Camille Desmoulins

Camille Desmoulins

 

IV, 13

 

1787-1788

 

De plus grand perte nouuelles rapportees,

Le raport le camp s'estournera.

Bandes unies encontre reuoltees,

Double phalange grand abandonnera.

 

Abandon de la phalange

 

Les conséquences de Pydna furent considérables. La phalange disparut de l'histoire au profit de la légion, dont la supériorité tactique était désormais incontestable ; la dynastie des Antigonides fut éliminée (Persée mourut prisonnier à Rome); la Macédoine, ayant perdu son indépendance, fut partagée en quatre districts ; enfin, l'Orient tout entier fut livré à l'exploitation et aux ambitions romaines (Grand Larousse encyclopédique, Volume 8, 1960 - books.google.fr, Encyclopédie méthodique. Art militaire, Tome III,  1787 - books.google.fr).

 

La bataille de Pydna confirma ainsi les leçons de CynoscĂ©phales, Ă  savoir l'incapacitĂ© de la phalange Ă  s'adapter au combat contre une unitĂ© plus souple telle que la lĂ©gion : si les lĂ©gions parvenaient Ă  contourner les phalangistes et les affronter au corps Ă  corps Ă  l'Ă©pĂ©e, le sort de ces derniers Ă©tait scellĂ©. La dĂ©faite fut aussi probablement transformĂ©e en dĂ©route par les carences du commandement macĂ©donien, amplement soulignĂ©es par les sources antiques (fr.wikipedia.org - Bataille de Pydna).

 

On peut avoir "estourner" pour "effrayer" (Dictionnaire historique de l'ancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XIV, Tome 6, 1879 - books.google.fr).

 

Guillaume Coquillart, qui faisait partie de la Bazoche parisienne (cf. quatrain IV, 11) utilise estourner dans ce sens dans ses Droicts nouveaux : Estournement : Ă©pouvante, effroi (DN 1226) ; Estourner : impressionner, Ă©blouir (DN 911) (M.J. Freeman, OEuvres de Guillaume Coquillart, 1975 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Guillaume Coquillart).

 

Dans certaines Ă©ditions des Centuries on a "s'Ă©tonnera".

 

Le roi de Macédoine, Persée, avait d'abord pris position sur l'Enipée ; son adversaire Paul-Emile, fils de celui tué à Cannes, le força de se replier sur Pydna (!). Les Macédoniens se placèrent dans l'angle formé par les petits fleuves AEson et Leucos, la gauche appuyée à Pydna et au golfe Thermaïque, la droite à des collines, le front couvert par le Leucos. Paul-Emile les suivant, s'arrêta devant eux, et, pendant que sa première ligne restait sous les armes, les autres élevèrent les retranchements habituels. Le tout, montant à environ 35 mille hommes, se tint ensuite sur ses gardes, prêt à agir au premier signal. L'attente ne fut pas longue. Les Macédoniens, excités par une fausse alerte, se disposèrent à l'attaque. Ils formaient une double phalange, soit 32 mille hoplites, ce qui, avec les légers, la cavalerie et les accessoires, donnait un total d'environ 45 mille hommes. Après l'action des légers, la phalange entra en lice ; elle s'avança lentement, en bon ordre et sans s'inquiéter des traits et des cailloux jetés sur elle. Paul-Emile avoua dans la suite que cette forêt de piques, d'un effet vraiment menaçant, frappa un instant son armée d'étonnement et de crainte. Lui-même avait cru qu'aucun effort n'y résisterait. La ligne des hastaires et des vélites fut promptement refoulée par cette citadelle mouvante ; les princes, portés à son aide, disputaient vivement le terrain, mais pliaient aussi sans relâche. Toutefois le combat, en excitant les phalangites, les désordonnait évidemment. Continuant leur marche agressive et sur un terrain moins uni, ils laissèrent s'ouvrir dans leur front de petites trouées que Paul-Emile remarqua. Il conçut aussitôt le dessein de profiter de ces points faibles de la formation adverse. Pliant encore un peu, soit pour se rassembler, soit pour forcer les Macédoniens à se disloquer toujours plus par la marche, il divisa la plus grande portion de sa troupe par centuries, petites colônnes d'attaque de six hommes de front, destinées à se lancer dans les crevasses accidentelles de la phalange. Cette disposition, fort rationnelle, ordonnée et exécutée à propos, eut tout le succès mérité. Une fois dans l'intérieur de la masse ennemie, les légionnaires, avec leurs courtes et fortes épées, avaient tout l'avantage sur les piquiers, et ils obtinrent une brillante victoire. Les Macédoniens perdirent environ 30 mille hommes, dont 10 mille prisonniers. Parmi ces derniers se trouva Polybe, le grand écrivain militaire de l'antiquité, originaire de Mégalopolis, élève de Philopœmen, qui devint l'ami de son vainqueur et un personnage marquant parmi ses nouveaux Compatriotes. Désormais le procès entre la phalange et la légion, qui durait depuis longtemps et qui venait d'être rouvert sur le terrain même de la formation macédonnienne, à Cynocéphale et à Magnésie, fut définitivement tranché en faveur du systéme légionnaire. Un ordre massif et compacte pouvait sans doute être fort avantageux en certains cas, par exemple pour une bataille essentiellement défensive, ou pour une offensive limitée à un terrain uni et peu étendu, ou avec le concours actif et intelligent de plusieurs corps détachés. Mais en dehors de ces conditions, qui ne sont pas les plus usuelles, il devenait fort inférieur à une formation plus souple et plus maniable, comme l'était l'ordonnance romaine, mobile sans cesser d'être solide, ouverte tout en pouvant se serrer au besoin, et offrant, par sa succession combinée de lignes et de groupes distincts, la faculté de mieux graduer à volonté l'emploi des forces au combat (Ferdinand Lecomte, Etudes d'histoire militaire: Antiquite et moyen-age, Volumes 1 à 2, 1869 - books.google.fr).

