Lois internationales et lois intersidérales

Lois internationales et lois intersidérales

 

I, 83

 

1618-1619

 

La gent estrange divisera butins,

Saturne en Mars son regard furieux :

Horrible estrange aux Tosquans & Latins,

Grecs, qui seront Ă  frapper curieux.

 

"gent estrange"

 

A ce respond un noble acteur, Strabo, au premier liure de la Geographie, que selon lopinion des anciens Grecz, toutes les plus nobles nations Septentrionales qui leur estoient encores incongnues, ilz les nommoient Scythes, que nous disons maintenant Tartares, gent estrange et barbare (Jean Lemaire de Belges, Les Illustrations de Gaule et singularitez de Troye, 1549 - www.google.fr/books/edition).

 

VOLHYNIE, palatinat de la haute ou petite Pologne, aux confins de ceux de Kiovie, de Braclau, de Podolie, de petite Russie, de Belz, & de Breste; il est arrosĂ© des rivieres de Horin, d'Irwa, de Ster, de Slucz, & de Bog; & son sol est d'une fertilitĂ© surprenante. Les grains, les fourrages, les herbes potageres, & les lĂ©gumes, y croissent Ă  la faveur de la plus lĂ©gère culture, & l'on y nourrit des cheveaux & des bĂŞtes Ă  cornes sans nombre. [...] La Volhynie fut incorporĂ©e Ă  la Pologne, sous la regne de Sigismond Auguste, dans la diette de Lublin, en 1569 ; & l'annĂ©e 1618, excursion que firent les Tartares, elle fut dĂ©peuplĂ©e de plus de trente mille ames, que ces troupes menèrent en esclavage, après avoir fait un butin immense de bĂ©tail & de provisions de bouche (EncyclopĂ©die, ou dictionnaire universel raisonnĂ© des connoissances humaines, Tome 42, 1775 - books.google.fr).

 

L'on dĂ©libera aux Etats de faire la paix avec les Turcs; que le Prince Ladislas seroit assistĂ© pour poursuivre le droit qu'il avoit sur la Moscovie ; l'on donneroit des forces au Roy contre la SuĂ©de; Ă  quoy il pensoit tout de bon. L'occasion estoit belle, le Roy Gustave estant jeune & non-encor affermy; mais il le falloit donc attaquer tout de bon, avant que de publier le dessein de la guerre, ny de pratiquer ouvertement en Suede; car cela luy donna occasion de se tenir sur ses gardes. Cependant le temps se passe ; & pour donner de nouvelles affaires au Roy, les Tartares mettent Ă  feu & Ă  sang presque toute la Podolie : & l'an 1617, les Cosaques qui n'avoient pas laissĂ© de continuer leurs courses, nonobstant la defense du Roy, sont attaquez puissamment par Skinder Bassa. D'autre costĂ© le Prince entreprend la Guerre contre les Moscovites, avec vne armĂ©e conduite par Charles Chodkiewichs General de Lithuanie. La rigueur de l'Hyver l'empĂ©cha d'aller droit Ă  Moschow: il falut hyverner Ă  Viasimia. Voila bien des affaires en mesme temps: Zolkiewski fait vn traitĂ© Ă  sa fantaisie avec le Turc: il luy abandonne la Moldavie sans le consentement du Roy ny des Estats: & George Farensbach Livonien gaignĂ© par Gustave Roy de Suede, qui ne veut point attendre que l'on le vienne attaquer dans son Royaume, luy liure la Liuonie presqu’entiere. Le printemps revenu, le Prince ayant receu de nouveaux renforts d'hommes & d'argent, tire vers Moschow qu'il assiege, pendant que les Cosaques courent le pays d'vn autre costĂ©, & prennent les villes de Saczko, leisko, & Caluba ; mais l'argent manque : les Tartares s'assemblent en Moldavie pour faire vn effort, qu'il faut repousser auec toutes les forces du Royaume: le Prince reçoit ces nouvelles, avec ordre de traiter en diligence: les Moscovites l'apprennent dans les lettres qu'ils surprennent; & Ă  peine consentent-ils Ă  vne trĂ©ve de quatorze ans & six mois, en recevant Viasimia, & laissant aux Polonois les Duchez de Severie, Czernicovie, & Nowgrodie. L'armĂ©e des confins, quoy qu’assez puissante, ne pĂ»t empescher le degast de la Volhynie par les Tartares; Ă  cause de la division des chefs : mais le Palatin Tomsa qui les avoit fait venir, en porta la peine ; le Turc l’osta, & mit en la place Gaspar Gratian, qui les fit demeurer en paix (Jean Le Laboureur, Relation du voyage de la Royne de Pologne, 1647 - books.google.fr).

 

La guerre polono-suédoise de 1617–1618 constitue une phase de la plus longue guerre polono-suédoise (1600-1629). Elle se situe dans la continuation de la guerre de 1600-1611 et représente une tentative de la part de la Suède de soulager la Russie, alors son alliée, de la pression polonaise. La République des Deux Nations combattait alors également les Tatars et (sur le front sud) l'Empire ottoman. Les deux causes majeures du déclenchement de la guerre de 1617-1618 étaient d'une part une opposition entre la Suède et la Pologne pour le contrôle de la Livonie et l'Estonie ; et un différend personnel entre Sigismond III Vasa et Gustave II Adolphe pour le trône suédois (fr.wikipedia.org - Guerre polono-suédoise (1617-1618)).

 

Un Tartare dans les Ă©toiles

 

Le plus ancien Catalogue d'étoiles que nous possédions est celui qui nous a été conservé par Ptolémée, au Livre VIII de l'Almageste; il renferme les longitudes et latitudes de 1022 étoiles exprimées en degrés et parties de degré et se rapporte à l'an 137 de notre ère. Bien que Ptolémée assure positivement avoir recommencé toutes les observations d'Hipparque, il parait certain aujourd'hui qu'il n'a fait que réduire à son époque le Catalogue de ce dernier, dressé 267 ans avant lui, en ajoutant 2°40' à toutes les longitudes pour tenir compte de l'effet de la précession. Cette quantité, qui suppose un mouvement des équinoxes égal à 36" par an, étant trop faible de 1°2 environ (la précession à l'époque de Ptolémée était à peu près de 50"), il s'est trouvé que les longitudes de Ptolémée se rapportent non pas à l'an 137, mais bien à l'an 63 de notre ère. 783 ans après Ptolémée, un astronome arabe, du nom d'Albatégnius, corrigea et compléta le Catalogue de Ptolémée. Les observations qu'il entreprit dans ce but furent commencées vers l'an 264 de l'hégire (877 de J.-C.), et continuées jusqu'en 918, tantôt à Racta, ville de Mésopotamie (aujourd'hui Racca ou Racha), tantôt à Antioche, siège de son gouvernement. La précession déduite des observations de cet astronome a été trouvée égale à 55", valeur qui se rapproche assez, comme on voit, de la véritable. Quelques siècles plus tard, Ouloug-Beig ou Ulug-Beg, prince tartare qui régnait au delà de l'Oxus, sur la Transoxiane, nous a laissé, dans ses Tables astronomiques (en persan), un Catalogue d'étoiles qui renferme les lieux de 1019 de ces astres déduits des observations faites par lui à Samarcand, capitale de son empire. Ce Catalogue, longtemps célèbre dans tout l'Orient, forme la quatrième partie desdites Tables et a été publié en 1806 par les soins d'un savant anglais, Thoams Hyde, sous le titre de Tabulæ longitudinum ellatitudinum Stellarum fixarum, etc., Oxonii, in-4°; l'époque est fixée à l'an 1437 de notre ère. Citons encore, et par ordre de date, le Catalogue de Tycho Brahé, paru en 1600 et contenant les lieux de 777 étoiles; Kepler, d'après les observations mêmes de Ticho, y ajouta, en 1627, 228 étoiles, ce qui porta à 1005 le nombre des étoiles de ce Catalogue (Abel Souchon, Traité d'astonomie pratique, 1883 - books.google.fr).

