L’opposition au règne de Louis-Philippe

L’opposition au règne de Louis-Philippe

 

V, 2

 

1853-1854

 

Sept conjurés au banquet feront luire,

Contre les trois le feu hors de navire,

L’un les deux classes au grand fera conduire,

Quand par le mail. Denier au front luy tire.

 

Thèbes, -379

 

En 382, Pélopidas est chassé de Thèbes après la prise de la Cadmée, forteresse de la ville, par Phébidas avec l'aide des Spartiates. Il s'enfuit à Athènes pendant trois ans tandis que Thèbes est gouvernée par Archias et Léontidas (fr.wikipedia.org - Pélopidas).

 

Les exilés thêbains trouvèrent à Athènes non-seulement un abri sûr, mais une sympathie sincère pour leurs plaintes contre l'injustice lacédæmonienne. La faveur généreuse que les Thèbains avaient montrée, vingt-quatre ans auparavant, à Thrasyboulos et aux autres réfugiés athéniens, pendant la toute-puissance des Trente, fut actuellement payée avec reconnaissance dans ce changement de fortune des deux cités, et payée encore au mépris des menaces de Sparte, qui demandait l'expulsion des exilés, comme dans la première occasion elle avait demandé que les réfugiés athéniens fussent renvoyés de Thêbes. Toutefois protéger ces exilés thêbains était tout ce qu'Athènes pouvait faire. Leur rétablissement était une tâche qui dépassait son pouvoir, et vraisemblablement le leur plus encore. Car le gouvernement actuel de Thêbes était fermement assis, et avait les citoyens complétement sous son autorité. Administré par une petite faction, Archias, Philippos, Hypatês et Leontiadês (dont les deux premiers étaient à ce moment polémarques, bien que le dernier fût le plus énergique et le plus résolu), il était en même temps soutenu par la garnison considérable de 1,500 Lacédæmoniens et alliés.

 

De ces hommes, le plus hardi à créer des mesures agressives, bien que presque le plus jeune, était Pélopidas, dont l'audace et le dévouement absolu, dans une entreprise qui semblait entièrement désespérée, se communiquèrent bientôt à une poignée de ses compagnons. Les exilés, qui entretenaient constamment une correspondance secrète avec leurs amis de Thêbes, se sentaient assurés de la sympathie des citoyens en général, s'ils pouvaient une fois frapper un coup. Cependant il ne fallait rien moins que faire périr les quatre chefs, Leontiadès et ses collègues, et personne dans la ville ne voulait se dévouer pour une tentative si dangereuse et si désespérée. Ce fut cette conspiration que Pélopidas, Mellon et cinq ou dix autres exilés (le nombre de la troupe entière est donné différemment, les uns disant sept, les autres douze), entreprirent d'exécuter. Beaucoup de leurs amis de Thêbes entrèrent dans l'affaire comme auxiliaires, qui ne s'y seraient pas embarqués comme auteurs principaux. De tous les auxiliaires, le plus efficace et le plus indispensable fut Phyllidas, le secrétaire des polémarques; après lui, Charôn, homme éminent et ardent patriote. Phyllydas, ayant été envoyé à Athènes pour affaire officielle, entra en conférence secrète avec les conspirateurs, concerta avec eux le jour de leur arrivée à Thêbes et même s'engagea à leur fournir un accès auprès des polémarques eux-mêmes. Charon promit non-seulement de les cacher dans sa maison, jusqu'à ce que le moment de frapper leur coup fût venu, — mais encore il s'inscrivit pour prendre part à l'attaque armée. Néanmoins, malgré ces encouragements partiels, le plan paraissait encore désespéré à beaucoup de gens qui en désiraient sincèrement le succès. Epaminondas, par exemple, que nous voyons paraître maintenant devant nous pour la première fois, - qui résidait à Thêbes, et non-seulement partageait les vues politiques de Pélopidas, mais encore était attaché à lui par une intime amitié, dissuada d'autres personnes de se mêler de cette tentative, et refusa d'y participer. (Xénophon, Helléniques, Traduction par Jean-Baptiste Gail, 1836 - fr.wikisource.org).

 

"sept conjurés"

 

Ce fut assez de sept bannis pour exterminer tous les Thébains qui avaient introduit les Lacédémoniens dans la forteresse, ces mêmes Thébains qui avaient voulu l’asservissement de leur patrie pour en usurper la souveraineté (Xénophon, Helléniques, Traduction par Jean-Baptiste Gail, 1836 - fr.wikisource.org).

 

"banquet"

 

Les polémarques sortant de charge, célébraient les Aphrodisies. [...]

 

Le jour pour l'exécution de l'entreprise fut fixé par Phyllidas le secrétaire, qui avait préparé un banquet du soir en l'honneur d'Archias et de Philippos, afin de célébrer l'époque où ils sortaient de charge comme polémarques, — et qui avait promis à cette occasion d'amener en leur compagnie quelques femmes remarquables par leur beauté, aussi bien que des meilleures familles de Thèbes. [...]

 

De concert avec le corps général des exilés thêbains à Athènes, qui se tenaient prêts sur la frontière de l'Attique, avec quelques Athéniens, leurs amis politiques, à marcher sur Thêbes dès qu'ils en recevraient l'avis, et de concert également avec deux des dix strategi d'Athènes, qui prirent sur eux d'appuyer secrètement l'entreprise, sans un vote public; Pélopidas, Mellôn et leur cinq compagnons franchirent le Kithærôn, se rendant d'Athènes à Thêbes. Il faisait un temps pluvieux, vers le mois de décembre 379 avant J.-C.; ils étaient déguisés en paysans ou en chasseurs, sans autres armes qu'un poignard caché, et ils franchirent les portes de Thêbes un par un à la nuit tombante, précisément au moment où les derniers gens de ferme rentraient chez eux de leurs champs. Ils arrivèrent tous sains et saufs à la maison de Charôn, le rendez-vous désigné. (Xénophon, Helléniques, Traduction par Jean-Baptiste Gail, 1836 - fr.wikisource.org).

 

"trois"

 

Revenus à leur fête, Archias et Philippos pressèrent impatiemment Phyllidas d'introduire les femmes selon sa promesse. Alors le secrétaire sortit et amena dans une chambre voisine les conspirateurs, revêtus de costumes de femme; puis revenant auprès des polémarques, il leur apprit que les femmes n'entreraient pas avant que les domestiques fussent d'abord congédiés. [...]

 

Archias et Philippos furent tués sur-le-champ, après n'avoir fait que peu de résistance; mais Kabeirichos, avec sa lance, essaya de se défendre, et périt ainsi avec les autres, bien que les conspirateurs n'eussent pas eu dans l'origine l'intention de lui ôter la vie (Xénophon, Helléniques, Traduction par Jean-Baptiste Gail, 1836 - fr.wikisource.org).

 

Deux autres

 

Ayant réussi jusque-là, Phyllidas conduisit trois des conspirateurs - Pélopidas, Kephisodôros et Damokleidas à la maison de Leontiadês, où il obtint d'être admis en se disant porteur d'un ordre des polémarques. Leontiadês se reposait après souper, avec sa femme assise à ses côtés, filant de la laine, quand ils entrèrent dans sa chambre. Étant brave et plein de force, il se leva précipitamment, saisit son épée, et blessa mortellement Kephisodôros à la gorge; une lutte désespérée s'ensuivit entre lui et Pélopidas dans l'entrée étroite de la porte, où un troisième n'avait pas de place pour approcher. A la fin cependant Pélopidas le renversa et le tua; puis ils se retirèrent, en enjoignant avec menaces à sa femme de garder le silence, et fermèrent la porte après eux en ordonnant péremptoirement qu'on ne la rouvrit pas. Ils se rendirent ensuite à la maison d'Hypatês, qu'ils tuèrent pendant qu'il cherchait à se sauver sur le toit. Les quatre grands chefs du parti philolaconien dans Thêbes ayant été à ce moment mis à mort, Phyllidas se dirigea vers la prison avec les conspirateurs.

 

Délivrer les prisonniers, hommes probablement pour la plupart professant la même politique que les conspirateurs, leur fournir des armes prises aux dépouilles des batailles suspendues dans les portiques voisins, et les ranger en ordre de combat près du temple d'Amphiôn, tels furent les actes suivants; ensuite ils commencèrent à sentir quelque assurance de sûreté et de triomphe. Epaminondas et Gorgidas, informés de ce qui s'était passé, furent les premiers à paraître en armes avec quelques amis pour soutenir la cause; tandis qu'une proclamation fut faite partout à haute voix par les hérauts, annonçant que les despotes étaient tués, Thêbes était libre, que et que tous les Thêbains qui faisaient cas de la liberté eussent à se rassembler en armes dans la place du marché. Il y avait à ce moment à Thêbes beaucoup de trompettes qui étaient venus pour disputer le prix à la fête des Herakleia qui approchait. Hipposthenidas engagea ces hommes à sonner de leurs trompettes dans les différentes parties de la ville, et à exciter ainsi partout les citoyens à prendre les armes. Bien que pendant les ténèbres la surprise fût le sentiment dominant, et que personne ne sùt que faire, — cependant, aussitôt que le jour commença à poindre et que la vérité finit par être connue, il n'y eut qu'un sentiment de joie et d'enthousiasme patriotique dans la majorité des citoyens (Xénophon, Helléniques, Traduction par Jean-Baptiste Gail, 1836 - fr.wikisource.org).

