Le Salon de 1847 IV, 93 1846-1847 Un serpent veu proche du lict royal Sera par Dame, nuict, chiens n'abayeront : Lors naistre en France un Prince tant royal,
Du ciel venu tous les Princes verront. Le prince venu du ciel a été identifié comme le duc de Bordeaux, "l'enfant du miracle" selon Lamartine (Henri Torné-Chavigny, Lettres du Grand Prophète d'après l'Histoire prédite et jugée par Nostradamus et l'Apocalypse interprétée par le même auteur, 1870 - www.google.fr/books/edition). "serpent... lict royal" : Alexandre le Grand Dès le début du Roman d'Alexandre, l'auteur fustige l'erreur de ceux qui considèrent Alexandre comme le fils de Philippe de Macédoine et non comme celui du dernier Pharaon d'Égypte, Nectanébo II (360-341 A.C.), qui, après avoir été contraint à la fuite, se réfugia en Macédoine. S'y disant astrologue, il séduisit Olympias, l'épouse de Philippe, qui, stérile, l'avait consulté. Nectanébo lui fit voir en songe le roi Ammon se glissant dans son lit; puis il y entra lui-même déguisé en serpent et engendra le futur Alexandre en annonçant que celui-ci deviendrait un jour le maître du monde (Jean-Claude Polet, Patrimoine littéraire européen: Vol. 4a - Le Moyen Âge, de l'Oural à l'Atlantique. Littératures d'Europe orientale, Volume 4, Partie 1, 1993 - books.google.fr). Le Roman d’Alexandre, composé sans doute à Alexandrie au cours du IIIe siècle ap. J.-C. a donné lieu à de nombreuses réécritures et traductions (www.cnrseditions.fr). "chiens n'abayeront" C'est donc nécessairement dans l'entourage des temples et avec la participation directe du clergé indigène que furent élaborés les premiers écrits grecs d'astrologie hermétique, qui se réfèrent à "l'Écrivain" par excellence, c'est-à -dire à Thot. L'un des principaux témoins de ces spéculations est le De trigenta sex Decanis, attribué à Hermès Trismégiste. C'est en fait la version latine d'une compilation grecque tardive dont les composantes, beaucoup plus anciennes, s'étagent entre le Ie siècle avant notre ère et 480 de notre ère. Le mode d'emploi des tables astrologiques de Grand nous est connu grâce au Roman d'Alexandre (1, 4, 5), où l'on voit le magicien Nectanébo dernier roi d'Égypte, réfugié en Macédoine, prédire l'avenir à Olympias, future mère du conquérant, en usant d'un diptyque d'ivoire où sont gravés le Soleil et la Lune, les douze signes du Zodiaque et les trente-six Décans (Jean-Pierre Mahé, Hermès Trismégiste: grec, copte, arménien : Codex VI de Nag Hammadi, Codex Clarkianus II Oxoniensis, Définitions hermétiques, Divers. Paralipomènes, 2019 - books.google.fr). Thot est assimilé à Hermès chez les Grecs d'Egypte. Pour signifier la tombée abrupte du silence dans une assemblée, les anciens Grecs disaient : “Hermès est entré.” Allusion à la ouate de silence qui enveloppe le dieu dans diverses circonstances : quand il marche aucun bruit ne se fait entendre, les chiens n'aboient pas à son passage (David le Breton, Du silence, 2015 - books.google.fr, M. Gin, La Batrachomyomachie ou Le combat des rats et des Grenouilles: himnes et autres pièces fugitives attribuées à Homère, 1784 - books.google.fr). Un roi de France prénommé Alexandre A l'époque des guerres de religion, la monarchie de droit divin est attaquée et ébranlée par les protestants puis par les catholiques. Néanmoins, dans le cas particulier d'Henri III, la sacralité du Roi Très-Chrétien se conjugue avec celle qui lui est personnelle. En effet, son élection divine ne fait pas mystère : à deux reprises le jour de la Pentecôte, Dieu l'a appelé à la tête des royaumes de Pologne (11 mai 1573) puis de France (30 mai 1574). Aux yeux du souverain, le Saint-Esprit s'est manifesté pour lui confier le trône de deux nations, aux limites de la chrétienté, et le désigner à tous les hommes. De fait, le