Le feu grégeois

Le feu grégeois

 

IV, 23

 

1795

 

La legion dans la marine classe

Calcine, Magnes soulphre & poix bruslera :

Le long repos de lasseurée place,

Port Selyn, Hercle feu les consumera.

 

Chalcis, port de l'île d'Eubée ; Magnes : le rapprochement avec Chalcis, dans le même hémistiche, fait penser à cette région orientale de la Thessalie qui fait face à l'Eubée et et qui porte le nom de Magnésie (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Feu grégeois

 

Les Sarrazins de Tharse en Cilicie enflez de la victoire qu'ils avoient remportée sur le Général Stipeïote, équipèrent une flotte de trente grands vaisseaux, avec lesquels ils vinrent se présenter devant la ville d'Euripe ou de Negrepont. L'Empereur en étant averti, ordonna au Gouverneur de la Grèce d'Eurs'e e Ìetter autant de monde qu'il pourroit dans la place, & de faire une vigoureuse résistance. Les assiégeans y perdirent beaucoup de monde, & on leur brûla quantité de leurs vaisseaux par le moïen du feu Grégeois. Celui qui commandoit au siège, pour animer les siens, proposa un bouclier chargé de pièces d'argent & cent filles captives pour récompense, à celui qui le premier monteroit sur les murs de la ville; mais le Gouverneur de la place le prévint, fit une vigoureuse sortie, tua l'Emir & plusieurs de ses gens, & poursuivit les autres jusqu'à leurs vaisseaux, & les contraignit de se retirer (Augustin Calmet, Histoire universelle, sacrée et profane depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours, Tome VII, 1741 - books.google.fr).

 

En 880, sous le règne de Basile, un chef musulman, émir de Tarse en Cilicie, Esman, animé par les succès de ses coreligionnaires, qui s'étaient emparés de Syracuse, vint mettre le siège devant Chalcis, sur l'Euripe (Louis Lacroix, Iles de la Grèce, 1853 - books.google.fr).

 

Deuxième moitié du IXe siècle et première moitié du Xe : moment où les chantiers navals de Syrie, d'Egypte, d'Ifrîqiya sont bien fournis en bois de marine, où les flottes musulmanes affirment leur puissance dans le bassin oriental de la Méditerranée : en 873, l'émir de Tarsoûs fait une descente en Eubée ; en 877, une grande attaque navale contre une grande attaque navale contre l'empire byzantin est concertée entre les flottes syrienne et égyptienne ; dans les premières années du Xe siècle, les navires syriens de Léon de Tripoli deviennent la terreur de l'Egée (Arsenaux et bois de marine dans la Méidterranée) (Maurice Lombard, Espaces et réseaux du haut moyen âge, Volume 2 de Le Savoir Historique, 1972 - books.google.fr).

 

Les succès maritimes des Arabes de Crète avaient incité également à de semblables entreprises d'autres chefs musulmans des régions littorales qui, en une occasion donnée, opérèrent selon toute vraisemblance au su de leurs coreligionnaires crétois, et en accord avec eux. Il convient en effet de rapporter à cette époque l'épisode relaté par nos sources. L'émir de Tarse Esman, qui est vraisemblablement le Yâzmân (Yâzamân) des historiens arabes, avec 30 grands navires - kumbaria - se dirigea vers les côtes de la Grèce avec l'intention de s'emparer de la forteresse de l'Euripe (Chalcis) en Eubée. Ayant eu connaissance de ce projet de l'émir, le stratège Oiniatès (ô Oivudtnç) retira des troupes de Grèce pour les faire venir dans la forteresse, prit des dispositions pour mettre les remparts en état de défense et soutint courageusement le choc de l'ennemi ; les balistes byzantines, les flèches et même les pierres lancées à la main causèrent de grands ravages dans l'armée musulmane et le feu grégeois détruisit la plupart des navires arabes. Finalement les Grecs firent de leur propre initiative une sortie hors de la ville et remportèrent une complète victoire ; l'émir lui-même tomba grièvement blessé et la plus grande partie de son armée périt dans la bataille ; les Arabes restés vivants montèrent sur les quelques bateaux qui leur restaient et s'en retournèrent en toute hâte dans leur pays. [...]

