Le futur Napoléon III et les soulèvements italiens de 1831

Le futur Napoléon III et les soulèvements italiens de 1831

 

IV, 73

 

1831-1832

 

Le nepveu grand par force prouvera,

Le pache fait du cĹ“ur pusillanime :

Ferrare & Ast le duc esprouvera,

Par lors qu’au soir sera le pantomime.

 

"pantomime"

 

La cour de Ferrare fut la première à ajouter à la pièce de théâtre des intermèdes entre les scènes. Il s’agissait de pantomimes, accompagnées de musique et de danses. Zambotti ne manque pas d’en remarquer la grande richesse décorative et thématique. Ces intermèdes prirent une importance particulière lors des comédies jouées à l’occasion du carnaval en février 1499. Plus de deux cents costumes avaient été confectionnés pour les spectacles où les intermèdes, à thématique mythologique, furent si merveilleux qu’ils surpassèrent les comédies elles-mêmes. Ils gagnèrent en sophistication lors des festivités données en l’honneur du mariage d’Alphonse Ier d’Este avec Lucrèce Borgia en 1502. Comme nous l’indique une lettre d’Isabelle d’Este, les spectacles donnés à cette occasion accueillirent pas moins de cinq mille spectateurs, témoignant du succès sans précédent de ce genre de festivités à cette époque. Avec les décors, les danses et les chants, le spectacle devenait global. À tel point que le duc voulut même créer une salle dédiée exclusivement au théâtre, dont on a une unique mention en tant que Sala dalle Comedie, où avait été construite la première scène permanente de la Renaissance en 1504. Ferrare acquit bientôt une renommée hors des frontières sur la qualité de ses spectacles dont les intermèdes faisaient les beaux jours des correspondances épistolaires. Près de quatorze pièces classiques sont jouées à Ferrare entre 1486 et 1505 en plus des drames sacrés. Les comédiens de la cour d’Hercule Ier se déplaçaient même dans d’autres cours, prouvant ainsi le leadership des Este en termes de théâtre et de divertissement à cette époque dans le nord de l’Italie.

 

Les comédies, classiques et modernes, étaient jouées le plus souvent pendant la période du carnaval. A Ferrare, les comédies de L’Arioste connurent un grand succès et étaient régulièrement représentées à chaque grande occasion. Elles vont notamment faire leur entrée dans l’univers du banquet à la cour des Este, lieux privilégiés des jeux de métamorphoses et d’illusion dans lesquels apparaissent tous les ingrédients de la fête, à savoir un espace scénique, les intermèdes, les chants, les bals, les décors éphémères, les machineries, les effets de scènes et les figures hybrides comme les monstres marins. Ces banquets, à partir des années 1530, prennent une tournure festive exceptionnellement raffinée et peuvent être regardés comme un prélude aux grandes mises en scène des fêtes des années 1560 (Julie Chaizemartin, LES ARTS EPHEMERES A FERRARE A LA RENAISSANCE : ENTRE TRADITION DYNASTIQUE ET INNOVATIONS ARTISTIQUES, Le Verger – bouquet 06, novembre 2014 - cornucopia16.com).

 

"Asti... esprouvera"

 

"esprouver" : juger, trouver, estimer (Simone Glasson, Les Prisons de Marguerite De Navarre, 1978 - books.google.fr).

 

