Procès en sorcellerie à Lasserade

Procès en sorcellerie à Lasserade

 

I, 46

 

1591-1592

 

Tout auprès d'Aux, de Lectore et Mirande,

Grand feu du ciel en trois nuicts tombera,

Cause adviendra bien stupende et Mirande,

Bien peu après la terre tremblera.

 

"Aux", "Lectoure", "Mirande" : Armagnac et RN 21

 

L'Armagnac (en gascon Armanhac même prononciation qu'en français) est une ancienne circonscription de la province de Gascogne et une région naturelle, située principalement sur le territoire du département actuel du Gers et à l'est des Landes, dans les deux régions de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie. Sa ville principale et capitale historique est Eauze. Le comté d'Armagnac eut pour capitale historique Lectoure, qui demeura le siège de la sénéchaussée d'Armagnac après la création de la généralité de Montauban (fr.wikipedia.org - Armagnac (province)).

 

En 1592, Henri IV avait cédé le duché d'Albret et le comté d'Armagnac à Catherine de Bourbon, sa sœur. Il renouvela cette dotation, en mariant cette princesse, l'an 1599, avec le duc de Bar, prince de Lorraine. Mais la duchesse de Bar, devenue ainsi baronne de Nérac, étant morte à Nancy sans enfants, le 13 février 1604, Nérac devint, avec l'Albret, l'un des domaines de la couronne de France (Jean-François Samazeuilh, Dictionnaire géographique: historique et archéologique de l'arrondissement de Nérac, Tome 2, 1881 - books.google.fr).

 

Cf. les Artomiques du quatrain IV, 72, qui selon Belleforest sont les Armagnacais.

 

Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'intendant d'Étigny fit construire la grande route allant d'Auch vers les Pyrénées (actuellement route nationale 21 de Paris à Barèges passant par Lectoure, Auch et Mirande) et qui traversait l'extrémité sud du Pardiac par Laguian et Villecomtal. Dans le reste du pays, il n'y avait que des chemins dits "carretères", en langue gasconne, suivant en général la crête des coteaux pour les communications entre villages et des chemins de servitude pour la culture et les communications entre les bordes. Ces derniers, mal entretenus, jamais ou presque jamais garnis de cailloux n'étaient pas toujours accessibles aux piétons pendant les mauvaises saisons et il fallait user des attelages de beufs ou du cheval de trot pour porter le moindre fardeau (Jules Luro, Histoire du Pardiac et de ses bastides, 2004 - books.google.fr).

 

"stupende et mirande"

 

La base de données de la Patrologia latina nous fournit au moins 25 occurrences de la combinaison stupenda et miranda, dont les suivantes : O vere miranda ! o vere stupenda ! (Richard de Saint-Victor, De gratia contemplationis) ; sarracenorum conterebantur, multa quidem miranda ac stupenda haberem describere (Gautier le Chancelier, Galterii Cancellarii Antiochena Bella) et Res miranda nimis, res admiratione stupenda (Thomas de Canterbury, Sancti Thomae Cantuarienses Archiepiscopi Epistolae) (Anna Carlstedt, La poésie oraculaire de Nostradamus, 2005 - www.diva-portal.org).

 

Parmi les pouvoirs de l'Antéchrist dont les sorciers sont les représentants : "Faciet enim tam stupenda miracula, ut jubeat ignem de coelo descendere, et adversarios suos coram se consumere, et mortuos resurgere, et sibi testimonium dare" (John Morris-Jones, Sir John Rhys, Elucidarium (1346), Volume 6 de Anecdota oxoniensia : texts, documents and extracts chiefly from manuscripts in the Bodleian and other Oxford libraries, 1894 - books.google.fr).

 

Henricum Bogner in libro nuncupato, Discours des Sorciers: in quibus libris mirabilia & stupenda reperies. Ecce libri præcipui, pluribus alijs omissis quos familiares iam dudum habui, & habeo, qui formant Exorcistas, & necessaria ad illud arduum ac periculofum onus ritè obeundum tradunt (Nicolaus de Borre, Apologia pro exorcistis, energumenis, maleficiatis et ab incubis daemonibus molestatis, 1660 - books.google.fr).

