La Charbonnerie et l'Expédition d'Espagne IV, 63 1824-1825 L'armee Celtique contre les montaignars, Qui seront sceus et prins a la pipee: Paysans frais pousseront tost faugnars, Precipitez tous au fil de l'espee. L’expédition d’Espagne est la campagne menée en avril
1823 par la France afin de rétablir le roi Ferdinand VII d'Espagne sur son
trône. Ceci signifia donc le rétablissement de l'absolutisme et la fin du
triennat libéral. Des élections ont
lieu en 1822 aux Cortes, qui donnent la victoire Ă Rafael del Riego, dans une
Europe secouée par les mouvements démocrates qui perturbent l'ordre intérieur des
États. Le roi Ferdinand VII d'Espagne s'est retiré à Aranjuez, où il se
considère comme prisonnier des Cortès. Ses partisans installés à Urgell
prennent les armes et remettent en place une régence absolutiste. Ils tentent
un soulèvement, avec la garde de Madrid, qui est un échec ; repoussé par la
résistance des forces constitutionnelles. Aussi, en 1822, Ferdinand VII, s'appuyant
sur les thèses du congrès de Vienne, sollicite-t-il l'aide des monarques
européens, rejoignant la Sainte-Alliance formée par la Russie, la Prusse,
l'Autriche et la France pour restaurer l'absolutisme. En France, les ultras
pressent le roi Louis XVIII d'intervenir. Pour tempérer leur ardeur
contre-révolutionnaire, le duc de Richelieu fait déployer, le long des
Pyrénées, des troupes chargées de protéger la France contre la prolifération du
libéralisme venant d'Espagne et la contagion de la «fièvre jaune». En septembre
1822, ce «cordon sanitaire» devient un corps d'observation, puis se transforme
très vite en une expédition militaire. Après des débats passionnés à Paris,
début 1823 un discours du roi Louis XVIII annonce le soutien français au roi
d'Espagne. Le 22 janvier 1823, un traité secret est signé lors du congrès de Vérone,
qui permet à la France d'envahir l'Espagne pour rétablir Ferdinand VII en
monarque absolu. Chateaubriand et les ultras exultent : l'armée royale va
prouver sa valeur et son dévouement face aux libéraux espagnols pour la gloire
de la monarchie des Bourbons. Le duc d'Angoulême, fils de Charles X, est nommé
commandant en chef de l'armée des Pyrénées, malgré son manque d'expérience
militaire, mais il accepte de n'assurer que les honneurs de son titre et la
direction politique de l'expédition, laissant à son major général, Guilleminot,
général d'Empire. Dès le 7 avril 1823, l'armée des Pyrénées pénètre sans bruit
en Espagne. Le clergé, les paysans, les
absolutistes de «l'armée de la Foi» lui font bon accueil. Les armées
constitutionnelles, soutenues surtout par la bourgeoisie et une partie de la
population urbaine, se replient. Au
nord, les divisions de Hohenlohe, renforcées en juillet par le 5e corps de
Lauriston, obligent le général Pablo Morillo à battre en retraite, puis à se
rallier. Elles contrĂ´lent la Navarre, les Asturies, la Galice. Mais faute
de matériel de siège, elles ne peuvent que bloquer les villes où les
constitutionnels prolongent la résistance durant plusieurs mois. La Corogne ne
capitule que le 21 août, Pampelune le 16 septembre, Saint-Sébastien le 27 (fr.wikipedia.org
- Expédition d'Espagne). Le reste de l'Espagne suivra le même sort. Les libéraux négocient alors leur reddition en échange du serment du roi de respecter les droits des Espagnols. Ferdinand VII accepte. Mais le 1er octobre 1823, se sentant appuyé par les troupes françaises, Ferdinand VII abroge de nouveau la Constitution de Cadix, manquant ainsi à son serment. Il déclare «nuls et sans valeur» les actes et mesures du gouvernement libéral. C'est le début de la décennie abominable (Década ominosa) pour l'Espagne (fr.wikipedia.org - Expédition d'Espagne). La Charbonnerie Cf. quatrain précédent IV, 62. L'idéalisme des charbonniers les « avait alors
convaincus qu'ils pourraient triompher de tous les obstacles et rallier l'armée
et la population à leur cause. Ils défendent autant le gouvernement des Cortés