 

Le nom de l'émir 'Esman ne peut correspondre à Osman comme avait pensé Vasiliev, car Osman est une forme turque de 'Otmân qui n'apparaît que tardivement, comme l'a fait remarquer P. Wittek à H. Grégoire. Par contre il peut très bien correspondre à Yazman (Yâzaman) des sources arabes, qui est peut-être une déformation de Yasamin, Yasamün, Jasmin, nom qui convient parfaitement, car le personnage est un eunuque. Cette identification ne va pas sans difficultés. Le texte grec dit que cet émir reçut devant Chalcis une blessure mortelle. Or Yazman est mort seulement au cours d'une expédition terrestre en 278/891-892, blessé d'un éclat de pierre de baliste devant Salandù (Tabari, III, 2130). Il se peut que les Grecs aient confondu les deux épisodes, attribuant au siège de Chalcis ce qui s'est produit devant Salandû, ou que, a Chalcis, il ait été simplement grièvement blessé et que les Grecs, l'ayant vu tomber, l'aient cru mort. Pour la date du siège de Chalcis que Murait, p. 461, a mis en 880 (contre lui, Hopf, Griech. Geschichte, 122 et Hiuitzberq, Gesch. Griechenlands, I, 230), Vasiliev a pensé qu'il eut lieu avant 880 parce que le Continuateur le raconte immédiatement après l'échec des Arabes devant Bénévent en 873 et le situe de façon vague (A. A. Vasiliev, Henri Grégoire, Marius Canard and Ernst Honigmann, L'empereur Basile I le Macédonien, Byzance et les Arabes : La dynastie Macédonienne, 1968 - books.google.fr).

 

Ceci pour dire que la date de l'événement est imprécise.

 

Jean Skylitzès rapportela vaillante défense d'Euripe, en Eubée contre la flotte arabe de Tarse qui venait attaquerà la fin du IXe siècle : «L'empereur en fut informé à l'avance et, sur son ordre, le stratège de l'Hellade, Oiniatès, fit venir de toute l'Hellade lestroupes qui sauraient défendre la ville. Il mit le smurailles dans l'état qu'il fallait et fit fabriquer des machines lançant des pierres et destraits; en un mot, il ne négligea rien des défenses qui permettraient de repousser l'assiégeant. Lorsque la flotte de Tarse fut arrivée et qu'approchant des remparts elle s'efforça, par des tirs incessants, de chasser les défenseurs des murailles, les gens d'Euripe, pleins de cœur et d'ardeur, les repoussèrent vaillamment grâce à leurs catapultes,aux traits que tiraient les scorpions, aux arcs, ou aux pierres qu'ils jetaient de leurs propres mains depuis les remparts, et chaque jour, ils infligeaient aux barbares de lourdes pertes. De plus, profitant d'un vent favorable qu'ils avaient su attendre, ils firent avancer leurs trières contre celles de l'ennemi dont ils brûlèrent un grand nombre avec le feu liquide» (trad. B.Flusin) (Béatrice Caseau-Chevallier, Byzance : économie et société: Du milieu du VIIIe siècle à 1204, 2007 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Histoire de l'Eubée).

 

L'Euripe ou détroit de l'Euripe, est un détroit de Grèce qui sépare l'Eubée de la Béotie au niveau de la ville de Chalcis, en mer Égée, entre le golfe Nord d'Eubée et le golfe Sud d'Eubée. Sa définition est parfois étendue à l'ensemble du golfe d'Eubée (fr.wikipedia.org - Euripe).

 

Le feu d'Hercule

 

Œchalie ou Oichalia est le nom d'une cité de Grèce antique dont l'emplacement n'est pas bien connu, soit en Thessalie, soit en Eubée.

 

Dans la mythologie grecque, Héraclès rend visite au roi d'Œchalie, Eurytos, puis se querelle avec lui pour des raisons mal connues, et Héraclès finit par mettre à sac la cité. Selon le Catalogue des femmes, la fille d'Eurytos, Iole, aurait été à l'origine de la querelle. Une épopée perdue, la Prise d'Œchalie, attribuée à Créophylos de Samos, racontait probablement cette histoire ; elle n'est connue que par un unique vers conservé et par des témoignages indirects (fr.wikipedia.org - OEchalie).

