Mort de LĂ©on XIII, son successeur Pie X

Mort de LĂ©on XIII, son successeur Pie X

 

V, 56

 

1893

 

Par le trespas du tres vieillard Pontife,

Sera esleu un Romain de bon aage :

Qu’il sera dict que le siege debiffe,

Et long tiendra & de picquant ouvrage.

 

Grand pontife

 

Les pontifes ne sont pas forcément catholiques, le terme renvoie originellement à l'antiquité romaine.

 

Coruncanius (TITUS), jurisconsulte du IIIe siècle av. J. C., originaire de Tusculum, fut consul en 280, acheva la soumission de l'Etrurie, fut censeur, grand-pontife (le premier des plébéiens) et dictateur. Il mourut très agé, après avoir joui d'une immense réputation, comme orateur et jurisconsulte (Louis Grégoire, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, de biographie, de mythologie et de géographie, 1888 - books.google.fr).

 

En 254 av. J.-C., il est le premier plébéien à être élu pontifex maximus à Rome. Lui succède Lucius Caecilius Metellus à son décès en -243 (fr.wikipedia.org - Tiberius Coruncanius).

 

Lucius Caecilius Metellus (v. 290 av. J.-C., 221 av. J.-C.) est un homme politique de la République romaine de la puissante gens plébéienne des Caecilii Metelli. Il est deux fois consul durant la première guerre punique. En 241 av. J.-C., Caecilius Metellus qui est pontife se précipite dans le temple de Vesta en flammes et sauve les objets sacrés dont le Palladion, y perdant la vue. Cicéron affirme que c'est la vue des objets sacrés qui le rend aveugle, et non l'incendie. Pour Jean Haudry, cet exploit est caractéristique d'une «mutilation qualifiante», typique d'un Feu protecteur comme Caeculus, fils du dieu romain Vulcain, dont la gens Caecilia prétend descendre (fr.wikipedia.org - Lucius Caecilius Metellus (consul en -251)).

 

"long... piquant ouvrage"

 

On peut interpréter le vers comme la prise en main d'un objet (ouvragé) long et pointu.

 

Les Romains étaient à l'origine un peuple de soldats et de laboureurs; la guerre et l'agriculture, telles étaient les seules occupations des Romains. Cincinnatus retournant à sa charrue après la victoire, voilà le type classique de l'ancien Romain. La première propriété romaine, c'est la terre conquise à la guerre, c'est le butin enlevé à l'ennemi. La lance, hasta, est le symbole de la propriété et la procédure romaine maintiendra longtemps ce souvenir symbolique. Les Quirites, ce sont les hommes à la lance; Quirites vient de quiris, ce vieux mot sabin qui veut dire lance. La propriété quiritaire enfin, c'est la propriété conquise la lance à la main (Maurice Duverdy, Droit romain des intérêts : droit français des navires et des moyens d'en acquérir la propriété, 1885 - books.google.fr).

 

En 240 av. J.-C. a lieu la fusion du peuple de la ville et du peuple de la campagne. Le nom de populus est appliqué désormais aux cinq classes. Les Cærites forment la sixième classe. Tous les plebéiens entrent dans les trente curies et deviennent Quirites. Les tribuns de la plebe entrent au Sénat. Le vieil antagonisme reparaît après les guerres puniques. Les Romains des tribus rustiques continuent à dominer dans l'assemblée des centuries. Mais, les Romains de la ville finissent par l'emporter dans l'assemblée des tribus (Emile Belot, Histoire des chevaliers romains consideree dans ses rapports avec les differentes constitutions de Rome, Tome 1 : Depuis le temps des rois jusqu'au temps des Gracques, 1869 - books.google.fr).

 

Un "siège"

 

En 247 av. J.-C., Metellus est consul avec Numerius Fabius Buteo. Par une action coordonnée de la flotte et de l'armée à terre, ils établissent le siège de Lilybée, port stratégique de la côte ouest de Sicile tenu par les Carthaginois, mais la résistance de la garnison carthaginoise parvient à les tenir en échec. Ce siège durera plusieurs années, et dépasse donc la durée de leur consulat (fr.wikipedia.org - Lucius Caecilius Metellus (consul en -251)).

