Chronographe de 354 - Histoire Auguste : Hippolyte et Pertinax
Chronographe de 354 - Histoire Auguste : Hippolyte et Pertinax

 

V, 52

 

1890

 

Un Roy sera qui donra l'opposite,

Les exilez eslevez sur le regne,

De sang nager la gent caste Hyppolite,

Et florira long temps sous telle enseigne.

 

 

Pertinax dans l'Histoire Auguste : opposita/apposita

 

Le roi rappelant des exilés ayant vécu dans une époque contemporaine de saint Hippolyte de Rome est l'empereur Pertinax.

 

Publius Helvius Pertinax est né à Alba Pompeia, dans le Piémont. Pertinax est issu d'une famille des plus modestes. Son père, un affranchi de Vada Sabatia en Ligurie, aurait exercé le métier de charpentier ou de commerçant. Tous ses biographes parlent de lui comme d'un homme d'honneur, simple, courtois, affable, sans prétention. Lorsqu'il monte sur le trône impérial, c'est déjà un vieillard de soixante-sept ans, préfet de la Ville. Il épouse Flavia Titiana qui lui donne un fils. Par modestie, il n'accorde ni à sa femme le titre d'Augusta, ni à son fils celui de César.

 

Pertinax ne va régner que deux mois et vingt-sept jours. Ce bref laps de temps lui permet cependant de rappeler tous ceux que Commode a exilés, de libérer ceux qu'il a jetés en prison, de leur rendre leurs titres et leurs biens. Il remet de l'ordre dans les finances publiques. Il rétablit la liberté du commerce, tente de stopper l'hémorragie des campagnes en renouvelant la lex Hadriana de rudibus agris qui cède les terres incultes de l'empire à qui veut bien les défricher. Si Pertinax acquiert par ces mesures une popularité immense dans le peuple, les prétoriens ne l'acceptent qu'avec la plus extrême des réserves. La discipline qu'il entend rétablir dans leur rang leur déplaît souverainement. Ne leur a-t-il pas donné comme mot d'ordre "militemus", "Nous sommes en service commandé" ? Laetus, le préfet du prétoire, qui est venu lui offrir le trône, constatant que l'empereur ne se laissait pas manoeuvrer comme il le souhaite, pousse ses prétoriens à la rébellion. Le 28 mars 193, deux à trois cents d'entre eux pénètrent dans le palais impérial. Selon la version de Dion Cassius, qui a vécu ces événements, Pertinax aurait tenté de leur faire entendre raison. Mais en vain ! Il est assassiné ! C'est un barbare, originaire du pays de Tongres, qui lui porte le premier coup. Sa tête est coupée et portée en triomphe au camp des prétoriens, à la grande indignation du peuple. Cette version semble la plus vraisemblable. Selon l'Histoire Auguste, Vie de Pertinax, ce dernier aurait été assassiné par les prétoriens dans sa chambre à coucher au moment où il tentait de s'enfuir. Dans un décret au Sénat, il déclare "qu'il aimait mieux gouverner avec équité une république pauvre, que d'acquérir des richesses par des voies tyranniques et déshonorantes" (www.monnaie-romaine.com - Pertinax).

 

Dans les Centuries, Nostradamus emploie l'adjectif "opposite" 2 fois en I,55 ("Sous l'opposite climat Babylonique"), IX,98 ("Contremenant à partie opposite") et dans ce quatrain V,52 comme substantif. Dans la Lettre à Henry on le trouve deux fois : "bout opposite" et "signe opposite" comme adjectif encore.

 

L'Histoire Auguste est un recueil qui commence avec la vie d'Hadrien et s'achève avec celle de Numérien. Il couvre donc la période allant de 117 à 285, avec cependant une lacune de seize ans, entre 244 et 260. Il est imprimé pour la première fois à Milan en 1475, puis à Venise en 1516. Paraissent ensuite les éditions d'Érasme (Bâle, 1518). C'est l'humaniste protestant et bibliothécaire d'Henri IV Isaac Casaubon qui l'a publiée pour la première fois sous ce titre en 1603 (bcs.fltr.ucl.ac.be - Historia Augusta).

 

Il existe de nombreux manuscrits reproduisant l'Histoire Auguste dont le Codex Palatinus latinus n° 899, de la Bibliothèque vaticane avec possiblement des annotations de Pétrarque (Scriptores historiae avgvstae, Volume 1, présenté par Hermann Peter, 1865 - books.google.fr).

 

Le titre que donne à l'Histoire Auguste le plus ancien manuscrit connu, le Codex Palatinus Latinus 899, titre diversement mais assez fidèlement reproduit par d'autres manuscrits postérieurs, Vitae diuersorum principum et tyrannorum a diuo Hadriano usque ad Numerianum, « Vies des divers princes et tyrans du divin Hadrien à Numérien », n'annonce donc en rien un contenu fondamentalement différent de ce que l'on lisait chez Tacite (Stéphane Ratti, Nicomaque Flavien et l'Histoire Auguste, Revue des études latines, Volume 85, 2008 - books.google.fr).

 

La Renaissance carolingienne voit l'apparition de nos plus anciens témoins : le Palatinus lat. 899, écrit en Italie vers 825, est très tôt recopié à Fulda et, si le Murbacensis se révèle quasiment perdu pour nous, on a conservé un florilège, le Palatinus latinus 886 qui livre des leçons spécifiques mais dont l'excerpteur a travaillé sans véritable dessein. Au contraire, à Liège, vers 850, Sédulius Scottus constitue par son choix de citations un "Miroir des Rois" où se reflètent des préoccupations pour partie contemporaine. [...] L'apographe de Fulda ayant été donné par Henri II à la bibliothèque de Bamberg, Godefroy de Viterbe pourra l'y voir, enfant, avant de s'en souvenir dans son Pantheon. Hanté par la continuité dynastique, Godefroy juxtapose à une curiosité de lettré, cataloguant les historiographes et réfléchissant sur les séquences des cahiers, l'intention évidente de tracer le portrait de l'Empereur très chrétien au travers des biographies antiques. Cet effort qui renouvelle celui de Sédulius Scottus demeure cependant sans grand écho auprès des chroniqueurs germaniques. Le réveil se produit à l'orée du XIVe s. à Vérone grâce au sacristain Giovanni de Matociis qui dispose à Bibliothèque capitulaire du Palatinus lat. 899, revenu, on ne sait quand, en Italie. Ce préhumaniste va avoir une action décisive : non seulement il invente le recours à l'iconographie monétaire et restaure l'ordre de la Vie des Maximins par une critique textuelle approfondie, mais encore il compose des Historiae Impériales qui d'Auguste à 1320 offre une vision organisée et synchronique de la suite des siècles : politique, religieuse, littéraire, cette encyclopédie distingue avec bonheur les grandes charnières des Empires. Godefroy vivait du temps de la splendeur des Hohenstaufen et de la Croisade. Giovanni connait le déclin de l'Empire et de l'Eglise. Pour cette raison, l'épisode romain d'Henri VII le frappe comme plusieurs autres italiens. La romanité du sacre par delà les différences de temps, d'institutions, de religion, établit ainsi un lien avec l'Histoire Auguste. Désormais, autour de la Capitulaire de Vérone, se développe un cercle de lecteurs de l'HA, tous de haut rang ou de vaste culture : aristocraties des Scaliger et des Visconti, juristes comme Benzo d'Alexandrie ou Guillaume de Pastrengo ou bien encore le dominicain Galvaneo Fiamma. Cela nous vaut chroniques, florilèges ou copies intégrales, soit à des fins morales ou politiques, soit déjà - et de la sorte s'annonce la curiosité de la Renaissance - par seul désir d'apprendre et de classer (Jean-Pierre Callu, Histoire et littérature du Bas-Empire, Livret 2, 1985 - books.google.fr).

