Travailleurs, Travailleuses V, 58 1894-1895 De l'Aqueduct d'Uticense Gardoing, Par la forest, et
mont inaccessible, Emmy du pont sera tranché
au poing, Le chef Nemans qui
tant sera. L'Uzège "l'acqueduct
d'Uticense, Gardoing"
se réfère au pont du Gard, un aqueduc sur le Gardon en Uzégeois
(d'abord Territorium Uceticum
ou Pagus Uzeticus au Moyen Age, puis Civitas Uticensis en 1096, et Uticensis metropolitana en 1512 :
Germer-Durand, 1868, p.250 ; Ménard, 1750-58, T.4, p. 90, col. 2) On retrouverait le pont du Gard dans la chanson de geste Girart de Roussillon à travers le "pont des jarz", selon Paul Meyer, qui sert de frontière au
domaine de Girart : Ensuite parla le
comte Bernart. C’était un jeune homme grand et
gaillard : "Frères, si vous me croyez, vous et Girart,
Charles ne repassera pas le pont du Gard, ni la terre où gît saint Léonard,
sans que nous ayons fait en France un grand abattis de châteaux." Dans Pantagruel (chapitre V intitulé «Des faitz du noble Pantagruel en son jeune eage»,
1532) de François Rabelais, le pont du Gard est signalé comme étant l'œuvre du
héros éponyme lors de son passage à Montpellier Le diocèse d'Uzès a tenu un rôle original dans l'histoire
du bas Languedoc. Il le doit tout
d'abord à son étendue qui en fait le plus grand des sept diocèses médiévaux. Il
couvrait plus de la moitié de l'actuel département du Gard avec, en plus, une
frange septentrionale qui englobait une trentaine de paroisses rattachées
maintenant à l'Ardèche et une dizaine rattachées à la Lozère. Lors de sa
création au IVe siècle, le diocèse d'Uzès était encore plus vaste car il
englobait Ă©galement ce qui compose aujourd'hui une partie de l'arrondissement
du Vigan. Ce «pagus Arisitensis» était resté sous la
domination wisigothe lorsque les Burgondes, tribus d'origine Scandinave,
s'étaient infiltrés jusqu'en Uzège vers la fin du Ve
siècle. Compte tenu de cette partition politique, les autorités ecclésiastiques
avaient créé en 526, un nouveau diocèse, le diocèse d'Arisitum,
qui correspondait Ă la zone tenue encore par les Wisigoths. L'existence de cet
évêché fut relativement courte car il fut rattaché en 798 au diocèse de Nîmes. L'intégration de l'Uzège
Ă la Burgondie, royaume qui s'Ă©tendait depuis la
Bourgogne jusqu'à la Provence, a marqué profondément son histoire. Lorsque
Clotaire I, le fils de Clovis, assujettit les Burgondes en 534, l'Uzège passa dans l'orbite franque tandis que le reste de la
Septimanie ne fut conquis par les carolingiens qu'aux environs de 752. La
réunification de l'ancienne Septimanie au sein de l'état franc se maintint
pendant plus d'un siècle. En 879, le diocèse d'Uzès en fut séparé une seconde
fois lors de la création du royaume de Bourgogne-Provence qui recouvrait une
partie des territoires de la Burgondie. Le premier
souverain en fut Boson, un des beaux-frères de Charles le Chauve. La partition
de l'Uzège pendant un demi-millénaire est restée
inscrite dans la toponymie. On repère encore les frontières d'états du haut
Moyen Age au bois de «Coufines», au sud de Collias, au lieu-dit la Coufine
au sud de Sanilhac et au tènement de Coufin concernant les terres du finage de Vézenobres situées sur la rive droite du Gardon. Bien plus
évocateur, on rencontre, cinq kilomètres plus au nord, entre Alès et
Saint-Christol, le microtoponyme, la Croix de Bauzon, qui rappelle une de ces nombreuses croix que le
premier roi de Bourgogne-Provence avait fait implanter pour bien authentifier
les limites de son état récemment créé. Ces liens politiques entre le pays
d'Uzès et la rive gauche du Rhône expliquent l'ouverture de l'Uzège aux influences provençales et les traits distinctifs
du legs roman. Ils expliquent aussi la puissance des évêques d'Uzès dont
la richesse patrimoniale a pour point de départ la très longue prélature d'Amelius/Amiel, dont la famille était dans l'allégeance du
clan bozonide. Amelius paraît avoir tenu
l'épiscopat pendant une soixantaine d'années. Après avoir occupé la charge
d'archidiacre, il aurait été nommé évêque vers 887. En 947, il exerçait encore
son ministère comme en témoigne sa présence au concile de Tournus où l'on
jugeait l'archevĂŞque d'Arles, Manasses. Il Ă©tait le
fils du comte Renard I, alleutier pour l'Uzège de Bozon de Provence. Renard était à la fois comte d'Uzès,
vicomte d'Agde et de Béziers, et il apparaît comme le fondateur de la puissante
dynastie qui prendra plus tard le nom de Sabran. Il
était bien dans les mœurs du temps que le fils d'un comte soit porté à la
dignité épiscopale. Pendant toute sa prélature, Amelius
s'efforça d'agrandir son domaine pour le plus grand profit de sa famille. En
913, il essaya mĂŞme d'imposer son neveu Giraud comme archevĂŞque de Narbonne
après l'assassinat d'Arnuste. Il avait eu également le patronage sur l'abbaye de Saint-Gilles que lui
disputait âprement l'évêque de Nîmes, Gerbert. Parmi les nombreux fiscs
qu'il se fit attribuer par le roi de Provence Louis l'Aveugle, le fils de Bozon, ceux mentionnés dans une donation de 896 revêtent un
intérêt essentiel. Il s'agit de Sancti Marcelli quem dicunt Deus intus, Sancti Martini
ad Marianum Veterem, Sancti
Caprasi quem vocant beneficium quondam Orgarii cum Campaniaco et Marbaco. Soit Saint-Marcel qu'on appelle Deus intus, Saint-Martin près Mayran
le Vieux et Saint-Caprais qu'on dit être le bénéfice
de feu Ogier avec Campagnac
et Marbacum. Si le fisc de Saint-Marcel concerne
peut-ĂŞtre Saint-Marcel-de-Carreiret, par contre aucun
doute n'est possible pour les autres lieux cités dans l'acte. Saint-Martin lès Mayran s'élève au cœur d'un
champ de foire celte, Saint-Caprais est un centre de
pèlerinage très ancien et surtout ses dépendances de Campagnac
et de Marbacum perpétuent les deux oppida pré-romains qui commandaient les gués du Gardon sur chacun