 

Honorius dit d'Autun (XIIe siècle), après avoir rappelé la naissance de l'Antéchrist à Babylone "de meretrice generis Dan", évoqué sa conception par le "Diabolo" et son éducation à Corozaim par des sorciers ("a maleficis"), en vient à la peinture et à l'analyse de son règne universel : "Universo orbi imperabit, et totum genus humanum sibi quatuor modis subjugabit. Uno modo : nobiles sibi divitiis adsciscet, quae sibi maxime affluent, quia omnis pecunia abscondita erit ei manifesta. Secundo modo : vulgus sibi terrore subdet, quia maxima saevitia in Dei cultores furiet. Tertio modo : sapientia et incredibili eloquentia clerum obtinerit, quia omnes artes et omnem Scripturam memoriter sciet. Quarto modo : mundi contemptores, ut sunt monachi, signis et prodigiis fallet. Faciet enim tam stupenda miracula, ut jubeat ignem de cÅ“lo descendere, et adversarios suos coram se consumere, et mortuós resurgere, et sibi testimonium dare (J.H. Grisward, L'antéchrist et les trois fonctions, Miscellanea mediaevalia: mélanges offerts à Philippe Ménard, Tome 1, 1998 - books.google.fr).

 

Dans le livre I, chapitre 3, de l’Antipalus maleficiorum (1508) de Johannes Trithemius, bibliographie commentée des livres de magie, les termes de "stupenda" et "miranda" associés ou non s'y retrouvent souvent (Jean-Patrice Boudet, Entre science et nigromance : Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval (XIIe-XVe siècle), 2006 - books.openedition.org).

 

Un extrait du livre de raison de Raimond Favayrols, vicaire de Brusque (Archives départementales de l’Aveyron, 2 E 35-7) met en relation les mêmes termes avec les intempéries climatiques dans l'année 1441 :

 

Item VII octobris que fuit sabbati de nocte de super venerunt tante corruscationes, tonitrua, venti, pluvie et tempestates et fulgura, presertim in diocesi Agathense et premaxime in loco Marcilhete quod IX vel X hospicia funditus corruere in abissum, ita quod expost non fuere visa; et de ceteris hospiciis dicti loci corruerunt plus quam XXX cum magna parte mûri. Item lapides tempestatis predicte erant grossiores quam pugnus hominis; attamen, per Dei graciam, nullus hominum ibi periit, sed multi pre timoré facti fuerunt quasi dementes. Que omnia predicta facta sunt valde miranda et stupenda et omnis qui predicta viderit et audierit debet in timoré Dei vivere et vitam suam emendare. (Item le 7 octobre 1441, samedi, survinrent de si grandes perturbations, tonnerres, vents, pluies, tempêtes et foudres, surtout dans le diocèse d’Agde et particulièrement à Marseillette (sans doute Marseillan) où 9 ou 10 maisons s’écroulèrent de fond en comble, tellement qu’après on ne voyait plus rien. Et des autres maisons dudit lieu s’écroulèrent plus de 30, avec une grand partie du mur (de la ville ?). Les grêlons de cette tempête étaient plus gros que le poing d’un homme. Toutefois, par la grâce de Dieu, aucun homme n’y périt, mais beaucoup devinrent quasiment fous de peur. Tous ces faits sont vraiment propres à étonner et à remplir de stupeur ; et tout homme qui les aura vus et entendus doit vivre dans la crainte du Seigneur et réformer sa vie (Camarès, 2000 - cisterciensenrouergue.fr).