 

Iohannes Mansionarius (Iohannes de Matociis ou Iohannes Manzinus ou Giovanni Mansionarius ou Giovanni Mansionario), chanoine de la cathédrale de Vérone et natif de cette ville, écrit ses Histoires impériales (Historia imperialis) au début du XIVème siècle.

 

Un ami de Nostradamus, à Agen, s'appelait Jules César Sacaliger, fils de Benoît Bordoni, peintre en miniature. Né à Vérone en 1484, il prétendait descendre de la noble maison della Scala, d'où le nom qu'il prit (fr.wikipedia.org - Jules César Scaliger).

 

A new critical reading of Historia Augusta's Vita Pertinacis bears out the importance of the codex Palatinus Latinus 899 from the Vatican Apostolic Library for the establishment of the Historia Augusta text and its tradition. This article proposes some corrections lo the text and state new considerations on this complex historical problem. Finally, we make some remarks on the additions to the text made by Petrarca's hand.

 

XIV, 8 quae vitae illius a Mario Maximo opposita est : la corrección en apposita parece ser la correcta y la más fácil, la lección de P [Palatinus] responde seguramente a una trivialización, aunque la de "Sigma", composita, puede justificar mejor la lectura incorrecta de P dado que un co con tilde al inicio podría justificar la dificultad de comprensión y la subsiguiente trivialización. Debemos por último referimos al "explicit": Helius Pertinax explicit, fol. 50 v., indica P en tinta roja y en mayúsculas, en una confusión que le es típica en el caso de los antropónimos. Evidentemente se ha entendido Aelius, que nota repetidamente como Helius, en lugar de Helvius. Por el contrario Aelius Verus es mencionado como Helvius Verus Caesar. El "incipit", fol. 45r, indicaba sólamente: Incipit Pertinax luli Capitolini, obra de la misma mano y características del "explicit" (Marc Mayer i Olivé, Vita Pertinacis and the codex Pal. lat, 899, Antiquité tardive 16, 2008) (Scriptores historiae avgvstae, Volume 1, présenté par Hermann Peter, 1865 - books.google.fr).

 

Helius pour Helvius apelle Helios, le soleil en grec. Or oppositus est en latin un terme d'astronomie entrant dans la description des éclipses de soleil et de lune : Le soleil s'éclipse par l'opposition de la Lune. Luna opposita Solis lumen obscurat (Pierre d'Annet, Nouveau dictionnaire francois et latin etc, 1683 - books.google.fr).

 

L'Histoire Auguste mentionne la naissance de Pertinax au 1er août (kal. Augusti).

 

Le Chronographe de 354

 

Ce document n'est pas un simple calendrier. Il est richement illustré et renferme de nombreuses données chronologiques; parmi lesquelles les Natales Caesarum, une liste de dates de commémoration du jour de naissance de vingt empereurs romains : Lucius Aelius, Hadrien, Gordien Ier, Constantin Ier, Constance, Sévère, Marc Antoine, Claude, Pertinax, Constance II, Probus, Aurélien, Trajan, Antonin, Auguste, Alexandre, Nerva, Vespasien, Verus et Titus (fr.wikipedia.org - Chronographe de 354).

 

Le dies natalis du Divus Pertinax est encore fêté le premier août d’après le calendrier de Philocalus de 354. On le trouve également mentionné sur le Feriale Duranum (II, 23-24) (Anne-Florence Baroni, Divo Pertinaci… ex reditibus locorum amp(h)itheatri. À propos d’une inscription de Cirta (ILAlg, II, 1, 560), Mélanges de l'École française de Rome - Antiquité, 128-1, 2016 - mefra.revues.org).

 

Hippolyte : Castus

 

L’identité de celui que célèbre Prudence pose problème, car ce nom d’Hippolyte est mentionné une douzaine de fois au martyrologe hiéronymien. On identifie généralement saint Hippolyte de Rome avec un prêtre d’origine orientale, un penseur, auteur de divers ouvrages exégétiques et doctrinaux. Cet Hippolyte a vécu à Rome à la fin du IIe siècle. Rival de Callixte qui lui fut préféré pour le siège épiscopal de Rome, il s’opposa à lui, provoquant un schisme. Mais par la suite, repenti et rentré dans le sein de l’Église, il fut martyrisé vers 235. Ses cendres furent ensevelies à Rome sur la via Tiburtina par les soins du pape Fabien (236-250). À partir de ce moment son culte s’est développé à Rome. Sa fête était fixée, selon Prudence, aux Ides du mois d’août, c’est-à-dire le 13 août (Pe. 11, 232).

 

Aucun document historique ne confirme le récit de Prudence. Il semble que le poète espagnol se soit inspiré de ce qu’ont pu lui raconter les pèlerins et les sacristains lors d’un voyage qu’il a fait à Rome vers 401-402, selon la chronologie d’Italo Lana. Haut fonctionnaire à la retraite, Prudence s’est probablement rendu dans la capitale pour réglerdes affaires judiciaires d’ordre familial, car, en Pe. 9, 103, il évoque sa famille qu’il a laissée derrière lui dans une situation difficile (domum dubia sub sorte relicta). À l’occasion de ce voyage, il a visité les catacombes de Rome. Il a lu, sans doute, l’épigramme que le pape Damase avait consacrée à Hippolyte (epigr. 35, Ferrua). Mais l’épigramme de Damase ne nous renseigne pas sur la nature du supplice. Comme l’a remarqué Jean-Louis Charlet, la version de Prudence « outrepasse ce qu’avait écrit Damase ». Dans l’imagination populaire, le nom du saint avait probablement entraîné une interférence avec son homonyme grec, Hippolyte, fils de Thésée, qui, faussement accusé de viol par sa belle-mère Phèdre dont il avait repoussé les avances, fut voué à la mort par son père, et mourut traîné par un attelage de chevaux emballés (Virgile, Aen. VII, 768)8. Dans le mythe grec, le genre de mort du héros est lié à l’étymologie, car le nom même d’Hippolyte peut signifier « brisé par les chevaux ». Virgile et Ovide racontent qu’il fut ressuscité par les soins d’Esculape et de Diane, puis divinisé et caché dans le bois d’Aricie sous le nom de Virbius9. L’injustice du châtiment, la piété de l’Hippolyte mythique, son apothéose, ne pouvaient que favoriser, au fil du temps, le rapprochement avec le martyr chrétien homonyme. Prudence situe le supplice de ce dernier à Ostie, ou, si l’on écrit le mot sans majuscule, à l’embouchure du Tibre (Pe. XI, 151), ce qui laisse penser soit qu’il confond l’Hippolyte de Rome avec un autre Hippolyte, un certain Hippolyte Nonnus honoré à Porto [Portus Augustus], soit qu’il s’est inspiré d’Euripide (Hippolyte, 1151-1267) et de Sénèque (Phèdre, 1000-1114) qui situent la mort de l’Hippolyte mythologique au bord de la mer.