qu'ils espèrent déstabiliser ou même renverser le trône des Bourbons, désormais
sous l'influence des ultras. Si certains se revendiquent bonapartistes, c'est
avant tout le libéralisme qui unit ces hommes. S'ils choisissent un mode
d'action clandestin et prônent la solution révolutionnaire, c'est aussi qu'ils
ne croient pas au régime de la Charte et à l'action parlementaire. Dans un
imprimé signé par un anonyme se disant sous-officier de l'armée d'observation,
intitulé Réponse à quelques discours prononcés au sujet de la guerre contre
l'Espagne, sont dénoncés autant le régime de la Charte que les opposants à la
guerre attachés aux formes légales de leur action «Vous qui prétendez qu'à vous
seuls appartient le droit de diriger les destinées de la France; vous qui avez
pris une si grave responsabilité, avouez que vous avez échoué», les
interpelle-t-il. Et de conclure : «Dans cette lutte où on emploie la
force, appelez la force Ă votre secours; nos baĂŻonnettes sont prĂŞtes. Que
craignez-vous ? Une mère opprimée doit-elle craindre la force de ses
enfans ?» Le terrain espagnol
fournit en effet la dernière tentative de certains membres de la charbonnerie
de renverser les Bourbons par un pronunciamiento réussi. La troupe formée dans
le pays basque est progressivement encadrée par d'anciens officiers d'Empire,
pour la plupart compromis dans les complots qui ont précédé la campagne et
membres de la charbonnerie. Le colonel Fabvier s'impose finalement Ă leur tĂŞte.
Il est arrivé de Londres d'où sont partis pour l'Espagne, au début de 1823,
bien d'autres proscrits. Les relations entre ces hommes et les chefs de la
charbonnerie sont avérées. Le 12 mars 1823, la "femme Chauvet",
épouse d'un libéral complice de Berton dans l'affaire de Saumur et réfugié en
Angleterre, est arrêtée porteuse de 24 lettres dont plusieurs annoncent le
départ des conjurés réfugiés dans les iles Britanniques pour l'Espagne. rune de
ces lettres, signée d'un certain Phillips est adressée à La Fayette. Mais ces
contacts révèlent plutôt la division de l'organisation que sa mainmise sur
l'opération. «Aucun comité directeur carbonariste ne dirigea les légions
espagnoles de Paris parce qu'il n'y avait pas de comité directeur unifié», peut
Ă©crire Allan Spitzer... Fabvier est en contact avec Manuel, lui rend compte de
ses préparatifs. Il s'est imposé sur l'homme de La Fayette, le commandant
Caron. Les relations entre ces hommes et le gouvernement espagnol sont de mĂŞme
assez distendues. Le colonel Fabvier
correspond bien avec Mina ou d'autres libéraux de la Péninsule. Mais le
gouvernement des Cortès reste réticent à apporter un appui officiel à ces
révolutionnaires qui vivent dans des conditions matérielles précaires. En somme
les transfuges ont des «contacts», ils sont partie prenante de cet «archipel
libéral» décrit par Walter Bruyère-Ostells... Mais formellement, le soutien à leur projet n'est pas très ferme. Cette
petite troupe regroupée à Bilbao compterait au final 400 à 500 hommes. Ils
diffusent, comme nous l'avons vu, proclamations et pamphlets, discutent avec
les militaires, multiplient les manœuvres de débauchage et invitent les soldats
à passer du côté espagnol avec un certain succès puisque les cas de désertions
deviennent fréquents au début de 1823. À cette préparation morale doit succéder
un coup d'éclat au moment de l'entrée des soldats français en Espagne. Les hommes du colonel Fabvier s'installent
sur la rive espagnole de la Bidassoa, Ă Irun. VĂŞtus d'uniformes de la garde
impériale, porteur des «trois couleurs de la sédition», ils attendent que les
troupes s'avancent pour sonner le début du «demi-tour». L'épisode du 6 avril 1823 est assez connu pour que nous n'ayons pas à y
revenir plus avant. La petite troupe de transfuges est promptement dispersée
par l'avant-garde française commandée par le général Vallin qui n'a absolument
pas réagi aux appels lancés par ses «camarades». Dans le même temps, il
semble que Cugnet de Montarlot ait aussi envisagé un coup d'éclat du même type.