des deux itinéraires antiques reliant Nîmes et Uzès L'image et la célébrité du Pont du Gard sont utilisées dans un livre de piété de Charles Louis (1617 - 1680), Electeur du Palatinat, et de Paul Hachenberg (1652-1681) ayant pour titre "Stat mole sua" (Symbolum LXXII) où l'on voit le pont vouté se tenir au milieu des eaux ("Statque, mediis pons cameratus aquis") (Karl Ludwig, Paul Hachenberg, Philothei Symbola christiana Quibus idea hominis christiani exprimitur, 1682 - books.google.fr, Dirk Van der Cruysse, Madame Palatine, 2014 - books.google.fr). Stat mole sua, disait notre vieille grammaire latine. Il tient par son propre poids Stat mole sua : Il s'agit d'un vers de l'Énéide (X, 771) lorsque le géant Mézence va attaquer Énée (Alain Larcan, De Gaulle inventaire: La culture, l'esprit, la foi, 2003 - books.google.fr). Cf. le Mont Mezenc en Ardèche autre géant (fr.wikipedia.org - Mont Mézenc). On retrouve la "charge" ("moles") au quatrain V, 60 (Clément IV). Main coupée On sait que la cité de Saint-Gilles-du-Gard doit son nom
au célèbre ermite provençal qui se serait installé sur son site. Or, à en
croire Tristan de Nanteuil, longue chanson de geste composée autour de 1350,
saint Gilles serait impliqué dans une étrange affaire de main coupée. Selon ce
texte en effet, qui suit, en relatant de manière fantaisiste l'adolescence de
tel ou tel saint connu, une tendance générale des chansons de geste tardives,
saint Gilles serait le fils de Blanchandin et de Clarinde. Or, Blanchandin est en
réalité une jeune fille, Blanchandine, qui a été
séparée de son premier mari (Tristan), puis, après avoir été contrainte de
s'enfuir habillée en homme, a séduit la fille du sultan (Clarinde)
et a été miraculeusement changée en homme. Par la suite, le personnage est amputé
d'un bras, qu'il conserve pendant trente années dans un coffret suspendu à son
cou, et qui sera miraculeusement ressoudé grâce à l'intervention de son fils,
saint Gilles. On voit que cette histoire extraordinaire présente, dans le
désordre plusieurs éléments figurant dans La Belle Hélène, dont elle a
manifestement subi l'influence. MĂŞme s'il s'agit sans doute ici d'une coĂŻncidence,
il n'est donc pas impossible que le nom de saint Gilles (ou mĂŞme Saint-Gilles)
puisse se charger, pour un lecteur du milieu du XIVe siècle, de connotations
qui nous échappent et renvoient à notre corpus par un détour singulier Jadis Nîmes possédait encore un autre port de commerce
qui se trouvait Ă la fois sur le fleuve et sur la mer par les chenaux
navigables des marais de la Camargue ; ce port Ă©tait celui de
Saint-Gilles, oĂą n'abordent plus que les chalands du canal de Beaucaire.
Saint-Gilles, que l'on croit avoir été bâtie sur l'emplacement de l'ancienne Héraclea des Grecs, était, au douzième siècle, le port
d'embarquement du Languedoc le plus fréquenté par les croisés du midi de la
France. De nos jours sa population est bien réduite, ses rues sont presque
désertes; mais il lui reste encore de son époque de prospérité une église de
style byzantin à la façade merveilleusement sculptée, «immense bas-relief de
marbre et de pierre.» Saint Gilles quitte Arles pour se retirer au désert. Une vieille légende languedocienne raconte que le bon
saint Gilles descendit autrefois la gorge du Gardon en se nourrissant exclusivement
du lait de sa chèvre. Il allait
lentement et s'abritait dans les grottes. A la Baume-Sourne,
il rencontra saint Vérédème, dont le nom était
célèbre dans tout le pays. Le solitaire était d'une piété si humble et si
fervente que Dieu lui facilitait tous les jours, par un miracle, l'entrée dans
sa caverne, perchée en pleine falaise. Longtemps les deux ermites vécurent
heureux, dans une pieuse intimité. Mais leur rayonnement était si grand que les
disciples s'agglutinèrent. Cela ne fut
pas du goût de saint Gilles qui partit et s'en alla vivre dans une autre
caverne, plus bas sur le Gardon, sans doute celle de la Salpétrière,
près du Pont du Gard (La légende de saint Vérédème
et de saint Gilles) Fixé d'abord auprès de saint Veredéme,
dans une grotte au bord du Gardon, saint Gilles vient habiter la montagne de Nuria dans l'évêché d'Urgel, où la sainte Vierge fut
particulièrement honorée. Revenu en Gaule, il se fixa dans une grotte au milieu
d'une forĂŞt, non loin du lieu oĂą s'Ă©lève la ville de Saint-Gilles : c'est lĂ
qu'il fut découvert dans une partie de chasse par le roi Wamba,
qu'il exhorta à bâtir un monastère dont saint Gilles fut le premier abbé; il y mourut, et son tombeau,
dont on avait perdu la place, y fut retrouvé en 1865 par l'abbé Goubier Conflit entre
l'évêque d'Uzès et celui de Nîmes Une pièce du cartulaire de Saint-Gilles, recueil de
documents relatifs à ce monastère, formé à Saint-Gilles, et datant du XIIe au
XIVe siècle, est datée du 21 juillet 878. Elle est adressée à Amelius, prêtre, et à Léon, abbé; elle leur concède ce
qu'ils ont demandé, à savoir : le monastère de Saint-Pierre, avec toutes les celles et toutes les dépendances, où repose le corps du
bienheureux Gilles, dans la Vallée Flavienne, au passus
de Nîmes, au pays de Gothie : lieu que Flavius, jadis
roi, avait donné à saint Gilles, qui en avait aussitôt fait rétrocession au
Saint-Siège, après y avoir érigé deux, églises en l'honneur des apôtres Pierre
et Paul. Le Saint-Siège, absorbé par d'autres soucis, n'ayant pu sauvegarder sa
propriété sur ce monastère, si éloigné de Rome, l'évêque de Nîmes, Gerbert, se
l'était approprié et avait fait sanctionner cette usurpation par un précepte du
roi de France ; puis, non content de cette faveur, il s'Ă©tait rendu Ă Rome et
avait surpris la religion du pape. Le pape Nicolas, de sainte mémoire, bien
qu'abusé, eut soin dans sa confirmation de sauvegarder toute revendication
ultérieure. «Mais nous, après avoir compulsé nos archives, nous avons trouvé le
précepte donné à saint Gilles. Plus tard, étant à Arles, poulies affaires de
l'Eglise, rappelant ces événements, nous avons commis pour enquêter sur cette affaire
notre avoué de Ravenne, Deodat. Gerbert, mandant ses
légats, voulait se défendre a moyen de la bulle de Nicolas, Mais Rostang, archevêque d'Arles, et un certain nombre de
prélats (dont les noms suivent), ayant entendu lecture de cet acte, reconnurent
aussitôt qu'il était sans valeur, et jugèrent que l'évêque Gerbert devait
rendre le monastère à Amélius et à Léon abbé, et
qu'il devait nous payer une amende...». Le pape ordonne qu'on restitue le
monastère à Léon, abbé, et à Amélius, prêtre.
