Impostures religieuses V, 32 1875-1876 Ou tout bon est, tout bien Soleil et Lune, Est abondant, sa ruyne s'approche, Du ciel s'advance de vaner ta fortune, En mesme estat que la septiesme roche. "septiesme roche" Le poëme des «Neuf Roches,» longtemps attribué à Suso, et aujourd'hui restitué à Rulmann Merswin (Bibliographie : Auguste Juindt, Les Amis de Dieu au XIVe siècle, Revue chrétienne, 1879
- books.google.fr). Les hommes du septième rocher ont triomphé de ce désir (de recevoir des consolations et révélations surnaturelles); aussi Dieu leur communique-t-il les
dons de sa grâce. Mais quand il leur arrive de recevoir de Dieu quelque révélation surnaturelle ou quelque vision merveilleuse, non seulement ils y trouvent
une jouissance excessive, mais ils s'efforcent encore d'en provoquer le retour en prenant le sacrement de la cène (Livre des neuf roches) (Auguste Jundt, Les amis de Dieu au quatorzième siècle, 1879
- books.google.fr). Les Amis de dieu Ne négligeons pas, toutefois, la postérité spirituelle que Tauler eut, dès la fin du XIVe siècle, à Strasbourg même. L'un de ses dirigés les plus dignes
d'intérêt fut Rulman Merswin (1307-1382), un banquier, qui, vers la quarantaine, se convertit, renonçant à la vie mondaine. Après la mort de son directeur de conscience,
Merswin consacra son argent à la seule affaire qui lui tint à cœur. Dans un prieuré bénédictin désaffecté, au milieu du quartier maraîcher, il fonda la commanderie de Saint
Jean de l'île Verte, où s'établirent des prêtres de l'ordre des Hospitaliers. Lui-même vint y demeurer. Il composa quelques ouvrages où la doctrine taulerienne est exposée, non
sans conviction certes, mais dans un langage dont la clarté n'est pas la qualité maîtresse. La mystique pure y côtoie des considérations morales qui manquent un peu de relief.
L'un de ces écrits, Le livre des neuf rochers, jouit cependant d'une certaine faveur (Louis Châtellier, Le Diocèse de Strasbourg, 1982
- books.google.fr). "ruine" L'ascétisme exagéré de Merswin ruine sa santé physique et mentale au point que son confesseur, le dominicain strasbourgeois Jean Tauler, disciple
de Maître Eckhart, le supplie de cesser ses exercices (Jean-Jacques Bedu, Les Initiés: De l'an mil à nos jours, 2018
- books.google.fr). "fortune" Si enfin, dans l'adversité, il reste, en perdant sa fortune, calme, tranquille comme s'il n'avait jamais rien possédé, celui-là sera véritablement pauvre d'esprit,
lors même qu'il posséderait l'empire d’Auguste et les trésors de Crésus. Non-seulement il aura l'empire du ciel promis dans l'Évangile aux pauvres d'esprit, mais,
au jugement dernier, il siégera avec le Christ pour juger les avares et les impies, parce qu'il ne se sera pas laissé posséder par les richesses, et qu'il n'aura eu
dans son coeur d'autre désir que celui de Dieu (Henri Suso, Discours spirituels, III : De la mort spirituelle) (Oeuvres du B. Henri Suso, de l'ordre des Frères prêcheurs, 1852
- books.google.fr). Soleil et Lune La terre est le dernier de tous les éléments, celui de tous qui est le plus éloigné du soleil. C'est pour cela que le ciel la poursuit pour ainsi dire
avec toute son énergie, que le soleil, la lune et les étoiles la fécondent bien plus par leurs influences que les autres éléments plus élevés. C'est dans l'endroit
le plus bas de la vallée que l'eau s'écoule en plus grande abondance. Les vallées sont ordinairement bien plus fertiles que les montagnes. Ce mépris sincère de soi-même
nous introduit dans l'abîme de la Divinité. C'est là que nous nous écoulons en nous perdant nous-mêmes; car l'abîme créé attire en soi par sa profondeur l'abîme incréé,
et devient une seule chose avec lui. Là , le coeur devient tellement humble et résigné, que, s'il pouvait être anéanti, et que Dieu voulût qu'il le fût, il le serait
volontiers par l'amour qu'il a pour son néant : car il ne sait rien, n'aime rien, ne goûte rien que l'unique nécessaire. Ils sont bienheureux les
yeux qui voient de cette sorte (Jean Tauler, Sermons de Jean Tauler, le docteur illuminé, Tome 2, 1855
- books.google.fr). Au dire de Michael Maier, les «Frères» avaient un sigle qui devait résumer leur doctrine par une représentation facile à retenir.
De ce sigle ou acrostiche, il nous donne le commentaire suivant : «Les éléments de ces lettres ne sont pas fantaisistes.
