Les DĂ©sastres de la guerre

Les DĂ©sastres de la guerre

 

IV, 45

 

1811-1812

 

Par conflict Roy, regne abandonnera,

Le plus grand chef faillira au besoin

Mors profligez peu en rechapera,

Tous destranchez, vn en sera témoin.

 

La guerre en espagne

 

Après la «souricière de Bayonne», dépositaire de la Couronne d'Espagne, Napoléon Ier désigne son frère aîné, Joseph, pour devenir le nouveau roi ; celui-ci est contraint d'abandonner le Royaume de Naples, où il régnait jusqu'alors, et fait son entrée à Madrid le 20 juillet 1808. Joseph Ier est mal accueilli par ses nouveaux sujets. Il n'a emménagé dans son nouveau palais qu'à coups de baïonnettes et n'a pu se séparer de son escorte. Les Espagnols sont attachés profondément à leur famille royale qu'ils considèrent comme retenue captive en France. Ils n'acceptent donc pas qu'un roi étranger les gouverne, et vont jusqu'à surnommer le nouveau souverain d'El rey intruso (le roi intrus).

 

L'instabilité permanente du régime ne permet pas à Joseph Ier de gouverner, ni même de soutenir la politique voulue par son frère. Au terme de cinq ans de conflits, le Royaume d'Espagne est le théâtre d'une lutte entre les Français et les Espagnols d'une part, et Français et les Britanniques d'autre part. La Grande Armée, appelée en renfort, est dépassée par les évènements, d'autant plus qu'elle doit lutter au même moment sur le front Est-Européen. Enfin, les erreurs stratégiques du roi d'Espagne ruinent les quelques occasions de victoire. La défaite de Vitoria, le 21 juin 1813, est un coup fatal pour la Maison Bonaparte en Espagne et provoque le départ du roi Joseph pour la France. Le 11 décembre 1813, le traité de Valençay est signé entre Napoléon Ier et Ferdinand de Bourbon : le premier rend la Couronne d'Espagne à la Maison de Bourbon et le second redevient roi sous le nom de Ferdinand VII. Ce traité met un terme définitif au plus grand État-satellite de l'Empire français (fr.wikipedia.org - Royaume d'Espagne (1808-1813)).

 

"detranchez"

 

Détrancher, trancher. «Quel langage : le fer vient (son pied) détrancher ! Et puis il faut dire le simple trancher, et non le composé détrancher. Ce dernier signifie couper en morceaux.» (Malherbe; Diverses Amours). C'était en effet le sens, jusqu'au moment où le mot disparut (Comparez couper et découper) (Ferdinand Brunot, La doctrine de Malherbe, 1891 - books.google.fr).

 

Le royaume de Joseph Bonaparte ne sera jamais qu'un royaume d'opérette auquel son expédition en Andalousie n'a fourni qu'un bref répit. Comme au début du XVIIIe siècle, quand Philippe V fut contraint de conquérir son royaume — mais cette fois dans l'hostilité générale de tout un peuple —, les années qui s'écoulent de 1810 à 1813 sont celles d'un perpétuel flux et reflux d'armées en campagne, vivant sur l'habitant et conduites du côté français par des maréchaux jaloux les uns des autres et se comportant en condottieres indépendants sans coordination entre eux, et sans que le roi Joseph, tenu en piètre estime militaire par son frère, soit en mesure d'exercer sur eux le moindre contrôle. Soult continue de piller l'Andalousie sans la contrôler vraiment. Reille gouverne théoriquement la Navarre, Macdonald la Catalogne, Suchet le Levant et une partie de l'Aragon, Ney la région de Salamanque. Tous reçoivent leurs ordres directement de Paris mais n'en font guère qu'à leur guise. Joseph ne cesse de s'en plaindre à son frère mais sans pouvoir le convaincre de lui conférer quelque autorité au-delà du périmètre étroit de sa capitale et sans cesse menacé par des incursions de partisans. S'aventurer au-delà des environs immédiats de la ville sans une forte protection militaire lui sera presque constamment refusé. Attaqués et pillés, les convois de ravitaillement seront incapables d'alimenter la capitale y provoquant une terrible famine qui fit plus de vingt mille victimes au cours de l'hiver de 1811.

 

Une nouvelle forme de guerre totale s'impose désormais sur l'ensemble du territoire espagnol. Frédéric II, à Rosbach, avait déjà enterré la guerre en dentelles de Fontenoy ou du maréchal de Soubise ; les années napoléoniennes se heurtent désormais au moins classique et au plus cruel des conflits celui d'un peuple en armes harcelant sans répit des armées régulières et se dérobant aussi vite à leur lourd appareil. Cette forme de guerre n'est certes pas nouvelle, elle existe depuis l'Antiquité, et les années impériales l'ont déjà éprouvée en Calabre ou en Autriche avant d'y succomber en Russie. Mais c'est l'Espagne, qui lui donnera son nom la guerrilla, terme promis à une durable postérité internationale, comme bientôt ceux de pronunciamiento, de camarilla ou même bientôt de libéral dans son sens politique le plus avancé. Un cortège d'horreurs l'accompagne inévitablement.

