La galerie d’Angoulême

La galerie d’Angoulême

 

IV, 59

 

1821-1822

 

Deux assiégez en ardente ferveur :

De soif estaincts pour deux plaines tasses,

Le fort limé, et un vieillard resveur

Aux Genevois de Nira monstra trasse.

 

"limé" : statue de marbre

 

Vigny, du reste, aime à s'imaginer sculpteur plutôt que peintre, or la peinture organise un univers complet, elle situe le sujet sur un fond et même dans une atmosphère ; elle n'existe, au moins, que par la polychromie ; la sculpture, au contraire, travaille une matière unique, elle isole un personnage, et le détache de son cadre naturel comme on abstrait une idée de son contexte ; elle concentre donc la contemplation sur un objet simplifié, et convient à ceux que la profusion déroute et submerge parce que leur champ de conscience, sans doute, est assez étroit (François Germain, L'imagination d'Alfred de Vigny, 1962 - books.google.fr).

 

Un livre tel que je le conçois doit être composé, sculpté, doré, taillé, fini, limé et poli comme une statue de marbre de Paros. [....] Héléna est un essai fait à dix-neuf ans. Une jeune fille des iles Ioniennes a été violée par les soldats turcs. Son amant qui l'ignore la conduit à bord d'un vaisseau grec qu'il commande et mène délivrer Athènes. Il la voit mélancolique et souhaitant la mort. Lui qui ne voit et ne désire que la victoire sous les yeux de sa fiancée, il lui montre dans le lointain et lui parle de la beauté de la Grèce en traversant les Cyclades. Elle voit une autre Grèce et ses ruines et ses tombeaux. On attaque Athènes en débarquant. Une église renferme les restes de la garnison turque réfugiée. Héléna voit ces Turcs qui vont être écrasés et s'élance en criant : Je meurs ici ! (Alfred de Vigny). [...]

 

J'ai entre les mains un exemplaire des poëmes de 1822 où ce poëme en trois chants, Héléna, parut en tête de quelques autres bien plus courts, mais d'un art plus mûr et qui font partie du recueil de ses poésies : la Dryade, la Somnambule, la Fille de Jephté, la Femme adultère, la Prison. Héléna y est annotée à la plume par la mère du poëte; elle en a souligné les passages défectueux d'une main inexorable. Et, au dessous de ces sévères annotations, le poëte lui-même a depuis ajouté les siennes qui donnent raison, avec une charmante humilité, aux critiques de sa mère : «Ma mère, vous aviez bien raison. C'est fort mauvais, et j'ai supprimé le poëme entier.» (Louis Ratisbonne, Alfred de Vigny, Journal d'un poète, Revue moderne, Volume 39, 1866 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain prĂ©cĂ©dent IV, 58 avec « Captive dame Â».

 

"assiégés" : assis ?

 

Le lat. obsidere «assiéger» a pu l'influencer, mais son intervention n'est pas évidente; assiéger a, en effet, postérieurement à «faire le siège», signifié en a. fr. «asseoir, établir» (B. de Ste-Maure ds Gdf.), les deux notions étant extrêmement voisines : cf. le lat. class. adsidere «être assis, placé auprès de» et «camper auprès de, assiéger» (www.cnrtl.fr).

 

Valentine Balbiani, femme du chancelier de Birague, nĂ©e en PiĂ©mont l'an 1518, morte à  Paris, l'an 1572, est reprĂ©sentĂ©e lisant, Ă©tendue sur un coussin; ayant le bras gauche accoudĂ© sur des carreaux et la main droite ramenĂ©e en avant pour soutenir le livre; les dessins de sa robe imitent un riche damas, et des passementeries sont indiquĂ©es sur le corsage et sur les manches; un très-petit chien, de race Ă©pagneule, est posĂ© sur le devant. Statue de marbre : hauteur, 0,830, longueur, 1,920.

 

Deux petits génies funéraires ont été réunis à la statue de Valentine Balbiane et sont placés comme ils l'étaient sur son tombeau ; tous deux sont assis et tiennent des torches renversées. Statues de marbre: hauteur de l'une, 0,520; de l'autre, 0,510. Ces trois figures (nos 113 à 115) proviennent de la sépulture de Mme de Birague, érigée en 1574 dans l'église de Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers, et nous sont connues par la planche insérée dans le Corrozet; mais cette gravure, précieuse parce qu'elle est contemporaine du monument, n'indique pas l'effigie de femme morte qui a été placée sur le soubassement, de même qu'elle l'avait été par M. Lenoir lorsqu'il avait rétabli dans le Musée des monuments français les tombeaux du chancelier et de sa femme, en les réunissant (Description des sculptures modernes du Musée Imperial du Louvre, 1856 - books.google.fr, collections.louvre.fr).