 

"Saturne en Mars son regard furieux"

 

Si quelque Astre au malin regard,

Allume Saturne & l'embrase,

Vn deluge vient de sa part (Florimond de Raemond, Histoire de la naissance, progrés et décadence de l'hérésie de ce siècle, 1618 - www.google.fr/books/edition).

 

Car si on veut tailler les images de Venus, ou de Saturne, il faut attendre que la Deesse amoureuse entre au Taureau ou aux Balances, & pour le regard de Saturne, il sera besoin d'espier quand il entrera en Aquarius ou en Capricornus (Johann Jakob Wecker, Les Secrets et merveilles de nature. Recueillis de diuers Autheurs, et diuisez en XVII. Liures, traduit par Meyssonnier, 1653 - www.google.fr/books/edition).

 

Si dans l'instant du regard le moindre corps intermoyen prive de la vision de tout Astre, jusqu'Ă  ce que cet obstacle soit levĂ©, comme ceux qui sont causĂ©s par l'Ă©clat du Soleil sur l'horison, & par la densitĂ© des nuages ; que deviennent tous ces globules qui forment jusqu'aux yeux des rayons visuels eficaces ou inĂ©ficaces pour faire voir ces Astres dont ils seroient Ă©manĂ©s ? C'Ă©toit Ă  notre système du Monde & de Physique de l'enseigner, comme d'aprendre que l'aparition & disparition de quelques Etoiles est une suite naturelle de la progression & rĂ©gression de la Terre, qui leur procure une paralaxe visuelle, en faisant cesser, commencer, ou durer l'interception de leurs rayons visuels par d'autres Etoiles moins Ă©loignĂ©es & antĂ©rieures, suivant que la transposition insensible en fait varier la direction, avec le changement de notre point de vue; que le Soleil par son cours annuel en diffĂ©rens arcs de l'Ă©cliptique, diversifie les phases des Etoiles changeantes, selon que ses rayons interceptĂ©s par d'autres Etoiles cessent de l'ĂŞtre, & parviennent Ă  leur surface avec plus ou moins d'inflexion & d'intensitĂ©, selon qu'en consĂ©quence ses rayons reflĂ©chis par les Etoiles produisent une inĂ©gale splendeur dans cette rĂ©gion cĂ©leste ; que sans ces conditions propres Ă  ce double systĂŞme, des Etoiles ne pourroient changer en aparence d'orientation constante Ă  l'Ă©gard d'une autre, ni de radiation, & de grandeur aparente ; & que la lumiere se rĂ©pandant en ligne droite & inflexe en tous sens, les rayons visuels se courbent moins dans l'Ă©ther & l'air intermoyen, Ă  cause de la diffĂ©rente densitĂ© des couches qu'ils en traversent, que parce que la rotation de la Terre donne une dĂ©viation de 230 Ă  [238 ?] toises par seconde, que la vitesse de l'Astre observĂ© dans sa rĂ©volution en ajoute une proportionelle qui est annullĂ©e, faute d'intervale dans leur traversĂ©e & leur sensation, pendant toute la durĂ©e du regard & de l'observation : ainsi pour la visibilitĂ© des Astres, la lenteur du triple mouvement de la Terre n'est pas moins essentielle que que l'instataneitĂ© de la lumiere & des rayons visuels ? (Andre-Francois de Brancas-Villeneuve, Ephemerides cosmographiques, ou le cours aparent des planetes est designe pour l'annee 1750-1753 etc, Tome 2, 1751 - www.google.fr/books/edition).

 

"furieux"

 

Ă€ ce point de l'Introduction du Mystère cosmographique, les paragraphes se font plus courts, plus haletants. Kepler se tourne vers ceux qui, par piĂ©tĂ©, craignent que si nous disons que la Terre se meut, nous induisons que mentent les Saintes Ecritures. Suivent trois pages d'exĂ©gèse biblique oĂą sont appelĂ©s Ă  la rescousse MoĂŻse, Job, l'EcclĂ©siaste, le Psalmiste, et mĂŞme Virgile. Arguments thĂ©ologiques, philosophiques, philologiques se croisent et se rĂ©pondent, discutables parfois, spĂ©cieux souvent, comme dans tout dĂ©bat de ce genre. Puis le prophète en lui se rĂ©veille, vĂ©hĂ©ment, vindicatif : «À celui des lecteurs qui est trop stupide pour pouvoir comprendre la science de l'astronomie et la repousse, ou trop faible pour croire en la piĂ©tĂ© sans tache de Copernic et dĂ©crĂ©tant coupable toute parole de philosophe, je lui conseille de s'occuper de ses affaires, et non plus de cette grande course de l'univers, de rentrer chez lui pour y labourer son lopin...» Après cela, mais plus insidieusement, il s'en prend aux mĂ©diocres qui se contenteraient du système de BrahĂ©, avec sa Terre seule immobile dans un monde en mouvement permanent. Enfin il s'apaise, non sans avoir envoyĂ© sa flèche aux pères de l'Église, catholique s'entend, aux «AutoritĂ©s», tel «saint Lactance qui nia que la Terre flot ronde ; saint Augustin, concĂ©dant sa rotonditĂ© mais niant les antipodes ; le Saint-Office de nos temps, qui nie son mouvement». Et de poursuivre avec son ironie si particulière : «Avec tout le respect qui est dĂ» aux Docteurs de l'Église, la Terre, qui est ronde et habitĂ©e aux antipodes, est contente de sa propre petitesse et se satisfait d'ĂŞtre, en fin de compte, portĂ©e dans les Cieux.» (Jean-Pierre Luminet, L'oeil de GalilĂ©e, 2009 - books.google.fr).

 

8 Mars 1618

 

Citant Virgile, Kepler annonce sa troisième loi que nous Ă©nonçons : «Les carrĂ©s des pĂ©riodes des orbites planĂ©taires sont entre eux comme le cube de la longueur des demi-grands axes.».

 

«À nouveau, il faut achever une partie de mon Mystère cosmographique restée en suspens durant vingt-deux ans parce qu'elle n'était pas encore claire, et l'introduire ici. Une fois trouvées les vraies dimensions des orbites, grâce aux observations de Brahe, par un travail sans relâche et longuement poursuivi, enfin, la véritable proportion des Temps Périodiques à celle des Orbites et si on veut savoir à quelle date je la conçus, ce fut le 8 mars de cette année 1618 ; mais les calculs s'étant avérés infructueux, je la rejetai comme fausse ; enfin de retour le 13 mai pour un nouvel assaut, elle chassa de mon esprit les ténèbres. Entre mes dix-sept ans de travail sur les observations de Brahe, et la présente méditation, il y avait une telle réciprocité et une telle convergence que je crus d'abord rêver et avoir fait une pétition de principe. Mais il est absolument certain et exact, que le rapport entre les périodes de deux planètes quelconques est en proportion précisément sesquialtère de celui de leurs distances moyennes (c'est-à-dire de leurs orbes), à condition toutefois que la moyenne arithmétique entre les deux axes de l'orbite elliptique soit de peu inférieure au grand axe.»

