La Charbonnerie et l'Expédition d'Espagne

La Charbonnerie et l'Expédition d'Espagne

 

IV, 63

 

1824-1825

 

L'armee Celtique contre les montaignars,

Qui seront sceus et prins a la pipee:

Paysans frais pousseront tost faugnars,

Precipitez tous au fil de l'espee.

 

L’expédition d’Espagne est la campagne menée en avril 1823 par la France afin de rétablir le roi Ferdinand VII d'Espagne sur son trône. Ceci signifia donc le rétablissement de l'absolutisme et la fin du triennat libéral.

 

Des Ă©lections ont lieu en 1822 aux Cortes, qui donnent la victoire Ă  Rafael del Riego, dans une Europe secouĂ©e par les mouvements dĂ©mocrates qui perturbent l'ordre intĂ©rieur des États. Le roi Ferdinand VII d'Espagne s'est retirĂ© Ă  Aranjuez, oĂą il se considère comme prisonnier des Cortès. Ses partisans installĂ©s Ă  Urgell prennent les armes et remettent en place une rĂ©gence absolutiste. Ils tentent un soulèvement, avec la garde de Madrid, qui est un Ă©chec ; repoussĂ© par la rĂ©sistance des forces constitutionnelles. Aussi, en 1822, Ferdinand VII, s'appuyant sur les thèses du congrès de Vienne, sollicite-t-il l'aide des monarques europĂ©ens, rejoignant la Sainte-Alliance formĂ©e par la Russie, la Prusse, l'Autriche et la France pour restaurer l'absolutisme. En France, les ultras pressent le roi Louis XVIII d'intervenir. Pour tempĂ©rer leur ardeur contre-rĂ©volutionnaire, le duc de Richelieu fait dĂ©ployer, le long des PyrĂ©nĂ©es, des troupes chargĂ©es de protĂ©ger la France contre la prolifĂ©ration du libĂ©ralisme venant d'Espagne et la contagion de la «fièvre jaune». En septembre 1822, ce «cordon sanitaire» devient un corps d'observation, puis se transforme très vite en une expĂ©dition militaire. Après des dĂ©bats passionnĂ©s Ă  Paris, dĂ©but 1823 un discours du roi Louis XVIII annonce le soutien français au roi d'Espagne. Le 22 janvier 1823, un traitĂ© secret est signĂ© lors du congrès de VĂ©rone, qui permet Ă  la France d'envahir l'Espagne pour rĂ©tablir Ferdinand VII en monarque absolu. Chateaubriand et les ultras exultent : l'armĂ©e royale va prouver sa valeur et son dĂ©vouement face aux libĂ©raux espagnols pour la gloire de la monarchie des Bourbons.

 

Le duc d'Angoulême, fils de Charles X, est nommé commandant en chef de l'armée des Pyrénées, malgré son manque d'expérience militaire, mais il accepte de n'assurer que les honneurs de son titre et la direction politique de l'expédition, laissant à son major général, Guilleminot, général d'Empire. Dès le 7 avril 1823, l'armée des Pyrénées pénètre sans bruit en Espagne. Le clergé, les paysans, les absolutistes de «l'armée de la Foi» lui font bon accueil. Les armées constitutionnelles, soutenues surtout par la bourgeoisie et une partie de la population urbaine, se replient. Au nord, les divisions de Hohenlohe, renforcées en juillet par le 5e corps de Lauriston, obligent le général Pablo Morillo à battre en retraite, puis à se rallier. Elles contrôlent la Navarre, les Asturies, la Galice. Mais faute de matériel de siège, elles ne peuvent que bloquer les villes où les constitutionnels prolongent la résistance durant plusieurs mois. La Corogne ne capitule que le 21 août, Pampelune le 16 septembre, Saint-Sébastien le 27 (fr.wikipedia.org - Expédition d'Espagne).

 

Le reste de l'Espagne suivra le mĂŞme sort.

 

Les libéraux négocient alors leur reddition en échange du serment du roi de respecter les droits des Espagnols. Ferdinand VII accepte. Mais le 1er octobre 1823, se sentant appuyé par les troupes françaises, Ferdinand VII abroge de nouveau la Constitution de Cadix, manquant ainsi à son serment. Il déclare «nuls et sans valeur» les actes et mesures du gouvernement libéral. C'est le début de la décennie abominable (Década ominosa) pour l'Espagne (fr.wikipedia.org - Expédition d'Espagne).