Celui-ci, plus tard évêque d'Uzès, fut en effet, comme l'attestent plusieurs
bulles postérieures, préposé par le pape au gouvernement du monastère de
Saint-Gilles. Le fut-il en 878 ? Certainement non, car c'est une bulle de Marin
Ier (882 à 884) qui lui confère cette charge pour la première fois. Remarquons
aussi que cette histoire de Nicolas Ier, représenté comme insoucieux de ses
droits, ressemble peu Ă ce que nous connaissons de ce pape. La seconde bulle de
Jean VIII, datée du 18 août 878, n'est, comme nous l'avons vu, que la
confirmation de la précédente. Toutes deux paraissent suspectes pour deux
raisons : 1° à cause des longues formules d'anathèmes qu'elles renferment,
inusitées à cette date ; 2° à cause de l'année de l'Incarnation 4 employée pour
dater la seconde, procédé inconnu à la chancellerie pontificale avant le pape
Jean XIII (965 à 972). Or il existe une troisième bulle de Jean VIII que ne contient
pas le cartulaire de Saint-Gilles. Stilting la
connut, mais il n'en tira aucune conclusion. G. Paris l'a négligée. C'est le n°
191 des bulles de Jean VIII dans l'édition de Migne. Cette pièce est datée du
14 juin 879. [...] Donc, selon cette pièce, en 879, un an après les événements
racontés par les deux autres bulles, le Pape s'adresse à Rostang,
archevĂŞque d'Arles, Ă Sigibode, archevĂŞque de Narbonne,
et Ă Robert, archevĂŞque d'Aix, pour les prier de convoquer TĂ©vĂŞquede
Nîmes qui s'est attaqué à un monastère que le Saint-Siège venait justement
d'acquérir sur ce prélat. Les archevêques doivent ordonner à l'évêque de Nîmes
de restituer les biens du monastère et de ne plus molester les moines; s'il
refuse, le Pape sera forcé de l'excommunier et de le mander à Rome pour
trancher lui-mĂŞme l'affaire. Il est impossible de voir dans cette lettre la
suite, à une année de distance, des deux pièces que nous venons d'examiner.
Elle est visiblement en contradiction avec elles. A laquelle, donc, faut-il
ajouter foi ? Nous avons donné les raisons qui nous font douter des pièces de
878. La preuve de l'authenticité de la lettre de 879 achèvera de démontrer leur
fausseté. Cette preuve existe : la lettre de 879 fait partie du registre de
Jean VIII, registre dont l'authenticité a été établie. Les deux autres bulles
n'en font pas partie. Ce sont donc des faux. Elles n'en restent pas moins
apparentées à la Vita. Quelle est la
source de toutes ces pièces, quel fut leur but, et à quelle date furent-elles
fabriquées ? A en juger par d'autres documents, par la bulle de Marin Ier citée
plus haut par exemple, le monastère de la Vallée Flavienne était, encore au IXe
siècle, un établissement très modeste, nullement l'abbaye considérable,
propriétaire de terres à plusieurs lieues à la ronde, que décrivent les bulles
de 878. Il est dit : «Monasterium quod vocatur Vallis Flaviana.» Entre 904 et 911, on l'appelle «Monasterium sancti Pétri in Gothia». A cette date il n'est pas encore sous l'invocation
de saint Gilles. Dans toutes ces pièces, le pape se borne à affirmer son
autorité sur le monastère ; il n'y est question ni de bulle antérieurement
concédée, ni de voyage à Rome ; le nom même de saint Gilles n'est pas prononcé.
La première fois que nous rencontrons la légende de saint Gilles c'est dans une
bulle de Benoît VIII de 1014 environ. [...] Plusieurs bulles postérieures
rappellent la mĂŞme histoire en des termes semblables. Il faut examiner
maintenant les revendications de Nîmes. Est-il possible de voir clair dans ce
démêlé, et de juger laquelle des deux parties eut le bon droit pour elle ? Les
titres exploités par Nîmes nous sont indiqués par le Catalogue des Evêques de
Nîmes, catalogue tiré d'un lectionnaire du XIIIe siècle. La première partie de
ce texte est précisément consacrée à l'affaire qui nous occupe. On n'avait
plus, au moment où on le rédigeait, aucun renseignement valable sur la série
des évêques antérieurs au XIe siècle ; mais on connaissait : Gerbert, à qui
Charlemagne donna l'abbaye de Psalmody ; ChrĂ©tien, Ă
qui Louis donna l'abbaye de Saint-Gilles et celle de Tornac
; Crocus, contemporain de saint Gilles et du roi Flavius ; Isnardus,
à qui Nicolas céda ces monastères ; Anglardus : qui
reçut une pareille cession ; Rainardus, à qui le pape
Jean céda les mêmes monastères ; Utbertus, à qui le
pape Serge céda les mêmes monastères. Ces bulles de cession, de Nicolas, de
Jean VIII, de Serge III, nous ne les avons plus. Nous ne savons mĂŞme pas si
elles ont jamais existé, si elles furent authentiques ou supposées ; nous n'avons
affaire ici probablement qu'à une réplique aux prétentions de saint Gilles,
contemporaine donc de la Vita Sancti Aegidii et des bulles soi-disant de 878. Pour les
diplĂ´mes royaux, il en va autrement. Nous n'avons plus les originaux, mais nous
savons qu'ils ont existé et nous en connaissons la teneur. De l'acte de Louis le
Pieux, nous avons un vidimus de l'an 1334. Cet acte rapporte qu'en 814, le 28
novembre, Louis le Pieux, Ă la demande de ChrĂ©tien, Ă©vĂŞque de NĂ®mes, confirme Ă
ce prélat un diplôme de son père, Charlemagne, diplôme par lequel celui-ci
«accorde à Chrétien, évêque, l'immunité de l'église de Nîmes, dédiée à la
Vierge et à saint Baudile, et lui concède un petit
monastère appelé Tornagus, construit en l'honneur de
saint Etienne, et l'abbaye appelée Vallis Flaviana qui est construite en l'honneur de saint Pierre».
