sur les deux camps et sont très variées. En plus des chroniques, dont celle de Martin d’Alpartil, un fidèle du pape, nous disposons de la correspondance adressée au marchand de Prato Francesco di Marco Datini par ses agents d’Avignon, de divers traités polémiques, ainsi que de nombreux documents d’archives.

 

Après la soustraction d’obédience décidée par Charles VI (27 juillet 1398) et sa proclamation par des commissaires royaux à Villeneuve-lès-Avignon (1er septembre), le choix des prélats ne se fit pas attendre. Conformément aux sommations françaises, dix-neuf cardinaux quittèrent la ville pontificale pour s’installer à Villeneuve. Seuls cinq cardinaux restèrent aux côtés de Benoît XIII. Pour être son bras armé, le Sacré Collège choisit Geoffroy Boucicaut, frère cadet du maréchal de France, et seigneur de Boulbon en Provence et d’Aramon en Languedoc.

 

Jean Froissart fait erreur en attribuant à Jean Boucicaut les faits de son frère, Chroniques, éd. J.-M. Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1867-1879, t. XVI, p. 120, 121, 125-131 [cité désormais Froissart]. On doit à F. Ehrle la rectification sur le rôle de Geoffroy Boucicaut, EHRLE, Acten, 1889, p. 465-487.

 

Le 16 septembre, les Avignonnais, réunis dans l’église Saint-Didier, choisirent d’obéir au Sacré Collège fidèle à Rome. Geoffroy Boucicaut et ses hommes furent autorisés à entrer en ville le 22 septembre. Ils se rendirent aussitôt aux abords du palais. Boucicaut renonça donc à attaquer le palais apostolique et concentra ses attaques sur la tour du pont, qui était isolée et sous la menace du petit Palais et de l’hôpital Saint-Bénezet. Une partie de la tour s’écroula rapidement grâce à un travail de sape. Le 27 septembre, sa garnison n’avait plus qu’à se rendre. Tous les efforts purent donc se focaliser sur le palais apostolique. Le Palais des Papes constituait le principal atout de Benoît XIII. Selon Froissart, il s’agissait de « la plus belle et la plus forte maison du monde et la plus aisie à tenir ». [...] La ténacité du pape mettait à l’épreuve les partisans de la soustraction d’obédience. [...] Benoît XIII força le destin en s’évadant du palais dans la nuit du 11 au 12 mars 1403. Attendant l’ouverture des portes, il put sortir de la ville avec quelques fidèles, monter dans une barque qui l’attentait, descendre le Rhône et joindre Châteaurenard, village qui lui était acquis. Le 14, il reçut la visite du comte de Provence Louis II d’Anjou. Ensuite, il eut la satisfaction de voir défiler tous ses anciens adversaires qui lui firent amende honorable : les cardinaux, les Avignonnais et les Comtadins (28 mars 1403). Dans la nuit du 30 au 31 mars, les Avignonnais détruisirent les palissades qui entouraient le palais aux cris de «Vive le pape !». Mais Benoît XIII n’oublia pas la pénible épreuve qu’il avait subie : il ne retourna plus jamais à Avignon. (Germain Butaud , Les deux sièges du palais apostolique d’Avignon (1398-1411), Villes en guerre : XIVe-XVe siècles, 2008 - books.openedition.org).

 

L'évêque de Cambrai n'avait pas pris part à cette assemblée. Ne venait-il pas de rappeler avec éclat qu'il était vassal de l'empereur et non pas du roi de France ? Il était donc libre de ses faits et gestes, libre de ne pas s'éterniser à pacifier son diocèse, libre pour accomplir la mission que venait de lui confier Wenceslas : aller auprès de chaque pape et, au nom du roi des Romains, les exhorter à céder. Au printemps, il se rendit auprès de Benoît XIII et fut admis à délivrer son message en consistoire public. Malgré toutes les prudences dont il entoura son discours, le pape déclara qu'il croirait pécher mortellement s'il devait accepter cette voie, même si l'intrus l'avait avant lui acceptée. Voilà qui n'encourageait guère à poursuivre jusqu'à Rome, auprès de Boniface IX ! Toutefois, Pierre d'Ailly semble avoir patienté à Avignon. Il s'y trouvait assurément le 7 juillet, toujours prêt à partir en Italie. Que fit ensuite l'évêque de Cambrai ? Les sources ne permettent pas d'être précis. On peut tenir pour assuré qu'il ne rencontra pas Boniface IX et qu'il ne rentra pas dans son diocèse avant février 1399. S'il était resté dans le Midi, il avait alors été le témoin des événements qui bouleversèrent la Curie et les habitants d'Avignon. Le 1er septembre, la soustraction d'obédience fut proclamée à son de trompes ; le 17 septembre, 18 cardinaux décidaient d'abandonner le pontife et de se replier à Villeneuve-lès-Avignon, de l'autre côté du pont mais dans le Royaume. Menacés de perdre leurs bénéfices en terre française s'ils restaient à leur poste, les curialistes vidèrent d'autant plus vite les lieux que, le 22 septembre, des troupes à la solde de Geoffroy Boucicaut entraient dans la ville pour attaquer le palais du pape. Celui-ci s'y était retranché et put soutenir un siège en règle pendant deux mois ; il y resta ensuite enfermé pendant plus de quatre ans. Prenant acte de cette mauvaise fortune, Louis d'Orléans se rallia le 19 octobre à la soustraction d'obédience qu'il avait d'abord refusé de signer. Il se disait du même coup prêt à s'entremettre auprès du duc de Milan et du roi des Romains, et il lança des préparatifs de voyage vers Avignon. Il est donc plus que probable qu'il agissait en concertation avec Pierre d'Ailly. Lorsque le voyage ducal fut annulé, à la midécembre, l'évêque de Cambrai dut commencer à penser sérieusement au retour. D'ailleurs, dans son évêché, son absence avait fini par poser problème. Le chapitre dut faire face aux demandes insistantes d'envoyés du roi de France pour que Cambrai cesse d'obéir au pape et, le 5 décembre 1398, il finit par plier. Pierre d'Ailly luimême fit savoir le 31 janvier 1399 qu'il s'associait à cette décision. À partir du 17 mars, une série d'actes prouvent que le pasteur était à nouveau auprès de son troupeau (Hélène Millet, Monique Maillard-Luypaert, Le Schisme et la pourpre: Le cardinal Pierre d'Ailly, homme de science et de foi, 2016 - books.google.fr).