 

La Charbonnerie

 

Cf. quatrain précédent IV, 62.

 

L'idĂ©alisme des charbonniers les « avait alors convaincus qu'ils pourraient triompher de tous les obstacles et rallier l'armĂ©e et la population Ă  leur cause. Ils dĂ©fendent autant le gouvernement des CortĂ©s qu'ils espèrent dĂ©stabiliser ou mĂŞme renverser le trĂ´ne des Bourbons, dĂ©sormais sous l'influence des ultras. Si certains se revendiquent bonapartistes, c'est avant tout le libĂ©ralisme qui unit ces hommes. S'ils choisissent un mode d'action clandestin et prĂ´nent la solution rĂ©volutionnaire, c'est aussi qu'ils ne croient pas au rĂ©gime de la Charte et Ă  l'action parlementaire. Dans un imprimĂ© signĂ© par un anonyme se disant sous-officier de l'armĂ©e d'observation, intitulĂ© RĂ©ponse Ă  quelques discours prononcĂ©s au sujet de la guerre contre l'Espagne, sont dĂ©noncĂ©s autant le rĂ©gime de la Charte que les opposants Ă  la guerre attachĂ©s aux formes lĂ©gales de leur action «Vous qui prĂ©tendez qu'Ă  vous seuls appartient le droit de diriger les destinĂ©es de la France; vous qui avez pris une si grave responsabilitĂ©, avouez que vous avez Ă©choué», les interpelle-t-il. Et de conclure : «Dans cette lutte oĂą on emploie la force, appelez la force Ă  votre secours; nos baĂŻonnettes sont prĂŞtes. Que craignez-vous ? Une mère opprimĂ©e doit-elle craindre la force de ses enfans ?» Le terrain espagnol fournit en effet la dernière tentative de certains membres de la charbonnerie de renverser les Bourbons par un pronunciamiento rĂ©ussi. La troupe formĂ©e dans le pays basque est progressivement encadrĂ©e par d'anciens officiers d'Empire, pour la plupart compromis dans les complots qui ont prĂ©cĂ©dĂ© la campagne et membres de la charbonnerie. Le colonel Fabvier s'impose finalement Ă  leur tĂŞte. Il est arrivĂ© de Londres d'oĂą sont partis pour l'Espagne, au dĂ©but de 1823, bien d'autres proscrits. Les relations entre ces hommes et les chefs de la charbonnerie sont avĂ©rĂ©es. Le 12 mars 1823, la "femme Chauvet", Ă©pouse d'un libĂ©ral complice de Berton dans l'affaire de Saumur et rĂ©fugiĂ© en Angleterre, est arrĂŞtĂ©e porteuse de 24 lettres dont plusieurs annoncent le dĂ©part des conjurĂ©s rĂ©fugiĂ©s dans les iles Britanniques pour l'Espagne. rune de ces lettres, signĂ©e d'un certain Phillips est adressĂ©e Ă  La Fayette. Mais ces contacts rĂ©vèlent plutĂ´t la division de l'organisation que sa mainmise sur l'opĂ©ration. «Aucun comitĂ© directeur carbonariste ne dirigea les lĂ©gions espagnoles de Paris parce qu'il n'y avait pas de comitĂ© directeur unifié», peut Ă©crire Allan Spitzer... Fabvier est en contact avec Manuel, lui rend compte de ses prĂ©paratifs. Il s'est imposĂ© sur l'homme de La Fayette, le commandant Caron. Les relations entre ces hommes et le gouvernement espagnol sont de mĂŞme assez distendues. Le colonel Fabvier correspond bien avec Mina ou d'autres libĂ©raux de la PĂ©ninsule. Mais le gouvernement des Cortès reste rĂ©ticent Ă  apporter un appui officiel Ă  ces rĂ©volutionnaires qui vivent dans des conditions matĂ©rielles prĂ©caires. En somme les transfuges ont des «contacts», ils sont partie prenante de cet «archipel libĂ©ral» dĂ©crit par Walter Bruyère-Ostells... Mais formellement, le soutien Ă  leur projet n'est pas très ferme. Cette petite troupe regroupĂ©e Ă  Bilbao compterait au final 400 Ă  500 hommes. Ils diffusent, comme nous l'avons vu, proclamations et pamphlets, discutent avec les militaires, multiplient les manĹ“uvres de dĂ©bauchage et invitent les soldats Ă  passer du cĂ´tĂ© espagnol avec un certain succès puisque les cas de dĂ©sertions deviennent frĂ©quents au dĂ©but de 1823. Ă€ cette prĂ©paration morale doit succĂ©der un coup d'Ă©clat au moment de l'entrĂ©e des soldats français en Espagne. Les hommes du colonel Fabvier s'installent sur la rive espagnole de la Bidassoa, Ă  Irun. VĂŞtus d'uniformes de la garde impĂ©riale, porteur des «trois couleurs de la sĂ©dition», ils attendent que les troupes s'avancent pour sonner le dĂ©but du «demi-tour». L'Ă©pisode du 6 avril 1823 est assez connu pour que nous n'ayons pas Ă  y revenir plus avant. La petite troupe de transfuges est promptement dispersĂ©e par l'avant-garde française commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Vallin qui n'a absolument pas rĂ©agi aux appels lancĂ©s par ses «camarades». Dans le mĂŞme temps, il semble que Cugnet de Montarlot ait aussi envisagĂ© un coup d'Ă©clat du mĂŞme type. Peu de temps avant l'entrĂ©e de l'armĂ©e en Espagne, le 2 avril 1823, un de ses Ă©missaires, Lonjon, est arrĂŞtĂ© porteur d'une proclamation Ă  l'armĂ©e Ă©manant du « quartier gĂ©nĂ©ral de l'armĂ©e des hommes libres sur les monts PyrĂ©nĂ©es». [...] Cugnet est fusillĂ© en aoĂ»t 1824 par les Espagnols, après avoir participĂ© une nouvelle tentative d'insurrection libĂ©rale, Ă  Tarifa.

