Piraterie en Méditerranée et Golfe de Gascogne I, 72 1610-1611 Du tout Marseille des habitans
changée, Course & poursuitte
jusques au pres de Lyon. Narbon, Tholoze par Bourdeaux outragée, Tués captifz
presque d'un milion. Marseille C'est dans la première décade du XVIIe siècle, sous le
règne réparateur de Henri IV, que dut se produire une hausse importante de la population.
Elle est signalée par les ambassadeurs vénitiens, de passage à Marseille en
1611 ; ils notent mĂŞme (signe qui ne trompe pas) qu'on reconstruit de
vieilles maisons et qu'on en Ă©difie de neuves ; et, selon eux, le fait
remonterait à deux ans. Or précisément le produit de la ferme de la viande en
1609 témoigne d'une hausse d'environ 60 % par rapport au chiffre de la ferme de
1601 perçue au même taux ; de même entre 1603 et 1607 l'abattage des porcs était
passé de 2500 à 4500 têtes. A la mort d'Henri IV la population de Marseille
pourrait donc être estimée entre 45 et 50000 habitants ; et, à voir le produit
de la ferme de la viande inchangé en 1628, il semble que Ruffi
ait encore exagéré le chiffre de la population, lorsque, dans son récit de la
peste de 1630, il dénombre 65000 habitants, dont 50000 quittèrent
précipitamment la ville dans les trois jours, les autres 15000 restant
courageusement à leur poste. On conçoit qu'une Marseille de 15 à 45 000
habitants n'ait pu avoir, dans la balance commerciale, le mĂŞme poids qu'un Lyon
de 100 000 habitants ; néanmoins, pour le XVIe siècle, ce sont encore là des
chiffres coquets, si on les compare à ceux d'Avignon, la grande cité papale,
qui varia de 15000 habitants (1539) Ă seulement 26 000 (1616). Dans L'Avis au roi,
pamphlet distribué lors des Étals de 1614, l'exportation du seul numéraire par
Marseille est fixée à 7 millions d'écus. Or les ambassadeurs vénitiens,
autrement plus fiables, n'estimaient qu'Ă 2 millions et demi d'Ă©cus
l'exportation des écus hors de France (1611). Le secret de la reprise étonnante de prospérité du port
de Marseille en 1597, au lendemain mĂŞme de la Ligue, c'est qu'elle Ă©manait d'un
jeune et vigoureux corps d'adulte en pleine croissance. Marseille avait cessé d'être ce petit port presque côtier de 1515, avec
ses 14 ou 15000 habitants, comparable Ă un La Ciotat de nos jours, ou Ă un
Fréjus : sa population ayant au moins doublé, peut-être même triplé au cours du
siècle, c'était pour l'époque une grande ville de 30 à 45000 habitants, en
pleine poussée et forte du dynamisme que confère à toute agglomération un
accroissement aussi rapide. Si la réunion de Marseille à la France en 1481
avait changé la destinée de son port, devenu ainsi le débouché naturel d'un
grand royaume sur la Méditerranée, il ne semble pas que le choc politique ait
détourné d'un jour à l'autre les anciens courants commerciaux. D'ailleurs, la
concurrence d'Aigues- mortes ne se maintint-elle pas, Ă l'embouchure du RhĂ´ne,
et vis-à -vis de Marseille plus éloignée du fleuve, jusque vers 1530 ? C'est au
cours de la lourde épreuve du siège de 1524 que fut forgée l'union indissoluble
de Marseille à la France ; et c'est là aussi que s’implante le germe de la
prospérité du port. Car de la place héroïque qui avait été le boulevard du
royaume. François Ier voulut faire un port de guerre, en y canalisant toutes
les activités économiques que suscite cette fonction. A la ville accrue d'un
arsenal et d'une garnison, au port mieux outillé, les Capitulations de
1535-1536 avec la Turquie donnèrent bientôt le coup de fouet décisif que
traduit aussitôt le doublement de la valeur des douanes du port. Au cours des expéditions
de Nice (1543) et de Corse (1553), l'alliance du roi de France et du Turc
jouait encore en faveur de Marseille et de son commerce. C'est sous ces
auspices favorables que fut créée par Thomas Lenche la grande Compagnie du Corail de Bône, ce premier
acte d'Ă©mancipation du commerce marseillais vis-Ă -vis du capitalisme lyonnais ;
car, si celui-ci y gardait de gros intérêts bancaires, les leviers de commande
restaient cependant aux mains d'une aristocratie marchande, qui allait de plus
en plus participer Ă l'armement du port et aux grosses affaires du trafic
méditerranéen. Les gains conquis par Marseille sur Venise affaiblie par la
guerre turque (1570- 1573) ne furent dans une certaine mesure qu'éphémères.