Cet acte de Charlemagne a disparu. Mais Ménard en donne un résumé qui montre
bien que celui de Louis le Pieux ne faisait, en effet, que le confirmer : les
petites «celles» de Tornac et de la Vallée Flavienne
y sont également soumises à l'évêque de Nîmes. L'authenticité de ces actes n'a
soulevé aucune discussion. Nous avons vu que Jean VIII dans la bulle de 879
avoue n'avoir acquis le monastère que «dernièrement». L'évêque de Nîmes avait
donc sans doute tout de suite fait valoir ses droits, et les menaces du Pape ne
suffirent pas à l'intimider. Le différend se poursuivit pendant les Xe et XIe
siècles ; ce n'est qu'en 1091 qu'Urbain II trouva moyen d'y mettre fin par une
transaction ; il eut l'idée de conseiller aux moines de Saint-Gilles, tout en
leur confirmant leurs privilèges, de demander l'ordination de leurs prêtres aux
évêques de Nîmes. Nous arrivons donc au résultat suivant : il y avait dans la
VallĂ©e Flavienne, dans le premier quart du IXe siècle, un monastère dĂ©diĂ© Ă
saint Pierre ; monastère dont nous ne discernons pas encore bien nettement
l'origine, mais que nous voyons, à cette date, protégé par le roi et soumis par
lui à l'évêché de Nîmes. Ce monastère, le Pape l'acquit, vers 878, dans des
circonstances que nous ignorons Ă©galement. Alors survint une contestation entre
le monastère, qui voulait dépendre uniquement du Saint-Siège, et l'évêque de
Nîmes qui entendait sauvegarder son autorité. Les décisions mêmes de la papauté
ne réussirent pas à trancher la question. On
se battit à coups de faux : Nîmes, armé de ses diplômes authentiques,
répétait que le Pape lui-même avait cédé le monastère de Saint-Gilles ; tandis
que le Pape promettait l'indépendance au monastère, tout en essayant peut-être
de se concilier Nîmes. Les moines de Saint-Gilles, de leur côté, prirent sur
eux de se défendre : ils s'abritèrent sous l'autorité d'un saint fondateur.
Leur Vie de saint Gilles répondit à tout : si le Pape seul avait de l'autorité sur
leur monastère, c'est que leur fondateur, saint Gilles, prévoyant les dangers
avenir, avait été lui-même à Rome, et avait, en personne, soumis son monastère
au Pape : témoin les deux portes données par le Pape et placées par le saint
même au portail de son église en signe visible du pacte entre le monastère et
le Saint-Siège ; témoin, d'ailleurs, le précepte donné par le Pape, qu'ils
fabriqueront tout Ă l'heure. Inutile de parler d'un diplĂ´me de Louis ni de
Charlemagne ; le monastère fut fondé avant leur temps ; saint Gilles connut et
eut des relations avec le roi de France, mais c'était après la fondation de son
monastère et le roi de France n'y fut pour rien ; le monastère fut fondé par un
roi du pays, un roi Flavius ; d'ailleurs, l'Ă©vĂŞque de NĂ®mes avait assistĂ© Ă
l'entretien de ce roi avec saint Gilles, et on saurait bien si, par hasard, le
roi avait mis le nouveau monastère sous la protection de l'évêque voisin : il
n'en fut rien ; l'évêque de Nîmes s'inclina avec le roi, devant saint Gilles,
et ce fut tout. Tel est visiblement le but qui inspira la composition de la Vita Sancti Aegidii,
telle que nous l'avons. Le personnage du saint fut-il, cependant, créé de toutes
pièces à cette fin, ou bien a-t-il eu une existence
indépendante de la nécessité où se trouvèrent ses moines d'avoir un autre champion
que le Pape ? Pour le déterminer, il faudra examiner chacun des éléments qui
demeurent, une fois notre histoire tendancieuse Ă©cartĂ©e. Avant de procĂ©der Ă
cette recherche, précisons les dates déjà acquises. La dispute entre Nîmes et Saint-Gilles a duré depuis 879 jusqu'à 1091.
La vie de saint Gilles fut connue au nord de la France avant 1029, puisqu'elle
fut utilisée par Fulbert de Chartres pour l'Office dont nous avons déjà parlé.
Nous pouvons remonter plus haut. S'il faut en croire la Chronique de Figeac,
Saint-Gilles était un but de pèlerinage déjà en 988, année où y mourut Adacius, abbé de Figeac, qui faisait à Saint-Gilles une
étape de son pieux voyage à Rome. Une charte de donation de Nîmes de l'an 923
en voulant délimiter un terrain nomme la vigne de Saint-Gilles. [...] Un
bréviaire de Saint-Gilles, rapporté par Saxius, parle
d'une invention du tombeau de saint Gilles qui eut lieu en 925. [...] Il se peut que les choses se soient passées ainsi ;
que les reliques furent déterrées pour être mises en lieu de sûreté au moment
du danger [invasion des Hongrois]. Dans ce cas, il faut supposer que le culte
de saint Gilles était bien établi en 924, qu'il avait même déjà pris une
certaine importance. Il se peut aussi que le mot invention ne désigne que la
découverte officielle, pour ainsi dire, des reliques de notre saint. C'est
plutôt cette hypothèse que nous paraissent appuyer les résultats auxquels nous
sommes parvenus. Un autre fait vient s'ajouter à ceux-ci : c'est du Xe siècle
que doit dater le tombeau de saint Gilles, qu'on a déterré de nouveau dans la
crypte de l'Ă©glise actuelle en 1865. C'est un sarcophage grossier en calcaire
tendre et qui porte l'inscription suivante : "In hoc tumulo
quiescit corpus beati Aegidii. Cette inscription est tracée, avec peu de soin,
sur la face interne du couvercle, un peu de côté. M. de Lasteyrie
la date du Xe siècle d'après le système d'abréviation employé. En tout cas, il
semble que l'adoption de saint Gilles comme patron du monastère de la Vallée
Flavienne ne précéda que de très peu la rédaction de la Vita Sancti Aegidii que nous possédons.