 

"nuicts" du sabbat, sorcellerie en Armagnac

 

Le sabbat est l'assemblée nocturne des sorcières, en compagnie des démons. La croyance au sabbat est fort ancienne en Gascogne. Comme preuve on peut citer un canon du Concile d'Agde, tenu en 506, où se trouvaient la plupart des évêques de la province d'Auch : «Si [femina] est quœ se dicat cam dœmonum turha in similitudinem mulierum transformata certis noctibus equilare super quasdam bestias et in eorum consortio annumeratam esse annumeratam esse, hæc talis omnimodis scopis correcta ex parochia ejiciatur». [...] Un texte du XIIIe siècle qualifie les sorciers, en Armagnac, d'ensabatads. Les démonologues, surtout de Lancre, ont copieusement décrit le sabbat et ses cérémonies burlesques, inconvenantes ou abominables (Jean-Baptiste Laborde, Les "Brouches" (broishas, broixas, brochas) en Béarn, Gascogne et Pays basque (1935), 2020 - books.google.fr, Paul La Plagne Barris, Sceaux gascons du moyen âge, Archives historiques de la Gascogne, Volume 17, 1889 - books.google.fr).

 

Le Malleus Maleficarum («Marteau des sorcières», c’est-à-dire marteau contre les sorcières), est un traité des dominicains Henri Institoris (Heinrich Kramer Institoris) et Jacques Sprenger (Jacob Sprenger), ayant eu place de coauteur, publié à Strasbourg en 1486 ou 1487. Il connut de nombreuses rééditions. Ce texte est utilisé dans le cadre de la chasse aux sorcières qui débute au XVe siècle en Europe (fr.wikipedia.org - Malleus Maleficarum).

 

Jacques Sprenger et Henri Institoris indiquent qu'on porte "le Saint-Sacrement pour apaiser les airs" (II,2,7), et citent un autre remède contre les grêles et les tempêtes :

 

"Trois grêlons (d'une tempête) sont jetés dans le feu à l'invocation de la sainte Trinité; on ajoute l'oraison dominicale avec la Salutation angélique deux ou trois fois; puis l'évangile de Jean: Au commencement était le verbe...; puis le signe de la croix de tous côtés contre la tempête, devant, derrière, vers les quatre points cardinaux. Alors, une fois qu'on a répété trois fois 'le verbe s'est fait chair' et trois fois 'par ces paroles de l'Evangile que soit chassée cette tempête', si elle est causée par un maléfice, cette tempête cessera aussitôt. [...] A ce sujet, une sorcière interrogée par un juge lui demndant si les tempêtes provoquées par des maléfices peuvent être apaisées de quelques manière, répondit: 'Elles le peuvent et par ceci : Je vous adjure, grêles et vents, par les cinq plaies du Christ et par les trois clous qui ont percé ses mains et ses pieds, et par les quatre évangélistes, Matthieu, Marc, Luc et Jean, de descendre en pluie sur la terre". (Les maîtres du temps: tempestaires, obligateurs, défenseurs et autres, Le temps qu’il fait au Moyen Âge : phénomène atmosphériques dans la littérature, la pensée scientifique et religieuse, éd. J. Ducos et C. Thomasset, Paris, P.U.P.S., 1998) (Claude Lecouteux, Les maîtres du temps: tempestaires, obligateurs, défenseurs et autres - books.google.fr).

 

Le seizième siècle et la première moitié du dix-septième marquent l'apogée de ce fléau de la sorcellerie qui a donné lieu à tant de procès étranges el d'horribles exéculions. Le Béarn en a souffert beaucoup plus que la Gascogne propre, mais celle-ci l'a connu également (Jean Brana, La sorcellerie à Eauze (1643-1644), Revue de Gascogne, Tome 25, 1884 - gallica.bnf.fr).

 

En 1592 la Chambre Criminelle du Béarn employa pour la première fois l'expression de «sorceleries et empousonamentz», compromis francisé entre la tradition locale et la vulgate. La même année, les Ossalois de Béost usaient simultanément de sorciers et sorcières, posoers et pousoeres. La posoere apparaissait une dernière fois dans un procès-verbal des Etats du 22 juillet 1600. Par la suite, sourciers et sorcières s'imposèrent définitivement; le terme de magiciens fut employé une fois par le Parlement en 1667 (Christian Desplat, Sorcières & diables en Gascogne: fin XIVe-début XIXe siècle, 2001 - books.google.fr).