Mais il en résulta un climat favorable au souffle duquel apparurent les
premières compagnies industrielles. Et sur leurs berceaux se penchaient les
compagnies commerciales qui alors essaimaient : n'y devinaient-elles pas, avec
un sûr instinct, le germe d'une prospérité accrue, quand le commerce d'une
place jusqu'alors exclusivement transitaire peut s'appuyer sur sa propre
industrie ! Ainsi se succèdent de 1570 à 1578 les fondations de trois
compagnies drapières, d'une raffinerie de sucre et d'une grosse savonnerie. Et,
si les deux derniers essais avortent, l'industrie du drap marseillais Ă©tait
encore en pleine prospérité vingt ans après, comme en fait foi la réalisation,
sur la seule place d'Alep, par la seule maison Ferrenc,
de chargements de draps dont le seul Ă vrai dire connu valait 13000 Ă©cus d'or
(1592). A l'époque d'ascension déclenchée par la guerre de Venise se rattache
aussi, outre la cure du port et l'achèvement du quai nord, la création simultanée
des trois consulats français d'Alger, Tunis, Fez (1576-1577). Or, qui dit alors
consulat français, ne dit-il pas consuls originaires de Marseille et comptoirs
à prédominance marseillaise ! (Gaston
Rambert, Histoire du commerce de Marseille, Volume 3, 1951 - books.google.fr,
Lemnouar
Merouche, Recherches sur l'Algérie à l'époque ottomane I.: Monnaies, prix et
revenus, 1520-1830, 2002 - books.google.fr). "changee"
peut faire penser au change bancaire et donc aux puissances financières
lyonnaises ("Lyon" au vers 2) dont se libère peu à peu Marseille.
Mais ce "Lyon" désignerait plutôt le golfe du Lion à cause de la
"course" (piraterie) dont se plaignaient Le littoral du golfe du Lion resta à peu près préservé
des razzias et des incursions dévastatrices dirigées contre les côtes
méridionales des péninsules ibérique et italienne et contre les îles depuis les
Baléares jusqu’à la Corse, la Sardaigne, la Sicile. Le no man’s land séparant
la côte sableuse des premières localités fut sa meilleure défense. Cela n’empêcha pas que l’insécurité fut permanente.
Tout la manifeste, bien que les témoignages demeurent partiels et discontinus.
La nature et la chronologie de ces derniers indiquent néanmoins sans ambiguïté
la période la plus difficile. Celle-ci coïncide avec le moment où les captures
des «renégats» languedociens ont été les plus nombreuses, le premier tiers du
XVIIe siècle, mĂŞme s’il y eut des alertes antĂ©rieurement. En 1580, les habitants de Gruissan racontent comment «jĂ
par deux fois [ils] avoient esté pillez par des escumeurs Turcs» et n’avaient dû leur salut qu’au
château de leur seigneur, l’archevêque de Narbonne, où ils avaient pu trouver
refuge. Les témoignages sont disparates, mais convergents. Ce fut d’abord des
protestations de particuliers, de communautés, des États de Languedoc contre
les ravages commis par les «Turcs» coupables de s’en prendre au pavillon
français malgré l’alliance conclue avec le Grand Seigneur et les trêves
signées. Des captures ensuite, comme en
1613 celle de «quarante et un coursaires turcs prins à la coste de Sijan, desquels une partie
ont esté executtés à mort,
et les autres condampnés à servir le Roy sur ses
galères» dont on n’aurait rien su si les États de Languedoc n’avaient
refusé de supporter leurs frais de nourriture et de garde. Les communautés
acceptaient éventuellement d’y pourvoir, mais seulement pour une courte durée :
Narbonne donna vingt livres en 1637 pour nourrir et loger cent cinquante Turcs
ou Maures conduits à Marseille en vue d’un échange contre autant d’esclaves
chrétiens. Le corso prédateur fut une forme d’économie d’échange où les hommes
constituèrent la marchandise la plus prisée. Cette guerre maritime fut peu
meurtrière en dépit des équipages pléthoriques qu’elle mobilisa (Gilbert Larguier,
Orientaux, Turcs et turqueries autour du golfe du Lion (XVIIe-XVIIIe siècles),
Les hommes et le littoral autour du Golfe du Lion, XVIe-XVIIIe siècle, 2012 -