 

Prudence imite en effet un passage de Phèdre (1105-1110). Il décrit minutieusement la collecte des morceaux sanguinolents, et précise que les chrétiens ont précieusement recueilli la moindre goutte du sang d’Hippolyte, et qu’aucune parcelle de son corps ne manque. Ce trait merveilleux souligne la retractatio de la tragédie païenne : alors que de nombreux lambeaux de chair du héros mythologique ont été définitivement perdus, les reliques du saint miraculeusement rassemblées préfigurent sa future résurrection (Pe. 11, 133-145).

 

Dans le Peristephanon, Prudence évoque d’abord la crypte richement ornée où, désormais, les pèlerins viennent vénérer le tombeau de saint Hippolyte (153-214), puis le temple somptueux qui, un peu plus tard, a été construit à proximité pour accueillir la foule (215-230). Cette église n’a pas été retrouvée. Il est possible qu’il s’agisse de la basilique majeure de saint Laurent qui se trouve à peu près à 400 m de la catacombe d’Hippolyte (Laurence Gosserez, De la célébration de saint Hippolyte par Prudence à celle de saint Saturnin par Venance Fortunat, naissance de l'élégie chrétienne en l'honneur des martyrs, des évêques et des princes, Camenae n°11 – avril 2012 - www.paris-sorbonne.fr).

 

Sa fête était fixée, selon Prudence, aux Ides du mois d’août, c’est-à-dire le 13 août (Pe. 11, 232), d'une année qu'elle ne précise pas, date de son inhumation à Rome, comme le fait la Depositio martyrum, un document romain de 336 inséré dans le Chronographe de 354.

Le Chronographe note : Ypoliti in Tiburtina et Pontiani in Callisti. (cf Hyppolite du quatrain).

Le martyr d'Hippolyte est sanglant ("De sang nager la gent caste hyppolite").

 

Les dernières paroles qu'on entendit prononcer à Hippolyte, furent celles-ci : « Seigneur, ils déchirent mon corps ; recevez mon âme. » Les chevaux franchissant tout ce qui s'opposait à leur passage, le traînèrent à travers les épines, les ronces et les pierres. Les fidèles, fondant en larmes, le suivirent long-temps à la trace de son sang, qu'ils recueillaient respectueusement avec des éponges. Ils ramassaient aussi les lambeaux épars de sa chair et de ses habits (Alban Butler, Vies des pères des martyrs et des autres principaux saints: tirées des actes originaux et des monuments les plus authentiques, Tome 11, 1830 - books.google.fr).

 

Castus est le qualificatif associé à l'Hippolyte antique par divers auteurs comme Sénèque (mort en 65) et Servius (IVème siècle) :

 

"Juvenisque castus crimine incestae jacet, Pudicus, insons" : Ton fils, chaste, pudique, vertueux, est tombé victime du mensonge. (Sénèque, Phèdre) (Oeuvres poétiques de Jean Racine, Tome 3, 1854 - books.google.fr).

 

Lorsque Virgile fait de Virbius le fils d'Hippolyte, « on voit à quel point tous ces récits sont fabuleux : en effet, alors qu'Hippolyte est toujours représenté comme un modèle de chasteté, on invente pourtant qu'il eut un fils » (Servius, Commentarii in Vergilii Aeneidos libros VII, 761. « Adeo omnia ista fabulosa sunt. Nam cum castus ubique inductus sit (...) habuisse tamen fingitur filium. » (Paule Demats, Fabula. Trois études de mythographie antique et médiévale, 1973 - books.google.fr).

 

Pour recoller à l'époque contemporaine de Nostradamus, notons l'existence des cardinaux d'Este prénommés Hippolyte.

 

Or précisément, c'est comme protecteur du culte (templa tuentem) que l'Arioste qualifie, dans une épigramme composée à l'occasion de son accession à l'archevêché de Ferrare, Hippolyte d'Este de castus, de fidèle et vigilant exécuteur des cérémonies sacrées (mystica). Et qui donc en Italie, au lendemain de la mort d'Alexandre VI, pouvait penser que la chasteté du clergé, du plus haut dignitaire au plus modeste desservant, fût indispensable à l'administration du culte ? La question ne se posait même pas. Le rapprochement avec le chaste Hippolyte, fils de Thésée, était amené par le nom même du cardinal, et d'ailleurs cet autre Hippolyte pouvait être considéré surtout comme un observateur fidèle du culte de Diane — divinité païenne, dont les étranges exigences étaient bien démodées ! Avec cela, je crois bien que l'Arioste s'amusa du rapprochement ; mais ce ne put être qu'un sourire intérieur, une intime satisfaction, qui n'altéra pas l'expression déférente de sa physionomie. Repoussons toute idée d'un éclat de rire impertinent ! Beaucoup plus tard, dans une autre poésie latine d'adulation, je trouve une intention malicieuse analogue, mais voilée, à peine perceptible. Il s'agit de la mort du cardinal, le 2 septembre 1520. Le duc Alphonse était tombé gravement malade, à un moment où de sérieuses complications politiques menaçaient Ferrare. Hippolyte, qui était en Hongrie, rentra précipitamment pour venir en aide à son frère; il tomba lui-même malade, mourut — les mauvaises langues dirent: d'une absorption immodérée de homard — et le duc se rétablit. L'Arioste prit prétexte de ces faits pour composer cinq distiques : en vue d'arracher son frère à là mort, Hippolyte offre aux dieux sa propre vie; les dieux l'acceptent, et Alphonse est sauvé. — Plutôt que de souligner ce que cette exagération a de bouffon, il convient de rappeler que, dans les affaires politiques et militaires, le cardinal aida toujours son frère avec le plus réel dévouement. Sur quoi le poète se rappelle la fable de Castor et Pollux, les fils jumeaux de Léda : l'un, Castor, était mortel, comme son père Tyndare, l'autre immortel, en tant que fils de Jupiter. Castor fut tué dans un combat; alors Pollux supplia Jupiter de le rappeler à la vie et de lui accorder l'immortalité Tout ce que put faire le roi des dieux fut de rendre la vie à Castor en faisant mourir Pollux. après quoi Pollux ressusciterait pendant que Castor mourrait à nouveau, et ainsi de suite. Les quatre derniers vers de l'Arioste rappellent cette histoire sous une forme ingénieuse et spirituelle : « Par ta mort, Pollux, tu rachètes Castor, mais tu vas recevoir en retour ce que tu donnes; tu ne succombes pas, tu t'absentes. Ce que donne celui-ci, il ne le recevra de personne, et c'est sans nourrir l'illusion de revenir qu'il franchit le seuil de l'avare Pluton». — N'y a-t-il pas la une façon discrète de dire: « C'est mieux ainsi. Bon voyage! » Nous connaissons bien quelques—uns des griefs de l'Arioste contre le cardinal; mais il ne les a sûrement pas tous révélés. Bien n'était plus opposé au caractère paisible et foncièrement honnête du poète que la nature hautaine, intraitable du cardinal (Études italiennes, Volume 4, 1922 - books.google.fr, Luciano Chiappini, Gli Estensi: mille anni di storia, 2001 - books.google.fr).

