Marie-Caroline, duchesse de Berry

Marie-Caroline, duchesse de Berry

 

IV, 79

 

1836-1837

 

Sang Royal fuis Monhurt, Mas, Eguillon,

Remplis seront de Bourdelois les landes :

Navarre, Bygorre pointes et esguillons,

Profonds de faim vorer de Lieges glandes

 

Monheurt ("Monhurt"), Le Mas d'Agenais ("Mas") et Aiguillon ("Eguillon") se trouvent dans le département du Lot-et-Garonne, près de la Garonne, entre Agen, Marmande, Port Sainte Marie et Nérac.

 

L'édit du 19 janvier 1562 fut mal exécuté; nombre de gentilshommes du Sud-Ouest passèrent à la Réforme. En avril, 800 protestants furent introduits en ville par un marchand. Les membres du Consulat et du Présidial, ainsi que des notables, furent arrêtés, des reliques détruites. Mais, le 7 mai, quantité de réformés quittèrent Agen pour rejoindre Condé à Orléans, ce qui permit à Monluc de se rendre maître de la place et d'y installer une forte garnison. En juillet 1563, la peste reparut. Ce fut une fuite générale. Puis vint la famine. La garnison se réduisit à 12 hommes d'armes. La disette fit monter les prix. En 1565 Catherine de Médicis crut que la présence du roi calmerait les populations. Charles IX fit son entrée à Agen le 23 mars et reçut un accueil chaleureux. Il prêta aux consuls le serment d'usage, puis s'embarqua sur la Garonne pour Bordeaux. La réception avait été somptueuse : elle acheva la ruine des finances de la ville. Cependant l'Agenais était taxé à 29..600 (27 avril) et Monluc fit lever l'impôt. Il fit réparer les fortifications et mit la Guyenne en état de défense. Pour plus de sûreté, il interdit aux juges, avocats, greffiers, huissiers protestants de continuer à remplir leurs fonctions (1568). La même année il promulgua une ordonnance de sécurité d'un caractère draconien. La malheureuse ville était accablée par l'entretien de sept compagnies de soldats et de nombreux réfugiés. Deux ans après, le 23 juillet 1570, Monluc, grièvement blessé au siège de Rabastens, se retirait en son château d'Estillac et y commençait la la rédaction de ses Commentaires, si pleins de vie et de mensonges. L'état fmancier du pays était lamentable. Les Etats de l'Agenais et les représentants de la Chambre des Comptes de Paris s'employèrent à apurer les comptes. Les consuls mirent la plus grande mauvaise volonté à justifier leur gestion et l'enquête n'aboutit à rien qu'à provoquer une multitude de procès. Les finances d'Agen étaient lourdement grevées par la solde des soldats occupant la place de Puymirol, solde qui leur était imposée. Il avait à verser sa part des 70.000 l. du rachat des subsides du vin en Guyenne. L'exemption des tailles n'apporta qu'un faible soulagement a ces charges. Le 17 janvier 1572 la population, en grande majorité catholique, dut recevoir la célèbre protectrice du protestantisme, Jeanne d'Albret : elle descendit la Garonne jusqu'aux piles du pont, de nouveau ruiné.  Là elle prit congé de son fils, le futur Henri IV, qu'elle ne devait plus revoir : elle mourut subitement à Paris le 15 mai. Le massacre de la Saint-Barthélemy suivit de près, le 24 août. Il ne semble pas avoir eu de répercussions à Agen. Mais comme les protestants s'agitaient, le marquis de Villars fit mettre la ville en défense et la Jurade fit supporter aux huguenots le poids de l'impôt levé sur l'Agenais. L'état d'alarme ne cessait pas. Un Conseil de guerre fut institué qui - cela va de soi – s'entendit mal avec la Jurade ; la garnison fut renforcée de 100 arquebusiers. Monluc revint de la cour avec le bâton de maréchal (1574) et fut fêté, puis alla batailler au Périgord. Il mourut le 26 août 1577 (Ferdinand Lot, Recherches sur la population et la superficie des cités remontant à la période gallo-romaine [Deuxième partie], Bibliothèque de l'École des hautes études: Sciences historiques et philologiques, Numéro 296, 1950 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Monheurt est resté célèbre pour son siège de 1621 et sa prise par l'armée royale commandée par Luynes le 13 décembre. La mort du connétable, en 1621, due à une fièvre pourprée contractée au cours de ce siège, devança sa chute inexorable.