caractère commémoratif de l'ordre chevaleresque qu'il fonde le 31 décembre 1578 est inscrit dans les statuts. Une légende se crée même autour de sa naissance : dans Les Cérémonies tenues et observées à l'ordre et milice du sainct Esprit publié en 1579 (Paris, J. d'Ongois), l'auteur anonyme – mais cautionné par le roi à compte tenu du thème et du privilège accordé écrit qu'Henri III serait né le jour de Pentecôte 1550. La présence sur terre d'un tel homme élu de Dieu prend une valeur merveilleuse et ses sujets ne peuvent que se réjouir de l'avoir pour souverain en ces temps difficiles. L'iconographie est marquée par ces coïncidences (Isabelle Haquet, L’énigme Henri III: Ce que nous révèlent les images, 2014 - books.google.fr). Cf. le quatrain I, 23 - 1574. Henri III, né le 19 septembre 1551 à Fontainebleau et mort assassiné le 2 août 1589 à Saint-Cloud, est roi de Pologne sous le nom d'Henri Ier (Henryk en polonais) de 1573 à 1575 et roi de France de 1574 à 1589. Il est le dernier monarque de la dynastie des Valois et le premier Capétien mort assassiné. Quatrième fils du roi Henri II et de la reine Catherine de Médicis, le nouveau-né est initialement baptisé le 5 décembre dans la chapelle haute Saint-Saturnin (Fontainebleau) sous le prénom d'Alexandre Édouard (prénoms de ses deux parrains, le cardinal Alexandre Farnèse, allié des Français en Italie, et le jeune roi Édouard VI d'Angleterre), et titré duc d'Angoulême (fr.wikipedia.org - Henri III (roi de France)). Henri de Lorraine, 3e duc de Guise et 2e prince de Joinville, dit «le Balafré», né le 31 décembre 1550 à Joinville (Haute-Marne) et mort assassiné le 23 décembre 1588 à Blois (Loir-et-Cher), sur ordre du roi Henri III, est un prince issu d'une branche cadette de la maison de Lorraine (fr.wikipedia.org - Henri Ier de Guise). Typologie Le report de 1847 sur la date pivot 1550 donne 1253. Epoque du roi Louis IX, saint Louis. Le Duc de Guise Mme la duchesse d'Aumale étant accouchée d'un prince, au palais de Saint-Cloud, le 11 septembre 1847, il voulut qu'il portât le titre de duc de Guise. En effet, il reçut le lendemain les noms de Henri–Léopold-Philippe-Marie d'Orléans, duc de Guise. C'était à la fois un souvenir qu'il accordait à la ville et un hommage qu'il rendait à une race d'hommes si éminents ensevelie maintenant dans la poussière du tombeau, mais vivante dans les fastes de l'histoire. Elle venait de s'éteindre dans la duchesse de Lorraine-Guise, née comtesse de Granville, morte à Vienne en 1845. Le dimanche 12 septembre, tous les ministres, le chancelier Pasquier, le grand-référendaire, MM. de Broglie et Barthe se rendirent à Saint-Cloud, tous en uniforme. Après le dîner, M. Pasquier dressa l'acte de naissance du nouveau duc de Guise suivant le protocole. L'ambassadeur de Naples, le prince de Joinville, le duc d'Aumale, le duc de Montpensier, Mme Adélaïde et toutes les princesses de la famille royale, à l'exception du duc et de la duchesse de Nemours alors au camp de Compiègne, assistèrent à cette cérémonie qui se prolongea jusqu'à dix heures du soir. La nouvelle de l'heureuse délivrance de la duchesse d'Aumale et de la naissance d'un prince qui devait porter le titre de duc de Guise fut annoncée dans la ville par une salve d'artillerie de vingt et un coups de canon tirée par les artilleurs de la garde nationale. Cet événement qui devait marquer dans les annales de la cité fut célébré au milieu de la joie populaire par une sérénade donnée par la musique, et par une illumination spontanée. Le lendemain, le conseil municipal ayant à se réunir, saisit cette occasion pour envoyer au duc d'Aumale ses félicitations au nom de la ville, dans une adresse où l'on a remarqué ce paragraphe : «Prince, vous avez entendu nos vœux ; vous venez de donner un protecteur à cette