books.openedition.org). Alger, la plus prospère, comptait environ 100 000
habitants et la course était devenue leur seul moyen d'existence. Ses reïs ou corsaires, presque tous renégats, étaient devenus
de plus en plus nombreux ; leur flotte qui se composait déjà en 1580 de 35
galères et 25 brigantins ou frégates, sans compter une grande quantité de
barques armées en course, s'était accrue considérablement, car en 1620, on vit
sortir du port plus de 300 reĂŻs dont 80 commandaient
de grands vaisseaux. Dans les guerres du XVIe siècle ils avaient acquis la
réputation méritée d'être les meilleurs et les plus braves marins de la Méditerranée
et leurs galères, par leur armement, le soin et la discipline des équipages,
avaient une supériorité marquée sur les galères chrétiennes. Plusieurs milliers
de juifs qui résidaient il Alger leur achetaient le produit de leurs prises et
le revendaient à leurs coreligionnaires de Livourne, ou même à des chrétiens et
quelquefois à des marchands de Marseille qui y faisaient de gros bénéfices. Les
consuls de Marseille s'en plaignirent plusieurs fois au roi et c'est pourquoi
ils demandaient l'interdiction de tout commerce avec la Barbarie. (Voir dans
les registres de l'amirauté de Marseille de nombreuses ordonnances
d'interdiction en 1604, 1607, 1611, 1615). "Si les chrétiens,
Ă©crivaient-ils au roi, n'achetaient pas les marchandises prises par ceux de
Barbarie leurs pirateries cesseraient bientĂ´t mais les sujets du roi d'Espagne,
mĂŞme ceux de Maillorque, Minorque et Sardaigne vont
ordinairement en Alger et Tunis acheter les marchandises dérobées comme font
aussi ceux de Nice et de Villefranche, mais plus fréquemment ceux de Livourne, M.
le Grand-Duc permettant que toute sorte de nations fasse le trajet de Barbarie
et Livourne et y porte les dites prises". Un religieux RĂ©collet esclave Ă
Tripoli Ă©crivait aux consuls de Marseille au sujet de ces patrons de barques
qui venaient acheter les produits des prises et les portaient Ă Livourne :
"Leur ayant demandé de quelle conscience ils osaient faire ce métier, ils
allèrent jusqu'il dire que le pape était le beau premier qui autorisait ces
brigandages, et que s'ils s'en allaient Ă Civita-Vecchia
avec leur barque ils y seraient les bien venus et
aussi bien reçus qu'à Livourne que cent autres en faisaient autant et plus tous
les jours, Ă Tunis et en Alger, Enfin, leur disant comment ils feraient pour se
confesser, ils me faisaient réponse que pour 1/4 de piastre ils trouveraient
plus de prĂŞtres qu'ils n'en voudraient." (Paul
Masson (1863-1938), Histoire du commerce français dans le Levant au XVIIe siècle,
1896 - archive.org). Pour le commerce florissant de Marseille dans les années
1570, cf. quatrain I, 18. On remarque que ce quatrain parle de "negligence Gauloise" terme quasiment reprit au
quatrain I, 73 (suivant le I, 72) : "France à cinq pars par neglect assaillie". "par Bordeaux" : en passant par Bordeaux Il s'agirait toujours de piraterie, "Narbon Toloze" désignerait
le Languedoc et plus particulièrement ses cĂ´tes (golfe du Lion : vers 2). Ces razzias Ă
terre ou Ă quelques encablures des cĂ´tes furent plutĂ´t le lot des villages du
nord de la Méditerranée (Provence, Roussillon, Italie, Espagne, Corse, Sicile,
Sardaigne...). «La mémoire collective, souligne l'historien Bartolomé Bennassar, a gardé la hantise de ces raids éclairs qui
décimaient familles et communautés villageoises et les innombrables tours de
guet qui gardent nos côtes méditerranéennes en perpétuent le souvenir». La
seule expédition de ce type dont la trace ait été conservée dans le sud-ouest
de la France est rapportée, de façon laconique, par Jean Darnal
dans ses Chroniques de la noble ville et cité de Bourdeaux
(1666) : En 1613, les «Turcqs» firent une descente sur
les côtes de Capbreton : [Ils] prindrent quantité
d'habitants de Capbreton.