Peu de temps avant l'entrée de l'armée en Espagne, le 2 avril 1823, un de ses
émissaires, Lonjon, est arrêté porteur d'une proclamation à l'armée émanant du
« quartier général de l'armée des hommes libres sur les monts Pyrénées». [...]
Cugnet est fusillé en août 1824 par les Espagnols, après avoir participé une
nouvelle tentative d'insurrection libérale, à Tarifa. Le directeur de la police générale, Franchet d'Esperey,
proche des pointus, surveille avec un peu trop de zèle les activités de la
«faction libérale»; arrivé à la direction de la police le 24 décembre 1821, il
baigne dans l'atmosphère des complots dès sa prise de fonction, la conspiration
de Colmar éclatant le 1er janvier 1822. Dans ses "notes", publiées en
2007 par un de ses descendants, il insiste sur les ramifications européennes et
le péril que représentent alors les sociétés secrètes. Le comité directeur qu'il dit composé de La Fayette, Voyer d'Argenson,
Benjamin Constant, Dupont de l'Eure, Bignon, Sebastiani, Foy, Lamarque, Manuel
et Laffitte attendrait le début de la campagne en Espagne pour faire se
soulever le pays. «Cette expédition blâmée et critiquée par l'opposition
dans les deux Chambres doit faire se révolter l'Espagne Révolutionnaire et le
Portugal, l'armée révolutionnaire elle-même et plusieurs provinces dans
lesquelles le comité directeur compte beaucoup de partisans. Alsace, Bourgogne,
Vosges et CĂ©vennes. Et de fait, pendant les premiers mois de 1823, Franchet
d'Esperey multiplie les mises en garde sur l'Ă©tat d'esprit de la population et
des troupes, ses nombreuses lettres, tant aux préfets qu'au ministère de la
Guerre en témoignent. Il s'en justifie : «Les troupes du cordon changées
en armée d'observation demandèrent une attention plus sérieuse encore, et la
police, en ayant les yeux sur les tentatives faites pour les séduire, signala
au ministère de la guerre les chefs dont les sentiments et la conduite
pouvaient inspirer des inquiétudes. Pour Franchet d'Esperey, une rumeur se
transforme vite en complot, un complot en danger imminent pour le régime »
(Emmanuel
Larroche, L’expédition d’Espagne: 1823 : De la guerre selon la Charte, 2019 -
books.google.fr). Cris basques "Pipée" : Chasse aux oiseaux (illégale en
France) qui s'effectue le matin, après les avoir attirés avec des gluaux et des
pipeaux en contrefaisant leurs différents cris, notamment le cri de la
chouette. Synon. frouement. 1549 «tromperie» (Calvin, Contre l'astrologie
judiciaire - VII, 530 - ds Hug.). Part. passé fém. subst. de piper. Cf. le lat. pipatus, -us «cri de jeunes oiseaux»
(www.cnrtl.fr). Les Basques ont conservé leurs anciens cris de guerre,
cris stridents et sauvages, qui retentissent au loin dans les vallées et qu'il
est impossible d'imiter. Ce sont des appels au combat, des cris de ralliement,
des cris d'alarme à l'approche de l'ennemi et d'un danger, des défis et des
provocations (P.