 

Carrare et GĂ©nois

 

On troubve en ancien français Genevois pour Génois (Chroniques de Froissart, Tome 10, 1825 - books.google.fr).

 

En 1565, un Lucquois prend Ă  ferme pour 2234 Ă©cus tous les revenus du vicariat de Carrare mais, après 1570, ce sont surtout des GĂ©nois qui ont la haute main sur les finances de l'État. En 1570, Gherardo et Jacopo di Gaspare Grimaldi, flanquĂ©s de deux sujets du prince, Marco Antonio Manetti de Massa et Jacopo Diana de Carrare, deviennent Ă  leur tour fermiers de tous les revenus de l'État de Massa-Carrare ; la sociĂ©tĂ© est reconduite en 1573, après la mort de G. Grimaldi et l'accord entre les trois associĂ©s donne pour tâche principale Ă  Diana de lever les revenus de Carrare proprement dite. En 1580, Diana est encore fermier des revenus princiers, et, après 1583, associĂ© Ă  Paolo Saoli et Ă  d'autres GĂ©nois, qui en ont repris la ferme. Ses fonctions de fermier des revenus princiers Ă  Carrare amènent Diana Ă  lever la Douane des marbres pour le compte de la sociĂ©tĂ© dont il fait partie; bien plus, entre 1570 et 1574, «caput offitii et appaltus marmorum terrae Carrariae» comme on le nomme officiellement, il gère tout le commerce des marbres, dans l'Office installĂ© Ă  l'ancienne Douane du Ponte Maroncino, Ă  la sortie de Carrare vers la mer. Ce fermier des marbres, beaucoup de documents attestent qu'il sut tirer parti de son exceptionnelle situation ! En 1570, il n'est encore qu'associĂ© au tiers, selon les formules traditionnelles, des deux acheteurs (Jacopo et Francesco di Battista Pollina) de l'une des carrières qui appartenaient en 1564 Ă  Mo Domenico del Sarto, au Pianello ; il devait y placer un ouvrier, les marbres communs devaient se vendre aux prix Ă©tablis par l'Office. Quelques mois plus tard, Diana accorde des licences extraordinaires d'exportation - pour GĂŞnes... et Ă  des Grimaldi ! - , il poursuit des crĂ©anciers siciliens de la sociĂ©tĂ© de l'Officio dei marmi, accorde des crĂ©dits Ă  un maĂ®tre gĂ©nois qui travaille pour l'Espagne... En lui, les Grimaldi ont trouvĂ© un homme d'affaires actif et avisĂ©. En septembre-octobre 1574, lors des comptes qui concluent l'Office des marbres, Diana recense quatorze crĂ©anciers qui lui doivent 138 Ă©cus : presque autant que de marbriers qui avaient un compte au Bureau ; trois ans après certains n'ont pu encore se libĂ©rer de leur dette : ils s'engagent Ă  lui livrer leurs marbres pour l'Ă©teindre. Livraisons qui alimentent fort bien les entreprises commerciales oĂą l'Office a lancĂ© Diana. L'institution aurait dĂ» jeter dans la production des capitaux d'origine gĂ©noise ; elle y a rĂ©ussi en leur assujettissant, en la personne de Diana, les marbriers qui l'approvisionnaient. Loin de rĂ©sorber les difficultĂ©s du commerce carrarais, le Bureau des marbres dut cristalliser des oppositions latentes Les hommes qui, avant 1564, se risquaient dĂ©jĂ  au nĂ©goce Ă  l'Ă©tranger durent le ressentir comme une rude contrainte. Dès 1568, certains d'entre eux regardaient vers Seravezza, cet arrière-pays de Pietrasanta, vieille bourgade de marbriers, dont Cosme Ier voulait faire la rivale heureuse de Carrare. En 1567, la route de Stazzema est finie, on travaille Ă  celle qui mène au Monte Altissimo et que Michel-Ange avait jadis commencĂ©e. Des Carrarais demandent aussitĂ´t licence de s'installer Ă  Seravezza, afin de travailler pour la Sicile. Cela ne pouvait que rĂ©jouir Cosme de MĂ©dicis (mort en 1574), voyant fondre les troupes de l'adversaire. Si l'accord de 1564 voulait, entre autres, lutter contre menace de la concurrence florentine en fixant les prix, il provoqua aussi les investissements clandestins de marbriers carrarais. En effet, en novembre 1568, le Carrarais Lotto Guidi, fils de l'un des signataires de la convention, vient extraire Ă  Seravezza les marbres du pont de la TrinitĂ  Ă  Florence ; lui et Donato Vanelli, un autre signataire, possesseur d'une carrière au Polvaccio, achètent une carrière Ă  la Cappella ; en 1570, Lotto Guidi travaille encore pour le duc Ă  Seravezza. Jacopo Diana ne les laisse pas faire : en aoĂ»t 1571, il leur accorde licence extraordinaire d exportation Ă  GĂŞnes, mais il les fait rentrer dans l'ordre commun : ils doivent jurer qu'ils n'iront pas travailler «hors de la vallĂ©e de Carrare» ni extraire pierres ou marbres oĂą que ce soit ailleurs ; comme les autres carriers, ils resteront Ă  Carrare Ă  travailler pour l'Office sous peine de 50 Ă©cus. Quand on envisagea le renouvellement de l'accord, en 1574, beaucoup firent donc pression sur le prince pour qu'il secouât l’emprise des GĂ©nois et de Diana et pour qu'il renonçât aux institutions de 1564. En 1574, ces carriers suppliaient Alberico – oralement et par lettres — de «ne plus adjuger l'Art  des marbres de Carrare», comme l'en priaient certaines personnes et des marchands gĂ©nois, «et de le rĂ©tablir dans sa liberté» (Christiane Klapisch-Zuber, Les MaĂ®tres du marbre, Carrare, 1300-1600, 1969, 1969 - books.google.fr).