 

Pendant la première guerre punique, en 250 av. J.-C., la place forte et le port, tenus par les Carthaginois sous les ordres de Himilcón, font l'objet d'un siège et d'un blocus par 220 vaisseaux romains; mais la ville reste imprenable et le blocus du port est inefficace à cause de l'habileté d'un marin carthaginois, Hannibal le Rhodien, qui ravitaille la cité. Après leur défaite navale de Drépane, en -249, les Romains doivent renoncer au blocus de Lilybée, qui reste entre les mains des Carthaginois jusqu'à la victoire romaine des îles Égates en -241.

 

Lilybée ou Lilibeo en grec et en latin Lilybaeum était une importante base navale des Carthaginois en Sicile, c'est l'actuelle Marsala (fr.wikipedia.org - Lilybée).

 

"siège debiffe"

 

C'est VENETTE qui a, le premier, publié dans son Tableau de l'Amour conjugal le fameux rapport, en date du 23 octobre 1672, des deux matrones jurées de Paris sur la défloration d'Olive TISSERAND, 30 ans, par Jacques MUDONT, qui n'y avait pas été de... main morte ! car les expertes trouvèrent "les tettons dévoyés, les barres froissées, le lipion recoquevillé, l'entrepet ridé, le ponant debiffé, les balanaus pendants, le lipendis pelé, les babioles abattues, les holerons démis, l'entrechenat retourné, le barbideau écorché, le guilboquet fendu, le guillenard élargi, la dame du milieu retirée, l'arrière-fosse ouverte..." (La chronique médicale: revue de médecine scientifique, littéraire et anécdotique, Volumes 33 à 34, 1926 - books.google.fr).

 

Nicolas Venette (La Rochelle, 29 mai 1633 - 18 août 1698) fut un médecin, sexologue et écrivain français (fr.wikipedia.org - Nicolas Venette).

 

On a employé le mot visage pour exprimer le cul. Voiture a dit :

 

Ce visage gracieux

Qui peut faire pĂĄlir le nĂ´tre

Contre moi n'ayant point d'appas,

Vous m'en avez fait voir un autre

Duquel je ne me gardais pas.

 

On a, dans le même sens, employé l'expression ponant :

 

Que le trou de son ponant

Te serve de tabatière (Vadé, Soirées de la halle).

 

Les Huguenots appelaient le maréchal Saint-André arquebusier de ponant (Bibliotheca scatologica, 1849 - books.google.fr).

 

Borgne désigne aussi l'anus (Georges Delesalle, Dictionnaire argot-français & français-argot, 1896 - books.google.fr).

 

Caecilus viendrait de "caecus", "caeculus" qui signifiait "borgne" puis aveugle (Antoine Imbert-Gaurbeyre, De la mort de Socrate par la ciguë, ou recherches botaniques et thérapeutiques de cette plante, 1876 - books.google.fr).

 

"metella" désigne un panier rempli de pierres à jeter sur des assiégeants (Gaffiot).

 

Chaque époque a eu son mot : siège date du XVIIe, postérieur se répand au XVIIIe etc. (Alain Froment, Anatomie impertinente : Le corps humain et l’évolution, 2013 - books.google.fr).

 

En ce qui concerne le "piquant ouvrage", dans la mĂŞme veine, on put penser Ă  un ouvrage licencieux pimentĂ©, salĂ©, outre satirique ou spirituel, tel qu'en Ă©crivit Pie II avant de devenir pape : Les Amants ou Euryale et Lucrèce (SĂ©verine ClĂ©ment-Tarantino, Saveurs salĂ©es entre mots et mets dans la littĂ©rature latine de Plaute Ă  Martial, Sel et sociĂ©tĂ©, Tome 1 : Techniques, usages, langage, 2017 - books.google.fr).

 

Euryale est un nom issu de l'Enéide de Virgile. Lui-même s'appelait Eneas Sylvius Piccolomini mais était natif de Sienne et non de Rome. Il succéda à Calixte III mort âgé à 80 ans (fr.wikipedia.org - Pie II).

 

Typologie

 

Le report de 1893 sur la date pivot -243 donne -2379.

 

Epoque de la naissance biblique de Sarug fils de Rehu (Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'histoire universelle sacrée et prophane, ecclésiastique et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1743, Tome 1, 1744 - books.google.fr).

