Le péril jaune V, 68 1901-1902 Dans le Danube et du Rhin viendra boire Le grand chameau, ne s'en repentira : Trembler du Rosne
et plus fort ceux de Loire : Et près des Alpes, Coq le ruinera. Bataille près des
Alpes Conrad IV, second fils de Frédéric II, fut des 1237 élu
et couronné à Spire, par les princes d'Allemagne, roi des Romains, en
remplacement de son frère aîné Henri, qui avait été déposé, et qui mourut en
1242; et ce lut lui que, pendant son constant séjour en Italie, l'empereur
chargea de gouverner l'Allemagne. Les seigneurs allemands ne tardèrent point Ã
mettre à profit cet état de choses pour consolider de plus en plus leur
souveraineté, secondés qu'ils étaient dans leurs efforts par le pape, qui avait
tout intérêt à détruire partout la puissance de Frédéric II. Mais Conrad, prince d'intelligence et
d'activité, déploya, d'accord avec son père, autant de vigilance que de vigueur
pour rendre vaines leurs prétentions. Après avoir, en 1138, conduit en Italie
des troupes allemandes de renfort, il tint, en 1240, à Égra,
une diète où les princes de l'Église allemande se prononcèrent hautement contre
le pape et ses intrigues en Allemagne. Il battit
ensuite, avec l'aide d'Enzio, son frère, les Mongols, qui avaient envahi
l'Allemagne sous les ordres de Batou-Khan. La
bataille se livra sur les rives d'un affluent du Danube, appelé alors Delphos (peut-être à Neustadt sur la Leitha), et les
Mongols durent évacuer le sol de l'Allemagne pour se retirer en Hongrie. A
peu de temps de là , il engagea la lutte contre Henri Raspe,
landgrave de Thuringe, élu en 1240 à la sollicitation du pape, par les évêques
du Rhin, en qualité d'antiroi. Conrad, il est vrai, perdit, par suite de la
honteuse trahison des deux comtes de Souabe, la bataille livrée le 5 août 1246
sous les murs de Francfort-sur-Mein, et qui était déjà aux trois-quarts gagnée;
mais, puissamment secondé par les villes d'Allemagne, qui portaient un vif
attachement aux Hohenstaufen, et par le duc Othon de Bavière, qui lui donna
même en mariage sa fille Élisabeth, il battit, en 1247, Raspe
sous les murs d'Ulm, et le rejeta en Thuringe, où celui-ci mourut le 17 février
de la même année. Le comte Guillaume de Hollande fut élu à sa place le 3
octobre 1247, à l'instigation du pape Innocent IV. Après n'avoir eu pendant
longtemps aucune importance, il trouva plus tard appui et secours parmi les
évêques et en Souabe, où la noblesse aspirait à se rendre indépendante de la
maison de Hohenstaufen. Il put donc réunir une armée, et battit Conrad en 1251
à Oppenheim. Pendant ce temps-là Frédéric II était mort en Italie, en 1250.