 

Pierre Franqueville était né à Valenciennes en 1548. A l'âge de seize ans, en 1564, il vient à Paris, où il fait un séjour de deux ans. En 1566, il se rend à Insprück, où il passe six ans. En 1572, il va à Rome et de là à Florence, où il présente à Jean Bologne des lettres de recom-' mandation de l'archiduc Ferdinand. Il n'avait pas vingt-cinq ans. Le maître l'accueillit de grand cæur, comme compatriote, et il ne tarda pas à le distinguer. En 1574, il le désigna à l'abbé Antonio Bracci, qui le chargea d'exécuter, pour sa villa de Rovezzano, un certain nombre de statues de marbre représentant le Soleil, la Lune, Cérès, Bacchus, Flore, Zéphir, Pomone, Vertumne, Pan et Syrinx. Il fit pour la demeure de ville du même abbé les figures de la déesse Nature, de Protée et de Vénus avec un petit Satyre. Ces euvres de sa jeunesse reçurent l'approbation du maître, qui le jugea digne d'être associé à ses travaux. Lorsque Luca Grimaldi obtint du grand-duc l'autorisation de faire venir Jean Bologne à Gênes pour embellir sa chapelle, Franqueville fut du voyage, et il fit plusieurs séjours prolongés dans cette ville, où il surveilla l'exécution des six statues de marbre, des quatre évangélistes, de saint Ambroise et de saint Étienne, statues qui étaient en partie son euvre (de 1575 à 1585). Grimaldi lui fit faire en outre, pour son palais, deux statues en marbre, plus grandes que nature, représentant Jupiter et Junon. Franqueville travailla aux deux groupes célèbres de la Sabine et du Centaure; puis, dans la grande chapelle de Saint-Antonin à San-Marco de Florence, d'après les cartons du maître, aux six statues en marbre de saint Jean-Baptiste, de saint Dominique, de saint Thomas d'Aquin, de saint Antoine, de saint Philippe et de saint Édouard. Il participa encore aux travaux de Jean Bologne, dans l'exécution des fontaines surmontées des statues de Cosme Ier et de Ferdinand Ier à Pise; de la statue de Ferdinand à Arezzo; du saint Mathieu d'Orvieto. Il est difficile de distinguer les ouvrages qu'on ne doit attribuer qu'à lui seul. Faut-il compter parmi ceux-là les cinq statues de Moise et d'Aaron, de la Virginité, de l'Humilité et de la Prudence dans la chapelle Niccolini à Santa-Croce. Et, dans un autre ordre d'idées, les figures en marbre de Jason avec la Toison d'or, pour les Zanchini, d’Apollon pour les Salviati, du Printemps sur le pont de la Trinité, du Mercure aux Boboli. Il est sans doute l'auteur des deux statues de la Vie active et de la Vie contemplative qu'on voit encore dans la belle chapelle della Madona del Soccorso, à l'Annunziata, des deux côtés de la tombe de Jean Bologne. C'est le dernier et pieux hommage qu'il devait rendre à son maître avant de quitter Florence. Voici dans quelles circonstances il fut rappelé en France. Il avait sculpté en marbre, pour orner à Paris le jardin de Jérôme Gondi, un Orphée charmant les animaux féroces. En se promenant dans le jardin de Gondi, Henri IV remarqua cette statue, et manifesta le désir d'avoir l'auteur à son service. Après une courte négociation, Franqueville en 1600, à l'âge de cinquante-deux ans, quitta l'Italie et devint sculpteur du roi. Il était accompagné d'un jeune élève, Bartolommeo Bordoni, qui devint son gendre, lorsque, en 1606, il fut rejoint par sa femme et ses deux filles, Smeraida et Olympia. Franqueville mourut en 1615, à l'âge de soixante-sept ans. Il existe plusieurs portraits de ce sculpteur; le plus estimé est celui qui fut peint par Porbus. Baldinucci en cite un autre dont l'auteur est le peintre génois Giobatista Paggi (Abel Desjardins, La vie et l'œuvre de Jean Bologne, 1883  - archive.org).

