Bordeaux VII, 42 2030 Deux de poison saisis nouveaux venus, Dans la cuisine du grand Prince verser, Par le souillard tous deux au fait cogneus, Prins qui cuidoit
de mort l'aisné vexer. Pour Jacques Halbronn, ce
quatrain serait en rapport avec la mort de Gabrielle d'Estrée,
maîtresse d'Henri IV Mort de Charles,
duc de Guyenne, frère de Louis XI Charles de France
(1446-1472), dernier fils de Charles VII et de Marie d'Anjou. Il était le plus
jeune frère du roi de France Louis XI, son
aîné de 23 ans, contre lequel il ne cessa de comploter dès l'accession de
celui-ci au trône de France le 22 juillet 1461. Il fut duc de Berry
(1461-1466), de Normandie (1465-1469) et de Guyenne (1469-1472). Choyé par ses parents, maigre, myope, versatile et faible
de caractère, il a passé sa vie à comploter contre son frère Louis XI. Sa
maîtresse Nicole de Chambes-Montsoreau fille de Jean
II de Chambes, constructeur du Château de Montsoreau et conseiller des roi Charles VII et Louis XI,
veuve de Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, lui donna deux enfants, mais
également une maladie vénérienne, supposée être la cause de leur décès à tous
deux Comme Louis XI gagnoit à cette mort, ses ennemis l'accusèrent publiquement
d'avoir empoisonné son frère. Il paroÃt en effet,
& c'est l'opinion la plus généralement reçue , que
le duc de Guyenne avoit été empoisonné avec la dame
de Monsoreau sa maîtresse, dans une pêche dont ils
avoient mangé chacun la moitié. La dame de Monsoreau
plus délicate peut-être, ou ayant mangé la partie la plus chargée de poison,
mourut presque aussitôt; le prince languit quelques mois. Lescun son favori qui le voyoit mourir , fit arrêter à Bordeaux, encore du vivant du
prince, Jourdain Faure, ou Favre, dit de Vecors ou de
Versoris, abbé de Saint-Jean d'Angely,
aumônier du duc de Guyenne, & Henri de la Roche, écuyer de la cuisine de ce
même prince, accusés par la voix publique d'avoir été les instrumens
du crime. Leur procès fut commencé à Bordeaux ; mais le duc de Guyenne
étant mort, & par cette mort la Guyenne retournant au roi, Lescun, soit qu'il crût ou non Louis XI d'intelligence avec
les accusés, les tira des prisons de Bordeaux, les amena en Bretagne, les
présenta lui - même au duc, qui avoit presque
toujours été l'allié de Charles duc de Guyenne , &
l'ennemi de Louis XI, & lui demanda vengeance de la mort de son maître.
Pendant que le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, également allié du duc
de Guyenne, publioit un manifeste, dans lequel il accusoit à la sace de l'univers
Louis XI d'empoisonnement & de fratricide, Louis XI n'opposa d'abord que le
silence & ses intrigues ordinaires à tout cet emportement. Ce ne fut qu'au
bout de dix-huit mois, que montrant ou affectant lui-même le plus grand zèle
pour la vengeance de son frère, il nomma le 22 novembre 1473
, des commissaires à qui ces instructions sont adressées pour aller
faire le procès aux accusés avec les officiers du duc de Bretagne. Si ces
instructions n'ont pas été modifiées ou contrariées par des instructions plus
secrètes, il semble qu'elles n'ont pu être données que par un prince qui se sentoit innocent du crime qu'il s'agissoit
de punir ; mais cette question est examinée à charge & à décharge dans
l'histoire de Louis XI de M. Duclos , & surtout, & plus à fond encore
dans la première des observations critiques & historiques du père Griffet sur le règne de Louis XI, du père Daniel, laquelle
a pour titre : De Charles de France, duc de Guyenne, frère du Roi ; enfin, dans
la nouvelle histoire de France. Nous ne pourrions rien ajouter à ce qu'ont dit
ces différens écrivains, qui cependant n'ont rien
décidé, & qui ont eu raison Selon la légende, le 14 décembre 1471, Charles partageait
avec Colette une pêche qui avait été pelée par son aumônier, Jourdain Faure,