 

Hercule prit Œchalie, tua Eurytus et ses fils, et emmena sa fille Iole prisonnière. A son retour il débarqua à Cenœum, promontoire d'Eubée, éleva un autel à Zeus, et envoya son compagnon Lichas à Trachis, pour lui chercher un vêtement blanc dont il voulait se revêtir pendant le sacrifice. Déjanire, craignant qu'Iole ne la supplantât dans l'amour de son époux, trempa le vêtement blanc dans le sang de Nessus. Ce sang avait été empoisonné par la flèche dont Hercule avait tué Nessus; et, en conséquence, aussitôt que le vêtement eut touché le corps d'Hercule, le poison pénétra dans tous ses membres, et lui causa les plus atroces souffrances. Il saisit Lichas par les pieds et le lança dans la mer; il se dépouilla du vêtement, mais il s'arracha des lambeaux de chair. Dans cet état il fut ramené à Trachis ; Déjanire, voyant ce qu'elle avait fait involontairement, se pendit; Hercule ordonna à Hyllus, son fils aîné par Déjanire, d'épouser Iole aussitôt qu'il arriverait à l'âge viril; puis il monta sur le mont Œta, éleva une pile de bois sur laquelle il se plaça, et ordonna qu'on y mît le feu. Quand le bûcher fut en feu, un nuage descendit du ciel, et au milieu des éclats du tonnerre, l'enleva dans l'Olympe, où il reçut l'immortalité, se réconcilia avec Héra et épousa sa fille Hébé (William Smith, Dictionnaire de biographie, mythologie, géographie anciennes, traduit par Napoléon Theil, 1865 - books.google.fr).

 

Composition du feu grégeois

 

Le feu grégeois proprement dit est décrit aux alentours de 672 et son invention est attribuée par Théophane le Confesseur à Kallinikos, un architecte originaire d'Héliopolis (une ville située aujourd'hui au Liban) dans l'ancienne province de Phoenice, conquise par la suite par les musulmans. Le feu grégeois est encore mentionné au XIIe siècle et Anne Comnène donne une description éclatante de son usage lors d'une bataille navale contre les Pisans en 1099. Toutefois, bien que l'utilisation d'un navire incendiaire hâtivement improvisé lors du siège de Constantinople en 1203 par la Quatrième croisade soit rapportée, il n'est plus fait aucune mention de l'usage du feu grégeois. Cela pourrait être dû au déclin militaire de l'empire lors des vingt ans qui précédèrent le siège ou causé par la perte par les Byzantins des territoires dont sont issus les matières premières nécessaires à la production de cette arme.

 

Comme le montre l'avertissement de Constantin Porphyrogénète, les ingrédients et le processus de fabrication et de déploiement du feu grégeois sont précieusement gardés secrets. La composition du feu grégeois reste purement spéculative avec des hypothèses incluant des mélanges de résine de pin, de naphte, d'oxyde de calcium (chaux vive), de soufre ou du salpêtre.

 

Le feu grégeois brûle sur l'eau et selon certaines interprétations, c'est l'eau qui déclenche la combustion. En outre, de nombreux textes témoignent du fait que le feu ne pouvait être éteint que par certaines substances comme le sable (qui prive le feu d'oxygène), du vinaigre fort ou de la vieille urine, probablement par le biais d'une réaction chimique particulière. Cette caractéristique amène à penser qu'il s'agit de magnésium (fr.wikipedia.org - Feu grégeois).

 

Le magnésium est en composé dans la magnésie blanche (oxyde de magnésium). Cette "magnésie blanche" est la traduction du latin "magnes alba" chez Hoffmann en 1722. Elle avait reçue le nom de magnes carneus "aimant de la chair" par Cardan (vers 1550) évoquant une terre blanche qui hâpe à la langue.

 

L'attestation de "magnésie" au XVIème siècle semble recouvrir le sens alchimique de "mercure philosophal" attesté de 1721 à 1873.

 

La "magnes lapis" (magnes lithos) est une pierre aimantée que l'on trouve en Asie mineure à Magnesia (Alain Rey, Dictionnaire Historique de la langue française, 2011 - books.google.fr).

 

On reconnaît un jeu de mot entre Calcine et Chalcis. On peut rapprocher magnésium de Magnésie.

 

Typologie

 

Le report de 1795 sur 880 donne -35, sur 873 donne -49.

 

A Rome, ces dates sont situées entre deux guerres civiles : -48 bataille de la Pharsale qui met fin au conflit entre Pompée et César, -32 rupture entre Antoine et Octave qui mènera celui-ci à l'empire (fr.wikipedia.org - Dernière Guerre civile de la République romaine, Jean-Francois Sacombe, On peut faire un parallèle entre Octave et Bonaparte, Hommage au premier consul Bonaparte, 1800 - books.google.fr).