 

Le directeur de la police gĂ©nĂ©rale, Franchet d'Esperey, proche des pointus, surveille avec un peu trop de zèle les activitĂ©s de la «faction libĂ©rale»; arrivĂ© Ă  la direction de la police le 24 dĂ©cembre 1821, il baigne dans l'atmosphère des complots dès sa prise de fonction, la conspiration de Colmar Ă©clatant le 1er janvier 1822. Dans ses "notes", publiĂ©es en 2007 par un de ses descendants, il insiste sur les ramifications europĂ©ennes et le pĂ©ril que reprĂ©sentent alors les sociĂ©tĂ©s secrètes. Le comitĂ© directeur qu'il dit composĂ© de La Fayette, Voyer d'Argenson, Benjamin Constant, Dupont de l'Eure, Bignon, Sebastiani, Foy, Lamarque, Manuel et Laffitte attendrait le dĂ©but de la campagne en Espagne pour faire se soulever le pays. «Cette expĂ©dition blâmĂ©e et critiquĂ©e par l'opposition dans les deux Chambres doit faire se rĂ©volter l'Espagne RĂ©volutionnaire et le Portugal, l'armĂ©e rĂ©volutionnaire elle-mĂŞme et plusieurs provinces dans lesquelles le comitĂ© directeur compte beaucoup de partisans. Alsace, Bourgogne, Vosges et CĂ©vennes. Et de fait, pendant les premiers mois de 1823, Franchet d'Esperey multiplie les mises en garde sur l'Ă©tat d'esprit de la population et des troupes, ses nombreuses lettres, tant aux prĂ©fets qu'au ministère de la Guerre en tĂ©moignent. Il s'en justifie : «Les troupes du cordon changĂ©es en armĂ©e d'observation demandèrent une attention plus sĂ©rieuse encore, et la police, en ayant les yeux sur les tentatives faites pour les sĂ©duire, signala au ministère de la guerre les chefs dont les sentiments et la conduite pouvaient inspirer des inquiĂ©tudes. Pour Franchet d'Esperey, une rumeur se transforme vite en complot, un complot en danger imminent pour le rĂ©gime Â» (Emmanuel Larroche, L’expĂ©dition d’Espagne: 1823 : De la guerre selon la Charte, 2019 - books.google.fr).