 

Quoique la plupart des Auteurs, & particulièrement des Pères, s'accordent Ă  rapporter l'origine de l'idolâtrie au tems de SĂ©rug, que quelques-uns disent en avoir Ă©tĂ© le prĂ©mier Introducteur, le supposant Ă  tort de la Race de Japhet; d'autres nĂ©anmoins croyent l'idolâtrie plus ancienne, & soutiennent que du tems de RĂ©hu le Genre-humain s'Ă©toit rendu coupable de plusieurs faux Cultes; les uns adorant les Cieux, d'autres des Corps CĂ©lestes, d'autres des Animaux & des Plantes, d'autres les Images de leurs Amis dĂ©cĂ©dĂ©s. On prĂ©tend, qu'environ le mĂŞme tems, quelques Parens commencĂ©rent Ă  donner l'exemple de la plus affreuse InhumanitĂ©, en sacrifiant leurs Enfans aux DĂ©mons : voici Ă  quelle occasion. Un homme riche Ă©tant mort, son fils fit une Statue d'or pour le reprĂ©senter, & la plaça sur sa Tombe, auprès de laquelle il mit un Serviteur pour garder la Statue. Quelque tems après, des Voleurs ayant dĂ©robĂ© au fils tous ses Biens, celui-ci vint au SĂ©pulcre de son Père pour en faire ses plaintes, auxquelles le DĂ©mon rĂ©pondit par la bouche de l'image, promettant de lui rendre tout ce qu'il avoit perdu, s'il vouloit lui offrir en sacrifice le plus jeune de ses fils, & se baigner dans son fang, ce qu'il fit : sur quoi le DĂ©mon sortit de l'Image, entra dans le jeune-homme, & lui enseigna la Magie. Mais la Coutume d'offrir des Sacrifices humains devenant plus frĂ©quente de jour en jour, Dieu brisa toutes les Idoles, & renversa leurs Temples par un violent Tremblement de Terre, accompagnĂ© d'un Vent furieux (Histoire universelle, depuis le commencement du monde, jusqu'Ă  present, traduite de l'anglois d'une sociĂ©tĂ© de gens de lettres, Tome 1, 1770 - books.google.fr).

 

LĂ©on XIII et Pie X 

 

Le pape LĂ©on XIII mourut en 1903 Ă  l’âge de 93 ans (« tres vieillard pontife Â»). Il est le pape du ralliement des catholiques français Ă  la RĂ©publique qui n’avait pas cĂ©dĂ© sous les coups de ses adversaires lĂ©gitimistes, boulangistes et autres. L’encyclique de 1892 provoqua la division des forces conservatrices. La droite constitutionnelle, ralliĂ©e, constituĂ©e par Albert de Mun devint prĂ©pondĂ©rante chez les conservateurs. « Tournant capital. Le monarchisme meurt. La droite catholique survit mais devient rĂ©publicaine [1] ».

 

Lui succède Pie X (1835-1914), nĂ© Ă  Riese en VĂ©nĂ©tie (« Romain Â» pour italien), qui gravit tous les degrĂ©s de la hiĂ©rarchie, vicaire jusqu’à cardinal en 1893. Son intransigeance politique le brouille avec de nombreux Etats : une campagne anti-catholique Ă©clate aux Etats-Unis Ă  cause de la disgrâce de l’évĂŞque libĂ©ral J. Ireland et du refus de Pie X de recevoir ThĂ©odore Roosevelt ; les relations diplomatiques sont rompues avec la France, en 1905, en raison de la sĂ©paration de l’Eglise et de l’Etat, avec l’Espagne en 1910 etc. (« le siège debiffe Â» : le Saint-Siège  s’affaiblit). Il faut compter aussi avec l’irrĂ©ligion croissante d’un prolĂ©tariat misĂ©rable qui « rend l’Eglise, garante de l’ordre Ă©tabli, responsable de la sujĂ©tion Ă©conomique dans laquelle le maintient le système capitaliste [2]».

 

L’œuvre de Pie X, importante pour l’Eglise (voir quatrain V, 79), favorisera l’ Â« intĂ©grisme Â» catholique par la condamnation des modernistes et des dĂ©mocrates-chrĂ©tiens : excommunication du prĂŞtre Romolo Murri, fondateur de l’œuvre du Congrès et de la Ligue dĂ©mocratique nationale ; condamnation des journaux « La Justice sociale Â» de l’abbĂ© Naudet et de « La vie catholique Â» de l’abbĂ© Dabry ;  condamnation du Sillon de Marc Sangnier [3] (« picquant ouvrage Â» : Ĺ“uvre blessante).