 

"Nira", "trasse", "monstra", "tasses" : marbre

 

Arni si trova sul versante garfagnino alle sorgenti del torrente Turrite Secca, a nord-est del Monte Altissimo, poderoso bastione delle Alpi Apuane. Si può giungere al paese dalla Versilia passando per il Foro o galleria del Cipollaio se si proviene da Seravezza o giungendo da Massa da Pian della Fioba, attraverso il Passo del Vestito, o costeggiando il torrente Turrite Secca in direzione Castelnuovo Garfagnana da Lucca. Il paese è diviso in due parti: Arni di Sopra, o Arni propriamente detto, e Arni di Sotto, più a fondo valle, detto anche Campagrina (it.wikipedia.org - Arni (Stazzema)).

 

Tout le marbre statuaire de Carrare provient des carrières qui s'étendent de Pescina à Carpevola, de même que de l'amas du Polyaccio, lequel est entouré de marbres blancs-clairs.

Le statuaire se trouve aussi dans le territoire de Serravezza à Monte Altissimo et s'exploite à la Polla, au Saltello, à Falcovaia : la vallée d'Arni en renferme en grande quantité (Jules Alexerio, L'industrie miénrale en Italie en 1873, Revue universelle des mines, de la métallurgie, des travaux publics, des sciences et des arts appliqués à l'industrie, Volume 37, 1875 - books.google.fr).

 

Le travail d’extraction commença sous la supervision de la Versilia pour être ensuite assigné à Florence en 1513. Pour l’occasion, la famille Médicis chargea Michel Ange de recouvrir de marbre toute la façade de l’église de San Lorenzo à Florence. Michel Ange supervisa la construction d'une rue qui va de Forte dei Marmi jusqu'au sommet du Mont Altissimo, rendant possible l'accès aux carrières des Cervaiole. La façade de San Lorenzo ne fut jamais "restaurée", mais les carrières sont devenues une source d'approvisionnement de marbre pour des artistes importants tels que : Giambologna, Vasari et beaucoup d'autres encore.

 

Un fonctionnaire de Napoléon au nom de Jean Baptiste Henraux prit le contrôle des carrières en vue d'approvisionner tout l'Empire. Après la chute de Napoléon, en 1821, il conclut des accords avec un riche italien, Marco Borrini, pour constituer une société ayant pour objet le développement de la carrière et la vente de marbre. Peu de temps après le démarrage de l'activité, en 1824, les parts de société appartenant à Borrini passèrent sous le contrôle exclusif de Henraux. Aujourd'hui encore, la carrière est gérée par une S.A. qui a maintenu le nom "Henraux" (Natalia, Découvrez la Versilia, la terre du marbre, 2013  - www.charmingtuscany.com, www.rosifontana.it, Rodin: la chair, le marbre, 2012 - books.google.fr).

 

Dès 1800, Bonaparte s'intĂ©resse Ă  la production et songe Ă  en tirer parti. Alors que Carrare appartient encore au royaume d'Italie, le vice-roi Eugène de Beauharnais fonde une Accademia eugeniana pour encourager les artistes et artisans carrarais (14 aoĂ»t 1805). Henraux est sur place dès 1801, comme agent officiel chargĂ© des achats français. En mars 1806, Carrare est rattachĂ© Ă  la principautĂ© de Lucques, attribuĂ©e aux Baciocchi. Élisa comprend vite le parti que les Carrarais et son gouvernement pourraient tirer d'une exploitation organisĂ©e, susceptible de fournir des taxes douanières. Par dĂ©cret du 2 mai 1807, elle crĂ©e une Cassa di soccorso, baptisĂ©e Banca Elisiana, destinĂ©e Ă  faire des avances aux producteurs et artistes. Une taxe sur la sortie des marbres Ă©tait prĂ©vue. L'Accademia devenue Elisiana accueille des artistes Ă©trangers, fonde une galerie des meilleures Ĺ“uvres, distribue des prix (25 juillet 1807). Le 16 juillet, le montant des taxes est publiĂ© au Bulletin officiel : certaines Ĺ“uvres approuvĂ©es par l'AcadĂ©mie seront exonĂ©rĂ©es ; les bustes modernes sont taxĂ©s Ă  60 francs. Il n'est pas question d'exonĂ©rer les blocs acquis par le gouvernement impĂ©rial, alors que les blocs marquĂ©s E.F. (Empire Français) devaient ĂŞtre dĂ©livrĂ©s en franchise, en vertu d'un dĂ©cret impĂ©rial du 12 septembre 1806. Henraux veille avec soin au respect de cette franchise que le directeur de la banque, Sonolet, soucieux des intĂ©rĂŞts d'Élisa, s'efforce de contourner. Henraux et Sonolet seront en constante opposition. NapolĂ©on menacera plusieurs fois sa sĹ“ur de s'emparer des «caves» ou de les acheter ; il finit par imposer une convention supprimant tous les droits de douane avec la France, moyennant une rente versĂ©e Ă  Élisa (Revue de l'Institut NapolĂ©on, NumĂ©ro 189, 2004 - books.google.fr).

