Le Retour des Cendres et le Retour de l’Île d’Elbe Sisteron IV, 83 1839-1840 Combat nocturne le vaillant capitaine, Vaincu fuyra peu
de gens profligé: Son peuple esmeu, sedition non vaine. Son propre filz le
tiendra assiegé. La disparition d'Henri II et la faiblesse de ses
successeurs permirent l'ouverture d'une des plus grandes crises de l'histoire de
France, les guerres de religion. Dès 1559, les incidents, qu'une autorité ferme
étouffait jusque là rapidement, dégénérèrent. A
Castellane, les frères Richieu de Mauvans
avaient appelé un ministre luthérien ; une émeute catholique le chassa. L'un
des frères Richieu, Antoine, alla protester à Draguignan
auprès du lieutenant du sénéchal ; il fut lynché et son corps salé, transporté
Ă Aix par ordre du Parlement pour servir d'exemple. En mai 1560, Salon vit
pendant cinq jours une bande pourchasser les Réformés. La conjuration d'Amboise
permit Ă ceux-ci d'envisager leur vengeance. Pendant l'Ă©tĂ© 1560, ils tinrent Ă
Mérindol une assemblée pour préparer le soulèvement. L'autre frère Richieu, Paul de Mauvans,
rassembla deux milles hommes avec lesquels il essaya de surprendre Aix par
ordre du Parlement pour servir d'exemple. En mai 1560, Salon vit pendant cinq
jours une bande pourchasser les RĂ©formĂ©s. La conjuration d'Amboise permit Ă
ceux-ci d'envisager leur vengeance. Pendant l'été 1560, ils tinrent à Mérindol
une assemblée pour préparer le soulèvement. L'autre frère Richieu,
Paul de Mauvans, rassembla deux milles hommes avec
lesquels il essaya de surprendre Aix et Pertuis ; il Ă©choua en mĂŞme temps que
les conjurés manquaient leur coup sur les bords de la Loire. Il se jeta sur la
Haute Provence, saccageant les Ă©glises, commettant toutes sortes de violences.
Les paysans catholiques s'armèrent pour lui résister. La guerre était commencée
(novembre 1560). Mauvans se réfugia à Saint-André-lès-Alpes ; le comte de Tende, gouverneur de
Provence, dont la femme Ă©tait protestante, le persuada d'en partir. Il vint
occuper Malaucène où le chef dauphinois Montbrun le rejoignit. Mais le légat
d'Avignon n'avait pas pour les hérétiques la même mansuétude que Tende ; une
troupe commandée par le célèbre baron des Adrets, qui n'avait pas encore adhéré
à la Réforme, vint reprendre la place au début de 1561. Une autre menace se
précisait au nord. Orange appartenait depuis 1530 à la maison de Nassau qui y
favorisait les partisans des idées nouvelles. En 1561 ceux-ci, sous la conduite
de Perrinet Parpaille, primicier de l'Université, pillèrent la cathédrale et se
rendirent maîtres de la ville. Ce soulèvement cristallisa le mouvement
catholique en Provence, Lorsqu'en janvier 1562, Catherine de Médicis promulga un édit de tolérance, le premier consul d'Aix, Pontevès-Flassans, rassembla une bande et alla population
protestante de Tourves. Le comte de Crussol, envoyé pour assurer l'exécution de l'édit, et le
comte de Tende le poursuivirent jusqu'Ă Barjols oĂą eut lieu cette fois un
massacre de catholiques. La Réforme semblait prendre le dessus. Mais la reine mère,
entendant tenir la balance égale, envoya à Aix comme lieutenant général le
propre fils du comte de Tende, le comte de Sommerive,
catholique convaincu. La chance tourna de nouveau. Sommerive
rejoignit le gĂ©nĂ©ral Serbelloni, commandant Ă
Avignon, balaya les bandes qui infestaient le Comtat et s'empara d'Orange en
juin 1562. Parpaille fut capturé peu après et exécuté
en septembre ; son nom a survécu jusqu'à nos jours dans le sobriquet de «parpaillots» donné à ses coreligionnaires. En représailles de la prise