 

Le feu joue un rôle important : à Actium, bataille décisive contre Antoine, Agrippa l'utilise abondamment, en remontant au vent, et en lançant des traits enflammés sur ses adversaires, qui ne peuvent en faire autant, de sorte que nombre d'entre eux périssent brûlés (Michel Reddé, Mare Nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l'histoire de la marine militaire sous l'empire romain. Rome : Ecole française de Rome, 1986 - www.persee.fr).

 

Octave était vierge des guerres civiles et n'avait pris parti pour personne. Ce ne sont presque jamais ceux qui rêvent, ou qui commencent les révolutions qui les achèvent. Mirabeau et Bailly commencèrent la Révolution française; l'un meurt à la peine, l'autre sur l'échafaud. Napoléon hérite de tout cela. C'est que, de même qu'avant de s'appeler Auguste, Auguste s'appelait Octave, de même, avant de s'appeler Napoléon, Napoléon s'appelait Bonaparte Le petit lieutenant de 91, le chef de brigade de 93, le général du 13 vendémiaire, ne s'était point usé dans les terribles luttes qui venaient d'ensanglanter la France. Il était complètement neuf et pouvait prendre parti pour qui il voulait. Comme Octave, il prit parti pour lui-même (Alexandre Dumas, les grands hommes en robe de chambre, Octave Auguste, 1857 - books.google.fr).

 

Après les proscriptions du triumvirat, Octave s'empara de l'empire, se déclara César-Auguste, et se fit de la clémence un bouclier contre ses ennemis. Le Premier Consul fut moins politique. Napoléon n'oublia jamais et frappa souvent de mort les adversaires de Bonaparte ; mais parmi ces Républicains que l'amour des honneurs précipitait dans la servitude, selon l'expression de Tacite, il trouva plus d'obéissance qu'Octave chez les Romains dégénérés (Jacques Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, Tome 4, 1843 - books.google.fr).

 

Technicien militaire aux ordres du Directoire, Bonaparte agissait à sa guise et plaçait les directeurs devant les faits accomplis. Ce mépris du pékin est bien, lui aussi, dans notre tradition. Pierre Sylvain Maréchal rompt avec elle et il interpelle rudement le général factieux : « Il te sied mal, Bonaparte, de trancher du souverain avec des nations entières : car, enfin, si tu te permets ce style en Italie, Je ne vois pas ce qui pourrait t'empêcher d'user du même style en apostrophant le Directoire français. Je ne vois rien qui me donne l'assurance qu'en germinal prochain, lors de nos assemblées primaires, tu ne répètes du fond de tes appartements du palais du Luxembourg : Peuple de France! Je vous composerai un Corps législatif et un Directoire exécutif. […]

 

Grâce à notre camarade, le Manifeste des Egaux prend enfin place dans la liste des manifestes socialistes du dernier siècle. Il met pour la première fois au jour les idées d'égalité sociale; il s'oppose aussi, pour la première fois au gouvernementalisme cesarien, cette tunique de Nessus dont le peuple français n'arrive pas à se débarrasser (La Révolution prolétarienne, 1950 - books.google.fr).

 

Pierre Sylvain Maréchal, né le 15 août 1750 à Paris, et mort le 18 janvier 1803 à Montrouge, est un écrivain, poète et pamphlétaire français. Militant républicain, passionné par l’égalité sociale, c'est un précurseur de la grève générale et de l’anarchisme. Sous le Directoire, il participe avec Gracchus Babeuf à la Conjuration des Égaux puis s’oppose aux ambitions de Bonaparte. Voulant délivrer l’homme de toute servitude, Sylvain Maréchal, «l’homme sans Dieu», est sans doute l’un des plus fervents partisans de l’athéisme durant la Révolution : il souhaite la disparition des prêtres et des Églises. Il est, par ailleurs, le principal rédacteur du journal le plus lu de son époque : Révolutions de Paris (fr.wikipedia.org - Sylvain Maréchal).