dit Versois, abbé de Saint-Jean-d'Angely
; ce fruit était empoisonné Jourdain Faure de Vercors, religieux de l'ordre de
Saint-Benoît, natif de Die en Dauphiné avait été nommé, abbé de Saint-Jean d'Angely en 1471, succédant à Jean Balue. Sixte IV ordonna
une enquête pour connaître s'il était réellement coupable ; il le déposa comme
contumace le 21 janvier 1473 et le remplaça par Louis d'Amboise, évêque d'Alby Le procès, auquel Louis XI participa par l'intermédiaire
de commissions, ne fut pas rendu public "souillard" Le mot souillard pourrait être un indice pointant vers le règne de Louis XI. Le chien Souillart, chien de chasse blanc (chien de Saint-Hubert),
avait été donné au roi Louis XI comme un limier sans pareil, cadeau d'un
gentilhomme. Ce roi le donna à son tour à Gaston du Lyon, sénéchal de Guyenne
en 1461, qui le lui avait demandé pour en faire hommage à la duchesse Anne de
Beaujeu, comme la plus sage dame du royaume. - Ce à quoi Louis Xl aurait dit : « Je vous reprens
sur ce point de l'avoir nommée la plus sage, mais dittes
moins folle que les autres, car de sage-femme n'y ha point au monde. » Gaston
du Lyon, importuné par Jacques de Brezé, avait fini
par lui céder le chien Souillart. Anne de Beaujeu,
fille de Louis XI, qui, comme son père, aimait passionnément la chasse, envoya
au grand sénéchal une lice nommée Baude, et de
l'alliance de ces deux braves animaux sortirent seize chiens, et entre autres
six dont la meute royale garda longtemps le souvenir. Les dits du bon chien Souillart, deuxième du nom, sont compris en quarante-neuf vers "saisis nouveaux venus" Survient-il quelque trouble, quelque apparition
inaccoutumée, on regarde, ou interroge, on provoque l‘attention des autres.
Tant il est dans notre nature d'admirer le nouveau plutôt que le grand !
Même chose a lieu pour les comètes.
S‘il apparait de ces corps de flamme d'une forme rare et insolite, chacun veut
savoir œ que c‘est; on oublie tout le reste pour s‘informer du nouveau venu; on ne sait s'il faut
admirer ou trembler : car ou ne manque pas de gens qui sèment la frayeur et qui
tirent de là d‘effrayants présages. Aussi l'on s‘enquiert, on brûle de savoir
si c‘est un prodige ou seulement un astre. il n‘est point, selon moi , de
recherche plus noble, de science plus utile que celle qui révèle la nature des
étoiles et des corps célestes; y a-t-il l'a, comme nous devons en croire nos
yeux. une flamme concentrée d‘où émanent lumière et chaleur; ou bien, au lieu
de globes enflammés, sont-ce des corps solides et terreux qui, roulant dans des
plages ignées, en reçoivent une couleur d‘emprunt, une clarté dont le foyer n‘est
pas en eux ? Cette opinion fut celle de grands esprits qui regardèrent les
astres comme des substances dures et compactes qui s'alimentent de feux
étrangers. La flamme toute seule, disent-ils, se dissiperait, si elle n’était
retenue par un corps qu'elle retient à son tour; un
globe de lumière qui n‘adhèrerait pas à un corps stable par lui-même serait
bientôt dispersé par le tourbillon du monde. Si quid turbatum est, aut præter consuetudinem emicuit, spectamus, interrogamus, ostendimus. Adeo naturale est, magis nova, quam magna mirari. Idem in cometis fit. Si rarus et insolitæ figuræ ignis apparuit, nemo non scire quid sit, cupit; et oblitus aliorum, de adventicio quærit; ignarus, utrum debeat mirari,
au timere. Non enim desunt qui terreant, qui significationes ejus graves prædicent. Sciscitantur itaque, et cognoscere volant, prodigium sit, an sidus. At mehercules non aliud quis aut
magnificentius quæsierit, aut didicerit utilius,
quam de stellarum siderumque natura; utrum flamme contracta, quod et visus
noster affirmat, et ipsum ab
aliis fluens lumen, et calor inde descendens ; an non sint flammei orbes, sed solida quædam