d'Orange, le baron des Adrets, passé du côté des rebelles, enleva Mornas, y fit un affreux massacre et embarqua les corps des
chefs dans un bateau qu'il lança sur le Rhône avec cette inscription « Gens
d'Avignon, laissez passer ces marchands, car ils ont payé le péage à Mornas. » Sommerive, ayant dégagé
la vallée du Rhône, poursuivit sa campagne vers la Provence orientale. Le comte
de Tende, Mauvans, et ses cinq mille soldats, se
réfugièrent dans Sisteron où ils furent assiégés ; au bout de deux mois, faute
de munitions, ils durent s'enfuir de nuit avec une partie de la population pour
gagner Lyon après une longue retraite par les montagnes. Sisteron fut prise
d'assaut le lendemain et sa garnison
massacrée (6 septembre 1562) ; la violence répondait à la violence, mais la
Provence était « purgée » de tous les protestants. L'opinion publique leur
était d'ailleurs défavorable, Sommerive épurait
l'administration, malgré l'opposition de son père le gouverneur (celui-ci, cousin
germain de François 1er, était intouchable quelles que fussent ses opinions).
Les Marseillais obtenaient du roi que leur ville soit exemptée de l'édit de
tolérance et que les prêches y fussent interdits. Lorsqu'un nouvel édit de
pacification fut rendu Ă Amboise, en mars 1563, le Parlement refusa de
l'enregistrer et préféra être suspendu Auxerre IV, 84 1840 Un grand d'Auxerre mourra bien miserable. Chassé de ceux qui soubs
luy ont esté: Serré de chaines, apres
d'un rude cable, En l'an que Mars, Venus et Sol mis en esté. Oublié, abandonné de ses proches, n'ayant ni femme ni enfants pour veiller à son salut, ou pour le pleurer, il languit dans sa prison à Grimont sur Poligny jusqu'au 27 février 1370, où la mort, plus miséricordieuse, vint le délivrer de tous ses maux. C'était un mercredi, premier jour de carême ; on descendit le cadavre du comte d'Auxerre dans l'église des Jacobins de Poligny, où les religieux, aidés de quelques clercs, chantèrent pour le défunt une messe de Requiem ; on brûla, pour son luminaire, 54 livres de cire ; on distribua au clergé 16 florins 7 gros 8 engrognes, et le fossoyeur qui creusa sa tombe, Jean Bon Ami, reçut 9 gros pour l'ensevelir. Quand la comtesse Marguerite apprit la mort de son cousin, qui venait à point la libérer d'un grand souci, elle donna généreusement, en aumône, aux Jacobins de Poligny, qui avaient prié pour son âme, une somme de 37 livres 10 sous, qui les aida à terminer leur église. Aucune pierre n'y marqua la sépulture de Jean IV, marqua la sépulture de Jean IV, comte de Chalon-Auxerre, du chevalier intrépide qu'avait admiré Duguesclin, et que son pays, son propre sang, avaient poursuivi et puni comme un traître, sans tenir compte de ses exploits. Un an plus tard, le comté d'Auxerre était vendu à la France par Jean III de Chalon-Auxerre, père du prisonnier de Grimont, en état d'imbécillité depuis dix ans et qui, jusqu'en 1379, se survécut à lui-même. La politique de Charles V et de Philippe le Hardi avait atteint son but; Marguerite avait rendu à la France un signalé service, en laissant périr à trente-cinq ans, dans le cachot de Grimont, le dernier comte d'Auxerre (Jules Gauthier, La mort de Jean IV de Chalon-Auxerre, Procès-verbaux et mémoires, Académie des sciences , belles-lettres et arts de Besançon, 1900 - archive.org). "rude cable" Le mot "cable" vient
du latin "capulum" corde, lasso, longe
selon Isidore de SĂ©ville (Gaffiot). le mot "rude" vient du
latin "rudis", grossier. On a aussi "rudens -entis" pour câble.