 

Marie Caroline Ferdinande Louise de Bourbon, princesse de Naples et de Sicile, (Caserte,5 novembre 1798 - Brünnsee, 16 avril 1870) fut l'épouse de Charles Ferdinand d'Artois, duc de Berry, second fils du roi Charles X de France, assassiné en 1820 et la mère du comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France sous le nom de « Henri V. » Au nom de son fils, elle tenta en vain de prendre le pouvoir en France en 1832 en qualité de « régente » (fr.wikipedia.org - Marie-Caroline de Bourbon-Siciles (1798-1870)).

 

Pour mener à bien son dessein, Marie-Caroline assiégea Charles X pour qu'il lui conférât la régence, ce qu'il accepta conditionnellement le 27 janvier 1831, pour le cas où sa belle-fille débarquerait en France. Toutefois, par une contre- lettre secrète, le vieux roi annula pratiquement la concession, en nommant le duc de Blacas président du Conseil de régence et premier ministre de la monarchie en exil. Se croyant investie, la duchesse de Berry passa à l'exécution de son projet. Sous le nom de comtesse de Sagana, elle s'embarqua pour Rotterdam, le 17 juin 1831.Son incognito fut vite percé par toutes les polices qui la laissèrent cependant gagner Gênes par l'Allemagne, le Tyrol. la Lombardie et le Piémont. A Gênes, le séjour fut bref car le roi de Sardaigne, Charles- Albert, refusa son asile à la conspiratrice. Celle-ci erra par toute l'Italie, essuyant les déceptions, depuis la réserve du pape Grégoire XVI jusqu'au refus de son propre frère, le roi de Naples. Elle ne fut entendue que par un demi-fou, le duc de Modène, seul souverain ayant refusé de reconnaître Louis-Philippe. Ce modèle du Ranuce-Ernest IV de La Chartreuse de Parme avait fait sourire l'Europe en rédigeant des ordonnances contre les tremblements de terre; il avait deux filles dont l'une jouera un grand rôle dans ce livre. Il installa Marie-Caroline qui quitta l'Angleterre le 17 juin 1831, à Massa di Carrera : la duchesse de Berry y élabora ses projets de reconquête en prenant les avis de mystérieux émissaires lui apportant un plan de soulèvement des provinces légitimistes, de la Provence à la Vendée. Quand tout parut bien au point, la duchesse envisagea la grande aventure. Au début de l'année 1832, deux complots, celui des « Tours de Notre-Dame » (4 janvier) et celui plus sérieux de la « Rue des Prouvaires » (2 et 3 février), avaient attiré l'attention de Louis-Philippe sur le danger « carliste ». Le roi avait pris une mesure défensive en faisant voter, le 10 avril 1832, une loi «de précaution» exilant les Bourbons de la branche aînée. C'est donc en hors-la-loi, passible d'une arrestation immédiate, que, le 30 avril, la duchesse de Berry débarqua (René de La Croix duc de Castries, Le Testament de la monarchie, Tome 5, 1970 - books.google.fr).

 

Le 2 février 1832, à l'occasion du bal de Carnaval, des conspirateurs légitimistes envisagent de s'emparer des Tuileries. Infiltrés, ils renoncent pour la plupart. Mais une poignée persiste qui est arrêtée dans un restaurant de la rue des Prouvaires à Paris (Imprimerie, édition et presse dans la première moitié du XIXe siècle: actes de la Première journée d'étude sur l'imprimerie : organisée à Perpignan le 25 avril 2003, 2004 - books.google.fr).

