Les Arméniens dans la guerre de 14-18

Les Arméniens dans la guerre de 14-18

 

V, 80

 

1915

 

Par les deux testes, & trois bras separés,

La cité grande sera par eaux vexee :

Des grands d'entr'eux par exil esgarés,

Par teste perse Bisance fort pressee.

 

GĂ©ographie

 

Le Gullab Ă  l'est d'Édesse porte aussi un nom iranien, «l'eau des roses», et JosuĂ© le Stylite sait encore qu'on l'appelle la «rivière des Mèdes» (p. LIII, no 59). Sisarbanon s'explique par la mĂŞme langue (supra, p. 83), Dausara (Fronton, p. 132). D'après Noeldeke (Tabari, p. 83), «Dausar ist wohl persisch : zwei Häupter». Pour DausarĂłn, on trouve l'origine de la dĂ©nomination sur le terrain dans Sachau (Die Lage, p. 81) qui dĂ©crit en ces termes le confluent, les deux tĂŞtes, situĂ©es Ă  proximitĂ© : «Au nord de Tell Armen, Ă  cinq minutes de la rivière, plusieurs petites sources se rassemblent et coulent au Ghyrs (Ghars). C'est cela le Zergan qui dĂ©sormais donne son nom» (Louis Dillemann, Haute MĂ©sopotamie orientale et pays adjacents, Bibliothèque archĂ©ologique et historique, Volumes 72-73, 1962 - www.google.fr/books/edition).

 

DAUSAR est citée par Procope au nombre des points fortifiés de la région. Un seul évêque est connu, Nonnus, qui prit part au concile de 553 Dans la Notitia Antiochena, l'évêque de Dausar est le dixième suffragant d'Édesse (Robert Devreesse, Le patriarcat d'Antioche, depuis la paix de l'église jusqu'a la conquête arabe, 1945 - www.google.fr/books/edition).

 

Outsch Boudak, les trois bras, ainsi appelĂ© parce que trois rivières se rĂ©unissent en cet endroit : le Mourad (Omiras) venant de la plaine de Melazkerd, le Goeksou, qui descend de celle de Sernidj, et le Wartou (?) (Joseph von Hammer-Purgstall, Histoire de l'Empire ottoman, depuis son origine jusqu'Ă  nos jours, Tome 6, traduit par J.-J. Hellert, 1836 - www.google.fr/books/edition).

 

L'Euphrate est un des plus grands & des plus celebres fleuves du monde. Strabon & Pline mettent sa source dans le mont Abo ou Aba en Arménie ; mais presque dans tout le reste ces deux Auteurs se contredisent. Strabon dit que l'Euphrate sort du côté septentrional du mont Taurus, & qu'il coule d'abord vers l'Occident, & revient ensuite vers le Midi. Pline au contraire dit, aprés des témoins qui avoient été sur les lieux, que l'Euphrate va du Septentrion au Midi, & puis retourne au Couchant. Il remarque que ce fleuve est appellé Pyxúrates à la source, & Omiras lorsqu'il entre dans les défilez du mont Taurus; & qu'il ne porte le nom d'Euphrate, qu'aprés qu'il est sorti des gorges de ces montagnes (Augustin Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament,, Tome 1, 1715 - books.google.fr).

 

Édesse, en Turquie, s'adossait à l'ouest à un massif rocheux des monts du Taurus (Ephrem-Isa Yousif, Les Villes Etoiles de la Haute Mesopotamie, 2009 - www.google.fr/books/edition).

 

Byzance

 

Constantinople, comme Rome, est bâtie sur sept collines. Mais de plus que sa glorieuse aînée elle a cette situation unique au monde de baigner dans trois bras de mer, le Bosphore et Marmara où elle s'appuie, la Corne-d'Or qui la partage, les bases étagées des coteaux où se groupent en amphithéâtre ses palais, ses maisons peintes, ses jardins, ses mosquées, ses cimetières ombragés que l'on prendrait pour des bois (Charles Rolland, La Turquie contemporaine: hommes et choses: études sur l'Orient, 1854 - books.google.fr).

 

Perse

 

Après le refus en 502 des Grecs de payer leur contribution annuelle destinée à la défense des «Portes de la Caspienne» et l'édification près de Nisibis d'une nouvelle cité nommée Dara, la première campagne de Kavadh Ier contre l'Empire byzantin à partir de 503-505 met fin au traité de paix de 50 ans conclu entre Yazdgard Ier et Théodose II en 440.

 

526 marque le début de la guerre d'Ibérie (fin en 532). Le conflit entre la Perse et l'empire d'Orient reprend dans le Caucase après que le roi d'Ibérie Gourgenes s'est mis sous la protection de Byzance quand le roi sassanide Kavadh Ier a voulu convertir de force les chrétiens au zoroastrisme (523). Justin Ier échoue à engager les Huns de Tauride à prendre les armes contre les Perses, puis envoie de faibles troupes dans le Lazique. Kavadh fait marcher une forte armée en Ibérie et Gourgenes doit fuir au Lazique, où il est suivi par les Perses qui s'emparent de plusieurs forteresses frontalières. En représailles Justin envahit la Persarménie et la Mésopotamie.

 

Au cours d'une seconde campagne contre les Byzantins en 527/531, il est battu par Bélisaire, général de Justinien lors de la bataille de Dara. Les Grecs vaincus à Callinicum le 19 avril 531 ne peuvent prendre Nisibis mais obligent Kavadh Ier à demander la paix (fr.wikipedia.org - Kavadh Ier, fr.wikipedia.org - Année 526).

 

La Persarménie est la septième province de l'Arménie historique selon le géographe arménien du VIIe siècle Anania de Shirak. Elle est située sur la rive occidentale du lac d'Ourmia, au nord-ouest de l'actuel Iran (fr.wikipedia.org - Persarménie).

 

La grande cité d'Edesse : inondations et exil

 

Paul d'Édesse est un Ă©vĂŞque syrien du dĂ©but du VIe siècle, mort le 30 octobre 526. Sa carrière Ă©piscopale est retracĂ©e assez prĂ©cisĂ©ment dans la Chronique d'Édesse (et aussi dans la chronique du Pseudo-Zacharie le RhĂ©teur, VIII, § 4). Son prĂ©dĂ©cesseur Pierre, Ă©vĂŞque d'Édesse depuis le 12 septembre 498, mourut le 10 avril 510 (samedi saint). Au moment de son avènement, Paul adressa Ă  Flavien II, patriarche d'Antioche, une profession de foi dans laquelle il admettait le concile de ChalcĂ©doine. Mais en 512, dans un concile tenu Ă  LaodicĂ©e, Flavien fut dĂ©posĂ© et exilĂ©, et remplacĂ© en novembre par le monophysite SĂ©vère. Paul assura alors le nouveau patriarche de son adhĂ©sion au monophysisme. Mais après la mort de l'empereur Anastase (9 juillet 518), cette tendance perdit le pouvoir, et dès le 29 septembre suivant SĂ©vère, menacĂ© d'arrestation, dut fuir Antioche. Le 4 novembre 519, un haut fonctionnaire nommĂ© Patrikios (ou «un patrice» ?) se prĂ©senta Ă  Édesse et laissa Ă  l'Ă©vĂŞque le choix entre adhĂ©rer explicitement au concile de ChalcĂ©doine ou ĂŞtre dĂ©posĂ© de son siège. Paul parvint Ă  s'Ă©chapper et se rĂ©fugia dans un baptistère. Le fonctionnaire l'en fit extraire et le conduisit sous escorte Ă  SĂ©leucie. L'empereur Justin Ier, apprenant qu'il avait Ă©tĂ© arrachĂ© d'un lieu consacrĂ©, le fit libĂ©rer, espĂ©rant qu'après rĂ©flexion il se raviserait. Paul rentra Ă  Édesse après quarante-quatre jours, mais ne donna aucune marque de son ralliement. Le 27 juillet 522, il fut Ă  nouveau arrĂŞtĂ© et emmenĂ© en exil Ă  EuchaĂŻta (Pont). Son remplaçant AsclĂ©pios (dit Bar MallâkhĂ©, «fils de marins») arriva le 23 octobre. Le 24 dĂ©cembre suivant, le nouvel Ă©vĂŞque chassa de la ville les «moines orientaux», qui rejetaient le concile de ChalcĂ©doine, et les autres moines qui les soutenaient. Pendant l'hiver 524/25, une inondation catastrophique fit de nombreux morts et des destructions massives Ă  Édesse. AsclĂ©pios se rĂ©fugia Ă  Antioche et y mourut le 27 juin suivant. Apprenant la mort de son remplaçant, Paul capitula : il adressa une lettre au neveu de l'empereur, le patrice Justinien, et une profession de foi chalcĂ©donienne au patriarche d'Antioche, Euphrasios. Il fut rĂ©tabli sur son siège et rentra Ă  Édesse le 8 mars 526. Il y mourut le 30 octobre suivant (fr.wikipedia.org - Paul d'Edesse).