 

Dans la Piérie ("pieros" : gras, fertile), on trouvait PYDNA (pierre, en DIALECTE DORIEN ; "putinè", bouteille), auprès de deux rivières, l'AESON (auj. MAVRONÉRI) et le LEUCOS. [...] Pydna se nommait autrefois CITRON ("Kitron", CITRON), et ce nom subsiste dans le nom moderne de KITROS (Jules Fabre d'Envieu, Onomatologie de la géographie grecque ou l'art d'apprendre le dictionnaire grec en étudiant la géographie de la Grèce ancienne et de ses colonies, 1874 - books.google.fr).

 

"grand abandonnera"

 

Persée parvenait à s'enfuir avec presque toute la cavalerie vers Pydna. Après un détour par sa capitale Pella, Persée gagna Amphipolis où il tenta en vain de recruter des troupes parmi les Bisaltes. Il finit par se réfugier au sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace. L'île fut soumise à un blocus par une flotte romaine, dont l'amiral, Cnæus Octavius, finit par persuader Persée et son fils aîné Philippe de se rendre, contre une promesse de pardon et d'immunité pour ses derniers Amis et les pages royaux qui l'avaient suivi. Sa reddition ne mit pas fin immédiatement aux hostilités, Paul-Émile permettant à son armée de piller la campagne macédonienne et plusieurs villes (fr.wikipedia.org - Bataille de Pydna).

 

"revoltees" : défection des Grecs

 