 

Kepler ne nous explique pas le chemin qu'il suivit pour dĂ©couvrir cette loi qui devait influencer si fort Newton, et nous sommes rĂ©duits Ă  des conjectures sur ses tâtonnements, sans doute orientĂ©s par ses spĂ©culations harmoniques. Il n'insiste d'ailleurs pas sur l'importance de ce rĂ©sultat, cachĂ© sous le nom de «Proposition n° 8» dans le chapitre «Propositions principales nĂ©cessaires Ă  l'investigation des Harmonies», mais il le prĂ©sente comme une Ă©tape vers quelque chose de beaucoup plus important pour lui, la comparaison maintenant possible des arcs planĂ©taires parcourus en un jour par le Soleil, et surtout la transcription musicale des distances angulaires. A chaque seconde d'arc, il fait correspondre une vibration d'un ton, qui se modifie donc le long de l'orbite. Le fondamental est liĂ© l'aphĂ©lie avec une frĂ©quence Ă©gale au nombre de secondes franchies par jour, et la note la plus haute est liĂ©e au pĂ©rihĂ©lie. Les planètes chantent en choeur : Kepler doit donc trouver d'une part des rapports harmonieux entre l'aphĂ©lie et le pĂ©rihĂ©lie de chacun, et d'autre part entre l'aphĂ©lie de l'un et le pĂ©rihĂ©lie de l'autre. Et en effet, il obtient une consonance partout sauf entre Jupiter et Mars.Comme plus elles sont rapides, plus le registre est Ă©levĂ©, Kepler prend pour base l'octave de Saturne et divise autant de fois qu'il le faut par une puissance de deux les nombres exprimant la vitesse la plus faible et la plus forte de chaque autre planète pour que le quotient obtenu appartienne Ă  l'octave de Saturne. Le nombre calculĂ© reprĂ©sente le ton Ă©mis et l'exposant de deux l'octave Ă  laquelle il appartient. Le rĂ©sultat traduit avec assez de fidĂ©litĂ© la structure des cieux, les diffĂ©rences d'excentricitĂ© apparaissent et aussi le hiatus entre Mars et Jupiter (oĂą nous plaçons la ceinture d'astĂ©roĂŻdes). Alors Kepler, en bon thĂ©oricien, fait en sens inverse le chemin qu'il a parcouru et part de l'harmonie pour calculer les vitesses ; les harmonies reproduisent mieux les mesures d'Uranibourg que les polyèdres : «Au premier coup d'oeil, le Soleil de l'Harmonie Ă©clata dans toute sa clartĂ© Ă  travers les nuages», Saturne et Jupiter chantent en basse, Mars les tĂ©nors, la Terre et VĂ©nus les altos, et Mercure les sopranos (Jacques Blamont, Le Chiffre et le Songe, La rĂ©volution scientifique, 2018 - books.google.fr).

 

A la fin de son livre ( IV , 58 ) il cite ces vers de la troisième Églogue de Virgile :

 

Galatée me jette une pomme, la folâtre jeune fille ! et fuit vers les saules et avant de se cacher désire être vue (Bucoliques, Eclogue III) (Lucrèce, Virgile, Valerius Flaccus, oeuvres complètes, 1843 - www.google.fr/books/edition).

 

«C'est à bon droit, dit-il, que j'applique ces vers à la Nature. Plus on s'en approche, plus elle multiplie l’espièglerie de ses jeux, plus elle trouve de voies pour nous échapper, au moment où nous nous imaginons la saisir et la retenir; et cependant elle nous attire toujours de nouveau, comme si elle prenait plaisir à nos erreurs» (George Louis Leblois, Les bibles et les initiateurs religieux de l'humanité, 1883 - books.google.fr).

 

On retrouve Virgile au quatrain suivant I, 84.

 

"strage"

 

L'édition de 1555 porte "strage" au lieu de "estrange" (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus, (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - www.google.fr/books/edition).

 

Le latin "strages" signifie carnage, mais aussi jonchée (Gaffiot).

 

Il est employé pour désigner le chablis "strages arborum tempestatibus eversarum" (Pierre Richelet, Dictionnaire de la langue françoise, ancienne et moderne, 1732 - www.google.fr/books/edition).

 

Ce qui donne l'idĂ©e de chute :

 

Du grec "storeĂ´" Ă©tendre Ă  terre. D'oĂą stratum, strates, strages, sterno, (Auguste Latouche, Racines grecques ramenĂ©es aux langues orientales et occidentales, 1852 - books.google.fr) ;

 

Ruina, strages : chute. Ruina est la chute se faisant d'un seul coup de choses élevées avec ordre, par exemple, d'un édifice; strages, la chute de corps isolés qui se tenaient droits, par exemple, des arbres, des combattants. Ruina provient de la faiblesse, de l'affaiblissement de la base; strages est la suite d'un coup porté extérieurement. De là Tite Live (IV, XXXIII) a pu dire "strages ruinæ similis" (Ernest Barrault, Traite des synonymes de la langue latine, 1853 - books.google.fr).

 

Selon Servius, on appelle sternax equus le cheval plein de feu qui se cabre et cherche Ă  renverser son cavalier : « Et sternacis equi lapsum cervice Thymeten Â» (Virgile, EnĂ©ide Livre XII, v. 364) (Eugène Benoist, P. Vergilii Maronis Opera: Les oeuvres de Virgile, Tome 3, 1872 - books.google.fr).

 

Tectorum strages (Tite Live) : Grand abbatis & cheute de maisons ; Nemorum strages (Silius Italicus [dont le jeune Daniel Heinsius fit une Ă©dition en 1600]) : grand abattis d'arbres des forĂŞts (Robert Estienne, Dictionarium Latino-gallicum, 1570 - books.google.fr).

 

"starges" est rendu par "chute" dans la traduction du passage de Tacite  sur l'effondrement du théâtre de Fidènes sous Tibère : "Et illi quidem quos principium stragis in mortem afflixerat, ut tali sorte, cruciatum effugere" (Il pĂ©rit un grand nombre de personnes au moment mĂŞme de la chute, celles-lĂ  du moins eurent tout le bonheur qu'on pouvait espĂ©rer dans un tel accident, celui d'Ă©chapper aux souffrances) (Annales Tacite, livres 4., 5. et 6. des Annales, 1866 - www.google.fr/books/edition).

 

D'où la chute des corps et la gravité.

 

Horreur italienne pour la gravité

 

Dans son Introduction du Mystère Cosmographique, Kepler s'envole et nous entraîne vers la Lune. À travers le phénomène des marées, il affirme que tous les corps inertes, les «graves», ont en leur centre une force magnétique plus ou moins grande selon leur taille et leur poids, et qui les attire les uns vers les autres, mais aussi les repousse l'un de l'autre, comme les deux pôles d'un aimant. C'est pourquoi ils se meuvent plus ou moins vite selon qu'ils s'approchent ou qu'ils s'éloignent. De cette façon, la Terre, si on admet qu'elle se meut autour du Soleil en tournant sur elle-même, ira plus vite en se rapprochant de ce centre, et plus lentement en s'en éloignant (Jean-Pierre Luminet, L'oeil de Galilée, 2009 - books.google.fr).

