Karolus

Karolus

 

IV, 86

 

1841-1842

 

L'an que Saturne en eau sera conjoinct,

Avecques Sol, le Roy fort et puissant

A Reims et Aix sera reçu et oingt,

Apres conquestes meurtrira innocens.

 

Il existe un personnage principal de prophéties politiques qui portent son nom Karolus filius Karoli roi de France et empereur et par là "oingt à Reims & Aix" (la Chapelle).

 

La plupart des Karolus sont écrits à la louange d'un roi Charles nouvellement arrivé au trône auquel on prédit les victoires qui précéderont son accession à l'empire universel liée à la réussite de la croisade en Terre sainte. Ce sont des textes officiels ou en tout cas des panégyriques encouragés par la royauté quand elle ne les émettait pas elle-même. L'exaltation d'un Charles fils de Charles a servi les prétentions françaises la monarchie universelle pendant plusieurs siècles du XIVe à la fin du XVIIe siècle.

 

Dans le Rouergue occidental des années 1450-1470 circulent en effet deux versions différentes du Karolus. Le texte connu depuis Noël Valois est contenu dans les actes un procès Inquisition qui eut lieu Rodez en 1467. Le comte Armagnac Jean IV et son confesseur franciscain Etienne de Gan avaient soutenu le schisme en 1430 avant de s'en détacher à regret. Mais Benoît XIV garda des partisans qui se réconfortaient, comme l'indique leur interrogatoire, avec des croyances millénaristes.

 

Le texte de Maleville été conservé dans le formulaire en langue d'oc un notaire dont les registres ont été déposés aux archives départementales de Aveyron. Il est composé de trois parties la première est perdue, la deuxième est un Karolus filius Karoli très classique mais où sont codés tous les éléments permettant de repérer le dédicataire, la troisième partie est la clé du code. Ces différents éléments ont probablement circulé séparément; il en manque un. Nous avons le codage de la première prophétie mais non son texte. Malgré l'obstacle volontaire du codage, il est évident que ce Karolus est très proche des quatre autres manuscrits repérés dans les bibliothèques françaises antérieurs la diffusion massive et imprimée qui marqua le règne de Charles VIII et des caractères spécifiques. Il est apparenté étroitement en particulier à la prophétie que le notaire dijonnais Guy de Corsaint dédiait en 1381 au jeune Charles VI texte qui est le premier Karolus français daté de manière certaine. Le comput du règne désigne clairement Charles VI chez Guy de Corsaint. Nous avons ici un texte subversif répandu dans des milieux populaires.

 

Nous en avons des adaptations pour 1360 et ici pour 1460. Elle annonce donc la naissance un Antéchrist affreux ou démoniaque en 1460 ou 1461 que le Karolus roi de justice remplacerait. Certaines versions de cette prophétie chronogramme parlent des Anglais pour prédire leurs victoires ou leurs défaites.

 

Sont codĂ©es toutes les dates (avènement, victoires, mort) et un seul lieu dans la partie qui nous reste : la ville dĂ©truite par le roi empereur qui est en clair Rome, une fois les substitutions faites, est codĂ©e alors que Florence elle aussi dĂ©truite ne l'est pas. Le codage commence par Ru et finit par i (Rutheni ?) et entretient probablement une volontaire ambiguĂŻtĂ© sur la ville qui est la fois le lieu de couronnement et le lieu de châtiment Florentia peut ĂŞtre directement la citĂ© guelfe ou Fleurance dans le Gers une autre place forte armagnaque.

 

Les prophéties de la propagande royale ont pu se retourner contre elle. L'utilisation du Karolus, l'une des plus répandues, appuie ici une tentative d'extension de l'influence des Armagnac, aux frontières des terres royales rouergates, pendant la lutte entre Louis XI et les féodaux (1465-1471). Cette prophétie, produite à la cour armagnaque de Carlat, est diffusée par les Franciscains, Dominicains et Mercédaires au service de Jacques d'Armagnac. Elle défend l'arrivée au trône d'un «Charles fils de Charles» (le frère de Louis XI), plus ouvert aux espérances des féodaux, et peut-être même d'un descendant Armagnac. La prophétie sert ici les intérêts d'une propagande locale. Elle a touché toutes les catégories sociales, dans une région fort éloignée des centres de pouvoir; c'est la preuve de l'intérêt qu'on accordait à ce moyen particulier de communications dans la course à la puissance. (Colette Beaune, Nicole Lemaître, Prophétie et politique dans la France du Midi au XVe siècle. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, tome 102, n°2. 1990. Les textes prophétiques et la prophétie en Occident (XII-XVI siècle) pp. 597-616. - www.persee.fr).