ville et de faire revivre un nom célèbre dans l'histoire. Nous nous en félicitons, surtout dans la confiance qu'avec les leçons et l'exemple de son noble père, le nouveau duc de Guise rendra ce nom plus illustre et plus grand, par les services et les vertus que le siècle et le pays attendent de ceux que la fortune a élevés à ce haut degré.» (Argus soissonnais, 28 septembre 1847). Ces espérances furent trompées, car le jeune prince ne vécut que peu de temps. Le 12 janvier 1852, on écrivait de Naples devenu le lieu d'exil de la duchesse d'Aumale. «Madame la duchesse d'Aumale, cousine du roi, est heureusement accouchée hier au soir, à huit heures, d'un prince qui a reçu le nom de duc de Guise. Il doit être baptisé aujourd'hui. Le roi de Naples sera son parrain, duchesse douairière de Salerne, sa marraine.» Ce second duc de Guise ne devait pas fournir une carrière plus longue que son aîné: il mourut trois mois après, le 15 avril, au château de Claremont, autre lieu d'exil de la branche cadette (Louis-Victor Pécheur, Histoire de la ville de Guise et de ses environs, Tome 1, 1851 - books.google.fr). Petit ange mort au berceau Art. III. De la sépulture des petits enfants. Ici, c'est la joie sainte et l'action de grâces; aucun chant de repentir, aucune supplication pour la délivrance; le son de la cloche, les fleurs du petit cercueil, le drap blanc qui le recouvre, les ornements du prétre qui ne sont plus de deuil, les prières, les cantiques qui louent ou remercient le Seigneur, tout, dans les obsèques des enfants, nous dit qu'on accompagne en triomphe le corps d'un petit ange au ciel. Certes, l'Eglise ne veut pas outrager la douleur des mères ; elles ont bien le droit de pleurer ce petit étre, objet de tous leurs voeux, et qui peut-être déjà commençait à leur sourire. Oui, pleurez, mères désolées, dont le berceau est déjà flétri par la mort : rien n'est plus doux, suave et digne d'amour, rien n'ouvre le coeur à l'espérance, comme l'enfant bercé sur les genoux de sa mère. Mais quelle consolation pour vous, mères chrétiennes, au milieu de votre douleur! ici, la foi éclaire d'un rayon lumineux, d'une auréole de gloire, ce petit corps dont l'âme s'est envolée au ciel. Votre enfant, en effet, est un ange de plus, puisque le baptème lui donna la grâce, et que jamais le péché n'altéra sa splendeur. Dans le berceau privé de vie, nous avons les véritables reliques d'un saint ; et de là -haut, cet ange priera pour son père et sa mère, pour ses frères et ses sæurs, veillera sur la famille entière. C'est ce que l'Eglise veut nous rappeler dans les obsèques des petits enfants, en même temps qu'elle proclame, aux yeux de tous, leur virginale innocence. Pourquoi même ne rendrait-elle pas grâce à Dieu, qui a moissonné ces beaux lys pour les transplanter dans le ciel, avant que la poussière du monde ne les ait flétris ? (Théophile Bernard, Cours de liturgie romaine, ou, Explication historique, littérale et mystique des cérémonies de l'église à l'usage du clergé (prolégomènes-messe-bréviaire-rituel), 1893 - books.google.fr). "Du ciel
venu" François de Lorraine (1519 - 1563), duc de Guise, était considéré comme "un envoyé du ciel" pour conserver la religion catholique (Jean B. H. Du Trousset de Valincour, La Vie de François de Lorraine, Duc de Guise, 1681 - www.google.fr/books/edition). Son fils, Henri, dit le Balafré, sera comparé par le pape Sixte V de même : Après le discours de l'évêque du Mans [qui défend le roi Henri III de son action à Blois et de l'exécution des Guises], qui dura une heure entiére, le Pape prenant la parole d'un air de. Bonté & d'un ton fort modéré, sans s'arrêter à ce que ce Prélat avoit avancé des projets des Guises, des obstacles qu'ils avoient apportés à la guerre contre les Protestans , & au contraire des progrès