Cette mort eut pour effet de relâcher encore davantage en Allemagne les liens
qui faisaient de l'empire un tout politique; à l'exception de la Bavière, Conrad
ne pouvait espérer y trouver aucune assistance, car la discussion relative à la
succession en Autriche et en Thuringe et les confédérations particulières des
princes, des villes, etc., divisaient les forces. Anathématisé par le pape, et
pressé vivement par son antiroi Guillaume, il entreprit, en 1251, une
expédition en Italie à l'effet de s'assurer tout au moins la possession du
royaume d'Apulie. Secondé par son frère Manfred, il soumit l'Apulie, et
s'empara de Naples en octobre 1253. Mais des calomnies et des plaintes du pape
lui aliénèrent les esprits, et mirent de plus en plus obstacle à l'exécution de
ses projets de conquête et d'établissement au-delà des Alpes. Il succomba à une
grave et longue maladie, qui l'enleva le 21 mai 1254 dans son camp devant Lavello. Il n'avait jamais vu Conradin, son fils unique,
âgé de deux ans, qu'il avait laissé en Allemagne La langue germanique s'arrêtait avec la chaîne des Alpes
à la rivière Leitha près de Carnuntum - Petronell, et aux abords du monde slave Toute la région des Alpes est un labyrinthe de vallées,
qui, très peu larges pour la plupart, ne se prêtent guère à de grandes
agglomérations urbaines. Dans la plaine de la Basse Autriche, au contraire, et
dans le bassin de collines de la Bohême, les grands centres métropolitains
comme Vienne et Prague absorbent tout et ne laissent qu'exceptionnellement Ã
des foyers d'industrie comme Brunn et Reichenberg quelque marge pour croître à côté d'eux. Aussi
ne s'est-il formé hors de là , sur le territoire allemand de la monarchie, de
villes d'importance majeure qu'au fond du golfe Adriatique et dans la spacieuse
vallée de la Mur. [...] Sur la rive
droite règnent les Alpes, dont la Forêt de Vienne (Wienerwald) et la petite
chaîne de la Leitha sont les derniers rejetons s'avançant jusqu'au bord du fleuve La retraite plus ou moins volontaire des Mongols dans
cette circonstance fut célébrée comme une victoire, victoire imaginaire plus
réelle cependant que celle dont parle Matthieu Paris, et qui aurait été
remportée par les fils de l'empereur, Conrad et Henri, sur les bords d'une
rivière Delphis affluent du Danube. Wolff avait
cherché à donner une base à ce récit, au moyen de l'identification de Delphis avec Devin (= Theben) sur
le March (qui serait le Delphis) et admis la «rencontre
de Theben». M. Strakosch-Grassmann
déclare cette tentative malheureuse. Pour lui, l'assertion de Matthieu Paris
prouve seulement que «ce temps où il n'y avait pas de journaux pouvait produire
des canards encore plus forts que ceux d'aujourd'hui». Wolff avait cru voir une
confirmation du dire de Matthieu Paris dans celui de l'arménien Hayton représentant les Mongols comme vaincus dans une
bataille qui aurait coûté la vie à leur chef Batou et
déterminé leur retraite définitive  Coq Une fois surmontée l'obscurité de la première lecture,
son décryptage historique d'ensemble est relativement aisé : la prophétie Nascetur aquila
retrace les démêlés de l'empereur Frédéric II Hohenstaufen et de ses
descendants avec la papauté et ses alliés, pour l'exercice du dominium politique
en Italie et dans la Chrétienté, ainsi que pour la succession au trône de
Sicile. Né «sans plumes» pour être monté sur le trône de Sicile en orphelin de
4 ans, protégé dans sa faiblesse par le pape, Frédéric II avait dû attendre
l'année 1220 et ses 27 ans pour être couronné empereur. Rapidement en butte aux
désirs de puissance de celui qu'il venait de sacrer, le pape s'identifie
aisément à cette poule de la prophétie qui, pour le séduire, procède au
couronnement de l'aigle. La traversée de la mer et la visite «frauduleuse» des
Lieux saints par l'aigle évoquent quant à elles la «croisade diplomatique» de
Frédéric II et la cession négociée de Jérusalem à l'empereur, perçue en Chrétienté
comme un abandon honteux de l'idéal de croisade Le coq, victime
d'étouffement, et les trois poussins pourraient représenter la descendance
masculine de Frédéric II : respectivement, ses fils Henri, Conrad et
Manfred, son petit-fils Conradin. Henri, rebelle à son père en 1234, fut
contraint de lui faire soumission en 1235 et emprisonné. Il se donna la mort en
captivité, en se précipitant avec sa monture du haut d'un abîme qui le conduisait
d'une geôle à une autre. Conrad IV deuxième fils légitime de l'empereur, lui
succéda en 1250 mais mourut dès 1254 (le 21 mai), terrassé par la fièvre -
conformément à la prophétie. Manfred, qui «portait un sang étranger», comme
l'affirme le texte, puisqu'il était fils légitimé de Frédéric, fut couronné roi
de Sicile le 11 août 1258, mais tué à Bénévent par Charles d'Anjou, le 26
février 1266. Dernier descendant direct de Frédéric, Conradin reprit les
prétentions dynastiques, mais fut défait et exécuté par Charles d'Anjou en
1268, à l'âge de quatorze ans : n'est-ce pas là la grande ruine que prédit la
prophétie au troisième poussin Selon certains auteurs Frédéric II mourut empoisonné et
étouffé par son fils illégitime Manfred Dans d'autres prophéties c'est l'aigle qui symbolise le
roi de France Charles V et Duguesclin Mais on voit que c'est en 1241 que Conrad bat les Mongols
près du Danube, alors que Frédéric II son père est encore en vie et qu'il règne. "Trembler" En 1245, dans le Concile œcuménique de Lyon, le pape
Innocent IV, qui le présidait, dit ces paroles : "Certes, elles sont nombreuses et diverses les réoccupations qui
Nous accablent: l'entreprise urgente pour la Terre-Sainte, la tribulation qui
menace l'Église, et le misérable état de l'Empire Romain. Mais, à dire vrai,
Nous oublions tout ceci et Nous-même, en songeant à la persécution des
Tartares. Car, en considérant que le nom chrétien (ce qu'à Dieu ne plaise !)