 

"navire" : Thèbes

 

Ainsi Thebes, Ville de Béotie, est aussi appellée "kibôtion", une petite Arche, à cause du Navire dans lequel Cadmus passa en Europe (Physique sacrée, ou histoire naturelle de la Bible. Traduit du latin de Mr. Jean-Jacques Scheuchzer, 1732 - books.google.fr).

 

Le couffin dans lequel Moïse est placé par sa mère sur le Nil est appelé "theba" (Exode II,3).

 

Le mot hébreu, ou plutôt égyptien, est theba; il n'est employé dans la Bible qu'ici et en parlant de l'arche de Noé (tandis que l'arche de l'alliance est appelée arón). Il désigne proprement les coffres ou cercueils dans lesquels les Egyptiens renfermaient les momies (La Bible annotée par une société de Théologiens et de pasteurs, Tome 7, 1889 - books.google.fr).

 

En hébreu l'arche est Theba dont la signification est cista, corbeille; parce que le vaisseau de Noé avait la forme d'une corbeille dont la partie supérieure devait être, on le suppose, une voûte, d'où lui vient le nom de arca, arche (Exode 6,13) (Enrique Onffroy de Thoron, La langue primitive depuis Adam jusqu'à Babel, son passage en Amérique, où elle est encore vivante, 1886 - books.google.fr).

 

"deux classes"

 

Classis (flotte, catégories de la population, divisions d'une armée rangée en bataille) est la transcription du grec klasis (fraction). Navila ou nauta (marinier, matelot) est un mot grec (Revue archéologique, Volume 79, 1884 - books.google.fr).

 

Les poĂ«tes ont appliquĂ© ce mot : Classis Ă  un seul navire. Virgile dit, Eneid., liv. VI, v. 334 :

 

Cernit ibi mastos, et mortis honore carentes,

Leucaspim, et Lyciæ ductorem Classis Orontem (Augustin Jal, Glossaire nautique: répertoire polyglotte de termes de marine anciens et modernes, Tome 1, 1848 - books.google.fr).

 

Thèbes avait réussi à repousser les invasions spartiates de 378 et 377, mais les dommages causés à ses récoltes étaient lourds. La ville était maintenant remplie d'exilés, des démocrates qui avaient fui les régimes imposés par Sparte durant son occupation de la Béotie. Tandis qu'Agésilas se retirait pour soigner sa jambe malade à Sparte, les Thébains durent avoir recours à des importations de nourriture pour compenser la pénurie qu'il avait déclenchée. Cette quête fut à l'origine d'un épisode qui intrigua Xénophon, l'auteur des Helléniques, car il avait trait à un problème toujours présent dans son esprit, celui de l'erôs. Thèbes n'avait pas accès au rivage septentrional de la mer Noire (territoire de l'actuelle Ukraine), le grenier à blé d'où provenait une grande partie de l'approvisionnement d'Athènes. La cité devait se tourner vers le port de Pagases, en Thessalie, d'où s'était embarqué Jason, disait-on, à bord de l'Argo. Un autre Jason y occupait le pouvoir – Jason de Phères avec qui nous ferons bientôt plus amplement connaissance –, et Thèbes s'était alliée avec son régime (James Romm, Le Bataillon sacré, traduit par Christophe Beslon, 2022 - books.google.fr).

 

56. Les Thébains, vivement pressés par la disette de blé, vu que, depuis deux ans, ils n'avaient rien récolté sur leur territoire, envoyèrent à Pagases deux trières et des hommes, porteurs de dix talents, pour acheter du blé. Pendant qu'ils ramassaient le blé, le Lacédémonien Alcétas, qui gardait Oréos, équipa trois trières en prenant soin que rien n'en transpirât. Quand le blé fut en route, Alcétas le saisit avec les trières qui le portaient et prit vivant l'équipage, qui ne se montait pas à moins de trois cents hommes. Il les enferma dans la citadelle où il logeait lui-même. 57. Il avait dans sa suite un jeune garçon d'Oréos, très distingué, à ce qu'on disait, et il descendait de l'acropole pour s'occuper de lui. Les prisonniers ayant remarqué sa négligence, s'emparent de l'acropole et la ville se révolte. Dès lors, les Thébains eurent toute facilité pour se ravitailler en blé (Xénophon, Les Helléniques, Livre V, traduit par Eugène Talbot, 1859 - remacle.org).

 

Xénophon ne consacre que quelques phrases à cet incident, mais nul autre auteur n'en fait mention (James Romm, Le Bataillon sacré, traduit par Christophe Beslon, 2022 - books.google.fr).

 

"grand" : Jason de Phères

 

31. Quoi qu'il en soit, cet homme si puissant et qui roulait dans sa tête tant de si vastes desseins, venait un jour de passer en revue sa cavalerie de Phéréens pour s'assurer de sa valeur. Au moment où il s'asseyait pour répondre à ceux qui s'approchaient pour lui faire une requête, sept jeunes gens s'avancèrent comme s'ils avaient un différend entre eux et l'assassinèrent et le massacrèrent.

 

32. Les gardes qui Ă©taient près de lui se portèrent rĂ©solu-ment Ă  son secours et tuèrent d'un coup de lance un des conjurĂ©s au moment mĂŞme oĂą il frappait Jason; un autre fut pris au moment oĂą il montait Ă  cheval et mourut criblĂ© de blessures. Les autres s'Ă©lancèrent sur des chevaux prĂ©parĂ©s Ă  l'avance et s'Ă©chappèrent. Ils furent accueillis avec honneur dans la plupart des villes grecques oĂą ils passèrent : c'est la preuve que les Grecs redoutaient fort qu'il ne devĂ®nt tyran (XĂ©nophon, Les HellĂ©niques, Livre VI, traduit par Eugène Talbot, 1859 - remacle.org).

 

"mail... luy tire" : jeu de balle

 

Deux bases sont trouvĂ©es dans le mur bati par Themistocle, en 478. Elles ont Ă©tĂ© mises au jour en 1922 et devaient supporter des statues funĂ©raires de Kouroi. Sur les faces latĂ©rales, visibles au spectateur, elles sont decorĂ©es des reprĂ©sentations en bas relief. La seconde base, inferieure au point de vue artistique, n'est pourtant pas moins remarquable. Sur deux faces, se voit un dĂ©filĂ© de chars et des guerriers : thème très commun aux vases de la mĂŞme Ă©poque. Sur la face du milieu, au contraire, se voit une scène de palestre, qui n'est pas connue par ailleurs. Deux jeunes gens jouent et quatre s'apprĂŞtent Ă  jouer Ă  la balle avec de bâtons recourbĂ©s, qui rappellent le hocquey ou le golf ("keretizontes" Ă©tait le nom probable de joueurs de ce jeu) (Semmi Papaspyridi, Guide du musĂ©e national d'Athènes : marbres, bronzes et vases, 1927 - books.google.fr, Jouer dans l'AntiquitĂ©, 1990 - books.google.fr).

 

Le jeu de la balle semble avoir Ă©tĂ© en usage chez les anciens Grecs, car Homère y fait allusion dans deux passages de l'OdyssĂ©e. Ulysse, dans l'Ă®le des PhĂ©aciens (Od. VIII, 370), assiste Ă  des danses et Ă  des jeux que l'on cĂ©lèbre en son honneur. A vrai dire, il ne s'agit pas dans ce passage d'un vĂ©ritable jeu de balle , mais plutĂ´t d'une sorte de danse ou d'exercice rythmĂ©, dans lequel les joueurs lançaient et recevaient une balle tour Ă  tour. Le poĂ«te nous a conservĂ© les noms des deux jeunes gens qui s'y livraient : c'Ă©tait Halios et Laodamas. «Ils prirent une belle balle couleur de pourpre qu'avait faite l'habile Polybe; l'un la lança vers la blanche nuĂ©e arrière, l'autre, bondissant, la saisit habilement avant qu'elle retombât Ă  terre» (Henry d'Allemagne, MusĂ©e rĂ©trospectif de la classe 100, jeux, Ă  l'Exposition universelle internationale de 1900, Ă  Paris, 1903 - books.google.fr).

 

ÉPISCYRE, substantif masculin, & terme d'Antiquaires : Espèce de jeu de balle ou de longue paume qui Ă©toit en usage chez les Grecs (Le Grand Vocabulaire François, Tome 9, 1769 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Episkyros).