Gomme il est prouvé qu'elle n'a été composée que dans un but tendancieux, il
est invraisemblable qu'une rédaction antérieure ait existé. Nous concluons que
saint Gilles fut considéré comme le patron de ce monastère dans le premier
quart du Xe siècle. Sa vie fut composée au cours de ce siècle ; nous ne
croyons pas possible de préciser davantage. L'existence antérieure du saint
sera donc toute légendaire "Le chef nemans
qui tant sera terrible" Donc, selon cette
pièce, en 879, un an après les événements racontés par les deux autres bulles,
le Pape s'adresse Ă Rostang, archevĂŞque d'Arles, Ă Sigibode, archevĂŞque de Narbonne, et Ă Robert, archevĂŞque
d'Aix, pour les prier de convoquer l’évêque de Nîmes qui s'est attaqué à un
monastère que le Saint-Siège venait justement d'acquérir sur ce prélat. Les
archevêques doivent ordonner à l'évêque de Nîmes de restituer les biens du
monastère et de ne plus molester les
moines; s'il refuse, le Pape sera forcĂ© de l'excommunier et de le mander Ă
Rome pour trancher lui-même l'affaire. "tranché le
poing" On se battit à coups de faux : Nîmes, armé de ses diplômes authentiques,
répétait que le Pape lui-même avait cédé le monastère de Saint-Gilles ; tandis
que le Pape promettait l'indépendance au monastère, tout en essayant peut-être
de se concilier Nîmes. Les moines de Saint-Gilles, de leur côté, prirent sur
eux de se défendre : ils s'abritèrent sous l'autorité d'un saint fondateur.
Leur Vie de saint Gilles répondit à tout. L'Empereur Lothaire condamna les Faussaires à avoir la
main coupée. Othon le Grand declara que lorsqu'on voudroit se servir d'un titre accusé e fausseté, on en prouveroit la verité par serment,
& que l'accusateur seroit obligé de soutenir dans
un combat singulier ce qu'il auroit avancé. Il paroît aussi que dans ces temps là ,
on employoit quelquefois le fer ardent dans l'examen
des titres Juger faux l’acte, c’est se donner l’occasion de
débusquer un ou des faussaires. Les lois ne sont pas muettes à leur sujet. En
ce domaine aussi, le Moyen Ă‚ge est l’hĂ©ritier de la tradition romaine, Ă
commencer par la lex Cornelia de falsis,
reprise entre autres par la loi romaine des Burgondes. Les lois nationales puis
les capitulaires prévoient l’amputation de la main ou du pouce, avec ou sans
possibilité de rachat, pour celui qui s’est rendu coupable de faux, qu’il s’agisse
de chartes, de monnaies ou de serments puisque le registre du délit est le
même, celui du parjure ; on distingue parfois selon la qualité de la personne
ou celle du document Deux miniatures retracent ce principe de l'amputation de la main réservé aux faussaires à travers un seul et même supplice qui fut ordonné en 1343 par le roi de France contre une bande ayant contrefait le sceau royal. Ces fabricants de «faux scels» ayant réalisé ces contrefaçons à l'aide de leurs mains, c'est en toute logique que «on leur couppa les deux poings» pour rappeler à l'assistance le délit commis. Le crime étant énorme, puisqu'il portait atteinte à la personne du roi à travers son sceau, l'amputation fut suivie de la mort, puisqu'ils «furent traynes au gibet et pendus». Dans les Fleurs des chroniques de Bernard Gui, le peintre a tenu à rendre claire l'identité criminelle des deux hommes placés sur l'échafaud : sur leurs têtes, deux couronnes de parchemin sur lesquelles on peut lire les termes de «faulx sceleurs» explicitent leur crime. Agenouillés face à un billot qui reçoit leurs la main du bras - la blessure est rehaussée d'un trait rouge -, souligne l'aspect irréversible du supplice. D'ailleurs le condamné, de son autre main, paume ouverte vers le haut, signifie sa compréhension et son acceptation de la sentence. Rares sont les textes normatifs précisant si c'est la main droite ou gauche qui doit être coupée. On pourrait s'attendre à ce que la répression judiciaire s'abatte sur le côté gauche, qui par opposition à la droite évoquerait le mal ; cependant, ni les peintres ni les juristes ne s'embarrassent d'un tel symbolisme. De plus, lorsqu'un texte juridique se préoccupe d'énoncer la main devant être victime du châtiment, il s'avère que c'est toujours la main droite que l'on cite. Il semblerait que les faussaires en écriture soient particulièrement sujets à cette prescription, ainsi que les hommes ayant provoqué la mort en versant le sang de leurs poings. [...] Dans les Coutumes de Toulouse, les notaires qui auront
fait de faux actes auront la main droite coupée. Les autres faussaires auront
la main coupĂ©e, leurs biens seront confisquĂ©s et ils seront bannis Ă
perpétuité. Même assertion dans les Assises de Jérusalem Alphonse Ciccarelli, médecin
italien du XVIe siècle, né à Bévagna dans l'Ombrie,
fut condamné comme coupable de falsification et de suppositions de titres, et
comme pseudo-historien, a avoir la main coupée et a être ensuite pendu en place publique; il subit cette
sentence en 1580, sous le pontificat de Grégoire XIII. Il avait fabriqué un
assez grand nombre de généalogies, et écrit l'histoire de plusieurs familles
nobles, spéculant sur la faiblesse des grands dont ses fourberies flattaient
l'orgueil, pour masquer ses coupables intentions Autrement : "tasché au poing" D'autres versions des Centuries ont "tasché" au lieu de "tranché". "tâche" est issu du latin taxare toucher souvent) qui a plus de précision et d'énergie que tangere (toucher), dont il est le fréquentatif (Jean-Pierre Charpentier, Felix Blanchet, Oeuvres complètes d'Aulu Gelle, Tome 1, 1863 - books.google.fr). On peut penser à la tâche, travail tarifé, au tâcheron (à l'oeuvrier) ainsi qu'aux rixes (au poing). Les compagnons s'organisent en deux clans rivaux à partir du XVIe siècle, le Devoir (auquel appartiennent les Enfants de Soubise) et le Devoir de liberté. Leurs associations sont centrées sur la pratique du tour de France et sur l'entraide mutuelle, ce qui n'empêche pas une hostilité permanente de régner entre confréries rivales, et des rixes sanglantes d'éclater, entre « gavots » et « dévorants » (Élodie Bouygues, Genèse de Jean Follain, Tome 1 de Études de littérature des XXe et XXIe siècles, 2009 - books.google.fr). Saint Gilles et les ponts Boleslas III, dit Krzywousty (Bouchetorse), duc de Pologne (1102-1138) était fils de Vladislas Herman et de Judith, sœur de Vratislas
