L’Alliance franco-russe

L’Alliance franco-russe

Visite de Nicolas II en France

 

V, 54

 

1891-1892

 

Du pont Euxine, & la grand Tartarie,

Un roy sera qui viendra voir la Gaule

Transpercera Alane & l’Arménie,

Et dans Bisance lairra sanglante Gaule.

 

"gaule"

 

VERGA, s. f. (vèrgue); VERGEA, VERGUA, VERJA. Verga, ital. esp. port. cat. Verge, baguette longue et flexible, gaule; gluau; en vl. sceptre, houlette (Simon-Jules Honnorat, Dictionnaire provençal-français, ou Dictionnaire de langue d'oc ancienne et moderne, Tome 2, 1847 - books.google.fr).

 

Leur roy Attila estoit semblablement homme farouche et cruel. II voulut, selon ce qu'un sainct homme avoit prédit, estre surnommé fléau de Dieu, d'autant qu'il estoit envoié de Dieu pour punir les péchés des Chrestiens, ne plus ne moins qu'Assur (c'est-à-dire Sennachérib, roy des Assiriens) en Isaie 10, est appelé la verge de la fureur de Dieu. Nauclerus a mis par escrit qu'il se qualifioit et tiltroit en ceste manière: Attila, fils de Benedekus, nepveu de Nemroth, nourry en Engaddi, par la grace de Dieu roy des Huns, des Medes, des Goths et des Danois, la terreur du monde et le fléau de Dieu (Jean Cousin, Histoire de Tournay (1620-1621), Tome 1, 1808 - books.google.fr).

 

"Tartarie", "Pont Euxin"

 

Les peuples qui participèrent à la grande invasion des Huns en Europe ne formerent point un empire; mais que dispersés au nord du Pont-Euxin, de la Géorgie & de la mer Caspienne, ils y vivoient sous la conduite de différens chefs qui furent soumis pendant un tems à Attila, & qui après sa mort rentrerent dans leurs droits (Joseph de Guignes, Histoire générale des Huns, des Turcs, des Mogols, et des autres Tartares occidentaux, 1756 - books.google.fr).

 

Attila, en peu d'années et avec peu de difficulté, réussit à se faire reconnaître comme roi des rois, par ces mêmes nations qui avoient foulé aux pieds l'empire des Romains. Il étoit roi des rois en effet, car tous les chefs des nations, qui, dans le commandement, avoient appris l'art de l'obéissance, formoient sa cour. On y voyoit trois frères de la race des Amales, tous rois des Ostrogoths; Ardaric, roi des Gépides, son principal confident; un roi des Francs, mérovingien; des rois bourguignons, thuringiens, rugiens, hérules, qui commandoient à cette partie de leur nation qui étoit demeurée dans ses foyers tandis que l'autre avoit passé le Rhin un demi-siècle auparavant. Les noms d'une foule d'autres peuples, qui habitoient les vastes contrées de la Tartarie, de la Russie et de la Sarmatie, ne sont pas même parvenus jusqu'à nous (Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, Histoire de la chute de l'Empire Romain et du déclin de la civilisation, de l'an 250 à l'an 1000, Tome 1, 1842 - books.google.fr).

 

"Bisance"

 