 

Entrevue de Pierre d'Ailly et du pape Benoît XIII

 

Benoît XIII répondit : "Je désire l'union de l'Eglise, et j'y ai beaucoup travaillé; mais puisque Dieu m'a pourvu du pontificat, et que vous m'avez élu, je demeurerai pape tant que je vivrai, et n'y renoncerai pour roi, duc ou comte, ni par quelque moyen que ce soit". Alors les cardinaux se levèrent divisés entre eux, et sortirent du consistoire la plupart sans prendre congé du pape. L'évèque de Cambrai, les voyant si mal d'accord, s'avança dans le consistoire, et dit au pape : "Seigneur, vous avez tenu votre conseil, faites-moi réponse; il me la faut avoir, afin que je m'en retourne. Le pape, encore tout en colère, persista dans les mêmes discours, qu'il étoit pape légitime, et le vouloit demeurer, dût-il mourir à la peine. Puis il ajouta : "Vous direz à mon fils, le roi de France, que jusqu'ici je l'ai tenu pour bon catholique, que depuis peu il s'est laissé séduire, mais il s'en repentira : qu'il prenne conseil et ne s'engage à rien qui trouble sa conscience". Là dessus le pape se leva de sa chaire prenant le chemin de sa chambre; et l'évéque retourna à son logis, dîna sobrement, monta à cheval, et passa à Villeneuve, d'où il alla coucher à Bagnols qui est en France. Là il apprit que le maréchal de Boucicaut étoit venu au port Saint-André, à neuf lieues d'Avignon, et s'y rendit le lendemain. Quand le maréchal de Boucicaut eut appris de l'évéque de Cambrai la réponse du pape Benoit, il lui dit : "Sire, vous retournerez en France, vous n'avez plus que faire ici, et j'exécuterai les ordres du roi. L'évéque partit le lendemain, et le maréchal fit écrire et porter ses ordres par toute l'Auvergne et le Vivarais, jusqu'à Montpellier, pour faire avancer les troupes qu'il commandoit. Il demanda au sénéchal de Beaucaire qu'il fermât tous les passages, tant par le Rhône que par terre, afin que rien ne pût venir à Avignon; et lui-même vint au pont Saint-Esprit empêcher que rien ne descendit par le Rhône (Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, augmentée de quatre livres (C I, C II, C III, C IV), 1858 - books.google.fr).

 

Il y a confusion ici entre le maréchal Boucicaut et son frère.

 

L'Ardoise en Ardèche

 

L'Ardoise est une commune sur la rive droite du Rhône, côté royaume de France, comme Bagnols-sur-Cèze, Pont-Saint-esprit, Fort-Saint-André.

 

Nous allons d'abord jusqu'à Bagnols en suivant la route qui longe la rive droite du Rhône, par Pont-d'Avignon, Villeneuve-lès-Avignon, Sauveterre, Roquemaure, St-Geniès-de-Comolas, L'Ardoise et Orsan (Bulletin, Volumes 29 à 32, Société d'étude des sciences naturelles de Nîmes, 1902 - books.google.fr).

 

"pavé" en latin se dit "strata" d'où le nom de Lestrade.

 

Zanobi de Strata né en 1316 et mort de la peste à Avignon en 1361 fut secrétaire apostolique du pape Innocent VI, poste que refusa Pétrarque. Il commença un poème sur Scipion l'Africain (Casimir François Henri Barjavel, Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse, G - Z, Volume 2, 1841 - books.google.fr).

 

Scipion l'Africain est le vainqueur d'Annibal qui selon certains auteurs passa le RhĂ´ne Ă  l'Ardoise dans sa route vers l'Italie.

 

En 204 av. J.-C. Scipion dit l'Africain passe en Afrique depuis la Sicile. Les résultats de cette première année de campagne sont mitigés. Son commandement est néanmoins prorogé pour l'année 203 av. J.-C. L'année suivante, en 202 av. J.-C., il vainc définitivement les Carthaginois. Le Sénat de Carthage craint que Scipion ne mette le siège à la cité. Il rappelle alors Hannibal qui était installé dans le Bruttium en Italie. Des pourparlers de paix entre les deux généraux laissent un bref moment entrevoir un arrangement qui pourrait déboucher sur un traité de paix, mais ni l'un ni l'autre ne désirent vraiment cela. C'est sur le champ de bataille que se décidera le sort de la guerre. La bataille de Zama, en octobre 202 av. J.-C., qui oppose d'un côté les Romains, les alliés latins et les Numides et de l'autre les Carthaginois et des mercenaires de Gaule, d'Italie et d'Espagne, est une bataille féroce qui se conclut par la victoire romaine. Les Carthaginois sont obligés d'accepter les conditions de paix imposées par les Romains. Comme le souligne l'historien Jean Favier, «cette victoire sur Carthage change l'échelle des prétentions romaines», «Scipion l'Africain a fait de Rome une puissance méditerranéenne, et de la Méditerranée occidentale un lac romain» fr.wikipedia.org - Scipion l'Africain).

 

On peut conclure en toute sûreté qu'Hannon est passé à Saint-Esprit; Annibal, à l'Ardoise (Ara-thoudezza). «C'est par l'Ardoise, dit Martin de Bagnols (Notice des travaux de l'Académie du Gard, 1811), que les Volces, habitants de la rive gauche, communiquaient avec ceux de la rive droite... Si cet ancien passage est aujourd'hui peu fréquenté, c'est en partie à la construction du pont Saint-Esprit et à celui d'Avignon qu'il faut attribuer sa désertion. Mais, dans ces temps reculés, l'Ardoise était le point de réunion des bateaux ou canots qui servaient aux communications des deux rives. Annibal dut préférer ce passage, plus connu et, dès lors, moins dangereux. S'il fût descendu plus bas, il se serait engagé dans la plaine marécageuse de Roquemaure, qui, à la moindre inondation, est couverte d'eau. Si, au contraire, il eût voulu tenter le passage en remontant vers Chusclan, il rencontrait l'embouchure de la Cèze, qui rendait cette opération doublement périlleuse, et il fallait ensuite longer les rochers de Saint-Etienne et côtoyer les bords limoneux du fleuve jusqu'au Saint-Esprit. Il trouvait donc à l'Ardoise tous les avantages qu'il pouvait désirer : des bords aisés et exempts d'embuscades, une plaine immense en débarquant, et, par conséquent, l'avantage de pouvoir développer sa cavalerie en abordant à la rive opposée.»

 

La chaussée que devait restaurer Domitius Ahenobardus était déjà pratiquée au temps de Polybe, peut-être même au temps d'Annibal. En admettant cette dernière hypothèse, on ne méconnaîtra point que le jeune général ait dû suivre la route empierrée qui s'offrait à lui. Si les grands travaux massaliotes n'étaient encore alors qu'à l'état de projets, on pensera qu'il a très-certainement pris la vieille voie phénicienne, et retrouvé, sur tout son trajet, des traces de ses glorieux ancêtres (Eugène Hennebert, Histoire d'Annibal, Tome 1, 1870 - books.google.fr).

 

L'illustre général traversa le Rhône sur un point, situé à 1600 stades (290 km) d'Emporium, aujourd'hui Ampurias en Espagne, près des Pyrénées, sur la rivière de Clodianus, à quatre jours de marche de la jonction du Rhône et de l'Isère, c'est-à-dire en face de Caderousse, à l'Ardoise, qui était un chemin très fréquenté dans l'antiquité et jusque dans le moyen-âge avant la construction des ponts d'Avignon et du Saint-Esprit (Eugène Arnaud, Essai sur l'histoire et la géographie des contrées de la Gaule dont a été formé l'ancien Dauphiné depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin de la domination romaine, 1905 - books.google.fr).

 

Le maréchal Boucicaut à Gênes

 

Ce fut en 1395 que le doge de Gênes, Antonio Adorno, offrit la souveraineté de la Superbe République à Charles VI pour tenter de mettre fin aux conflits entre les grandes familles. Le roi, poussé par son frère Louis d’Orléans, gendre de Jean-Galéas Visconti, potentat de Milan, accepta le 24 mars 1396. Les troupes françaises prirent possession de Savone qui avait fait la même offre le 16 mars 1396 et de Gênes le 27 novembre 1396. Libéré, Boucicaut devint gouverneur de ces deux cités en 1401. Il s’y conduisit avec une rare fermeté. Il s’empara de la ville de Famagouste à Chypre, mais fut défait par les Vénitiens dans un combat naval en 1403. En son absence, las de la domination française, les Génois se soulevèrent contre lui et la garnison française fut surprise et massacrée (1409). Incapable de réduire la sédition, le maréchal dut rentrer en France (fr.wikipedia.org - Jean II Le Meingre).