 

Cris basques

 

"PipĂ©e" : Chasse aux oiseaux (illĂ©gale en France) qui s'effectue le matin, après les avoir attirĂ©s avec des gluaux et des pipeaux en contrefaisant leurs diffĂ©rents cris, notamment le cri de la chouette. Synon. frouement. 1549 «tromperie» (Calvin, Contre l'astrologie judiciaire - VII, 530 - ds Hug.). Part. passĂ© fĂ©m. subst. de piper. Cf. le lat. pipatus, -us «cri de jeunes oiseaux» (www.cnrtl.fr).

 

Les Basques ont conservé leurs anciens cris de guerre, cris stridents et sauvages, qui retentissent au loin dans les vallées et qu'il est impossible d'imiter. Ce sont des appels au combat, des cris de ralliement, des cris d'alarme à l'approche de l'ennemi et d'un danger, des défis et des provocations (P. Drouilhet de Sigalas, Roncevaux, Revue contemporaine, Volume 9, 1853 - books.google.fr).

 

Le irrintzi est un cri basque qui ressemble Ă  un hennissement et qui sert aux bergers pour communiquer entre eux dans les montagnes (fr.wikipedia.org - Oiulari).

 

C'est l'homme sauvage, Basa jaun, qui crie dans les montagnes à l'approche des tempête, pour avertir les pâtres : Arretiret bacquié (José Miguel de Barandiarán, El mundo en la mente popular vasca: creencias, cuentos y leyendas, Tome 1, 1960 - books.google.fr).

 

"paysans"

 

Le colonel Rafael del Riego, en fuite, est arrêté par des paysans à Arquillos (Andalousie). Il sera pendu à Madrid le 7 novembre 1823 (Abel Hugo, Histoire de la campagne d'Espagne en 1823, Tome 2, 1825 - www.google.fr/books/edition).

 

Cf. quatrain précédent IV, 62.

 

«Ma guerre d'Espagne, le grand événement de ma vie, poursuit Chateaubriand, était une gigantesque entreprise. Enjamber d'un pas les Espagnes, réussir où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armées de l'homme fantastique avait eu des revers, faire six mois ce qu'il n'avait pu faire en sept ans...» Mais on ne peut comparer les deux guerres d'Espagne. Celle de 1808 avait une raison introduire en Espagne «les Lumières» qui avait inspiré la Révolution française, à savoir réformer un pays endormi dans sa splendeur passée, en supprimant l'Inquisition, la féodalité les obstacles à son essor industriel, et une mauvaise raison substituer un Bonaparte à un Bourbon sur le trône d'Espagne. C'est la mauvaise raison qui a perdu Napoléon. Il s'est heurté à la fierté d'une nation au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La guerre de Chateaubriand en est l'inverse. Une bonne raison combattre un soulèvement auquel l'assise populaire, essentiellement paysanne, faisait défaut, et une mauvaise raison : restaurer un monarque tyrannique et rétrograde. L'opinion française ne s'y trompa pas et parla de «promenade militaire», moquant la vanité de Chateaubriand vite disgracié par Louis XVIII (Jean Tulard) (Jean Tabeur, La prise du Trocadéro ou La guerre d'Espagne de Chateaubriand: Kronos N° 83, 2015 - books.google.fr).

 

Acrostiche : LQPP, locus quadratus pedes ("pedes" parfois abrégé en PP)

 

A 8, 5 km de Cabra, au sud de la route Cabra-Martilla, à la ferme dite «El Fiscal», partie supérieure d'un autel de calcaire local blanc, incomplet à droite et en bas et détérioré au sommet. Conservée dans la cour de la ferme «El Aguilita». Dimensions : 49 x 58 x 49 cm. Lettres profondément gravées de 7 à 5, 7 cm. L (ocus) p (edum) LV | Fuficia Q (uinti) [f(ilia) ou lliberta) ] | | Heracl [...] |  (ic) s (ita) e (st), s (it) [ t (ibi) t (erra) l (euis)]. L de LV en forme de 1. Les dimensions indiquées par la formule locus pedum appartiennent au registre local ; il s'agirait de la mesure in fronte et non quoquouersum. Date : probablement première moitié du Ier siècle p. C (Bétique, L'Année épigraphique: revue des publications épigraphiques relatives a l'antiquité romaine, 1985 - books.google.fr).

 

Aux alentours de Cabra, Riego fait prisonnier Ballesteros, général de l'armée constitutionnelle qui a abandonné le combat, qu'il devra relâcher. Riego lâché par une partie de ses troupes prend la fuite et se fait prendre à Arquillos à 150 km au nord-est de Cabra (Biographie universelle, ancienne et moderne, Tome 79, 1846 - www.google.fr/books/edition).