 

On raconte en Limousin qu'au temps jadis le curé de Beaumont et celui de Saint-Salvadour s'étant arrêtés près d'un ruisseau, avant de le traverser, prirent quelques gouttes d'eau dans le creux de leur main, les répandirent vers les quatre points cardinaux en faisant des signes de croix, avec quelque paroles et reprirent chacun le chemin de sa paroisse. Ils n'avaient pas fait cinq mètres chacun, que le tonnerre se mit à gronder, et qu'il tomba des torrents de pluie et de grêle. Les sorciers, sans doute pour accomplir des maléfices analogues, se réunissaient parfois dans le voisinage des eaux courantes; ceux de Panjas et de Lanjusan en Armagnac tenaient leur sabbat près d'un pont, comme certaines sorcières du pays basque (Paul Sébillot, Le folk-lore de France, Tome 2, 1905 - books.google.fr).

 

Pour conjurer les orages, les paysans ont généralement recours aux mêmes moyens, qu'il s'agisse de pluie ou de grêle. Il existe cependant quelques procédés directement liés à la grêle. Pour la faire cesser, rien de tel que les grêlons euxmêmes. Une ancienne recette, peut-être d'origine médiévale, figure dans l'Enchiridion du Pape Léon, grimoire apocryphe publié en France au XVIe siècle (la première édition en latin daterait de 1525 et la française de 1579, selon Paul Nizard). L'auteur recommande de prendre «trois pierres de grêle des premières chutes» et de les jeter au feu «au nom de l'adorable Trinité», le tout mêlé de signes de croix, de prières et de récitations de l'Evangile selon saint Jean (éd. de 1630). On retrouve des croyances du même genre au XIXe siècle. Dans le Gers, il faut jeter les trois premiers grêlons dans le feu. Si la grêle persiste, il est nécessaire de renouveler l'opération avec sept grêlons et de tirer un coup de fusil dans les nuages (1886). Selon une femme de Sainte-Christie-d'Armagnac, on ne «grille» qu'un grain sur la braise, mais on ajoute dans le feu de l'eau bénite, une poignée de sel, du laurier bénit des Rameaux et l'on recouvre le tout de cendres. Durant cette opération, il faut réciter le «Souvenez-vous», prière à la Vierge de saint Bernard de Clairvaux (XIIe siècle) [L. Mazeret, 1912] (Marie-Charlotte Delmas, Dictionnaire de la France mystérieuse, Tome 1, 2016 - books.google.fr).

 

Cf. les interprétations des quatrains I, 66 et X, 67 où l'on parle d'Agobard, évêque de Lyon du IXe siècle, qui refusait la croyance à la réalité des pouvoirs des tempestaires, contrairement à César de Bus.

 

Lasserade 1592

 

Jean Michel Laclaverie a su retrouver des documents inédits, parfois difficiles mais parfaitement exploités, d'une affaire de sorcellerie à Lasserade (Gers) en 1592. La seule date figurant aux pièces du procès est le 23 décembre 1592. Les feuilles sont les dépositions qui mentionnent le sabbat, des danses nocturnes, de la magie noire. La période est très dure pour les populations à cause des dégâts causés par les guerres de religions et les conditions météorologiques désastreuses. Il faut des exutoires, des coupables. Les documents énumèrent 17 femmes sorcières, trois sorciers et quelques témoins. Les femmes dénoncent une vieille voisine, une belle mère, le plus souvent de pauvres gens. Elles parlent de réunions nocturnes sur une lande entre Lasserade et Pouydraguin, de rencontres avec le diable qui promet, disent-elles, de l'argent si elles baisent son derrière et renoncent à la religion catholique. Parfois, il abuse de la la plus jolie. Elles reconnaissent parfois les faits sauf deux accusations terribles pour l'époque l'usage du poison et le mauvais sort sur les récoltes ou le bétail. Les témoins (les jurés ?) sont des hommes plus aisés qui viennent de Plaisance, d'Aignan, de Tasque etc. L'un d'eux obtient l'acquittement immédiat de son épouse injustement accusée : est-il très amoureux ou comme le pensent certains, a-t-il peur de perdre une dot intéressante ? La fin de l'histoire n'est pas connue. L'épisode reflète bien l'époque de temps difficiles où le peuple a besoin de dérivatifs, de coupables le plus souvent choisis parmi les pauvres ou les marginaux. [...]