 

A Carrare fonctionnaient des ateliers où des praticiens travaillaient sans relâche à reproduire les bustes de Napoléon par Canova. Les deux autres sœurs de l'Empereur, Pauline Borghèse et Caroline Murat, ne témoignèrent pas moins d'intérêt à l'artiste (La Grande revue, Volume 109, 1922 - books.google.fr).

 

Le NapolĂ©on de Canova Ă©tait une statue en marbre blanc, de style hĂ©roĂŻque, c'est-Ă -dire nue, tenant dans la main droite une figurine de la Victoire sur le globe, la gauche appuyĂ©e sur le haut d'un sceptre ; une draperie est jetĂ©e sur le bas du mĂŞme cĂ´tĂ© ; des armes sont appendues Ă  un tronc de laurier placĂ© Ă  droite, aux pieds du hĂ©ros. La statue arriva Ă  Paris en l'annĂ©e 1803 ; en l'an 1815, elle passa en Angleterre et devint la propriĂ©tĂ© de Wellington. Il en fut fait une reproduction en bronze qui se trouve au MusĂ©e Brera, Ă  Milan (L. Courajod, Le nu hĂ©roĂŻque et acadĂ©mique, Leçons professĂ©es Ă  l'École du Louvre (1887-1896), 1903 - books.google.fr).

 

"trasse"

 

L'outil usuel du tailleur de pierre (trassayre) est jusqu'à très basse époque la trasse (trasso), outil qui laisse sur le parement de la pierre des stries parallèles très caractéristiques, obliques par rapport aux arêtes (Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volumes 66-67, 1965 - www.google.fr/books/edition).

 

Le sculpteur présentait un "modelo" ou "trassa" au client avant la réalisation de l'œuvre (Cahiers ligures de préhistoire et d'archéologie, Numéro 18, 1969 - books.google.fr).

 

"Monstre"

 

Encore, monstre peut ĂŞtre un terme de technique de marbrier :

 

Le blanc statuaire de Carrare a toujours Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme le meilleur, le plus abondant, le plus blanc, le plus dur pour la statuaire. ExploitĂ© Ă  Carrare pendant l'AntiquitĂ©, le marbre est Ă  nouveau taillĂ© et largement commercialisĂ© en Occident Ă  partir du XIVe siècle. La sculpture est dès lors tributaire de l'approvisionnement en marbre statuaire italien. Les Bâtiments du Roi cherchèrent Ă  exercer une surveillance plus ou moins directe sur le travail des carrières. La première  mention d'un envoi d'un agent français Ă  Carrare es de janvier 1661 : une lettre envoyĂ©e Ă  Fouquet mentionne un mĂ©moire sur les marbres, propose de faire tirer des matĂ©riaux d'un pays manifestement Ă©loignĂ© qui est probablement Carrare, pour exĂ©cuter un "desseing particulier" et un "grand desseing"... Un mois après la disgrâce de Fouquet, un marbrier royal Ă©tait effectivement Ă  Carrare. Le 26 octobre 1661, il Ă©tablit un rapport minutieux Ă  Colbert : "PrĂ©sentement je viens de visiter une partie de caves, dont j'en ay trouvĂ© une a laquelle on travaille pour faire tomber la moytiĂ© d'une montagne, s'il faut ainsi dire, qu'il sera toutes fois plus que bastante a nous fournir toutes nos pieces. Si les marbres rĂ©ussissent si beaux et conformes a la monstre que j'ay pris, on estime que dans 10 ou 12 jours de travail elle viendra a ba. Sy le mauvais temps des pluyes ne en empesche. Ce que j'espère avec passion affin d'y faire mettre des gens de travail tout aussy tost et tour autant qu'il en pourra travailler, pour vous les envoye tout aussy tost avec toute dignece requise ainsy que vous m'ave ordonne" (Geneviève Bresc-Bautier, HĂ©lène du mesnil, Le marbre du roi, Colloque Versailles du 29 septembre au 4 octobre 1985, Volume 2, 1985 - books.google.fr).