 

"L'an que Saturne en eau sera conjoinct"

 

On retrouve le personnage Karolus dans une interprétation de la conjonction de 1365 (1375) de Giovanni da Legnano, juriste bolognais né en 1320, que l’auteur du Songe du Vergier désigne comme son maître (dominus meus), qui a écrit Tractatus De bello, De principatu, Somnium, De fletu Ecclesie, et De adventu Christi et Antichristi. La date de rédaction, 1375, est contemporaine de l’année 1374 du quatrain IV, 84 (Mort du comte Jean IV de Chalon-Auxerre). Le nom de l’abbé Corsaint (XVIIIème siècle), qui donne la date de 1373 pour la mort du comte, résonne dans celui de Guy de Corsaint, notaire à Dijon au XIVème siècle.

 

L'on conserve plusieurs jugements contemporains sur la conjonction Saturne-Jupiter de 1365, particulièrement remarquable du fait qu'elle marquait un changement de triplicité d'un signe d'air à un signe d'eau – un phénomène qui n'est censé se produire que tous les 240 ans – et qu'elle se situait dans le Scorpion, à l'instar de la conjonction de 571 qui avait annoncé, selon les astrologues persans et arabes, l'avènement de l'Islam. Mais Legnano est le seul à dater cette conjonction du 22 octobre au lieu du 29. [...] Legnano met ses sources astrologiques et prophétiques sur un pied d'égalité. Alternant avec aisance les références au traité d'Albumasar sur les grandes conjonctions (§ 2, 6, 17 et 24), au Centiloquium du pseudo-Ptolémée (§ 4, 6 et 17), et les enseignements attribués à Joachim de Flore et à la Sibylle Érithrée – dont les prédictions « sont fortement consonantes avec la disposition des astres » (§ 10) –, notre juriste conclut, à l'instar de Jean de Murs et de Jean d'Eschenden dans leurs jugements sur les conjonctions de 1357 et 1365, à la prochaine destruction de l'Islam, la lex Machometi, au profit de la lex Christi (§ 14). Mais il annonce au préalable l'apparition d'un « Antichrist dont la constellation sera conforme à la constellation de Mahomet, pseudo-prophète des Arabes et des Sarrasins » (§ 7). [...] Dans deux judicia, le premier est relatif à un pape du Latium confronté à un certain Karolus en 1379 completo, soit en 1380 (§ 12), l'autre à la venue d'Orient d'un autre lion, ressemblant à un petit dragon et dont l'activité, après bien des tribulations, s'achèvera dans la paix, la sainteté et l'abondance (§ 13). Legnanorevient ensuite à l'interprétation de la figura de la conjonction de 1365 pour constater que le christianisme, ici identifié – conformément à la doctrine d'Albumasar revue par Roger Bacon – à la lex mercurialis, l'emportera sur l'Islam, assimilé à la lex Veneris, du fait notamment que la Vierge, dominée par Mercure, s'étant trouvée à l'ascendant de l'horoscope de la conjonction, et que Saturne l'emportait en puissance à ce momentlà sur Jupiter, la religion la plus ancienne l'emportera sur la plus récente (§ 15-17). Mais d'ici la conjonction suivante de Saturne et Jupiter, celle de 1385 (§ 18) se produira une grande dépression de l'état ecclésiastique (§ 22-23) qui montrera que les périls futurs liés aux problèmes internes à la chrétienté sont bien plus redoutables que les périls extérieurs. Composé entre le De adventu Christi et Antichristi et le De Fletu Ecclesie, ce jugement astrologico-prophétique de Legnano constitue ainsi un jalon important dans la genèse de son interprétation du Grand Schisme d'Occident (Jean-Philippe Genet, Église et État, Église ou État ?: Les clercs et la genèse de l’État moderne, 2015 - books.google.fr).

 

Astronomiquement, une conjonction de Saturne et de Jupiter se produit dans le Capricorne (signe de terre) en 1842, et non pas aquatique.