La Troisième Guerre de Macédoine commença en 172 av. J.-C. à la suite des initiatives politiques de Persée en Grèce, où il tentait avec un certain succès de présenter la Macédoine comme un utile contrepoids à l'influence romaine toujours plus envahissante : en 174, il avait ainsi approché la Ligue achéenne et surtout conclu un traité d'alliance avec la Ligue béotienne. Sans trahir les clauses du traité de 197 qui interdisait toute intervention macédonienne en Grèce, cette politique avait suffisamment inquiété le Sénat romain pour qu'il ait envoyé de nombreuses ambassades en Grèce, puis finalement, à la suite d'une plainte formelle de l'allié fidèle Eumène II de Pergame en 172, pour qu'il ait décidé la guerre. Les débuts de la guerre furent laborieux pour les Romains. Les Grecs montrèrent une réticence certaine à s'engager et n'envoyèrent que de très modestes contingents. Rhodes en particulier se distingua par sa mauvaise volonté, qui devait lui coûter cher. Eumène lui-même, trop occupé par la menace galate, aurait envisagé une solution négociée du conflit, et la rumeur de ses contacts avec Persée lui valut par la suite la mauvaise humeur de Rome. Les Romains enregistrèrent de plus en 170 la défection d'une partie de l'Épire, ce qui entraîna des complications logistiques importantes pour le ravitaillement de l'armée romaine opérant en Thessalie. L'année suivante, en 169, ce fut un roi d'Illyrie, Genthios, qui fit défection à son tour. Sur le terrain, la situation n'était pas meilleure : après des succès initiaux les conduisant jusqu'en Macédoine méridionale, les Romains furent repoussés par Persée qui leur reprit le centre religieux important de Dion et établit ses lignes de défense sur le fleuve Elpeus, la frontière naturelle entre la Thessalie et la Macédoine. Les Romains subirent une défaite cuisante à la bataille de Callinicos (fr.wikipedia.org - Bataille de Pydna).

 

"Bandes unies"

 

Au sujet de la constitution des légions de François Ier, les légions romaines sont considérées comme des "bandes" "superbes et valeureuses" :

 

"Le nom de Legion a esté anciennement en grand honneur & reputation. Et peut-on dire sans mentir que par ces superbes & valeureuses bandes tout le monde a esté dompté, & l'Empire Romain esleué en la grandeur où il est paruenu. Il s'est serui de ces ordres & appellations antiques, iusques à ce que les Barbares le renuerserent. Et alors plusieurs choses furent confonduës & enseuelies, mesmement en la militie. Depuis par plusieurs siecles suyvans, les bandes de gens de guerre ont esté nommees par autres divers noms, comme elles le sont encores"  (François de La Noue, Discours politiques et militaires du sieur de La Nouë. Recueillis & mis en lumiere par le Sieur de Fresnes, 1596 - books.google.fr).

 

"raport"

 

La «province» de Macédoine fut confiée pour 168 à L. Aemilius Paullus (notre Paul-Émile), homme d'âge, d'expérience et d'énergie qui, pour avoir fait ses preuves en Occident surtout, n'en connaissait pas moins l'Orient et ses problèmes : il avait été l'un des commissaires d'Apamée. Cependant qu'une mission gagnait en hâte la Macédoine pour y dresser un rapport précis de la situation et des besoins, Paul-Émile procédait à des levées extraordinaires, que l'autre consul fut chargé de poursuivre. L'arrivée de Paul-Émile dans sa province et l'effort auquel il présidait étaient d'autant plus nécessaires qu'au cours de l'hiver Persée avait amélioré sa situation par son alliance avec Genthios, ce qui avait déterminé une reprise de la piraterie aussi bien dans l'Adriatique que dans l'Égée. On a vu, toutefois, que la question illyrienne devait être rapidement tranchée par les victoires romaines (Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), 1967 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de la date de 1788 sur la date pivot -168 (bataille de Pydna) donne -2124 (environ il n’y a pas de date 0).

 

La chronologie grecque présente Sicyone, avec son premier chef Egialée, comme la plus ancienne ville de la Grèce. Date 1350 avant la première olympiade, 2126 avant Jésus-Christ, d'où, antiquité de Sicyone, 3976 (Abbé Le Noir, Dictionnaire des harmonies de la raison et de la foi, Volume 19 de Troisième et dernière encyclopedie theologique, Migne, 1856 - books.google.fr).

 

Paul Emile passe à Sycione et Corinthe après sa victoire sur Persée à Pydna (Charles Rollin, Histoire romaine, depuis la fondation de Rome jusqu'a la bataille d'Actium: c'est-à-dire jusqu'à la fin de la république, Tome 8,1820 - books.google.fr).