 

On sait qu'Hérodote attribue l'invention de presque tous les jeux aux Lydiens. Pline (VIII, Lv1), dans le chapitre assez long qu'il a consacré aux inventeurs, nous donne Pythus comme celui de la balle à jouer. D'après Athénée (I, p. 14, D), «Agallis, grammairien de Corcyre, pour en faire honneur à une compatriote, attribue l'invention de la balle à Nausicaa; Dicéarque aux Sicyoniens; Ippase aux Lacédémoniens.» Pour Nausicaa, nous savons que le point de départ de la tradition qui lui prête une telle invention est dans Homère, qui a créé la gracieuse figure de la jeune Corcyréenne. Si d'autre part on a pu attribuer cette invention aux Sicyoniens et aux Lacédémoniens, cela vient de ce qu'à la vérité nulle part les exercices du corps n'étaient cultivés aussi soigneusement et aussi sévèrement qu'à Sparte, et probablement à Sicyone. Un auteur Lacédémonien, nommé Timocrate, avait fait un traité sur cette matière. Athénée qui en parle l'avait certainement lu, et sans doute aussi Pollux; de telle sorte que, suivant l'usage des polyographes et des lexicographes de puiser leurs connaissances dans des traités antérieurs, il est fort possible que les jeux de balle les plus usités, que nous décrivent Athénée et Pollux, soient ceux que l'on pratiquait spécialement à Sparte (Louis Becq de Fouquières, Les Jeux des anciens, leur description, leur origine, 1869 - books.google.fr).

 

Lorsqu'il jouait au jeu de paume, Denis l'Ancien Tyran de Syracuse ne confiait son Ă©pĂ©e qu'Ă  ce jeune favori appelĂ© LĂ©on. Un jour un de ses courtisans lui ayant dit en riant: «VoilĂ  donc une personne Ă  qui votre vie est confiĂ©e,» et le jeune homme ayant souri, Denys les fit mourir tous les deux. L'un, dit Ciceron, pour avoir indiquĂ© un moyen de l'assassiner, l'autre pour l'avoir approuvĂ© par un sourire (Biographie universelle ancienne et moderne, Tome 10 : Daa - Dhy, 1855 - books.google.fr).

 

Sur les trirèmes que Denys l'Ancien envoya au secours des Lacédémoniens, entre les années 390 et 370 avant J.-C., au rapport de Diodore de Sicile (XV, 47, § 7), se trouvaient déjà des Celtes. Xénophon (Historiæ Grecæ, VII, 1, § 20) nous le dit en toutes lettres. «Les vingt trirèmes envoyées aux Lacédémoniens portaient des Celtes et des Ibères.» (Alexandre Bertrand, Archéologie celtique et gauloise, Tome 1, 1876 - books.google.fr).

 

M. Ouseley, ambassadeur anglais en Perse au début du XIXe siècle, profitant des recherches de Du Cange, qui avoit remarqué le rapport frappant du mot français chicane [jeu de paume à cheval] avec le grec barbare "tzukanizein" et "tzukanisèrion", reconnoît l'origine, tant du mot français que des mots grecs, dans le persan tchougan, qui signifie proprement l'instrument ou bâton recourbé avec lequel on jette la balle (Bibliographie : Travels in various countries of the East de William Ouseley, Journal des savants, Volume 95, 1819 - books.google.fr).

 

Le chaugan, chogan, chawgan ou tchovgan est le nom perse du polo. Il signifierait «maillet». Le jeu a commencé à se développer à l’époque du roi Darius Ier (-522 - -486) comme entraînement pour la garde royale et pour la cavalerie. Par la suite il devient un jeu très prisé à la cour perse. Selon le Pseudo-Callisthène, Darius III aurait envoyé à Alexandre le Grand une balle et un maillet «lui signifiant ainsi que le jeu convenait mieux à son jeune âge et à son inexpérience que les activités guerrières». Alexandre aurait répondu «La balle est la terre, et je suis le maillet», confiant en ses conquêtes futures (fr.wikipedia.org - Chaugan).

 

Darius III est le descendant d'Artaxerxès II, lui même issu de Darius Ier, bénéficiaire de la conjuration des sept Perses qui élimina le faux Smerdis, qui aurait remplacé Bardiya, fils de Cyrus II le Grand (Christian Settipani, Nos ancêtres de l'Antiquité: Études des possibilités de liens généalogiques entre les familles de l'Antiquité et celles du haut Moyen Âge européenne, 1991 - books.google.fr).

 

Isocrate

 

DENARIUS, a, um. Plin. H. De dix, Qui contient dix (Guy Tachard, Dictionarium novum latino-gallicum, 1687 - books.google.fr).

 

Dans la Vie des dix orateurs de Plutarque ou du Pseudo Plutarque, on lit du rhĂ©teur Isocrate :

 

XVIII. Lon dit qu'il courut en carriere, estant encore jeune enfant, car on le voit de bronze au chasteau, dedans le jeu de paulme des presbtres de Minerve, à cheval, ainsi comme aucuns ont dit (Oeuvres de Plutarque: Oeuvres mêlées, traduit par Amyot, Tome IV, 1820 - books.google.fr).

 

Jacques Amyot, né à Melun le 30 octobre 1513 et mort à Auxerre le 6 février 1593, est un prélat français et l'un des traducteurs les plus renommés de la Renaissance. Il est inhumé à Auxerre (fr.wikipedia.org - Jacques Amyot (évêque)).

 

Isocrate (Athènes 436 – 338 av. J.-C.) est l'un des dix orateurs attiques (fr.wikipedia.org - Isocrate).

 

The verb "keretizein" is very rare (Hesychius with an unclear gloss, Pseudo-Plutarch Lives of the Ten Orators 839c, where most editors emend it to "kelètisai", "kelètizô" "ride a horse": "He is said to have run a race on a swift horse") (hellenisteukontos.blogspot.com, Bibliothèque grecque, Isocrates, Tome 2, 1807 - books.google.fr).

 

M.Edmond Pottier prĂ©sente de la part d'un savant grec, M. G. P. Oikonomos, une Ă©tude, publiĂ©e dans l'ArchĂ©ologikon Deltion d'Athènes 1921, sur les curieux bas-reliefs archaĂŻques dont M. Homolle a prĂ©sentĂ© les photographies Ă  l'AcadĂ©mie et qu'il a commentĂ©s devant elle. L'auteur s'attache Ă  montrer que les Ă©phèbes jouant au hockey, en poussant une balle avec des crosses recourbĂ©es, Ă©taient dĂ©signĂ©s par le terme de "kerètizontes" et qu'on a corrigĂ© Ă  tort certains textes grecs, en particulier celui d'Isocrate relatif Ă  une statue d'enfant placĂ©e dans la Sphairistra des ArrhĂ©phores sur l'Acropole d'Athènes : les manuscrits portent "kerèzĂ´n" qu'on a changĂ© en "chelètizĂ´n", ce qui donne un tout autre sens, celui de la course Ă  cheval. Cette observation peut amener Ă  modifier nos idĂ©es sur d'autres Ĺ“uvres d'art cĂ©lèbres, comme les pueri celetizontes de Canachos et d'HĂ©gias, qui pourraient ĂŞtre des ceretizontes. DĂ©jĂ  Faber, dans ses Agonistica publiĂ©s en 1814, avait d'une façon très pĂ©nĂ©trante indiquĂ© cette solution; mais on n'avait pas tenu compte de son explication (Livres offerts. In: Comptes rendus des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, 66? annĂ©e, N. 5, 1922 - www.persee.fr).

 

Le premier rituel citĂ©, le jeu de balle, a, lui aussi, de notables parallèles grecs. C'est Ă  Sparte surtout, Ă  nouveau, qu'il est le mieux connu, et ceci dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur sa valeur probatrice : selon Pausanias, Ă©taient, institutionnellement, sphaire?s, «joueurs de balle», les jeunes gens situĂ©s exactement entre le stade d'Ă©phèbe et celui des ándres, «hommes» adultes. Quoique de nature diffĂ©rente, l'Ă©preuve du jeu de balle Ă©tait conceptuellement très proche du combat de l'Ă®le Platanistas : selon XĂ©nophon, «on divise en deux camps les joueurs de ballon», et une scholie Ă  Platon prĂ©cise : «Parfois on jetait aussi un ballon ou un autre objet et le premier qui le saisissait Ă©tait le vainqueur, cette Ă©preuve Ă©tait chez eux très importante». Un rugby rĂ©duit Ă  la mĂŞlĂ©e, telle Ă©tait la sphaira epĂ­skuros lacĂ©dĂ©monienne, comme le confirme aussi Lucien : «Souviens-toi, si jamais tu vas Ă  Sparte, de ne pas te moquer d'eux et de ne pas croire qu'ils se donnent du mal en pure perte lorsque, dans le théâtre, se jetant l'un sur l'autre, ils se battent pour un ballon», ou, ajoute-t-il, «lorsqu'au combat du Platanistas ils sont Ă©galement nus». Or, ces deux Ă©preuves sont les seules qui requĂ©raient l'office d'une catĂ©gorie spĂ©cifique de magistrats, les bĂ­duoi. Enfin, si une statue d'Hèraklès contemplait les Ă©phèbes se battant dans l'Ă®le, il y avait, dit Pausanias, «une statue ancienne d'Hèraklès Ă  laquelle sacrifiaient les sphaireĂŻs». En Europe occidentale Ă©galement, celtique et post-celtique, le jeu de balle est largement attestĂ© (c'est l'origine des nĂ´tres !), et il est Ă©galement liĂ© Ă  l'entraĂ®nement des jeunes gens : les garçons d'Emain Macha, la capitale des Ulates irlandais, s'affrontaient Ă  la balle en deux camps (Bernard Sergent, HomosexualitĂ© et initiation chez les peuples indo-europĂ©ens, 1996 - books.google.fr).