 

"tasses"

 

Dans un inventaire de l’hĂ´tel du connĂ©table Anne de Montmorency (1493-1567), il est rĂ©pertoriĂ© « deux tasses de marbres Â». Son monument funĂ©raire sera Ă©parpillĂ© dans la Galerie d’AngoulĂŞme, futur MusĂ©e du Louvre (LĂ©on Mirot, L'HĂ´tel et les collections du connĂ©table de Montmorency, 1920 - books.google.fr).

 

Le Louvre

 

Les collections de sculptures médiévales et modernes du Louvre constituent un ensemble incontournable pour l’étude et la compréhension de l’art statuaire, principalement du domaine français. «Cours vivant de sculpture française», comme le comte de Forbin définissait le musée de d’Alexandre Lenoir en 1816, dictionnaire des artistes majeurs et des courants stylistiques, ce département, créé en 1824, autonome en 1893, a toujours cherché à présenter des œuvres exemplaires.

 

Avec le rétablissement de la monarchie, l’affirmation du pouvoir royal s’exerce dans plusieurs directions. En premier lieu, l’ordonnance du 24 avril 1816 décide de la reconstitution du panthéon royal de Saint-Denis, en y transférant non seulement ses anciens tombeaux exposés au musée des Monuments français, mais aussi d’autres monuments royaux, princiers ou politiques. Le ministère de l’Intérieur – donc des Cultes – dirigeait les restitutions. Le 18 décembre 1816, une autre ordonnance royale supprimait le musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir, issu d’un dépôt d’œuvres d’art séquestrées sous la Révolution, dont la légitimité n’était pas établie, d’autant que Lenoir était en butte aux attaques de ceux qui soutenaient que le tombeau ou la statue religieuse perdent leur sens hors de leur contexte et sont conçus pour demeurer dans l’ombre pieuse des églises. Lenoir se recycla rapidement comme administrateur de Saint-Denis et par charrettes entières y transféra non seulement les tombeaux, mais des amoncellements de sculptures, souvent extraordinaires, qui pouvaient servir à la recomposition de nouveaux décors et de monuments factices. La suppression du musée de Lenoir imposait la restitution des œuvres aux familles lésées, ce qui intéressa peu la sculpture de la Renaissance, sinon pour les Condé qui récupérèrent l’autel d’Écouen, mais ni la Vierge de la chapelle, ni les bustes, ni les fragments architecturaux. Et le roi se préoccupa de la foi de ses futurs officiers en attribuant à la chapelle de l’École royale militaire de Saint-Cyr, la Vierge de douleur en terre cuite de Germain Pilon, que le sculpteur avait donné à la Sainte-Chapelle, et dix statues d’Apôtres de la chapelle d’Anet. Dans les bâtiments de l’ancien musée, dès lors affectés à l’École royale des Beaux-Arts, restait une sorte de réserve, où il allait être possible de puiser tant pour les embellissements de l’École elle-même, que pour le Louvre et, plus tard, pour le musée d’Histoire de France que Louis-Philippe allait créer à Versailles.

 

Louis XVIII assuma pleinement le développement du musée du Louvre, voulu par les rois avant la Révolution et régi par sa liste civile. L’ordonnance du 22 juillet 1816 organisait les musées royaux, sous la direction du comte de Forbin, placé sous l’autorité du ministère de la Maison du Roi.

 

Forbin et l’architecte Pierre-François-Léonard Fontaine envoyèrent des listes d’objets sélectionnés dont les transports s’étalèrent de 1818 à octobre 1823. Pour la Renaissance, l’essentiel provenait du musée des Monuments français, à l’exception des trois reliefs de Nymphes que Jean Goujon avait sculptés pour la fontaine des Innocents et qui en avaient été retirés lors de sa transformation. Ils furent transmis par le dépôt de la ville de Paris avec les débris de la statue équestre d’Henri IV au Pont-Neuf. En outre, il était prévu d’exposer les deux Esclaves de Michel-Ange, saisis chez le duc de Richelieu en 1792, entrés au Louvre en 1794.

 

En 1818, l’architecte Fontaine recevait l’ordre de préparer des salles destinées à la sculpture moderne au rez-de-chaussée de l’aile ouest de la cour carrée, entre le pavillon de l’Horloge et celui de Beauvais (les anciennes salles de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres).