Lesquels ils mirent à la cadène et les bourgeois et habitants dudit lieu pour redimer de captivité leurs compagnons firent une queste generalle par toutes les
villes du ressort et implorèrent le secours de la ville de Bourdeaux.
Etienne de Beauregard, marchand marinier de Capbreton. «Ayant
fait voyage vers la cĂ´te de Barbarie pour la pĂŞche du touil,
il a été pris par les Turcqs et mené dans la ville d'Argel.» Il fut racheté en 1670, mais ni la date de
sa capture ni la durée de sa captivité n'ont pu être établies (Marie-Claire
Duviella, Aquitains captifs des barbaresques (XVIe - XVIIIe siècles), Bulletin,
Volume 131, Numéros 1 à 4, Société de Borda, 2006 - books.google.fr). En 1613, ils avaient capturé des navires à l'entrée de la
Gironde et vendu comme esclaves, à Alger, les marins qui les montaient Cleirac, dans ses Us et Coutumes, signale comme fréquentes
ces déprédations. Les traités faits pour la répression de la piraterie avec le
sultan, avec les régences de Tripoli, de Tunis, d'Alger, du Maroc, n'étaient
jamais observés. [...] Au commencement du
siècle, ce furent les navires corsaires des protestants de La Rochelle qui
venaient croiser devant Royan; les capitaines rochelais Blanquet, Trelebois et Gaillard, rançonnaient tous les navires qui
entraient ou sortaient (Théophile
Malvezin, Histoire du commerce de Bordeaux depuis les origines jusqu'Ă nos
jours: XVIe et XVIIe siècles, Tome 2, 1892 - books.google.fr). En 1617 le maréchal de Roquelaure, gouverneur de la
Guyenne, et Jaubert de Barrault, vice-amiral, avaient armé une flottille en vue
de combattre des pirates qui infestaient l'embouchure de la Gironde. Après la
prise de La Rochelle, Richelieu commanda aux constructeurs bordelais six
galiotes constituant les premières unités d'une Marine de guerre (Jean-François
Claverie, Les chantiers du roi à Bordeaux au XVIIIe siècle, Bordeaux et la
marine de guerre: XVIIe-XXe siècles, actes de la journée d'étude organisée par
la Société française d'histoire maritime en mars 2000, 2002 - books.google.fr). Jean Lopez, écuyer, fut un capitaine actif jusque dans sa
vieillesse. En 1598, il s'obligeait à armer pour le roi le navire loué au
vice-amiral, le Royal de Bordeaux, navire de 300 tonneaux, ainsi qu'une patache
de 25 tonneaux. On retrouve Lopez à la tête de la flotte bordelaise, armée
contre des pirates, oĂą le place le vice-amiral le 15 mai 1609 (Marcel
Gouron, L'Amirauté de Guyenne (depuis le premier amiral anglais en Guyenne
jusqu'à la Révolution), 2020 - books.google.fr). Isthme Quand Narbonne est fondée en -118, les citoyens romains
s'approprient les terres et se lancent dans les cultures spéculatives de
l'olivier et de la vigne avec, comme débouché principal, l'isthme gaulois, en
direction de Toulouse et Bordeaux, le débouché vers le nord étant toujours
détenu par Marseille (Jean-Paul
Lacroix, Bois de Tonnellerie, 2006 - books.google.fr). Au début du Ier siècle, le géographe grec Strabon évoque
déjà l'«isthme gaulois», c'est-à -dire ce rétrécissement de la terre, au niveau
du golfe du Lion et de celui de Gascogne, du sud-est au nord-ouest (axe