 

La plupart des modernes ne jugent pas devoir douter du fait que Jason avait envisagĂ© l'Ă©ventualitĂ© d'une guerre panhellĂ©nique contre la Perse. Selon M. Sordi, lors des Jeux Pythiques de 370, auxquels il se prĂ©para en faisant un grand Ă©talage de force et de richesse (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 4, 29-30), Jason voulait obtenir des Grecs le commandement suprĂŞme de la guerre contre les Perses. Il avait mis en place une sĂ©rie d'initiatives, depuis la mĂ©diation entre Sparte et Thèbes après Leuctres (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 4, 22-25) 21 jusqu'Ă  l'occupation d'HĂ©raclĂ©e de Trachis (qui assurait le contrĂ´le des Thermopyles et le passage Ă  travers la Grèce centrale: XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 4, 27; Diodore, XV 57, 2), depuis l'adoption de la prostasia des Jeux delphiques jusqu'Ă  la revendication de la prĂ©sidence de l'amphictyonie aux Thessaliens: ces initiatives pouvaient sembler liĂ©es Ă  la volontĂ© de lancer en Grèce une guerre de libĂ©ration contre l'impĂ©rialisme de Sparte, que Jason avait dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e en 375/4 (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 1, 10), mais en rĂ©alitĂ©, maintenant qu'une telle guerre n'Ă©tait plus d'actualitĂ© après Leuctres, elles avaient pour but d'assurer la stabilitĂ© au front grec. Il est par consĂ©quent probable que l'expĂ©dition contre les Perses, qui impliquait cette stabilitĂ© (comme le prouve le cas de Philippe) ait fait partie des projets que caressait Jason; et ses liens avec Isocrate peuvent avoir jouĂ© un rĂ´le dans ce sens. Quoiqu'il n'apparaisse nulle part qu'Isocrate se soit adressĂ© Ă  Jason pour lui soumettre le projet, comme il le fit avec AgĂ©silas, Denys l'Ancien, Alexandre de Phères et enfin avec Philippe, il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© soutenu par G. Mathieu que Jason, dont nous avons dĂ©jĂ  rappelĂ© la vaste culture, a puisĂ© son inspiration pour ses plans anti-perses – ou tout au moins pour une propagande efficace fondĂ©e sur ces plans – dans le PanĂ©gyrique d'Isocrate, comme le rĂ©vèlent les analogies existantes entre cet ouvrage et le discours de Jason rapportĂ© par Polydamas (comme l'utilisation des exemples des Dix Mille et d'Agesilas : S 144); on peut du reste observer que, lorsque Jason rappelle que la pratique de l'esclavage rend les Perses faciles Ă  battre, il offre un point de contact significatif avec la pensĂ©e d'Isocrate. Il convient Ă  prĂ©sent de se demander, après l'examen des passages, ce qui a suscitĂ© l'intĂ©rĂŞt d'Isocrate Ă  l'Ă©gard de Jason, dont il vante la xenia dans ses Ă©crits aux successeurs de ce dernier en 355/4 et qu'il propose Ă  Philippe comme modèle Ă  imiter en 346. Il est fait gĂ©nĂ©ralement rĂ©fĂ©rence fait que Jason reprĂ©sente un exemple de ces pouvoirs autocratiques qui intĂ©ressaient Isocrate et que, d'Évagoras Ă  Philippe, on retrouve de manière insistante dans son oeuvre, dans le cadre du dĂ©bat sur les caractĂ©ristiques du bon gouvernant. En effet, XĂ©nophon souligne Ă  plusieurs reprises Ă  propos de Jason une sĂ©rie de qualitĂ©s qu'Isocrate apprĂ©ciait certainement beaucoup chez un souverain : les compĂ©tences militaires (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 1, 15-16) les capacitĂ©s de commandement et la rĂ©sistance Ă  la fatigue (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 1, 6), l'habiletĂ© Ă  se crĂ©er des alliĂ©s (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 1, 5 et 7; VI 4, 28; cf. Diodore, XV 60, 1-2), les capacitĂ©s diplomatiques et de mĂ©diation (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 4, 22-25), la prĂ©fĂ©rence pour les rapports fondĂ©s sur la collaboration et sur le consensus plutĂ´t que sur l'utilisation de la force (XĂ©nophon, HellĂ©niques, VI 1, 7), la rapiditĂ© et l'efficacitĂ© dans l'action (Xenophon, HellĂ©niques, VI4, 21) (Cinzia Bearzot, Studi su Isocrate (1980-2000), 2021 - books.google.fr).

 

On attribue à Isocrate le Plataïque (372/371), ouvrage dirigé contre Thèbes et sa politique hégémonique qui la conduisit à ravager la ville de Platées. Si Isocrate n'appelle pas à un rapprochement d'Athènes avec Sparte, il traite cette dernière moins sévèrement que Thèbes. Le changement d'alliance ne tardera pas après le congrès de 371 auprès du Grand Roi, et après la victoire de Leuctres des Thébains sur les Lacédémoniens (Paul Cloché, Thèbes de Béotie, 1950 - books.google.fr).

 

Le dialogue platonicien comporte une part de jeu. C’est aussi le jeu de balle ("sphairinda") : dans Euthydème (277c) le sophiste (Dionysodore) saisit la parole comme la balle au bond et prend pour cible le garçon (Clinias). Dans le ThĂ©Ă©tète (146a) il y a deux jeux dans une mĂŞme phrase, la balle et jeu du roi et de l’âne ("basilinda"). Et Ă  la fin de la Lettre 13 (dont l’authenticitĂ© est douteuse) Platon demande de saluer «tes compagnons du jeu de balle» (363 d) Ă  prendre Ă©videmment dans le sens mĂ©taphorique d’un salut Ă  ton cercle de discussion (Pierre Billouet, le jeu comme symbole philosophique, HĂ©raclite - Platon, 2019 - snphi.fr).

 

A la fin de l'Euthydème, Criton raconte qu'il a entendu un jour ce propos : «La philosophie mĂ©rite d'autant moins l'estime qu'elle ne rapporte absolument aucun profit.» — «Qui parlait ainsi ?» demande Socrate. — a Ce n'est point un orateur, et je ne crois pas qu'il ait jamais plaidĂ©; mais on dit qu'il sait fort bien le droit, et qu'il compose d'excellents plaidoyers pour les autres.» — «J'entends : c'est un de ceux que Prodicus plaçait entre la politique et la philosophie; ils se tiennent pour de très habiles gens, et se flattent de passer pour tels dans l'esprit de la plupart des hommes ; mais ils s'imaginent que les philosophes seuls empĂŞchent leur rĂ©putation d'ĂŞtre universelle, et dès lors ils se persuadent que s'ils pouvaient les dĂ©crier et les rendre mĂ©prisables, ils jouiraient sans conteste d'une gloire pleine et entière... Ces demi-politiques et ces demi-philosophes ne doivent prendre rang qu'après les philosophes et les politiques : et cependant ils se placent sans façon au-dessus) d'eux. Il faut avoir de l'indulgence pour leur vanité». L'expression dont se sert Socrate s'applique merveilleusement Ă  Isocrate. Mais passons de l'Euthydème au ThĂ©Ă©tète : ni la satire ne paraĂ®tra moins fine, ni le portrait moins ressemblant :

 

Quand un homme dont l'âme est petite, âpre et exercée à la chicane, est appelé à s'expliquer sur la justice et l'injustice, sur leur nature, sur ce qui les distingue l'une de l'autre et de tout le reste, il rend les armes au philosophe; suspendu en l'air et peu accoutumé à contempler de si haut les objets, la tête lui tourne; il est étonné, interdit; il ne sait ce qu'il dit, et il apprête à rire à quiconque a reçu une éducation supérieure à celle des esclaves».