 

Pareillement soubs le mesme Empire de Justin la fameuse Edesse, ville la plus grande & la plus peuplee de la prouince des Osroeniens, par l'inondation merueilleuse du fleuve Scitre, qui passoit par le milieu, fut tellement persecutee & endommagee, que outre beaucoup de maisons abatues qu'il emporta, aussi submergea & entraina grand nombre de gens (L'histoire ecclesiastique de Nicefore, fils de Calliste Xanthouplois, autheur grec, traduicte nouuellement du latin en françois, 1578 - www.google.fr/books/edition).

 

Edesse était appelée Callirhoé (la ville aux belles eaux) parcourue par 25 ruisseaux se jetant dans le Skiros (Daiçan), afluent de l'Euphrate. Après l'inondation de 525, Justinien fit rectifier le lit du Skirtos et creuser un tunnel dans le roc pour détourner son cours à sa sortie de la ville (Louis Bréhier, Le Monde byzantin, Tome 3 : La civilisation byzantine (1950), 2014 - www.google.fr/books/edition).

 

Lors de l'inondation de l'an 525, les habitants d'Édesse accusèrent le chalcédonien Asclépios d'avoir attiré la colère de Dieu sur la ville (Ephrem-Isa Yousif, Deux chroniques syriaques chroniques d'Édesse et d'Arbèles (Erbil), 2015 - www.google.fr/books/edition).

 

Le mandylion et "trois bras"

 

Le Mandylion ou Image d’Édesse est, selon une tradition chrétienne, une relique consistant en une pièce de tissu rectangulaire sur laquelle l’image du visage du Christ (ou Sainte Face) a été miraculeusement imprimée de son vivant. Pour l’Église orthodoxe, il s’agit de la première icône (du mot grec signifiant «image»). La première mention connue de l'image d'Édesse figure dans la Doctrine d'Addaï (Addaï est le nom syrien de Thaddée), composée au Ve siècle. Ce récit met en scène une délégation envoyée par le roi Abgar à Jésus.

 

L'image refait surface en 525 lors d'une crue du Daisan, affluent de l’Euphrate dont l'inondation détruit la ville d’Édesse. Lors de la reconstruction de la ville, on découvre un linge caché portant les traits d’un visage dans une niche maçonnée au-dessus de la porte ouest. Ce linge est alors identifié au portrait offert à Abgar. L’empereur Justinien fait construire en son honneur la basilique Sainte-Sophie d’Édesse qui conserve alors la relique (fr.wikipedia.org - Mandylion).

 

Addaï était un évêque d'Edesse (mort en 541) qui, dans son ouvrage (si du moins cet ouvrage est authentique), utilise sans doute une tradition locale ou des documents que nous ne connaissons pas. Le plus ancien auteur non contesté qui mentionne l'icône envoyée à Abgar est Evagre (VIe siècle) ; dans son Histoire ecclésiastique il l'appelle le portrait, «l'icône faite par Dieu» (theoteuktos eikôn). Quant à l'original de l'icône, c'est-à-dire le linge même avec le visage du Seigneur imprimé dessus, il fut longtemps conservé à Edesse comme le trésor le plus précieux de la ville. Il était largement connu et vénéré dans tout l'Orient et, au VIIIe siècle, les chrétiens célébraient en beaucoup d'endroits sa fête à l'exemple de l'Eglise d'Edesse. Au cours de la période iconoclaste, saint Jean Damascène mentionne l'image miraculeuse et en 787 les Pères du Septième Concile Oecuménique s'y référèrent à plusieurs reprises (Léonide Ouspensky, La théologie de l'icône dans l'Église orthodoxe, 1980 - www.google.fr/books/edition).

 

Un prince de Servie, Sabba, fils du roi Siméon et héritier du trône, au 13e siècle, prit la résolution de venir dans la Montagne Sainte pour embrasser la vie cenobitique. Il fit le pélerinage de Jérusalem et visita le couvent de son homonyme S. Sabba; là il reçut en présent le bâton pastoral de son patron et le rapporta à l’Athos, avec un portrait de la Vierge où elle est représentée avec trois bras. Cette figure singulière a toujours été un problème que les archéologues ne sont point parvenus à comprendre, bien que la légende nous ait transmis l'explication de ce fait. Jean Damascène, qui vivait au temps des iconoclastes, étant à Damas, écrivit un livre contre eux. Le gouverneur de la ville, zélé parlisan de la destruction des images, fit couper la main de Jean. Celui-ci obtint d'emporter avec lui son membre mutilé, et ayant supplié la Vierge de faire un miracle, son bras vint s'attacher, pendant son sommeil, au portrait de la Madone qu'il conservait chez lui, malgré les ordres formels de l'empereur. De là, l'image de la Vierge aux trois bras, qui a tant préoccupé les savants qui se livrent à l'étude et à l'explication des symboles et des attributs chrétiens (Victor Langlois, Histoire du Mont Athos et de ses monastères, Annales de philosophie chrétienne, Volumes 72 à 73, 1866 - books.google.fr).

 

Acrostiche : PLDP

 

Traité de la Grâce et du Libre-arbitre, par S. Bernard. Mis nouvellement en françois, Par P.L.D.P., A Thoulouse, Chez Denis de Saint-Saturnin, Libraire, 1698, in-8°, avertissement - 87 pages (Histoire littéraire des bénédictins de Saint-Maur: 1612-1655, 2006 - books.google.fr).

 