 

Avec les lois de Kepler, on abandonne dĂ©jĂ  le domaine du familier reprĂ©sentable par des images : en dehors de la notion de trajectoire elliptique, qu'on peut se reprĂ©senter, les deux autres lois sont de nature purement mathĂ©matique. Il n'est donc plus possible de prĂ©tendre comprendre, tout au plus peut-on constater que les planètes respectent ces lois, sans pour autant qu'on sache pourquoi. Les lois de Kepler sont purement empiriques et il n'en propose aucune explication. La thĂ©orie de Newton semble apporter une nouvelle comprĂ©hension en ce qu'elle donne une loi unique de laquelle dĂ©coulent les lois de Kepler. Si l'on accepte qu'il existe une force d'attraction entre les corps et que cette force a la forme mathĂ©matique requise (et si l'on accepte aussi les lois de la dynamique) alors les lois de Kepler en deviennent des consĂ©quences. Mais est-il possible de dire qu'on comprend le mouvement des planètes ? Pourquoi la force de gravitation existe-t-elle et pourquoi a-t-elle cette forme ? GalilĂ©e, citĂ© par Blamont, rejetait avec horreur, le concept d'attraction Ă  distance : «Ce concept rĂ©pugne complètement Ă  mon esprit. Observant Ă  quel point le mouvement des ocĂ©ans est local et sensible, je ne peux croire Ă  des causes occultes et autres futilitĂ©s de ce genre.» On trouve le mĂŞme rejet chez Descartes pour qui seules les actions de contact sont de nature intelligible. Newton lui-mĂŞme a avouĂ© avoir les plus grandes difficultĂ©s Ă  admettre l'existence de cette force Ă  distance, ce qui le conduisit Ă  sa formule cĂ©lèbre «je ne feins pas d'hypothèses», signifiant par-lĂ  qu'il ne cherche pas d'explication Ă  la force de gravitation (HervĂ© P. Zwirn, Les limites de la connaissance, 2000 - www.google.fr/books/edition).

 

La quatrième journée du Dialogue appliquera cette critique aux théories qui attribuent les marées à une attraction lunaire. «C'est là, déclare Galilée, une chose qui répugne totalement à mon esprit, lequel, percevant dans les marées un mouvement local effectué par une masse d'eau, ne peut accepter comme cause explicative le lumière, la chaleur, l'influence des qualités occultes ou autres imaginations pareillement vaines»; et un peu plus loin «bien qu'elles [les qualités occultes] soient causes des marées, ce sont bien plutôt celles-ci qui les produisent en les faisant naître dans des cerveaux plus enclins au bavardage et à l'ostentation qu'a la recherche réfléchie sur les voies les plus secrètes de la nature» (pp. 470-1). Kepler lui-même n'est pas épargné malgré la très haute estime dans laquelle il le tient, Galilée n'hésite pas à lui reprocher ouvertement d'avoir expliqué les marées «par une influence qu'exercerait la Lune sur l'Océan», théorie qui réintroduit d'emblée dans la philosophie naturelle «les forces occultes et semblables enfantillages» (Maurice Clavelin, La Philosophie naturelle de Galilée, 2009 - www.google.fr/books/edition).

 

Epouvante

 

Parmi les "canards" qui circulaient pour crĂ©er et entretenir la crĂ©dulitĂ© dans la population propre Ă  provoquer des vocations religieuses on trouve :

 

Signes espouvantables et prodigieux apparus sur la cille de Rome qui remplissent de crainte et de tremblement toute l'Italie, Paris, P. Bertault, 1619, 16 p. ; avec une poutre de 400.000 lieues de long.

 

Souvent ces silhouettes Ă©tranges Ă©voquent des batailles. Les nuĂ©es paraissent des escadrons avec leurs lances et leurs flèches. Les Ă©chos en viennent jusqu'Ă  la terre qui tremble. [...] De tels rĂ©cits sont localisĂ©s tantĂ´t sur «la mer de Gennes», tantĂ´t Ă  Prague, tantĂ´t Ă  Rome ; ils se rĂ©pètent d'Ă©dition en Ă©dition. Ainsi, le Discours merveilleux et espouventable des signes et prodiges vues sus et dans la ville de Sedan, en 1615, raconte qu'un gĂ©ant est apparu dans le ciel, en feu, avec une lance ardente ; deux hommes montĂ©s sur de grands coursiers se livrèrent un combat ; l'un fend l'autre en deux ; son Ă©pĂ©e tombe dans la Meuse... Le mĂŞme texte reparaĂ®t en 1621 : Les signes merveilleux et espouvantables apparus au Ciel sur la ville de la Rochelle. Les rĂ©cits mettant en scène des groupes armĂ©s sont de beaucoup les plus nombreux. Le canard devient alors la narration d'une bataille fictive et Ă©pique. On a vu en 1621 Ă  Lyon, Ă  NĂ®mes, Ă  Montpellier, un bataillon Ă  de gens d'armes Ă  cheval, conduits par une Ă©toile lumineuse. Le mĂŞme thème est repris pour Londres en changeant les noms de lieu, sauf ceux de Bellecour et des Terreaux, l'Ă©diteur pensant que ces termes ne choqueraient pas le lecteur. A Genève, on a vu sortir d'une nuĂ©e une multitude de gens habillĂ©s de noir. L'armĂ©e est parfois dĂ©crite avec minutie. Ces merveilles se produisent souvent la nuit ou par temps mauvais, avec brouillard, nuages, orages... On prĂ©cise parfois le nombre des combattants, 3000 Ă  Angers en 1609 (Histoire gĂ©nĂ©rale de la presse française: Des origines Ă  1814, 1969 - books.google.fr, gutenberg.beic.it, Arts et traditions populaires, Volume 7, 1960 - books.google.fr).

 

Au temps de Tycho-BrahĂ© (1546-1601), on trouvait naturel qu'un astrologue sĂ©rieux fĂ®t l'horoscope de l'empereur. DĂ©jĂ  Ă  la naissance de Louis XIV on mettait moins en Ă©vidence les astrologues conviĂ©s : Morin et Campanella. L'astrologie au XVIIe siècle, se transforme en matière d'almanach. Voici le ton de l'astrologue Jean Fabre : «Depuis l'an 1618, nous avons vu des comètes au ciel très hideuses, des poutres de feu, des dragons, des phantasmes espouvantables. En cette prĂ©sente annĂ©e 1628, Saturne et Mars sont conjoints au mois de septembre... Grand malheur en ce monde infĂ©rieur.» MĂŞme esprit dans les Nouvelles cuvres de sieur de Cornac, 1626 (Matthieu-Maxime Gorce, L'essor de la pensĂ©e au moyen âge, 1933 - books.google.fr).

 

Thomas Campanella, quoique copernicien, fut un des astrologues (avec Hugo Grotius et Jean-Baptiste Morin) à qui on demanda de tirer l'horoscope du futur Louis XIV (on en trouve trace dans la documentation que Racine réunit à sa nomination comme historiographe en 1677). Quant à l'utopie que Campanella conçoit dans La Cité du soleil, il en confie le gouvernement aux astrologues (Olivier Leplâtre, Le fabuleux secret des astres dans les Fables de La Fontaine : heuristique et poétique, Le fablier: revue des Amis de Jean de La Fontaine, Numéro 17, 2005 - www.persee.fr).

 

Grotius parlera des « deux dents en la gorge Â» de Louis XIV : cf. quatrain I, 7 – 1636 et III, 42 – 1735 (le siècle de Louis XIV) (Jacques Massard, Explication d'un Songe divin de Louis XIV, 1690 - www.google.fr/books/edition).

 

Suite à l’acquisition d’un manuscrit d’Aratus datant du IXe siècle dans la version de Germanicus, aujourd’hui conservé à la Reijksuniversitet de Leyde, Hugo de Groote, dit Grotius (1583-1645) entreprit une belle édition des Phénomènes d’Aratus qui vit le jour en 1600. Les illustrations représentent le chasseur Orion de dos, le bras gauche couvert d’une peau de lion. Les étoiles qui courent le long de sa colonne vertébrale sont une pure invention du graveur (Jean Pierre Luminet, L'étoile de la Nativité, 2022 - blogs.futura-sciences.com).