 

Chaque Pape, comme chaque PrĂ©sident du Conseil, a son tempĂ©rament propre. Quel rapport avec la direction de l'Eglise ? Il est incontestable que la bonhommie active de Jean XXIII est toute diffĂ©rente de l'austĂ©ritĂ© un peu distante de Pie XII. Et après ? Jean XXIII, Ă  cet Ă©gard, rappelle beaucoup Pie X, lui aussi issu de famille paysanne (et d'une famille très pauvre, Ă  la diffĂ©rence de celle de Jean XXIII qui Ă©tait, semble-t-il, aisĂ©e), lui aussi d'une bontĂ© très familière, lui aussi gouvernant plutĂ´t qu'administrant. Pie X, le plus plĂ©bĂ©ien, le plus humble des papes depuis un siècle, n'en est pas moins considĂ©rĂ© comme «rĂ©actionnaire», parce qu'il condamna le modernisme (R. LabrĂ©gère, L'Ă©glise, la libre pensĂ©e et le social : Ă©tude, 1961 - books.google.fr).

 

Pie X : vicaire avant d'être curé, curé avant d'ètre évêque, évêque avant d'être cardinal, cardinal avant d'être pape, et petit plébeien (Lectures pour tous : revue universelle et populaire illustré, 1903 - books.google.fr).

 

On note ainsi combien est lourd le poids des origines, qu'il s'agisse de la formation initiale, des expériences pastorales ou des spécificités religieuses régionales : Pie X fut bien un pape vénitien, comme Pie XI fut un pape lombard et Pie XII un pape romain, premier pape romain depuis l'élection du cardinal Conti, devenu pape sous le nom d'Innocent XIII en 1721 (Archives de sciences sociales des religions, Numéros 67 à 68, 1989 - books.google.fr).

 

Le 9 décembre 1905 est promulguée la loi de séparation des Églises et de l’État. Alors que les Juifs et les Protestants l’acceptent, le pape Pie X la condamne par les encycliques Vehementer Nos (11 février 1906) et Gravissimo (10 août 1906) (www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr).

 

Dans l'Action aussi retentissent les cris de guerre. Le conflit du «gouvernement insurrectionnel du Pape romain avec le gouvernement rĂ©gulier de la RĂ©publique» entre dans la phase batailleuse : «DĂ©gagĂ© de tout son fatras canonique, le document pontifical apparaĂ®t comme un dĂ©fi monstrueux Ă  la RĂ©publique laĂŻque, Ă  la France de Voltaire et de Rousseau». Et, citant une phrase de l'Encyclique, l'Action dit encore : «Que la France reconnaisse enfin les droits immuables du Pontife romain et des EvĂŞques, comme leur autoritĂ© sur les biens nĂ©cessaires Ă  l'Eglise, particulièrement sur les Ă©difices sacrĂ©s, seront irrĂ©vocablement, dans lesdites associations, en pleine sĂ©curitĂ©; vouloir le contraire, Nous ne le pouvons pas sans trahir la saintetĂ© de Notre charge, sans amener la perte de l'Eglise de France» (Pages libres, 1906 - books.google.fr, www.assemblee-nationale.fr - Vehementer nos).

 

Dans un Motu proprio sur l'action sociale des catholiques de 1903, Pie X a rassemblĂ© en 19 articles les règles très prudentes tracĂ©es par LĂ©on XIII dans ses Encycliques ainsi que dans l'Instruction Ă©manĂ©e de la S. C. des Affaires eccl. extr. le 27 Janv. 1902. Dont le 3e article :

 

Il en résulte que, dans la société humaine, il est selon l'ordre de Dieu qu'il y ait des princes et des sujets, des patrons et des prolétaires, des riches et des pauvres, des savants et des ignorants, des nobles et des plébéiens (Nouvelle revue théologique, Volume 50, 1923 - books.google.fr).

 

Tout ça remonte Ă  loin, Ă  l'origine : «Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous» (Marc 14,7).



[1] Emmanuel Todd, « La nouvelle France Â», Seuil, 1988, p. 126

[2] Grand Larousse encyclopédique en XX volumes, 1970

[3] Pierre milza et Serge Berstein, « L’Italie, la papautĂ©, 1870-1970 Â», Masson, 1970

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