"Rien n'existe qui ne vienne de Dieu", note Bernard de Clairvaux (vers 1090-1153) dans son traitĂ© De la Grâce et du libre Arbitre. Cette parole ajoutĂ©e Ă  celle du Livre de la Sagesse "Tu as tout rĂ©glĂ© en nombre, en poids et en mesure" ? – exprime bien le problème qui se pose aux clercs : que reprĂ©sentent les animaux monstrueux dans l'ordre divin ? Trouver la rĂ©ponse Ă  cette question, c'est faire un pas vers Dieu car la connaissance des crĂ©atures mène Ă  celle du CrĂ©ateur. A partir des canons exĂ©gĂ©tiques du Physiologos grec et des Ă©crits des Pères de l'Eglise se dĂ©veloppe une sorte de bestiaire divin, mĂ©lange de traditions bibliques et d'histoire naturelle. L'homme fĂ©odal sait, en effet, que Dieu a crĂ©Ă© le grand serpent de mer (Genèse I, 2). Il ne s'agit donc pas tant de rechercher l'origine des monstres, mais d'interprĂ©ter ceux-ci Ă  l'aide de la Bible, le livre qui a rĂ©ponse Ă  tout. Le LĂ©vitique disant que tout ce qui rampe est impur et immonde (11,41), les reptiles sont tenus pour des Ă©manations de Satan (Claude Lecouteux, Les monstres dans la pensĂ©e mĂ©diĂ©vale europĂ©enne, essai de prĂ©sentation, 1993 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans De Gratia et libero arbitrio, cap. 1, n° 12, dans Migne, 1. CLXXXII, p. 1001-1030, traitĂ© composĂ© vers 1127 (cf. Admonitio de Mabillon, p. 999, et Bern., ep. 52), et adressĂ© Ă  Guillaume de Saint-Thierry, l'abbĂ© de Clairvaux dĂ©finit le libre arbitre et Ă©tudie ses divers aspects dans le triple Ă©tat de nature, de grâce et de gloire. «Le libre arbitre, dit-il, est un pouvoir de la raison et de la volontĂ©; on le nomme libre par rapport Ă  la volontĂ© qui peut se diriger d'un cĂ´tĂ© ou de l'autre, on le nomme arbitre par rapport Ă  la raison qui a la puissance de discerner.» Pierre Lombard et saint Thomas d'Aquin reprendront plus tard cette dĂ©finition excellente. Dans quelque Ă©tat que l'on considère la volontĂ© de l'homme, elle est toujours libre : mĂŞme après la chute, le libre arbitre, si misĂ©rable soit-il, est encore intègre. Il faut prendre garde pourtant que, selon la doctrine de l'ApĂ´tre, il ne saurait vouloir le bien, j'entends le bien surnaturel. «Le vouloir est en nous, en vertu du libre arbitre; je dis le vouloir et non vouloir le bien, ou vouloir le mal. C'est le libre arbitre qui nous fait vouloir, et la grâce qui nous fait bien vouloir : liberum arbitrium nos facit volentes, gratia benevolos. En cela quel est le mĂ©rite de la volontĂ© ? C'est de consentir. Non pas que ce consentement, dans lequel consiste tout le mĂ©rite, vienne d'elle, puisque nous ne sommes pas capables d'avoir une bonne pensĂ©e de nous-mĂŞmes, Ă  plus forte raison un bon consentement. Mais, si ce consentement vient de Dieu et non de nous, cependant il ne se fait pas en nous sans nous» (Elphège Vacandard, Vie de Saint Bernard, AbbĂ© de Clairvaux, Tome 2, 1895 - books.google.fr).

 

Laisser croire à l'homme que la volonté peut tout sans qu'elle soit développée, canalisée, sans qu'elle se prépare chaque instant comme les peuples à une guerre énergique, c'est l'exposer à faire face tout d'un coup å des ennemis plus forts qu'elle. Toutes les méthodes de lutte sont, nous le verrons, d'une incontestable utilité : les ruses, les détours, l'idée fixe, l'utilisation du mécanisme physique réagissant sur le psychisme, tels sont quelques épisodes des combats glorieux que l'homme doit engager contre lui-même, sur le champ de bataille de la conscience, s'il veut remporter de glorieuses victoires. Nul peuple ne peut lutter s'il n'a pas des soldats, s'il n'a pas les éléments même de la volonté. Nous concevons que certains êtres exceptionnels, monstrueux, naissent privés absolument de volonté, tels les enfants venant au monde sans bras, sans jambes ou avec deux têtes (Guilhermet, Comment on devient criminel, Revue de psychothérapie et de psychologie appliquée, Volume 28, 1913 - www.google.fr/books/edition).

 

Né en 154 à Edesse - ce carrefour de courants culturels où s'affrontent les Romains et les Parthes -, chrétien de langue syriaque, poète rompu à la philosophie de son temps, Bardesane est une figure originale. Son œuvre philosophique ne nous est parvenue qu'à travers ses disciples ou ses contradicteurs, dont le plus acharné fut, au IVe siècle, saint Ephrem. La cosmologie fut un sujet important de l'enseignement de Bardesane. Sa doctrine des cinq éléments à partir desquels le monde fut formé s'inscrit dans la tradition d'autres cosmogonies orientales, et l'on y découvre une conception poétique de l'origine du monde qui contraste avec la notion chrétienne de la création. Versé à la fois dans la science chaldéenne et dans la culture hellénique de son temps, Bardesane exprime ses idées sous la forme de 4 dialogues. Par une série d'exemples pris dans la nature et dans ce que l'on appellerait aujourd'hui l'ethnologie, à l'aide d'une terminologie empruntée à l'astrologie, il soutient que l'homme jouit du libre arbitre ; l'homme et son destin sont le thème privilégié de son enseignement.

 

Après Bardesane, dont la philosophie relève d'un stoïcisme tardif, les écrivains de langue syriaque suivirent le courant aristotélicien, probablement sous l'influence d'Antioche. A l'«Ecole des Perses» d'Edesse, on traduisit du grec en syriaque les œuvres de Théodore de Mopsueste, l'interprète officiel des Ecritures à Antioche. Ces traductions furent suivies de celles d'autres auteurs parmi lesquels Aristote et Porphyre. Le terrain était préparé pour la floraison des philosophes syriaques que connut la région d'Edesse au VIe siècle, parmi lesquels s'illustrent Paul le Perse et Sergius de Resh'aïna. (Javier Teixidor, bardesane d'Edesse, 1992 - www.e.leclerc).

 

Le prĂ©sage que reprĂ©sente le monstre laisse Ă  l'homme son libre-arbitre : il mène Ă  une prise de conscience en vue d'une action positive et d'une Ă©volution. C'est pourquoi l'enfant Ă  deux tĂŞtes de Rottweil, chez SĂ©bastien Brant (Nef des fous, 1494), est prĂ©sentĂ© dans un contexte qui rend explicite sa signification virtuelle de progrès (Claude Kappler, L'interprĂ©tation politique du monstre chez SĂ©bastien Brant, Monstres et prodiges au temps de la Renaissance, 1980 - www.google.fr/books/edition).

 

Les enchantements des fées aux XVII-XVIIIe siècles font transition entre le baroque et le Romantisme. Dans La Belle et la Bête, tout s'y résume : le dialogue assez ambigu entre le fond et la forme, la métamorphose, le jardin des amours, la tendresse (Jean Céard, La Nature et les prodiges, Monstres et prodiges au temps de la Renaissance, 1980 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans le film L'Aigle à deux têtes, Cocteau expose les entrailles de la “machine infernale” de sa pièce : le destin des deux amants, que ceux-ci croient inscrit au firmament des «énigmes», n'est rien d'autre que le résultat des manœuvres des personnages secondaires. Ces derniers occupent ainsi la place des dieux de La Machine infernale, des fées de La Belle et la Bête ou des anges d'Orphée – l'Archiduchesse invisible semble l'emporter, en termes de puissance poétique, sur la jeune veuve. L'entreprise de l'adaptation de L'Aigle à deux têtes, si on accepte les descriptions précédentes, s'intègre parfaitement à l'œuvre de Cocteau quand elle explore les entrelacs du libre-arbitre et de la fatalité (La revue des lettres modernes: Jean Cocteau, Numéro 5, 1972 - books.google.fr).

 

Enfin, l'Aigle à deux têtes est une interprétation moderne de La Machine infernale dont le sort use avec ses créatures comme le chat avec les souris, multipliant les avertissements, avec cruauté, avant de précipiter ces créatures là où il veut. Entre la reine et Stanislas, le drame qui se noue n'est plus celui du couple, mais celui de la liberté humaine. la reine, choisissant la mort, dépasse la mort elle-même. Elle devient plus grande que la fatalité, en changeant le but de celle-ci en but accepté par le libre arbitre (Gérard Mourgue, Jean Cocteau, 1965 - www.google.fr/books/edition).

 

Exil néoplatonicien

 

En 529, un édit de l'empereur Justinien interdit l'enseignement de la philosophie à Athènes. Frappés dans leurs croyances, dans leur profession, dans leurs moyens d'existence, et menacés apparemment de persécution, les maîtres de l'Académie (Damascios, Simplicios de Cilicie, Priscien de Lydie, Eulamios de Phrygie, Hermias de Phénicie, Diogène de Phénicie, Isidore de Gaza) décidèrent d'aller chercher asile à la cour du roi des Perses à Ctésiphon, ainsi que le rapporte l'historien Agathias.