Après ces victoires, sans monumens pour la postérité, Attila tourna de nouveau ses armes vers les contrées du Midi; il prétendit que le traité qu'il avoit conclu à Margus avec l'empire d'Orient avoit été violé par les Grecs, et ébranlant à la fois l'immense multitude de guerriers qui suivoient ses bannières, il passa le Danube sur tous les points à la fois, depuis la haute Pannonie jusqu'à la mer Noire. Il s'avança sur toute la largeur de la presqu'île Illyrique, détruisant tout sur son passage (de 441 à 446). Soixante-dix villes furent rasées par son armée; les villages, les maisons, les récoltes, tout fut incendié, et ceux des malheureux habitans qui ne furent pas égorgés furent emmenés en captivité au delà du Danube. Les Grecs furent défaits dans trois batailles rangées, et l'armée des Huns arriva jusqu'en vue des murs de Constantinople, qui avoient été récemment ébranlés par un tremblement de terre, et dont cinquante-huit tours avoient été renversées. L'empire d'Orient ne succomba pas cependant à cette calamité; une partie de ses provinces étoit à l'abri des invasions; Théodose II s'armoit de patience pour les souffrances des autres, il faisoit relever les murs de sa capitale, et, dans l'enceinte de son palais, il s'apercevoit à peine de la guerre. Cependant des négociateurs furent envoyés, les uns après les autres, au camp d'Attila; à force d'humiliations, à force d'argent, distribué parmi les ministres, les Grecs l'engagèrent à se retirer au delà du Danube (Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, Histoire de la chute de l'Empire Romain et du déclin de la civilisation, de l'an 250 à l'an 1000, Tome 1, 1842 - books.google.fr).

 

"la Gaule"

 

A peu près à l'époque où Théodose II mourut (28 juin 450), et où les Grecs, par une déférence inouïe pour le sang de leurs maîtres, accordèrent la couronne à sa sœur Pulchérie, et à l'époux qu'on la laissoit maîtresse de choisir (ce fut le vieux sénateur Marcian), Attila s'avança des bords du Danube à ceux du Rhin, pour envahir la Gaule, à la tête des nations germaniques.

 

Le patrice Aétius, qui gouvernoit l'Occident au nom de Valentinien III, avoit établi sa réputation dans les Gaules par quelques victoires sur les Francs, sur les Bourguignons et sur les Visigoths. Il avoit à peine quelques soldats romains sous ses ordres; mais il avoit cultivé soigneusement l'amitié des Scythes et des Alains, du sang desquels il tiroit son origine. Il en avoit engagé des troupes nombreuses, comme auxiliaires au service de l'empire; il avoit eu soin de se concilier la faveur d'Attila lui-même, auquel il avoit confié son fils, peut-être comme otage, peut-être pour le faire élever loin des dangers de la cour impériale. Cependant il n'hésita pas à entreprendre contre lui la défense de la Gaule. [...] Des Tayfales en Poitou, des Saxons à Bayeux, des Bréons dans la Rhétie, des Alains à Orléans et à Valence, des Sarmates dispersés dans toutes les provinces, lui promirent leur assistance. D'autres barbares qui n'étoient point demeurés en corps de nation, s'étoient engagés dans les troupes mercenaires des lètes et des fédérés. Les Armoriques enfin fournirent aussi des soldats, et ce fut par ce rassemblement de troupes de toutes armes et de tout langage qu'Aétius forma l'armée de l'empire.

 

La supériorité de l'art militaire, la puissance de la tactique demeurèrent toujours à l'empire romain, jusque dans sa dernière décadence. [...] On assuroit qu'Attila avoit envahi les Gaules avec cinq cent mille hommes; quelle que fût la force réelle de son armée, la multitude même de ses guerriers affamés étoit pour lui un obstacle; elle étoit un avantage pour Aétius. Le roi des barbares voulut en vain profiter des plus vastes plaines des Gaules, pour déployer tous ses bataillons. Il recula des environs d'Orléans, jusqu'au voisinage de Châlons en Champagne (451). Aétius le suivit. Un monticule, qui dominoit un peu le reste de la plaine, parut aux deux généraux d'une importance décisive, et ils se le disputèrent avec acharnement. Enfin Thorismond, fils aîné du roi des Visigoths, en demeura maître. Jornandès assure que le petit ruisseau qui couloit au bas du monticule fut tellement gonflé de sang qu'il inonda ses bords comme un torrent. Théodoric, roi des Visigoths, fut tué dès le commencement de la bataille, et demeura enseveli sous des monceaux de morts. Son fils Thorismond et Aétius se trouvèrent, l'un et l'autre, séparés du gros de leur armée, et exposés à demeurer prisonniers des Huns; mais, pendant ce temps, Attila, effrayé de la perte immense qu'il avoit faite, s'enferma dans une enceinte de ses chars scythes, qu'il opposa comme une fortification aux assaillans. La nuit survint avant qu'on pût reconnoître à qui la victoire étoit demeurée: ce ne fut que le lendemain que l'immobilité d'Attila laissa voir qu'il se regardoit comme vaincu.