 

Ce sont ces Désastres de la guerre que le burin impitoyable de Goya a gravé dans nos mémoires soldats crucifiés sur des portes de grange, partisans coupés en morceaux, leurs membres exhibés sur les branches d'un arbre, femmes éventrées avec leurs enfants. Vengeances sordides répondant sans fin à d'autres vengeances haineuses où s'abîme tout restant d'humanité. En témoignent les innombrables mémoires et récit de militaires français engagés dans cette interminable campagne qui leur coûtera près de 250000 tués et blessés. Ils n'ont qu'un mot pour désigner le lieu de ces atrocités «un pays de malheur». Beaucoup y auront perdu leur âme de soldats, prisonniers qu'ils étaient de cet abominable cycle exaction-répression promu dans les temps modernes à un si bel avenir.

 

Des régions entières sont dominées par les bandes de caudillos autoproclamés comme les curés Mérino et Tapia, le frère franciscain Lucas Rafaël, le cordonnier Juan Martin Diez dit «El Empecinado» (l'Obstiné ou l'Empoissé) en Vieille Castille, l'étudiant Xavier Mina, plus noble figure, puis son oncle, Espoz y Mina qui, promu général en 1813, disposera en Navarre de neufs régiments d'infanterie et deux de cavalerie ! Dès le mois de décembre 1808, la junte centrale, tout en s'efforçant de les encadrer, a en effet reconnu à ces partidas une existence légale, des «privilèges de course» semblables à ceux des corsaires de haute mer, un statut que l'adversaire ne saurait évidemment respecter. Sans nul doute l'action de ces guerrilleros, inventeurs de la guerre subversive, fut un élément déterminant de la défaite finale des années françaises. Les armées anglaises y ajoutèrent le poids décisif d'une force disciplinée sous la conduite bientôt unique de Wellington (Philippe Nourry, Histoire de l'Espagne, Des origines à nos jours, 2013 - books.google.fr).

 

"témoin"

 

Goya, tĂ©moin de ces cruautĂ©s — yo lo vi, j'ai vu cela, affirme-t-il - les stigmatise alors d'une façon saisissante, d'oĂą qu'elles viennent ; mais son vĂ©ritable but fut avant tout, dans ses DĂ©sastres, de faire abhorrer plus la guerre que l'ennemi, en dĂ©voilant Ă  nos yeux ce qu'elle est capable de dĂ©chaĂ®ner chez les deux adversaires (Loys Delteil, Goya, 1922 - books.google.fr).

 

Francisco José de Goya y Lucientes, dit Francisco de Goya, né le 30 mars 1746 à Fuendetodos, près de Saragosse, et mort le 16 avril 1828 à Bordeaux, en France, est un peintre et graveur espagnol. Son œuvre inclut des peintures de chevalet, des peintures murales, des gravures et des dessins. Il introduisit plusieurs ruptures stylistiques qui initièrent le romantisme et annoncèrent le début de la peinture contemporaine. L’art goyesque est considéré comme précurseur des avant-gardes picturales du XXe siècle (fr.wikipedia.org - Francisco de Goya).

 

"faillir au besoin"

 

Faillir au besoin. "Faire dĂ©faut dans une situation de dĂ©tresse" :

 

Que requiert elle [la pauvre âme] ? En nom Dieu ! elle chiet en soy en desesperacion de ayde quelconque, car tout lui fault au besoing, et trebuche dessoubz soy par eternelle dampnacion (Jean GHerson, Sermon pour la PentecĂ´te) (zeus.atilf.fr).

 

Napoléon finira par abandonner l'Espagne.

 

Acrostiche : PLMT, pelmet ou la mode des lambrequins

 

Lorsque les armoiries sont timbrées d'un heaume, on voit généralement celui-ci orné de pièces d'étoffes nommées lambrequins. L'origine de cet ornement est très ancienne et provient du chaperon que les chevaliers posaient ordinairement sur leur casque, pour empêcher que l'ardeur du soleil n'échauffât l'acier, ou même pour préserver celui-ci de la rouille produite par l'humidité. Les lambrequins sont devenus aujourd'hui un des plus gracieux ornements des armoiries par les formes bizarres ou élégantes que leur donnent les peintres et les graveurs. Sous l'empire français, on ajouta des lambrequins aux toques qui remplaçaient les couronnes, et, par une erreur qu'il est impossible de s'expliquer, on viola les règles du blason en les composant de métal sur métal (E. Jouffroy d'Eschavannes, Traité complet de la science du blason, 1844 - books.google.fr).

 

Le duc de Wellington, vainqueur en Espagne et à Waterloo de Napoléon, en portait aussi dans ses armoiries (Archibald Barrington, Lectures on heral7dry, 1844 - books.google.fr).

 

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