 

"faugnars"

 

Faugnar : (provençal) presser le raisin (Edgar Leoni, Nostradamus and His Prophecies (1961, 2000), 2013 - www.google.fr/books/edition, Simon Jude Honnorat, Dictionnaire Provençal - Français, E-O, 1847 - www.google.fr/books/edition).

 

A Barcelone, par humanité, le maréchal Moncey permettait aux assiégés, pendant 3 jours en septembre, de faire leurs vendanges en avant de leur ligne, mais il ne la laissait pas franchir (Geoffroy de Grandmaison, François-René de Chateaubriand, L'expédition française d'Espagne en 1823, 1928 - books.google.fr, Pierre Louis Auguste de Crusy marquis de Marcillac, Histoire de la guerre d'Espagne en 1823, 1824 - www.google.fr/books/edition).

 

La date de l'annĂ©e 1823 Ă©tait pourtant indiquĂ©e par les deux objets Ă  la mode alors dans la classe bourgeoise qui Ă©taient sur la table, savoir un kaleidoscope et une lampe de fer-blanc moirĂ©. La ThĂ©nardier surveillait le souper qui rĂ´tissait devant un bon feu clair ; le mari ThĂ©nardier buvait avec ses hĂ´tes et parlait politique (Les MisĂ©rables).

 

Conversation en contre-point, où se mêlent la guerre d'Espagne, le duc d'Angoulême, les pressoirs de Suresnes et de Nanterre, les propos du faucheur et du meunier, toutes choses probablement entendues jadis par le romancier au temps de ses voyages (Claude Gély, La contemplation et le rêve: Victor Hugo, poète de l'intimité, 1993 - books.google.fr).

 

"fil de l'épée"

 

Sans se mettre en peine des diplomates ou des parlementaires, pendant ce temps, Espoz y Mina, l'ancien chef de guerillas, à la tête des «Constitutionnels», poussait vivement «l'Armée de la Foi» en Catalogne et en Cerdagne, dispersait les troupes royalistes de Navarre, passait au fil de l'épée, dans les villes prises d'assaut, ses compatriotes qui lui avaient résisté, fusillait les moines après avoir incendié les couvents, rasait jusqu'aux fondements les forts dont il s'était emparé, après quoi, proclamait une amnistie (Geoffroy de Grandmaison, François-René vicomte de Chateaubriand, L'expédition française d'Espagne en 1823: avec onze lettres inédites de Chateaubriand, 1928 - books.google.fr).

 

Mina fit passer au "fil de l'épée" la garnison d'Urgel commandée par Romagosa. Il en reçut la distinction de la grand croix de l'Ordre de San Fernando sur laquelle figurent 4 épées (Biographie universelle Tome 13, 1844 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Ordre de Saint-Ferdinand (Espagne)).

 

Frontière

 

Si depuis des temps immĂ©moriaux «la gĂ©ographie participe de manière Ă©vidente Ă  l'art militaire» (Boulanger, La gĂ©ographie militaire française: 1871-1939, 2002, p. 5) dans le cas de la France, il faut attendre le XVIIe siècle pour voir les militaires incorporer la cohorte des «gĂ©ographes amateurs», Ă  savoir des collecteurs et producteurs de connaissances de type gĂ©ographique. Ces apports, dans un premier temps de nature cartographique, Ă©voluèrent ensuite considĂ©rablement au fil des siècles avec un premier tournant fondamental durant le Premier Empire qui voit la constitution d'une nouvelle discipline «diagonale» Ă  part entière, la gĂ©ographie militaire. Durant deux siècles, la gĂ©ographie militaire va considĂ©rablement Ă©voluer dans ses propres bases scientifiques : certes la cartographie, avec l'Ă©pisode crucial de l'Ă©volution des normes de reprĂ©sentations durant les premières annĂ©es de pĂ©riode napolĂ©onienne, mais aussi la pratique gĂ©ographique du terrain, Ă  savoir les reconnaissances militaires visant Ă  la collecte de donnĂ©es de première main. [...]