De ceux que l'Ă©croulement de la puissance française en Italie frappait dans leurs intĂ©rĂŞts, le plus gravement atteint Ă©tait le duc Alphonse de Ferrare il se trouvait complètement dĂ©sarmĂ©, Ă  la discrĂ©tion du Pape. Il ne lui restait plus qu'Ă  essayer de sauver sa situation avec le moins de dommages possible. Sachant qu'il pouvait compter sur l'amitiĂ© des Colonna et de son beau-frère, Gonzague de Mantoue, et muni d'un sauf-conduit accordĂ© par le Pape, il se prĂ©senta en personne Ă  Rome, le 4 juillet 1512. Le Pape se dĂ©clara disposĂ© Ă  lever les censures ecclĂ©siastiques, Ă  condition qu'Alphonse renonçat Ă  la possession de Ferrare : il lui offrait Asti comme compensation. Les Colonna firent de vains efforts pour obtenir des conditions plus douces. Alphonse comprit bientĂ´t qu'il n'Ă©tait plus en sĂ»retĂ© Ă  Rome. Il redoutait, non sans raison, que Jules II ne le fit arrĂŞter et jeter en prison malgrĂ© son sauf-conduit. Il rĂ©ussit Ă  s'Ă©chapper, grâce Ă  la complicitĂ© des Colonna (Ludwig Freiherr von Pastor, Histoires des papes depuis la fin du Moyen Age, Tome 6, 1898 - books.google.fr, J.B. Gabarra, Quelques mots sur le pape Jules II, Revue du monde catholique, Volume 13, 1866 - books.google.fr).

 

Alphonse de Ferrare mettra en balance Asti et Ferrare.

 

Les neveux

 

Gaston de Foix était Duc de Nemours, fils de Jean de Foix et d'Isabelle de France, sœur de Louis XII, enfin frère de la reine d'Espagne, Germaine de Foix, que Ferdinand avait épousée en 1504. [...]

 

Toujours combattant et toujours victorieux malgrĂ© la dĂ©sertion d'un grand nombre de ses guerriers qui, enrichis par le pillage de Brescia, ont repris le chemin de la France, Gaston de Foix court mettre le siĂ©ge devant Ravenne; Raymond de Cardonne vient la secourir avec une armĂ©e composĂ©e d'Espagnols et de Napolitains, appuyĂ©s par les forces papales. Les assiĂ©geants fondent sur elle, lui tuent douze mille hommes, font prisonniers la plupart de ses chefs et la dispersent entièrement. La bataille gagnĂ©e, Gaston, qui a portĂ© les premiers coups, combat encore. A la tĂŞte de vingt-cinq chevaliers, il s'Ă©lance Ă  la poursuite d'un corps d'Espagnols, l'atteint, l'arrĂŞte un moment et tombe frappĂ© d'un coup mortel (avril 1512). Ravenne et les villes environnantes capitulèrent leur reddition ne devait ĂŞtre pour la France qu'un hommage funèbre rendu Ă  l'intrĂ©pide neveu de Louis XII; les paroles que la douleur arracha Ă  ce dernier, lorsqu'il apprit le suc cès de la journĂ©e de Ravenne et la mort de Gaston : "Dieu nous garde de pareilles victoires !" devinrent une prophĂ©tie trop tĂ´t rĂ©alisĂ©e (Jules Rostaing, Histoire de France depuis l'annĂ©e 420, 1857 - books.google.fr).

 

En 1512, le duc de Ferrare, Alphonse d'Este, Ă©tant allĂ© Ă  Rome s'excuser auprès de Jules II d'avoir pris les armes contre lui, fut retenu prisonnier par ce pape. Mais ayant trouvĂ© le moyen de fuir, il en profita et revint dans ses Ă©tats. De retour Ă  Ferrare, il eut peur. Jules II Ă©tait un pape terrible; il fallut l'apaiser. Le duc ne voyant personne parmi ses courtisans qu'il pĂ»t charger de cette pĂ©rilleuse mission, choisit l'Arioste dans la maison de son frère. Un poĂ«te est chose lĂ©gère et qu'on expose sans façon. Le prince comptait d'ailleurs sur l'imagination fertile du poĂ«te. L'Arioste se fĂ»t dĂ©fendu volontiers d'un tel honneur; depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  il ne vivait plus que dans le monde des paladins : il Ă©crivait le ROLAND FURIEUX.