favorable à la circulation et aux et aux échanges entre la Méditerranée et l'Atlantique
par le seuil du Lauragais). Afin de valoriser l'avantage stratégique et
économique de cette «étroitesse géographique», Louis XIV ordonne, en 1660, la
construction du canal du Midi,. Mais l'«isthme
gaulois» (350 km) est rapidement concurrencé par l'«isthme français» (750 km)
de Marseille au Havre. Si l'«isthme gaulois» avait avant tout une réalité
économique, l'«isthme français» relève clairement d'une signification
géopolitique. Elle induit, subrepticement, la centralisation parisienne et la
justifie implicitement (l'axe de l'isthme français passant par Paris). Dans
l'aménagement actuel de son territoire, la France développe aujourd'hui le
thème de l'«isthme europĂ©en», entre l'Europe duÂ
Nord et du Sud. La thématique de l'isthme a aussi fait l'objet d'interprétations
dans les domaines de la culture et de l'art. Cet «isthme culturel et artistique
français» sous-entend l'idée d'un espace du «milieu», de la convergence, du
passage obligé dans l'évolution de l'art en Europe. La France devient alors un
pays «passeur d'influences», entre des mondes de l'art et de la culture
différents (Vincent
Adoumié, Christian Daudel, Didier Doix, Jean-Michel Escarras, Catherine Jean,
Géographie de la France, 2019 - books.google.fr). Richelieu va bientôt, devant l'Assemblée des notables de
1626-1627, faire proclamer par son chancelier Marillac que «nous avons les
meilleurs ports de l'Europe, [...] la clef de toutes les navigations, [...] la
conjonction de la SaĂ´ne et Loire qui peut se faire facilement, qui Ă´te Ă
l'Espagne toutes les commodités du commerce, facilitant le chemin du Levant par
la France ou l'Océan et ôtant la sujétion de passer le détroit de Gibraltar
[...] de sorte que toutes les commodités du Levant et de la mer Méditerranée
seraient plus tôt et plus facilement à l'extrémité de la France qu'à l'entrée d'Espagne,
et rendrions la France le dépôt commun de tout le commerce de la terre», par
cette conjonction entre SaĂ´ne et Loire. On ne saurait mieux mettre en valeur ce
que les géographes appellent aujourd'hui «l'isthme gaulois» mieux assigner à la
France le rĂ´le d'entrepĂ´t de l'Europe. Telles sont, concluait ce morceau
d'éloquence ministérielle, «les considérations que M. le cardinal de Richelieu
a représentées au Roi», et qui «ont fait résoudre S. M. de mettre à bon escient
la main au commerce». [...] Nous rencontrons déjà dans ses notes, sous la date
de 1625 (dans l'année qui suivit son entrée au Conseil), une pièce intitulée
Règlement pour la mer, et suivie d'un mémoire sur l'entretien des galères.
[...] Ce projet de règlement de 1625 s'inspire évidemment au premier chef de
considĂ©rations militaires avoir en tout temps quarante galères, et dès Ă
présent en construire trente, afin de pouvoir couper les communications de
l'Espagne avec Gênes et pouvoir secourir nos alliés italiens. Cependant, et dès
le début de cette pièce, on lit «Pour garantir ceux de nos sujets qui
trafiquent en Levant des pertes qu'ils reçoivent des corsaires de Barbarie...»