 

Encore Jalès

 

Pour beaucoup il devint déshonorant, quand on était gentilhomme, de ne pas émigrer afin de rejoindre les frères du roi. «On ne courut plus devant la gloire, on s'enfuit devant le déshonneur» écrivit le duc de Castries dans La vie quotidienne des émigrés. Et Chateaubriand qui émigra, après avoir, d'après lui, écouté les conseils de Malesherbes, avoue lui-même: «je ne cédai réellement qu'au mouvement de mon âge, au point d'honneur.» D'abord à Turin chez son beau-père, puis à Coblence chez son oncle, le prince évêque de Trêves, le comte d'Artois, rejoint par son frère, le comte de Provence, réunit ainsi quelques milliers d'hommes, que commandait le prince de Condé, «l'ami» du père de Camille.

 

La formation de cette petite armée avait déjà été précédée en 1790, par l'établissement en Ardèche d'un « maquis » royaliste au camp de Jalès, qui devait se joindre aux troupes émigrées venant à l'époque de Turin. Le projet avait échoué et la plupart des militaires du camp se retrouvaient à Coblence. Cette troupe hétéroclite n'avait en fait qu'un faible potentiel offensif, et le discours de Vergniaud montrait bien que beaucoup dans l'Assemblée en étaient persuadés. Pourtant, telle quelle, quelques jours plus tard, elle indisposait et commençait à inquiéter la Législative. Ce n'était pourtant, dit superbement Chateaubriand, qu'«un assemblage confus d'hommes faits, d'enfants descendus de leurs colombiers, jargonnant normand, breton, picard, auvergnat, gascon, provençal, languedocien. Un père servait avec ses fils, un beau-père avec son gendre, un oncle avec ses neveux, un frère avec un frère, un cousin avec un cousin. Cet arrière ban tout ridicule qu'il paraissait avait quelque chose d'honorable et de touchant, parce qu'il  était animé de convictions sincères. Il offrait le spectacle de la vieille monarchie, et donnait une dernière représentation d'un monde qui passait.» Ces émigrés n'étaient pas très bien considérés dans les cours européennes, outre qu'ils étaient un facteur d'embarras, leur valeur devait parfois être mise en doute. En témoigne l'anecdote que raconte le prince de Ligne dans ses Mémoires : ayant appelé devant l'évêque de Bristol les Français des singes-tigres, le prélat aurait répondu «Oui, les singes ont émigré et les tigres sont restés à Paris.» Tout ce monde émigré n'avait aucune cohésion politique. Pour certains, le but était d'instaurer une monarchie modérée, voire constitutionnelle «l'Ancien régime moins les abus» dira plus tard Louis XVIII (Gérard Bonn, Camille Desmoulins, ou, La plume de la liberté: un chemin révolutionnaire, 2006 - books.google.fr).

 

Dès l'ouverture des Etats Généraux, Camille Desmoulins se multiplie, écrit d'innombrables pamphlets, va voir Mirabeau dont il reçoit les inspirations et fréquente les réunions publiques. Aux Révolutions de Paris de Loustallot, il oppose ses Révolutions de France et de Brabant. lui déjà, la vocation politique prend le pas sur la vocation strictement journalistique, et on le voit et on l'entend, à la tribune de l'Assemblée Nationale, à la fin de juillet 1789, répondre au commentaire que fait Malouet de l'un de ses articles. Ses écrits sont toujours mordants et l'on devine qu'il se complait à éprouver ses forces, avec le plaisir que prennent certains novices à vérifier la justesse de leur point de mire. Il est facile d'apercevoir dès ses premiers articles l'irrévérence satirique de ses desseins et le caractère orné de son style, direct et concis, bien qu'émaillé de citations classiques. Dans un de ses articles, Louis XVI était comparé au roi Persée, qui, les mains attachées derrière le dos, suivit à Rome le triomphe de Paul Emile (José A. Oría, Le journalisme pendant la Révolution Française, traduit par Manoel Gahisto, La Revue argentine, Numéros 26 à 32, 1938 - books.google.fr).