 

Benoît XIII, instruit de ce qui se passait à Rome, voulut profiter des circonstances, et publia qu'il se préparait à passer en Italie pour conférer avec son compétiteur sur les moyens d'opérer enfin la réunion de l'Eglise; il ordonna en conséquence une levée de décimes en France et dans les différents pays de son obédience, pour subvenir aux frais de son voyage. Ce nouvel impôt fut payé par les provinces, malgré la vive opposition du Parlement, et le saint-père put s'embarquer à Nice pour mettre ses projets à exécution. Il se rendit d'abord à Gênes, où commandait le maréchal Boucicaut, son ancien adversaire, et qui depuis la cessation des hostilités était devenu son ami. Par son influence, cette ville se déclara en faveur du pape d'Avignon, et détermina Pise, ainsi que les villages voisins, à se soustraire à l'obédience du pontife romain. Les Gênois se repentirent bientôt d'avoir ouvert l'entrée de leur ville à Benoît XIII et aux vagabonds qui formaient sa garde particulière, et qui commettaient chaque jour de nouveaux vols. Cette milice, accoutumée au pillage, excita tant de mécontentement, que le maréchal Boucicaut résolut d'en délivrer les habitants. Un dimanche, il annonça au pape qu'il désirait passer une revue de ses troupes, et lui demanda l'autorisation de les rassembler hors des murs de la ville ; quand les soldats furent tous sortis, il fit fermer les portes, et leur annonça qu'il leur était expressément défendu de rentrer dans Gênes. Le pontife essaya mais inutilement de changer la détermination du gouverneur, et fut obligé de licencier son armée. Pendant que le pape d'Avignon cherchait à se maintenir en Italie, la guerre civile se rallumait dans Rome (Maurice La Châtre, Histoire des papes, Tome 2, 1870 - books.google.fr).

 

"parfondra"

 

"se parfondre" : Entrer en fusion, se mélanger, s'unir également (Louis Nicolas Bescherelle, Dictionnaire national ou dictionnaire universel de la langue française, Tome 2, 1860 - books.google.fr).

 

Le terme "parfondre" s'emploie plutĂ´t en Ă©maillerie.

 

Faire fondre uniformément ensemble en mêlant (des couleurs, des oxydes métalliques colorants) au verre ou à l'émail (1389 (Philippe de Mézières, Songe du vieil pèlerin, I, 4) (www.cnrtl.fr).

 

En latin perfundere : inonder, verser sur/dans etc. (Gaffiot).

 

Autre exemple d'engagement provoqué par la vacuité des caisses royales : les joyaux engagés en 1410 pour tenter de reprendre la ville de Gênes révoltée. Jean le Meingre dit Boucicaut gouvernait la cité et seigneurie de Gênes, au nom du roi de France, depuis huit ans lorsque, profitant d'une de ses absences, la ville se révolta, le 10 septembre 1409, sous la conduite du marquis de Montferrat. Boucicaut obtint du roi la promesse de lui envoyer les subsides nécessaires à la reprise de la ville mais ceux-ci se révélèrent vite insuffisants. L'examen des comptes du gouverneur montra que le roi devait plus de 37 000 livres à l'ex-gouverneur. C'est grâce au compte inédit des dépenses et recettes du maréchal de Boucicaut entre la date de la rébellion de Gênes et son retour à Paris, le 3 février 1411, que l'on sait que plusieurs parmi les plus beaux joyaux du roi avaient dû être engagés pour subvenir aux besoins de la guerre outre-monts. En effet, le 21 mars 1410, Pierre de Vaudetar, qualifié de «varlet de chambre et garde des joyaux du roy» avait remis aux envoyés du gouverneur de Gênes, seize magnifiques joyaux «pour sur iceulx joyaulx emprunter XVIm frans pour les mettre et employer ou fait empris pour la recouvrance de la cité et seignorie de Jennes» : il s'agissait de trois statuettes et de six croix d'or, d'un «joyau d'or par manière de tabernacle» où siégait la Vierge entourée de sainte Catherine et de sainte Agnès, de deux reliquaires, d'un tableau et d'une salière d'or, d'un flacon de cristal garni d'or et de l'«aumuce de la grande couronne du roi». Cinq de ces joyaux étaient décrits pour la première fois en 1400 et se trouvaient alors à la Bastille. Les onze autres faisaient déjà partie des collections de Melun en 1380. Cet engagement, contracté auprès du célèbre changeur Gauvain Trente fut d'ailleurs insuffisant et Boucicaut dut lui-même faire fondre et engager une partie de ses propres joyaux. Engagements faits, en particulier, en mars 1410 auprès de Nicolas Benzelin, marchand lombard demeurant à Paris, et en juin 1410 auprès de Senestre Trente, marchand lucquois installé à Paris. Boucicaut se plaignait d'avoir dû «despendre et fraier la greigneur partie de sa chevance... pour aidier a vivre le dit lieutenant et gouverneur et les gens de sa compaignie pour ce qu'ilz ne povoient point avoir d'argent de France». (Arch, nat., KK 40, fol. 81- 86.) (Philippe Henwood, Administration et vie des collections d'orfèvrerie royales sous le règne de Charles VI (1380-1422). In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1980, tome 138, livraison 2 - www.persee.fr).

 

S'attachant à la production artistique au début du XVe siècle à Gênes, ville relais entre la France et l'Italie centrale, Clario di Fabio («La «Pace » di san Lorenzo di Portovenere, il maresciallo di Boucicaut e Pedro de Luna. Un promemoria per la storia délia cultura figurativa a Genova nell' Autunno del Medioevo », p. 137-148) rappelle les conséquences que la reddition de Gênes à la France en 1396 et l'administration de la ville de 1401 à 1409 par Jean le Meingre, seigneur de Boucicaut et maréchal de France, ont dû avoir sur la culture locale auprès d'une petite cour gravitant autour du nouveau maître des lieux. L'auteur propose de voir dans une paix du trésor de l'église San Lorenzo de Portovenere, à l'extrémité orientale de la Ligurie, un témoignage du goût de l'entourage du maréchal de Boucicaut à Gênes. Il s'agit d'une plaquette d'ivoire dorée et polychrome en forme de pignon, représentant la Crucifixion protégée par un verre enchâssé dans une bordure orfévrée en argent décorée de pierres précieuses et semi précieuses et de perles, le tout sommé par une fleur de lys (h. 77 mm ; 1. 48 mm). Le revers est constitué d'une plaque d'argent soudée sur son pourtour avec la bordure, et pourvue dans l'axe vertical médian d'une poignée du même métal garnie d'une feuille de vigne ciselée à l'extrémité supérieure. L'homogénéité de l'objet prouve qu'il a dès le départ été conçu pour une fonction liturgique, celle de la paix, baisée par les fidèles au cours de l'office, un rite apparu en Angleterre au XIIIe siècle, et qui se répand sur le continent à partir du XIVe siècle, gagnant l'Italie au début du XVe siècle justement. L'objet n'a pas été répertorié par Koechlin dans son corpus des ivoires gothiques parmi les paix qu'il a recensées. Carlo di Fabio rapproche l'objet d'un petit diptyque en ivoire polychrome de la Wallace Collection (Londres) représentant la Déposition de croix et la Dormition de la Vierge. Il évoque également un petit médaillon avec la Dormition de la Vierge, et un autre avec l'Annonciation, tous deux conservés à Berlin-Dahlem, le premier provenant de l'église de Santa Maria délia Grazie à Milan. L'auteur attribue les œuvres à un même atelier, pas forcément à la même main, soulignant l'importance du modèle commun, peut-être une enluminure, qui aurait pu encore servir de source pour une médaille en bronze représentant encore la Dormition, mais exécutée apparemment plus tard, vers 1430 dans le milieu rhénan (Berlin-Dahlem). Revenant sur la paix de Portovenere, l'auteur, en l'absence de documents sur son entrée au trésor de l'église San Lorenzo, avance l'hypothèse d'un don spécial à l'établissement au début du XVe siècle, plus précisément au cours du séjour, extraordinaire dans cette ville, du pape Benoît XIII (Pedro de Luna), de cardinaux, de l'archevêque de Gênes, rejoints par le maréchal de Boucicaut lui-même entre janvier et mai 1408. Carlo di Fabio s'avance encore davantage en proposant que la paix a pu être offerte à l'église par le gouverneur lui-même, d'où, selon lui, la présence de la fleur de lys au sommet de l'objet, emblème de la royauté française. Il faut toutefois préciser que la fleur est apparemment formée de rubis, dont la couleur rouge évoque plutôt l'emblème de Florence. Si l'auteur ne repousse pas l'attribution de l'ivoire à un atelier parisien, il souligne la différence de niveau d'exécution de la bordure, moins raffinée, où il voit un travail génois, par analogie avec des œuvres de la région, notamment le reliquaire du bras de Sant'Eugenio à San Pietro de Noli (Savone). Si l'attribution de l'auteur paraît un peu forcée, il faut souligner l'importance de la paix de Portovenere, combinant plusieurs techniques dans des éléments d'origines diverses, le tout à l'évidence nettement marqué par l'enluminure (Dany Sandron, sur Études sur l'orfèvrerie en hommage à Marie-Madeleine Gauthier. In: Bulletin Monumental, tome 156, n°3, année 1998 - www.persee.fr).