 

Dans une lettre Ă  Vossius, Ă  l'occasion du procès de GalilĂ©e, Grotius, qui contestait le système de PtolĂ©mĂ©e, compare Kepler Ă  "Caesenas" : Scipione Chiaramonti (Henk J.M. Nellen, Hugo Grotius: A Lifelong Struggle for Peace in Church and State, 1583 – 1645, 2014 - books.google.fr).

 

Chiaramonti a publié plusieurs ouvrages contre Tycho Brahe sur les comètes et sur le système du monde, parmi lesquelles la plus notable est l’Antitycho, où il attaqua la thèse de Tycho Brahe selon laquelle, à cause de l'insignifiance de leurs parallaxes, les comètes doivent être situées dans le Ciel, bien au-delà de l'orbe lunaire. Chiaramonti soutenait, en outre, la position traditionnelle sur l'origine sublunaire des comètes, en accord sur ce point avec Galilée, comme le montre L'Essayeur. Johannes Kepler intervint dans la querelle pour défendre Tycho Brahe, avec son Hyperaspistes, en 1625, et Chiaramonti lui répondit par une Apologia l'année suivante. Bien que Galilée ait eu la même opinion que Chiaramonti sur les comètes (il le cite avec éloge dans L'Essayeur), les deux hommes devaient se heurter violemment, notamment après que Chiaramonti eut publié, en 1628, son ouvrage De tribus Novis Stellis, où il s'en prenait ouvertement à la doctrine copernicienne. La deuxième et la troisième journées du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde contiennent les réponses - souvent peu amènes - de Galilée à Chiaramonti (fr.wikipedia.org - Scipione Chiaramonti).

 

Grotius, dans l'effusion de sa reconnaissance filiale, nous donne la mesure du prix qu'il attachait Ă  la direction si parfaite imprimĂ©e Ă  ses premiers pas dans la vie. La prĂ©face de son livre sur l’Astronomie des anciens laisse, en effet, entrevoir un coin de la vie intime de la famille au sein de laquelle s'Ă©tait Ă©coulĂ©e son enfance. LĂ , il nous dit par quels moyens son père lui avait fait connaĂ®tre le prix du temps; comment il lui avait appris (comme Horace Ă  son fils) Ă  allonger sa vie en dĂ©robant au sommeil des heures si prĂ©cieuses pour le travail. Grotius avait pris pour sa devise ces deux mots latins : Hora ruit, qui furent son prĂ©cieux stimulant au travail ; aussi, quand sa pensĂ©e se reportait plus spĂ©cialement sur la cause de ses succès dans la science, il aimait Ă  rĂ©pĂ©ter ces vers d'Horace :

 

...Sed sæpè tenebras

Furari studiis et extendere vitam

Monstravit genitor...(Le traité de la vérité de la religion chrétienne de Hugo Grotius, Philippe Falle, 1860 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Château de Loevestein).

 

"Grecs"

 

L'idée selon laquelle les lois de la nature suivaient des rapports géométriques fondamentaux était apparue chez les Grecs de l'Antiquité (Joanne Baker, 50 clés pour comprendre l'astronomie, 2016 - www.google.fr/books/edition).

 

Il semble bien, jusqu'Ă  preuve du contraire, que les premiers hommes Ă  avoir mis le pied sur la Lune aient Ă©tĂ© des Grecs. D'intrĂ©pides navigateurs, franchissant le dĂ©troit de Gibraltar, ont Ă©tĂ© emportĂ©s avec leur vaisseau par une formidable tempĂŞte et ont abordĂ© une 11e ronde surplombant la Terre la Lune. C'est ce que raconte le narrateur de cette expĂ©dition qui eut lieu au Ier s. p.C. On ne peut que le croire, d'autant plus qu'il a intitulĂ© son rĂ©cit: Histoire vĂ©ritable (0.180 p.C.). Il faudrait avoir vraiment l'esprit mal tournĂ© pour prĂ©tendre que son auteur, Lucien de Samosate (v. 125 - v. 192) est un joyeux plaisantin. Tout juste peut-on lui accorder le glorieux titre de premier Ă©crivain de science-fiction... C'est un poète tout aussi fantaisiste, l'Arioste (1474-1533), qui les rejoint presque un millĂ©naire et demi plus tard. Il envoie le hĂ©ros de Roland furieux (1516-1532) alunir dans un char Ă  quatre chevaux. RĂŞverie de poète sans doute Après ce phaĂ©ton d'un nouveau genre, apparition de la rigueur scientifique : en 1609, GalilĂ©e (1569-1642) invente sa lunette. Enfin on pouvait voir la Lune ! Elle qui Ă©tait si abstraite et si lointaine devenait soudain plus proche. GalilĂ©e y dĂ©couvrit des cratères, des montagnes, des mers. Certes, il ne lui fallut pas longtemps pour douter de l'existence de l'eau sur l'astre, mais qu'importe, le Lune semblait si semblable Ă  la Terre que mĂŞme le scepticisme du savant quant Ă  la possibilitĂ© d'une vie lunaire ne doucha pas les enthousiasmes. Johannes Kepler (1571-1630), astronome lui aussi, inspirĂ© par son confrère, envisage dans son Somnium (Le songe), Ă©crit - en latin, s'il vous plait - en 1620, mais publiĂ© seulement en 1639, tous les Ă©lĂ©ments qui militent en faveur de l'existence de SĂ©lĂ©nites qui, selon lui, auraient construit leurs habitations dans les excavations lunaires. Il y envoie donc de hardis voyageurs. Certes le moyen de transport est encore très rudimentaire : l'entremise d'un gĂ©nie. Mais le savant auteur connaĂ®t bien les dangers qui attendent le voyageur: choc initial, vide et froid qui règnent dans l'atmosphère, attraction lunaire. Qu'a cela ne tienne, il suffit d'un peu d'opium et de quelques Ă©ponges humides sur le visage et le tour est jouĂ© On allait oublier, tant le propos est fantaisiste, le premier voyage dans la Lune d'expression française : on le trouve, en 1595, dans le supplĂ©ment que donnent Ă  leur ouvrage les auteurs de la Satyre MĂ©nipĂ©e (1594), recueil de virulents pamphlets contre la Ligue. Peut-ĂŞtre reprend-il l'idĂ©e - jamais menĂ©e Ă  bien - de Rabelais d'envoyer Pantagruel dans les rĂ©gions de la Lune. Quoi qu'il en soit, si les voyageurs ont recours Ă  la magie infernale pour les transporter sur l'astre, ils y trouvent un dĂ©paysement total fait d'Ă©blouissantes merveilles que leur montre une dame nommĂ©e Langue Belle (Claude Aziza, Vivre l’AntiquitĂ©, Recueil de prĂ©faces et autres textes, 2019 - www.google.fr/books/edition).

 

A mettre en rapport avec la "lune" du quatrain suivant I, 84.

 

"regard" : optique

 

Descartes reconnait Képler comme son premier maitre en optique (Lettre à Mersenne, 13 mai 1638, édit. Cousin, VII, 151). Kepler avait publié en 1604 ses Paralipomènes à Vitellion, et en 1611 sa Dioptrique. Descartes avait aussi un ouvrage du même savant, de nive sexangula et grandine acuminata, publié en 1611 (édit. Cousin, VI, 121). Quant aux grandes lois astronomiques de Képler, Descartes de parait pas en avoir vu l'importance (Charles Adam, Philosophie de François Bacon, 1890 - books.google.fr, Johannes Kepler, Ad Vitellionem Paralipomena, Quibus Astronomiae Pars Optica Traditvr, Potissimum De Artificiosa Observatione Et Aestimatione Diametrorvm deliquiorumque Solis & Lunae, 1604 - books.google.fr).