 

Tout cela, on en conviendra, ne tĂ©moigne pas d'une sympathie bien vive. Mais les choses vont changer. Sur ces entrefaites, Platon a achevĂ© et publiĂ© sa RĂ©publique, et le succès de cette composition remarquable Ă  tant de titres a ouvert les yeux Ă  Isocrate sur ce qui sera dĂ©sormais sa vĂ©ritable mission. DĂ©jĂ  dans son Busiris, il fait campagne commune avec Platon coontre les poètes et contre la mythologie ancienne, et cela en s'appuyant sur des arguments Ă  peu près identiques. Plus tard, entrant dans une nouvelle manière et devenu le premier publiciste de son siècle, il va mĂ©riter, par l'Ă©lĂ©vation du style et des idĂ©es de son PanĂ©gyrique, les encouragements et les Ă©loges que Platon lui dĂ©cerne dans le Phèdre. Le grand philosophe, lui aussi, semble s'ĂŞtre converti. Le Gorgias et le Protagoras ont contre la rhĂ©torique du temps des railleries sanglantes : quant au Phèdre, c'est tout Ă  la fois une rupture en règle signifiĂ©e par l'auteur Ă  tous ceux qui trafiquent sans conscience de l'art et de la parole, et une apologie de ce mĂŞme art, ramenĂ© Ă  sa vraie mĂ©thode et Ă  son rĂ´le glorieux. En plus d'un passage, Platon laisse percer le dĂ©sir de fonder ou de voir se fonder sous sa direction une Ă©cole d'orateurs philosophes; c'est la rĂ©putation qu'Isocrate avait dĂ©jĂ , ou du moins qu'il pouvait acquĂ©rir sans effort. De leur maĂ®tre commun Socrate, le rhĂ©teur disert avait appris Ă  mettre les idĂ©es morales en première ligne. Platon lui en sait grĂ©, dit M. Croiset, et en reconnaissance de cette bonne intention, il ne dit de lui qu'un mot, et un mot d'Ă©loge (Charles Huit, Platon et Isocrate. In: Revue des Études Grecques, tome 1, fascicule 1, 1888 - www.persee.fr).

 

Du front large

 

Polemon & Adamantius témoignent que le front étendu en longueur dénote de tres-bons sens, & le naturel docile; Albert dit que c'est signe de vigueur de sens & de docilité, entendant la longueur d'vne aureille à l'autre; car souuent la longueur est confondue auec la largeur par les Escriuains. Plutarque écrit que Platon auoit le front de cette forme: mesme Neanthes Autheur tres-fameux & celebre fondé sur l'authorité de Diogene, assure qu'il estoit nommé Platon vulgairement, à cause de la largeur du front & de la face, qu'il auoit ainsi grande. On remarque que Dantes Alaghierius quelque peu auant nos temps auoit le front de cette forme, ç'a esté vn fameux Poëte Italien (Giambattista Della Porta, La Physionomie humaine, 1655 - books.google.fr).

 

Many ancient words for units of speech take bodily form. The constituent parts of utterances, whether verse or prose, are corporeal, such as fingers (Latin dactyli, Greek daktuloi), feet (Latin pedes, Greek podi), and limbs (Latin cola and membra, Greek kola). The temporal relationship of those concepts to the rise of writing is by no means clear, but with the papyrus book-roll the template of the human body became an organizing principle of composition and criticism, of synthesis and analysis. Take, for example, the Greek kephale and the Latin caput, both meaning “head.” Plato and Quintilian propose that a speech be constructed like a body (sôma, corpus), starting with a head. Isocrates and Cicero call a major point of a speech a “heading” (kephalaion, caput). Knocking the two heads together, Aristotle puns that attentive listeners would need no introductory orientation beyond an articulation of the “headings [kephalaiôdôs], so that the body has a head [sôma kephalèn].” (Michele Kennerly, Editorial Bodies: Perfection and Rejection in Ancient Rhetoric and Poetics, 2018 - books.google.fr).

 

Acrostiche : SCL Q

 

Koppa ou Qoppa est le nom ancien d’une lettre archaïque de l’alphabet grec servant à noter un type de /k/. La lettre utilisée avec cette fonction («koppa littéral») a cependant disparu de l’alphabet classique mais a été conservée, sous une forme différente, dans la numération pour noter le nombre 90 («koppa numéral»).

 

Lorsque les peuples grecs ont emprunté au VIIIe siècle avant l'ère chrétienne les lettres phéniciennes pour créer leurs alphabets (il a en effet existé de nombreuses moutures de l'alphabet grec avant que le modèle ionien de Milet ne s'impose à Athènes en -403), ils se sont servis de la lettre qof (on peut trouver d'autres noms, ceux des lettres phéniciennes ne nous étant pas directement attestés mais étant reconstruits) pour transcrire l'allophone non pertinent [k souligné] du phonème /k/, son qui, aux oreilles grecques, était le plus proche de la valeur phénicienne de la lettre, à savoir [q] (fr.wikipedia.org - Koppa).

 

Les lettres cadméennes étaient le plus ancien alphabet grec apportées par le phénicien Cadmus fondateur de Thèbes, selon la légende (Sur la Paleographia graeca de Bernard de Montfaucon, Nouvelles de la république des lettres: 1708, Septembre - Decembre, 1708 - books.google.fr).

 

La survivance de qoppa est attestée dans les légendes des statères d'Olympie jusqu'à 470 (Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes, 2006 - books.google.fr).

 

Scillonte (Scillus, Scilus) était une cité antique de l'Élide, en Grèce. Dans l'Antiquité, Scillonte était la ville principale de la Triphylie. Contrôlée par Élis au Ve siècle av. J.-C., elle forma une confédération avec les autres cités de Triphylie en 399 av. J.-C. Xénophon y possédait un vaste domaine qu'il mit en valeur en s'inspirant des paradis, les domaines des rois de Perse. Il y passa plus de 20 ans, occupé à la rédaction de la plupart de ses ouvrages notamment l’Anabase (fr.wikipedia.org - Scillonte).

 

À l'époque des invasions doriennes de 1100 av. J.-C., selon l’Iliade d'Homère, des tribus éoliennes, dirigées par le chef peut-être mythique Oxylos, s'établissent dans le pays et fondent par un synœcisme la cité d'Élis qui devient la capitale du pays. Le sanctuaire d'Olympie se développa et devint un point culturel important qui devint un enjeu de rivalité entre cités Éléennes dont Pise (fr.wikipedia.org - Elide).

 

Typologie

 

Le report de 1853 sur la date pivot -379 donne -2611.

 

Epoque du roi de Thèbes en Egypte Anoïphès (Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'histoire universelle sacrée et prophane, ecclésiastique et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1743, Tome 1, 1744 - books.google.fr).

 

-2629, mort du Roi de Thèbes Marès, devenu sans doute indépendant après Sésostris. Il est remplacé par Anoïphès, l'hermaphrodite, mort en -2609 (Jean-Baptiste-Claud Delisle de Sales, Histoire des hommes, ou histoire nouvelle de tous les peuples du monde: Partie de l'histoire ancienne, Tome 11, 1781 - books.google.fr).

 

Hermaphrodite en raison de son appellation chez Eratosthène de "hyos epikoinos", "filius communis" : cf. l'adjectif "Ă©picène" en rapport avec l'un ou l'autre sexe (Pierre Maria Stanislaus GuĂ©rin Du Rocher, Histoire vĂ©ritable des temps fabuleux, Tome 1, 1824 - books.google.fr, Charles-François Dupuis, Origine de tous les cultes: ou religion universelle, Tome 12, 1794 - books.google.fr).

 

Episkyros, or episcyrus ('upon the skyros'; also epĂ­koinos, lit. 'upon the public') was an Ancient Greek ball game. The game was typically played between two teams of 12 to 14 players each, being highly teamwork-oriented. The game allowed full contact and usage of the hands. While it was typically men who played, women also occasionally participated. Although it was a ball game, it was quite violent (at least in Sparta) (en.wikipedia.org - Episkyros, Joannis Meursii Graecia Ludibunda, Sive, de Ludis Graecorum Liber Singularis. Accedit Danielis Souterii Palamedes, 1625 - books.google.fr).

 

Dans le Banquet de Platon, Phèdre parle d'une armée exclusivement composée d'erastaí et de leur paidiká; à savoir le modèle qui servit pour la constitution du «bataillon sacré» de Thèbes peu après -378.

 

Pour Aristophane, notre nature Ă©tait autrefois diffĂ©rente : il y avait trois catĂ©gories d'ĂŞtres humains, le mâle, la femelle, et l'androgyne. De plus, chaque ĂŞtre humain Ă©tait en fait une sphère avec quatre mains, quatre jambes et deux visages sur une tĂŞte unique, quatre oreilles, deux sexes, etc. Les humains se dĂ©plaçaient en avant ou en arrière, et, pour courir, ils faisaient des rĂ©volutions sur leurs huit membres. Le mâle Ă©tait un enfant du Soleil, la femelle de la terre, et l'androgyne de la Lune. Leur force et leur orgueil Ă©taient immenses. Chacun de ces ĂŞtres possĂ©dait un couple de sexe situĂ© au-dessus des fesses; leur reproduction s’effectuait non pas par l’union de ces derniers, mais bien plutĂ´t par le biais d’un mouvement par lequel ces ĂŞtres-doubles surgissaient de la terre, tout comme le font les cigales. DĂ©sireux de prendre la place des dieux, ils tentèrent de monter jusqu'au ciel pour les y combattre. Zeus trouva un moyen de les affaiblir sans les tuer, ne voulant pas anĂ©antir la race comme il avait pu le faire avec les Titans : il les coupa en deux comme un poissonnier coupe les poissons. Il demanda ensuite Ă  Apollon de retourner leur visage et de coudre le ventre et le nombril du cĂ´tĂ© de la coupure.