 

Hippolyte Ier d'Este (né le 20 mars 1479 à Ferrare, alors capitale du duché de Ferrare et mort le 3 septembre 1520 dans la même ville) est un cardinal italien de la fin du XVe et du début du XVIe siècle. Il est le protecteur de Ludovico Ariosto, l'Homère italien, entré à son service en 1504, et qui ne cessa de travailler à son chef-d'œuvre, Le Roland furieux (Orlando furioso), subtile parodie du poème chevaleresque, de fait une suite au Roland amoureux de Matteo Maria Boiardo, son prédécesseur Hippolyte Ier d'Este est l'oncle du cardinal Ippolito II d'Este (1509-1572), archevêque de Lyon de 1539 jusqu'en 1551, entre autres (fr.wikipedia.org - Hippolyte Ier d'Este).

 

à telle enseigne : Prudence

 

ENSEIGNE n.f. et n. m. est issu (1080), d'abord sous la forme archaïque ensenna (v. 980) du latin classique insignia « décoration », « parure », pluriel du mot neutre insigne, pris comme nom féminin à basse époque. Ce mot dérive de l'adjectif insignis « distingué par une marque particulière », « remarquable, singulier », de la famille de signum « marque distinctive », « signal » et « enseigne distinguant les divisions d'une armée » (Alain Rey, Dictionnaire Historique de la langue française, 2011 - books.google.fr).

 

19-22 : inuenio Hippolytum, qui quondam schisma Nouati presbyter attigerat nostra sequenda negans, usque ad martyrii prouectum insigne tulisse lucida sanguinei praemia supplicii... : je découvre qu'Hippolyte qui avait touché autrefois le schisme de Novat, en tant que prêtre, niant qu'il fallût suivre notre religion, fut conduit jusqu'à la gloire du martyre et remporta les récompenses lumineuses du supplice sanglant. Le schisme novatien, analogue au donatisme (rigorisme face aux lapsi, rebaptême), suivit l'élection du pape Corneille (251). S. Hippolyte qui, comme Tertullien, s'était opposé au pape Calliste, ne pouvait être novatien : le martyr est mort en 235 (Prudence reflète la tradition fautive de l'inscription damasienne ; cf. FEIERTAG 1990 pp. 127. 129 et n. 25). La scission (schisma) provoquée par cette secte sera comme expiée dans le supplice du martyr (cf. v. 119 scissa... frusta). [...] martyrii... insigne : l'autorité nouvelle de s. Hippolyte, futur martyr, l'amène à ne mentionner au v. 33 que cette qualité, titre de gloire (insigne, cf. perist. 2, 10) qui éclipse sa dignité de prêtre (Pierre-Yves Fux, Les sept passions de Prudence: (Peristephanon 2.5.9. 11-14) ; introduction generale et commentaire, 2003 - books.google.fr).

 

Si on s'en tenait à Prudence, on pourrait penser que Nostradamus s'inspire uniquement de cet auteur. Mais il met en relation Hippolyte avec Pertinax, tous deux exemples de vertu, l'un chrétien, l'autre païen qui invoqua, selon Dion Cassius, quand on l'assassinait, le rare Jupiter Ultor (vengeur), probablement à proximité d'un temple voué à ce dieu peut-être par Commode. Une monnaie de ce dernier datant de 191 fait connaître ce Jupiter.

 

À cette reconstitution, F. Coarelli est venu apporter un élément décisif : en relisant le Chronographe de 354, il a pu établir que le dies imperii de Sévère Alexandre coïncidait avec le dies natalis de Jupiter Cultor, dieu non attesté ailleurs et dans lequel il propose de voir le nom mal transmis de Jupiter Ultor, ce qui a le mérite de lever l'obscurité qui grève l'épiclèse inconnue de Cultor. Les quatre minces attestations que nous avons de Jupiter Ultor autoriseraient cette reconstitution : Sévère Alexandre aurait redédié le temple du tyran fraîchement abattu (et qui avait voulu sa mort) au dieu sous les auspices duquel il avait à la fois obtenu l'Empire et la vie sauve; c'était donc bien un Jupiter Justicier qu'il avait à cœur d'honorer. Quelques remarques peuvent venir compléter ce dossier. Les représentations de Jupiter Ultor dans le monnayage de Sévère Alexandre sont tout à fait semblables à l'image du dieu dans le monnayage commodien de 191 : c'est donc un même type qui est repris, celui d'un dieu protecteur particulièrement attaché à la personne de l'empereur, doté d'une épiclèse qui rappelle singulièrement le Mars honoré par Auguste. Cette continuité iconographique mérite d'être soulignée. On se souvient d'autre part que Pertinax mourant, à la sortie du Palais impérial, avait invoqué Jupiter Ultor. On ne peut s'empêcher de s'étonner que ce même dieu revienne à l'honneur trente ans plus tard. On sait que Septime Sévère a repris l'héritage de Commode et de Pertinax (il était même, nous dit l'Histoire Auguste, quasi Pertinacis ultor) : Jupiter Ultor est donc, à plusieurs titres, partie intégrante de la propagande religieuse et impériale des années 190. Me fondant sur ces convergences, j'avais émis l'hypothèse d'un lieu - peut-être déjà un temple — consacré à Jupiter Ultor au moins sous Septime Sévère et peut-être déjà sous Commode sur l'emplacement de la Vigna Barberini, à proximité duquel - ou sur lequel - s'effondre Pertinax. (François Chausson Le site de la Vigna Barberini de 191 à 455, La Vigna Barberini, Roma Antica, 1997 - books.google.fr).

 

Prudence utilise l'adjectif "pertinax" dans son poème sur sainte Agnès (Peristephanon 14) pour décrire sa formidable et masculine résistance (stabat feroci robure pertinax, v. 18) (Laure Chappuis Sandoz, "Cachez ce sein", Langages et métaphores du corps dans le monde antique, 2008 - books.google.fr).

 

L'auteur chrétien ne semble pas mentionner dans son oeuvre l'empereur.

 

Aurelius Prudentius Clemens, dit Prudence (né en 348 à Calagurris (auj. Calahorra), patrie également de Quintilien, dans le nord de l'Espagne - mort entre 405 et 410) est un poète lyrique latin qui mit sa poésie au service de la religion chrétienne (fr.wikipedia.org - Prudence (poète)).

