Marc-Antoine Amulio ou Marcantonio Da Mula

Marc-Antoine Amulio ou Marcantonio Da Mula

 

I, 12

 

1566-1567

 

Dans peu dira faulce brute fragile,

De bas en hault eslevé promptement. Lyon, Sicille

Puis en istant deloyale & labile, nobles Romains,

Qui de Veronne aura gouvernement.

 

Marc-Antoine Amulio ou Marcantonio Da Mula, cardinal, étoit d'une illustre famille de Venise , où il naquit en 1505. Son éloquence le fit choisir par les Vénitiens pour aller en ambassade vers l'empereur Charles-Quint, vers Philippe II, roi d'Espagne, & vers le Pape Pie IV. Ce souverain pontife lui donna l'évêché de Véronne, & le chapeau de cardinal en 1561, avec l'évêché de Rieti, & la dignité de bibliothécaire apostolique.

Da Mula fut comte de Zara (1540-1542), capitaine de Brescia (1544-1546), ambassadeur ordinaire auprès de Charles Quint à Bruxelles (1552-1554), réformateur de l’Université de Padoue (1556), peu de temps après Navagero, puis capitan de Vérone (1558-1559). Pour le féliciter de la conclusion de la paix du Cateau-Cambrésis (1559), le gouvernement vénitien envoya Da Mula en ambassade ordinaire auprès de Philippe II d’Espagne.

La création de Da Mula au titre cardinalice fut condamnée par le gouvernement vénitien, sous le doge Jérôme Priuli. Ce dernier lui tenait toujours rigueur d’avoir accepté l’évêché de Vérone que Pie IV lui avait confié en septembre 1560. Nomination à laquelle il avait dû finalement renoncer, car il était absolument interdit à un fonctionnaire vénitien d’accepter des bénéfices de la main du prince auprès duquel il exerçait sa fonction.

En tant qu’humaniste, Da Mula avait conservé des relations intellectuelles susceptibles de faire douter de son orthodoxie religieuse ("deloyale"), dans le contexte de la pénétration de la Réforme protestante et d’hérésies plus ou moins radicales dans la péninsule italienne, notamment à Venise, mais ces relations ne nuisirent pas à leur carrière.

Le pape qui avoit gratifié Amulio de son propre mouvement, tâcha d'adoucir les Vénitiens ; mais ce fut inutilement, & ils ne voulurent pas même recevoir en grâce ses parens, qu'ils continuèrent de maltraiter à son occasion. Da Mula tomba donc en disgrâce et ne pût jamais rentrer à Venise de son vivant. Malgré les charges prestigieuses que Pie IV lui avait conféré, au sein de l’Inquisition et à la tête de la Bibliothèque Vaticane, Da Mula continuait à être détesté par le gouvernement vénitien. Après l'échec de sa candidature à la papauté, au bénéfice de l'ancien inquisiteur Michele Ghislieri, qui prit le nom de Pie V, il consacra les dernières années de sa vie à l'administration de son diocèse de Rieti. Cependant ce vertueux prélat fit toujours paroître sa charité & son zèle particulièrement en la réception d'Abdissi, religieux de l'ordre dé S. Pacôme, & patriarche des Chaldéens aux Indes Orientales, auquel il rendit de très-bons offices, lorsqu'il vint prendre le pallium à Rome. Il mourut en 1572, oublié par sa patrie. On apporta son corps à Venise dans 1'église des Cordeliers. Il fonda à Padoue un beau collège avec douze places, pour douze enfans Vénitiens nobles, auxquels on doit donner tous les ans soixante ducats pour leur entretien (Louis Moreri, Desaint et Saillant, Le grand dictionnaire historique ou Le melange curieux de l'Histoire sacrée et profane, 1759, Daniele Santarelli, La papauté de Paul IV à travers les sources diplomatiques romaines).

 

Il serait tentant de remplacer "brute" par "braie" pour interpréter ce vers dans un contexte d'architecture militaire.

 

Lorsque l'artillerie à feu fut employée à l'attaque des places fortes, on éleva autour des courtines, des boulevards ou bastions, des murs peu élevés, des parapets au niveau de la crête de la contrescarpe des fossés, pour y placer des arquebusiers. Ces défenses, connues sous le nom de fausses braies, avaient l'avantage de présenter un front de fusiliers en avant et au-dessous des pièces d'artillerie placées sur les remparts, et de gêner les approches. Elles devenaient ainsi un obstacle opposé à l'attaque rapprochée, et qui restait debout encore quand toutes les défenses supérieures étaient écrêtées. Mais déjà, vers le milieu du XVe siècle, les armées assiégeantes traînaient avec elles des pièces de bronze sur affûts, qui envoyaient des boulets de fonte. Ces projectiles, lancés de plein fouet contre les tours, couvraient les fausses braies d'éclats de pierre et comblaient l'intervalle qui séparait ces fausses braies de la défense, si l'on ruinait celle-ci. Les parapets des fausses braies détruits, celles-ci formaient une banquette qui facilitait l'assaut (Eugène Viollet-Le-Duc, Architecture française, Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1856).

 

En 1527, après le sac de Rome, Michel Sanmicheli regagne Vérone et y continue sa carrière. Il y est employé par la République de Venise. Il transforme les fortifications selon le nouveau système des bastions, dont il est l'un des inventeurs. Il meurt en 1559, lorsque Da Mula est capitan de Vérone.

 

Sanmicheli bâtit à Vérone le bastion des Madelène, qui est le premier essai des bastions angulaires , adoptés ensuite par tous les ingénieurs modernes. La révolution que la découverte de la poudre venait d'opérer dans l'art de la guerre, avait fait sentir la nécessité d'apporter des changements dans la construction des forteresses, en puisant dans les moyens d'attaque les nouveaux principes qu'on devait suivre pour calculer ceux de défense. Quelques idées proposées par Albert Durer, dans son ouvrage De Munitione urbium, servirent plutôt à signaler les défauts des anciens systèmes, qu'à suggérer la manière de les éviter. Les bastions ronds subsistaient toujours ; et ce ne fut qu'après Sanmicheli, qu'on apprit à les remplacer par ceux à oreillons et à angles, qui, distribuant également et directement le feu autour d'eux, ne laissaient plus aucune partie à découvert. La république de Venise, appréciant les avantages des nouveaux bastions, en fit construire partout ; et en peu de temps, Bergame, Peschiera, Brescia, Legnago , Padoue, en Italie, ainsi que Corfou, Candie, Napoli de Romanie, daus le Levant, furent mis, par Sanmicheli, dans un meilleur état de défense, et purent braver les efforts ou les menaces de leurs ennemis. Cet habile architecte profita de l'influence qu'il exerçait sur le gouvernement de Venise pour l'engager à multiplier les fortifications de Vérone, en y ajoutant quatre bastions et deux portes, qui sont à présent, comme elles le furent jadis, les plus beaux ornements de celte ville : elle doit aussi à Sanmicheli un pont sur l'Adige, et les palais Bevilacqua, Torre, Pompei et Canossa. En mettant le pied dans Vérone, on ne peut s'empêcher de remarquer que c'est la même main qui a pris soin de la fortifier et de l'embellir (Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, 1825).

 

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