 

Les désastres de la campagne du Midi, Wellington tournant sans mal la place forte de Bayonne, constitueront par la suite un véritable traumatisme dont le souvenir demeura tenace chez les militaires français. Dès lors, il s'agit pour les armes françaises d'empêcher toute nouvelle invasion et pour ce, des missions de reconnaissance sont relancées très peu de temps après la fin du conflit. Entre novembre 1816 et janvier 1817, le général Loverdo réalise une inspection complète de la frontière pyrénéenne, son rapport final s'élevant contre le vieux sentiment d'inviolabilité de la zone centrale : «Ainsi, la nature paraît avoir mis à l'abri de toute invasion partant d'Espagne cette partie de la frontière depuis la vallée de Barèges ou de Gavarnie jusqu'à celle de Tardets. Mais les dernières guerres ont assez démontré que toutes les montagnes même les plus rudes et les plus élevées forment des barrières qu'un corps entreprenant peut franchir. Cette règle générale est plus applicable encore aux Pyrénées dont l'organisation présente une succession alternative de petites plaines et de défilés qui s'abaissent et offrent des cols plus ouverts et toujours plus faibles à mesure qu'elles s'approchent de la mer» (Général Loverdo, Reconnaissance des principales vallées de la Navarre, mémoire relatif à une tournée d'inspection de la frontière réalisée entre le 30 novembre 1816 et le 13 janvier 1817). Désormais, les efforts des militaires portent aussi sur la zone centrale de la chaîne que le capitaine (futur colonel) Gleizes signale comme trop délaissée : «On s'est très peu préoccupé de cette partie de la frontière sur laquelle il n'existe aucun mémoire de reconnaissance, bien qu'à différentes époques et notamment en 1792 et 1813, il ait été pris des mesures de défense qui supposaient la possibilité qu'on considère que des tentatives jugées impraticables ont souvent réussi et qu'elles ont été même favorisées par cette fausse sécurité qui fait négliger de joindre les ressources de l'art aux moyens de défense que présentent les localités». Ce dernier multipliera justement les reconnaissances, devenant «le» grand spécialiste militaire de la zone. Et durant toute sa carrière dans le Sud-Ouest, il ne cessera de souligner la mauvaise connaissance géographique de la zone centrale, à l'exemple de cette nouvelle citation de 1823 : «Pour avoir une idée et précise de la valeur des obstacles qui nous séparent de l'Espagne dans cette partie de la chaîne [Brèche de Roland, port de Larrau et port de Pinède], il faudrait faire une reconnaissance particulière de chacun de ses passages, en déterminer les hauteurs et les pentes, indiquer les principaux défilés, la longueur du trajet, la durée du séjour des neiges et y joindre un aperçu des travaux qu'une armée aurait à entreprendre pour y faire passer de l'artillerie» (Capitaine du génie Gleizes, Mémoire sur une reconnaissance des cols et des principales vallées des Hautes Pyrénées et sur le parti qu'on peut en tirer de leurs moyens de défense naturelle, 1823, direction du Génie de Bayonne). [...]

 

Le «vieux» clichĂ© de la chaĂ®ne infranchissable ne tient plus guère et le besoin d'une connaissance gĂ©ographique fine de cette zone s'avère de plus en plus pressant. Or, la dernière carte publiĂ©e sur le sujet, dite Carte de Capitaine, du nom du successeur de Cassini dans l'exĂ©cution de la carte de France, n'apporte qu'un progrès fort relatif : si l'expression du relief s'est amĂ©liorĂ©e par rapport Ă  la carte de Cassini, les cĂ´tes d'altitude ainsi que la reprĂ©sentation des courbes de niveau sont encore absentes. Face Ă  ces lacunes multiples, les militaires français mettent en Ĺ“uvre un programme Ă  trois volets. En premier lieu, Ă  25 ans d'intervalle, ils lancent deux grandes missions gĂ©odĂ©siques (1825-1827 et 1848-1851) dont l'exploitation cartographique n'interviendra qu'entre 1855 et 1865 avec la publication de 16 feuilles pour toute la chaĂ®ne au 1 : 80 000 (6°) (Jean-Yves Puyo, La gĂ©ographie militaire française et les PyrĂ©nĂ©es : «des cartes aux hommes» (XVIIe - XIXe siècles). In: Sud-Ouest europĂ©en, tome 23, 2007. GĂ©ographie historique, pour un autre regard - www.persee.fr).

 

En attendant d'être à nouveau envahie depuis l'Espagne, la France de la Restauration prend les devants en 1823 avec son Expédition.

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