 

En juillet 1824, après huit ans de gestation, la «galerie d’Angoulême» fut inaugurée en l’honneur du duc d’Angoulême, petit-fils du roi Charles X, héritier du trône, vainqueur de l’expédition d’Espagne. Forbin et le comte de Clarac, qui dirigeait depuis 1818 le département des Antiques, considéraient que la galerie était consacrée à la sculpture française, «à l’exception des statues de Michel-Ange et de Canova, auxquelles on ne peut refuser de place nulle part, lorsqu’on est assez heureux pour posséder de leurs ouvrages». Chacune des cinq salles est dédiée à un sculpteur français, Jean Cousin, Jean Goujon, Francheville, Germain Pilon et Pierre Puget, ce dernier étant le seul à ne pas appartenir à la Renaissance. L’accent mis sur cette période était bien souligné par Clarac puisqu’il s’agissait selon lui «des grands sculpteurs français qui ont fait renaître dans leur patrie le goût de la bonne sculpture, l’ont illustrée par leurs talents et embellie par de nombreux monuments qu’ils y ont élevés».

 

Le Louvre tira aussi de ses réserves en 1834 Birague et Valentine Balbiani par Pilon, le médaillon funéraire de Desportes et le torse de Louis XII

 

Geneviève Bresc-Bautier, La constitution de la collection de sculptures de la Renaissance au musée du Louvre, 1824-1972. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 158e année, N. 1, 2014

 

"De soif estaincts" : la fontaine Birague

 

"estaincts" peut renvoyer Ă  "s'Ă©teindre", mourir.

 

La fontaine de Birague (également appelée fontaine Sainte-Catherine) est une fontaine parisienne créée au XVIe siècle et reconstruite à deux reprises (1627 et 1707) avant sa destruction définitive en 1856. Elle était située place de Birague, devant l'église Saint-Paul-Saint-Louis, au croisement de la rue Saint-Antoine et de la rue Culture Sainte-Catherine (actuelle rue de Sévigné).

 

La fontaine doit son nom au chancelier René de Birague, qui la fit construire en 1579 pour approvisionner en eau non seulement son hôtel particulier (situé en bordure du prieuré Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers) mais également tout le quartier. Il y fit placer une inscription dédicatoire sur une plaque de marbre.

 

La fontaine était alimentée par un cours d'eau (dit «fontaine de Savy» ou Savies) dont la source se trouvait au bas de Belleville et qui desservait auparavant l'hôtel Saint-Pol. Cette fontaine monumentale, dont la forme est mal connue, comportait des sculptures d'«anges montés sur des dauphins» attribuées par Sauval à Germain Pilon. Cette attribution est d'autant plus vraisemblable que Pilon avait déjà réalisé d'autres travaux pour Birague, tels que le tombeau de son épouse Valentine Balbiani (1573) et un portrait en médaillon du chancelier (1577) (fr.wikipedia.org - Fontaine de Birague).

 

Sachant que « tassa Â» en italien correspond Ă  taxe :

 

Sous le roi François fer et ses successeurs, on vit s'élever la fontaine de la Croix-du-Traboir ou de l’Arbre-Sec, et celle de Birague, rue Saint-Antoine. Henri IV ordonna la restauration des fontaines publiques. Il frappa å cet effet d'un impôt de 7 sous 6 deniers. tournois chaque muid de vin qui entrait dans Paris. Les ivrognes crièrent, mais l'impôt fut payé. Henri IV fit également construire près du Pont-Neuf les pompes de la Samaritaine, sous la direction du flamand Lintlaer. Cette opération souleva de grandes difficultés parmi les échevins et la prévôté des marchands (Journal de chimie médicale, de pharmacie et de toxicologie, Volume 3 ; Volume 9 ; Volume 29, 1853 - books.google.fr).

 

"le fort... vielliard"

 

Milon de Crotone vivait au 6e s. avant J.-C. D'une force et d'une voracitĂ© prodigieuses, il vainquit 6 fois aux jeux Olympiques. Parfois il s'entourait la tĂŞte d'une corde, puis retenait sa respiration : le sang se portant Ă  la tĂŞte lui gonflait alors tellement les veines que la corde se rompait. Un autre jour, ayant parcouru le stade un taureau sur ses Ă©paules, il le tua d'un coup de poing et le mangea. Sa mort fournit Ă  Puget le sujet du magnifique groupe de marbre aujourd'hui au Louvre : devenu vieux, il voulut fendre avec ses un tronc d'arbre crevassĂ© , mais les bords de la fente se rapprochèrent et lui emprisonnèrent les mains (Italie, Guide Michelin, 1961 - books.google.fr).