 

Dans le traitĂ© de paix perpĂ©tuelle conclu entre KhosrĂ´ et Justinien en septembre 532, une clause (reproduite par Agathias) stipulait que «ces hommes, en rentrant chez eux, devaient passer le reste de leur vie sans crainte, comme des individus privĂ©s, sans jamais ĂŞtre forcĂ©s de professer une croyance contraire Ă  leur conscience ou de changer leurs convictions ancestrales», phrase dans laquelle certains savants ont reconnu le style de Damascios lui-mĂŞme. Michel Tardieu a soutenu dans un article très discutĂ© que le lieu idĂ©al oĂą les sept philosophes ont pu trouver refuge dans des conditions respectant parfaitement les termes du traitĂ© est la citĂ© frontalière et de tradition paĂŻenne de Harran. Une sorte d'«AcadĂ©mie platonicienne» y fut-elle reconstituĂ©e de façon informelle (puisque les philosophes devaient vivre en individus privĂ©s) ? En tout cas une secte philosophico-religieuse se rĂ©clamant du nĂ©oplatonisme et de l'hermĂ©tisme, appelĂ©e par les musulmans «Sabiens de Harran», exista dans cette ville jusqu'au Xe siècle (le mathĂ©maticien Thabit ibn Qurra en faisait partie) (fr.wikipedia.org - Damascios).

 

Pour Thabit Ibn Qurra : cf. quatrain VII, 3 et VIII, 47. Harran est Ă  45 km au sud d'Urfa/Edesse en Turquie.

 

"égarés"

 

Le mot "égarés" peut prendre une tournure philosophique.

 

Moise Maimonide, qui naquit (en 1135) à Cordoue, est un rabbin, dont le livre, Guide des égarés ou plutôt des indécis, s'adresse à ceux qui restent indécis sur la manière de concilier les enseignements de la science et de la philosophie, avec la lettre des Ecritures. Le néoplatonisme, et surtout Aristote, viennent ici fonder logiquement une conciliation très profonde entre deux connaissances de nature distincte : la science et la Loi religieuse. Par cette manière d'utiliser la philosophie aristotélicienne à la «confirmation rationnelle» de la foi, autant que par son aristotélisme même, Maimonide est le précurseur de saint Thomas. Ce qu'il évoque, en effet, c'est ce problème fondamental de la philosophie religieuse que le Moyen Age ne peut plus éluder (Pierre Ducassé, Les grandes philosophies, 1965 - www.google.fr/books/edition, (Sylvain Zac, Maïmonide, 1965 - www.google.fr/books/edition).

 

Maïmonide, frayant la route à la critique moderne, fait intervenir dans son système d'exégèse l'histoire des religions antérieures au mosaïsme. "J'ai lu, dit-il, tout ce qui est relatif à l'idolâtrie, et je crois qu'il ne reste aucun livre sur cette matière, traduit en langue arabe, que je n'aie lu et médité. Par ces livres, j'ai compris les motifs de tous les préceptes mosaïques qu'on pourrait croire avoir été décrétés par la volonté de Dieu, sans qu'il soit permis d'en deviner les motifs". [...] On comprend sur-le-champ l'intérêt qui s'attache à ce genre d'explications. Maïmonide nous apprend qu'il les a puisées pour la plupart dans le vieux culte des Sabiens et dans un livre devenu célèbre sous le nom d'Agriculture nabatéenne (Adolphe Franck, Bilbiographie : Edition de salmomon Munk du Guide des égarés de Maïmonide, Journal des savants, 1866 - www.google.fr/books/edition).

 

Le titre plus approprié serait "Guide des perplexes" mais la traduction de Scheyer donne "Zurechtweisung der Verirrten" (1838) tandis qu'Herbelot (1625-1695) met "Guide des Dévoyés" (Bibliothèque orientale, 1697) (Salomon Munk, Le guide des égarés: traité de théologie et de philosophie de Maïmonide, 1856 - www.google.fr/books/edition).

 

Cf. PLDP de 1698.

 

Philia et Neikos

 

Les choses sont déterminées dans la mesure où elles procèdent de la fin, et indéterminées dans la mesure où elles procèdent de la matière. […]

 

[Ainsi des monstres, qui sont des erreurs de la nature ayant manqué le but (Phys. II, 8, 199 b 4. Probl. X, 45), comme on commet une faute en écrivant ou en administrant une potion, et qui sont dus à l'impuissance de la forme qui n'a pu dompter la résistance de la matière à la fin (Gen. an. IV,4,770 b 16); ainsi, en un sens, des autres animaux qui sont comme des diminutifs d'homme (Part. an. IV, 10), et du sexe féminin qui est comme le mâle mutilé (Gen. an. II, 3) - édition de 1953].

 

C'est de la matière, de sa rĂ©sistance Ă  la forme, que naissent les monstres : et, d'une manière gĂ©nĂ©rale, tout ce qui dĂ©roge Ă  la finalitĂ© propre de sa nature ; c'est de la matière que dĂ©rive toute contingence dans le monde. La nĂ©cessitĂ© hypothĂ©tique, propre Ă  l'action des causes matĂ©rielles et motrices, se retrouve dans le hasard, dans l'indĂ©terminisme des faits fortuits et accidentels, c'est-Ă -dire des faits qui sont liĂ©s d'une manière toute mĂ©canique Ă  la fin poursuivie par la cause efficiente, et qui Ă©chappent Ă  toute dĂ©termination tĂ©lĂ©ologique. Ainsi l'animal aura nĂ©cessairement un Ĺ“il, parce que l'Ĺ“il rentre dans sa dĂ©finition et qu'il a une finalitĂ© ; mais que cet Ĺ“il soit bleu, par exemple, c'est lĂ  une particularitĂ© qui n'est pas contenue dans l'essence de la chose, ni posĂ©e par la nĂ©cessitĂ© de l'essence ou de la fin, et qui, par suite, n'est ni toujours, ni mĂŞme le plus souvent : la «nĂ©cessité» qui lui appartient est une nĂ©cessitĂ© d'un tout autre ordre, nĂ©cessitĂ© mĂ©canique due Ă  l'action des causes efficientes et matĂ©rielles. Ce n'est pas la nĂ©cessitĂ© essentielle de la substance, en vue de qui se produisent toutes les ouvres ordonnĂ©es et dĂ©finies de la nature ; c'est la nĂ©cessitĂ© hypothĂ©tique du devenir, qui suit aveuglĂ©ment les causes matĂ©rielles et motrices […]

 

[La doctrine aristotĂ©licienne] dit que la matière et la fin sont les deux causes qui expliquent le mouvement et le devenir (SIMPLICIUS, Brandis 348 a 15). Il est bon de remarquer ici qu'entre ces deux causes, ou ces deux types de nĂ©cessitĂ©, la libertĂ© humaine n'a pas de place : la libertĂ©, pour l'individu, consiste seulement dans la conformitĂ© Ă  cet ordre nĂ©cessaire de la nature (Jacques Chevalier, La notion du nĂ©cessaire chez Aristote et chez ses prĂ©dĂ©cesseurs, particulièrement chez Platon, 1915 - www.google.fr/books/edition, gallica.bnf.fr).

 

Simplicius tend Ă  montrer que le phĂ©nomène dit des monstres se produit quand Philia ne domine pas encore, mais n'est pas loin de dominer. Donc juste avant un règne de Philia. Alors les membres commencent Ă  tomber les uns sur les autres, mais sans ĂŞtre harmonisĂ©s. Pour Simplicius, le phĂ©nomène des membres dispersĂ©s se produirait sous le règne de Neikos, vers la fin de son règne ; et le phĂ©nomène des monstres, tout près du commencement du règne de Philia. Tout près du moment de l'accouplement monstrueux de Neikos et de Philia (ClĂ©mence Ramnoux, HĂ©raclite, 1959 - www.google.fr/books/edition).