que le Roi avoit faits contre eux, se contenta de lui laisser entendre qu'on l'avoit informé tout autrement. Il lui dit, qu'à l'égard de l'expédition du duc en Guyenne, il étoit bien instruit qu'elle auroit pû mieux réüssir, si les ministres du Roi ne s'y fussent opposés eux-mêmes, si la Reine-mére n'eût pas fait voyage en Poitou, par l'ordre même de ce Prince, & qu'elle n'eût pas traité de paix avec le roi de Navarre : Qu'il trouvoit la comparaison juste de l'armée formidable des Allemans mise en parallele avec les troupes nombreuses de Sennacherib ; & qu'il pensoit, comme le Roi, que la défaite n'étoit pas l'ouvrage des hommes, mais d'un Ange envoyé du ciel; mais que cet Ange étoit le duc de Guise dont Dieu avoit voulu se servir pour mettre en déroute les forces des Alliés : Qu'il se mettoit fort peu en peine de ce qui s'étoit passé aux Etats avant la publication de l'édit d'Union ; & que s'ils n'avoient pas réussi au gré du Roi, c'étoit à lui seul qu'il devoit s'en prendre, puisqu'au lieu de faire vivement la guerre aux Hérériques, il étoit allé mal à propos assembler les Etats dans un tems où il ne s'agissoit pas de raisonner sur le Gouvernement : Qu'il ne parloit pas non plus de la mort du duc de Guise ; que le Roi étoit le maître de la vie de ses sujets ; & qu'ainsi il avoit pû disposer du Duc à la fantaisie ; que cependant il auroit dû lui faire faire son procès auparavant selon les formes ordinaires de la justice : Qu'il demandoit seulement satisfaction de la mort du Cardinal qui étoit sujet du S. Siége, & non pas du Roi : Qu'en effet les Cardinaux étoient immédiatement soumis à la jurisdiction Pontificale, & ne relevoient d'aucune Puissance séculiére, non plus que les Evêques & Archevêques, ainsi qu'il étoit contenu dans le serment qu'ils prêtoient à leur sacre (Jacques Auguste de Thou, Histoire Universelle, Depuis 1543 jusqu'en 1607, Tome 10 : 1587-1589, 1734 - books.google.fr). La Femme au
serpent Quand Aglaé Savatier devient l'amante du millionnaire Alfred Mosselman, celui-ci commande au sculpteur Auguste Clésinger la statue d'un nu dont elle est le modèle. Cela sera la consécration de la jeune femme, qui connaîtra alors une célébrité â la fois discrète (celle du modèle anatomique anonyme d'une statue de marbre) et tapageuse (celle de la femme de chair et d'os trop visiblement incarnée dans la pierre), pour la raison de la nudité tout entière de son corps très fidèlement reproduite dans cette œuvre magistrale et scandaleuse finalement dénommée par son auteur Femme piquée par un serpent. Présentée en 1847 au Salon de peinture et de sculpture, la Femme piquée par un serpent émoustille fort les Bourgeois (des hommes patriarcaux et paternels, en général adeptes de la double vie, chargés, d'un côté, d'épouses et d'enfants, et, de l'autre, grands consommateurs de femmes et de filles faciles à déshabiller dans les maisons de tolérance et tous les boudoirs de la capitale) tout autant qu'elle scandalise une partie de la critique, très hypocritement d'ailleurs, pour la raison même de son naturalisme de pierre, de son réalisme en crudité charnelle, de son «vérisme mièvre et raccrocheur», comme, un siècle plus tard, le dira, non sans mépris, l'écrivain André Bille. Ce marbre exquis laisse à plaisir voir les moindres plis de peau et toutes les surfaces charnelles d'un corps (un cadavre - «Comme au long d'un cadavre un cadavre étendu» - «cadavre auprès d'un cadavre» «"nekros peri nekrô"», dit Sophocle). Un corps allongé dans la posture équivoque d'une agonie sur un lit de roses (alors coloré de carmin et de bleu au moyen d'un acide, choix de couleurs d'assez mauvais goût, qu'à bon droit on pourrait, n'était l'anachronisme, qualifier de kitsch, et dont le sculpteur Clésinger, auteur de ce marbre, vanta les mérites à