 

Ce pillage des peuples de l'Europe fait donc corps avec la Révolution, colle à elle comme une tunique de Nessus, se manifeste comme un de ses caractères indélébiles. Gouvernants, généraux, officiers, soldats : tous y participent, tous s'y enrichissent personnellement. Non en succombant à quelque tentation occasionnelle, mais systématiquement, comme si les armées d'une grande nation avaient été, de manière tout officielle, reconverties en bande de voleurs à main armée agissant aussi pour leur propre compte. Voyez en Italie le travail de Bonaparte et de Rivoli : «On fit main basse sur les monts-de-piété et les caisses ecclésiastiques destinées à la charité. Tout était confisqué, y compris les bijoux. On réquisitionna les vivres, les chevaux, les objets de toute nécessité. Après la Lombardie, d'autres États italiens durent acheter leur neutralité. Le duc de Parme dut payer deux millions. Le duc de Modène en abandonna dix» (Jean Dumont, Blandine Dumont, La Révolution française, ou, Les prodiges du sacrilège, 1984 - books.google.fr).

 

Depuis deux siècles, en effet, la fabrication et l'emploi de l'agent qui nous occupe n'ont fait que des progrès presque insensibles, et pour arriver jusqu'à notre époque nous n'avons à signaler que quelques essais curieux, mais restés sans applications. C'est dans cette catégorie qu'il faut ranger les essais entrepris sous Louis XV par Dupré, pour retrouver le feu grégeois; ceux que fit à la fin du dernier siècle le célèbre chimiste Berthollet, dans le but de modifier la composition de la poudre; enfin les expériences pyrotechniques de Chevallier exécutées sous l'empire. Dupré, né aux environs de Grenoble, était orfèvre à Paris. En essayant de fabriquer de faux diamants, il découvrit, dit-ou, par hasard une liqueur inflammable d'une activité prodigieuse. Chalvet, qui rapporte ce fait dans sa Bibliothèque du Dauphine’, assure que cette liqueur consumait tout ce qu'elle touchait, qu'elle brûlait dans l'eau et reproduisait eu un mot tous les effets anciennement attribués au feu grégeois. Dupré fit instruire Louis XV de sa découverte, et, d'après ses ordres, il exécuta quelques expériences à Versailles, sur le canal et dans la cour de l'arsenal à Paris. C'était en 1755, ou était engagé contre les Anglais dans cette guerre désastreuse qui devait amener la ruine de notre puissance navale. Dupré fut envoyé dans divers ports de mer pour essayer contre les vaisseaux l'action de sa liqueur incendiaire. Les effets que l'on produisit furent si terribles, que les marins eux-mêmes en furent épouvantés. Cependant Louis XV, cédant à un noble sentiment d'humanité, crut devoir renoncer, malgré les pressantes nécessités de la guerre, aux avantages que lui promettait cette invention. Il défendit à Dupré de publier sa découverte, et pour assurer son silence il lui accorda une pension considérable et la décoration de Saint-Michel. Dupré est mort sans avoir trahi son secret; mais Chalvet avance une atrocité inutile lorsqu'il prétend que l'opinion commune accusa Louis XV d'avoir précipité sa mort. Selon M. Coste, un artificier nommé Torré aurait retrouvé sous le ministère du duc d'Aiguillon un secret analogue à celui de Dupré. "Le secret du feu grégeois, dit M. Coste, a été retrouvé en France, sous le ministère du duc d'Aiguillon, par un metteur en œuvre qui ne le cherchait certainement pas et qui travaillait au Havre à des pierres de composition. Mon témoignage à cet égard est irrécusable, car c'est moi qui ai rédigé le Mémoire au conseil, par lequel cet honnête artiste faisait hommage au roi de sa funeste découverte, lui demandait ses ordres, et offrait d'enfermer dans un canon de bois qu'un seul homme pouvait porter sept cents flèches remplies de sa composition, lesquelles s'enflammeraient, éclateraient et mettraient le feu en tombant. Cet appareil et le canon de bois qui devait porter le feu grégeois à huit cents toises étaient de l'invention de l'artificier Torré". Toutefois cette idée n'a jamais eu de suite, et le nom de l'artificier Torré est aujourd'hui complétement inconnu.

 

Il en a été autrement de l'invention du mécanicien Chevallier, sur laquelle la fin tragique de son auteur appela quelque temps l'attention du public. Chevallier, ingénieur et mécanicien à Paris, avait réussi à préparer des fusées incendiaires qui brûlaient dans l'eau, et dont l'effet était, dit-on, aussi sûr que terrible. Les expériences pyrotechniques, faites le 20 novembre 1797 à Meudon et à Vincennes. en présence d'officiers généraux de la marine, et reprises à Brest le 20 mars suivant, montrèrent que ces fusées, qui avaient quelques rapports avec nos fusées à la Congrève, reproduisaient une partie des effets que l'on rapporte communément au feu grégeois.