R signifie ROBIES» (frénésie, passions) «C au milieu LUNA» (lune) «car si le SOLEIL (O) parvient entre eux (médiant) ils produisent
un coeur (COR) qui est la première chose dans le corps humain; et si (ce coeur) est sincère; il peut être un sacrifice unique et agréable à Dieu, selon la volonté».
Autrement dit le Soleil (O) est le médiateur entre l'homme sujet aux passions (R) et la Nuit ou Lune (C) unité primitive. JE au sommet gauche symbolise Jésus qui forme
sur le plan de l'incarnation un autre lien entre R et C. S qui supporte et joint JE et R symbolise le sacrifice du salut. Nous retrouvons ainsi dans le mĂŞme ordre de
subordination tous les éléments du sigle alchimique : lune, soleil, les éléments (passions) et le sacrifice par le feu, l'anéantissement et la renaissance en Jésus, le Rédempteur
chrétien n'étant toutefois expressément désigné que dans le second sigle. Disons tout de suite que la lecture de ces signes nous font comprendre l'importance de la place
que tient, chez les rosicruciens - Maier lui consacre ses admirables Chansons intellectuelles - le mythe du phénix brûlant et renaissant.
Quant aux thèmes principaux de la Fama et les traits essentiels de la «vie» de Christian Rosencreutz, je crois en reconnaître le modèle exact dans la «lettre»
prétendûment adressée à la Chrétienté en 1356 par l'Ami de Dieu du Haut Pays et publiée, on s'en souvient, par le Strasbourgeois Ruhlman Merswin,
fondateur du couvent mixte de l'Ile Verte proche de la capitale alsacienne. Une confrontation des deux textes paraît probante, quant au schéma, aux thèmes et leur ordonnancement (Paul Arnold, La Rose-Croix et ses rapports avec la franc-maçonnerie: essai de synthèse historique, 1970
- books.google.fr,
Jean-Marie Ragon, Franc-maçonnerie. Ordre chapitral: Nouveau grade de Rose-Croix et analyse des 14 degrés qui le précèdent, etc, Tome 1, 1860
- books.google.fr). Acrostiche : OEDE "öde" : allemand, "désert". Tout au long de nos textes en effet, la même évidence s'impose le rôle de présence et d'enseignement spirituels, traditionnellement dévolu aux Eglises,
passe aux mains d'une élite dont les membres sont dispersés à travers le monde. Le raisonnement est simple : le clergé séculier a failli dans sa mission ;
le clergé régulier lui-même n'assure plus l'enseignement de la voie du désert, de l'enseignement ascétique et contemplatif : aux Amis de Dieu, aux gottesfreunde,
de prendre le relais. De ces Amis, le dossier repère avec soin les principales caractéristiques. La première à coup sûr, celle sur laquelle on insiste le plus, c'est
l'extrême rareté des spirituels en ces années de décadence. Dans le Livre des neuf roches par exemple, il est clair que «tout ordre chrétien s'est éteint en tout homme,
à part un petit nombre d'hommes, qui est cependant très faiblé» (Bernard Gorceix, Amis de Dieu en Allemagne: au siècle de Maître Eckhart, 2013
- books.google.fr). La scène représente une haute montagne dont la cime se perd dans les cieux; neuf assises de rochers s'étagent sur ses flancs. Une multitude de figurines lumineuses
tombe du faîte dans la vallée où elles s'éteignent et noircissent: ce sont les âmes nouvellement créées qui viennent subir la contagion du péché dans le sein maternel.