Delacroix, auquel cependant sa personne «caus[ait] une impression peu favorable». Un corps saisi par l'épectase avec les ambiguïtés délicieuses qui la caractérise, exténué par les langueurs mortelles du venin ophidien, semence de vie et semence de mort («Ainsi je voudrais [...] t'infuser mon venin, ma sœur !», écrirait le poète maudit) (Raphaël Belaïche, Baudelaire, le Grand-Crevard, (Histoire poétique d'un fêlé), 2020 - www.google.fr/books/edition). Quelques personnes se demandent comment le jury a pu admettre une production aussi évidemment contraire aux lois de la pudeur. Le jury n'aurait pas demandé mieux, à ce qu'on prétend, que de déployer sa sévérité. Mais des recommandations puissantes avaient appelé son attention sur un marbre de Cléopâtre (celui de M. Daniel). En voyant le serpent postiche que M. Clésinger a enroulé autour de la jambe de sa statue, les membres du jury se sont dit : «Voici un ouvrage fort peu décent; mais nous ne pouvons nous dispenser d'admettre la Cléopâtre !» Et toute sa rigueur a fléchi devant cette étrange méprise (Henry Trianon, Salon de 1847, Le Correspondant, religion, philosophie, politique, Tome 18, 1847 - books.google.fr). Le "lict" de la "Cléopâtre", étant reine d'Egypte, est "royal". Aglaé (d'un mot grec qui veut dire beau), la plus jeune des trois Grâces, était représentée avec un bouton de rose à la main, comme l'attribut de la jeunesse et de la beauté. [...] Marc-Antoine, en mourant, demanda à Cléopâtre d'en couvrir sa tombe (Mercure de France, Volume 61, 1814 - books.google.fr). Royale Présidente
et son chien Le succès des Fleurs du mal valut à Baudelaire une récompense qui, pour tout autre, eût été douce entre les plus douces : l’amour d’une femme qu’il pouvait aimer. Mme Sabatier, - il n’y a point lieu de garder ici l’anonyme à l’héroïne de ce roman, qui, par sa vie, s’était mise ouvertement en marge de la stricte société, et que d’autres, d’ailleurs, ont nommée avant nous, - réunissait en elle tout ce qu’il faut pour attirer et retenir l’homme le plus raffiné. Les mémoires contemporains nous ont souvent entretenus du salon artistique de la rue Frochot et de sa charmante hôtesse. Encore qu’elle ne réalisât pas cet idéal complexe, mêlé de tristesse et de mystère que le poète des Fleurs a exalté dans Fusées (XVI), Mme Sabatier était d’une beauté rare et splendide, qu’attestent assez la Femme piquée par un serpent, de Clésinger, et la Femme au chien, de Ricard. À sa table s’asseyaient tous les dimanches l’élite des artistes et des écrivains, Préault, Dumas père, Feydeau, Gautier, Meissonnier, Musset, Clésinger, Flaubert, Bouilhet, Maxime du Camp, d’autres encore. Avec de tels partenaires, on le devine aisément, la conversation prenait parfois un tour quelque peu paradoxal, voire subversif. Mais la Présidente, - ainsi l’avaient baptisée ses amis qui tous eux-mêmes, à l’instar des habitués de l’hôtel de Rambouillet, s’étaient affublés de surnoms familiers ou grandiloquents, - possédait à fond l’art exquis de concilier les plus grandes libertés avec le bon ton. Enfin elle joignait à une bonté très réelle une intelligence naturellement vive et qu’avait encore affinée le milieu où elle vivait. À la comparer à Jeanne Duval, on ne s’étonnera pas si Mme Sabatier fit une vive impression sur Baudelaire ni si elle bénéficia du contraste. La Vénus noire et la Présidente, le Démon et l’Ange, la Chair et l’Esprit, le Vampire et l’idéale Amie, voilà les deux pôles du Baudelaire amoureux et même, plus généralement, de Baudelaire tout court (Eugène Crépet, Charles Baudelaire, Étude biographique, Revue et mise à jour par Jacques Crépet, suivie des Baudelairiana d’Asselineau, 1906 - fr.wikisource.org). Pour Baudelaire, Mme Sabatier fut réellement la
«Princesse lointaine», celle vers qui il se tournait dans ses moments de crise