 

Le poĂ«me de Bojardo avait remis en goĂ»t de chevalerie toutes les imaginations italiennes. L'Arioste, Ă©pris de bonne heure de ces merveilleux rĂ©cits, Ă  force de vivre avec ces hĂ©ros de la fable moderne, se mit de la partie, et, comme un autre enchanteur, leur suscita de nouvelles aventures. La mission d'Alphonse le surprit au plus bel endroit du roman, et il Ă©prouva pour son compte le dĂ©sappointement qu'il se plaĂ®t si fort Ă  faire Ă©prouver Ă  ses lecteurs. Il lui fallut quitter Roger et Bradamante pour paraĂ®tre devant un souverain irritĂ© qui n'avait rien, hĂ©las! de la mansuĂ©tude de Charlemagne. Il se mit donc en route et entra dans Rome, bien en peine de savoir comment il aborderait le pape. On lui dit que Jules Ă©tait Ă  l'une de ses maisons de campagne : il se hâta de s'y rendre; mais il fut mal accueilli, et n'eut que le temps de se dĂ©rober par la fuite aux effets peu apostoliques de la colère du pontife qui parlait simplement de le faire jeter Ă  la mer. Arioste savait Ă  merveille que ses hĂ©ros, en pareil cas, trouvaient toujours, au besoin, un rocher secourable pour s'y sĂ©cher au soleil; mais comme ce n'Ă©tait pas chose qui se rencontrât si aisĂ©ment dans la mer ThyrrĂ©nienne, il s'estima très-heureux d'avoir pu s'Ă©chapper, et il revint Ă  Ferrare, un peu honteux de l'issue de sa première campagne diplomatique (Antoine de Latour, Roland furieux de l'Arioste, Volume 1, traduit par Charles Joseph Panckoucke, Nicolas-Étienne Framery, 1842 - books.google.fr).

 

Roland, dont la force surnaturelle et le courage merveilleux ont été chantés par toute la terre, le brave Roland, de qui la chanson guerrière a si longtems guidé nos soldats, combattit et mourut dans la vallée de Roncevaux; aucun de ceux qui le suivaient ne survécut pour apporter la nouvelle de ce carnage :

 

Rolandum (Ruthlandum in Eginharto) Caroli ex sorore nepotem, prœstantem fortitudine virum, post ingentem hostium editam cædem eo prœlio interiisse. Hic est Rolandus quem fama est, tempestate suâ, corporis robore et animi magnitudine longè cæteris aliis præstitisse; cujus fortia facta per universum orbem jam clara nostris quoque temporibus celebrantur (Donatii Acciaioli vita Caroli magni) (Jacques Albin Simon Collin de Plancy, Fastes militaires des belges, Tome 1, 1835 - books.google.fr).

 

Donato Acciaiuoli, né en 1429 à Florence et mort le 28 août 1478 à Milan, est un homme d'État, écrivain, traducteur et humaniste italien de la célèbre famille florentine Acciaiuoli (fr.wikipedia.org - Donato Acciaiuoli).

 

"pusillanime"

 

«Pour mettre un pape à la raison, il n'est pas besoin de tant de formes, écrivait à cette époque Machiavel, indigné de la pusillanimité de Louis XII. Les rois de France comme Philippe le Bel, qui ont battu le pape, l'ont fait mettre par ses propres barons au château Saint-Ange. Ces barons ne sont pas si morts qu'on ne puisse les réveiller.» Mais le malheureux Louis XII n'avait pas seulement à lutter contre ses propres défaillances; la reine Anne, folle de la peur d'être damnée, le tourmentait avec une obstination cruelle de ses remontrances, de ses plaintes, de ses emportements (Amédée Gouët, Histoire nationale de France d'après les documents originaux, Tome 5, 1868 - books.google.fr).

 

Après Agnadel (1509), Jules envoya un corps d'armée pour conquérir les Etats d'Alphonse de Ferrare, et menaça les Français de ses plus terribles anathèmes, s'ils osaient lui prêter secours. Louis XII, toujours faible et pusillanime, obéit an pape, reprit le chemin de la France, et eut même l'insigne lâcheté de conclure un traité avec la courd Rome, par lequel Sa Majesté se reconnaissait tenue de défendre le saint-siége contre tous ses ennemis. Le roi concédait, en outre, à Jules II le droit de nommer à tous les évêchés vacants dans son royaume. Tous ces actes de condescendance ne firent qu'augmenter l'audace du souverain pontife et son acharnement contre le roi (Maurice La Châtre, Histoire des papes: mystères d'iniquités de la cour de Rome, Tome 2, 1874 - books.google.fr).