terrenaque corpora, quæ per igneos tractus labentia inde splendorem trahant, coloremque, non de suo clara. In que opinione magni fuere viri, qui sidera crediderunt ex dure concreta, et ignem alienum pascentia. Nam per se, inquiunt, flamma diffugeret, nisi aliquid habere quod teneret. et a quo teneretur; conglobatamqne nec stabili inditam corpori profecto jam mundus turbine suo dissipasset (Questions
naturelles) "Adventitius" ou "adventicius" se disent pour "nouveau-venu" (Dictionnaire universel Francois et Latin: avec des remarques d'érudition et de critique : Dictionnaire Trevoux, Tome 5, 1752 - books.google.fr). Remarquons toutefois, en passant, un fragment de la Consolation à Marcia de Sénèque sur le détachement des biens de la terre : Quidquid est hoc quod circa nos ex adventicio fulget [fulgeo a donné fulgor (éclair) et fulgur (foudre)], liberi, honores, opes... formosa conjux, cœteraque ex incertâ et mobili sorte pendentia, alieni commodatique apparatus sunt. Omnes ergô nostros sic amare debemus tanquam nihil nobis de perpetuitate, imô nihil de diuturnitate eorum promissum sit. Sœpè admonendus est animus amet ut recessura, imo tanquam recedentia. Quidquid à fortunâ datum est, tanquam extemplo abiturum possideat... festinandum est; instat à tergo mors : jam deficiet iste comitatus, etc. « Tous ces objets dont, par accident, l'éclat nous environne, ces enfants, ces honneurs, ces richesses... cette épouse qui nous charme, et tant d'autres biens incertains et fragiles que le sort nous dispense, ne sont que des biens d'emprunt. Aimons donc les êtres qui nous entourent, comme si nous n'avions pas à compter sur leur durée : que notre âme se dise souvent à elle-même qu'elle doit s'y attacher comme à des biens qui nous seront retirés, que dis-je ? qui déjà se retirent de nous. Tout ce qui nous vient du hasard, possédons-le comme chose fugitive, hâtons-nous d'en jouir ; la mort presse; elle est là , et voici que ce brillant entourage nous va faire défaut, etc. » Quelque usée qu'en soit la donnée, ce morceau, dans ses détails, est à noter pour nous, en ce qu'il est calqué sur un passage de l'Epître Ve aux Corinthiens (29, 30-31). [...] Ce parallèle, qui se présente d'abord avec le vernis du stoïcisme, a, en finissant, une couleur plus particulièrement chrétienne. Où trouve-t-on, en effet, ailleurs que dans l'Evangile ces expressions disciple de Dieu, progéniture de Dieul Juste-Lipse et Muret ne manquent pas de les remarquer dans leurs notes. «Vous diriez, s'écrie le dernier, que cet homme a eu en main et savouré les saintes Ecritures» (Amédée Fleury, Saint-Paul et Sénèque, Tome 1, 1853 - books.google.fr). A moins que cela ne soit l'inverse (cf. quatrain VII, 41). On a inventé à ce sujet une correspondance entre Sénèque et Paul. Antoine Muret, né près de Limoges en 1526, traducteur de Sénèque éditeur de ses Opéra omnia, avait fréquenté Jules César Scaliger, connaissance de Nostradamus, intéressé au théâtre antique, qui l'aurait encouragé à écrire son Jules César, comme Pierre Vavreau, auteur de tragédies imitées de Sénèque. Muret aurait été le maître de Montaigne au collège de Guyenne, mais celui-ci ne le cite dans ses Essais qu'en 1581 après leur rencontre à Rome. O souverain suprême qui, de ta foudre redoutable, irrité, terrifies les deux pôles du monde, si vraiment, comme on croit, je suis du sang d'Ascagne, si tu es le premier auteur de notre race, accueille-moi en quelque endroit de ton royaume, afin qu'astre brillant auprès de mes ancêtres, je contemple de près ma mère Dioné. L'ambiguïté entre religion antique et chrétienne se retrouve dans la première tirade, lorsque César demande à Jupiter de l'accueillir dans son royaume (v. 27-31). La foudre et l'allusion à Ascagne permettent aisément de reconnaître Jupiter, mais l'expression