et de découragements. C’est son fantôme qu’il voyait voltiger Sur les débris fameux des stupides orgies Ton souvenir plus clair, plus rose, plus
charmant, A mes yeux agrandis voltige incessamment. (Fleurs du mal,
L'aube spirituelle, v. 9) Elle fut longtemps son Idéal, sa Foi, son Refuge. C’est
sous ce jour seul qu’il nous plaît de l’accueillir (Ernest
Raynaud, Baudelaire et la religion du dandysme, Mercure de France, 1918 -
fr.wikisource.org). La famille
d'Orléans et le Salon de 1847 James Pradier sculpte deux statues en 1846 pour le duc de Penthièvre (1820 - 1828) et Mademoiselle de Montpensier (1814 - 1816), tout deux enfants de Louis Philippe et d'Amélie. Elles sont exposées au salon de 1847 puis installées dans la chapelle royale de Dreux (Douglas Siler, Correspondance de James Pradier, Tome III : 1843-1846, 1988 - www.google.fr/books/edition). Au mois d'avril 1816, le terrain, où se trouvaient le château et la collégiale démolis, fut racheté, et, le 19 septembre suivant, l'auguste descendante des comtes de Toulouse, la duchesse douairière d'Orléans, accompagnée de son fils, le duc d'Orléans, posa la première pierre d'une chapelle destinée à la sépulture de sa famille. Le plan de cette chapelle fut tracé par M. Cramail, architecte, et exécuté par M. Lamésange, maître maçon de Dreux. [...] A l’avénement du duc d'Orléans au trône, en 1830, on put penser que la nouvelle dynastie irait demander son dernier asile à la vieille basilique de Saint-Denis, auprès des tombeaux vides mais relevés de Louis XIV, de Henri IV et de saint Louis. Il n'en fut pas ainsi : le nouveau roi manifesta l'intention d'aller reposer, après sa mort, dans les caveaux de la chapelle de Dreux. La ville apprit avec fierté la détermination royale : une funèbre, mais éclatante illustration allait s'ajouter aux illustrations passées de l'antique cité des Druides, dont l'individualité s'était effacée comme celle de tant d'autres villes de province, à la fin du siècle dernier. La chapelle de la Duchesse douairière dut dès lors subir une transformation complète : ses proportions trop petites, ses dimensions trop étroites durent être agrandies; la nudité de son style, la pauvreté de ses formes, remplacées par une ornementation sage, noble, grave et sévère. Au point de vue et dans l'intérêt de l'art, il eut paru convenable de faire disparaître l'ancienne chapelle; mais par des motifs qu'on est forcé de respecter, le roi Louis-Philippe voulut conserver le monument de sa mère. [...] La chapelle absidale est dédiée sous le vocable de Notre-Dame de Pitié ou des Sept-Douleurs. [...] Quatre tombeaux sont rangés dans le pourtour de cette chapelle : le premier, à droite, est celui du duc d'Orléans; le prince est représenté couché et revêtu de l'uniforme de lieutenant général; près de sa tête et sur le coussin qui l'appuie est posée la couronne royale, et il tient de sa main droite une épée nue. Ce beau marbre a été sculpté en 1847, par Loison, sur le modèle fait par Ary Scheffer, inspiré par le sentiment de sa reconnaissance et de son respectueux attachement pour son auguste bienfaiteur. A gauche de l'autel repose Mme la princesse Adélaïde, seur du roi, décédée le 31 décembre 1847; le tombeau de Mme la duchesse douairière d'Orléans est recouvert, comme celui du prince son petit-fils, d'un marbre sculpté par Barre fils, en 1847, et qui a représenté la princesse vêtue d'un manteau d'hermine et la couronne ducale sur la tête. L'artiste a fait ressortir dans ses traits l'empreinte de la bonté et de la douceur qui caractérisaient cette princesse. Dans ce même tombeau ont été déposés, le 22 avril 1844, les restes des membres de la famille de Toulouse et de Penthièvre, réunis dès le 28 juillet 1821 dans un même cercueil. En sortant de la