Drouilhet de Sigalas, Roncevaux, Revue contemporaine, Volume 9, 1853 -
books.google.fr). Le irrintzi est un cri basque qui ressemble Ă un hennissement et qui sert aux bergers
pour communiquer entre eux dans les montagnes (fr.wikipedia.org - Oiulari). C'est l'homme sauvage, Basa jaun, qui crie dans les
montagnes à l'approche des tempête, pour avertir les pâtres : Arretiret bacquié
(José
Miguel de Barandiarán, El mundo en la mente popular vasca: creencias, cuentos y
leyendas, Tome 1, 1960 - books.google.fr). "paysans" Le colonel Rafael
del Riego, en fuite, est arrêté par des paysans à Arquillos (Andalousie).
Il sera pendu Ă Madrid le 7 novembre 1823 (Abel
Hugo, Histoire de la campagne d'Espagne en 1823, Tome 2, 1825 -
www.google.fr/books/edition). Cf. quatrain précédent IV, 62. «Ma guerre d'Espagne, le grand événement de ma vie,
poursuit Chateaubriand, Ă©tait une gigantesque entreprise. Enjamber d'un pas les
Espagnes, réussir où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les
armées de l'homme fantastique avait eu des revers, faire six mois ce qu'il
n'avait pu faire en sept ans...» Mais on ne peut comparer les deux guerres d'Espagne.
Celle de 1808 avait une raison introduire en Espagne «les Lumières» qui avait
inspiré la Révolution française, à savoir réformer un pays endormi dans sa
splendeur passée, en supprimant l'Inquisition, la féodalité les obstacles à son
essor industriel, et une mauvaise raison substituer un Bonaparte Ă un Bourbon
sur le trône d'Espagne. C'est la mauvaise raison qui a perdu Napoléon. Il s'est
heurté à la fierté d'une nation au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La
guerre de Chateaubriand en est l'inverse. Une bonne raison combattre un
soulèvement auquel l'assise populaire,
essentiellement paysanne, faisait défaut, et une mauvaise raison :
restaurer un monarque tyrannique et rétrograde. L'opinion française ne s'y
trompa pas et parla de «promenade militaire», moquant la vanité de
Chateaubriand vite disgracié par Louis XVIII (Jean Tulard) (Jean
Tabeur, La prise du Trocadéro ou La guerre d'Espagne de Chateaubriand: Kronos
N° 83, 2015 - books.google.fr). Acrostiche : LQPP,
locus quadratus pedes ("pedes" parfois abrĂ©gĂ© en PP) A 8, 5 km de Cabra, au sud de la route Cabra-Martilla, Ă
la ferme dite «El Fiscal», partie supérieure d'un autel de calcaire local
blanc, incomplet à droite et en bas et détérioré au sommet. Conservée dans la
cour de la ferme «El Aguilita». Dimensions : 49 x 58 x 49 cm. Lettres
profondément gravées de 7 à 5, 7 cm. L (ocus) p (edum) LV | Fuficia Q (uinti)
[f(ilia) ou lliberta) ] | | Heracl [...] |Â
(ic) s (ita) e (st), s (it) [ t (ibi) t (erra) l (euis)]. L de LV en
forme de 1. Les dimensions indiquées par la formule locus pedum appartiennent
au registre local ; il s'agirait de la mesure in fronte et non quoquouersum.