 

Sainte Catherine

 

« Un reliquaire en argent, avec les armoiries en émail du maréchal de Boucicaut, le donateur (no 982, l'église de Sainte-Catherine de Fierbois) (Bulletin N° 78 - 1873, Société archéologique de l'Orléanais, 1876 - books.google.fr).

 

On sait que, le 17 juin 1406, Boucicaut fonda un hĂ´pital Ă  Sainte-Catherine-de-Fierbois (arr. de Chinon) (Denis Lalande, Le livre des fais du bon messire Jehan le Maingre: dit Bouciquaut, Mareschal de France et Gouverneur de Jennes, 1985 - books.google.fr).

 

Boucicaut avait visité le monastère de la sainte au Mont Sinaï. Il serait, du reste, intéressant d'étudier de plus près la dévotion à sainte Catherine chez les survivants de Nicopolis comme nous y engage la belle miniature représentant le maréchal Boucicaut en prière devant la sainte dans son célèbre livre d'heures et l'intérêt porté par ce personnage au pèlerinage de Sainte-Catherine-de-Fierbois. L'intercession de la sainte, en effet, était réputée efficace pour le salut des combattants dans le péril et pour le salut des prisonniers de guerre (Bertrand Schnerb, Le contingent franco-bourguignon à la croisade de Nicopolis, Annales de Bourgogne: revue historique, Volume 68, 1997 - books.google.fr).

 

Comme Charles VII avait l'intention d'offrir à Jeanne une belle épée, elle écrivit aux religieux de Sainte-Catherine-de-Fierbois, pour leur demander de faire déterrer, en arrière du maître-autel de l'église, à une faible profondeur, une épée portant cinq croix près de la garde, dont personne n'avait eu connaissance. [...]  Jeanne chargea un armurier de Tours de se rendre à Sainte-Catherine-de-Fierbois pour la lui rapporter (Ferdinand de Liocourt, La mission de Jeanne d'Arc, Tome 2, 1974 - books.google.fr).

 

"phalange"

 

Jeu de mot probable entre la désignation du « bataillon antique », du latin et grec phalanx (« corps d'infanterie en rangs serrés ») et de l'os des doigts (fr.wiktionary.org).

 

La présence de reliques à Fierbois n’est pas assurée du tout à la date de 1380, alors que le culte général de la sainte est devenu assez populaire en Occident, attesté par les patronages de confréries, les copies de sa vie, les heures en son honneur, les statues, les peintures. On pense que leur arrivée pourrait être un des éléments de la dévotion et protection que Jean II le Meingre dit Boucicaut (v. 1366-1421), maréchal de France, manifesta envers le sanctuaire de Fierbois. Au cours d'une première expédition plutôt pacifique en Orient en 1389, il se serait rendu au monastère du Mont-Sinaï et aurait peut-être obtenu, à son tour, une phalange de la sainte. Une autre occasion, plus vraisemblable à mon sens, aurait pu être le voyage de Constantinople en 1400 d'où il aurait rapporté un fragment de cette sainte dont la protection lui aurait permis de survivre au désastre de Nicopolis (1396) et de rentrer de captivité avec tous les honneurs dû à une bravoure déjà légendaire. En tous cas, il fit tout pour lier le lieu où des miracles avaient déjà manifesté le pouvoir d'intercession de la sainte, venue du pays Mamelouk et qui avait résisté au roi d'Egypte, au chemin vers Saint-Jacques de Compostelle où l’on venait prier le Matamore, l’intercesseur qui se serait porté en personne au secours des Chrétiens contre les Musulmans à la bataille de Clavijo (844). Avant 1408, le maréchal devenu le «persecuteur des mescreans» avait fondé une aumônerie avec une chapelle dédiée à saint Jacques dans le village de Sainte-Catherine de Fierbois, halte suffisamment fréquentée pour que le pape Benoît XIII autorisât le 26 juin 1408 l’implantation d’un cimetière afin d’éviter d’avoir à faire les inhumations à Sainte-Maure, chef-lieu de la paroisse. Le renom «militaire» de la chapelle de la sainte en reçut un surplus de reconnaissance : entre 1383 et 1400, il n’y eut que quatre délivrances miraculeuses de prisonniers pour vingt-deux miracles de guérisons, moins du cinquième, mais à partir de 1400 et jusqu’en mai 1430 – notre date butoir pour cette étude – on en compte vingt-six, près de la moitié (44 %) des miracles répertoriés et datables qui eurent lieu au cours de cette génération. Ils concernèrent quarante-six personnes qui toutes cependant ne sont pas nommées ni ne firent le voyage d’action de grâce. Que le généreux et vaillant maréchal ait été un des captifs survivants du désastre d’Azincourt et qu’il soit mort en Angleterre en 1421, toujours prisonnier donc sans une intervention miraculeuse peut-être ardemment invoquée, ne semble pas avoir eu d’influence négative pour Fierbois. Au contraire, la perte de la Normandie en 1418 et l’impossibilité d’accéder au sanctuaire de Rouen, ville anglaise depuis janvier 1419, et à son fragment de dépouille (pourtant authentifiée par l’autorité de la Légende dorée), semblent avoir fort accru le pouvoir de la chapelle tourangelle aux yeux des partisans de Charles VII qui disposaient ainsi d’une protection de la sainte, rigoureusement parallèle et tout aussi valable. De 1418 à la capture de Jeanne d’Arc en mai 1430, seize libérations (les deux tiers de celles de la période) dues à l’intercession expresse de sainte Catherine ont fait l’objet de notices à Fierbois. (Françoise Michaud-Fréjaville, Sainte Catherine, Jeanne d’Arc et le « saut de Beaurevoir », Cahiers de recherches médiévales: CRM., 2005 - journals.openedition.org).