de Bohême; ses parents avaient envoyé des présents au tombeau de saint Gilles,
en Languedoc, pour obtenir une postérité
par l'intercession de ce thaumaturge que l'episcopus poloniensis Franco leur avait fait connaître Des raisons de patronage, soit pour les ponts, soit pour
les villes baignées par une rivière, ont fait représenter d'autres saints
encore sur un pont ou près de là . C'est
ainsi que saint Gilles se voit sur un pont dans certaines images de Styrie
parce qu'il est patron de la ville de Graetz située sur
la Mur. De mĂŞme sainte Maxence, vierge et martyre dans le Beauvaisis (20
novembre), à cause de Pont-Sainte-Maxence qui a gardé son nom. Saint Pierre de
Luxembourg, comme patron d'Avignon, a été plusieurs fois représenté près du
pont de cette ville. Mais dans les images postérieures au XVIe siècle, ce pont
(comme aussi pour saint Bénézet) est ordinairement
interrompu, parce que le Rhône avait fini par en emporter plusieurs arches Pont Sainte Maxence se trouve près de Pontpoint. Ce village de 800 habitants, que Charles le Chauve
appelait, en 842, fiscus noster Levandriacus,
alio nomme Pomponnus, fit
partie du douaire de la reine Adélaïde, mère de Louis VII, qui lui donna sa
charte de commune en 1153, avec des privilèges analogues à ceux de
Royal-Lieu-lez-Compiègne. Ces franchises communales ne l'empêchèrent pas de
s'endetter. Pour se libérer, les habitants de Pontpoint
cédèrent, en 1189, les droits utiles de leur mairie à Hilduin,
trésorier de la collégiale de Saint-Frambourg-de-Senlis.
Les successeurs d'Hilduin, cherchant Ă tirer de cette
mairie tout le bénéfice possible, ne tardèrent pas à empiéter sur les
attributions de la commune, Saint Louis dut intervenir. Le trésorier renonça alors
Ă ses droits sur le village, moyennant une redevance annuelle de 60 livres
parisis. Les finances de Pontpoint n'en devinrent pas
plus prospères. En avril 1309, Philippe le Bel établissait au hameau du Moncel, dépendance de Pontpoint,
une abbaye de clarisses En juin 1319, son fils Philippe le Long assignait aux religieuses
611 livres parisis de rente annuelle sur la commune de Pontpoint.
Les clarisses ne réussirent guère à se faire payer. Au bout de quarante-cinq
ans, en 1364, la dette de la commune s'était singulièrement accrue. Une
transaction devint nécessaire. Les habitants abandonnèrent les droits de leur
mairie à l'abbaye du Moncel. Ils se réservèrent
toutefois de nombreux privilèges, notamment la jouissance de tous leurs marais,
chaussées et pâtis, avec la récolte des foins, la coupe des épines pour faire
des haies et la liberté de ramasser de l'éteule ou chaume partout après la
Saint-Martin; l'usage de leurs mesures au blé, à l'avoine et au sel, ainsi que
de leurs poids et balances; le droit de chasse et de pêche; la faculté de
s'assembler comme auparavant dans leur maison commune, d'y payer leurs
redevances et d'y porter leur champart; celle de se faire servir les premiers
aux moulins banaux, etc. De même on peut faire de "Emmy le pont" un Moyenpont (Somme, "medius pons"), célèbre pour un pèlerinage qui remonterait aux croisades, en rapport avec un Gilles seigneur de Marquais (Paul de Cagny, Histoire de l'Arrondissement de Peronne, 1869 - books.google.fr). Pont et faussaires L'argument du chant XXIX de l'Enfer de Dante met en scène un pont et des faussaires Les deux poètes arrivent à la cime du pont qui domine le
dernier des dix bolges du cercle de la Fourbe. Assaillis par des plaintes
déchirantes, ils descendent jusqu'au bord du bolge et découvrent des âmes
gisant et se traînant, rongées d'ulcères, dévorées par la lèpre. Cette lèpre,
alliage impur de leur chair, rappelle leur crime. Ce sont les alchimistes et
les faussaires. Deux de ces damnés, Griffolino
d'Arezzo et Capocchio, attirent l'attention de Dante De maçons à francs-maçons Les «Antiquités nationales» - le pont du Gard, le temple
de Diane et les arènes de Nîmes, les arènes d'Arles - sont à l'épicentre
stéréotomique de la France moderne. Le berceau appareillé par rouleaux de gros
voussoirs est une spécialité locale. Elle se perpétue jusqu'au Moyen Age dans
le pont Saint-Bénézet d'Avignon. Sur l'itinéraire des
compagnons, le pont du Gard reste à une étape de la vis de Saint-Gilles L'examen d'une chronologie des marques compagnonniques de passage fournit à ce niveau des éléments de réflexion dans la mesure où elle reflète un schéma général d'évolution du Tour de France. En effet, la période faste de ces marques correspond aux XVIIIe et XIXe siècles. Dans la mesure où il n'existe toujours pas d'inventaire systématique des marques de passage des compagnons sur l'ensemble du territoire, prenons à titre d'exemple le cas de celles relevées sur le Pont du Gard en août 1951 par Louis Malbos, conservateur du musée des Beaux-Arts d'Aix-en-Provence. Sur les trente-cinq dates, précises ou approximatives, indiquées, neuf sont du XVIIe, onze du XVIIIe, douze du XIXe et deux du XXe siècle. Mais on peut encore préciser les choses. Une seule mention existe avant les années 1640, et encore ne s'agit-il pas d'un nom compagnonnique mais d'un certain «L. BENOIST», tandis que pour le XIXe siècle, une seule indication est, avec certitude, postérieure aux années 1850. L'essentiel de ces inscriptions relève ainsi d'une période qui s'étend du milieu du XVIIe siècle à la première moitié du XIXesiècle. Autrement dit, les marques s'inscrivent dans ce premier temps du Tour, celui où la mobilité suffit à produire une contrastant avec les ouvriers mariés et sédentaires, souvent plus âgés. Puis, le Tour parvenant progressivement à la conscience des compagnons et devenant en même temps, dans la première moitié du XIXe siècle, un instrument de formation et explicitement d'initiation, retrouver le temps n'a plus la même importance. En effet, celui-ci peut être mieux appréhendé dans la mesure où se dessine durant l'itinérance une progression, de l'aspirant vers le compagnon, avec un balisage de plus en plus évident de nos jours (Barbara Stollberg-Rilinger, Les vieux habits de l'Empereur: Une histoire culturelle des institutions du Saint-Empire à l'époque moderne, 2013 - books.google.fr). Chef-d'œuvre de la taille des pierres, la vis de