 

Au fragment 57, EmpĂ©docle prĂ©cise : «Par l'action de celle-ci [le Neikos] surgirent de nombreuses tĂŞtes sans cou ; des bras nus  privĂ©s d'Ă©paules, erraient. Des yeux seuls planaient qui manquaient de front (de visage)» (Sarah Kofman, Freud et EmpĂ©docle, Revue française de psychanalyse, Volume 73, NumĂ©ros 3-4, 2009 - www.google.fr/books/edition).

 

Il est muni de trois bras, de deux têtes, de mains et de pieds à six doigts, c'est l'exemple bénin choisi par Galien, sur le modèle des fameuses générations monstrueuses de la cosmogonie d'Empédocle. Durant cette cosmogonie, des membres s'assemblent sans ordre et au hasard des combinaisons, provoquant la naissance de bœufs à tête humaine ou d'autres fantaisies de ce genre. Ainsi, contrairement à la monstruosité, l'harmonie – la philía empédocléenne – sait organiser les membres ou les éléments d'un corps à l'instar de ceux d'un discours ou d'une création plastique tendant vers et atteignant parfois le sublime. En posant l'éternel rapport entre les parties et le tout, la définition du téras et du teratôdes est avant tout philosophique (Olivier Roux, Monstres, Une histoire générale de la tératologie des origines à nos jours, 2016 - www.google.fr/books/edition).

 

Notre compréhension du «Peri Phuseôs" d'Empédocle, rendue difficile par le caractère elliptique du poème et par sa tradition lacunaire, se base souvent sur les interprétations qu'en ont données Aristote et les doxographes anciens. La lecture des Présocratiques de Simplicius, malgré des influences certaines, peut apporter des éléments intéressants pour notre compréhension d'Empédocle. [...] II faut dire tout d'abord que les vers d'Empédocle ne définissent ni ne précisent jamais ce que sont réellement les «éléments» et les «forces» qu'on lui attribue, et une seule fois il les désigne par un nom général, les appelant au fr. 6 "racines de toutes choses". Ailleurs, il leur donne soit des noms de dieux (Zeus ou Héphaistos, Héra, Aidôneus, Nestis — cf. fr. 6, 96, 98), soit des noms d'"éléments matériels" : Feu, Eau, Terre, Air (fr. 17, 18).

 

Empédocle, envisagerait les racines (qu'on appellera ensuite "éléments") le plus probablement comme matière première inengendrée et immortelle qui, par un processus du mélange, crée les corps mortels. En ce qui concerne l'Amour (Philia) et la Haine (Neikos), si leur statut est moins facile à déterminer, il faut en tout cas les lier intimement aux racines auxquelles ils apportent l'impulsion nécessaire aux mouvements (Annick Stevens, La physique d'Empédocle selon Simplicius. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 67, fasc. 1, 1989 - www.persee.fr).

 

Nécessité et liberté

 

Je dis donc qu'il y a deux sortes de nĂ©cessitĂ©, l'une qui est opposĂ©e au libre arbitre, et l'autre qui lui est jointe et qui existe avec lui. La nĂ©cessitĂ© qui vient du dehors, dĂ©truit entièrement la libertĂ©, car tout homme qu'une violence Ă©trangère force Ă  faire ou Ă  ne pas faire quelque chose, ne peut ĂŞtre dit agir librement. Mais la nĂ©cessitĂ© qui vient du dedans, nous forçant Ă  faire tout ce qui est selon notre nature, confirme et assure, au contraire, notre libertĂ© ; car ce qui se meut par soi-mĂŞme, et selon sa nature, doit ĂŞtre nĂ©cessairement mu par lui-mĂŞme, et ne peut ĂŞtre mu par aucune force Ă©trangère. En effet, cette nĂ©cessitĂ© ne vient point du dehors, mais c'est une nĂ©cessitĂ© adhĂ©rente Ă  sa nature, et qui la conserve, et qui la pousse aux actions qui lui sont propres. Que si l'âme est la cause de ses habitudes et de ses dispositions bonnes ou mauvaises, Ă  cause de sa bonne ou mauvaise Ă©ducation, il faut aussi lui attribuer la cause de toutes les actions qui naissent de ces dispositions et de ces habitudes. Il ne faut pourtant pas faire toujours consister le libre arbitre Ă  pouvoir faire le contraire de ce que l'on fait. Car les âmes qui sont toujours attachĂ©es Ă  ce qui est bon, et qui ont choisi ce bon, ne laissent pas d'avoir leur libertĂ©, leur choix est libre et nullement forcĂ©, et par ce choix elles sont toujours attachĂ©es Ă  leur vĂ©ritable bien, et ne se laissent jamais entraĂ®ner Ă  son contraire. Mais nos âmes, pendant qu'elles sont bonnes, appètent ce qui est bon, et pendant qu'elles sont mauvaises, elles appetent ce qui est mauvais. Elles passent du vice Ă  la vertu quand elles prennent soin d'elles, et elles passent de la vertu au vice quand elles se nĂ©gligent, et ces deux passages elles les font par leur propre choix, et sans aucune nĂ©cessitĂ© Ă©trangère qui les y force. VoilĂ  pourquoi la DivinitĂ© ne peut jamais ĂŞtre accusĂ©e d'ĂŞtre la cause d'aucun vice, d'aucun mal, car elle a fait l'âme capable de devenir mauvaise , parce qu'elle n'a pas seulement crĂ©Ă© les premiers ĂŞtres comme je l'ai dit tantĂ´t, mais aussi les moyens et les derniers, afin que le tout devĂ®nt par - lĂ  très-parfait, et que les premiers ĂŞtres demeurassent toujours les premiers, et ne devinssent pas les deraiers, stĂ©riles, foibles et matĂ©riels. VoilĂ  pourquoi, Ă©tant toute bonne selon les richesses de son infinie bontĂ©, elle a fait l'ame capable de devenir mauvaise, mais elle n'a permis qu'elle pĂ»t devenir mauvaise que par son propre choix, et de son mouvement libre et volontaire (Nouveau Manuel d'Epictète tirĂ© des livres d'Arrien, 1790 - books.google.fr).

 

Dans les cas oĂą les astrologues tombent juste avec leurs prĂ©visions sur le caractère futur des nouveau-nĂ©s, il ne s'agit Ă©videmment pas d'âmes qui ne se serviront du corps que comme d'un instrument, et il ne s'agit pas non plus d'âmes qui s'efforceront de s'affranchir complètement du corps, attitudes qui leur permettraient de garder leur indĂ©pendance et leur libre arbitre, mais il s'agit d'âmes qui se livreront complètement au corps et Ă  ses dĂ©sirs, qui vont devenir partie intĂ©grante du corps et qui pour cette raison ne vont pas user de leur libre arbitre (I 469-474). Comme la plupart des âmes qui entrent dans le monde du devenir appartiennent Ă  ce genre-lĂ , la marge pour des prĂ©visions justes est assez large. Mais Ă  cause du libre arbitre, il est Ă©galement nĂ©cessaire que les astrologues se trompent quelquefois De cette manière très habile, le libre arbitre de l'âme a pu ĂŞtre conciliĂ© avec les pronostics des astrologues. Mais il reste nĂ©anmoins pour les nĂ©oplatoniciens une difficultĂ© dont traite Simplicius I 510 ss. : il se trouve que les astrologues rĂ©ussissent parfois Ă  prĂ©dire non seulement les circonstances extĂ©rieures d'une vie, comme la richesse ou la pauvretĂ©, la mort prĂ©maturĂ©e ou une longue vie, circonstances qui par elles-mĂŞmes ne sont ni mauvaises ni bonnes, mais aussi des attitudes morales, par exemple qu'un tel sera fourbe, un tel pĂ©dĂ©raste et un autre adultère. Ces faits sembleraient prouver que la Providence divine, qui est pure bontĂ©, donnerait quelquefois aux hommes, par l'intermĂ©diaire du cycle fatal, des dispositions moralement mauvaises, qui les empĂŞcheraient de faire usage de leur libre arbitre. Mais, comme le dit Simplicius, il n'est pas vrai que quelque chose de mauvais soit donnĂ© par la fatalitĂ©, mais ce sont les hommes qui usent d'une manière immodĂ©rĂ©e des dispositions bonnes qu'ils ont reçues. Ce genre d'arguments a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ© par les nĂ©oplatoniciens depuis Plotin : «Il faut bien penser aussi que les dispositions qui nous viennent des astres  ne sont plus, quand nous les recevons, ce qu'elles Ă©taient Ă  leur point de dĂ©part. De mĂŞme que le feu terrestre est obscur, de mĂŞme la disposition Ă  l'amitiĂ© s'affaiblit chez celui qui la reçoit, et elle ne produit pas d'amitiĂ© parfaitement belle ; la passion gĂ©nĂ©reuse produit l'emportement ou la lâchetĂ©, quand l'homme ne se trouve pas dans le juste milieu grâce auquel elle produirait le courage ; le dĂ©sir de l'honneur, mĂŞme s'il vise un fait honnĂŞte, nous amène Ă  rechercher une simple apparence d'honnĂŞtetĂ© ; de l'intelligence Ă©mane la ruse, qui veut Ă©galer l'intelligence, mais ne peut pas y parvenir. Toutes ces dispositions qui, lĂ -bas, sont excellentes, deviennent mauvaises quand elles sont en nous» (Ilsetraut Hadot, Commentaire de Simplicius sur le Manuel d'Epictète : Chapitres I-XXIX, 2001 - www.google.fr/books/edition).