"câble câble" ou
double corde utilisée dans l'escalade (cf. la double corde utilisée par les
auteurs de l'attentat de la "machine infernal" contre Louis Philippe
en 1835) Autour de Jean, le seul changement qu'il pût entrevoir
Ă©tait le changement de ses geĂ´liers. Le 26 mai, Perrenin
de Santans, le receveur, fut remplacé par Étienne
Vincent; le 1er novembre, Jean le Merlet de Frontenay céda son poste à Philippe de Méry,
nommé châtelain de Poligny. Mais dans la seconde quinzaine de septembre, Jean
de Chalon avait essayé de s'évader. En découpant en lanières une couverture,
quatre draps et des serviettes, il avait tenté de fabriquer une corde assez
solide pour descendre dans les fossés du château. Avait-il des complices ? devait-il trouver, une fois sorti, des chevaux et une
escorte ? La tentative avorta, et le régime infligé au prisonnier dut devenir
plus sévère et les consignes plus inflexibles. Cette tentative manquée
détermina le changement du capitaine de Grimont. Dès
le 7 novembre 1369, un ordre de Marguerite prescrivit à Philippe de Méry de se rendre de suite à Paris auprès d'elle ; et ce
fut de sa propre bouche qu'il reçut des instructions précises sur la
surveillance rigoureuse de Jean de Chalon-Auxerre ; le 24 novembre, il était à Grimont, qu'il ne quitta plus. Abattu par l'insuccès de son
évasion, découragé, blessé sans doute ou malade, Jean ne renouvela plus le
moindre effort "En l'an que
Mars, Venus et Sol mis en esté" Le comte d'Auxerre Jean IV de Chalon aurait eu une
affaire de justice avec l'Université de Paris et aux écoliers du collège de
Laon et de Saint Malo mais en 1372 Le comté d'Auxerre fut acheté, en 1374, pour 40,000 liv.
d'or par Charles V, roi de France, de Jean de Châlons,
comte d'Auxerre et de Tonnerre. Louis de Châlons,
comte de Tonnerre, céda à son tour, en 1404, selon les uns, en 1411, selon les
autres, ce comté à Charles VI, pour éteindre un procès en retrait lignager
intenté par lui contre le procureur général. Coquille affirme cependant
(Histoire du Nivernais, p. 417) que ce procès n'a jamais été vidé, et est
demeuré indécis à cause des troubles sous Charles VI Cerveau fait mourir Jean IV, qu'il appelle Jean V, en
1373, ainsi que Corsaint, mais Quantin
en 1378/1379. Louis Ier serait le frère de Jean IV et non son fils Tout ce qu'ont dit les Poètes de l'adultère de Mars &
de Venus, & de la façon dont il a été découvert a été tiré de la fréquente conjonction
de ces deux Planètes. C'est le Soleil qui trahit l'infidélité auprès du mari de
Vénus, Vulcain Au sujet de la datation d'un écrit du poète anglais
Chaucer, on peut lire : In 1374 both planets are in Gemini, and eight
degrees apart; the daily motion of Venus is +62'31", that of Mars is
+34'54";' Venus will therefore overtake Mars in about sixteen days, when
he is just entering Cancer Cancer est le signe de début de la saison d'été. Typologie « Perle de la Haute-Provence », Sisteron baigne sous un
soleil méditerranéen et un décor déjà alpin. Attardez-vous à la cathédrale
romane Notre-Dame des Pommiers et flânez sur les petites places ornées de
fontaines. Vous y ressentirez le rythme de vie provençal. La Citadelle de
Sisteron abrite un musée qui évoque le retour de Napoléon de l'île d'Elbe en
1815 A Sisteron aucune mesure ne fut prise. Cambronne, qui
précédait Napoléon avec une avant-garde de quarante hommes, s’empara, le