 

Avant de partir en Hongrie pour porter secours au roi Sigismond menacé par les Ottomans de Bajazet, dit l’Éclair, les troupes franco-bourguignonnes se concentrent à Dijon le 20 avril 1396. Dans cette armée, commandée par Jean, comte de Nevers et futur duc de Bourgogne, se trouvaient le duc Jean Ier de Bourbon avec l’amiral Jean de Vienne, porteur de l’étendard marial, Gui de La Trémoïlle, Enguerrand de Coucy, Boucicaut et son frère Geoffroy. Les croisés renforcés par les hospitaliers de Philibert de Naillac, Grand Maître de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem se dirigèrent vers Nicopolis4 où ils se heurtèrent à l’armée de Bajazet le 25 septembre. Ils furent taillés en pièce. Seul Sigismond réussit à s’enfuir sur un navire vénitien. L’amiral Jean de Vienne fut tué. Le jeune comte Jean, qui avait gagné sur le champ de bataille son surnom de Jean sans Peur, intervint auprès de Bajazet pour que les deux frères Boucicaut, Gui de La Trémoïlle et Enguerrand de Coucy aient la vie sauve. Ils firent partie des vingt-quatre seuls prisonniers amenés par Bajazet en captivité. Le maréchal fut libéré par anticipation afin d’avertir les familles des prisonniers à rançon de la somme qui leur était imposée (fr.wikipedia.org- Jean II Le Meingre).

 

La légende de Catherine, fêtée le 25 novembre, est probablement basée sur la vie et l'assassinat de la philosophe grecque Hypatie, vraie martyre, en inversant les rôles des chrétiens et des païens. La fête religieuse disparaît du calendrier romain en 1969, «en raison du caractère fabuleux de sa passion» et du doute qui pèse sur l'existence même de la sainte (fr.wikipedia.org - Catherine d'Alexandrie).

 

Pierre d'Ailly

 

C'est en l'année 1418 que Pierre d'Ailly, mort à Avignon le 9 août 1420, écrivit le De Persecutionibus Ecclesiœ. Il avait alors soixante-huit ans et était presque parvenu au terme de sa carrière. Postérieurement à cette date, on ne cite de lui qu'une courte Apologia defensiva astronomiœ et qu'une lettre qu'il écrivit, sur le même sujet, à Gerson. Le De Persecutionibus Ecclesiœ traite d'une question qui avait à maintes reprises préoccupé Pierre d'Ailly et qui tenait une large place dans la pensée de ses contemporains, la question de l'Antéchrist et de la fin du monde. Cet ouvrage se divise en trois parties. Dans la première, l'auteur rend compte de diverses interprétations dont avait été l'objet l'Apocalypse de saint Jean. Dans la deuxième, il interprète lui- même la cinquième vision de cette Apocalypse comme l'annonce du Grand Schisme d'Occident. Dans la troisième, enfin, il traite de l'époque de la venue de l'Antéchrist et de la destruction de l'Islamisme, en s'appuyant cette fois sur des considérations astrologiques.

 

Sur la date de la défaite du Mahométisme, Pierre d'Ailly espérait aussi trouver quelque renseignement précis dans les écrits des astrologues. Mais, suivant son maître Albumazar, la durée du règne de l'Islamisme n'aurait dû être que de 693 ou de 584 ans. Or, un bien plus grand nombre d'années s'était écoulé déjà, au temps de Pierre d'Ailly, depuis la fondation du Mahométisme, et notre auteur éprouvait à expliquer ces chiffres d'Albumazar le même embarras qu'à interpréter le nombre 666 de l'Apocalypse. Il en venait à se demander s'il ne fallait pas faire partir ces 584 ou ces 693 ans de l'époque de la plus grande extension du « royaume des Arabes, » c'est-à-dire seulement de la fin du XIe siècle; mais il demeurait perplexe, d'autant que, par un autre calcul, Albumazar assignait 1,460 ans à la durée de la religion chrétienne et qu'en appliquant le même principe à la religion mahométane, on serait arrivé à faire durer celle-ci 1151 ans. Ces difficultés inextricables auraient dû dégoûter Pierre d'Ailly des spéculations astrologiques aussi bien que de l'interprétation aventureuse de l'Apocalypse. L'une et l'autre méthodes étaient également impuissantes à lui livrer le secret que son esprit curieux poursuivait avec acharnement, la date delà fin du monde1. Après la faillite de l'exégèse, c'était la faillite de l'astronomie. Notre auteur ne voulut pas pourtant s'avouer à lui-même l'inutilité absolue de ses recherches. Le De Persecutionïbus Ecclesiœ, au lieu d'enregistrer un résultat entièrement négatif, se termine par cette conclusion, qui manque de précision, mais surtout de logique : « On peut, dit Pierre d'Ailly, d'après ce qui précède, former vraisemblablement le soupçon qu'avant cent ans il se produira un grand changement dans les lois et les sectes, particulièrement au sujet de la loi et de l'Eglise de Jésus-Christ. » Avant cent ans, c'est-à-dire avant 1518 : c'est le temps des premières révoltes de Luther. Avec un peu de complaisance, on pourrait dire que Pierre d'Ailly a prédit la Réforme, ainsi que la Révolution française (Noël Valois, Un ouvrage inédit de Pierre d'Ailly, le De Persecutionibus ecclesiæ. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1904, tome 65 - www.persee.fr).

 

Non seulement d'Ailly fut le fidèle miroir des opinions et même des erreurs de son temps, mais encore il eut parfois sur les âges futurs des vues prophétiques qui nous étonnent et que nous rapportons sans les expliquer. Pareil à certain dieu de la fable, il regarde à la fois le passé et l'avenir. Il résume l'un et il prophétise l'autre. D'une part, c'est un compilateur clairvoyant; de l'autre, c'est presque un voyant. C'est ainsi qu'il a prédit et précisé, au commencement du xve siècle, la date exacte de la Révolution française. Appuyé sur des données plus astrologiques qu'astronomiques, il affirme que toutes les fois qu'arrive une grande conjonction de Saturne et de Jupiter, c'est-à-dire tous les neuf cent soixante ans, il se produit dans le monde un événement extraordinaire. Il essaye de le prouver par toutes les conjonctions qui sont déjà dans le domaine du passé et de l'histoire; puis il ajoute : «La huitième conjonction aura lieu, si Dieu le veut, l'an du Christ 1692, ou à peu près; puis après dix révolutions saturnales, viendra l'année 1789. Si le monde dure jusqu'à ces temps, ce que Dieu seul connaît, il y aura alors de nombreuses et grandes altérations et de remarquables changements, principalement dans les lois et dans les religions.» N'est-ce pas là une prédiction formelle, qui laisse bien loin derrière elle, sous le rapport de l'authenticité, de la précision et surtout de l'antiquité, celles que l'on attribue à Fénelon, au P. Beauregard et à plusieurs autres? Cette prophétie a été faite en 1414, trois cent soixante-quinze ans avant l'événement, elle a été imprimée pour la première fois à Louvain vers 1480, puis à Augsbourg en 1490 et à Venise en 1494, c'est-à-dire près de trois cents ans avant 1789, et les preuves incontestables sont à la portée de tous les érudits. Le fait est aussi extraordinaire que si, à l'heure qu'il est, nous faisions une prédiction qui se réaliserait en l'an de grâce 2285 (Louis Salembier, Pierre d'Ailly et la découverte de l'Amérique . In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 3, n°16, 1912 - www.persee.fr).