 

C'est donc une nuit de vendredi qu'Andine rencontra le diable. Le vendredi est réputé néfaste un peu partout en Gascogne traditionnelle. La nuit de vendredi à samedi est celle qui ouvre le sabbat (alias samedi) […]

 

Les chirurgiens traquent la marque du diable à l'aide d'aiguilles parfois impressionnantes qu'ils plantent dans tout le corps de l'accusée. Jean Dubroqua, chirurgien de Lasserrade est pourtant présent lors de nombreuses comparutions. Mais rien n'indique qu'il ait mis son art au service du tribunal. Les seuls frais que nous indiquent les documents sont les rétributions des gardes des sorcières emprisonnées, mais rien pour le paiement d'un chirurgien. [...]

 

En 1592 les juges n'ont pas écouté les sorcières et ont imposé à leurs victimes des aveux tirés de manuels de démonologie, et en particulier du plus célèbre d'entre eux, le Malleus maleficarum, le «marteau des sorcières». En France le  En France le peuple était passionnément catholique. Les procès de sorcellerie étaient bien vus par l'opinion, le pouvoir était souvent plus indulgent que la nation. Mais que sont devenus les accusés ? Ont-ils été exécutés ou bannis. Nous ne disposons malheureusement pas d'éléments concrets de réponse. Quelle est la nature des faits de sorcellerie à Lasserrade ? Superstition ou manigances diaboliques ? Quoi qu'il en soit en 1900, un homme accusait encore sa voisine de sorcellerie : «Pour que je guérisse, il faudrait que cette femme meure !». Elle s'appelait Jeannette, et habitait au lieu de Mormez, comme l'une des sorcières de 1592. Curieuse coïncidence (Sorcellerie dans le bas-Comté d'Armagnac en 1592, Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 105, Numéros 1 à 4, 2004 - books.google.fr).

 

Les procès contre les "sorciers" et les hérétiques organisés par le pouvoir religieux et politique et non le "peuple" sont là pour prouver qu'il était plus prudent de les "bien voir" et de rester cacatholique. Etait-ce vraiment un choix ? Que les autorités fassent preuve de mansuétude révèle leur rôle de pompiers pyromanes. Comme on avait besoin de bras pour engraisser les nobles et les cucurés, une persécution générale n'était pas souhaitable, il suffisait de faire des exemples et la psychologie des foules fait le reste.

 

La chasse aux sorcières dont fut victime la communauté en 1592 est aussi le signe de l'importance de la pauvreté. C'est peut-être également un aspect de la rupture entre la culture urbaine et la culture paysanne. Les citadins protestants ou catholiques veulent «changer l'homme», et se sont heurtés à un refus des communautés paysannes (Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 108, Numéros 1 à 4, 2007 - books.google.fr).

 

Feu du ciel

 

La foudre est aussi l'arme favorite des jetteux de (mauvais) sorts, de ceux qu'on dénonçait comme tempestaires, des sorciers et des sorcières réputés pour leurs pouvoirs sur la nature. [...] Ces individus usent d'un langage mystérieux, d'un rituel complexe et de recettes étranges, transmises de bouche à oreille dont une, tirée du Marteau des Sorcières de 1487, est décrite par les inquisiteurs Jacques Sprenger et Henri Institoris : “Premièrement, au milieu des champs, nous usons de certaines paroles pour demander au chef des démons d'envoyer l'un des siens pour frapper celui que nous désignons. Ensuite, ce démon étant venu, nous offrons un poulet à un croisement de routes en le lui jetant en l'air ; saisi par le démon, il lui obéit et se met aussitôt à battre l'air. Alors il fait tomber la grêle et la foudre, pas toujours cependant aux endroits désignés par nous mais selon la permission du Dieu vivant." (Jean-Pierre Leguay, Les catastrophes au Moyen Age, 2005 - books.google.fr).