 

Madame comptait exécuter son dessein par les soulèvements du Midi et de l'Ouest; elle se proposait de faire bon accueil aux auxiliaires de tous les partis. Lorsqu'elle crut que tout était prêt, cédant enfin à de pressants appels, la duchesse de Berry, qui depuis sa sortie d'Angleterre avait pris le nom de comtesse de Sagana, fixa au 24 avril le jour du départ. Marseille était le point fixé pour le débarquement. Un petit bateau à vapeur, le Carlo Alberto, nolisé à Livourne par le vicomte de Saint-Priest, duc de Caraman, s'approchait, dans la nuit du 24 au 25 avril, de la plage de Via-Reggio, et recevait à son bord la princesse, le maréchal de Bourmont et son fils Adolphe, le vicomte de Saint-Priest, M. de Mesnard, M. de Brissac et Mlle Lebeschu; déjà sur le bateau avait pris passage MM. de Kergorlay, M. Adolphe Sala, ancien officier de la garde, MM. Charles de Bourmont, Ledhuy et Sabatier. [...] La traversée fut longue, et le Carlo-Alberto n'arriva que le 28 à minuit en vue du phare de Planier; [...] ce ne fut pas sans peine que la barque parvint à accoster le petit paquebot au milieu de lanuit et de la tempête. Marie-Caroline sauta dans cet esquif qui semblait au moment d'être englouti par les vagues mugissantes. MM. de Bourmont, de Kergorlay, de Mesnard, de Brissac, sous des vêtements de pêcheurs, entrèrent dans la barque : la princesse atteignit ainsi le rivage à Sausset-les-Pins, entre Martigues et Marseille, où une cabane solitaire l'attendait. [...]

 

Le soulèvement avait été si mal préparé à Marseille, que beaucoup de gens prirent d'abord ce mouvement pour une affaire de police. Dans l'après-midi (30 avril), la princesse, qui comptait les heures avec une anxiété profonde, reçut dans sa cabane un billet ainsi conçu : « Le coup a manqué; il faut sortir de France ». Une telle issue n'était pas difficile à prévoir; la duchesse de Berry et ses hardis compagnons avaient compté sur une force qui n'existait pas.

 

Le gouvernement, après avoir dompté l'insurrection républicaine des 5 et 6 juin, se sentait plus fort pour atteindre l'entreprise légitimiste de l'Ouest. Madame la duchesse de Berry, comme nous l'avons dit déjà, ne voulait pas que le mécompte de Marseille fut le dénouement unique de sa campagne; elle s'était fournée résolument vers la Vendée où des cœurs dévoués l'attendaient. N'avait-elle pas, dans sa triomphante visite de 1828, promis aux Vendéens de se rendre au milieu d'eux « en cas de malheur? » Que de fatigues, d'émotions et d'épisodes dans le voyage de Madame depuis la côte de Carry jusqu'aux limites du pays où elle plaçait ses espérances ! Marie-Caroline passa par Nîmes, Montpellier, Narbonne, Carcassonne, Toulouse, Moissac, Agen, Bergerac, Sainte-Foy, Libourne, Blaye. Ce fut d'un château de la Saintonge que partit son ordre de prendre les armes le 24 mai. Le 21 mai, sous le costume d'un jeune paysan vendéen, elle arrivait aux Mesliers, dans une métairie de M. de la Roche Saint-André, située sur la commune de Legé, à huit lieues de Nantes.