 

Le surnom "Boucicaut"

 

Le surnom de Boucicaut a été rapproché de boca "petite bouchée" ou de boce "panier, tonneaux".

 

La bouzigue a un sens voisin de herm dans le Midi. Le terme viendrait d'un gaulois bodica au sens de friche et correspond à des toponymes en Bouzigue et les Bouzigues par dizaines, ainsi que des Boudigue, Bouige, Bouygues, Boige (Roger Brunet, Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France: Les noms de lieux de la France, 2016 - books.google.fr).

 

Un champ envahi par ces plantes se dit Bouziga. Par extension ces mots sont assez souvent usités pour désigner une friche envahie par des graminées quelconques (Bulletin de l'Académie internationale de géographie botanique, Volumes 10 à 12, 1901 - books.google.fr).

 

Si le sol reste plusieurs années en friche, comme il est arrivé, et arrive encore trop souvent à cause de la dépopulation, on y voit pousser la « bouzigo », association de plantes ligneuses ou épineuses et de plantes à bulbes. La rareté des arbres, laissant souvent apparaître le sol nu, a valu au Haut-Armagnac le nom d'Armagnac Blanc. [...] Par exception, la coquette petite ville de Fleurance (3.491 hab.) bastide royale fondée en 1280, fut construite en plaine dans la vallée du Gers (Paul Arqué, Géographie du Midi Aquitain, 1939 - books.google.fr).

 

La disparition de la jachère - dans l'assolement blé, maïs, trèfle - donne une variété significative de termes : bouzigo dans le Gers ; ailleurs, le mot même manque aujourd'hui ; la Chalosse avait «estibats», estive (Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volumes 57 à 58, 1956 - books.google.fr).

 

Son père, prénommé Jean lui aussi, fut un valeureux guerrier et un habile diplomate ; il joua un rôle considérable comme conseiller des rois Jean II et Charles V. Nommé maréchal de France le 21 octobre 1356, il négocia le traité de Brétigny en 1360 et fut chargé de se faire remettre toutes les places qui devaient être livrées au roi d'Angleterre. Il mourut le 6 ou le 7 mars 1368 en luttant en Bourgogne contre les Grandes Compagnies. C'est lui probablement, comme nous le rapporte Antoine de La Sale dans son roman Jehan de Saintré, qui, le premier, reçut «par esbatement» le surnom de Boucicaut, alors qu'il était encore jeune écuyer à la cour de Philippe VI. [...] Le père de notre héros est présenté par Philippe de Mézières dans le Songe du vergier comme le prototype des courtisans qui savent exploiter la faveur des princes. Et il ne se contente pas de pratiquer la flatterie, il l'érige en système, élabore une philosophie de la vie qu'il professe avec le sourire sous la forme un proverbe : «Il n'est peschier que en la mer et si n'est don que de roy». Un tel précepte n'a certainement pas manqué de susciter les plaisanteries de ses jeunes compagnons. En lui donnant le surnom de Boucicaut, ceux-ci n'ont fait que lui attribuer une «épithète de nature» (Denis Lalande, Jean II le Meingre, dit Boucicaut (1366-1421): étude d'une biographie héroïque, 1988 - books.google.fr).

 

Jean Le Meingre, Ier du nom, dit Boucicaut (frère de Geoffroy Le Meingre, Evêque & Duc de Laon, Pair de France, qui mourut en 1370), fut Ecuyer du Duc de Touraine; il donna les premières preuves de son courage dans les guerres des Anglois en Gascogne en 1337, sous le Connétable d'Eu, avec lequel il alla en Flandre & sur les frontières du Hainaut en 1338 & 1340. Il étoit à la bataille du Roi en l'Ost de Bouvines au mois de Septembre 1340, & continua de rendre ses services dans les guerres de Gascogne & de Languedoc, sous le Sire de Craon en 1351 & 1352; fut fait Sénéchal de Toulouse le 30 Mai 1354 (De La Chenaye-Desbois, Badier, Dictionnaire de la noblesse, Tome 13, 1868 - books.google.fr).

 

Raoul, comte d’Eu et de Guînes, a occupé l’office de connétable de France sous le règne de Philippe VI de Valois. Né dans les années 1290, il était contemporain de ce roi et des fils de Philippe le Bel. Ses parents appartenaient à la haute noblesse du royaume de France : son père, Jean de Brienne, comte d’Eu, représentait la branche cadette de l’illustre famille champenoise des Brienne, qui furent rois de Jérusalem au XIIIe siècle, et descendait de la maison de Lusignan ; sa mère, Jeanne de Guînes, héritière de ce comté qu’elle transmit à son fils, descendait pour sa part de la maison de Coucy. [...] Raoul d’Eu devint en effet connétable de France en 1329, succédant à Gaucher de Châtillon, connétable depuis 1302, après la bataille de Courtrai. (Émilie Lebailly, Le connétable d’Eu et son cercle nobiliaire, Le réseau de familiers d’un grand seigneur au XIVe siècle, La Noblesse en question (XIIIe-XVe s.), CRMH 13, 2006 - journals.openedition.org).

 

Constamment inquiétés par les Anglais qui ne pouvaient se résoudre à voir Fleurance et le comté de Gaure s'échapper de leurs mains, les Fleurantins demandèrent secours et protection au lieutenant du roi en Languedoc, Raoul, comte d'Eu et de Guines, auquel ils ouvrirent leurs portes. De retour à son camp, devant la Réole, assiégée de nouveau, le connétable, au nom du roi, adressait le 3 août 1337, aux Fleurantins, des lettres de confirmation des anciens privilèges (Lettres de Raoul d'Eu) (Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 28, Numéro 2, 1927 - books.google.fr, Histoire générale de Languedoc avec des notes et les pièces justificatives par dom Cl. Devic & dom J. Vaissete, Tome IX, l872-89, 1885 - books.google.fr).

 

Il y a de très nombreux lieu-dits en "bouzigo" dans le Gers et près de Fleurance comme à Céran (cf. Géoportail) (Revue internationale d'onomastique, Volumes 8 à 9, 1956 - books.google.fr).

 

On a aussi toujours en Gascogne "boucigo" pour "tripe" (Spyridon Zampelios, Parlers grecs et romans: leur point de contact préhistorique. Tome premier, 1880 - books.google.fr).

 

Avoir des tripes ?

 

Près de Fleurance, à Saint Clar de Lomagfne, l'ancienne église Sainte-Catherine, clocher du XIe s., nef avec enfeus du XIIe, remaniés aux XVe et XVIIIe, était l'« église de Jean-Géraud d'Astros », qui en fut prêtre toute sa vie. Jean-Géraud d'Astros (en gascon : Joan Giraud d'Astròs) est curé et poète écrivant en gascon né en 1594 au hameau de Jandourdis, près de Saint-Clar de Lomagne et mort en 1648 (fr.wikipedia.org - Saint-Clar).

 

Il y avait une chapelle Sainte Catherine Ă  Fleurance dans l'Ă©glise Saint Laurent.

 

Pierre de Bastard, originaire du Berry, avait épousé, le 8 septembre 1505, Géralde de Foissin de Salles, dame du Bosq. Son fils Dom Pierre de Bastard, dit l'abbé de Fauville, est le fondateur du tombeau de sa branche, en la chapelle dite de Bastard, dédiée à sainte Catherine, à Saint-Laurent de Fleurance, qui avait été le lieu de sépulture durant trois siècles de la famille du Bosq (Henri Bruno de Bastard d'Estang, Généalogie de la Maison de Bastard, originaire du comté nantais, existant encore en Guienne, au Maine, en Bretagne et en Devonshire, 1847 - books.google.fr).