Date : probablement première moitié du Ier siècle p. C (Bétique,
L'Année épigraphique: revue des publications épigraphiques relatives a
l'antiquité romaine, 1985 - books.google.fr). Aux alentours de Cabra, Riego fait prisonnier
Ballesteros, général de l'armée constitutionnelle qui a abandonné le combat,
qu'il devra relâcher. Riego lâché par une partie de ses troupes prend la fuite
et se fait prendre Ă Arquillos Ă 150 km au nord-est de Cabra (Biographie
universelle, ancienne et moderne, Tome 79, 1846 - www.google.fr/books/edition). "faugnars"
Faugnar : (provençal) presser le raisin (Edgar
Leoni, Nostradamus and His Prophecies (1961, 2000), 2013 -
www.google.fr/books/edition, Simon
Jude Honnorat, Dictionnaire Provençal - Français, E-O, 1847 -
www.google.fr/books/edition). A Barcelone, par
humanité, le maréchal Moncey permettait aux assiégés, pendant 3 jours en
septembre, de faire leurs vendanges en avant de leur ligne, mais il ne la
laissait pas franchir (Geoffroy
de Grandmaison, François-René de Chateaubriand, L'expédition française
d'Espagne en 1823, 1928 - books.google.fr, Pierre
Louis Auguste de Crusy marquis de Marcillac, Histoire de la guerre d'Espagne en
1823, 1824 - www.google.fr/books/edition). La date de l'année 1823 était pourtant indiquée par les deux objets
Ă la mode alors dans la classe bourgeoise qui Ă©taient sur la table, savoir un
kaleidoscope et une lampe de fer-blanc moiré. La Thénardier surveillait le
souper qui rôtissait devant un bon feu clair ; le mari Thénardier buvait
avec ses hôtes et parlait politique (Les Misérables). Conversation en
contre-point, oĂą se mĂŞlent la guerre d'Espagne, le duc d'AngoulĂŞme, les
pressoirs de Suresnes et de Nanterre, les propos du faucheur et du meunier,
toutes choses probablement entendues jadis par le romancier au temps de ses
voyages (Claude
Gély, La contemplation et le rêve: Victor Hugo, poète de l'intimité, 1993 -
books.google.fr). "fil de
l'épée" Sans se mettre en
peine des diplomates ou des parlementaires, pendant ce temps, Espoz y Mina,
l'ancien chef de guerillas, à la tête des «Constitutionnels», poussait vivement
«l'Armée de la Foi» en Catalogne et en Cerdagne, dispersait les troupes
royalistes de Navarre, passait au fil de l'épée, dans les villes prises
d'assaut, ses compatriotes qui lui avaient résisté, fusillait les moines
après avoir incendié les couvents, rasait jusqu'aux fondements les forts dont
il s'était emparé, après quoi, proclamait une amnistie (Geoffroy
de Grandmaison, François-René vicomte de Chateaubriand, L'expédition française
d'Espagne en 1823: avec onze lettres inédites de Chateaubriand, 1928 -
books.google.fr). Mina fit passer au "fil de l'épée" la garnison d'Urgel commandée par Romagosa. Il en reçut la distinction de la grand croix de l'Ordre de San Fernando sur laquelle figurent 4 épées (Biographie universelle Tome 13, 1844 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Ordre de Saint-Ferdinand (Espagne)). Frontière Si depuis des temps immémoriaux «la géographie participe
de manière évidente à l'art militaire» (Boulanger, La géographie militaire
française: 1871-1939, 2002, p. 5) dans le cas de la France, il faut attendre le
XVIIe siècle pour voir les militaires incorporer la cohorte des «géographes
amateurs», à savoir des collecteurs et producteurs de connaissances de type
géographique. Ces apports, dans un premier temps de nature cartographique,
évoluèrent ensuite considérablement au fil des siècles avec un premier tournant
fondamental durant le Premier Empire qui voit la constitution d'une nouvelle
discipline «diagonale» à part entière, la géographie militaire. Durant deux
siècles, la géographie militaire va considérablement évoluer dans ses propres
bases scientifiques : certes la cartographie, avec l'Ă©pisode crucial de
l'évolution des normes de représentations durant les premières années de
période napoléonienne, mais aussi la pratique géographique du terrain, à savoir
les reconnaissances militaires visant à la collecte de données de première
main. [...] Les désastres de la campagne du Midi, Wellington tournant
sans mal la place forte de Bayonne, constitueront par la suite un véritable