 

Quelques-uns des chefs de l'Ouest, réunis aux Mesliers, déclarèrent à Madame que le moment n'était pas opportun pour une prise d'armes; ces chefs obéissaient à la fois à des convictions réfléchies et à des conseils partis de Paris. Une réunion, à Paris, composée de MM. de Chateaubriand, de Fitz-James, Hyde de Neuville, Pastoret, de Bellune, Michaud, Berryer et d'autres encore, avait regretté et désapprouvé l'entreprise ; M. Berryer, à qui revenait de droit l'honneur de porter toute parole, fut chargé d'aller trouver Madame et de lui faire comprendre que le succès de son entreprise était impossible. Madame dit à M. Berryer qu'elle y réfléchirait encore et qu'elle lui adresserait à Nantes sa réponse définitive : cette réponse devait être la persistance dans un projet inutilement combattu.Marie-Caroline décida que le signal de la prise d'armes serait donné dans la nuit du 3 au 4 juin. La lutte allait commencer dans les plus mauvaises conditions. Plus de cinquante mille hommes de troupes étaient disséminés dans le pays; le général Dèrmoncourt, dans une perquisition faite au château de la Chaslière, avait découvert les plans, les instructions, les ordres de Madame; les départements de Maine-et-Loire, de la Vendée, de la Loire-Inférieure et des Deux-Sèvres, étaient mis en état de siége. [...]

 

L'étouffement de l'insurrection de l'Ouest ne suffisait pas au gouvernement; il lui fallait madame la duchesse de Berry. Il tourna vers ce but toute l'énergie de ses efforts. Pendant des mois, il fouilla dans l'inconnu, et pensa même que Marie-Caroline avait quitté l'Ouest, tant Madame était bien protégée par la vigilance des siens ! [...] Il y avait quatre mois et demi que le gouvernement cherchait en vain l'asile de Madame, lorsque M. Thiers accepta, à la nuit close, sur un point des Champs-Elysées, un rendez-vous qui lui était demandé par une lettre anonyme; l'homme qu'il aborda à l'endroit marqué et qu'il fit conduire au ministère de l'intérieur par des agents de police, devait prendre rang parmi ce petit nombre de noms éternellement livrés à l'exécration des siècles. C'était un Juif converti qui, après avoir trompé Dieu et le pape, sut se glisser dans quelques relations royalistes et dans l'intimité de la duchesse de Berry; il pensa qu'on paierait cher celui qui livrerait Madame, et s'offrit au gouvernement pour lui rendre ce service : « Si vous me livrez la princesse, dit M. Thiers à Deutz, votre fortune est faite, vous recevrez cinq cent mille francs » [...] Deutz, parti de Paris avec un commissaire de police, M. Joly, et douze hommes choisis, ne réussit pas d'emblée à commettre son crime; il ne put se reconnaître qu'à une seconde audience que Madame lui accorda, malgré un avertissement signé Jauge (banquier parisien), qui aurait dû inquiéter la princesse; cette seconde entrevue eut lieu le 6 novembre 1832, à quatre heures de l'après-midi. Deutz prenait congé de Madame à cinq heures. Dix minutes après, la maison était cernée par douze cents hommes de troupes, envahie par des commissaires de police de Paris et de Nantes; le général Dermoncourt, accompagné du lieutenant général comte d'Erlon, commandant la 12e division militaire, marchait à la tête de deux bataillons ; M. Maurice Duval dirigeait l'opération. [...] Elle fut conduite au château et puis à Blaye. L'arrestation de Madame mettait fin à l'insurrection de l'Ouest; rien n'était plus simple que de conduire Marie-Caroline hors de France ; le gouvernement aima mieux lui donner une prison. [...] L'emprisonnement de la princesse à Blaye fit plus de tort à Louis-Philippe que l'insurrection même de l'Ouest, et qu'une certaine popularité, hostile à la monarchie de Juillet, s'attachait à l'illustre captive. Mais ce qui dépassa les bornes permises à la politique, ce fut l'attitude du gouvernement dans le dernier acte du drame de Blaye; la révélation du second mariage de la duchesse de Berry avec le comte Luchesi Palli fut mêlée à des procédés et à des détails qui soulevèrent la conscience publique. Louis-Philippe, obsédé par la pensée de ses intérêts dynastiques, oublia que la duchesse de Berry était sa nièce : il oublia des devoirs qui font partie essentielle des lois universelles de la famille. Le 8 juin 1833, la mère du duc de Bordeaux quittait Blaye, et le 5 juillet, elle arrivait à Palerme, où l'attendait son frère le comte de Syracuse. C'était la fin de sa carrière politique , carrière courte, mais marquée d'un grand acte d'héroïsme maternel (Jean-Joseph-François Poujoulat, Histoire de France depuis 1814 jusqu'au temps présent, Tome III, 1830-1840, 1866 - books.google.fr).