Saint-Gilles a été épargnée des destructions. L'escalier forme une excroissance
cylindrique à l'angle du chœur et du transept nord. L'entrée se fait par un
palier en encorbellement et un court escalier droit, Ă©tabli dans l'Ă©paisseur du
mur qui donne accès à la vis. Celle-ci est inscrite dans un massif de
maçonnerie éclairé par des jours. La volée est constituée de marches
rayonnantes encastrées, d'une part, dans un noyau central de 88 cm de diamètre,
en pierres de taille appareillées et, d'autre part, dans le mur cylindrique de
la cage dont le parement porte de nombreuses marques de compagnons. Une voûte
porteuse en berceau hélicoïdal clavé, avec des voussoirs d'épaisseur égale,
sert d'appui pour l'ensemble de la volée. Chaque voussoir est une fraction
d'hĂ©lice soigneusement appareillĂ© selon la technique de la stĂ©rĂ©otomie. Jusqu'Ă
la partie supérieure détruite, cinquante-six marches sont conservées, soit plus
de deux révolutions. Chaque marche a une hauteur d'environ 20 cm. L'arrachement
au sommet a mis à nu l'extrados des claveaux liés au mortier de chaux et les
marches posées sur un remplissage porté par la voûte Au XIXe siècle, on
réalise la première datation officielle de l’escalier à vis voûté qui se situe
à l’Abbaye de Saint-Gilles dans le Languedoc, et on lui attribue donc comme
date de construction le XIIe siècle. Encore aujourd’hui, des doutes subsistent
quant à sa datation. Plusieurs chercheurs ont étudié le modèle depuis des
optiques très diverses : l’archéologue Hartmann-Virnich
propose une origine clairement romane, probablement au XIIe siècle ; Luc Tamborero le situe au XIIIe siècle, le professeur Sakarovitch au XIVe siècle et l’historien Pérouse de Montclos avance même l’hypothèse que l’escalier aurait été
construit à la Renaissance, déjà à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe.
Pour justifier sa thèse, Pérouse de Montclos utilise
deux types d’arguments, certains historiques et d’autres de l’ordre de sa
construction. Il y a la citation de Philibert de L’Orme sur la
vis-de-Saint-Gilles dans laquelle il fait référence à sa jeunesse, probablement
entre 1520 et 1530. À cela s’ajoute la preuve que la construction de l’église
perdure encore au début du XVIe siècle, après une longue interruption provoquée
par la Guerre de Cent Ans, ainsi que l’hypothèse que la dernière zone
construite coïncide avec l’emplacement de l’escalier, entre l’abside et la nef.
Tout cela fait penser à Pérouse que la datation de l’archétype, comme il aime
bien l’appeler, soit plus tardive. Dans tous les cas, les arguments qui peuvent
nous sembler les plus convaincants sont ceux en rapport avec le type d’appareil
et avec la perfection de celui-ci. Pérouse s’accorde avec Viollet
et avec des études postérieures23 dans lesquelles les voûtes hélicoïdales
romanes sont construites avec un appareil rudimentaire, prévues pour être
revêtu dans beaucoup de cas. À la fin du XVe et au début du XVIe siècle, on réalise en France une série
d’escaliers en vis Saint-Gilles, d’une grande qualité stéréotomique, liées à la
figure de MartĂn Chambiges. Sa thèse soutient que l’escalier de l’abbaye de
Saint-Gilles est contemporain à ces dernières. Pérouse conclut que «nous n’avons pas encore trouvé une seule
vis médiévale qui puisse rivaliser, par la torsion du plan, la dimension et la
régularité des voussoirs, la finesse des joints, la plénitude de l’arc
générateur en plein-cintre, avec la vis de l’abbaye de Saint-Gilles» Postérieurement,
le professeur Hartmann-Virnich a publié une étude
liée à ce sujet, qui réfute la théorie de Pérouse. L’archéologue affirme
textuellement que «pourtant, rien ne permet d’y reconnaître une addition du
début du XVIe siècle». Le lien intime entre l’escalier et l’édifice, son
intégration dans un système de circulation murale et l’incontestable origine
romane de l’oculus central sont les éléments qui soutiennent son argumentation.
Il reconnaît, toutefois, que la régularité et la perfection stéréotomique de la
voûte sont telles qu’elles peuvent remettre en question son authenticité. Parmi
ce groupe d’escaliers situés dans le Languedoc-Provence, on remarque celui de
la tour occidentale de Notre-Dame-des-Doms d’Avignon qui date du dernier tiers
du XIIe siècle. Construite, de même que la vis-de-Saint-Gilles, avec des
voussoirs de grandes dimensions, elle est le résultat d’une grande dextérité,
bien qu’elle ne présente ni sa régularité ni son exactitude dans les joints. Pour
Hartmann-Virnich la vis-de-Saint-Gilles peut ĂŞtre le
point culminant d’un système de construction utilisĂ©, fondamentalement, Ă
l’étape romane, qui se caractérise par le voûter des volées, système substitué,
progressivement, par les vis Ă marches portant un noyau gothiques Le plus ancien document faisant rĂ©fĂ©rence Ă
l'organisation du métier en France est le Livre des métiers d'Étienne Boileau
rédigé en 1268. Il traite notamment de l'organisation des maçons, des tailleurs
de pierre, des plastriers et des mortelliers.