 

Il est question dans la Prophétie de la Sibylle Tiburtine d'un dixième roi qui a nom «Challes» qui correspond à Charlemagne, fils de Pépin Le Bref. « Après celui Henri viendra un roi qui Challes (sic) aura non et sera nés de France. (...) Celui roi Challes sera noble, haus et puissant rois, sera debonnère, piteus, plains de douceur et de miséricorde (...). Et sachiés certainement que devant celui roi Challes ni avant ni après ne fus rois son pareil ne james ne sera par le siècle des siècles » (Bibl. Rennes, Manuscrit 593, fol. 121). ou encore: «Après celui ci viendra un roi de race franque par K commencera le nom qu'il aura, il sera bien grand puissant par les armes, il sera miséricordieux, rendra la justice, aimera les pauvres et Dieu l'honorera de ses faveurs (...) Ni auparavant, ni par la suite, Rome, on ne reverra un tel homme.» (BNF, Manuscrit 2435, fol. 131) Charles est à rapprocher de Karl. Le couple Roi/Pape que l'on voudrait substituer au couple Empereur/Pape est un thème essentiel de la littérature « cambrésienne ». La France vient au secours de l'Eglise menacée par l'Empire. Curieusement, au XIXe siècle, la France de Napoléon III suivra peu ou prou ce schéma. Marjorie Reeves note que le Livre Merveilleux qui fait référence à un "Roy de France nommé Charles saint homme" fut publié sous le règne de Charles IX;, le seul roi de France à porter ce prénom au XVIe siècle, (cf le Karolus et Jean de Paris); en outre Charles IX est fils d'Henri II - Charles fils d'Henri donc selon le texte susmentionné - auquel il succèdera, après le bref règne de son frère François II en 1560. Certes, encore faudrait-il rappeler qu'il s'agit d'un recyclage d'un texte prévu pour Charles VII, Le Mirabilis Liber débute sa Seconde Partie par une étude sur un roi de France dont le prénom commence par K. Nous pensons qu'il s'agit de Charles VIII. Cela ne signifie nullement qu'il convient de dater le recueil de son règne qui s'acheva en 1498 car il est ensuite question "Du Roy qu'après cestuy" c'est à dire de Louis XII dont le règne se prolongea jusqu'en 1515; il n'est pas indiqué qu'il s'agissait de son fils et en effet ce n'était pas le cas. Il est possible que le texte français ait été rédigé du vivant du Père du peuple. Au XVIIe siècle, le « Karolus » sera appliqué au Roi d'Angleterre: Charles II;, né en 1630, monté sur le trône en 1660, lors de la Restauration, fils de Charles Ier, exécuté en 1649. En 1651, William Lilly dans Monarchy or no Monarchy commentait: « Du sang de l'Empereur Charlemagne et des Rois de France se lèvera un Empereur appelé Charles qui règnera impérialement en Europe, grâce auquel l'état déchu de l'Eglise sera réformé et l'ancienne gloire de l'Empire à nouveau restaurée car il viendra un peuple sans tête (...). Et la bête de l'Ouest et le Lion de l'Est domineront le Monde: en aucune façon, le Roi d'Ecosse n'est concerné même si son nom est Charles. » L'astrologue anglais - qui reprend la prophétie dite du cèdre du Liban pour 1287 - ne souhaite apparemment pas le retour d'un Stuart et il qualifie le fils de Charles Ier - le futur Charles II - de "roi d'Ecosse". Cela n'empêchera pas son retour en 1660 à l'instigation du général Monk. Lilly dans son pamphlet, paru sous Cromwell, affirmera bien à tort qu'il n'y aura plus de Roi en Angleterre... "England shall no more be governed by Kings" (Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France: formation et fortune, Tome 2, 1999 - books.google.fr).

 

"meurtrira innocens"

 

"meurtrir" issu du francique signifie d'abord tuer puis au XVIème siècle blesser.

 

Certains auront espéré que Napoléon Ier incarne cette monarchie universelle. On connaît son conflit avec les papes de Rome. Le Karolus filius Karoli se propose de réformer l'Eglise et mettra à mort le mauvais pape (Innocent est le nom de 13 papes).