 

Bloc de marbre délivré à Toulon après le 26 décembre 1670 par Colbert (1619-1683), surintendant des Bâtiments du roi. Dessin adressé au roi avant le 26 juin 1671, pour l'exécution approuvée en 1672. Était placé inachevé dans le jardin de la maison du Roi à Toulon, en 1679. Envoyé à Marseille sur ordre de la Cour, en août 1681. Contrat d'achèvement, 29 septembre 1682. Achevé en novembre 1682. Transporté de Marseille à Toulon en janvier puis de Toulon au Havre en 1683, par contrat de nolis du 4 février 1683. Dévoilé dans le parc du château de Versailles et placé à l'entrée de l'Allée royale, avant le 19 juillet 1683. Versailles, musée spécial de l'École française, 1802 [notice de l'an X, n° 354]. Affecté à Paris, au jardin du Luxembourg, par décision du 3 novembre 1797 (sans suite). Entré au Louvre pour la galerie d’Angoulême par autorisation de mars 1819 (collections.louvre.fr).

 

"resveur" : présomptueux

 

Milon de Crotone, les bras pris dans l'arbre, se débat, le lion le dévore; c'est l'agonie de la présomption inintelligente et aveugle qui a cru dans ses muscles et dans ses poings; la force pure est vaincue. C'est d'un effet terrible. Je ne sais quelle idée effrayante et fatale se dégage, à l'insu peut-être du sculpteur lui-même, de ce sombre poëme. C'est la nature qui se venge de l'homme, la végétation et l'animal qui font cause commune, le chêne qui vient en aide au lion (Le Rhin: lettres à un ami, Tome 1, 1842 - books.google.fr, François Raynouard, Lexique roman ou Dictionnaire de la langue des troubadours, Tome 2, 1844 - books.google.fr).

 

Acrostiche : DDLA, daedala

 

daedala : faite artistiquement (Gaffiot).

 

La légende fait de Dédale un artiste aux activités multiples, architecte du Labyrinthe en Crète, inventeur d'instruments divers, et surtout sculpteur à qui la statuaire grecque est redevable de ses progrès décisifs. Il passe pour être l'auteur de nombreux xoana, les plus anciennes statues de culte en Grèce, et Platon évoque de façon pittoresque le caractère déconcertant de ses œuvres : leur mobilité était telle qu'elles s'enfuyaient lorsqu'elles n'étaient pas attachées. Quant à Pausanias, il mentionne à plusieurs reprises des statues de Dédale et se dit frappé par leur aspect étrange et inspiré. Pour son œuvre de sculpteur, il n'est donc question que du travail du boisé. Le terme xoanon désigne, en effet, la pièce de bois «rabotée», plus ou moins grossièrement sculptée, et ne concerne nullement une technique du métal (Françoise Frontisi-Ducroux, Dédale et talos. Mythologie et histoire des techniques, Revue historique, Volume 243, 1970 - books.google.fr).

 

Dipænus et Scillis de Crète furent, vers 580, les premiers sculpteurs en marbre, et ils passent pour être de l'école de Dédale ou statuaires du premier style. Byzès de Naxos, architecte et statuaire, découvrit des carrières de marbre du mont Pentélé (marbre appelé pantélique) vers la XIVe olympiade (600 ans avant Jésus-Christ). Ses concitoyens lui érigèrent plusieurs statues en reconnaissance (L. Vaffier, Histoire de la statuaire, 1862 - www.google.fr/books/edition).

 

Et de quel hĂ©ros eĂ»t-il Ă©tĂ© plus Ă  propos de raconter les aventures et les bienfaits au peuple marin des PhĂ©aciens, que de ce DĂ©dale, inventeur des voiles, de la statuaire et d'une foule d'instrumens, et auquel, lui devant en partie leur commerce et leurs richesses, ils auraient Ă©tĂ© ingrats de ne pas Ă©lever des autels et des temples. On ne comprendrait pas qu'Homère eĂ»t nĂ©gligĂ© de mettre DĂ©dale parmi les hĂ©ros qui, dans les enfers, se pressent autour d'Ulysse. Quel autre pouvait mieux convenir Ă  ce roi voyageur que celui auquel on a fait jouer un si grand rĂ´le dans l'histoire de PasiphaĂ© et de son père Minos, l'un des juges des enfers ?

 

De l'unique vers où il soit question de Dédale, la plupart des commentateurs le croient avoir été intercalé par quelque poëte de l'école d'Alexandrie, ainsi que le pense aussi un de nos plus habiles et ingénieux critiques, mon savant ami M. Letronne (Charles Othon Frédéric Jean Baptiste comte de Clarac, Musée de sculpture antique et moderne (Louvre), Tome 3, 1850 - books.google.fr).

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