 

Mais chaque morceau, regrettant sa moitiĂ©, tentait de s'unir Ă  elle : ils s'enlaçaient en dĂ©sirant se confondre et mouraient de faim et d'inaction. Zeus dĂ©cida donc de dĂ©placer les organes sexuels Ă  l'avant du corps. Ainsi, alors que les humains surgissaient auparavant de la terre, un engendrement mutuel fut rendu possible par l'accouplement d'un homme et d'une femme. Alors, les hommes qui aimaient les femmes et les femmes qui aiment les hommes (moitiĂ©s d'androgynes) permettraient la perpĂ©tuitĂ© de la race; et les hommes qui aiment les hommes (moitiĂ©s d'un mâle), plutĂ´t que d'accoucher de la vie, accoucheraient de l'esprit. Ces derniers sont, selon l'Aristophane que prĂ©sente Platon, les ĂŞtres les plus accomplis, car purement masculins. Mais cette mention est profondĂ©ment ironique, quand on connaĂ®t les attaques et le mĂ©pris d'Aristophane pour les politiciens de son temps (fr.wikipedia.org - Le Banquet (Platon)).

 

La question de l'homosexualitĂ© au sein du Bataillon sacrĂ© a Ă©tĂ© maintes fois dĂ©battue. Plutarque Ă©voque cette idĂ©e explicitement, mais il s'en distance en l'attribuant Ă  «certains». [...] L'idĂ©e attribuĂ©e par Plutarque Ă  «certains» n'est donc pas neuve et se retrouve dans le cercle socratique, sans qu'elle soit d'ailleurs sĂ©rieusement mise en avant : chez Platon, l'idĂ©e vient dans le discours de Phèdre, qui est le premier et qui prĂ©sente, en quelque sorte, une vision de l'amour appelĂ©e Ă  ĂŞtre dĂ©passĂ©e par les autres discours. Chez XĂ©nophon, il est citĂ© par Socrate comme une boutade de Pausanias - qui se trouve ĂŞtre l'un des participants du Banquet de Platon -, et il s'emploie Ă  critiquer cette idĂ©e. Ce faisant, il la prĂ©sente comme la norme (nomima) chez les ThĂ©bains : ceux-ci n'auraient pas de blâme moral particulier vis-Ă -vis de l'homosexualitĂ©, contrairement aux AthĂ©niens. La critique de XĂ©nophon vient du fait qu'il ne s'agit apparemment pas de la pĂ©dĂ©rastie institutionnalisĂ©e dans les citĂ©s grecques, y compris Athènes, mais d'une relation entre hommes adultes (pour participer au combat, l'Ă©romène en question doit avoir au moins 20 ans), fondĂ©e avant tout sur la relation sexuelle, et liĂ©e Ă  la rusticitĂ© des BĂ©otiens – le fameux topos du cochon bĂ©otien; ainsi, dans le Banquet de Platon, l'homosexualitĂ© des BĂ©otiens et des ÉlĂ©ens est associĂ©e Ă  leur peu de dispositions pour le discours. Il y a sans doute lĂ  un stĂ©rĂ©otype quelque peu malveillant envers les ThĂ©bains, et il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce que XĂ©nophon rapporte ici : il paraĂ®t douteux que le blâme moral Ă  Athènes ait Ă©tĂ© aussi fort qu'il le dit, tout comme il paraĂ®t douteux que ce type de relations homosexuelles ait Ă©tĂ© la norme Ă  Thèbes. C'est ce stĂ©rĂ©otype des ThĂ©bains universellement homosexuels, couplĂ© avec le fonctionnement du Bataillon sacrĂ© en binĂ´mes, qui a pu donner naissance au mythe du bataillon constituĂ© d'Ă©rastes et d'Ă©romènes mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit avant tout d'un stĂ©rĂ©otype, c'est-Ă -dire d'une vision trop caricaturale de la rĂ©alitĂ© pour qu'on lui accorde la moindre confiance. Si l'homosexualitĂ© a bien sĂ»r pu exister au sein du Bataillon sacrĂ©, son caractère institutionnalisĂ© reste donc largement sujet Ă  caution. Selon Plutarque, ce serait PĂ©lopidas qui aurait transformĂ© ce Bataillon sacrĂ© initial en une unitĂ© d'Ă©lite autonome, y compris lors de grands engagements comme Leuctres. Ce changement est conforme aux Ă©volutions des pratiques militaires dans le monde grec au IVe siècle : Ă  cette Ă©poque, on rencontre de plus en plus frĂ©quemment des groupes de combattants d'Ă©lite, les epilektoi, souvent forts de 300 hommes, constituĂ©s en unitĂ©s autonomes. Les ThĂ©bains auraient donc, en somme, abandonnĂ© leur particularisme consistant Ă  rĂ©partir les combattants d'Ă©lite sur l'ensemble de la ligne pour s'aligner sur les pratiques dĂ©sormais communes dans le monde grec. Le Bataillon sacrĂ© en tant qu'unitĂ© autonome, frĂ©quemment mentionnĂ© comme l'archĂ©type des troupes d'Ă©lite du IVe siècle, n'a ainsi rien de particulièrement innovant sous cette forme et est mĂŞme relativement tardif (Thierry Lucas, L’organisation militaire de la ConfĂ©dĂ©ration BĂ©otienne (447-171 av. J.-C.), 2024 - books.google.fr, Michel Larivière, Ă€ poil et Ă  plume, 1987 - books.google.fr).

 

Bataillons

 

La Légion étrangère est créée par ordonnance du 10 mars 1831 par le roi des Français Louis-Philippe, à l'instigation du maréchal Soult, ministre de la Guerre. Elle rassemble, à cette date, différents corps étrangers de l'Armée française, dont les gardes suisses (issus de la paix perpétuelle signée après la bataille de Marignan), le régiment suisse de la garde royale, et le régiment Hohenlohe issu du 2e régiment étranger des armées napoléoniennes. Cette troupe nouvelle est destinée à combattre hors du Royaume (en Algérie).

 

Pendant les guerres carlistes (1835-1839), guerre civile qui déchire l’Espagne, afin d'aider Isabelle II, Adolphe Thiers, alors ministre de l'Intérieur, réussit à convaincre le gouvernement d'envoyer la Légion étrangère en Espagne, sous les ordres du colonel Bernelle, qui devient maréchal de camp au titre espagnol. Deux jours plus tard, le 8 juin 1835, Louis-Philippe donne son accord et la Légion étrangère est cédée le 28 du même mois. Par ordonnance royale, la Légion ne fait plus partie de l'Armée française (fr.wikipedia.org - Légion étrangère).

 

Proust disait : "Vous connaissez l'histoire du «bataillon sacré» de Thèbes; le lien physique qui les unissait les maintenait unis en face de la mort. Vous savez qu'il en va de mĂŞme Ă  la LĂ©gion Ă©trangère Ainsi, dans la sociĂ©tĂ© oĂą nous vivons, on aperçoit parfois, chez deux hommes dont nous ignorions qu'ils se connaissent, un sourire furtif au passage; rien de plus, mais assez pour que, le cas Ă©chĂ©ant, ces deux hommes se trouvent ensemble dans la bagarre. Croyez bien qu'il en est ainsi dans tous les milieux, du plus bas ou plus haut" (Bernard FaĂż, Les prĂ©cieux, 1966 - books.google.fr).

 

Dans les troupes d'Afrique, surtout peut-être à la légion étrangère, on observe cette forme abominable d'homosexualité. Je reviendrai plus tard sur cette plaie de la légion, qui est un des cauchemars des jeunes engagés (A. Epaulard, Joyeux et demi-fous, Archives de l'anthropologie criminelle et des sciences pénales, Volume 24, 1909 - books.google.fr).

 

"mail"

 

1. a) Ca 1100 mail de fer «marteau, maillet» (Roland, éd. J. Bédier, 3663); b) 1803 «gros marteau de carrier» (Boiste); 2. 1636 «maillet à long manche avec lequel on pousse la boule au jeu de mail; le jeu lui-même» (Monet); 3. a) 1636 «allée où l'on joue à ce jeu» (ibid.); b) 1680 «promenade publique» (Rich.). Du lat. malleus «marteau, maillet». Le sens 1 a, dominant dans l'anc. lang., a été évincé par les sens 2 et 3 (sauf dans quelques techniques), en raison de la popularité du jeu de mail au XVIIes. En ce sens, maillet* s'est substitué à mail «marteau». Sens 3 b, p. allus. aux allées où l'on pratiquait le jeu de mail, essentiellement en usage dans les villes de la vallée de la Loire (cnrtl.fr).