traumatisme dont le souvenir demeura tenace chez les militaires français. Dès
lors, il s'agit pour les armes françaises d'empêcher toute nouvelle invasion et
pour ce, des missions de reconnaissance sont relancées très peu de temps après
la fin du conflit. Entre novembre 1816 et janvier 1817, le général Loverdo
réalise une inspection complète de la frontière pyrénéenne, son rapport final
s'élevant contre le vieux sentiment d'inviolabilité de la zone centrale :
«Ainsi, la nature paraît avoir mis à l'abri de toute invasion partant d'Espagne
cette partie de la frontière depuis la vallĂ©e de Barèges ou de Gavarnie jusqu'Ă
celle de Tardets. Mais les dernières guerres ont assez démontré que toutes les
montagnes même les plus rudes et les plus élevées forment des barrières qu'un
corps entreprenant peut franchir. Cette règle générale est plus applicable
encore aux Pyrénées dont l'organisation présente une succession alternative de
petites plaines et de défilés qui s'abaissent et offrent des cols plus ouverts
et toujours plus faibles à mesure qu'elles s'approchent de la mer» (Général
Loverdo, Reconnaissance des principales vallées de la Navarre, mémoire relatif
à une tournée d'inspection de la frontière réalisée entre le 30 novembre 1816
et le 13 janvier 1817). DĂ©sormais, les efforts des militaires portent aussi sur
la zone centrale de la chaîne que le capitaine (futur colonel) Gleizes signale comme
trop délaissée : «On s'est très peu préoccupé de cette partie de la frontière
sur laquelle il n'existe aucun mémoire de reconnaissance, bien qu'à différentes
époques et notamment en 1792 et 1813, il ait été pris des mesures de défense
qui supposaient la possibilité qu'on considère que des tentatives jugées
impraticables ont souvent réussi et qu'elles ont été même favorisées par cette
fausse sécurité qui fait négliger de joindre les ressources de l'art aux moyens
de défense que présentent les localités». Ce dernier multipliera justement les
reconnaissances, devenant «le» grand spécialiste militaire de la zone. Et
durant toute sa carrière dans le Sud-Ouest, il ne cessera de souligner la
mauvaise connaissance géographique de la zone centrale, à l'exemple de cette
nouvelle citation de 1823 : «Pour avoir une idée et précise de la valeur des
obstacles qui nous séparent de l'Espagne dans cette partie de la chaîne [Brèche
de Roland, port de Larrau et port de Pinède], il faudrait faire une
reconnaissance particulière de chacun de ses passages, en déterminer les
hauteurs et les pentes, indiquer les principaux défilés, la longueur du trajet,
la durée du séjour des neiges et y joindre un aperçu des travaux qu'une armée
aurait à entreprendre pour y faire passer de l'artillerie» (Capitaine du génie
Gleizes, Mémoire sur une reconnaissance des cols et des principales vallées des
Hautes Pyrénées et sur le parti qu'on peut en tirer de leurs moyens de défense
naturelle, 1823, direction du Génie de Bayonne). [...] Le «vieux» cliché de la chaîne infranchissable ne tient
plus guère et le besoin d'une connaissance géographique fine de cette zone
s'avère de plus en plus pressant. Or, la dernière carte publiée sur le sujet,
dite Carte de Capitaine, du nom du successeur de Cassini dans l'exécution de la
carte de France, n'apporte qu'un progrès fort relatif : si l'expression du
relief s'est améliorée par rapport à la carte de Cassini, les côtes d'altitude
ainsi que la reprĂ©sentation des courbes de niveau sont encore absentes. Face Ă
ces lacunes multiples, les militaires français mettent en Ĺ“uvre un programme Ă
trois volets. En premier lieu, Ă 25 ans d'intervalle, ils lancent deux grandes
missions géodésiques (1825-1827 et 1848-1851) dont l'exploitation cartographique
n'interviendra qu'entre 1855 et 1865 avec la publication de 16 feuilles pour
toute la chaîne au 1 : 80 000 (6°) (Jean-Yves
Puyo, La géographie militaire française et les Pyrénées : «des cartes aux
hommes» (XVIIe - XIXe siècles). In: Sud-Ouest européen, tome 23, 2007.
GĂ©ographie historique, pour un autre regard - www.persee.fr). En attendant d'ĂŞtre Ă nouveau envahie depuis l'Espagne,
la France de la Restauration prend les devants en 1823 avec son Expédition. |