 

Hippolyte et Pertinax

 

La rencontre de saint Hippolyte et de Pertinax se fait en particulier dans le Chronographe de 354. Ils se retrouvent aussi dans les dates qui leur sont associées : le mois d'août (1er août naissance de Pertinax et 13 août pour la fête d'Hippolyte).

 

On apprend par un livre attribué à Hippolyte de Rome, Réfutation de toutes les hérésies, que Calliste, esclave de Carpophore attaché à la maison impériale, à la suite de malversations financières, fut envoyé en exil en Sardaigne, où des chrétiens avaient déjà été déportés. Marcia, favorite de Commode, obtient de lui de faire libérer certains de ces adeptes du christianisme auquel elle s'intéressait. La liste des libérés fut établie par l'évêque de Rome Victor (190-200 : sous Commode, Pertinax et Septime sévère). Calliste devint évêque de Rome en 218 jusqu'en 223, et c'est lui auquel Hippolyte s'opposa (Albert Réville, Saint Hippolyte, Revue des deux mondes, Tome 57, 1865 - books.google.fr).

 

La commémoration officielle des papes, la Depositio martyrum s'ouvre en 222 avec la déposition de Callixte Ier, tandis que la Depositio episcoporum offre une liste ininterrompue de papes qui débute précisément par la déposition du successeur de Corneille, Lucius. Le fait est que Corneille est exclu des deux listes. Il est difficile de croire que ce ne fut pas intentionnellement. C'est évident pour la Depositio episcoporum. Ce l'est encore davantage pour la Depositio martyrum, puisque Cyprien considérait Corneille comme martyr et que ce titre fut gravé sur sa plaque funéraire (Revue d'histoire ecclésiastique, Volume 61,Numéros 1 à 2, 1966 - books.google.fr).

 

De nombreux écrits et de très nombreux fragments nous sont parvenus sous le nom d'Hippolyte. Eusèbe traite de ce personnage: ce qu'il sait de lui, c'est qu'il «avait présidé à une Eglise quelque part» (Histoire de l'Eglise VI, 20,2) à l'époque de Septime Sévère (193-211) et de Caracalla (211-217). Un peu plus loin, se référant à à l'époque de Sévère Alexandre (222-235), Eusèbe précise qu'Hippolyte avait composé un traité Sur la Pâque, dans lequel il établissait un calcul chronologique pour la établissait un calcul chronologique pour la détermination de la date de Pâques, basé sur la première année de règne de l'empereur (222) ; enfin Eusèbe donne une liste de huit de ses écrits, qu'il avait certainement trouvés (les livres ou la liste ?) dans les bibliothèques de Jérusalem et de Césarée: Sur l'Hexameron; Sur ce qui suit l'Hexameron; Contre Marcion; Sur le cantique; Sur des passages d'Ezéchiel; Sur la Pâque; Contre toutes les hérésies (VI, 22). Après Eusèbe, deux autres notices évoquent Hippolyte, non comme écrivain mais comme martyr. Un calendrier romain, appelé Chronographe de 354, mentionne qu'en 235 l'évêque de Rome Pontien et le presbytre Hippolyte furent déportés en Sardaigne ; la Depositio martyrum, incluse dans le même texte et contenant les dates de mort des martyrs ainsi que l'indication de leur sépulture, signale qu'Hippolyte fut enseveli un 13 août dans le cimetière de la Via Tiburtina qui porte encore aujourd'hui son nom. Il serait donc mort en Sardaigne, en même temps que Pontien, et les deux corps auraient été ramenés à Rome et ensevelis comme martyrs. A peu près dans les mêmes années, une épigramme de Damase, évêque de Rome de 366 à 384, raconte que le presbytre Hippolyte fut un disciple du schismatique Novatien, mais qu'au cours de la persécution il revint à la droite foi et qu'avant de mourir, il recommanda à la communauté de suivre le parti catholique. Il s'agit d'un développement légendaire, qui veut opposer à l'hérétique Novatien, postérieur à Hippolyte, le témoignage d'un martyr vénéré (cependant, si l'hypothèse de Brent mentionnée ci-dessous est correcte, cette légende pourrait conserver le souvenir réel d'une réconciliation, opérée par Hippolyte, de deux partis dans l'Eglise romaine). L'identification de l'écrivain et du martyr apparaît dans deux passages de Jérôme (préface au Commentaire à Matthieu; lettre 36,16), qui mentionne plusieurs fois Hippolyte. Dans son ouvrage Les Hommes Illustres (chapitre 61), Jérôme dépend d'Eusèbe pour ce qui est de l'identité d'Hippolyte, mais il mentionne douze autres textes [...] On trouva à Rome, en 1551, d'une statue mutilée de sa partie supérieure, représentant une personne assise sur un trône portant des inscriptions. Y était inscrite sur les deux côtés une table permettant de calculer la date de Pâques à partir de l'année 222; sur le montant postérieur droit, une liste de titres d'œuvres, que l'on considéra naturellement avoir été composées par le même auteur que le calcul des dates de Pâques, inclus dans la liste. Les deux premières lignes sont perdues, excepté les dernières lettres ; les autres œuvres étaient : Autour des Psaumes; Autour du ventriloque; Pour l'Evangile selon Jean et l'Apocalypse; Tradition apostolique sur les charismes; (Livres) de chroniques; Contre les Grecs et contre Platon, ou aussi sur l'univers; Exhortation à Séverine; Démonstration des temps de la Pâque et ce qui est dans la table (c'est-à-dire dans la table de calcul gravée sur la statue) ; Odes sur toutes les Ecritures; Sur Dieu et la résurrection de la chair ; Sur le bien et d'où vient le mal. Du fait que le calcul pascal correspondait à ce qu'Eusèbe disait de celui d'Hippolyte et qu'une partie des titres gravés correspondait à ceux que la tradition attribuait à Hippolyte, la statue fut identifiée comme celle du martyr Hippolyte, et le calcul ainsi que la liste des œuvres lui furent attribués . (Claudio Moreschini, Enrico Norelli, Histoire de la littérature chrétienne antique grecque et latine, Tome 1, traduit par Madeleine Rousset, 2000 - books.google.fr).

 

Selon l'Histoire Auguste, Septime Sévère fut d'ailleurs proclamé empereur par ses légionnaires à Carnuntum à quarante-deux kilomètres à l'est de Vienne (Autriche), aux ides d'Août, soit le 13 août, fête d'Hippolyte (Scriptores historiae avgvstae, Volume 1, présenté par Hermann Peter, 1865 - books.google.fr).

 

Contrairement à l'opinion traditionnelle, la statue ne se serait pas trouvée à côté de la catacombe de saint Hippolyte, mais dans la bibliothèque du Panthéon, organisée par Jules l'Africain à Rome, sous l'ordre de l'empereur Alexandre Sévère. La liste gravée sur le trône serait alors une sorte de « fichier » contenant les titres des ouvrages présents dans ce secteur précis de la bibliothèque (Cristian Badilita, Métamorphoses de l'antichrist chez les pères de l'église, 2005 - books.google.fr).