 

Dans une lettre de 1523, le dĂ©tachement voulu de la remarque sur un nouvel assassinat en Toscane, qui semble vouloir exprimer la banalitĂ© de la chose (le temps d'Ă©crire une lettre, et un crime - «un altro» ! - est commis), l'humour de cette fuite en catimini Ă  cause de son impuissance, qui est d'ailleurs imputĂ©e Ă  la nĂ©gligence duc, font encore plus ressortir la franchise directe de l'Arioste, lorsqu'il dĂ©clare au duc qu'il n'est guère aimĂ©, et mettent en relief l'ironie de la relation : «Je me recommande Ă  la grâce de Votre Excellence, dont on dit plus de mal que de moi». L'humour n'est pas une marque d'irrespect; c'est plutĂ´t pour l'Arioste une façon de retirer son Ă©pingle du jeu : il essaiera d'obĂ©ir aux ordres, mais sans se faire d'illusion quant Ă  la rĂ©ussite de ses actions, et Ă  l'appui qu'il pourra recevoir de son maitre. Il rĂ©siste d'abord, et n'applique qu'Ă  contre-cĹ“ur les consignes de prudence d'Alphonse, car il arrive difficilement Ă  concilier la fermetĂ© et la souplesse qu'on exige de lui; mais son exaspĂ©ration, parfois Ă  la limite de l'insolence, se transforme vite en rĂ©signation, et prend la forme d'une ironie pessimiste. Chaque fois qu'il se trouve dans une position avancĂ©e pour avoir dĂ©fendu avec «trop» de fougue la cause de son seigneur, il ressent comme une sorte de trahison les rappels Ă  l'ordre d'Alphonse : voilĂ  qu'il se trouve surpris en flagrant dĂ©lit de loyautĂ©, pour avoir protĂ©gĂ© la dignitĂ© ducale, alors que son seigneur la laisse bafouer par pusillanimitĂ©, pour s'ĂŞtre montrĂ© plus chatouilleux que son maĂ®tre sur des question d'honneur ! Qu'il y a loin de la rĂ©alitĂ© Ă  l'idĂ©al ! Dans la rĂ©alitĂ©, ce sont les vols de moutons entre vilains de provinces voisines, et les dĂ©tournements de mulets Ă  titre de reprĂ©sailles, qui risquent de crĂ©er des incidents diplomatiques. Le duc de Ferrare, qui ne veut fournir aucun prĂ©texte d'intervention Ă  la papautĂ©, exige de son commissaire qu'il fasse restituer les mulets qui bĂ©nĂ©ficient de la protection du Saint-Siège. L'Arioste, qui ne voit pas lĂ  un point important de politique extĂ©rieure, ne comprend pas : «Le lettere che ogni di mi vengono di Vostra Eccellentia mi tolgono ogni ardire e mai non sento a tro se non che io vada destramente e chi io non attizzi li galavroni; di modo che par che Vostra Eccellentia non pur habbia respetto alli signori de la cittĂ , ma anchora a a li villani de le montagne di Reggio». (Let. 7-7-1523). L'allusion aux «signori de le città» concerne vraisemblablement l'indulgence dont fait preuve Alphonse chaque fois que l'Arioste lui fournit la preuve d'une exaction commise par un des membres de la puissante famille des San Donnino. Le commissaire s'accomode mal du fait que le prince doive mĂ©nager un fĂ©al; il s'accomode moins bien encore de lui voir mĂ©nager la susceptibilitĂ© d'une poignĂ©e de vilains : c'est, pour un aristocrate, le monde renversĂ©. Si la raison d'Ă©tat exige que l'on piĂ©tine son propre système de valeurs, il n'y a plus alors qu'Ă  se rĂ©signer Ă  suivre le cours des choses (Roger Baillet, Le Monde poĂ©tique de l'Arioste : essai d'interprĂ©tation du "Roland furieux", 1977 - books.google.fr).