 

En 453, Attila mourut en Dacie, dans l'ivresse d'un festin, et son empire s'écroula avec lui. Ardaric, son favori, établit la monarchie des Gépides dans la Dacie, entre les monts Carpathes et le Pont-Euxin, dans le lieu même qu'Attila avoit regardé comme le siége de sa puissance. Les Ostrogoths s'emparèrent de la Pannonie, entre Vienne et Sirmium, et Irnak, le plus jeune fils d'Attila, se retira avec les Huns dans la petite Tartarie, où les restes de ce peuple furent asservis peu d'années après par les Igours, sortis des plaines de la Sibérie (Jean Charles Léonard Simonde de Sismondi, Histoire de la chute de l'Empire Romain et du déclin de la civilisation, de l'an 250 à l'an 1000, Tome 1, 1842 - books.google.fr).

 

Acrostiche : DUTE, DoUTE

 

Pour les retenir donc en quelque crainte, il (Aetius) trouva à propos de laisser sauver Attila, pensant que la doute qu'ils auroient d'un si grand ennemy, les retiendroit tousjours unis à l'empereur (D'URFÉ, Astree, II, 12.) (Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, Tome 2, 1883 - books.google.fr).

 

En 1610, pendant que la société de Rambouillet prenait un heureux essor, la publication du premier volume d'un roman nouveau fit événement dans le monde, et concourut puissamment à déterminer le changement de mœurs qu'amenait le cours des choses, en dirigeant les esprits vers un nouveau genre de galanterie tout opposé à celui qui régnait en France, depuis. François Ier. C'est ainsi que, de nos jours, quand le retour de l'ancienne maison de France imposa l'obligation de renier, de détester tout le passé, quand ce n'était pas assez de le mettre en oubli, qu'il fallait en avoir horreur, les romans de Walter Scott, où étaient peintes des mœurs inconnues, acquirent en France une vogue inouïe, et contribuèrent au grand changement qui s'opéra, alors, dans les idées et dans la littérature. Le roman dont je veux parler, ici, était l'Astrée, du marquis d'Urfé. Le deuxième et le troisième volumes parurent un an après le premier; le quatrième parut en 1620; le cinquième, qui ne parut qu'en 1625, n'est pas de d'Urfé (de Baltazar Baro, secrétaire d'Urfé, membre de l'Académie française né à Valence en 1600, Drôme, mort en 1650) (Oeuvres du comte P. L. Roederer, Tome 2, 1853 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1892 sur la date pivot 451 (Champs catalauniques, cf. Acrostiche) donne -990.

 

Epoque de la fin du règne du roi Salomon (Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'histoire universelle sacrée et prophane, ecclésiastique et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1743, Tome 1, 1744 - books.google.fr).

 