 

La personnalité de Marie-Caroline de Naples, duchesse de Berry, est par elle-même assez originale, son rôle sous la Restauration est assez important, pour que les moindres détails de sa vie, toujours trépidante, présentent un certain intérêt. Elle a fait deux voyages dans le Midi de la France ; l'un en 1828, sa très grande popularité ; l'autre en 1832, qui devait se terminer par l'aventure du château de Blaye.

 

En 1828, Sous prétexte de cure thermale, mais avec un évident désir de galvaniser les enthousiasmes autour de son fils, le jeune duc de Bordeaux, Marie-Caroline séjournera plus de deux mois dans les Pyrénées. Arrivant de Bordeaux par les Landes, elle aborde Pau le 18 juillet. Les souvenirs d'Henri IV sont judicieusement évoqués à cette occasion. Le 22 juillet, elle visite les Eaux-Chaudes et les Eaux-Bonnes ; les 23-24 juillet, elle parcourt le pays basque de Bayonne à la Bidassoa, avec haltes à Irun, St-Jean-de-Luz et Biarritz. Du 28 juillet au 11 septembre, elle séjourne et se traite à Saint-Sauveur d'où elle entreprend des excursions et des courses qui témoignent de son endurance physique. Entre bains et douches, elle va à Cauterets les 9 et 10 août, monte au lac de Gaube, à la Hourquette d'Araillé en revenant par le col d'Estom et la vallée de Lutour. [...] Preuve manifeste de la portée politique qu'elle attache à son voyage, elle va faire, du 16 au 20 août, une randonnée en Gascogne, avec visite de Tarbes, Agen, Port-Sainte-Marie, Nérac, Lectoure. [...] Le 26 août, elle gravit le Pic-du-Midi de Bigorre ; le 28 elle part pour Gavarnie. Le 29, elle monte à la brèche de Roland (2.804 m.); le 30, elle se rend à la chapelle de Héas. Après une cure à Saint- Sauveur combinée avec des bains à Barèges. Marie-Caroline de Naples part le 11 septembre pour Bagnères-de-Bigorre où en une semaine de séjour elle ira au Pêne de Lhèris, et au Caslel-Mouly. Toujours par la montagne, le 19 septembre elle est à Bagnères-de-Luchon oû le maire Louis-Paul Boileau n'a rien négligé afin de lui faire un accueil inoubliable. Poursuivant la série de ses excursions, le lendemain elle va à la vallée du Lys avec retour par Superbagnères, course alors classique qu'on accomplissait en chaise à porteurs (l'arrêté municipal du 23 Juillet 1838 taxe cette course à 30 frs. pour une chaise et quatre porteurs) (P. de Gorsse, Deux mois dans les Pyrénées avec Marie-Caroline de Naples, Mémoires de l'Académie des sciences inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 1935 - books.google.fr).

 

"Bourdelois" est le gentilé des habitants de Bordeaux et de sa région. "Henri V" (1820 - 1883) était titré "duc de Bordeaux" à sa naissance, puis sera appelé "comte de Chambord", du château qui lui avait été offert par les royalistes à son baptême. A la suite de la Révolution de 1830, de l'abdication de Charles X et de la renonciation du Duc d'Angoulême, il devint l'héritier légitime du trône de France. Exilé en Autriche, il suivit néanmoins de près la politique de son pays. Dès la chute du Second Empire, il fit acte de prétendant par ses manifestes dés le 9 octobre 1870, 8 mai et 5 juillet et fut salué sous le nom d'Henri V par les légitimistes (www.auctionartparis.com).