chapelle, on trouve à droite le tombeau de Mme la duchesse de Bourbon-Condé, tante du roi Louis-Philippe, mère de l'infortuné duc d'Enghien, et, vis-à -vis, celui du jeune duc de Penthièvre; Pradier la représenté portant la couronne ducale, et les mains dans l'attitude de la prière. Un autre petit tombeau, placé également en retraite dans l'entre-colonnement, renferme le corps de Henri d'Orléans, duc de Guise, deuxième fils du duc d'Aumale, décédé à Paris, [...] et d'une jeune enfant du même prince, morte en naissant, à Claremont (Angleterre), le 16 août 1850. Quatorze autres tombeaux symétriquement disposés sont encore inoccupés (Eustache de Rotrou, Dreux ses antiquités, 1864 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Chapelle royale de Dreux). Acrostiche : USLD OSLAD ou USLAD, le dieu russe du repos, des festins et
des plaisirs voluptueux chez les anciens Russes. Son nom vient probablement du
mot russe usladit, rendre doux (Louis
Noirot, Dictionnaire de la mythologie des peuples du Nord, des Scandinaves, des
Germains, des Prussiens, des Vendes, 1832 - books.google.fr). Sa statue fut érigée à Kiiovie [Kiev], par ordre de Vladimir, lorsqu'il étoit encore plongé dans les ténèbres du paganisme; mais une fois converti, il la fit détruire (Stanislaw Siestrzencewicz-Bohusz, Recherches historiques sur l'origine des Sarmates des Esclavons et des Slaves et sur les époques de la conversion de ces peuples au christianisme, Tomes 3 à 4, 1812 - www.google.fr/books/edition). La voïvodie de Kiev était une division administrative et un gouvernement local dans le grand-duché de Lituanie de 1471 jusqu'en 1569 et de la couronne du royaume de Pologne à partir de 1569 jusqu'en 1793 dans le cadre de la province de Petite-Pologne. C'était la plus grande voïvodie de la république des Deux Nations, couvrant entre autres le territoire contrôlé par les Cosaques zaporogues. Sous l'ordre du roi Casimir IV Jagellon, elle avait remplacé l'ancienne principauté de Kiev, gouvernée par des princes lituaniens depuis leur victoire à la bataille des Eaux-Bleues en 1362. Son premier centre administratif était à Kiev, mais lorsque la ville a été donnée à l'Empire russe en 1667 dans le cadre du traité d'Androussovo, la capitale devint Jytomyr, et le resta jusqu'au deuxième partage de la Pologne en 1793 et l'annexion par la Russie (fr.wikipedia.org - Voïvodie de Kiev). Adolphe Yvon est né à Eschwiller, le 30 janvier 1817.
Après avoir terminé ses études, il entra dans l'administration des eaux et
forĂŞts, qu'il quitta bientĂ´t, contrairement au vĹ“u de ses parents, pour venir Ă
Paris, se mettre sous la direction de Paul Delaroche, qui (chose singulière !)
lui conseilla de ne pas concourir pour le prix de Rome. M. Yvon fit, en 1843, un voyage en Russie et en rapporta une série de
dessins qui figurèrent au Salon, pendant les années 1847 et 1848, et furent
remarqués par leur allure franchement pittoresque. La bataille de Koulikowo,
exposée en 1850, posa l'artiste comme peintre d'histoire; en 1855, il établit
définitivement sa réputation avec le maréchal Ney soutenant l'arrière-garde de
la Grande armée, pendant la retraite de Russie, qui compte parmi ses meilleurs
tableaux. L'action est très nettement exprimée et il y a un véritable
sentiment dramatique dans l'ensemble. La même année, M. Yvon exposa les dessins
de L'Enfer (de Dante), qui sont maintenant au musée du Havre. «Nous aimons
beaucoup (Ă©crivait Th. Gautier en 1855) les dessins au fusain de M. Yvon,
représentant les sept péchés capitaux punis par les supplices de l'enfer
Dantesque; c'est une suite de beaux motifs pour l'artiste Ă©pris des tournures
grandioses et des musculatures de Michel-Ange, que ces damnés tordus dans
toutes les postures, avec leurs raccourcis et leurs détails anatomiques. M.