La tradition latine nous a promenĂ©s sur des champs de carnage, au milieu des larmes et des ruines : c'Ă©tait le domaine naturel du flĂ©au de Dieu; le théâtre oĂą nous transporte la tradition germanique est tout autre. Ici plus de flĂ©au de Dieu, mais un roi sage, magnifique, hospitalier, se battant bien, buvant mieux, un bon roi enfin comme on les rĂŞve en Germanie tel est le nouvel Attila qui se prĂ©sente Ă  nous. Contradiction bizarre entre toutes celles dont le moyen âge abonde! ces deux Attila si diffĂ©rents vĂ©curent pendant des siècles cĂ´te Ă  cĂ´te et sans trouble dans les souvenirs de la Germanie: on maudissait l'un Ă  l'Ă©glise, on bĂ©nissait l'autre au château. En sortant du temple oĂą retentissait par la voix du prĂŞtre l'anathème Ă©ternel contre la bĂŞte infernale et le tyran persĂ©cuteur des saints, on courait applaudir le Minnesinger qui, la rote en main, chantait le bon roi Attila, seigneur des Huns, sage comme Salomon, plus riche et plus puissant que lui, surtout plus gĂ©nĂ©reux. La lĂ©gende chrĂ©tienne Ă©tait le souvenir romain, la chanson du Minnesinger le souvenir barbare (AmĂ©dĂ©e Thierry, Histoire d'Attila et de ses successeurs jusqu'Ă  l'Ă©tablissement des Hongrois en Europe suivi des lĂ©gendes et traditions, Tome 2, 1856 - books.google.fr).

 

Attila dans les polémiques sur l'alliance franco-russe

 

Chaque camp fait appel à Attila pour qualifier le danger que représente l'adversaire.

 

Le Belge Kistemaeckers sentimentalement regrettait que la France rĂ©publicaine acceptât de signer avec le despote russe un pacte d'alliance et d'amitiĂ©. Fernand Roussel lui, disait comprendre le rapprochement de la Gaule et de la Moscovie : "Il faut avoir Ă©tĂ© comme la France, vaincue, abandonnĂ©e de tous, voyant se liguer contre elle, trois peuples tous prĂŞts Ă  se jeter sur elle, et dĂ©cidĂ©s Ă  en faire une riche pâture, pour savoir ce que c'est qu'une nation armĂ©e tendant, par-dessus des conceptions gouvernementales opposĂ©es une main fraternelle et sincère et dire Ă  la barbe des rois et des empereurs : je veux; Ă  l'avenir, point de menaces ou sinon ! On aura beau dire que l'on ne comprend pas ce monstrueux mariage d'un empire autocrate et d'une nation purement et simplement rĂ©publicaine et que cette anomalie tĂ´t ou tard amènera un retentissant divorce. Non ! car les intĂ©rĂŞts français et moscovite sont nettement sĂ©parĂ©s, sont dans des situations opposĂ©es. Un seul point les rapproche, la question militaire. Un sentiment les unit, c'est la commune protestation contre les manĹ“uvres d'un souverain ridiculement guidĂ© par les succès obtenus par un ancĂŞtre !...". L'anomalie d'une telle alliance, par nombre de journalistes relevĂ©e, n'est qu'apparente, prĂ©tendait Roussel. "En fait, il n'y a lĂ  rien d'anormal et l'Ă©tonnement manifestĂ© Ă  ce sujet est lui seul Ă©tonnant. Je ne sache pas que les Tsars aient jamais boudĂ© la RĂ©publique HelvĂ©tique qui, cependant, est imbue des principes dĂ©mocratiques bien plus profondĂ©ment que la France actuelle. S'il est une puissance oĂą toute l'organisation sociale Ă©mane du peuple pour y retourner, c'est bien dans les Etats-Unis d'AmĂ©rique qu'on le trouvera. Et, depuis la naissance de cette nation nouvelle, qui dans le monde lui montre plus vive, plus constante, plus fidèle amitiĂ© que le gouvernement de la Russie ? La première rĂ©publique de France se trouva, il est vrai en lutte avec toute l'Europe monarchique. Mais, les causes de cet Ă©vènement furent purement accidentelle... Mais, le tort des esprits Ă  courte vue est de ne tenir aucun compte de modifications profondes qui depuis l'Ă©poque des grandes luttes du siècle dernier finissant et du commencement de ce siècle se sont rĂ©alisĂ©es dans les faits, dans les idĂ©es et dans les nĂ©cessitĂ©s internationales. L'expĂ©rience acquise par la nation française la rendue sage. Elle a compris que si les fautes accumulĂ©es des souverains successifs qui l'ont dominĂ©e rendaient inĂ©vitable et indispensable pour elle-mĂŞme l'Ă©tablissement d'une constitution rĂ©publicaine, elle devait en justice laisser aux autres peuples la libertĂ© de choisir sans son intervention le mode de gouvernement qui convenait le mieux Ă  leur caractère ou Ă  leurs goĂ»ts... Le grief principal que les puissances pouvaient allĂ©guer contre l'existence de la forme moderne du gouvernement français est donc venu Ă  disparaitre... et l'on s'est dit dans les chancelleries, qu'Ă  tout prendre, mieux valait une rĂ©publique aux instincts pacifiques qu'un empire ou une royautĂ© qui chercherait dans les succès militaires un dĂ©rivatif Ă  des dangers intĂ©rieurs... Or, un Ă©vènement considĂ©rable avait eu lieu, un grand Etat s'Ă©tait formĂ©, l'Allemagne, essentiellement militaire et guerrier. La France et la Russie rĂ©unies Ă©taient de taille Ă  reconstruire l'Ă©quilibre et par lĂ  mĂŞme, imposer le concert nĂ©cessaire au maintien de la paix. DivisĂ©es, elles restaient impuissantes et leur voix eut Ă©tĂ© dĂ©daignĂ©e. Fallait-il parce que chacune des deux nobles races tenait Ă  garder le gouvernement de leur choix, reculer devant le devoir si clair de l'alliance et, dès lors, rester impassible et sans rĂ©sistance devant les prĂ©tentions et les menaces germaniques ? NaĂŻf sera celui qui soutiendra une pareille thèse."