 

Lorsque, le 12 février 1871, Élie de Dampierre arrive à Bordeaux et pénètre sous les ors du Grand-Théâtre de Victor Louis, il n'est pas un inconnu politique, ni à l'Assemblée ni, a fortiori, dans son département. Né en 1813 dans la propriété familiale de Sauveterre (Lot-et-Garonne), il a cinquante-huit ans. Du côté paternel, son légitimisme est pur et ancien. Son père Aymar, marquis de Dampierre, avait été fait pair de France en 1827 puis avait refusé de prêter serment à Louis-Philippe en 1830. Élie de Dampierre, alors âgé de seize ans, appartenait au corps des Pages du Roi Charles X. «Je renonçai au service, écrit-il, pour rester fidèle à ma foi politique ». La position de son père auprès du Roi permet au jeune Élie de faire très tôt la connaissance du duc de Bordeaux, dont il est l'aîné de sept ans. Il raconte comment, dès 1833, après avoir poursuivi ses études de droit à Paris, il entame des voyages à l'étranger, dont plusieurs le mèneront, avec ses parents, auprès du jeune exilé et de sa mère, la duchesse de Berry , devenue comtesse Lucchesi-Pali, d'abord au château de Brandeiss, en Bohême, près de Prague, puis ici ou là, au fur et à mesure des pérégrinations du prince. Du côté maternel, Élie de Dampierre est landais et gascon de souche. Sa mère, Charlotte d'Abbadie de Saint-Germain, est née le 27 février 1789 au château de Labeyrie, à Maylis, à l'époque rattachée à la paroisse de Saint- Aubin, entre Doazit et Mugron. Elle est elle-même la fille de Jean-Pierre d'Abbadie et de Marguerite de Cours. C'est au Vignau, entre Cazères-sur-Adour et Lussagnet, qu'elle épouse, le 26 novembre 1811, Aymar de Dampierre. Par héritage maternel et grand-maternel, Élie de Dampierre se trouve ainsi à la tête d'importantes propriétés terriennes dont il assure la gestion et le développement sa vie durant, particulièrement de 1835 à 1870 (Bernard de Viviès, Le marquis de Dampierre, Les Landes entre tradition et écologie, Actes du Congrès d'études régionales, Volume 47, 1996 - books.google.fr).

 

Jean-Baptiste-Élie-Adrien-Roger, marquis de Dampierre (Sauveterre-Astaffort, 1813 - Paris, 1896), se présenta sans succès aux élections de 1836 et de 1842, comme candidat de l'opposition à la fois royaliste et libérale. Battu aux élections du Corps législatif, le 29 février 1852, il sortit de la vie privée pour se faire élire, le 8 février 1871, représentant des Landes à l'Assemblée nationale (fr.wikipedia.org - Elie de Dampierre).

 

Dans les Landes, les trois députés élus en juillet 1831 étaient des opposants dynastiques : le général Lamarque à Saint-Sever; à Mont-de-Marsan Laurence qui devait rester député jusqu'en 1848 mais devenir conservateur; à Dax, dès 1834, Basterrêche le député opposant dynastique fut remplacé par un conservateur. Dans les trois arrondissements, les journaux légitimistes arrivaient en tête; c'était le signe de la présence d'un foyer légitimiste qui explique le ralliement aux  candidats les plus éloignés de l'ancienne dynastie, des électeurs favorables à la Monarchie de Juillet : la présence carliste peut être attestée par le fort pourcentage d'abstentions. [...]