Yvon en a tiré parti en a maître.» Ces dessins ont été popularisés par les
belles lithographies de M. Jacott. M. Yvon a été, en quelque sorte, le peintre
officiel des batailles du second Empire. Le musée de Versailles possède de lui
des toiles d'une dimension immense, qui retracent les principaux événements des
guerres de Crimée et d'Italie. Voici la liste des œuvres envoyées par cet
artiste Ă©minent aux Salons annuels, Ă Paris : Salon de 1847 : Portrait de M. Mathieu Meusnier,
statuaire; Portrait de M. L. D., conseiller référendaire à la Cour des Comptes
; Mosquée tartare à Moscou (dessin);
Droski russe (dessin); Roule de Sibéric (dessin); Paysanne russe, gouvernement
de Touis (id.); Tartare de la Loubianska à Moscou (dessin). Salon de 1848 : Relais de poste en Russie; Portrait
de Mme ***; Portrait de M. A.; Portrait du capitaine Lemasson; La colère
(dessin); La luxure (dessin), réexposés en 1855; Elégie (dessin); Pastorale
(dessin); Danse de paysannes russes (dessin); Tartares de la Loubianska faisant
le thé (dessin) (Nérée
Quépat, Dictionnaire biographique de l'ancien département de la Moselle
contenant toutes les personnes notables de cette région, 1887 - books.google.fr). Baudelaire a trois maîtresses connues : deux
actrices, Jeanne Duval et Marie Daubrun, et Apollonie Sabatier, une bourgeoise
émancipée. Il s'adonne à l'alcool, la paresse, la luxure. Condamné pour
immoralité en 1857 à cause des Fleurs du Mal, le poète se sent «maudit» (Fiches
ABC pour le BAC Français 1re, 2020 - books.google.fr). La vie amoureuse de Baudelaire est lamentable. Elle oscille entre une affreuse mulâtresse, Jeanne Duval, qui représente sa luxure, et une charmante femme entretenue, Apollonie Sabatier, qu'il voulut à tort idéaliser et qu'il ne sut pas prendre. De cette matière insuffisante il a tiré ses admirables et douloureux poèmes (Henry Bordeaux, De Baudelaire à Soeur Marguerite, 1936 - books.google.fr). La défaite napoléonienne amena les Russes à Paris et fit
d'Alexandre Ier l'arbitre de l'Europe pour trente ans. Les Russes étaient entré
dans Paris en 1814. Tout en succombant largement aux divers charmes de Paris,
les Russes de la bonne société se voyaient beaucoup entre eux. Ainsi le
dimanche 18 octobre 1825, après avoir assisté à la liturgie dominicale à la
chapelle de la rue Meslay, oĂą il avait eu l'occasion de rencontrer le baron
Stroganov, Alexandre Tourguéniev passa rendre
visite à Alexandre Narychkine, puis il alla déjeuner chez la comtesse
Bobrinski. Il y eut l'impression «d'avoir déménagé à Pétersbourg». Dans les
annĂ©es quarante et cinquante, l'ambassadeur de Russie recevait habituellement Ă
déjeuner le dimanche, après la liturgie, plusieurs dizaines de ses
compatriotes. À la même époque, il leur était loisible de fréquenter l'un des
salons ouverts à Paris par les grandes dames russes qui y séjournaient, par
exemple celui de Marie Narychkine rue de Rivoli ou celui de la comtesse
Razoumovski aux Champs-Élysées. [...] En août 1847 était baptisé le fils du
prince Michel Galitzine. Il eut pour parrain son grand-père, le prince Fedor
Galitzine, et pour marraine Marie Narychkine, dont le salon Ă©tait Ă l'Ă©poque
l'un des rendez-vous favoris du Tout-Paris aristocratique (Nicolas
Ross,; Saint-Alexandre-sur-Seine: l'église russe de Paris et ses fidèles : des
origines Ă 1917, Tome 1, 2005 - books.google.fr). Alexandre Tourgueniev (1784-1845), historien et homme de
lettres russe, qui a passé une partie considérable de sa vie en France. Frère
du dĂ©cembriste NikolaĂŻ Tourgueniev, il frĂ©quentait rĂ©gulièrement Stendhal Ă
Paris et à Rome. L'écrivain français nourrissait une sympathie très sincère pour
son ami russe (Vera
Miltchina, Un cosmopolite russe entre la France et l'Allemagne : Alexandre
Tourgueniev, Philologiques, Tome IV : Transferts culturels triangulaires
France-Allemagne-Russie, 1996 - www.google.fr/books/edition). Ivan Tourgueniev est le pivot de la prĂ©sence russe Ă
Paris, oĂą il arrive en 1847 lorsqu'il a 29 ans (Brigitte
de Montclos, Les Russes à Paris au XIXe siècle, 1814-1896, 1996 -
books.google.fr). Nadejda (Nadine) von Knorring (1826-1895), d'origine
balte, Ă©pouse vers 1846 le vieux prince Alexandre Narychkine (mort en 1856 ou
1864 ?), puis Alexandre Dumas fils, dont une fille Olga (plus tard
marquise de Thierry de Falletans), Â est
la maîtresse depuis 1852, père de deux de ses filles, Colette et Jeannine
Dumas. Elle fut appelée la "sirène aux yeux verts" dans sa jeunesse (fr.wikipedia.org -
Famille Narychkine, George
Sand, Correspondance, Juillet 1860-Mars 1862, 1964 - www.google.fr/books/edition,
Pour la visite d'un Tsar en France cf. V, 54. |