pourrait être anéanti de nos jours par ces Tartares, cette seule pensée brise
tons nos, en dessèche la moelle, amaigrit nos membres, exténue les forces de
notre âme et Nous plonge dans de si douloureuses angoisses que, jeté pour ainsi
dire hors de Nous-même, Nous ne savons plus de quel côté Nous tourner."
D'autre part, les histoires prodigieuses racontées par les voyageurs sur le Katai, le bruit que plusieurs chefs de ces l10rdes
redoutables s'étaient convertis au christianisme, l'espérance de propager la
loi et d'arrêter enfin la barbarie des peuples de la haute Asie, déterminèrent
le Souverain-Pontife à envoyer aux Tartares des missionnaires. [...] Jean de
Plan Carpin, franciscain, fut le légat choisi Typologie Ceci fait suite à l'interprétation du quatrain V, 62 - Le secret des secrets. Le chameau est asiatique, le dromadaire moyen-oriental et africain. Si nous suivions l’interprétation du Péril jaune que
Jacques Decornoy donne dans Péril jaune, peur blanche
(1970), nous dirions que les pays Occidentaux ayant des colonies en Asie en
auraient profité pour créer cette menace. C’est à cette époque, selon
Gollwitzer, que la formule du ‘Péril jaune’ (Bismarck, mort en 1898, ayant affirmé qu’un jour ‘les Jaunes’
abreuveraient leurs chameaux dans le Rhin) se répandit en Europe et aux
Etats-Unis. L’expression gelbe Gefahr
apparaît en effet d’abord en allemand comme «die Bedrohung
der weissen durch die gelbe Rasse» (Brockhaus Enzyklopädie (Wiesbaden
: F.A. Brockhaus, 1969), siebenter
Band, Seite 50), et presque simultanément en anglais,
yellow peril. Guillaume II
aurait ainsi voulu fédérer les Européens en leur opposant une menace factice.
Cette interprétation n’est pas sans intérêt. On trouve un écho angoissé de cet épisode
dans La Révolte de l’Asie (1904), où Victor Bérard souligne avec prémonition le
danger pour les Européens et notamment les Russes, d’une « coalition des Jaunes
». Le consul de France qui précéda Paul Claudel à Fou-tchéou, Eugène Simon, auteur de La Cité chinoise (1885)
comprenait «les dangers qu’un dumping asiatique présenterait pour l’Europe le
jour où la Chine se déciderait à adopter les techniques industrielles du monde
occidental», d’autant plus qu’elle conserverait «les avantages d’une
main-d’œuvre intarissable et bon marché, et d’une production sans entraves
fiscales.» Citation de Bismark ? Difficile de remonter avant 1925 sur Internet, et avant "Der Weltkampf" dont l'éditeur était Alfred Rosenberg : "Und Bismarcks Wort, daß einst die Gelben ihre Kamele am Rhein tränken würden, hätte seine Erfüllung gefunden" (Arianus, Der gelbe Kampf und eine rassisch begründete Neugestaltung europäischer Kolonialpolitik, Der Weltkampf: Monatsschrift für Weltpolitik völkische Kultur und die Judenfrage in aller Welt, 1927 - books.google.fr). |