 

"teste perse" : tĂŞte bleue (pers)

 

Ammien Marcellin, officier des gardes-ducorps sous l'empereur Julien , et qui écrivait de 360 à 390 de notre ère, connaît la chaîne du Caucase sous le nom de montagnes des Alains. Elles sont couvertes de neige et de glace et exposées aux vents du nord. Il appelle Alains la majeure partie des hordes de peuples qui habitaient au nord du Caucase, des rives du Kouban à la mer Caspienne. Selon lui le nom d'Alains est collectif et synonyme de celui de Massagètes, usité précédemment, et les Alains proprement dits. [...] Pendant que Ammien place les Alains sur le sol des Osses de la plaine, il fait habiter sur l'éperon crayeux du Caucase les Jaxamates ou Jas-Méotes et les Jaszyghes ou Jas-Djiks (Tcherkesses). Quant aux Neures, aux Boudines, aux Gélons, aux Agathyrses d'Hérodote, il les relègue dans les hautes vallées du Caucase comme par simple érudition. Procope (en 553) place aussi l’Alanie au nord du Caucase, dans les plaines de la petite et grande Kabardah. [...] Les Agathyrses se teignaient les cheveux en bleu selon Pline qui les appelaient Pictes, comme ceux d'Ecosse. Les Agathyrses se situeraient en Transylvanie selon d'autres auteurs (Frédéric Dubois de Montpéreux, Voyage autour du Caucase, chez les Tcherkesses et les Abkhases, en Colchide, en Géorgie, en Arménie et en Crimée, Tome 4, 1840 - www.google.fr/books/edition).

 

Ammien Marcellin range les Agathyrses au nombre des Alains, à côté des Gelons. [...] Au IIIe siècle, Flavius Vopiscus, en énumérant les captifs des nations voisines figurant au triomphe d'Aurélien, parle également des Alains à côté dés Rhoxolans, des Sarmates et des Goths. Ces Alains, ainsi que le disent Claudien, Flavius Josèphe et Procope, auraient habité au nord de la chaîne du Caucase et des portes Caucasiennes, ainsi que dans ces montagnes, à l'ouest de la mer Caspienne, au sud du Tanaïs et à l'est de la Méotide, auprès des Abasgues et des nations gothiques. Les monts Alana, situés dans la Scythie en deçà de l'Imaûs, plus vers l'est, d'après Ptolémée, indiquaient aussi une station orientale de ces Alains; car Ammien Marcellin parle de peuples confondus sous la dénomination commune d'Alains, s'étendant dans les deux parties du monde, en Europe et en Asie, jusqu'auprès du Gange (Gustave Lagneau, Des Alains, des Théiphales, des Agathyrses et de quelques autres peuplades sarmates dans les Gaules. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 20e année, N. 3, 1876 - www.persee.fr).

 

Ammien Marcellin est utilisé dans l'interprétation du quatrain VIII, 55.

 

Typologie

 

Le report de 1915 sur la date pivot 525 donne -865.

 

Epoque du roi de Juda Joas, du roi d'Israël Jehu (Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'hist. univers., sacrée et proph., ecclésiast. et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1762, 1763 - books.google.fr).

 

Et du roi d'Assyrie Salmanassar et de son fils Samas-Hou.

 

La chronologie n'est plus la même aujourd'hui, Jehu règnerait de 842 à 814, la stèle de Nimroud (l'obélisque noir trouvé par Layard en 1846) serait datée de 841 (R. Kittel, A History of the Hebrews: In Two Volumes, traduit par John Taylor, Hope W. Hogg, E. B. Speirs, 2005 - books.google.fr).

 

Aux 3°, 10°, 25°, 27°, 30°, et 31° campagnes, l'ArmĂ©nie est de nouveau le théâtre des invasions assyriennes ; ces trois dernières campagnes sont dirigĂ©es non par le roi, mais par le Tartan de ses armĂ©es, Dayan-Assour. VoilĂ  les principaux faits racontĂ©s par Salmanasar dans ses propres annales, mais lĂ  ne s'arrĂŞte pas pour nous l'histoire de son règne. La fin en fut marquĂ©e par des dĂ©sastres bien douloureux pour lui : l'un de ses fils, Assur-dannin-pal, celui que M. Oppert nomme Sardanapale V, se rĂ©volta et dĂ©tacha de son empire un grand nombre de villes, entre autres Assur, Arbeles, Amide, oĂą il fit reconnaitre son pouvoir et se maintint plusieurs annĂ©es. Son frère Samas-Hou (ou Samas-Bin), fidèle Ă  ses devoirs, les fit enfin rentrer dans l'obĂ©issance : c'est par ses annales que nous connaissons cette guerre civile, mais il a nĂ©gligĂ© de nous dire quel fut le sort de l'usurpateur. Le nouveau roi, qui rĂ©tablit l'intĂ©gritĂ© de l'empire, eut seulement quatorze ans de règne (865-851, selon M. Oppert): naturellement, ce grand Ă©branlement intĂ©rieur avait fort compromis la prĂ©pondance de l'Assyrie; aussi les annales de ce règne sontelles encore une suite d'expĂ©ditions meurtrières et dĂ©vastatrices, que les monarques orientaux semblent toujours avoir considĂ©rĂ©es, avec la crĂ©ation de somptueux Ă©difices, comme leurs vĂ©ritables titres de gloire. Mais, dans ses premières annĂ©es au moins, on peut dire que Samas-Hou lutte pour l'existence de son État. La MĂ©sopotamie elle-mĂŞme, Nairi (le pays des fleuves, le Naharina des Egyptiens), Ă©tait armĂ©e contre lui. Peu après, nous le voyons envahir et dĂ©vaster divers pays qui paraissent situĂ©s sur les plateaux armĂ©niens, et recevoir des tributs nombreux. Il promène ensuite en ChaldĂ©e la mort et le pillage, et, d'après son rĂ©cit, parait y obtenir un succès durable, malgrĂ© l'intervention de diffĂ©rents peuples voisins, entre autres celui d'Elam; mais les campagnes Ă©numĂ©rĂ©es sur cette stèle s'arrĂŞtent Ă  la quatrième, ce qui donne lieu de penser que les dix dernières annĂ©es de ce prince furent ou moins agitĂ©es, ou moins prospères, au point de vue assyrien. Ce règne, contemporain de Joas chez les HĂ©breux et de Lycurgue chez les Grecs, nous conduit jusqu'au milieu du IX° siècle, et prĂ©cède immĂ©diatement le règne de Sammouramat, la SĂ©miramis d'HĂ©rodote ; je dis le sien, quoiqu'elle ne paraisse pas avoir gouvernĂ© seule ; mais, par une exception unique dans les annales de cet empire, elle est nommĂ©e avec son mari dans la dĂ©dicace d'une statue du dieu NĂ©bo, Ă©rigĂ©e par le prĂ©fet de Kalakh. Comme d'ailleurs HĂ©rodote lui attribue personnellement de grands travaux Ă  Babylone, on peut fort bien accepter l'idĂ©e qu'elle a rĂ©ellement administrĂ© cette ville pendant que son mari rĂ©gnait sur Ninive, et mĂŞme qu'elle ait reprĂ©sentĂ© la lignĂ©e des princes babyloniens (FĂ©lix Robiou, L'histoire de la ChaldĂ©e et de l'Assyrie, Revue des questions historiques, Volume 10, 1871 - books.google.fr, fr.wikipedia.org -Jules Oppert).