 

Typologie

 

La lumineuse Canopus est la 2e étoile la plus brillante du ciel (m=0,72). C'est une supergéante dont le diamètre correspond à trente fois celui du Soleil, située à quelque 310 années-lumière. Elle est souvent utilisée, à cause de sa luminosité et de son isolement relatif par rapport à d'autres étoiles brillantes, comme point de repère pour les voyages interplanétaires (www.astrosurf.com).

 

Remarquons aussi dans cette vaste constellation du Navire, l'étoile Canopus, de première grandeur. [...] C'est la seconde étoile du ciel par ordre d'éclat, car elle vient immédiatement après Sirius, et est supérieure à a du Centaure, Arcturus, Véga, Rigel et Capella. Elle brille sur le gouvernail du Navire et porte le nom du pilote de Ménélas, qui s'appelait Kanûbos. Pline, Ptolémée, Manilius l'appellent déjà Canopus; pourtant Hévélius et Flamsteed écrivent encore Canobus. Cette éclatante étoile était adorée en Egypte. La ville de Canope (aujourd'hui Aboukir), sur l'une des branches du Nil, dans la basse Egypte, portait anciennement le même nom: c'était là, disait-on, que le pilote de Ménélas était mort de la morsure d'un serpent. Il faut aller à 53 degrés du pôle nord, c'est-à-dire au 37°degré de latitude, pour commencer à apercevoir Canopus rasant l'horizon. On peut le voir de Gibraltar, des côtes sud de l'Espagne, de l'Algérie, de laTunisie, delà Grèce et d'Alexandrie. Hipparque et Ptolémée ont pu l'observer aussi de leur temps, car dans cette position l'effet de la précession est à peu près nul. Cet astre jouissait d'une célébrité spéciale chez les anciens navigateurs. Améric Vespuce en parle dans ses mémoires en avoir vu trois, dont un noir (probablement le trou dans la Voie lactée nommé sac à charbon). Les pèlerins arabes l'appelaient « l'étoile de sainte Catherine », parce qu'ils étaient joyeux de la voir et de se guider sur elle pour aller de Gaza au mont Sinaï. Canopus est resté célèbre dans les annales de la navigation. La situation australe de ces étoiles du Navire nous interdit de faire directement connaissance avec elles (Camille Flammarion, Les étoiles et les curiosités du ciel: supplément de l'astronomie populaire, 1882) (Autour de Rennes le Château : Gisors et Auxerre : 31 juillet et 20 septembre - nonagones.info).

 

On pourrait expliquer le placement de ce quatrain en 2028 comme on l'a fait pour le IX, 34 avec le Saint Suaire (daté de 2128, un siècle plus tard) : la date pivot de 1401 (Boucicaut gouverneur de Gênes) avec 2028 donne la date symétrique de 775.

 

La période iconoclaste de l’Empire byzantin (dite « querelle iconoclaste » ou « querelle des images ») est une période qui s’étend de 726 à 843. Pendant environ une centaine d’années, les empereurs byzantins iconoclastes interdisent le culte des icônes et ordonnent la destruction systématique des images représentant le Christ ou les saints, qu’il s’agisse de mosaïques ornant les murs des églises, d’images peintes ou d’enluminures de livres. Cette période de l'aniconisme chrétien se déroule dans un contexte politique difficile tant à l’intérieur, alors que plusieurs empereurs se succèdent en quelques années, que sur le plan extérieur où l’empire fait face aux invasions des Arabes et des Bulgares. Sur le plan religieux, elle constitue le prolongement de diverses hérésies survenues au cours des siècles précédents concernant la nature du Christ. Cette crise se déroule en deux étapes. Au cours de la première, de 723 à 775, les empereurs Léon III l'Isaurien et son fils Constantin V adoptèrent une attitude de plus en plus intransigeante et violente à l’endroit du culte des images. Le règne de l’impératrice Irène marqua une pause qui se termina avec l’arrivée au pouvoir de Léon V l'Arménien (813). Son règne fut marqué par une persécution plus féroce bien que de moindre envergure que celle de Constantin V. Toutefois son successeur, Michel II, adopta une politique plus conciliante qui coïncide avec l’éloignement de la menace que faisaient planer les Arabes sur l’existence de l’empire. Elle se termina officiellement lorsque l’impératrice Théodora réunit un synode en 843 qui confirma la légitimité de celui de 787 (fr.wikipedia.org - Période iconoclaste de l'Empire byzantin).

 

Bien qu'appartenant politiquement à l'Égypte, le monastère de Sainte-Catherine du Sinaï relève, sur le plan monastique, de l'aire palestinienne avec toutes ses caractéristiques, comme sa fidélité à la confession de foi de Chalcédoine et son recrutement cosmopolite. Sa situation particulière lui vaut en outre nombre d'avantages. Le climat très sec du désert, joint à l'altitude (1528 mètres), est un merveilleux conservatoire pour les manuscrits, qu'ils soient rédigés sur peau ou sur papyrus, matière pourtant beaucoup plus fragile. La formidable enceinte de Justinien lui a épargné, sinon des sièges en règle et même quelques épisodes de pillage, du moins les destructions significatives et les incendies qui ont détruit tant de monastères... avec leurs bibliothèques. Enfin,  la conquête arabe l'a paradoxalement soustrait aux fureurs iconoclastes de la Byzance des VIIIe-IXe siècles, ce qui en fait un témoin unique de l'art pictural ecclésiastique d'avant cette période (Hiéromoine Élisée, Le monachisme d'Orient, 2017 - books.google.fr).

 

En 726 commence la période iconoclaste et Léon III, empereur d'Orient à Constantinople, ordonne la destruction de toutes les images dans les communautés chrétiennes. Enfermé dans son isolement splendide, le monastère Sainte-Catherine fut le seul à conserver intact son énorme et précieux patrimoine artistique (Giovanna Magi, La presqu'ile du Sinai, traduit par Jean Georges d'Hoste, 1993 - books.google.fr).

 