 

L'année de l'avènement du roi de France Charles VIII, fils de Louis XI, 1483-1484, fut présentée par les astrologues européens comme L’annus mirabilis où toutes les religions devaient subir de profondes transformations et certaines mêmes disparaître. A la cour de Frédéric III, à Florence avec Savonarole ou dans le milieu juif d'Italie, on attendit avec inquiétude le jour du jugement dernier. Le thème fut repris par les États Généraux de 1484 et par les Parisiens en 1486. L'aura mystique qui avait accompagné la jeunesse de ce prince, continua à être exploité lorsqu'il fut nécessaire de justifier l'expédition italienne. Elle fut organisée autour de la prophétie de «Charles fils de Charles» qui faisait du roi le second Charlemagne. C'est Guilloche de Bordeaux qui la proposa au roi en 1494. Il prétend avoir trouvé le texte en Italie et l'avoir traduit de l'italien en français. Le texte se compose de trois parties. La première est la prophétie proprement dite qui reprend presque complètement le Karolus classique. Après une description physique du roi, elle évoque son avènement à l'âge de quatorze ans, les troubles du royaume et leur échec. Puis, à l'âge de vingt-quatre ans, son départ pour l'Italie. Le texte lui promet l'achèvement de la conquête de la péninsule pour ses trente-trois ans, puis sa victoire sur les Espagnols, les Aragonais, les Lombards et les Irlandais. Suivent la promesse de la double couronne comme le titre de roi des Romains, la mise à mort du mauvais pape et la réforme de l'Église; enfin, la conquête de la Grèce et de toutes les terres musulmanes. Ce n'est qu'à cinquante-trois ans que Charles entrera dans Jérusalem pour donner son empire au Christ, au mont des Oliviers. C'est aussi la date prédite pour son décès. La deuxième partie de l'œuvre tente de prouver que Charles VIII est réellement l'empereur des derniers temps (Didier Le Fur, Anne de Bretagne, 2000 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1842 sur la date pivot 1365 donne 888.

 

888 est la pséphie du nom grec de Jésus dont certains attendent le retour et le règne éternel.

 

884 : Charles le Gros, déja empereur, & oncle, comme on dit aujourd'hui, à la mode de Bretagne de Charles le Simple, devient roi de France au préjudice de Charles le Simple, & réunit presque autant d'états que Charlemagne mais il étoit trop foible pour soutenir une si grande fortune : elle l'accabla.

 

887 : Charles le Gros ayant fait assassiner le roi des des Normands, ces peuples viennent jusqu'à Paris, où l'empereur les appaise par un traité honteux.

 

888 : Charles le Gros meurt dans une isle du Rhin près de Schafhouse sans laisser d'enfans, accablé du mépris de ses peuples. Il avoit été déposé solemnellement de la dignité impériale. Arnoul, bâtard de l'empereur Carloman, lui succede à l'empire, au préjudice de Charles le Simple, qui se voyoit exclus de tous les trônes, sous le prétexte de sa grande jeunesse, & qui ne succeda pas encore à Charles le Gros pour cette fois au royaume de France.

 

888 : Eudes, comte de Paris, & fils de Robert le Fort, est proclamé roi dans l'assemblée de Compiégne, & sacré & couronné par Gautier, archevêque de Sens, au préjudice de Charles le Simple. Goslin, évêque de Paris, s'étoit rendu fameux par la valeur avec laquelle il avoit secondé Eudes dans la défense du siége de cette ville contre les Normands. Rodolphe fils de Conrard, comte de Paris, établit le second royaume de Bourgogne, dite Bourgogne transjurane : Boson avoit établi le premier. Il y avoit outre cela le duché de Bourgogne, qu'il ne faut pas confondre avec les deux autres royaumes (Charles Jean François Henault, Nouvel abrege chronologique de l'histoire de France, 1749 - books.google.fr).

 

Les diplômes des souverains français commencent presque toujours par ces mots : In nomine Domini Dei æterni et Salvatoris nostri Jesu Christi; et très-rarement par ceux-ci : In nomine sanctae et individuae Trinitatis.

 

Pour Charles le Gros : Avant d'être empereur, In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Carolus divina favente clementia rex; devenu empereur, In nomine, etc. Carolus divina ordinante, ou favente clementia, gratia, ou providentia, ou simplement gratia Dei, ou enfin, ejusdem omnipotentis Dei misericordia imperator augustus (Philippe Le Bas, France dictionnaire encyclopedique, Tome 8, 1842 - books.google.fr).

 

Le dernier roi bourbon, et le dernier roi sacré à Reims, Charles X, était donc un Karolus (cf. quatrains IV, 77-78-79-80).

 

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