 

Pour les trois nuits (de sabbat ?), notons qu'il y avait trois sorciers (et 17 sorcières) à Lasserade en 1592.

 

Orages en Armagnac

 

Le territoire de la commune de Lasserrade est vulnérable à différents aléas naturels : météorologiques (tempête, orage, neige, grand froid, canicule ou sécheresse), inondations et séisme (sismicité faible) (fr.wikipedia.org - Lasserrade).

 

Les orages de grêle sont en Armagnac assez fréquents et parfois terribles, bien plus terribles que les gelées (Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volumes 84 à 85, 1983 - books.google.fr).

 

Les orages gascons avaient fortement impressionné Pétrarque pendant son séjour à Lombez (Odile Brel-Bordaz, Au labyrinthe avec vous descendue, 1986 - books.google.fr).

 

Le Lectourois souffre particulièrement de la grêle. [...] Les contrats d'afferme considèrent la grêle comme un cas fortuit qui peut, après expertise, apporter aux fermiers une diminution de la rente qu'ils doivent au maître. L'évêque de Lectoure leur reconnaît cet avantage lorsqu'il arrente, en 1587, les dîmes du chapitre cathédral. Morcelée, localisée, donnant aux riches des vins de qualité, aux pauvres un breuvage agréable, permettant aux desservants et aux chapelains la célébration des offices, la vigne marque les paysages agraires, et son rôle dans la vie sociale du XVIe siècle, dans cette humble vie de tous les jours qui fait, elle aussi, l'histoire, est certainement essentielle (Pierre-Léon Féral, La vigne dans le Lectourois au XVIe siècle, Bulletin, Société d'Histoire et d'Archéologique du Gers, Volumes 49 à 50, 1948 - books.google.fr).

 

PERICLADO, PERICLÈRO, PERIGLÈRO et PÉUGLÈRO (g.), s. f. Orage, tempête, temps orageux, en Gascogne, v. aurige. PERICLE, PERIGLE (g.), PRIGLE (bord.), (v. fr. pericle, lat. periculum, péril), s. m. Foudre, en Toulousain, v. charruscle, foudre, lànci, rugle, tron; tonnerre, en Gascogne, v. trounèire. "pet de perigle !" juron gascon qui répond au tron de Dieu des Provençaux (Frédéric Mistral, Lou tresor dóu Felibrige, ou, Dictionnaire provençal-français, Tome 2, 1878 - books.google.fr, Jean-François Bladé, Proverbes et devinettes populaires recueillis dans l'Armagnac et l'Agenais, 1880 - books.google.fr).

 

La carte de la foudre du Gers, comme celle de la Haute-Garonne, comprend trois zones : 1 ° Une zone à coups de foudre très rares, formée par des mollasses de l'Armagnac très pauvres en éléments radioactifs, (entre Pamiers et Auch). 2° Une zone où les coups de foudre sont fréquents, dans la partie occidentale du département; le sol en est formé par des mollasses miocène-marines. 3° Une zone moyenne s'étend sur le reste du département où le sol est formé par des mollasses de l'Armagnac et par des alluvions anciennes (Revue générale des sciences pures et appliquées, Volume 50, 1939 - books.google.fr).

 

La région centrale entoure la ville d'Auch et groupe autour d'elle les cantons d'Auch-Nord, Auch-Sud, Montesquiou (partie Est), Jegun (partie Sud), Gimont, Saramon, Fleurance (partie Sud). Les terrains les plus largement répandus dans la contrée forment le sol argilo-calcaire (ou terrefort), ainsi appelé à cause des constituants principaux des mollasses de l'Armagnac dont il est composé; en beaucoup d'endroits, les calcaires prédominent largement dans la mollasse (calcaire de Lectoure). Par ailleurs, les boulbènes, à peu près complètement décalcifiés, occupent la rive gauche en pente douce des cours d'eau. Les propriétés de ces deux sortes de terrains se manifestent par les effets habituels que nous allons examiner. Les coups de foudre sont assez fréquents dans la région centrale du Gers; ils tombent principalement sur des lignes de contact boulbènes-terrefort. La présence de plusieurs lieux d'origme des grêles (voir ci-dessous) nous indique qu'il y a dans les mollasses du pays des matières radio-actives qui les rendent dangereuses. Parmi les lieux fréquemment foudroyés de la région, nous citerons : le village et la commune de Roquelaure (6 fois dans la période de nos investigations), la compiune de Castin (4 fois), le village de Castillon-Massas (3 fois), le poste de transformation de Gimont (1 fois); la plupartj de ces lieux sont assez souvent grêlés. Aucun coup de foudre ne fut enregistré à notre connaissance dans la ville d'Auch, pendant la période de notre enquête.