 

Alphonse Ier d'Este

 

Alphonse Ier d'Este (Ferrare, 21 juillet 1476 - 31 octobre 1534), successeur d'Hercule Ier d'Este, fut duc de Ferrare, Modène et Reggio d'Émilie. Il fut, tout comme son père, condottiere au service des puissants.

 

Impliqué dans les hostilités entre Venise et les États pontificaux, Alphonse sait habilement tirer son épingle du jeu, comme il le fait également dans le conflit plus vaste opposant la France à l'Espagne pour la suprématie en Italie. Il se range, en 1508, aux côtés de Jules II dans la Ligue de Cambrai assemblée contre Venise. Nommé gonfalonier, avoué de l’évêché de l’Église Sacrée de Rome (1509), il occupe en cette qualité le Polésine et met la flotte vénitienne en déroute à Polesella en 1509, grâce à la contribution de son frère, le cardinal Hippolyte Ier d'Este (Ippolito I d'Este) et à son artillerie. Le pape ayant conclu la paix avec les Vénitiens, Alphonse refuse de reconnaître le traité et se voit excommunié et déclaré théoriquement déchu de ses possessions (1510), perdant Modène, Carpi et Mirandola, qui, en 1511, sont occupées par les troupes pontificales. Dans la guerre de la Sainte Ligue, il s’allie alors avec la France et coopère avec sa fameuse artillerie à la victoire dans la Bataille de Ravenne (1512). Il n'en tire toutefois aucun avantage personnel. Libéré de l’excommunication, il ne récupère cependant pas les territoires qui lui avaient été soustraits et, au contraire, peu après, perd même Reggio d'Émilie occupé par le duc d'Urbino (1512) et la région de Garfagnana enlevée par les seigneurs de Lucques. La mort de Gaston de Foix et les échecs des Français mettant sa seigneurie en danger, il préféra négocier avec Jules II qui lui réclamait une grande partie des fiefs pontificaux confisqués par les Este.

 

Aimant les arts et les lettres, il est le protecteur de Ludovico Ariosto (fr.wikipedia.org - Alphonse Ier d'Este).

 

Pierre Gringoire

 

Après s'être fait connaître par ses poëmes moraux, Pierre Gringoire devint compositeur, historien et facteur de Mystères. Les Registres des comptes de la Prévôté de Paris nous le montrent associé, en cette qualité, avec Jehan Marchand, maître juré charpentier, et dirigeant l'exécution de plusieurs Mystères joués de 1512 à 1517 pour l'entrée à Paris du légat, de l'archiduc, du roi, de la reine, etc. Ces Mystères, il faut le dire, n'exigèrent pas de lui de grands frais d'imagination, car on ne représentait dans ces circonstances que des Mystères par signes ou Mystères muets. Il n'eut qu'à diriger l'exécution de certaines pantomimes, à distribuer des rôles et des costumes, tout au plus à composer quelques compliments que le principal acteur (lui-même sans doute) débitait au passage du prince dont la ville fêtait l'entrée. En même temps il était affilié à la société des Enfants sans souci, qui l'élevaient à la deuxième dignité de l'ordre, c'est-à-dire à la charge de Mère Sotte, et peut-être plus tard à la première, celle du Prince des Sots. Il préludait au rôle qu'il allait jouer à la tête de cette société par quelques poëmes satiriques et quelques écrits politiques.