 

Kistemaeckers craignait que la Russie ne vint Ă  envahir l'Europe : "D'un jour Ă  l'autre, Ă©crivait-il, dans la Lutte du 5 septembre 1889, nous pouvons voir surgir Ă  nos portes un nouvel Attila et ses Huns, les cosaques du Don et les Tartares de l'Oural... Chaque jour qui s'Ă©coule nous approche du moment oĂą la Russie autocrate se ruera sur les pays du centre de l'Europe et oĂą la triple alliance, l'Allemagne et l'Autriche surtout, auront Ă  lui livrer un duel Ă  mort, qui, s'il se terminait par leur dĂ©faite, serait l'anĂ©antissement Ă  bref dĂ©lai de la civilisation europĂ©enne. C'est ce qui explique sans l'excuser pourtant, le capitalisme prussien et les charges militaires Ă©crasantes que Bismarck impose Ă  l'Allemagne... Le tsar Alexandre III, en effet, reprĂ©sente bien le type le plus parfait du souverain despote que l'Europe ait vu naĂ®tre depuis son aĂŻeul Nicolas. Les idĂ©es modernes directement issues de la Grande Revolution française l'inquiètent et l'horripilent; et, s'il est vrai que l'Allemagne officielle, avec son militarisme abrutissant et son gouvernement conservateur et rĂ©actionnaire devrait lui offrir quelques garanties, il est vrai aussi, que cette mĂŞme Allemagne avec son suffrage universel, son système Ă©conomique, ses travaux scientifiques a ouvert de larges voies au socialisme des masses, a avancĂ© lentement mais sĂ»rement dans la voie du progrès dĂ©mocratique... Comprenant Ă  merveille le parti qu'il peut tirer de la situation mal Ă©quilibrĂ©e de l'Europe, il exploite Ă  son profit le caporalisme et le chauvinisme français... Car, il est une chose pĂ©nible Ă  constater : la France rĂ©publicaine reprĂ©sentant les idĂ©es gĂ©nĂ©reuses et humanitaires et signant un traitĂ© d'alliance et d'amitiĂ© avec un peuple dont le souverain despote fait emprisonner, torturer, bannir et assassiner non seulement les rĂ©publicains, mais tous ceux qui ont osĂ© Ă©lever la voix en faveur de la justice par amour de leur prochain ! On se demande oĂą est la logique !" Voir Ă©galement La Lutte du 9 fĂ©vrier 1890, oĂą Kistemaeckers rappelait l'article ci-dessus et faisait remarquer combien proches de celles de diplomates autorisĂ©s, Ă©taient ses vues. Pourquoi ne point faire de l'Alsace-Lorraine un territoire neutre sorte de rempart gĂ©ographique, et permettre ainsi le rapprochement de la France et de l'Allemagne, unies contre le danger russe extrĂŞme (Marie-Louise Warnotte, Etude sur la presse Ă  Namur, 1794-1914, Centre Interuniversitaire d'Histoire Contemporaine: Cahiers, 1965 - books.google.fr).