 

Chevallier s'occupait à perfectionner ses compositions incendiaires lorsqu'il périt victime d'une fatale méprise politique. Depuis le commencement de la révolution, il s'était fait remarquer par l'exaltation de ses idées républicaines; en 1795, il avait déjà été arrêté comme agent d'un complot jacobin et mis en liberté à la suite de l'amnistie de l'an IV. En 1800, dénoncé à la police ombrageuse de l'époque comme s'occupant, dans un but suspect, de fusées incendiaires et de préparations d'artifice, il fut emprisonné sous la prévention d'avoir voulu attenter aux jours du premier consul. Cette affaire ne pouvait avoir aucune suite sérieuse, et Chevallier s'apprêtait à sortir de prison, lorsque, par une fatale coïncidence, arriva l'explosion de la machine infernale. Chevallier n'avait en évidemment aucune relation avec les auteurs de cet horrible complot; cependant il fut traduit quelques jours après devant un conseil de guerre, condamné mort, et fusillé le même jour à Vincennes.

 

Les essais entrepris par Berthollet en 1788 pour remplacer le salpêtre de notre poudre canon par le chlorate de potasse ont un caractère scientifique sérieux et sont plus connus que les faits précédents. En étudiant les combinaisons oxygénées du chlore, Berthollet avait découvert les chlorates, genre de sels des plus remarquables par leurs propriétés chimiques. Les chlorates sont des composés qui se détruisent avec une facilité extraordinaire et comme ils renferment une très-grande quantité d'oxygène, cette prompte décomposition fait de cette classe de sels un des agents de combustion les plus actifs que l'on possède en chimie. Le chlorate de potasse mélangé avec du soufre, avec du charbon on du phosphore, constitue un mélange tellement combustible que le choc du marteau suffit pour le faire détoner. Aussi, quand on triture rapidement dans un mortier de bronze un mélange de chlorate de potasse, de soufre et de charbon, il se produit des détonations successives qui imitent des coups de fouet et l'on voit s'élancer hors du vase des flammes rouges ou purpurines. Ces faits observés par Berthollet mirent dans la pensée de ce chimiste le projet de substituer au salpêtre le chlorate de potasse, dans notre poudre à canon. Les essais qu'il entreprit dans cette vue amenèrent les résultats les plus avantageux en apparence; un mélange bien intime de soufre, de charbon et de chlorate de potasse dans les proportions habituelles de la poudre, présentait une force explosive d'une énergie extrême, et qui l'emportait à ce point sur la poudre ordinaire, que les projectiles étaient lancés à une distance triple. Encouragé par ce fait, Berthollet demanda au gouvernement l'autorisation de faire préparer une assez grande quantité de la nouvelle poudre pour servir à des expériences plus étendues. La poudrerie d'Essonnes fut mise à sa disposition, mais l'entreprise eut une bien triste fin; une explosion terrible détruisit la fabrique et coûta la vie à plusieurs personnes (Louis Figuier, Exposition et histoire des principales découvertes scientifiques modernes, Tome 1, 1851 - books.google.fr).

 

Les mémoires du comte Miot de Melito présente Chevalier comme partie prenante de différents complots contre la vie de Bonaparte (Mémoires du comte Miot de Melito, Tome 1, 1858 - books.google.fr).

 

L'explosion de la machine infernale rue Saint-Nicaise fut si violente, que la secousse Ă©branla toutes les maisons et cassa toutes les vitres depuis le Carrousel jusque sur la place du Palais-Royal (Alissan de Chazet, MĂ©moires, souvenirs, oeuvres et portraits, Tome 3, 1837 - books.google.fr).

 

 L’attentat de la rue Nicaise, Ă©galement connu sous le nom de «conspiration de la machine infernale», est un attentat, qui a eu lieu le 3 nivĂ´se an IX (24 dĂ©cembre 1800), Ă  20 heures, dĂ» Ă  une conjuration royaliste (fr.wikipedia.org - Attentat de la rue Saint-Nicaise).

 

 Le coup d'État du 2 dĂ©cembre fut vĂ©cu par NapolĂ©on III comme une vĂ©ritable «Tunique de Nessus», selon le mot de l'impĂ©ratrice EugĂ©nie qui le compare aussi Ă  un boulet pesant que l'on traĂ®ne au pied (Les Annales conferencia: journal de l'UniversitĂ© des annales, Volume 59, 1952 - books.google.fr).

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