 

Quatrains V,52 et IX,62 : 260 ans

 

On retrouve Pertinax, en toutes lettres, au quatrain IX,62 daté de 2149-2150, soit 260 années après celui-ci. Là, il semble qu'il soit question de Clément d'Alexandrie, qui écrivit Les Stromates ("tapisseries" en grec) ou des tapis perses d'Ushak, possible ancienne Keramon Agora. Le fondateur de l'empire perse est Cyrus le Grand, le libérateur des Juifs contemporain du prophète biblique Daniel. Mais Keramon Agora voit le passage de Cyrus le Jeune révolté, mort en -401, contre son frère Atarxersès II. Xénophon le relate dans son Anabase, récit de la retraite des Dix Mille, alliés grecs de Cyrus le Jeune, dont l'auteur faisait partie. 520 ans, le double de 260, avant le quatrain IX,62, et 260 ans avant le quatrain V,52, le quatrain I,98 mentionne "Cinq mille en Crète" : 5000 moitié de 10000.

 

En l'an 7 d'Artaxerxès II, après la défaite de Cyrus-le-Jeune révolté contre lui, que les circonstances se déclarèrent pour les Juifs. [Le roi de Perse prononce un second édit après celui de Cyrus]. Esdras ramenant à Jérusalem sa troupe d'émigrants y trouva comme grand prêtre Johanan ben Eliaschib le petit-fils de cet Eliaschib qui avait porté la tiare sous l'administration de Néhémie. (Albin Hoonacker, Nouvelles études sur la restauration juive après l'exil de Babylone, 1896 - books.google.fr).

 

Sulpice Sévère parle du même Artaxersès, frère de Cyrus le Jeune (Sulpice Sévère, Oeuvres de Sulpice Sévère, traduit par M. Herbert, 1848 - books.google.fr).

 

Dans le Livre II de l'Histoire sacrée, Suplice Sévère, au sujet de la prophétie des 70 semaines du prophète biblique Daniel, note : "On trouve enfin un intervalle de 260 ans entre le commencement de la captivité des Juifs et la restauration de Jérusalem" (Sulpice Sévère, Oeuvres de Sulpice Sévère, traduit par M. Herbert, 1848 - books.google.fr).

 

La Prophétie des Soixante-Dix semaines (ou littéralement « soixante-dix fois sept ») fait partie chapitre 9 du Livre de Daniel. Elle est prononcée par l'ange Gabriel à l'attention de Daniel. Cette prophétie fait aussi bien partie de l'histoire juive que de l'eschatologie chrétienne. Cette prophétie est une ré-interprétation d'un oracle du livre de Jérémie annonçant la ruine de Babylone (25,12) et le retour de l'exil (29,10) (fr.wikipedia.org - Prophétie des soixante-dix semaines).

 

Dans ses Stromates, Livre I, Clément d'Alexandrie, qui comme d'autres commentateurs considère la semaine de la prophétie de Daniel comme 7 années, fait commencer les soixante-dix semaines à la première année du règne de Cyrus en Perse (que l'on suppose dater de l'an 560) ; et il les finit à la destruction du Temple par Titus (c'est une durée de 630 ans : il y a donc une erreur de 140 ans). Clément entend du Christ l'expression "agios agiôn" du verset 24 et, au fond, il fait finir les soixante-dix semaines à Jésus-Christ. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il se trompe dans les supputations, qu'il s'égare au sujet du décret de Cyrus et en rapportant la première semaine de la prophétie à la construction du Temple. Voici ce qu'il dit à ce sujet : « Que le temple ait été bâti dans sept semaines, c'est une chose évidente, car cela est écrit dans le livre d'Esdras. Ainsi il y a eu à Jérusalem un Christ - Chef des Juifs, après que sept semaines ont été accomplies. Au reste, dans les soixante-deux semaines, toute la Judée fut en repos et il n'y eut point de guerre, et Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Saint des Saints étant venu, et ayant accompli la Vision et le Prophète, fut oint dans sa chair par l'Esprit de son Père. » Ainsi, le docte chef de l'école des catéchètes d'Alexandrie fixe la fin des sept premières semaines à la reconstruction du Temple et il se réfère à Esdras, de sorte que le terminus a quo de ces semaines serait le décret de Cyrus (1, Esdr., I, 1) et le terminus ad quem la seconde année de Darius (Esdr., VI). Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que, dans le texte de Daniel, il n'est pas parlé de la reconstruction du Temple (Abbé Jules Fabre d'Envieu, Le Livre du prophète Daniel, traduit d'après le texte hébreu, araméen et grec, avec une introduction critique ou défense nouvelle du livre et un commentaire littéral, exégétique et apologétique, 1891 - books.google.fr).

 

La captivité des Juifs est synonyme d'Exil de Babylone (586 avant notre ère). Il est bien question d'exilés dans le quatrain V,52, qui peuvent endosser plusieurs identités.

 

S'il est vrai, comme semblent l'affirmer certaines traditions historiques, qu'à la mort du patriarche Juda les souffrances des Judéens s'aggravèrent, elles nedurèrent, en tout cas, que jusqu'après la mort de l'empereur Sévère. Celui-ci, qui avait pris également le nom de son prédécesseur Pertinax, et dont on disait qu'il méritait bien de s'appeler Severus et Pertinax (cruel et entêté), en voulut aux Judéens jusqu'à la fin de sa vie (219) de l'émeute que quelques écervelés avaient fomentée parmi eux. Lui mort, la situation des Judéens s'améliora, et ils furent relativement tranquilles jusqu'à l'époque où le christianisme arriva au pouvoir. Sous le règne des trois premiers successeurs de Sévère, Rome subit l'influence des mœurs syriennes. Les mères de ces empereurs, qui dirigeaient la politique romaine, Julie Donna, femme de Sévère, sa sœur, Julie Maesa, et les filles de cette dernière, Julie Soemia, mère d'Héliogabale, et Julie Mammée, mère d'Alexandre Sévère, étaient outes originaires de la Syrie (Emesa), et leurs enfants introduisirent à Rome des dieux et des pratiques empruntés à leur pays. En Syrie, les Judéens entretenaient des relations cordiales avec les autres habitants ; il y avait particulièrement à Emesa, lieu d'origine des successeurs de Sévère, des prosélytes juifs très riches ; l'entourage de ces empereurs était donc habitué à traiter les Judéens avec justice et bienveillance. Caracalla accorda les droits de citoyen à tous les habitants de l'empire romain, et s'il ne parvint pas à la faire disparaître complètement, du moins il effaça en grande partie la distinction qui existait entre latins et non-latins. Il avait un compagnon d'enfance juif auquel à témoignait une profonde sympathie (Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, 2016 - books.google.fr).