L'artiste dit le Maître de Boucicaut doit ce nom de convention aux miniatures qui ornent le livre d'Heures commandé par Jean II Le Meingre dit Boucicaut (1365 - 1421), maréchal de France, et sa femme Antoinette de Turenne. Cette destination du manuscrit est attestée par deux portraits du maréchal en prière seul ou en compagnie de sa femme, par leurs armoiries et le «mot» de Boucicaut «ce que vous voudres ». C'est sans doute l'un des livres d'Heures les plus personnalisés parmi ceux, innombrables, qui nous soient parvenus. Les armoiries et le «mot» du maréchal y abondent de façon presque indécente en faisant intrusion dans les scènes religieuses. Les très nombreux suffrages qui concernent les saints favoris du commanditaire ouvrent le livre au lieu de succéder aux prières consacrées à la messe et aux Heures de la Vierge, à celles de la Croix, du Saint-Esprit, de la Trinité et aux autres éléments habituels des livres d'Heures à l'usage de Paris. De plus, ces suffrages sont illustrés d'images des saints ou de leurs martyres occupant la page entière alors que, normalement, elles sont de dimensions réduites. Cette individualisation du livre nous impose la connaissance relativement détaillée du caractère et de la carrière de l'homme qui en a commandé l'illustration et l'a de toute évidence dictée et contrôlée. Nous sommes bien renseignés sur sa vie, du moins jusqu'en avril 1409, date de l'achèvement du Livre des faits du bon messire Jean le Meingre, rédigé par Honorât Durand, son chapelain et légataire du journal de Boucicaut. Né à Tours, en 1365, ce parangon de la chevalerie de sa génération - sa réputation égala celle de Guillaume le Maréchal à la fin du XIIIe siècle et celle de Jacques de Lalaing au XVe - avait de qui tenir. Son père, Jean I le Meingre dit Boucicaut et aussi «le Brave», fut maréchal de France. Il servit fidèlement le roi Charles V en capitaine et en négociateur. Mais lorsqu'il mourut en 1368, son fils n'avait que trois ans. La carrière de cet orphelin de petite noblesse devait être exemplaire de la société féodale de son temps. Placé par le roi au service du dauphin, sa précoce ardeur guerrière le recommanda auprès du duc de Bourbon qui amena le garçonnet de douze ans à la campagne de Normandie contre les Anglais. A seize ans, il se distingua à la journée de Roosebecke au point d'être armé chevalier. Mais il avait aussi des lettres, fit des ballades, d'autres poèmes et chansons. Très pieux - tout comme Guillaume le Maréchal ou comme Lalaing - «il aime Dieu, et le redoubte sur tout, et est très-devot : car chaque jour sans nul faillir, dict ses heures et maintes oraisons, et suffrages de saincts. Et quelque besoing ou haste que il ait, il oit chacun jour deux messes tres-devotement, les genouilles à terre». Ce qu'illustrent, on ne peut plus fidèlement, les enluminures des Heures qui nous occupent ici. Il fit le pèlerinage de Jérusalem et ne manqua pas de visiter au mont Sinaï le tombeau de sainte Catherine qu'il vénérait particulièrement. La charité et la galanterie chevaleresque lui inspirèrent la création de l'Ordre de la Dame blanche à l'écu vert (1399), voué à la défense des dames. Ce genre de fondation fut habituellement réservé aux souverains et aux princes. Souvenons-nous à ce propos qu'après le désastre de Nicopolis (1396), de très nombreuses dames devenues veuves ou fiancées solitaires restèrent sans défense devant les entreprises des féodaux cupides et les tracasseries juridiques. La cause était bonne mais le geste spectaculaire témoigne l'orgueil de Boucicaut. Ses exploits guerriers furent innombrables: combat pendant trente jours lors du célèbre tournoi de Saint-Ingelbert (1390) où il se mesurait aux Anglais, qui contribua grandement à sa charge de maréchal de France l'année suivante; «croisades» avec les Teutoniques contre les Lithuaniens païens; expéditions en Palestine où il fut prisonnier à Damas et passa son temps en débats poétiques avec ses trois compagnons d'infortune. Déjà à Nicopolis il n'échappa à la mort que grâce à la chaleureuse intervention auprès de Bajazet du duc de Nevers (le futur Jean sans Peur) et ne sortit de la captivité turque que contre une forte rançon. Ce n'est donc pas par hasard que saint Léonard, qui délivre les prisonniers, ouvre la suite des saints dans ces Heures. Ce protecteur lui a pourtant failli: capturé à Azincourt, Boucicaut mourra en Angleterre en 1421. Une fois maréchal de France, Boucicaut réussit le mariage qui l'introduit dans la haute noblesse: il épouse, en 1393, Antoinette de Turenne. Il n'est pas surprenant de le voir avec elle sous les regards bienveillants de la Vierge et de l'Enfant, un ange lui servant d'écuyer, son heaume sous le bras et son pennon armorié au poing, au milieu d'une extravagante profusion de blasons et d'emblèmes personnels. La phase suivante de sa carrière n'importe pas moins pour notre compréhension des enluminures des Heures. Nommé en 1401 gouverneur de Gênes, Boucicaut arrive à pacifier cet Etat déchiré par les factions des grandes familles et les visées lombardes. Mais, en 1407, les Génois se révoltent, le maréchal est obligé de se retirer en Piémont. Sans soutien militaire du roi de France, il abandonne l'entreprise italienne. Il emporte de Gênes une nouvelle dévotion: pour sainte Brigitte de Suède. C. Nordenfalk (1961) a brillamment montré que cette sainte pratiquement inconnue en France (elle se montra, pendant le schisme, ennemie du pape favorisé par la politique française) était particulièrement vénérée à Gênes. Elle est d'ailleurs représentée dans les Heures d'une façon qui reste pour nous unique: ses mains détachées de ses bras sont emportées par un ange au ciel, signe que ses prières ont été exaucées. Une seule autre représentation des mains détachées est connue dans l'iconographie médiévale mais leur signification est diamétralement opposée: les mains sacrilèges qui, lors des funérailles de la Vierge, touchèrent son cercueil et y restèrent collées. La dévotion de Boucicaut à saint Paneras vient peut-être également de Gênes. Peut-être, parce que si une église lui était vouée dans cette ville, le culte de saint Paneras n'était pas moins répandu en France, et notamment à Tours. La famille Le Meingre possédait une chapelle à la cathédrale Saint-Martin où le corps de notre Boucicaut fut, selon sa volonté, transféré d'Angleterre. Et, bien entendu, l'image de saint Martin, patron de Tours, ne manque pas dans les Heures. Le choix des autres saints s'explique en général aisément par l'idéologie guerrière de Boucicaut (saints Michel, Georges et Guillaume d'Aquitaine) ; par son prénom (les deux saint Jean) et celui de sa femme (saint Antoine). Cependant, deux d'entre ses patronnes importent particulièrement pour la datation de ce manuscrit capital, sainte Brigitte et sainte Catherine. Cette datation a été très discutée (Charles Sterling, La peinture médiévale à Paris: 1300-1500, Volume 1, 1987 - books.google.fr).

 

On notera l'importance de la main pour Boucicaut : phalange de Catherine et main détachée pour Brigitte.

 

Catherine de France, second enfant de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, naît le 27 octobre 1401 à l'hôtel Saint-Paul. Elle est mariée, le 2 juin 1420, à Troyes, dans l'église Saint-Jean, avec Henri V (1387-1422) Lancastre, roi d'Angleterre (1413-1422), que le traité de Troyes du 21 mars 1420 a constitué régent du royaume de France et « héritier de France ». [...] Catherine est couronnée en janvier 1421, à Westminster. Elle est mère, le 6 décembre 1421, au château de Windsor, d'un fils, Henri de Windsor. Celui-ci devient roi d'Angleterre, en tant qu'Henri VI, le 31 août 1422, sous la régence de son oncle, le duc de Bedford, celui étant devenu également régent de France, à la mort de Charles VI. Dans le but d'effacer l'impression produite par le sacre de Charles VII, roi de France, à Reims, le 17 juillet 1429, le régent Bedford fait couronner à son tour, Henri VI, en tant que roi de France, à Notre-Dame de Paris, le 17 décembre 1431 Catherine est veuve, le 31 août 1422. Toutefois, elle se remarie secrètement, aux environs de 1428, avec Owen Meredith Tudor. Celui-ci est décapité, en 1461, sur ordre du duc d'York, devenu roi d'Angleterre (1461-1483), après son couronnement, à Westminster, le 28 juin de cette même année, sous le nom d'Edouard IV. Avec Owen Tudor, Catherine a trois fils. L'ainé Edmond, comte de Richemond, de par son mariage avec Marguerite de Beaufort (arrière-petite-fille de Jean de Gand), est le père d'Henri, le futur Henri VII, premier souverain (1485-1509) de la dynastie Tudor (Jean-Luc Abadjieff, Les Batailles de la guerre de Cent ans et de la guerre des Deux-Roses, 2017 - books.google.fr).

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