Ceci montre que le futur surintendant ne séparait pas les intérêts du commerce
de ceux de la «navigation», la stratégie commerciale de la stratégie maritime (Henri
Hauser, Françoise Hidesheimer, Richelieu: L'argent et le pouvoir, 2018 -
books.google.fr). "Tuez" :
la foi Ă©teinte "tuer" a d'abord eu le sens d'"Ă©teindre",
encore chez Malherbe et usité aujourd'hui depuis la Bretagne jusqu'a la Savoie, d'ou "étourdir,
abattre, tuer" (Dictionnaire étymologique Larousse, 1969). Nous devons aussi examiner un peu l'interprétation
spirituelle de cet Evangile. Le soleil, c'est le Christ; la lune, c'est
l'Eglise; les étoiles, ce sont les chrétiens. Les vertus des cieux, ce sont les
prélats ou les planètes dans l’Eglise. Eh bien, ces signes physique
signifient à coup sûr ou qui s'est passé depuis longtemps et ce qui se passe
dans la chrétienté; car ils sont la suite et le salaire des péchés, ils
annoncent d'une façon rneemme le chitiment
de ceux-ci. Si le soleil perd son Ă©clat, il n'y a aucun doute, cela signifie
que Christ ne luit pas dans la chrétienté, c'est-i-dire: l'Evangile n'est pas préché et la foi s'éteint, de sorte qu'il n'y a plus de service
divin. Cela se produit et s'est produit par l'effet de doctrines humaines et d'oeuvres humaines; le pape trĂ´ne dans l'Eglise Ă la place du
Christ et luit comme une merde dans la lanterne, lui avec se
Ă©vĂŞques, ses prĂŞtres et ses dut sont eux qui nous ont obscurci le soleil et
qui, à la place du service divin, ont institué un service de idoles avec des
tonsures, des frocs, des vĂŞtements, des sifflements, des sonnerie de cloches,
des amie, des tintements de clochettes, etc. O ténèbres, ô tenèbres
! De la devait nécessairement résulter que la lune ne donne pas non plus de
lumière, c'est-à -dire que, la foi s'étant éteinte, l'amour devait s'éteindre
aussi; que l'on ne voit plus aucune oeuvre
chrétienne, aucun exemple d'un homme servant son prochain, mais que le peuple a
été conduit à pratiquer un culte idolâtrique, â instituer des messes, des
vigiles, des autels, des chapelles, des calices, des cloches et autres
charlataneries. O ténèbres encore une fois ! Quant â
la chute des étoiles, je l'interprète ainsi: c'est quand un homme a été baptisé
et est devenu chrétien, et qu'ensuite il est devenu prêtre ou moine. Que celui
qui le veut me croie; celui qui ne le veut pas, qu'il le laisse; je sais ce que
je dis. Je ne dis pas que tous seront perdus: Dieu peut bien conserver dans le
feu qui il veut. Mais ce que je dis, c'est que celui qui devient prĂŞtre ou
moine dans l'intention d'adopter un Ă©tat conduisant au salut, celui-lĂ passe de
la foi chrétienne â l'impiété. Car la chute des étoiles ne signifie pas les
chutes grossières comme le meurtre, l'impudicité, le vol, mais la chute de ceux
qui perdent la foi. Les prĂŞtres et les moines (Ă moins que Dieu ne fasse un
miracle) sont à coup sûr, à cause de leur état, des chrétiens apostats et renégats,
au point qu'il n'y a rien de pire sur la terre. Les Turcs aussi sont des
impies, mais sur deux points ils sont meilleurs que ceux-lĂ . En premier lieu,
ils n'ont jamais été chrétiens ou étoiles, et ils n'ont pas abandonné la foi.
En second lieu, ils ne péchent pas contre les
sacrements. Mais ceux-lĂ , ils font de la messe un sacrifice et une bonne oeuvre, ils le font chaque jour et un nombre incalculable
de fois, ce qui est la plus affreuse perversité qui ait paru sous le ciel.
Bref, celui qui veut devenir pieux et faire son salut par les Ĺ“uvres et par
l'état ecclésiastique, abandonne la foi et tombe du ciel C'est pourquoi, chaque
fois que tu vois tomber une Ă©toile, sache que cela signifie devenir prĂŞtre,
moine, nonne (Evangile du deuxième dimanche de l'avent) (Martin
Luther, Oeuvres choisies, Tome 10Â -
books.google.fr). "million" : des centaines de milliers de renégats De 1613 à 1622 neuf cent soixante-trois navires capturés, dont deux cent cinquante-trois Français, furent ramenés à Alger. Il faudrait ajouter les prises des raïs de Tunis et de Tripoli pour en avoir le total : à peu de choses près dix bateaux capturés par mois. Entre 1530 et 1780 de un à un million deux cent cinquante mille chrétiens auraient été capturés, dont huit cent mille entre 1580 et 168061. Les convertis à l’islam se compteraient par centaines de milliers. Même si une partie des captifs fut rachetée ou échangée et si des «renégats» revinrent dans le giron de l’Église – on ne tient pas compte de la valeur des bateaux capturés ni de celle des cargaisons –, le bilan est particulièrement défavorable pour la chrétienté (Gilbert Larguier, Orientaux, Turcs et turqueries autour du golfe du Lion (XVIIe-XVIIIe siècles), Les hommes et le littoral autour du Golfe du Lion, XVIe-XVIIIe siècle, 2012 - books.openedition.org). |