Le franc-maçon serait un artisan qui a reçu une franchise et qui serait libre
de se déplacer. Il est d'ailleurs précisé que seuls les tailleurs de pierre et
les mortelliers étaient francs, c'est-à d-ire exonéré du « guet ». [...] On y trouve aussi la plus
ancienne mention du chef d'oeuvre. Datés de 1248, les statuts de Bologne décrivent
l'organisation d'une Société de Maîtres du mur et de la charpente soumise aux
lois de Bologne. Ils ont été rédigés en vue de l'obtention d'une patente. Il
s'agit du plus ancien document médiéval connu concernant la maçonnerie
opérative. [...] L'article 46 des statuts de Bologne (1248) traite des
«réunions particulières», laissant supposer qu'il y avait des assemblées
n'ayant pas de «rapport» avec l'administration du métier. Ces réunions étaient
cloisonnées entre la Compagnie des Maîtres du mur et celle des Maîtres de la
charpente Au XVIIème siècle, deux Maçonneries sont déjà en
présence. La Compagnie continue à grouper les seuls professionnels, tandis que
l'Acceptation est ouverte aux profanes. C'est l'époque trouble des révolutions
et des guerres de religion. Pour les hommes qui veulent se réunir sans attirer
l'attention, il y a intérêt à le faire sous le couvert d'organisations
professionnelles séculaires qui pratiquent la bienfaisance. Si ces
organisations sont pauvres, elles y trouvent en compensation de nouvelles
ressources financières. Les Loges Opératives sont maintenant complètement
noyautées par la Maçonnerie Spéculative. En 1620, les loges opératives sont
noyautées par la maçonnerie spéculative. C'est le moment où la maçonnerie
spéculative prend le pas sur la maçonnerie opérative qui dépérit peu à peu. Les
ouvriers vont, pour défendre leurs intérêts, se rassembler dans des
organisations différentes. Un mouvement va naître ainsi : le Compagnonnage Surnom (cf. quatrain V, 57) Agricol Perdiguier (1805 -
1875), ancien Compagnon menuisier, au faubourg Saint-Antoine, élu représentant
du peuple en 1848, et auteur d'un ouvrage fort intéressant, intitulé : Le Livre
du Compagnonnage (1841), s'appelle parmi ses confrères Avignonnais-la-Vertu "Exclus du
gouvernement du métier comme de celui de la cité, ils forment de plus en plus
des sociétés clandestines, ou «compagnonnages». Si nous laissons de côté les
éléments pittoresques et mystérieux des divers «devoirs», que trouvons-nous
d'essentiel sur le terrain Ă©conomique ? Une tentative pour assurer aux
compagnons eux-mêmes le monopole du placement, les rendre maîtres du marché de
la main-d'Ĺ“uvre et par consĂ©quent empĂŞcher la baisse des salaires. Grâce Ă
leurs correspondances de ville Ă ville, au viatique qui doit permettre au
compagnon d'aller chercher du travail plus loin, Ă la mise en interdit des
maîtres récalcitrants ou même de certaines villes, les «Enfants de maître
Jacques» et ceux de «maître Soubise» exercent une action occulte et redoutable.
Dès 1605, à Dijon, nous les voyons «dresser articles et rôles des noms et surnoms des compagnons, tenir bon
contre les maîtres de leur donner prix des besognes qu'ils font». Contre ces
sociétés clandestines de résistance ouvrière se lèvent non seulement les
maîtres et les municipalités, mais l'Église. Sorties des confréries, mais
forcées de transporter leurs cérémonies de la chapelle corporative au cabaret
de la 'Mère', leurs naïves, touchantes et maladroites imitations des saints
mystères de la messe passent pour des parodies sacrilèges d'autant plus que le
secret, qui ne doit pas même être révélé au tribunal de la Pénitence, les rend
suspects" (M.H. Hauser, La prépondérance espagnole, 1807). Des
confréries encore plus suspectes parce que sorties totalement du contrôle de
l'Église. On sait comment au début du 18e siècle, le rituel et la technique de
communication du compagnonnage très particulier des maîtres d'œuvre serviront au
démarrage ou au nouveau départ de la franc-maçonnerie, curieux compagnonnage au
service d'une méta-Église à la dogmatique simplifiée, d'abord, rapidement, dans
l'Europe catholique, canal de diffusion de la contre-dogmatique d'une
anti-Église Bien que l'Angleterre n'ait pas eu de Compagnonnage, les
rituels du Mark-Mason se rapprochent beaucoup de
l'esprit des rituels compagnonniques : on y retrouve la pierre taillée, qui est
la clef de voûte non reconnue immédiatement, et qui donne lieu à un catéchisme
particulier There
are records of Mark Lodges in Scotland long before this period and, according
to the Aberdeen MSS. the Mark Book dates from 1670. The Mark was emphasized as
a stamp of identity in the English laws of the twelfth century, while in
Scotland, as early as 1600, each Mark man was required
to register his Mark, the rule applying equally to the Laird of Auchinloch, William Boswell, who was not an Operative
Workman, but a Mark Mason Je jure et promets
en présence du Grand Architecte et de cette Respectable Loge de Mark-Masons rassemblés sous le nombre Neuf, de ne jamais révéler
les secrets qui vont m'être confiés à aucun frère non revêtu de ce grade sous
la peine d'avoir le poing coupé.
(Ici chaque Mark-Mason agite son épée et la frappe
sur celle de son voisin) et d'être réputé parjure a tous officiers. Je jure et
promets aussi de conserver toute ma vie la marque de Mark-Mason
qui va m'être donnée par cet acte et de ne jamais la mettre en gage sans une
nécessité absolue. «Que Dieu me soit en aide ! Amen (quatre fois).» Typologie À la haute époque de la IIIe République, c'est le
gouvernement qui contenait le plus de francs-maçons, celui de Léon Bourgeois en
1895 (six Maçons sur douze ministres), qui a eu le souci le plus fort de
modifier la politique symbolique du régime dans un sens plus républicain À partir de 1884, la loi Waldek
Rousseau autorise les associations ouvrières patronales et de ce fait reconnaît
les organisations syndicales. Les syndicats ouvriers ont le droit de se
constituer sans autorisation gouvernementale. Ils deviennent de plus en plus
puissants et prennent la relève du compagnonnage qui avait si longtemps lutté
pour la défense des droits de l'ouvrier. Les compagnons n'adhèrent pas à la Confédération générale du Travail créée en 1895, où le contexte
politique joue un rôle de plus en plus prépondérant. Sur le marché de
l'embauche, les Bourses du Travail (1887) remplacent les Devoirs |