 

Lors des rĂ©novations entreprises par le baron Haussman, a lieu la destruction du boulevard du Temple, haut lieu du théâtre Ă  Paris pendant une centaine d'annĂ©es, entre le milieu du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe siècle. La disparition du boulevard du Temple transforme les fonctions mĂŞmes du lieu théâtral, son statut social ainsi que son public. SituĂ© aux limites de Paris, le boulevard du Temple voit rapidement se multiplier les théâtres mais, surtout, devient un lieu théâtral. Les saltimbanques s'adressent Ă  une foule qui est Ă  la fois campagnarde et urbaine, populaire et mondaine, parisienne et cosmopolite : «sur le mail du Temple, le théâtre est partout, dehors et dedans, sur la chaussĂ©e, dans les contre-allĂ©es, devant et dans les théâtres, le jour et la nuit». (Jean-François Chassay, Le théâtre dans la ville, Jeu, Revue de théâtre, NumĂ©ro 60, 1991 - www.erudit.org).

 

FondĂ© en 1769 par Audinot, transfuge de la Foire Saint-Germain, le Théâtre de l'Ambigu-Comique fut l'un des premiers théâtres, avec la GaĂ®tĂ©, Ă  s'implanter sur le Mail du Temple. C'est Ă  cause d'un incendie qu'il dĂ©mĂ©nage en 1828, pour aller s'installer quelques centaines de mètres plus Ă  l'ouest, dans une salle construite sur un terrain isolĂ© Ă  l'angle du boulevard Saint-Martin et de la rue de Bondy, afin d'Ă©viter les dangers qu'entraĂ®nerait un nouveau sinistre. L'Ambigu est donc par tradition un théâtre populaire. Haut-lieu du mĂ©lodrame dans les annĂ©es 1800-1820, il possède toujours un rĂ©pertoire et un public qui correspondent Ă  son implantation, passĂ©e et prĂ©sente, dans la gĂ©ographie parisienne. L'expĂ©rience du promeneur parisien qu'est le narrateur de la nouvelle de Balzac, Facino Cane, montre bien cette collusion entre un quartier, son théâtre et son public, qui caractĂ©rise le fonctionnement et l'identitĂ© du Théâtre de l'Ambigu au siècle dernier :

 

Lorsque, entre onze heures et minuit, je rencontrais un ouvrier et sa femme revenant ensemble de l'Ambigu-Comique, je m'amusais à les suivre depuis le Boulevard du Pont-aux-Choux jusqu'au Boulevard Beaumarchais. Ces braves gens parlaient d'abord de la pièce qu'ils avaient vue; de fil en aiguille, ils arrivaient à leurs affaires; la mère tirait son enfant par la main, sans écouter ni ses plaintes ni ses demandes; les deux époux comptaient l'argent qui leur serait payé le lendemain, ils le dépensaient de vingt manières différentes.

 

Dès les annĂ©es 1760, le boulevard Saint-Martin constitue ainsi une zone particulièrement propice au théâtre ainsi qu'aux divertissements populaires. CafĂ©s, cabarets, concerts, waux-halls et théâtres s'y installent et s'y cĂ´toient durant les dernières annĂ©es de l'Ancien RĂ©gime. Certains de ces Ă©tablissements disparaĂ®tront dans les bouleversements de la fin du siècle, d'autres survivront ou renaĂ®tront peu après. Sans atteindre la multiplicitĂ© des salles et des spectacles qui caractĂ©risent le boulevard du Temple, le boulevard Saint-Martin est le premier des Grands Boulevards (en venant de l'ouest) qui puisse offrir, par rapport au contexte urbain, un passĂ© et une image de lui-mĂŞme liĂ©s au domaine du théâtre et du spectacle. A cet Ă©gard, les annĂ©es 1850 semblent d'ailleurs ĂŞtre pour lui des annĂ©es creuses, puisqu'il ne compte alors que deux théâtres. Dans les annĂ©es 1870, il en comprendra trois, avec la crĂ©ation du Théâtre de la Renaissance en 1873. A partir du boulevard Saint-Martin et de l'Ambigu-Comique commencent l'est parisien ainsi que les quartiers populaires du théâtre : ce que Janin qualifie, par opposition au «Haut-Empire» des théâtres officiels, de «Bas-Empire dramatique» dans la capitale. Ce «Bas-Empire» est pour l'essentiel constituĂ© du seul boulevard du Temple, qui ne comprend pas moins de sept théâtres en 1852 : le Théâtre-Lyrique, le Théâtre du Cirque, les Folies-Dramatiques, la GaĂ®tĂ©, les Funambules, les DĂ©lassements-Comiques et le Lazary.

 

Le boulevard du Temple est donc le dernier bastion du théâtre à l'est de Paris. Il est certes assez éloigné du centre de la rive droite, mais pas autant cependant que le boulevard Beaumarchais, pas suffisamment en tout cas pour dissuader les habitants de la capitale de fréquenter ses théâtres et ses cafés. Situé au voisinage immédiat du boulevard Saint-Martin, il offre avec ce dernier une concentration de spectacles et de divertissements unique dans Paris. En 1852, le monde du théâtre populaire commence et finit encore au légendaire «Boulevard du Crime».

 

D'une part, les grands boulevards constituent la limite visible de Paris, au-delĂ  de laquelle il est interdit de construire pour faciliter les tirs d'artillerie, ce qui explique la persistance de zones rurales en bordure du boulevard. De l'autre, ils sont destinĂ©s Ă  «offrir aux Parisiens de larges promenades ombragĂ©es, inspirĂ©es du Mail qui, depuis le XVIe siècle s'Ă©tendait devant l'Arsenal, Ă  l'emplacement du Boulevard Morland». A l'instar des autres Grands Boulevards, le boulevard du Temple propose une sorte de promenade mi-urbaine, mi-champĂŞtre, qui sĂ©duit. Après les dĂ©tours tortueux et labyrinthiques du quartier du Marais, après la touffeur de la ville close, le boulevard du Temple vient offrir la fraicheur des tilleuls verts de sa promenade... Le Mail du Temple ne tarde pas Ă  attirer non seulement les promeneurs, mais aussi, comme dirait Rimbaud, les «cafĂ©s aux lustres tapageurs» et les bateleurs de toutes espèces, montreurs d'animaux, grimaciers ou bonimenteurs. Il s'agit d'un phĂ©nomène courant : les lieux frĂ©quentĂ©s, «ces lieux qui existent davantage que les autres», favorisent la prĂ©sence des camelots et autres faiseurs de tours constamment en quĂŞte d'un public et d'une clientèle qu'ils sont Ă  peu près sĂ»rs de dĂ©couvrir parmi les flâneurs. Promenade urbaine, le boulevard du Temple se transforme peu Ă  peu en parcours spectaculaire. Avant de s'affirmer comme l'hĂ©ritier des Foires de Paris, puis du Palais-Royal, il connaĂ®t ainsi une Ă©volution comparable Ă  celle du Pont-Neuf au siècle prĂ©cĂ©dent. Le Pont-Neuf, qui fut le premier pont moderne de Paris, avec vue sur la Seine, sans maisons ni toiture, dotĂ© de larges et hauts trottoirs de part et d'autre, devint rapidement, comme le boulevard du Temple, ses allĂ©es et ses contre-allĂ©es, un lieu de promenade privilĂ©giĂ© vers la fin du XVIe siècle. Ce qui ne manqua pas de lui amener la frĂ©quentation des bateleurs et acteurs de trĂ©teaux. Comme le raconte GĂ©rard de Nerval, «le Pont-Neuf achevĂ© sous Henri IV, est le principal monument de ce règne (Catherine Naugrette, Paris sous le Second Empire, le théâtre et la ville: essai de topographie théâtrale, 1998 - books.google.fr).

 

En 1862, tous les théâtres du boulevard furent dĂ©molis. Le 15 juillet Ă  minuit, la dernière heure du boulevard du Temple a sonnĂ©. Le «Boulevard du Crime» est supprimĂ©, les théâtres dispersĂ©s… Ce fut un vĂ©ritable deuil pour le Tout Paris ! On proteste, on pĂ©titionne… rien n’y fait ! L’impitoyable PrĂ©fet Haussmann maintien sa dĂ©cision, les théâtres ont annoncĂ© leurs dernières reprĂ©sentations. D’importantes indemnitĂ©s, en francs or, leur permettent de se rĂ©installer et de faire de surcroĂ®t de très substantiels bĂ©nĂ©fices (La fin du Boulevard du Crime - www.dejazet.com).