dimanche 5 mars, Ă deux heures du matin, du pont et de la citadelle: la petite
garnison qui occupait ce poste l’avait évacué. Le général Cambronne rencontrant
dans la ville le chef de bataillon Laidet, alors aide
de camp du général Dubreton, lui dit en déjeunant
avec lui : "Un défilé comme celui—là et quelqu’un comme vous pour le
défendre, et nous ne passions pas." Mais le chef de bataillon Laidet ne commandait point à Sisteron, où il n'était qu'en
passant; tout ce qu'il pouvait faire Ă©tait de refuser d'ĂŞtre prĂ©sentĂ© Ă
l'Empereur, en exprimant sa rĂ©solution de rejoindre son gĂ©nĂ©ral, qui Ă©tait Ă
Valenciennes; c'est ce qu'il fit Ajoutons à cette relation un mot sur le capitaine de Laidet. Cambronne qui le connaissait, et qui avait été
instruit de ses projets de résistance au passage de l'Empereur, alla le trouver
peu après son arrivée. « Capitaine, lui dit-il, vous êtes cause que nous avons
fait une marche forcée, cette nuit. Vos projets que nous connaissons, et votre
mauvaise tête nous donnaient de l'inquiétude. Enfin tout va bien, et j'espère
que vous allez être des nôtres. » La résolution de Laydet
fondée sur l'honneur, était invariable: il résista aux instances de Cambronne et
de Bertrand Joseph Guillaume Fortuné de Laidet,
né à Sisteron en 1780, mort en 1854, est l'organisateur d'une tentative de
résistance lors du retour de Napoléon. Laidet suit les campagnes
d'Espagne et se fait remarquer au siège de Burgos comme chef de bataillon, puis
comme Lieutenant-Colonel. En 1815, après l'épisode de Sisteron où il se trouvait
en congé, il rejoint son corps à Valenciennes, fidèle de Louis XVIII à Gand, il
est colonel (1823). En 1827 Laidet se lance dans la
politique; le voilà député Libéral des Basses-Alpes en 1827 jusqu'en 1846,
alors qu'il Ă©tait Colonel depuis 1823. Le 17 septembre 1830 il obtient le grade
de MarĂ©chal-de-camp; en 1832 il participe dans les forces de l'ordre Ă
l'insurrection, il se distingua Ă la prise de Saint-Merry;
il est ensuite envoyé en mission en Algérie en 1839 ; général de division
(1840), à la retraite, député des BA (1848 — réélu 1849), opposé au coup d'état
de 1851 et exilé de France (janvier-août 1852) Les Annales des Basses-Alpes ont édité, en avril et en
août 1840, une relation du retour de Napoléon, inspirée en partie par
Montholon, las Cases et surtout par Fabry, en ce qui concerne le département. Les
mêmes Annales des Basses-Alpes ont publié, en juillet 1843, une notice sur le
passage de Napoléon à Sisteron, écrite, en 1838, par M. de Gombert, maire de
cette ville en 1815. Ce récit, bien qu'émanant d'un royaliste avéré et écrit
plus de vingt ans après l'événement dans le but de réfuter en partie les
assertions contenues dans les histoires de Beauchamp, Lubis,
Michaud et de Norvins, paraît exact dans l'ensemble Louis-Philippe organise le « retour des cendres » (1840),
et le tombeau des Invalides devient un lieu de pèlerinage. Le nom du grand empereur
favorisera la carrière de son neveu Marius Autric était officier d'ordonnance de Napoléon Ier, né à Champtercier en 1794. Dans sa marche audacieuse du
Golfe-Juan à Paris, Napoléon s'arrêta quelques heures à Digne et s'informa des
officiers de l'ancienne armée qui se trouvaient dans les environs. On lui parla
avec Ă©loges d'un sous-lieutenant des chasseurs, neveu du colonel Desmichels.