 

1915

 

Dans les différentes offensives anglo-hindoues dirigées sur Bagdad, l'armée britannique sera toujours rivée au fleuve, dont elle ne s'écartera jamais à plus de 20 kilomètres. Cette exigence du terrain exclut la possibilité de toute manœuvre compliquée. La seule tactique de l'assaillant va consister à faire inopinément passer le gros des troupes d'un bord du fleuve à l'autre, pour surprendre l'ennemi avant qu'il ait  eu le loisir de faire le même mouvement. Parmi les difficultés de l'expédition, il faut compter encore avec l'hostilité des tribus nomades, qui menacent les communications et renseignent fréquemment les Turcs. Il faut compter surtout avec les intempéries du climat, les grands froids de décembre et de janvier, les grandes inondations de février, mars et avril, les grandes chaleurs du mois d'août. Les opérations militaires de réelle importance ne sont guère possibles qu'en mai et juin, puis en septembre, octobre et novembre. Comme préparation à la campagne du printemps 1915, les Anglo-Hindous, placés sous le commandement supérieur du général Sir John Nixon, remontent le Chat-el-Arab au nord de Bassorah et, dès le 11 avril, s'emparent de Koura au confluent du Tigre et de l'Euphrate. Puis on organise la marche prochaine du gros des troupes anglaises sur Amara, Ctésiphon, Bagdad, par le cours du Tigre. Mais avant d'engager activement l'offensive en Chaldée, Sir John Nixon apprend que les Turcs préparent contre son armée une attaque de flanc avec des troupes ottomanes rassemblées en territoire persan, sur la droite des Anglo-Hindous. La Perse, dans cette guerre, est comme un terrain vague où les belligérants du Caucase et de Mésopotamie pénètrent et combattent à leur gré, selon les commodités de leur stratégie, sans beaucoup se mettre en peine de l'adhésion ou  même de l'existence du gouvernement de Téhéran. Sur le front du Tigre comme sur le front du Caucase, ce sont d'ailleurs des Turcs qui, les premiers, violent sans ombre de vergogne la neutralité de la Perse. Le général Gorringe estime nécessaire de déjouer l'attaque de flanc et de surprendre, en les gagnant de vitesse, les Ottomans concentrés sur le territoire persan (Pierre Marie Gabriel Malleterre, Les campagnes de 1915, 1918 - www.google.fr/books/edition).

 

A son deuxième voyage en 1915, le professeur Alois Musil trouva Bagdad dévastée par la guerre et par l'inondation. Son itinéraire lui fit parcourir de nouveaux territoires. Une vingtaine d'appendices historiques et une bibliographie très détaillée (J. Perez, Bibliographie : The Middle Euphrates de Alois Musil, La Geographie, Bulletin de la Société de géographie, Volumes 49-50, 1928 - www.google.fr/books/edition).

 

On sait que les impĂ©rialistes allemands, jouant sur la juste haine que les Persans Ă©prouvent Ă  l'Ă©gard de leurs oppresseurs russo-anglais, faillirent entrainer, en 1915, la Perse dans la guerre. Le journal libĂ©ral Rousskia ViĂ©domosti exposait ainsi la marche des Ă©vĂ©nements : «En septembre et en octobre 1915, le gouvernement persan semble avoir Ă©tudiĂ© sĂ©rieusement les moyens de s'Ă©manciper de l'influence (!) anglo-russe par une alliance avec l'Allemagne et la Turquie. Le shah, avec son Cabinet et le Medjilis, se disposait dĂ©jĂ  Ă  quitter TĂ©hĂ©ran, trop proche de la frontière russe. Mais les Ă©nergiques reprĂ©sentations de la diplomatie anglo-russe reprĂ©sentations soutenues (!) par l'apparition d'un dĂ©tachement russe sous les murs de TĂ©hĂ©ran, mirent bientĂ´t fin aux hĂ©sitations du shah... La rĂ©volution Ă©clata en Perse ; des comitĂ©s rĂ©volutionnaires se constituèrent dans le centre et dans le midi... Ce mouvement rĂ©volutionnaire fut toutefois liquidĂ© par les armĂ©es russes dans le cours de l'hiver et du printemps dernier» (Rousskia ViĂ©domosti, 28 juillet 1916) (Vladimir Ilich Lenin, Grigory Yevseyevich Zinovyev, Contre le courant, Tome 2, 1970 - books.google.fr).

 

Les Arméniens en 1915

 

Le 24 avril 1915, le gouvernement Jeunes-Turcs de l’Empire ottoman décide d’en finir avec la minorité arménienne vivant dans l’actuelle Turquie et organise la déportation et le massacre d'Arméniens qui serait chiffré entre 1200000 et 1500000 Arméniens ottomans, perpétrant ainsi un génocide qui est souvent considéré comme le premier du XXe siècle. L'Arménie occidentale est vidée de sa population arménienne natale. Ce génocide n'a jamais été reconnu en tant que tel par la Turquie, dont les lois condamnent ceux qui mentionnent un génocide arménien. Après l'effondrement de la Russie (1917) et de l'Empire ottoman (1918), les Arméniens parviennent à créer une république indépendante, à l'existence éphémère (1918-1920) (fr.wikipedia.org - Arménie).

 

Il existe deux villes du nom d'Ardjèch, une en Roumanie et une en Arménie.

 

Le sceau de la ville d'Ardjèch en Roumanie présente un aigle à deux têtes. Selon l'historien arménien Hasdeu, un tel aigle est d'origine arménienne. Ceci se prouve par les études historiques récemment faites, surtout grâce à l'aigle arménien à deux têtes trouvé sur un rocher à Eyouq en Cappadoce. Cet aigle à deux têtes a été emprunté par les Byzantins aux Arméniens. Et ceci cesse d'être une hypothèse. Enfin Hasdeu ajoute, en terminant, que d'après la science héraldique, des villes empruntent leur emblème à un sujet qui a des rapports avec leurs habitants (Ardjèch en rapport avec Ardziv «aigle» en arménien) (Frédéric Macler, Autour de l'art religieux byzantin, Revue de l'histoire des religions, Volumes 107-108, 1933 - www.google.fr/books/edition).

 

Lorsque le héros éponyme des Arméniens, Hayk, bat le géant Bel (Nemrod), il le transperce d'une flèche à trois pennes ou de trois bras de long selon l'interprétation (Stepan Ahyan, Les débuts de l’histoire d’Arménie et les trois fonctions indo-européennes. In: Revue de l'histoire des religions, tome 199, n°3, 1982 - www.persee.fr).