 

SĂ»r d'ĂŞtre soutenu par le roi, P. Gringoire travailla pour le roi, et fut le principal, sinon le seul champion de la croisade dramatique organisĂ©e contre Jules II. En possession du titre et du rĂ´le de Mère Sotte, il dĂ©fendit Louis XII Ă  sa manière contre la Sainte Ligue, en attendant que Gaston de Foix en eĂ»t raison les armes Ă  la main. Le mardi gras de l'annĂ©e 1511, au plus fort de la guerre contre Jules II, P. Gringoire fit jouer et joua lui-mĂŞme aux Halles de Paris le Jeu du Prince des Sots et de Mère Sotte. L'ouvrage, comme tous ceux que Gringoire publia vers la mĂŞme Ă©poque, porte au frontispice le portrait de Mère Sotte couverte d'une robe de moine, avec un capuchon garni d'oreilles d'âne, et conduite par deux de ses enfants coiffĂ©s de mĂŞme; tout autour on lit cette devise : "Tout par raison; Raison par tout; Partout Raison" (M. Chassang, Pierre Gringoire, Jahrbuch fĂĽr romanische und englische sprache und literatur, Volume 3, 1861 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1832 sur la date pivot 1512 donne 1192.

 

De HUGUTIONE sive UGUTIONE, nam utroque modo scribitur, quem itidem exscripsit Catholicon pauca admodum suppetunt dicenda. Fuit ille natione Pisanus, Episcopus autem Ferrariensis. PAPIAM excepit & similiter exscripsit. Ejus obitum circa A. MCCXII. statuit Ughell. Ital. Sac. T. 2. p. 576. qui hæc de homine scripsit. Ugo five Uguccio floruit Anno 1196. in monumentis autem Abbatiæ Nonantulanæ Ugo appellatur, anno 1197. anno vero 1199. die octava mensis Septembris in favorem Nonantulani Abbatis contra Mutinensem Episcopum tulit sententiam. Fato concessit circa annum 1212. Quibus addenda sunt quæ habet Chron. Nonantulan. MS. Per hæc tempora (sc. c. A. 1192.) Agno Ugutio natione Pisanus, Episcopus Ferrariensis, qui datus a sede Apostolica Coadjutor Abbati Monasterii Nonantulani prodigo homini ex libro Papiæ qui illic est librum Derivationum composuit. Et accomode nomen suum & patriam prodit in præsatione ad Glossarium, quod nondum ut sciam typis evulgatum hodie delitescit MS. in nonnullis Bibliothecis. Si quis quærat operis hujus quis actor (s. auctor) fuerit, dicendum est, Deus. Si quærat quod operis hujus fuerit instrumentum, respondendum est, quod patria Pisanus nomine Hugutio. Vocabulistam nostrum aliquoties laudat Boccatius in libro de genealogia Deorum. An idem sit ille HUGUTIO qui librum scripsit de Animalibus, quem laudat cum Alberto Magno Steuchus cap. 11. Annotationum in Leviticum, non ita facile est dictu, cum per hæc tempora plures extitere hujus nominis eruditione celebres (Robert Estienne, Thesaurus linguae Latinae, Tome 1, 1734 - books.google.fr).

 

Avant de disparaĂ®tre et d’être remplacĂ© par joculator comme chez Jacques de Voragine, le terme de mimilogus persiste longtemps dans le vocabulaire mĂ©diĂ©val (contrairement aux mimaritias). Il continue donc d’être employĂ© ici, dans un poème d’Odon de Cluny (mort en 942), ou lĂ , dans une chronique Ă©crite par Eberhard de Watten (mort en 1124 ?). On ne s’étonne donc pas de le trouver dans les DĂ©rivations (1200) d’Huguccio de Pise :

 

[1] Le mime [mimus], c’est-à-dire le jongleur [joculator] et surtout l’imitateur des affaires humaines comme autrefois il l’était pendant la récitation des comédies, parce que ce que le lecteur [recitator] disait par la bouche, les mimes le représentaient [exprimebant] par le mouvement du corps. De cela vient la mime [mima], c’est-à-dire la jongleresse [joculatrix].

 

[2] Il est composé de pan, c’est-à-dire «tout», et on dit donc «un pantomime», c’est-à-dire par tout jongleur, et de là «une pantomime», c’est-àdire par toute jongleresse.