 

Henry Hubert Alexandre Kistemaeckers fils, né le 13 octobre 1872 à Floreffe[1] et mort le 21 janvier 1938 à Paris, est un romancier et auteur dramatique belge, naturalisé français en 1900. En 1889, il se rend à Namur pour y fonder la Lutte, journal libéral, où il donne, pendant deux ans, une chronique quotidienne sur l'art, la politique, les mœurs, etc. (fr.wikipedia.org - Henry Kistemaeckers fils).

 

Fernand Roussel (1862-1900) est un avocat et poète belge (fr.wikipedia.org - Ray Nyst, Christophe Verbruggen, Schrijverschap in de Belgische belle époque: een sociaal-culturele geschiedenis, 2009 - books.google.fr).

 

Ne cessant de chercher chaque jour de nouveaux alliĂ©s et contraignant chaque nation Ă  des armements toujours grandissants, ils avaient amenĂ© l'Europe entière Ă  un Ă©tat de fièvre belliqueuse qui la mettait en prĂ©sence de ce double flĂ©au : une incommensurable banqueroute et une conflagration gĂ©nĂ©rale dont les boucheries barbares des Attila et des Tamerlan pouvaient seules donner une idĂ©e. C'est alors qu'Alexandre III a tendu la main Ă  la France pour opposer la toute-puissante alliance de la paix Ă  cette colossale machine de guerre. Et c'est alors que la France, ayant reconstituĂ© sa vigoureuse armure de dĂ©fense et pouvant compter plus que jamais sur la vaillance de ses soldats, se leva tout Ă  coup pour presser avec effusion la main gĂ©nĂ©reuse qu'on lui offrait. En un instant, tous ses fils furent debout, et formèrent, entre Toulon et Paris, un vivant arc de triomphe de deux cents lieues. Nous n'essayerons pas de rappeler mĂŞme une ombre du tableau qui s'est dĂ©roulĂ© sous les yeux de nos frères du Nord et en face de l'Europe Ă©tonnĂ©e. Des milliers de plumes et de pinceaux l'ont dĂ©jĂ  reproduit pour le transmettre Ă  l'histoire. Tout ce qu'il nous reste Ă  dire, c'est que, en ces jours mĂ©morables, la France n'a pas seulement parlĂ© Ă  ses enfants, mais qu'elle a parlĂ© aussi Ă  toutes les nations, amies et ennemies. «C'est une alliance de guerre», ont dit celles-ci par la voie de leurs organes les plus retentissants; «C'est l'Ă©pĂ©e de Pierre le Grand qui s'unit Ă  l'Ă©pĂ©e de NapolĂ©on pour envahir et asservir le reste de l'Europe», ont-elles ajoutĂ©. Était-il besoin de rĂ©pondre Ă  d'absurdes et calomnieuses clameurs d'adversaires déçus qui, depuis des annĂ©es, prĂ©paraient fiĂ©vreusement la guerre et qui Ă©taient exaspĂ©rĂ©s de voir deux des plus puissants peuples du monde s'unir pour assurer la paix ? Ils essayaient d'effrayer les simples et les timides en leur montrant, dans le colosse russe, une rĂ©surrection de ces conquĂ©rants d'Asie qui ont inondĂ© l'Europe de leurs hordes sauvages. Mais, pour l'essayer, il leur fallait prendre le chemin diamĂ©tralement opposĂ© Ă  celui de la vĂ©ritĂ© et renverser l'histoire. Si les Tsars ont fait des conquĂŞtes en ce siècle, c'est sur la barbarie asiatique