 

Sulpice-Sévère (Sulpicius Severus), né en Aquitaine vers 363 et décédé au cours du premier quart du Ve siècle, est un chroniqueur et un ecclésiastique de langue latine. Son ouvrage principal est une chronique appelée aussi l’Histoire sacrée, en deux livres (Chronicorum Libri duo ou Historia sacra), qui s'étend de la création du monde à l'an 410, et dont le style élégant et concis lui a valu le nom de Salluste chrétien. Cet ouvrage constitue une source importante sur l'affrontement entre l’arianisme et le priscillianisme dans les Gaules. Il rédigea également une Vie de saint Martin, ouvrage qui fut très populaire au Moyen Âge (fr.wikipedia.org - Sulpice-Sévère).

 

Hippolyte, dit de Rome, a écrit un Commentaire sur Daniel. La chaste Suzanne est la préfiguration de l’Église, l’épouse immaculée du Christ, persécutée par deux peuples : les Juifs et les païens. Pour la première fois dans la littérature patristique, nous voyons apparaître les dates du 25 décembre (un mercredi - 42e année de l’empereur Auguste) et du 25 avril pour désigner le jour de la naissance et de la mort du Christ. Ce passage semble être une interpolation, très ancienne cependant (Luc Fritz, Littérature chrétienne du IIIe s. (II) : Hippolyte de Rome, Lire les Pères de l’Église, Cours de patrologie de soeur Gabriel Peters o.s.b. (1981), 2017 - www.patristique.org).

 

Ce commentaire serait le plus ancien traité d’exégèse connu de l’Église chrétienne. Cette œuvre fut écrite vers 202/204 quelques années après celle sur l'Antichrist dans laquelle Hippolyte avait tenté d'apaiser les inquiétudes concernant la fin du monde, tout en se gardant d'en prédire le moment. Insatisfaits sur ce dernier point, ses lecteurs vont l'interroger à ce sujet jusqu'à ce qu'il leur cède. Hippolyte se laisse d'autant mieux convaincre que l'Église subit alors la cruelle persécution de Septime Sévère qui semble augurer le retour du Christ. S'il blâme ceux qui s'affairent avec curiosité à découvrir la date de ce retour, il consent néanmoins à parler : "Tu ne comprends pas qu'en cherchant pareille chose [la date de la parousie] tu t'exposes toi-même au danger, puisque tu désires voir arriver le jugement [...] À quoi bon alors cette étude indiscrète des temps et cette enquête sur le Jour [du Seigneur], quand le Sauveur lui-même nous l'a caché ? Dis- moi : sais-tu le jour de ta mort, pour t'inquiéter ainsi de la fin du monde entier ? Si Dieu n'avait pas à notre égard de la patience à cause de la surabondance de sa miséricorde, il y a longtemps que tout serait fini. [...] Mais pour ne pas, même sur ce point, refuser des éclaircissements à la curiosité humaine, nous nous voyons obliger de dire ce qu'il n'est pas permis de dire." (IV, XXII-XXIII). (Cristian Badilita, Métamorphoses de l'antichrist chez les pères de l'église, 2005 - books.google.fr).

 

C'est qu'en effet, parmi les livres bibliques, celui de Daniel comporte plus que les autres des prophéties sur la fin du monde et sur la date de ce grand événement. Le commentaire qu'en donne Hippolyte vise à rassurer les fidèles. Selon lui, le monde doit durer six mille ans ; cinq mille cinq cents ans s'étant écoulés depuis la création jusqu'au Christ, les chrétiens auxquels s'adresse Hippolyte n'ont pas à craindre la parousie pour leur temps. L'ouvrage apocryphe intitulé La vie d'Adam et Ève où l'Archange Michel prédit la venue du Sauveur à Ève et à son fils Seth après cinq mille cinq cents ans (Saint Hippolyte de Rome - guerisonetdelivrance.e-monsite.com).

 

Rome et prophétie de Daniel

 

Caligula entendit imposer sa divinité à tous et sa statue dans le temple de Jérusalem. Cette attitude qui faisait suite à celle de Séjan qui voulait écarter les juifs de Rome ne pouvait que provoquer un incident, et par la suite une agitation dans Rome que la légation auprès de l'empereur de Juifs, notamment Philon d'Alexandrie, n'apaisa pas. Plus tard, Claude devait rappeler les limites de « sa bonté » aux juifs, tout en maniant l'expulsion à propos de laquelle Suétone (Claude, 25) ne distingue pas les juifs des chrétiens, tandis que Néron ayant aboli l'égalité politique de ceux-ci et des Syriens de Césarée déclencha une violente riposte dont le fondement était le refus de sacrifier pour la sauvegarde de l'empereur. Il s'en suivit une lutte armée en Judée. [...]

 

Après des révoltes à l'époque de Trajan et surtout d'Hadrien, la situation ne devait s'améliorer qu'à l'époque d'Antonin le Pieux et, en fait, surtout des Sévères. Pour toutes ces raisons, Rome fut vue par les juifs d'une manière totalement négative. Car il ne faudrait pas se laisser prendre au piège de l'évolution du IIe siècle qui, dans leur esprit, vit le rapprochement des Juifs et des Romains, vus comme des frères, notamment dans le Midrash exégétique sur la Genèse. C'étaient, en effet, des frères ennemis, comme autrefois Jacob et Esaü. Le premier symbolisait Israël, était un myrte odoriférant, le second, un églantier épineux, Rome. Comme elle, il était roux (raison de cette assimilation : malédiction des roux, ou usage de la pourpre par les Romains ?), comme elle, il était un voleur, comme elle, il était un être lubrique, comme elle, enfin, il était un idolâtre face au serviteur du vrai Dieu (Jacob) (M. Hadas- Lebel, 1990, p. 467, 473).

 

Tout cela devait être balayé par le Messie, à venir dans la douleur, quand tout royaume aurait cessé d'opprimer Israël. Cela, Rabbi en avait averti l'empereur Antonin le Pieux dans un dialogue fictif (parallèle avec les fausses lettres de saint Paul et Sénèque, plus tardives). Le vers d'Abdias (18) à propos d'Esaü (« il n'y aura pas un rescapé de la maison d'Esaü ») étant applicable à Esaü-Edom, c'est-à-dire Rome (Aboda Zara, 10b). Alors Rome symbolisa le quatrième empire (après les empires babylonien, mède, grec), un empire agité, « au-dessus de l'Abîme », notamment dans les commentaires de la seule apocalypse canonique, le livre de Daniel (apparu au début du IIe siècle avant J.C.). Rome y était même assimilée à un porc, à un animal qui ne rumine pas, comme les précédents empires (les animaux qui ruminent « entraînant » à leur suite un successeur) (Bernard Rémy, Rome, ville et capitale, de César à Commode: la ville et le prince, 2001 - books.google.fr).