Cet officier Ă©tait Autric; l'Empereur le fit appeler
et le nomma sur-le-champ son officier d'ordonnance (ou Ă Sisteron). Le jeune
sous-lieutenant, enthousiasmĂ© par cette nouvelle faveur, se dĂ©voua uniquement Ă
son nouveau souverain. Il suivit sa marche triomphante jusqu'Ă Paris, et plus
tard fit partie de son état-major dans les champs funèbres de Waterloo. M. Autric se distingua dans cette triste journée, et obtint
une des dernières croix d'honneur que distribua le créateur de cette noble
institution. Les événements qui suivirent interrompirent la carrière militaire de
M. Autric; mais il n'abandonna point son chef avec la
fortune. Napoléon l'avait désigné pour l'accompagner à Sainte-Hélène, et il
accepta ce brevet d'exil, comme un insigne bienfait; mais la haine anglaise, minutieuse
et tracassière dans ses persécutions, ne lui permit pas d'accomplir ce
volontaire sacrifice. La suite de l'Empereur fut limitée. M. Autric, les généraux Savary, Lallemand et quelques autres
braves furent contraints de se séparer de l'homme auquel ils avaient voué leur
vie. Avant son départ, le jeune officier fut embrassé par Napoléon et reçut de
lui une lettre. Les autoritĂ©s anglaises s'y opposèrent et l'incarcĂ©rèrent Ă
Malte. Evadé, il fut à son arrivée à Toulon, placé sous la surveillance de la
police qui le fit emprisonner à Carcassonne. Le ministère Decaze
le rendit à la liberté ; il retourna ensuite dans ses foyers où il s'adonna exclusivement
aux travaux agricoles C'est Ă Auxerre que le prince de la Moskowa
rejoignit l'Empereur. Le maréchal Ney se trouvait en Normandie lorsque la
nouvelle du débarquement de l'île d'Elbe était arrivée aux Tuileries. Louis
XVIII le fit appeler pour lui confier le commandement du petit corps d'armée
réuni à Besançon. Ney promit au roi d'arrêter Napoléon, et, dit-on, de le lui
amener dans une cage de fer. Le maréchal était de bonne foi, mais il ne put
résister à l'entraînement des troupes. Obligé, par le soulèvement de ses
soldats, de les abandonner ou de les conduire Ă l'Empereur, il prit ce dernier
parti. ArrivĂ© le soir Ă Auxerre, il fit demander, par le comte Bertrand, Ă
l'Empereur la permission de justifier, par Ă©crit, la conduite qu'il avait tenue
avant et depuis les événements de Fontainebleau Ce fut à Auxerre que, pour la première fois, Napoléon fut
reçu par un préfet le 18 mars 1815 ; et ce préfet était le beau-frère du
maréchal. L'Empereur qui passa en revue le 14e de ligne sur la place, logea à la
préfecture où il trouva, dans les salons, le buste de l'impératrice, celui de
son fils et son portrait en pied, à leur place accoutumée, comme si rien n'eût
été changé, et que l'exil à l'île d'Elbe n'eût été qu'une absence momentanée Le lendemain, le 19 mars 1815, Louis XVIII prit le chemin
de l'exil vers l'actuelle Belgique, ce qui lui valut le sobriquet de « notre père de Gand » «Tôt ou tard, confia le roi à ses proches, cela [le
retour des cendres] aurait été arraché par les pétitions. J'ai mieux aimé
octroyer. Il n'y a pas de danger. La famille [Bonaparte] est sans importance.»