 

Vous avez appris sans doute la grande révolution qui s'est faite. Consummatum est. Le roi, la reine, le dauphin sont à Paris. Cinquante mille hommes, dix mille femmes ont été les chercher avec vingt-deux pièces de canon. Il y a eu sept gardes du corps tués, six gardes nationaux, une femme et six bourgeois. A l'arrivée de la famille royale, j'ai cru voir six familles de Persée derrière le char de Paul-Émile. Le roi et la reine devaient fondre en larmes. Ils ne sont entrés que la nuit. On criait: «Nous amenons le boulanger et la boulangère.» (Camille Desmoulins, Lettre à son père, 8 octobre 1789) (Jules Claretie, Oeuvres de Camille Desmoulins, Tome 2, 1874 - books.google.fr).

 

Le rapport Sillery

 

Séance Du 7 Septembre. - Brulart (ci-devant Sillery) rend compte d'une dépêche relative au camp fédératif de Jalès. Voici l'analyse de ce rapport, extraite des Révolutions de France et de Brabant, n° XLII, p. 125 et suivantes de Camille Desmoulins.

 

«Les papiers publics antirévolutionnaires publient depuis quelques jours avec complaisance les détails du camp fédératif de Jalès, dans le département de l'Ardèche. On avait sollicité le rassemblement des milices nationales de l'Ardèche, de l'Hérault et de la Lozère, sous prétexte de renouveler entre elles le serment civique, mais en effet pour prendre des arrêtés inconstitutionnels, et semer dans les trois départements des germes de guerre civile. M. de Sillery, au nom du comité des recherches, a fait un rapport fort applaudi, et tel qu'on l'attendait de son patriotisme. Il parait, d'après ce rapport, que le gros de l'armée n'était point dans le secret; il paraît que l'aristocratie aime beaucoup les états-majors, et que les états-majors ne haïssent point l'aristocratie. Dans une première assemblée tenue à Bannes, on avait résolu de nommer l'état-major du camp, et il avait été nommé. Après la fête, et lorsque les troupes se retiraient, le général, l'état-major, le comité fédératif, les maires et les officiers municipaux, ainsi que les députés de l'armée et toutes les écharpes et épaulettes se rassemblèrent au château de Jalès, où on prit les arrêtés suivants:

 

Il est arrêté :

 

1° Que les prisonniers détenus dans les prisons de Nîmes depuis les troubles qui ont agité cette ville, seront transférés hors du département du Gard, et jugés de suite selon le cours ordinaire des lois, pour être punis s'ils sont coupables, et rendus à la société s'ils sont innocents.

 

2° Que les dommages occasionnés pendant les troubles seront entièrement réparés.

 

3° Que l'assemblée nationale et le roi seront suppliés d'éloigner de Nîmes le régiment de Guyenne (ce régiment dont la patriotisme est si connu. - Note de Desmoulins).

 

4° Que les catholiques de Nîmes et du département du Gard seraient réintégrés dans leurs droits de citoyens français et que leurs armes leur seraient rendues.

 

5° Qu'il sera envoyé une députation conciliatrice à l'état-major et aux membres dela garde nationale de Montpellier, pour se concerter et agir ensemble avec la même sagesse qu'ils ont déjà manifestée, à l'effet de rétablir d'une manière définitive le bon ordre dans cette ville.

 

Ces arrêtés étaient une levée de boucliers, un signal de guerre civile et une insurrection manifeste contre l'assemblée nationale, qui avait commis la sénéchaussée de Nîmes pour juger les auteurs des troubles, qui avait voté au régiment de Guyenne des remercîments universellement applaudis, qui avait décrété que les catholiques de Nîmes, signataires de la protestation, seraient mandés à la barre, et, faute de s'y rendre, privés des droits de citoyens actifs.

 

Le plan de contre-révolution se développe dans ces cinq arrêtés. Suit un procès-verbal rempli, d'un bout à l'autre, de déférence, de respect pour l'assemblée nationale, et de vœux ardents pour la paix, qui, on le sent bien, comme l'observe M. de Sillery, étaient loin du cœur de ceux qui l'ont rédigé. Le dernier article de cet insidieux arrêté est que le comité du camp de Jalès sera permanent et demeurera toujours en activité; qu'il sera renforcé et ses membres changés, suivant le vœu de leurs commettants; qu'il connaîtra les différentes' pétitions des membres de l'armée, et qu'enfin il sera le point central de toutes les gardes nationales fédérées, le tout avec l'approbation du département de l'Ardèche. Ce même article allouait un traitement aux membres du comité, et, usurpant l'un des premiers attributs de la souveraineté, ordonnait que les frais de la commission seraient répartis sur tout le département qui, lui-même, n'aurait pas eu le droit d'imposer ainsi les citoyens.