qu'ils les ont faites. Leurs guerres dans le Caucase et dans le Turkestan, toutes les victoires remportĂ©es, par eux, sur les Turcs, sont des victoires de la civilisation sur les tribus barbares et sanguinaires de l'Orient. Bien loin de vouloir importer en Europe les lois et les mĹ“urs dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es de l'Asie, ils n'aspirent qu'Ă  porter en Asie les mĹ“urs et les lois rĂ©gĂ©nĂ©ratrices de l'Europe chrĂ©tienne. Chateaubriand, qui n'aimait pas les conquĂ©rants spoliateurs et qui eĂ»t empĂŞchĂ© la France de tomber de chute en chute, si on l'eĂ»t laissĂ© au pouvoir, a mis d'avance en poussière ces accusations aussi chimĂ©riques que britanniques. L'un des hommes d'État qui, par leur aveuglement, aidèrent, sans le savoir, au renversement du trĂ´ne des Bourbons, lui ayant dit un jour : - «Si on vous laissait faire, l'Empereur Nicolas daterait bientĂ´t ses ukases de Constantinople.» «Eh ! pourquoi pas ? rĂ©pondit-il avec vivacitĂ©. L'espèce humaine ne peut que gagner Ă  la destruction de l'Empire Ottoman. Mieux vaut mille fois la domination de la Croix Ă  Constantinople que celle du Croissant. Une autre fois, le roi Charles X lui demanda, en souriant, s'il s'obstinait encore Ă  prĂŞcher une croisade contre la Turquie. - Sire, rĂ©pondit vivement Chateaubriand, il serait Ă  dĂ©sirer, pour la religion et la civilisation, que les Turcs fussent jetĂ©s dans le Bosphore, mais nous ne sommes pas chargĂ©s de l'expĂ©dition qui revient de droit au tzar de Russie. Au reste, ajouta-t-il, craignant d'ĂŞtre allĂ© trop loin, l'heure du mahomĂ©tisme n'a peut-ĂŞtre pas encore sonnĂ© (Nicolas Notovitch, Livre d'or Ă  la mĂ©moire d'Alexandre III, 1895 - books.google.fr).

 

Extension de l'empire russe

 

C’est grâce Ă  leurs guerres contre l’empire ottoman que les Russes accrurent leurs possessions et leur influence en Europe comme on a pu le voir dans les quatrains prĂ©cĂ©dents : pĂ©nĂ©tration en MĂ©diterranĂ©e (III, 88) , annexion des rĂ©gions de la mer Noire (III, 95). La Tartarie fut conquise dès 1552.

 

Le successeur d’Alexandre II, assassinĂ© en 1881 par Korssakov, Alexandre III, se trouve isolĂ© sans alliĂ© en Europe. L’Allemagne se dĂ©tourne de la Russie pour consolider la Triple-Alliance avec l’Autriche et l’Italie. « La France Ă©tait le seul partenaire possible et elle avait beaucoup Ă  offrir. En particulier Paris Ă  lui seul Ă©pongeait une grande partie des emprunts d’Etat russes […] L’alliance fut conçue par Ă©tapes, depuis l’accord diplomatique de 1891 jusqu’à la convention militaire de dĂ©cembre 1893-janvier 1894 [1] Â». En octobre 93 une escadre fait escale Ă  Toulon, et en 1896 le nouveau Tsar Nicolas II sera reçu en France par le prĂ©sident FĂ©lix Faure.



[1] N.V. Rasianovsky, « Histoire de la Russie jusqu’en 1984 Â», Laffont, p. 432

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