 

"frapper"

 

Le grec "phrenomoros" signifie avoir l'esprit frappé, insensé, furieux (Joseph Planche, Dictionnaire grec-françois, composé sur l'ouvrage intitulé Thesaurus Linguae Graecae, de Henri Étienne, 1809 - www.google.fr/books/edition).

 

Philon Juif dit que la curiosité est une ardeur enuenimée, qui consomme l'esprit peu à peu, iusques à qu'elle l'ait reduit en cendres. [...] Salomon asseure que la Curiosité a esté donnée à l'homme pour vn particulier châtiment de son peché. Ecclef. cap. 3. Horace dit que la nature de la superbe est de monter en haut auec des ailles d'un Icare, iusques au rencontre de la foudre de Iupiter. Et la Curiosité au contraire sonde les abysmes les plus profonds, iusques à ce qu'elle est paruenuë à celuy de l'Enfer où elle s'arreste ne pouvant passer plus outre (François Berthault, Le bouquet historial: recueilli des meilleurs autheurs grecs, latins, françois, 1672 - books.google.fr).

 

Enfin, après neuf annĂ©es d'un travail si acharnĂ©, que, de son propre aveu, Kepler a touchĂ© aux frontières de la folie, il parvient Ă  formuler les cĂ©lèbres lois astronomiques qui portent son nom et alors, dans un accès d'ivresse intellectuelle, il Ă©crit : «Après dix-huit mois, j'ai aperçu la première lueur. Depuis trois mois, le jour a lui ; depuis quelques jours, le plein soleil de la plus admirable contemplation m'a illuminĂ©. Je puis insulter aux mortels en avouant ingĂ©nument que j'ai dĂ©robĂ© les vases d'or des Égyptiens pour Ă©lever, bien loin des frontières d'Égypte, un tabernacle Ă  mon Dieu. Si vous me le pardonnez, je m'en rĂ©jouirai ; si vous vous irritez, je le supporterai. Le sort en est jetĂ© : j'Ă©cris mon livre. Qu'il soit lu par mes contemporains ou par la postĂ©ritĂ©, qu'importe ! Pourquoi n'attendrait-il pas cent ans son lecteur, puisque Dieu lui-mĂŞme a attendu six mille ans un contemplateur ?» (Charles Letourneau, La Psychologie ethnique, 1901 - books.google.fr).

 

Les travaux du grandiose tâcheron consistaient en des calculs refaits (sans ordinateur !) des dizaines de fois (usque ad insaniam – «jusqu'à la folie» confie-t-il lui-même) (Philippe Depondt, Guillemette de Véricourt, Kepler: l'orbe tourmenté d'un astronome : biographie, 2005 - books.google.fr).

 

Ainsi le cas spectaculaire et ironique de Johannes Kepler, scientifique prolifique pour qui astronomie et astrologie ne se distinguaient pas, et Ă  propos de qui les critères de la bonne foi, de l'exactitude des hypothèses de dĂ©part, et de la scientificitĂ© de la dĂ©marche sont inopĂ©rants. Kepler se tient sur la ligne de fracture entre Moyen Ă‚ge et classicisme. Foucault se dĂ©lecte de cette figure ironique, exemple privilĂ©giĂ© du savant fou ou bien de la folie qui dit vrai ; par cette figure, il introduit la question de la fiction :

 

Montaigne perdait les pistes et savait qu'il les perdait. Descartes, d'un geste, regroupe toutes les erreurs possibles, en fait une grosse liasse essentielle, la traite impatiemment comme le fonds diabolique de tom les dangers Ă©ventuels ; puis se considère quitte. Entre les deux, Kepler - qui ne dit pas la vĂ©ritĂ© sans raconter l'erreur. La vĂ©ritĂ© se profère Ă  la rencontre d'un Ă©noncĂ© et d'un rĂ©cit [...]; quant Ă  l'Ă©nonciation du vrai, elle va pouvoir se charger de toutes les modulations individuelles, des aventures et da vaines rĂŞveries (Alexandre KoyrĂ©, La rĂ©volution astronomique, Copernic, Kepler, Borelli, La nouvelle revue française, n° 108, 1961) (Jean-François Favreau, Vertige de l'Ă©criture: Michel Foucault et la littĂ©rature (1954-1970), 2017 - books.google.fr).

 

Percides deuint fol en voulant trop curieusement rechercher les principes de la folie. Alexandre fut si curieux, qu'il se mit en peine de faire fossoyer la terre pour rechercher un autre monde (François Berthault, Le bouquet historial: recueilli des meilleurs autheurs grecs, latins, françois, 1672 - books.google.fr).

 

Ou Pericides qui serait un Phérécydes. On en compte au moins trois, deux de l'île de Scyros (Cyclades) - un philosophe et un astrologue -, et un à Athènes (Jean-Puget de La Serre, Les amours des dieux, 1629 - www.google.fr/books/edition, L'Esprit Des Anciens Philosophes, Tome 5, 1795 - www.google.fr/books/edition).

 

PhĂ©rĂ©cyde de Syros (du nom d'une petite Ă®le des Cyclades) est l'auteur, au Ve siècle, d'une thĂ©ogonie postĂ©rieure Ă  celle d'HĂ©siode, contemporain d'Anaximandre, mais peut-ĂŞtre plus jeune. Il devint comme Pythagore un thaumaturge et un ancĂŞtre pour la pĂ©riode philosophique dont le reprĂ©sentant principal est PhiIon le Juif. L'ouvrage intitulĂ© Heptamuchos ou Pentemuchos est Ă©crit en prose. Il s'agissait vraisemblablement un traitĂ© philosophique, mais d'une telle obscuritĂ©, que ClĂ©ment d'Alexandrie ne craint pas de placer PhĂ©rĂ©cyde Ă  cĂ´tĂ© d'HĂ©raclite dans la liste des Ă©crivains Ă©nigmatiques de la Grèce. Il en reste que peu de fragments :

 

«Ce qui existe avant toutes choses et éternellement, c'est Zeus, Chronos et Chthôn. Chthôn prit le nom de terre quand Zeus lui donna l'honneur (geras). Chronos engendre le feu, le vent et l'eau. Puis Zeus, Chronos et Chthôn engendrent un grand nombre de dieux secondaires, répartis en cinq familles. Zeus, pour former le monde, se métamorphose en Eros et fait une immense étoffe sur laquelle il brode la terre, l'océan et ses palais. Cette étoffe, il la déploie sur un chêne porté par des ailes. Ophionée, qui s'oppose à cette formation du monde, est vaincu par les dieux que conduit Chronos».

 

Voici, selon l'un des interprétations qui ont été faites, ce que pourraient être les conceptions astronomiques de Phérécyde qui se trouvent dans son ouvrage Sur les sept compartiments du grand Tout. Ces compartiments (mucoi) devaient comprendre l'espace infini qui entoure la sphère céleste, le ciel des étoiles fixes, le ciel des planètes, la sphère du Soleil, la sphère de la Lune, la Terre et l'Enfer (le dessous de la Terre). C'étaient là les lieux de retraite et les portes par où passaient et repassaient les âmes. Diogène Laërce, dans la Vie de Phérécyde, parle de l'héliotrope comme d'un instrument propre à mesurer les solstices, les tropes (retours) du Soleil. C'était probablement un obélisque ou gnomon que ce philosophe avait élevé dans l'île de Syros. Un pareil instrument pouvait, en effet, être très utile pour déterminer le commencement de l'année grecque, en le fixant à la première Nouvelle Lune qui suit le solstice d'été. On sait que tous les quatre ans se renouvelait l'olympiade ou le retour des fameux jeux olympiques, où tous les Grecs se rassemblaient dans l'Elide. Mais peut-être ne s'agit-il, dans tout cela, que d'une fausse interprétation du passage suivant de l'Odyssée :

 

Il existe, tu en as sans doute ouï parler, une île nommée Syros, au-dessus de celle d'Ortygie (Syracuse), où sont les conversions (tropai) du Soleil [Homère, Odyssée, X, 403-406].