Puis la vision s'arrête un moment et laisse se dérouler devant l'esprit de l'homme les manifestations du péché originel à son époque. «Ouvre tes yeux intérieurs et regarde
comment vivent les hommes d'à présent», dit la voix, et elle évoque devant son tribunal les chrétiens de toute catégorie, laïques et ecclésiastiques, depuis les papes et les
rois jusqu'aux prêtres et aux paysans. Interprète austère de la loi morale, c'est elle qui prononce le réquisitoire, dévoilant avec une sévérité inflexible l'avidité et la
vénalité des uns, l'impureté des autres, la négligence et l'égoïsme de tous; à la corruption du temps présent elle oppose le passé de l'Église, qui lui apparaît comme un âge
d'or de piété et de renoncement. L'homme, plus indulgent, plaide les circonstances atténuantes; il invoque en faveur des accusés leur ignorance, l'influence des mours
établies, la faiblesse de la nature humaine; il insinue que leurs intentions pourraient bien être moins blâmables et les chrétiens sincères moins rares ici-bas que son
interlocutrice l'assure : parfois il réussit à lui faire accepter son jugement plus modéré; le plus souvent il est vaincu, réduit au silence par elle, et ne peut plus que
recommander les coupables à la clémence divine. Cette dernière ressource va même lui manquer, car si la chrétienté ne s'amende pas, continue la voix, le Père fera taire sa
miséricorde et les supplications de ses amis, et laissera libre cours à sa justice. Sur cette effrayante prophétie qui devient aussitôt sensible aux yeux de l'homme, la vision
reprend son cours. La montagne reparaît avec ses neuf degrés de rochers; devant elle s'étend la plaine du monde : un immense filet la recouvre. L'homme, suivant l'horizon du
regard, aperçoit derrière la montagne, tout à l'extrémité de la terre, une figure horrible, dressée jusqu'aux nues : c'est Lucifer. Autour de son corps s'enroule la chaîne
qui retient le filet; qu'il l'attire à lui, et l'humanité entière tombe dans l'abîme. Seule la présence des rares amis de Dieu en ce monde arrête encore sa main. Tout est
mouvement sur le flanc de la montagne. Les neuf terrasses ont leurs habitants, dont le nombre diminue mais dont l'aspect se transfigure à mesure qu'on s'élève. Les uns montent
d'une roche à l'autre; les autres redescendent d'un ou de plusieurs degrés. Il en est qui retombent jusque sous le filet, entraînant avec eux leurs trop complaisants amis,
leurs parents et leur confesseur. Ailleurs des êtres humains au teint cadavéreux sortent en rampant du filet et, reprenant les couleurs de la vie, s'avancent vers la première
roche; ils franchissent parfois plusieurs degrés d'un seul élan. Ceux que le repentir saisit sous le filet, dit la voix, échappent au pouvoir de Lucifer; ils remontent vers
le ciel par la mortification progressive de leur corps, par le renoncement à toute volonté propre, en particulier par la soumission absolue à un ami de Dieu expérimenté
auquel ils obéissent «en place de Dieu»; ainsi leur âme, redevenue aussi pure qu'elle l'était lors de sa création, peut rentrer dans son «origine». Accompagné de son Mentor
invisible, l'homme, nouveau Dante, gravit la montagne de la purification; il s'arrête avec lui sur chacune des terrasses et reçoit ses enseignements sur les hommes
qu'il rencontre. Parvenu au sommet, il le trouve presque désert. Trois hommes seulement l'habitent : ce sont là les vrais amis de Dieu, soutiens de la chrétienté et pour
l'amour de qui Dieu laisse subsister le monde. Extérieurement ils paraissent exténués de fatigue et de maladie, intérieurement ils resplendissent comme des anges. Leur sang
impur, dit la voix, s'est consumé dans leur pénible ascension et un sang nouveau leur a été donné; morts au monde ils n'éprouvent plus aucun désir personnel, ne demandent
à Dieu ni jouissance ni intelligence, acceptent avec gratitude tout ce qu'il leur envoie et dans leur humilité s'effraient plus de ses faveurs que de ses disgrâces (Auguste Jundt, Rulman Merswin et l'Ami de Dieu de l'Oberland: un problème de psychologie religieuse, 1890
- books.google.fr). Typologie Le report de 1876 sur la date pivot 1340, issue de la typologie du quatrain précédent V, 31, donne 804. Selon l'interprétation des plus anciens Pères de l'Église, l'«obstacle» à la venue de l'Antéchrist dont parle saint Paul dans la seconde Épître aux Thessaloniciens
n'était autre que l'Empire romain. Cet Empire, reconstitué par Charlemagne, devint bientôt le «Saint-Empire romain germanique», le mot «germanique» signifiant ici
ésotériquement, comme il en sera également dans la Rose-Croix, la «terre des germes» (Jean Biès, Paul Barbanegra, René Guénon, 1985
- books.google.fr). 1875 Merswin fut très probablement l'auteur d'une espèce de supercherie qui fit l'objet longtemps de controverses passionnées. La bibliothèque de Saint Jean contenait
un ensemble de traités et de lettres qui étaient attribués à "l'Ami de Dieu de l'Oberland". Ce mystérieux personnage y racontait sa conversion et l'apostolat auquel il
s'était voué et dont l'instrument principal était l'association regroupant les "amis de Dieu". L'un des membres de cette compagnie n'était autre que Merswin. En 1875, le
P. Henri Suso Denifle, le premier, mit en doute l'existence du Gottesfreund. A sa suite, les historiens admettent pour la plupart que le banquier retiré des affaires, avec la
collaboration de son secrétaire, Nicolas de Louvain, eut recours à cette fiction littéraire, dans l'espoir d'assurer ainsi plus aisément la propagation de ses idées.
Le fond de ces ouvrages est très semblable à celui des livres que Merswin reconnaissait avoir composés lui-même (Louis Châtellier, Le Diocèse de Strasbourg, 1982
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