 

Chronologies chrétiennes

 

Un des premiers soucis des apologistes chrétiens sera-t-il de prouver l'antériorité de l'histoire sainte - celle des juifs rapportée dans l'Ancien Testament - sur celle des civilisations païennes ; héritiers du judaïsme, ils s'estiment fondés à revendiquer pour eux-mêmes le prestige de l'antiquité. A un Celse qui les accuse d'avoir plagié Platon, ils rétorquent en prouvant que Moïse est plus ancien que Platon et, partant, que c'est Platon qui s'est inspiré de Moïse. C'est dans cet esprit que les premiers chronographes vont établir des des listes d'événements classés selon le seul critère de la succession temporelle. Vers les années 200, Clément d'Alexandrie, Jules l'Africain et Hippolyte de Rome transformèrent la chronologie hellénistique en une science chrétienne par l'adjonction des listes d'évêques aux listes de rois et de magistrats du monde païen. En adhérant à la doctrine millénariste (la fin du monde sera précédée d'un règne heureux du Christ Sur la terre d'une durée de mille ans), certains de ces auteurs avaient inclus leur chronologie dans une histoire totale allant de la naissance du monde à la fin des temps. [...] Avec Eusèbe de Césarée, nous entrons dans l'ère des chronologies savantes et, pourrait-on dire, déjà scientifiques. Certes, il s'inspire de Jules l'Africain dont il a prolongé la chronologie jusqu'au début du IV° siècle, mais il est le premier à notre connaissance qui ait disposé sa chronologie en colonnes parallèles situant les uns par rapport aux autres événements juifs, chrétiens et païens. [... ] Jérôme, de son côté, en traduisit en latin la deuxième partie (les tables synchroniques), la prolongeant jusqu'à l'année 375. [...] Nous ne ferons que mentionner ici les chroniques suivantes : celle du chronographe de 354 qui a inséré une chronologie au milieu d'une compilation plus vaste, celle de Sulpice Sévère qui conduit jusqu'en 400, celle de Prosper d'Aquitaine qui va jusqu'en 433, le Chronicon d'Hydace (427-470) qui poursuit la chronique de Jérôme jusqu'en 468. La liste s'allongera au fil de l'histoire (Jean-Marie Mayeur, Luce Pietri, André Vauchez, Marc Venard, Naissance d'une chrétienté (250-430), Histoire du christianisme, Tome II, 1995 - books.google.fr).

 

Typologie : 1890

 

Il faut souligner qu’avec Hippolyte la typologie inaugurée par l’Ecriture elle-même, et mise en valeur par saint Justin déjà, atteint sa « promotion décisive » : l’Ancien Testament est une Ecriture chrétienne et c’est en ce sens qu’elle est expliquée à la communauté, les réalités de l’Ancien et du Nouveau Testament se correspondent (Luc Fritz, Littérature chrétienne du IIIe s. (II) : Hippolyte de Rome, Lire les Pères de l’Église, Cours de patrologie de soeur Gabriel Peters o.s.b. (1981), 2017 - www.patristique.org).

 

Histoire Auguste

 

Une irritante quaestio uexata divise les spécialistes depuis plus d'un siècle – depuis l'article fondateur de Hermann Dessau publié en 1889: qui est l'auteur de l'Histoire Auguste ? (Stéphane Ratti, Nicomaque Flavien Senior auteur de l'Histoire Auguste, Historiae Augustae Colloquium Bambergensis, 2007 - books.google.fr).

 

Les études sur l'Historia Augusta (HA) n'ont cessé d'intéresser les philologues et les historiens de l'Empire romain depuis qu'en 1889 Hermann Dessau, élève de Mommsen, a émis la double hypothèse qu'elle était l'œuvre d'un seul auteur et qu'elle avait été écrite vers la fin du IVe siècle (Uber Zeit und Persönlichkeit der Scriptores Historiae Augustae, «Hermes» XXIV (1889)). En 1890, Mommsen accepte la preuve de Dessau que l'Historia Augusta a été écrite à la fin du IVème siècle. Theodor Mommsen est celui qui donna sa dénomination de "Chronographe de 354" au Calendrier de Philocalus, dans Veberden Chronograph des Jahres 354, Leipzig en 1850. Il faut mentionner, en 1963, [le] retentissant ouvrage de J. Straub, Heidnische Geschichtsapologetik in der christlichen Spätantike. Les conclusions avancées par l'auteur portaient principalement sur la date et la tendance de l'HA. Elles aboutissaient à une datation tardive — vers 420 — et à la mise en évidence de la tendance païenne de ce qui est à ses yeux une Historia adversus christianos (Thérèse Liebmann-Frankfort, Quelques études récentes sur l'Histoire Auguste (Bonner Historia-Augusta-Colloquium 1964/1965 ; Bonner Historia-Augusta-Colloquium 1966/1967 ; Elio Pasoli, lulius Capitolinus, Opilius Macrinus. Introduzione, testo critico, traduzione, note a cura di E. P.). In: L'antiquité classique, Tome 38, fasc. 2, 1969 - www.persee.fr).

 

En premier lieu, le recueil de biographies impériales (d'Hadrien à Numérien) connu sous le nom d'Histoire Auguste, qui, d'après H. Stern, Date et destinataire de l'Histoire Auguste (1953), aurait été alors rédigé pour le compte de sénateurs païens de Rome, désireux d'obtenir le pardon de Constance (mais cette thèse n'a d'ordinaire pas été acceptée : cf. en particulier E. Hohl, Historia IV [1955] 220 ss.): c'est dans les mêmes milieux qu'est composé le recueil composite du « chronographe » de 354, cf. H. Stern, Le Calendrier de 354. Étude historique et archéologique (1953) (Ernst Stein, Histoire du Bas-Empire: De la disparition de l'Empire d'Occident à la mort de Justinien (476-565), 1959 - books.google.fr).

 

Le terme "Auguste" qui qualifie cette Histoire, est aussi en lien étymologique avec le nom du mois d'août, augustus en latin.

 

Alya

 

La première vague d'alya eu lieu entre les années 1882-1903 et bénéficia du titre de première alya. C'est la première vague d'immigrants qui arriva en Erets Israël avec une idéologie nationale. Ces années là arrivèrent dans le pays près de 25 000 juifs venant de Russie, de Roumanie et 2500 juifs arrivèrent du Yémen. Les personnes arrivées lors de la 1ère alya, vinrent en deux vagues, à cause des pogroms, des émeutes et des complots contre les juifs. La première vague de nouveaux immigrants arriva à cause des émeutes contre les juifs qui se passaient en Russie dans les années 1881-1882, et la deuxième vague arriva dans les années 1890-1891 suite aux nouveaux décrets imposés aux juifs de Russie, et l'expulsion de ceux-ci hors de Moscou. L'arrivée des juifs du Yémen était due à leur amour de la Terre d'Israël ainsi de leur grand désir d'assister à l'arrivée du Messie (www.moia.gov.il).

 

Une préoccupation constante parcourt l’œuvre d’Hippolyte, c’est celle de la communauté chrétienne contemporaine : la date de la fin du monde. Les montanistes avaient alerté les esprits en annonçant une venue imminente du Paraclet et la crainte règne : la Parousie ne serait-elle pas proche ? Où est le temps où les chrétiens voulaient hâter de leurs prières cette venue attendue avec amour et espoir ? (Luc Fritz, Littérature chrétienne du IIIe s. (II) : Hippolyte de Rome, Lire les Pères de l’Église, Cours de patrologie de soeur Gabriel Peters o.s.b. (1981), 2017 - www.patristique.org).

 

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