 

Les mots retours du Soleil (tropai helioio) signifient suivant le commentateur Eustathe, tout simplement du côté du Soleil couchant.

 

Des récits légendaires lui attribuent, par exemple, le don de prophétie. Ainsi il aurait annoncé qu'un vaisseau prêt à entrer dans le port serait submergé par la tempête; qu'un tremblement de terre devait éclater au bout de trois jours, et que l'événement aurait justifié cette double prédiction (Phérécyde - www.cosmovisions.com).

 

Phérécyde vécut au VIe siècle av. J.-C., peut-être de -585 à -499. Diogène Laërce place son acmé «pendant la 59e olympiade (544 av. J.-C.)» (fr.wikipedia.org - Phérécyde de Syros).

 

Je me propose de vous exposer l'histoire de nos idées sur l'union de la matière pondérable et de la force, dans les sciences qui n'admettent pas l'idée de la vie. Trois phases d'idées bien distinctes, trois époques de la pensée se reconnaissent tout d'abord. La première peut être considérée comme la phase autoritaire, ou celle de la séparation complète entre les idées de matière pondérable et de force. Cette phase se résume en deux mots, matérialisme et spiritualisme. On peut l'appeler phase primitive, car elle implique une ignorance presque complète des premiers principes des connaissances naturelles. La seconde phase admet à la fois l'autorité et les connaissances naturelles. Elle est marquée par la séparation incomplète des idées de matière pondérable et de force. La force y est regardée comme une matière impondérable, ou comme inséparablement unie à la matière impondérable. C'est ce qu'on peut appeler la phase du matérialisme impondérable; ce sera, si l'on veut, la phase de transition ou newtonienne. La troisième phase s'appuie uniquement sur les progrès des connaissances naturelles; elle est caractérisée par l’union complète ou l'inséparabilité parfaite des idées de matière pondérable et de force. On peut l'appeler matérialisme, si l'on comprend la définition de la force dans celle de la matière ; on peut encore l'appeler spiritualisme, si, dans la définition de l'esprit, on comprend celle de la matière. Cette phase, dans laquelle nos idées sur la matière pondérable et la force sont inséparablement unies, peut s'appeler la phase moderne.

 

La première phase, ou phase primitive, est celle de la sĂ©paration complète des idĂ©es de matière et de force. [...] Les premières idĂ©es des Grecs sur la matière et la force nous sont prĂ©sentĂ©es par PhĂ©rĂ©cydes Syrius, dans la naissance et les mariages des dieux. Selon lui, Zeus est le premier de tous. Le second principe est une substance plastique, la terre. La lumière est le troisième. Parmi les divinitĂ©s, nous voyons Uranus, Neptune, Vulcain et VĂ©nus, c'est-Ă -dire le ciel, l’eau, le feu et l'attraction. EmpĂ©docle fut le premier qui enseigna la doctrine des quatre Ă©lĂ©ments. A ses yeux, la force de la chaleur Ă©tait complètement distincte des trois formes de la matière, la terre, l'eau et l’air. [...] La seconde phase des idĂ©es, la phase de transition, est caractĂ©risĂ©e par une sĂ©paration incomplète de l'idĂ©e de matière et de celle de force. Dans cette phase, la force est considĂ©rĂ©e comme entièrement sĂ©parable de la matière pondĂ©rable, mais, en mĂŞme temps, comme composĂ©e ou parfaitement insĂ©parable d'une substance Ă©thĂ©rĂ©e, gazeuse ou fluide, susceptible de s'attacher pour un temps Ă  la matière pondĂ©rable. La première trace de l'idĂ©e que la force est une matière impondĂ©rable, est due Ă  KĂ©pler ; il s'en est servi pour expliquer les mouvements des planètes. Il pensait qu'un courant de matière fluide circulait autour du soleil, emportant les planètes dans son mouvement, comme un courant entraĂ®ne une nacelle. Il dit que le vĂ©hicule de la force qui entraĂ®ne les planètes, circule dans l'espace comme une rivière ou un tourbillon, d'un mouvement plus rapide que celui des planètes. Il affirme que ces tourbillons sont composĂ©s d'une substance immatĂ©rielle, capable nĂ©anmoins de triompher de l'inertie des corps (M..H. Bence Jones, Les sciences de la nature brute, Revue des cours scientifiques de la France et de l'Ă©tranger physique, chimie, zoologie, botanique, 1870 - books.google.fr).

 

Acrostiche : LSHG

 

"Le sieur Hugo de Groot"(Hendrik van Haestens, La nouvelle Troye ou memorable histoire du Siege d'Ostende le plus signalé qu'on ait veu en l'Europe (1600 - 04), 1615 - www.google.fr/books/edition).

 

Hugo Grotius est une figure majeure dans les domaines de la philosophie, de la thĂ©orie politique et du droit durant les XVIIe siècle et XVIIIe siècle. Avec les travaux antĂ©rieurs de Francisco de Vitoria, Francisco Suarez et Alberico Gentili, il jette les bases du droit international, fondĂ© sur le droit naturel dans son versant protestant. Deux de ses livres ont un impact durable dans le domaine du droit international : le De Jure Belli ac Pacis (Le Droit de la guerre et de la paix) dĂ©dicacĂ© Ă  Louis XIII de France et le Mare Liberum (De la libertĂ© des mers). Grotius vit Ă  l'Ă©poque de la guerre de Quatre-Vingts Ans entre l'Espagne et les Pays-Bas et durant la guerre de Trente Ans qui oppose catholiques et protestants. La France, bien que catholique, est alliĂ©e aux protestants afin d'affaiblir les Habsbourg. Grotius, en tant qu'ambassadeur de Suède en France, participe aux nĂ©gociations mettant fin Ă  ce conflit (fr.wikipedia.org - Hugo Grotius).

 

La guerre de Trente Ans dĂ©bute ne 1618 : cf. quatrain I, 82.

 

Laurentius, J. Hugo Grotius Papizans. Hoc est notae ad quaedam loca in H. G. appendice de antichristo, papam romanum et doctrinam ac religionem papisticam spectantia, et in quibus via sternitur ad Papismum anti-Christianum, Amst, 1642. vél. 4.Très rare (Théologie, philosophie, catalogue de livres anciens et modernes, no. 48, 1900 - www.google.fr/books/edition).

 

The question of Grotius’s later religious views became the subject of much discussion beginning with Laurent of Amsterdam, in his Grotius Papizans, 1642. Grotius like Erasmus was always conciliatory in matters of theology. He regretted a disunited Christendom and hoped at least for “an exterior union,” in the words of Hallam, in his Literature of Europe. Long afterwards an Italian Jurist Finetti attacked what he called the German Protestant school as founded by Grotius. He included writers as far apart as Selden, Hobbes, Pufendorf, Thomasius, Wolff, and even Schmauss in this group. See his De Principiis juris naturae et gentium, 2 vols., Venice, 1765 (Jesse S. Reeves, The First Edition of Grotius’ De Jure Belli Ac Pacis, 1625, 1909 - www.cambridge.org).