 

[3] et avec logos, c’est-à-dire «la parole» [sermo], on appelle «mimilogue» celui qui instruit [docet] les mimes, soit qu’il parle [i.e. avec la voix], soit qu’il parle par des gestes [mimis loquens], et de là «mimilogie» (HUGUCCIO DE PISE, Dérivations (1200), «Mimus» (=M.105))

 

Trois points doivent ici retenir notre attention. Premièrement, en définissant aussi pantomimus, Huguccio complète les Étymologies d’Isidore de Séville (mort en 636), qui ne traitent que du mimus, et le Vocabulaire (1053) de Papias Lombard, qui aborde, lui, le cas du mimus et du mimilogus. Deuxièmement, il ne s’en tient pas au simple ordre alphabétique mais utilise une nomenclature nouvelle qui classe le lexique par radicaux : il regroupe ainsi des termes qui autrement auraient été éparpillés (mimus et mimilogus sous M, pantomimus sous P). Troisièmement, il récupère les anciennes définitions sans pour autant complètement s’y tenir, et ne s’interdit pas quelques développements nouveaux

 

L’attitude d’Huguccio est en fait ici assez classique : il reprend ce qui existait avant lui, n’hĂ©sitant pas Ă  citer stricto sensu les travaux qu’il juge digne de foi, et Ă  dĂ©velopper lĂ  oĂą il estime que des prĂ©cisions sont nĂ©cessaires (il ajoute ainsi pantomimus). Il rechigne Ă  changer les informations qu’il trouve dans des travaux antĂ©rieurs, qu’il se borne Ă  paraphraser lorsque les formulations de plusieurs sources divergent. Il n’hĂ©site par contre pas Ă  ajouter des prĂ©cisions de son cru Ă  ses sources lorsqu’il l’estime nĂ©cessaire, ce qui rend ses dĂ©finitions particulièrement intĂ©ressantes. S’il recopie donc presque mot pour mot la dĂ©finition du mimus par Isidore, qui fait autoritĂ©, il ne peut faire de mĂŞme pour pantomimus et mimilogus, qui sont absents des Étymologies. Regardons de plus près ces deux dernières entrĂ©es (Simon Maurice Messaoud Gabay, L’Acteur au Moyen Ă‚ge (L’Histrion et ses avatars en Occident de saint Augustin Ă  saint Thomas), 2015 - hal.science).

 

Années 30

 

Des soulèvements Ă©clatèrent en Italie centrale en fĂ©vrier-mars 1831 contre la prĂ©sence des Autrichiens. Louis-NapolĂ©on Bonaparte, futur NapolĂ©on III et neveu de NapolĂ©on Ier, y participa avec son frère aĂ®nĂ©. On soupçonne Louis-NapolĂ©on d’avoir Ă©tĂ© affiliĂ© aux carbonari et l’on ne sait s’il prĂŞta le serment (« pache Â» : pacte, traitĂ© [1]) qui engageait « Ă  ne point divulguer leurs dĂ©libĂ©rations, mais encore Ă  tuer ceux d’entre leurs « frères Â» qui les trahiraient [2] ». C’est avec l’aide des Autrichiens que le nouveau pape GrĂ©goire XVI rĂ©tablit l’ordre dans ses Etats. « Le lendemain mĂŞme de l’élection du pape, Modène se rĂ©voltait, l’insurrection gagnait bientĂ´t toutes les autres villes […] Le pape prĂ©fĂ©ra appeler les troupes autrichiennes qui occupèrent Parme, Modène, Ferrare et Bologne et renforcer encore plus son absolutisme [3] Â».

 

Si la « pantomime Â» en question n’est pas un spectacle qui eut lieu un jour en particulier, il est Ă  noter que « deux mimes cĂ©lèbres, Gaspard Deburau et Paul Legrand, remirent Ă  la mode, vers 1830, la pantomime sur le Théâtre des Funambules [4] ».

 

Acrostiche : LL FP

 

Lors de l'entrée de Louis XII à Paris en 1498, son emblême personnel, le porc-épic, est "bardé d'azur semé de LL couronnees et de soleilz d'or; et, au milieu, dedsitz soleilz, avoit une fleur de lis d'or a champ d'azur" (Nicole Hochner, Louis XII: les dérèglements de l'image royale, 1498-1515, 2006 - books.google.fr).