supreme rector (v. 27) fait songer au Dieu « stoïco-chrétien » qui gouverne l'univers. C'est ainsi que les interprétations éthiques du revers de fortune proposées dans la tragédie s'apparentent aux justifications de la Providence stoïco-chrétienne fournies par Muret dans le commentaire du De Providentia. Au cours de la tragédie, les revers instables attribués au sort aveugle dans le premier chœur prennent sens au sein d'un univers soumis à la volonté d'une divinité qui condamne ou récompense (Marc-Antoine Muret, Juvenilia, traduit par Virginie Leroux, 2009 - books.google.fr). Déjà Étienne Pasquier - avec un tout autre enthousiasme -
parlait de Montaigne, qui fut maire de Bordeaux, comme du Sénèque français, justement à cause de l'«infinité de beaux traits [...] hardis», de l'«infinité de belles pointes» de sa vigoureuse écriture L'an 1471, il
parut une comète de grandeur extraordinaire, qu'on vit luire quatre-vingt jours
durant, depuis le mois de décembre. Elle avoit la
tête dans le signe des balances, & la queue fort longue, un peu tournée
vers le nord. Ceux qui ajustent les phénomènes
du ciel aux accidens d'ici-bas, peuvent appliquer
celui-ci à la mort tragique de Charles, frère unique du roi Louis XI, qui fut empoisonné Au printemps, le Roi s'approcha de Guyenne ; le Moine avoit peut-être réitéré sa dose. Quoi qu'il en soit,
Monsieur vint à mourir le douzième de Mai. Cependant le Bourguignon passionné
de l'envie de ravoir Saint-Quentin & Amiens, étoit
entré en traité avec le Roi, qui promettoit de les
lui rendre, & de laisser les Comtes de Nevers & de Saint-Pol
à sa discrétion ; & le Duc réciproquement s'obligeoit
de lui abandonner Monsieur & le Duc de Bretagne. Tous deux ne songeoient qu'Ã se manquer de foi : le Duc signa le
premier, le Roi différoit de jour en jour, en
attendant ce que deviendroit son frère. Quand il eut
nouvelles certaines qu'il étoit mort, il se mocqua du Duc, & se ressaisit de la Guyenne Jean de Serres (Inventaire, Tome II, 1620) raconte que Jourdain
Faure fut « trouvé un matin roide mort d'un coup de foudre, ayant la face enfflée, le corps et le visage aussi noirs qu'un charbon et la langue hors la bouche d'un demy pied »,
au fond de son cachot à Nantes en Bretagne Saisir consiste à mettre la viande dans une poêle très chaude avant de la rôtir pour en refermer les pores (et en conserver ainsi le jus) et lui donner du goût en la dorant. Généralement, on saisit les steaks en les retournant plusieurs fois dans une poêle très chaude jusqu'à ce qu'une croûte se forme à la surface (Hélène Darroze, Bryan Miller, La cuisine pour les nuls, 2012 - books.google.fr). Le feu de la conflagration du quatrain précédent (VII, 41) court encore dans ce quatrain, où s'arrête la centurie VII de manière impromptue, et dans les trois premiers de la centurie VIII qui lui succèdent après le "trou" de 58 quatrains. De plus les quatrains VIII, 1 et VIII, 2 se situent dans le sud de la France et particulièrement dans le sud-ouest (Pau, Loron : probablement Oloron, Garonne, Condom, Marmande, Mirande) comme Bordeaux. Le peuple de nos jours ne differe en rien du peuple du temps de Séneque : même crainte, même superstition, mêmes dupes, mêmes imposteurs. Je me souviens d'avoir vu dans ma jeunesse, une Ville entière dans l'effroi et la consternation, à l'aspect du ciel, qui se montra un jour tout embrasé vers l'heure du coucher du soleil, on crioit de toutes parts à la fin du monde; j'étois enfant et je partageai bien la crainte et l'alarme publique. Ce grand phénomene n'avoit cependant d'autre cause que l'embrasement d'une forêt de pins, qui avoit pris feu ce jour-là à quinze ou vingt lieues de cet endroit, dans les landes de Bordeaux (Note de M. d'Ar.) (Oeuvres de Séneque le Philosophe, traduit par N. Lagrange, 1794 - books.google.fr). |