La preuve en fut administrée quelques semaines plus tard lorsque, le 6 août, le
prince Louis-Napoléon – le futur Napoléon III – débarqua à Boulogne-sur-Mer
pour ce qui devait être le point de départ d'une sorte de répétition du retour
de l'Ă®le d'Elbe. Ce pronunciamiento Ă©choua aussi lamentablement que celui dĂ©jĂ
tenté par le neveu de l'Empereur à Strasbourg en 1836 [cf. quatrain IV, 85]. Au
fond, l'idée que l'on pouvait se réclamer de la légitimité de Napoléon, même si
l'on était de son sang, ne venait à personne. L'empereur des Français brillait
au firmament de l'histoire de France d'un
éclat unique : pas plus qu'il n'y avait eu de Napoléon II, il n'y aurait de
Napoléon III. Le retour des cendres ne présentait dès lors que des avantages. A
Londres, l'ambassadeur de France, qui n'Ă©tait autre que Guizot, obtint
facilement le consentement amusĂ© du cabinet britannique. «Qu'importent Ă
l'Angleterre de vieux ossements», d'autant moins qu'en Orient la crise était
proche de son terme et tournait à son à son entière satisfaction. Thiers se
frottait les mains. Le seul Ă faire grise mine Ă©tait le prince de Joinville,
qui voyait sa mission comme une corvée et répugnait à faire «le croquemort»
pour complaire à ce petit bonhomme de Thiers Dans la France du XIXe siècle, l'entrée royale apparaît
comme une cérémonie surannée que la Révolution, et en particulier le 21 janvier
1793, a rendue périmée. Ce moment qui marque la rencontre d'un souverain et
d'une ville, de son corps constitué et de sa population, organisé dans une
articulation de symboles religieux, politiques et militaires, prend désormais
la forme d'un revival dévitalisé de sa force perlocutoire. Mais elle constitue
en même temps l'objet d'un désir, celui de retrouver une image du souverain,
dans sa gloire et dans son aura religieuse. Dans les représentations, deux
moments sont venus combler ce désir, établissant un accord entre le souverain
et le public : le retour de l'île d'Elbe où Napoléon remonte de Toulon aux
Tuileries, et le retour des Cendres le 15 décembre 1840, où sa dépouille
mortelle est ramenée de Sainte-Hélène aux Invalides. Or, ce qui caractérise ces
deux « entrées » dans Paris, c'est qu'elles n'ont pas été planifiées: lors du
retour de l'île d'Elbe, des canons aux ordres des Bourbons, et non un triomphe,
devaient accueillir Napoléon, et le retour des Cendres a d'abord été pensé
comme des funérailles. C'est la population qui, dans son enthousiasme, a
transformé ces deux retours en entrées triomphales. Particulièrement
intéressant à cet égard, le retour des Cendres oppose deux figures de la
souveraineté, pas été planifiées: lors du retour de l'île d'Elbe, des canons
aux ordres des Bourbons, et non un triomphe, devaient accueillir Napoléon, et
le retour des Cendres a d'abord été pensé comme des funérailles. C'est la
population qui, dans son enthousiasme, a transformé ces deux retours en entrées
triomphales. Particulièrement intéressant à cet égard, le retour des Cendres
oppose deux figures de la souveraineté, au moment même où règne l'ultime
souverain non élu, si l'on admet que Napoléon III a, dans un premier temps, été
porté à la présidence par l'élection de 1848 : moment donc de passage du
souverain héréditaire au président élu. C'est dans ce contexte que le retour
des Cendres devient une cérémonie ambivalente dont la signification varie selon
les opinions politiques : funérailles en France d'un souverain mort et enterré
dans une île du Pacifique, translation au panthéon des cendres d'un grand homme
dans un rituel mis en place par la Révolution, triomphe d'un général dont on
rappelle les victoires et entrée d'un empereur dans sa capitale. Le retour des
Cendres c'est tout cela à la fois ou, plus précisément, une cérémonie
palimpseste où l'entrée royale resurgit sous le texte des funérailles. Les
contemporains ont eu conscience des brouillages et des ambiguïtés générés par
cette journée. Ainsi, la duchesse de Dino, bien qu'absente de Paris le 15
décembre, affirme: « J'ai écrit pour qu'on fît voir ce spectacle à Boson, mon
petit-fils ; quelque mal conçue, incohérente, contradictoire et ridicule par
les circonstances que soit cette cérémonie, l'arrivée solennelle de ce
cercueil, revenant de Sainte-HĂ©lène, sera une chose très imposante ». Face Ă
une figure qui échappe à la classification - continuateur de la révolution et
tyran, législateur et chef de guerre - il eût été impossible d'échapper aux
incohérences et aux contradictions. Mais les ambiguïtés de cette cérémonie n'en
sont pas moins révélatrices de la crise de la figure du monarque et des
réponses qui ont été esquissées |