 

Au camp de Jalès, plusieurs bataillons avaient pour bannière une croix; et des gardes nationales, sans doute les pénitents du pays, portaient une croix à leur chapeau. Le général de ces croisés était un abbé Labastide, de Villefort, département de la Lozère. M. l'abbé se trouvant avoir une armée de vingt-deux mille hommes, avait nommé pour ses aides de camp ou grands vicaires cinq gardes du roi. Sur un cheval blanc, symbole de la candeur de son âme et de la loyauté sacerdotale, il courait de rang en rang, exhortant les soldats-citoyens à aller délivrer leurs frères de Nîmes, prisonniers pour la foi, prêchant le rétablissement de l'ordre et de la paix comme Bouillé. Les gardes nationales du département de l'Hérault ont été invitées et ne se sont pas rendues au camp de Jalès. Il faut rendre justice à tout le monde, et parmi tous les plans de contrerévolution, c'est ce dernier qui est le mieux conçu : il fait honneur au château de Jalès. Heureusement ce château est situé dans le département de l'Ardèche, et je dois ce témoignage au département, que c'est de là que me sont venues les lettres les plus bridantes de patriotisme. Le directoire, aux premiers bruits de l'arrêté de Jalès, s'est empressé d'en empêcher l'effet par une proclamation pleine de sagesse et de vigueur. Voici le décret proposé par le patriote Sillery, et adopté par l'assemblée nationale :

 

L'assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète:

 

1° Qu'elle approuve les dispositions de la proclamation du directoire du département de l'Ardèche, qui s'oppose à l'exécution de l'arrêté pris, dans le château de Jalès, par les ofticiers qui se qualifient d'état-major d'une soi-disanUarmée fédérée.

 

2° Déclare la délibération prise par l'assemblée tenue au château de Jalès, après le départ des gardes nationales fédérées, inconstitutionnelle, nulle et attentatoire aux lois.

 

3° Charge son président de se retirer par-devers le roi, pour le supplier d'ordonner au tribunal de Villeneuve-de-Berg d'informer contre les auteurs, fauteurs et instigateurs des arrêtés inconstitutionnels contenus au procès-verbal, et de faire deux procès-verbaux suivant les ordonnances.

 

4° Défend aux commissaires nommés de se rendre à Montpellier pour y prendre les informations sur l'affaire de Nîmes.

 

5° Déclare le comité militaire inconstitutionnel : en conséquence, lui fait défense de s'assembler, et lui enjoint de se conformer à cet égard au décret de l'assemblée nationale du 2 février; qui les a supprimés.

 

6° Défend également aux gardes nationales de tous les départements du royaume, de former aucun camp fédératif, à moins d'y être autorisées par les directoires de leurs départements respectifs.

 

7° Décrète enfin que son président se retirera par-devers le roi, pour le prier de donner des ordres les plus prompts pour l'exécution du présent décrêt.

 

Croirait-on que le vertueux DesmĂ©uniers voulait opiniâtrĂ©ment la suppression du mot attentatoire ! Ce champion de Malouet, qui trouvait mes feuilles si sanguinaires, si criminelles de lèse-nation, si liberticides, a presque votĂ© des remercĂ®ments Ă  l'abbĂ© de Labastide et Ă  l'Ă©tat-major pour ses bonnes intentions! Â»

 

La conspiration ou plutôt l'affaire du camp de Jalès fit beaucoup de bruit ; mais, quoi qu'en dise Desmoulins, on ne trouve dans aucun écrit du temps ni dans les journaux, ni même dans le Moniteur, un récit plus circonstancié que celui qu'il nous donne ni aucun des détails qu'il serait pour nous intéressant de connaître (Philippe-Joseph-Benjamin Buchez, Histoire parlementaire de la Révolution Française. Histoire de l'Assemblée Constituante, Tome 4, 1846 - books.google.fr).

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