 

Nous pouvons noter que les Landes et les Basses-Pyrénées ont encore une députation à gauche : la presse de l'opposition dynastique s'y trouve aussi plus développée. Mais, entre 1832 et 1835, le corps électoral censitaire évolue dans un sens plus conservateur, plus ministériel et c'est aussi l'époque où la presse locale, en majorité conservatrice, prend plus d'importance; quant à la forte proportion de la presse légitimiste dans les journaux reçus de Paris, elle [...] ne se traduit pas par des options électorales, si ce n'est par une abstention souvent importante (27,8 % du corps électoral à Bayonne en 1831, 29 % à Orthez, 26 % à Mont-de-Marsan, 38 % dans le 1er arrondissement électoral de Bordeaux, 43 % dans le 3e, 37 % à la Réole). Il existait des journaux locaux ou régionaux, peu développés dans les Landes, plus nombreux dans les Basses-Pyrénées, nombreux et influents en Gironde, surtout à Bordeaux : journaux conservateurs pour la plupart (sauf un légitimiste et un opposant à Bordeaux) : c'est ce qui explique le pourcentage relativement plus faible de journaux conservateurs reçus de Paris. D'après une nomenclature des journaux des départements, il résulte qu'il y avait à Bordeaux, en 1832, trois grands journaux quotidiens : le Mémorial Bordelais tirant à 3900 exemplaires (chiffre surévalué), conservateur datant de la 1ère Restauration, l'Indicateur, libéral créé en 1804, le Journal de la Guyenne, créé en 1831, légitimiste (Annales du Midi, Volume 77, Université de Toulouse, 1965 - books.google.fr).

 

Si l'équipée de Marie-Caroline date de 1832, quelques années avant la datation du quatrain, 1836 marque la mort de Charles X en exil ("Sang royal fuit" et cf. quatrain IV, 77).

 

En 1836, sous le règne de Louis-Philippe, douze ans après les dernières funérailles d'un roi de France en exercice, la mort et les funérailles de Charles X miment des formes rendues pathétiques par l'exil, l'abdication et la défaite politique des  Bourbons. À Gorizia (à la frontière italo-slovène, alors sous domination autrichienne), le vieux roi exilé meurt du choléra le 6 novembre 1836. Son agonie se joue dans la représentation mimétique de la belle mort du duc de Berry et de Louis XVIII. Les acteurs sont en partie les mêmes, en dépit de l'exil : Mgr de Latil, et le docteur Bougon, « les deux mêmes hommes qui avaient porté les secours de la terre et du ciel à l'infortuné duc de Berry », et Mgr Frayssinous, déjà présent lors des derniers instants de Louis XVIII. La résignation chrétienne et le pardon politique ponctuent l'agonie bourbonienne : Charles X réclame « avec empressement et sans émotion » les secours de la religion, répond à toutes les prières, pardonne « de  grand cœur » à « ceux qui lui avaient fait tant de mal » et bénit la France. La scène familiale tournée vers un improbable avenir dynastique est recomposée – en l'absence toutefois de la fougueuse Marie-Caroline, duchesse de Berry, après l'échec de son équipée de 1832 : autour du roi mourant veillent le Dauphin, qui lui fermera les yeux, la Dauphine, le duc de Bordeaux – Henri V – et sa sœur. Le corps est embaumé et exposé sur son lit de mort durant deux jours, puis sur un lit de parade durant trois jours. Mais le rituel des funérailles, le sixième jour,  se fait dans la sobriété due à un ex-souverain devenu simple sujet : le cercueil est attelé sur un char funèbre à six chevaux et inhumé dans un caveau du couvent des Franciscains de Gorizia. Le deuil pris par une portion du faubourg Saint-Germain et les nombreuses messes basses prononcées dans une discrétion clandestine font un écho dérisoire à un deuil de souveraineté. La légitimité rejoue sans y croire les formes d'une religion royale désormais fictive. (Emmanuel Fureix, La France des larmes: deuils politiques à l'âge romantique (1814-1840), 2009 - books.google.fr).

 

 

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