 

La région qui comprend les cantons de Condom et de Lectoure en totalité, et une partie de ceux de Valence et de Fleurance, est une des plus éprouvées du département par la foudre et la grêle. Les terrains qui la composent sont à peu près les mêmes que ceux de la région d'Auch. Pour la plus grande part, ce sont des mollasses lacustres de l'Armagnac, passant par endroits au calcaire de Lectoure; il y a aussi des bandes de boulbènes sur1 la rive gauche des cours d'eau; enfin, dans le Nord de la région, on voit apparaître, le long des rivières, le calcaire gris de l'Agenais. Tous ces territoires offrent, pour la grêle et la foudre, des dangers manifestes, principalement sur les lignes de contact. La région de Condom-Lectoure est dans l'ensemble très modérément foudroyée. Cependant, au milieu d'elle, se trouve un territoire, dont la présence est la particularité la plus remarquable de la région. Ce territoire constitue une sorte d'îlot, très dangereux au milieu d'une contrée qui ne l'est guère; il comprend les communes de Saint-Mézard, Pouy-Roquelaure, Ligardes, Pergain-Taillac, Saint-Martin-de-Goyne. Presque à chaque orage, la foudre frappe un ou plusieurs points ie ce territoire; elle atteint soit les mollasses de l'Armagnac, soit les calcaires de Lectoure ou les calcaires gris de l'Agenais; les coups de foudre les plus nombreux tombent sur les lignes de contact de ces terrains. On explique les propriétés curieuses du territoire de Saint-Mézard par une concentration localel de matières radio-actives dans l'une des roches en présence; il semble, d'après l'examen géologique des lieux foudroyés, que cette roche est la mollasse de l'Armagnac ou le calcaire de Lectoure qui lui est étroitement apparenté. Quoi qu'il en soit, la région Condom-Lectoure est une des plus dangereuses, pour la foudre qu'il y ait dans le département.

 

La région située un peu à l'Ouest de la partie centrale du département comprend, presque en totalité, les cantons de Vic-Fezensac, Jegun, Valence-sur-Baïse, Fleurance. Les mollasses de l'Armagnac recouvrent la plus grande partie du sol; il y a aussi de larges (bandes de boulbènes sur la rive gauche des cours d'eau, une dei ces bandes s'éilargit en une vaste nappe, à l'Ouest de Fleurance; enfin, nous citerons un petit pointement de calcaire du crétacé supérieur et de marnes de l'éocène, au voisinage de la station thermale du Masca. Les mollasses miocènes présentent ici quelques propriétés dangereuses, qui ne sont pas sans analogie avec celles du territoire de Saint-Mézard, dans la région de Condom-Lectoure. Les clochers constituent d'habitude les points culminants des villages placés sur les hauteurs; certains sont parfois, atteints par la foudre (Vic, Belmont, Bazian, Biran, Sainte-Radegonde), quelques-uns furent ainsi complètement détruits.