 

Urfa 1915

 

La rĂ©sistance d'Urfa en octobre 1915 connut une fin tragique, mais elle s'inscrit nĂ©anmoins parmi les Ă©pisodes les plus hĂ©roĂŻques de l'histoire du peuple armĂ©nien. Urfa, de son ancien nom Edesse (YĂ©dĂ©ssia en armĂ©nien), est situĂ©e au sud de la Turquie actuelle, tout près de la frontière syrienne. Les cartes gĂ©ographiques du VIIe siècle situent Edesse en «MĂ©sopotamie armĂ©nienne». En adoptant le christianisme dès le Ier siècle, Edesse devint l'un des berceaux de cette religion. C'Ă©tait aussi une citĂ© caravanière et un centre de la civilisation syriaque du IIe au Xe siècle. D'après certaines hypothèses, c'est Ă  Edesse que Mesrop Machtots aurait inventĂ© l'alphabet armĂ©nien vers l'an 405 de notre ère. Ă€ l'Ă©poque de l'Ă©troite collaboration entre les CroisĂ©s et le nouveau royaume armĂ©nien de Cilicie (Petite ArmĂ©nie), Baudouin de Flandre, frère de Godefroy de Bouillon, fit d'Edesse une citadelle en 1098, qui devint un chef-lieu du du mĂŞme nom, au centre d'un petit État armĂ©nien. En 1144, la ville fut prise par les barbares et saccagĂ©e. Les Turcs ottomans s'y installèrent Ă  partir de 1637. Avant le gĂ©nocide de 1915, les nappes, les serviettes et les vĂŞtements fabriquĂ©s par les femmes armĂ©niennes d'Urfa Ă©taient apprĂ©ciĂ©s dans le monde entier (particulièrement aux États-Unis et en Angleterre) pour leur extrĂŞme finesse, leurs couleurs et leurs dessins harmonieux (souvent enrichis de fils d'or). Les tailleurs de pierre et les potiers d'Urfa Ă©taient aussi rĂ©putĂ©s. En 1915, il y avait Ă  Urfa 35000 ArmĂ©niens qui habitaient principalement dans le vieux quartier central de la ville protĂ©gĂ©e par les remparts. Leur nombre avait considĂ©rablement diminuĂ© après les massacres gĂ©nĂ©ralisĂ©s de 1895-1896, organisĂ©s par le sultan Abdul Hamid. En octobre 1895, les ArmĂ©niens d'Urfa rĂ©sistèrent vaillamment Ă  l'armĂ©e ottomane qui ne put entrer dans le quartier armĂ©nien après cinquante-trois jours de siège. Finalement, les Turcs levèrent le siège et firent la paix avec les ArmĂ©niens. Mais ce n'Ă©tait qu'une ruse car, au moment oĂą les ArmĂ©niens ne s'y attendaient pas, l'armĂ©e ottomane pĂ©nĂ©tra subrepticement dans la ville et se livra Ă  un vĂ©ritable massacre en tuant 10000 personnes, dont 3500 qui, rĂ©fugiĂ©es dans la cathĂ©drale, furent brĂ»lĂ©es vives. Au dĂ©but du siècle, prĂ©voyant des nouvelles attaques des Turcs, les ArmĂ©niens avaient renforcĂ© les murs tout autour de la cathĂ©drale. Ă€ Urfa, l'exĂ©cution du programme d'Ă©limination se dĂ©roula comme partout ailleurs dans l'empire : dès le mois de mai 1915, les autoritĂ©s nommèrent comme maire Ali HaĂŻdar, membre du parti Ittihat (la branche dure des Jeunes Turcs). AussitĂ´t l'Ă©lite armĂ©nienne fut arrĂŞtĂ©e, dĂ©portĂ©e et assassinĂ©e ; le 18 juillet - ordre fut donnĂ© aux ArmĂ©niens de livrer les armes sous quarante-huit heures ; le 27 juillet - arrestation de l'archevĂŞque A. GalentĂ©rian (Urfa Ă©tait aussi le siège de l'ArchevĂŞchĂ©) ; le 4 aoĂ»t - exĂ©cution des 1500 appelĂ©s armĂ©niens d'Urfa, enrĂ´lĂ©s dans les «bataillons de travail». Ils seront divisĂ©s en deux groupes, l'un sera exterminĂ© Ă  GudĂ©mĂ©, l'autre Ă  Karapeuklou. Il n'y aura que deux survivants. Refusant catĂ©goriquement de se soumettre Ă  l'ordre de dĂ©portation arrivĂ© fin septembre, les ArmĂ©niens, avec Ă  leur tĂŞte Meguerditch YotnĂ©ghparian, organisent l'autodĂ©fense. Il y aura un conseil de guerre, des bataillons seront formĂ©s, 6 secteurs de combat et 32 positions pour un total de 800 combattants (ils deviendront très rapidement 2000 avec les fusils pris aux soldats turcs). Fait exceptionnel, il y aura trois  bataillons de femmes ! (Mon père me parlait souvent de ces femmes combattantes de tout âge, qui l'avaient beaucoup impressionnĂ© avec leurs fusils, de grosses ceintures autour de la taille et des cartouchières suspendues autour du cou et de la poitrine). Sous le commandement gĂ©nĂ©ral de Fakhri Pacha, l'armĂ©e turque passa Ă  l'attaque dès le 30 septembre 1915. L'armĂ©e rĂ©gulière turque Ă©tait composĂ©e de 6000 soldats, mais il y avait aussi 12000 «irrĂ©guliers» (Turcs, Kurdes, Tcherkesses, TchĂ©tchènes, etc.). Les ArmĂ©niens avaient installĂ© un hĂ´pital militaire, une caserne et des ateliers de  rĂ©paration et de fabrication d'armes et de munitions. Ils fabriquèrent mĂŞme un canon, qui ne fonctionna malheureusement jamais. Il y eut de très nombreux actes hĂ©roĂŻques (collectifs et individuels) qu'il serait trop long d'Ă©numĂ©rer. Si en 1895 les ArmĂ©niens avaient rĂ©ussi Ă  tenir en Ă©chec l'armĂ©e turque pendant cinquante-trois jours, cette fois les conditions Ă©taient totalement diffĂ©rentes, car il y avait l'artillerie du commandant allemand Wolffskeel qui Ă©tait  terriblement efficace. Après plusieurs semaines de bombardement, les canons de Wolffskeel avaient complètement rasĂ© le quartier armĂ©nien, faisant des milliers de victimes. Sur les 2300 maisons du centreville, seules 50 Ă©taient encore debout après les combats. Après vingt-cinq jours de combats acharnĂ©s et après avoir perdu plus de 2000 hommes, les Turcs, avec l'appui de 11000 soldats supplĂ©mentaires venus d'Alep, mais surtout grâce aux dĂ©gâts causĂ©s par l'artillerie, pĂ©nĂ©trèrent dans la ville et se livrèrent au massacre de la population. Beaucoup de combattants se suicidèrent, avant de tomber entre les mains de l'ennemi en se rĂ©servant la dernière cartouche pour soi, Ă  l'exemple du chef de la rĂ©sistance d'Urfa, le hĂ©ros Meguerditch YotnĂ©ghparian. Quelques combattantes armĂ©niennes, prisonnières du commandant Osman Bey, furent mises toutes nues, avant d'ĂŞtre soumises aux sĂ©vices de leurs bourreaux. L'une d'elles demanda de se dĂ©shabiller seule, ce qu'on lui accorda ; elle sortit alors un revolver et tua le sanguinaire Osman Bey de plusieurs balles Ă  bout portant. Elle fut immĂ©diatement lapidĂ©e par les soldats. Une autre jeune femme se dĂ©fendit toute seule pendant encore trois jours. Lorsque les soldats turcs la dĂ©couvrirent enfin morte la dĂ©couvrirent enfin morte, ils constatèrent qu'elle n'avait qu'une main, avec laquelle elle tenait encore le fusil qui lui avait servi Ă  se suicider (Jean-Varoujean GurĂ©ghiann, Le Golgotha de l'ArmĂ©nie mineure, le destin de mon père : tĂ©moignage sur le premier gĂ©nocide du XXe siècle, 1999 - www.google.fr/books/edition).

 

Pour l’ArmĂ©nie dans l’empire Ottoman : cf. quatrain V, 50.

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