 

Louis XII dĂ©ploya une vigueur au niveau des circonstances : il en appela de nouveau Ă  l'opinion publique; il fit continuer par les Ă©crivains Ă  ses gages la guerre de plume entamĂ©e par Jean Lemaire, et livra le pape et le clergĂ© Ă  la discrĂ©tion des Enfants Sans-Souci, qui usèrent amplement de la permission durant le carnaval de 1512, et qui mirent cette fois au service de la couronne toute l'audace de leur verve satirique. Le roi alla jusqu'Ă  faire frapper une mĂ©daille avec cette lĂ©gende : Perdam Babylonis nomen. [...]

 

Thomas GaĂ«tani (Cajetan], gĂ©nĂ©ral des Dominicains [Frères PrĂŞcheurs : FP], venait de publier un pamphlet en faveur de la suprĂ©matie des papes sur les conciles et contre les doctrines des conciles schismatiques de Constance et de Bâle. Jean Bouchet rĂ©pondit par la DĂ©ploration de l'Église Militante, et un anonyme, par le Blason de la guerre du pape (Henri Martin, Histoire de France: depuis les temps les plus reculĂ©s jusqu'en 1789, Tome 8, 1841 - books.google.fr).

 

Thomas Cajetan se bat donc contre le conciliarisme. En 1512 son Apologia réfute la doctrine d'Almain. Rappelons qu'en octobre 1518 il est légat de Léon X pour discuter avec Martin Luther. Le 10 décembre 1518, Luther lance son appel du pape au concile. Dans ce contexte de la réforme naissante, Cajetan entend donc faire reconnaître la primauté pontificale sur le concile œcuménique, mais, en expliquant qu'un pape hérétique devrait être déposé par l'Église, il tombe dans l'incohérence. Soulignons que, lorsqu'écrit Cajetan, Paul IV (1555-1559) n'avait pas encore tranché la question du pontife hérétique, puisque c'est seulement le 15 février 1559 que ce pape publie la fameuse bulle Cum ex apostolatus, où il déclare solennellement qu'un tel pontife est déchu de sa charge sans qu'aucune déclaration soit nécessaire. C'est la doctrine qu avait développée saint Robert Bellarmin et, nous allons le voir, beaucoup d'autres avant lui.

 

De célèbres commentateurs du Décret de Gratien, comme Huguccio de Pise (1210) ou Jean le Teutonique (1252), estimaient même qu un pape scandaleux (simoniaque, fornicateur ou voleur) devrait être déposé, car son crime impliquerait une hérésie tacite. Ils ne furent guère suivis. Huguccio entendait faire juger le pape par le collège des cardinaux.

 

Le concile Vatican I, qui se tient du 8 dĂ©cembre 1869 au 20 octobre 1870, en dĂ©finissant solennellement l'infaillibilitĂ© du pape, dĂ©clare donc impossible le cas de figure principal : un pape Ă©nonçant des hĂ©rĂ©sies dans le cadre de ses fonctions. La possibilitĂ© d'une chute est dĂ©sormais clairement circonscrite aux enseignements du pontife en tant que docteur privĂ© (Maxence Hecquard, Une thĂ©orie hasardeuse : la dĂ©position du pape hĂ©rĂ©tique, 2020 - docplayer.fr).

 

Cf. quatrain V, 15 - Le pape Pie IX et l’unité italienne-Le concile Vatican I - 1862-1863.



[1] Michel Dufresne, « Dictionnaire Nostradamus Â», JCL Editions, 1989

[2] Robert Christophe, « NapolĂ©on III au tribunal de l’Histoire Â», France-Empire, 1971, p. 48

[3] Jean-Mathieu Rosay, « Chronologie des papes Â», Marabout, p. 453

[4] Grand Larousse encyclopédique en XX volumes, 1970

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