 

Des rumeurs circulent concernant l'homosexualitĂ© du ComĂ©dien-Français Monvel, qui fuit la France pour des raisons troubles en 1781. La principale source de cette accusation est le pamphlet intitulĂ© Le Chroniqueur dĂ©sĹ“uvrĂ© ou l'Espion du boulevard du Temple, publiĂ© la mĂŞme annĂ©e par le comĂ©dien de boulevard Mayeur de Saint-Paul. L'objectif annoncĂ© de l'ouvrage est de dĂ©voiler les «mĹ“urs scandaleuses et vĂ©ridiques des Directeurs, Acteurs et Saltimbanques du Boulevard». Cependant, plusieurs rĂ©fĂ©rences aux comĂ©diens privilĂ©giĂ©s figurent. Mme Nicolet, femme du directeur de spectacle, est accusĂ©e de chĂ©rir une amie «autant que Raucourt chĂ©rissait Soulke [une de ses amantes prĂ©sumĂ©es]». Un long passage est consacrĂ© Ă  Monvel, dĂ©signĂ© comme un «sodomiste histrion» qui aurait Ă©tĂ© surpris en flagrant dĂ©lit avec un jeune homme dans le jardin des Tuileries. C'est alors qu'il aurait Ă©tĂ© contraint de s'expatrier en Suède. PrĂ©sentĂ©es comme un apartĂ© dans le rĂ©cit, ces pages sont rĂ©vĂ©latrices du projet sous-jacent de Mayeur de Saint-Paul. En intĂ©grant plusieurs acteurs et actrices privilĂ©giĂ©s dans le rĂ©cit des dĂ©bauches du boulevard, l'auteur cherche Ă  subvertir les hiĂ©rarchies théâtrales parisiennes tout en donnant de la visibilitĂ© Ă  l'identitĂ© de «comĂ©dien infĂ©rieur». Le parcours de Mayeur de Saint-Paul est reprĂ©sentatif de la trajectoire sociale et professionnelle de la première gĂ©nĂ©ration du boulevard : natif de Paris, il a dĂ©butĂ© adolescent Ă  l'Ambigu-Comique puis il est passĂ© sur le Théâtre de Nicolet. Il se distingue nĂ©anmoins de ses camarades par ses vellĂ©itĂ©s d'Ă©criture. Auteur de pièces pour les petits spectacles, il intervient Ă©galement Ă  plusieurs reprises dans les journaux. Dans un contexte d'expansion de la littĂ©rature sĂ©ditieuse, qui exploite la veine Ă©rotique, voire pornographique, un premier pamphlet paraĂ®t en 1774 pour dĂ©noncer la conduite scandaleuse d'Audinot, directeur de l'Ambigu-Comique. Le rĂ©cit met en scène le directeur Ă  l'article de la mort, avouant des jeux sexuels avec de très jeunes filles et garçons de son théâtre. Si Mayeur n'en est probablement pas l'auteur, la publication annonce une des caractĂ©ristiques des Ă©crits sur le boulevard, Ă  savoir une implication des deux sexes. Les comĂ©diens comme les comĂ©diennes sont partie prenante d'une dĂ©bauche gĂ©nĂ©ralisĂ©e, ce qui permet Ă  Mayeur de transposer au monde du boulevard un maximum de critiques associĂ©es aux théâtres royaux, et de multiplier les parallèles entre les deux univers (Suzanne Rochefort, Vies théâtrales: Le mĂ©tier de comĂ©dien entre Lumières et RĂ©volution, 2024 - books.google.fr).

 

Maille, denier : mitraille

 

1375 mistraille «morceau de métal» (Arch. KK 350, fo276 vods Gdf., s.v. mitaille); 1667 mitraille «sorte de ferraille dont on charge les canons» (Fournier, Hydrographie); 1765 «balles de fer mêlées de ferraille, dont on charge les canons» (Encyclop.); 1872 boîte à mitraille (Hugo, Année terr., p.106); 1908 obus à mitraille (Alvin, Artill., Matér., p.215); 1872 «décharge collective d'artillerie» (Fondateurs 3e Républ., loc. cit.). II. 1701 pop. «menue monnaie de cuivre» (Trév.). Altération de l'a. fr. mitaille attesté au sens de «morceau de métal» en 1295 (doc. ds Gdf.) et de «petite monnaie» au XIVes. (Gdf.), lui-même dér., à l'aide du suff. -aille*, de l'a. fr. mite «monnaie de cuivre de Flandre» (1288, Jacquemard Gielée, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, 7350), lequel est empr. du m. néerl. mite «id.», dér. de la racine germ. mit- «couper en morceaux» (www.cnrtl.fr).

 

D'accord avec Pépin et Morey, Giuseppe Fieschi établit une machine infernale composée de vingt-quatre canons de fusil chargés à mitraille, en vue de tuer d'un seul coup Louis-Philippe et ceux des membres de sa famille qui, le 28 juillet 1835, devaient se rendre avec lui, en grand appareil, par le boulevard du Temple, à la place de la Bastille, pour célébrer l'anniversaire de la révolution de Juillet. L'explosion eut effectivement lieu au moment précis où le roi et son cortège passaient devant sa maison. Dix-neuf personnes (parmi lesquelles le maréchal Mortier) furent tuées ou blessées mortellement; vingt-trois furent simplement blessées. Fieschi, grièvement atteint lui-même par un des canons de fusil qui avait éclaté, fut arrêté quelques instants après. Son identité une fois reconnue, ses complices ne tardèrent pas à être arrêtés, grâce à ses révélations et à celles de Nina Lassave, qui, pendant quelque temps, étala effrontément sa célébrité dans un café de Paris. Morey, Pépin, le lampiste Boireau et le relieur Bescher comparurent avec lui, après une longue instruction (30 janv. 1836), devant la cour des Pairs, où il eut l'attitude et le langage d'un fanfaron de crime. Sa forfanterie et sa jactance ne l'abandonnèrent pas après sa condamnation. Conduit à l'échafaud avec Morey et Pépin, il fut exécuté après eux, non sans avoir voulu haranguer la foule qui assistait à son supplice. Ses deux compagnons étaient personnellement républicains. Mais il fut impossible de démontrer qu'aucun parti eût concouru directement ou indirectement à leur attentat (La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une Société de savants et de gens de lettres, Tome 17, 1885 - books.google.fr).

 

GAGNE-DENIER : On appelle ainsi tous ceux qui gagnent leur vie par le travail de leur corps sans savoir de mĂ©tier. Ceux qui travaillent sur les ports Ă  dĂ©charger le bois ou Ă  le tirer de l'eau, sont des gagne-deniers. Dans les actes publics, on comprend sous le nom de gagne-denier, les porte-faix, les porteurs d'eau, &c. Un tel gagne-denier.

 

On dit, Gagner sa vie Ă  filer, Ă  chanter, pour dire, Gagner de quoi vivre en filant, en chantant. On dit dans le mĂŞme sens, Gagner son pain Ă  la sueur de son corps, Ă  la sueur de son front (Dictionnaire de l'AcadĂ©mie françoise, Tome premier : A-K, 1762 - books.google.fr).

 

L'opposition Ă  Louis-Philippe

 

Le dernier vers dĂ©crit - Ă  moins qu’il ne s’agisse d’un accident au jeu du mail, ancĂŞtre du croquet - l’attentat de Fieschi contre Louis-Philippe le 28 juillet 1835. La « machina Â», sorte de mitrailleuse, est installĂ©e sur le trajet que devait suivre le roi, de la Madeleine Ă  la Nation, au troisième Ă©tage du 50 boulevard du Temple, « qui avec sa large chaussĂ©e, ses deux contre-allĂ©es plantĂ©es d’arbres, ressemblait alors Ă  un mail de province [1] ». « Une balle passe sur le front du roi, oĂą elle laisse une lĂ©gère Ă©raflure, mais le roi et ses fils sortent miraculeusement indemnes de l’attentat alors qu’autour d’eux c’est un carnage [2] Â».

 

Le terme « Denier Â» peut s’expliquer par le sens qu’il a en langue classique : somme d’argent. En effet comme l’écrit AndrĂ© Castelot, Fieschi « avait tuĂ© non par idĂ©al rĂ©publicain mais pour 49 francs cinquante et pour quelques kilos de lentilles et de pruneaux [3] ».

 

Cela interprĂ©tĂ© et restant dans le contexte de la monarchie de juillet, immĂ©diatement « banquet Â» fait penser Ă  la campagne des banquets initiĂ©e dès juin 1840 par la gauche dynastique et les radicaux pour l’abaissement du cens. En 1847, elle fut renouvelĂ©e en faveur de la rĂ©forme. Pour la clĂ´turer, une manifestation interdite eut quand mĂŞme lieu le 22 fĂ©vrier. Le lendemain, le gouvernement mobilisa la garde nationale, composĂ©e de bourgeois parisiens, qui manifesta son adhĂ©sion Ă  la rĂ©forme voulue parla gauche. Le roi, effrayĂ©, se croyant abandonnĂ© par la bourgeoisie, demanda la dĂ©mission de Guizot, remplacĂ© par MolĂ©, ancien ministre de la marine de Louis XVIII (« classes Â» : flottes maritimes ?). La population manifesta sa joie et une rixe Ă©clata avec un poste de garde qui tira sur la foule. La rĂ©volution commençait.

 

Ce quatrain résumerait ainsi toute l’opposition au régime de Louis-Philippe qui conduisit à son renversement et à l’établissement du Second Empire en 1852.

 



[1] André Castelot, Historia n° 171, p. 153

[2] Guy Antonetti, « Louis-Philippe Â», Fayard, 1994, p. 744

[3] André Castelot, Historia n° 171, p. 150

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