 

La question de l’irĂ©nisme et du catholicisme de Grotius a Ă©tĂ© abordĂ©e par divers auteurs : de Burigny, Vie de Grotius, Amsterdam, 1754, tome II ; Gilse, Is Hugo de Groot Room'sch geworden ? in «De Gids», jaarg. 22, I, 1858 ; Camillus Looten, De Grotio christianæ religionis defensore, thèse Lille, 1889 ; Heinrich Luden, Hugo Grotius nach seinen Schicksalen und Schriften, Berlin, 1806; K. Krogh-Tonning, Hugo Grotius und die religiösen Bewegungen im Protestantismus, Cologne, 1904 ; elle mĂ©riterait d’être reprise en examinant les relations de Grotius avec Rivet, Maresius, Calov, Laurentius (auteur du Grotius papizans) et toute une sĂ©rie d’œuvres de Grotius lui-mĂŞme (RenĂ© VĹ“ltzel, La MĂ©thode thĂ©ologique de Hugo Grotius. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 32e annĂ©e n°2, 1952 - www.persee.fr).

 

PhĂ©rĂ©cyde prit le surnom de Syrien de l'Ă®le oĂą il Ă©toit nĂ© ; Grotius le fait venir de Syrie, sans en allĂ©guer aucune preuve. Cependant il y a beaucoup plus de raison de donner, avec la plus grande partie des anciens, pour patrie Ă  ce philosophe, l'Ă®le de Syros dont nous parlons. C'est ce que dit expressĂ©ment Strabon. «Syros (l'Ă®le) a la première syllabe longue. C'est de lĂ  qu'Ă©toit originaire PhĂ©rĂ©cyde, fils de Babis, qui est plus ancien que PhĂ©rĂ©cyde l'AthĂ©nien ; or, Syros, ajoute-t-il l'une des Cyclades. Homère vante beaucoup sa fertilitĂ© et son air salubre.» Quant au nom de cette Ă®le, Homère dit Eupia ; Suidas, Syra ; Strabon et les autres, Syros. On peut donc appeler PhĂ©rĂ©cyde indiffĂ©remment Syrius ou Syrus (AbbĂ© Della Rocca, TraitĂ© complet sur les abeilles, avec une mĂ©thode nouvelle de les gouverner, telle qu'elle se pratique Ă  Syra, Ă®le de l'Archipel: prĂ©cĂ©dĂ© d'un prĂ©cis historique et Ă©conomique de cette Ă®le, Tome 1 1790 - books.google.fr, Hugo Grotius, TraitĂ© de la vĂ©ritĂ© de la religion ChrĂ©tienne, 1692 - books.google.fr).

 

Né à Delft le 10 avril 1583, Huigh de Groot était un enfant dont son ami (et futur rival) Daniel Heinsius (1580-1655) a dit qu'il ne fut jamais enfant : Grotius vir natus est (Colette Nativel, Centuriae Latinae: cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières offertes à Jacques Chomarat, Tome 1, 1997 - books.google.fr).

 

Heinsius cite Phérécyde dans son énumérations des philosophes grecs présocratiques (Auriacus, 90-93) (Jan Bloemendal, Daniel Heinsius, Auriacus, sive Libertas saucia (Orange, or Liberty Wounded), 1602, 2020 - books.google.fr).

 

L'Auriacus est dĂ©diĂ© Ă  Maurice de Nassau : cf. quatrain I, 85.

 

Johann Philipp Heinius (Heine) (Cassel 6 janvier 1688 - Berlin 8 août 1775), directeur de la classe de philosophie de l'Académie de Berlin, auteur notamment de «Dissertation sur l'origine des Êtres animés, suivant le système d'Hippocrate», Mémoires, 1745 (1746), p. 101-120, où il cite les travaux de Réaumur et Trembley sur les polypes. Il est l'auteur de Dissertation Sur Pherecyde Philosophe de Syre. In: Histoire De l'Académie Royale Des Sciences Et Des Belles-Lettres. Annee MDCCXLVII. Berlin: Haude und Spener, 1749, Mémoires, S. 303–340, insb. 336. (Johann Christoph Gottscheds Briefwechsel Historisch-kritische Ausgabe, Oktober 1749 - Mai 1750, 2021 - books.google.fr).

 

Le report de 1619 sur la date pivot -544 donne -2707.

 

Les Égyptiens, au lieu d'établir leur prétendue histoire sur des monuments ou des traditions à l'abri de toute contestation, ont mis la postérité dans l'impossibilité de fixer l'époque de leur origine et de déterminer l'ordre de succession de leurs princes. Pour arriver à quelque chose de certain sur l'histoire de l'Égypte, il faut avoir recours à l'Écriture, qui en fait remonter la colonisation vers 2,600 ou 2,700 avant l'ère chrétienne, ou 4,547 ans avant l'époque actuelle. Mais que les Égyptiens soient ou non plus anciens que les Juifs, deux peuples appartenant à la race blanche, cela est indifférent pour l'antiquité des races colorées. Quant à l'une d'elles, la race nègre, elle n'est pas même nommée dans l'Écriture, à moins que l'on ne veuille la trouver dans les descendants de Cham, que Dieu maudit et asservit à leurs frères. Cette supposition n'est peut-être pas sans quelque fondement; car, lors de la dispersion des enfants de Noé, Cham passa en Afrique avec ses quatre fils, Chus, Mesraïm, Plut et Chanaan. Chus s'établit en Éthiopie; Plut, dans la partie de l'Afrique qui est à l'occident de l'Égypte; Chanaan, dans le pays qui a depuis porté son nom; et enfin Mesraïm se fixa dans l'Égypte, que l'Écriture appelle le plus souvent Chemmis, du nom de Cham et de Mesor, d'où pourrait bien dériver Mesraïm. Les Juifs désignent encore l'Égypte sous le nom de terre de Cham et de Misraïm, dénomination qui rappelle celle du premier mois de l'année, du moins d'après les habitants de cette contrée (Marcel de Serres, De l'ancienneté des diverses races humaines, Actes de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, 1848 - books.google.fr).

 

Pour comprendre les rares fragments de Phérécydes qui nous restent, il serait utile de savoir quels sont ces livres secrets des Phéniciens dont le système de Phérécyde doit reproduire l'esprit. M. de Beausobre croit qu'il s'agit de la prophétie de Cham, fils de Noé. Conjecture assez malheureuse, puisque, selon toute vraisemblance, cette œuvre prétendue contemporaine du déluge est d'un de ces mille faussaires qui déshonorent les premiers siècles de l'ère chrétienne. Huet semble hésiter entre les livres de Moïse et celui de Sanchoniaton. Heinius n'hésite pas et se prononce pour les livres de Moise. Il est certain que la Phénicie et la Judée, pays limitrophes, sont souvent confondues par les auteurs profanes, et, d'un autre côté, on croit retrouver, sous les symboles de Phérécyde, quelques-unes des idées de la Genèse. [...]

 

Après la terre sont nées, par une certaine intervention de l'amour, des multitudes de divinités secondaires, entre autres Ophionée, le grand serpent. D'Ophionée sont sortis les ophionites qui forment son armée, et l'armée d'Ophionée est opposée à celle de Saturne, races ennemies et de natures contraires. Un combat s'engage entre les deux armées qui se disputent les régions supérieures. Les vaincus sont précipités dans l'Ogénus, les vainqueurs restent en possession du ciel. Ici, les analogies avec la Bible deviennent évidentes. Heinius insiste sur le nom d'Ophionée, et jusque sur la ressemblance des mots ogénus et gehenna. Malheureusement, dans les traditions religieuses de presque tous les peuples on trouve le combat des bons et des mauvais génies, et le serpent et l'enfer sous un nom ou sous un autre (Dictionnaire des sciences philosophiques, par une société de professeurs de philosophie, 1851 - books.google.fr).

 

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