 

Le pays qui produit les eaux-de-vie renommées du Bas-Armagnac, est à cheval sur les deux départements des Landes et du Gers est délimitée par une ligne qui passe par Montréal, Gondrin Courrensan, Lannepax, Lagraulas, Castillon-de-Batz, Lupiac, Castelnavet, Lasserrade, Galiax, Préchac-sur-Adour, pour aller de là rejoindre le point où se coupent les frontières des trois départements des Basses-Pyrénées, des Hautes-Pyrénées, du Gers; celui-ci est au Nord de ce point triple, et le Bas-Armagnac occupe toute la partie placée à l'Ouest de la ligne de démarcation précédente. La ligne qui délimite le Bas-Armagnac du Haut-Armagnac, lequel correspond à peu près au reste du département, sépare les mollasses marines à l'Ouest, des mollasses lacustres, dites de l'Armagnac, à l'Est. Les mollasses marines se sont déposées à peu près à la même époque; elles sont plus siliceuses et moins riches en calcaire; c'est pourquoi elles sont considérée comme plus dangereuses pour la foudre.

 

On peut dire que les lieux dangereux pour la foudre et la grêle sont peu répandus dans le département du Gers. Les lieux foudroyés sont répartis sporadiquement dans tout le département. Baucoup d'entre eux sont situés sur les lignes de contact des mollasses et des boulbènes, ou sur celles des deux étages de mollasses lacustres : l'étage inférieur de Sansan, l'étage supérieur de Simorre. Ces lieux ne sont nulle part très serrés, sauf dans deux territoires privilégiés : l'un de ces derniers est situé dansi les environs de Saint-Mézard (canton de Lectoure); l'autre se trouve dans la commune de Tudelle (canton de Vic-Fezensac), où se produisirent dans le même lieu, il y a quelques années, deux électrocutions mortelles. Par contre, les lieux atteints par la foudre sont très rares dans une région située au Sud-Est du département (région de Mirande-Lombez), qui se prolonge dans la Haute-Garonne (C. Dauzère, La géographie de la foudre et de la grêle dans le Sud-Ouest de la France [suite]. In: Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 16-17, fascicule 3, 1945 - www.persee.fr).

 

Une enquête en 1546 fut menée par Arnaud Claverie dans cette zone de l’archevêché d’Auch. Il visita l’Armagnac, l’Éauzan, le Gabardan et l’Albret, notamment pour en savoir plus sur les églises, chapelles et paroisses de ces régions. En effet, il reçut pour mission de l’archevêché d’Auch de savoir dans quel état se trouvaient les églises de la frange orientale et nord-orientale de l’archidiocèse pour que l’Église puisse à nouveau faire valoir ses droits sur les édifices concernés. Il signale qu’il se trouve dans l’ancien archidiaconé d’Armagnac et que l’église d’Aignan est récemment restaurée. Il rappelle que le clocher est vieux et a besoin d’être réparé. La foudre est tombée sur le clocher l’année précédente, en 1545, entraînant sa ruine. Le clocher que nous voyons actuellement est peut-être celui qui a été reconstruit après 1545.

 

Durant l’année 1589-1590, les protestants ont ravagé une grande partie de la Gascogne, notamment cette région de l’Armagnac dans laquelle la plupart des édifices religieux a souffert de leur présence (Christophe Balagna, Les parties romanes de l’église Saint-Laurent d’Aignan (Gers), 2011 - hal.science).

 

Comme l'on a pas trouvé, dans la documentation internet, d'exemple d'orage en 1591-1592 en Armagnac, qui de plus aurait duré trois jours, on en observe dans les régions alentour :

 

Dans la région de Castres, en mars, avril et mai 1592, pluies abondantes et orages de grêle; en mars 1593, graves inondations; en juin 1594, pluie de chenilles à Castres. Le refroidissement du climat ne signifie pas seulement des hivers rudes (pas tous, d'ailleurs), mais aussi et surtout des printemps tardifs et frais et des étés généralement très pluvieux qui gâtent une partie des récoltes de céréales; en juin-juillet, à l'époque de la soudure, les grains renchérissent ou même c'est la disette (1571-1572, 1592 et 1597-1598). Les paysans quittent les métairies et les pauvres de la montagne affluent vers Castres pour bénéficier des aumônes et des secours alimentaires; la ville nourrit chaque jour cinq cents à huit cents pauvres en juin 1571; on compte huit cents à douze cents mendiants en juin 1598. Ces crises de subsistances, la guerre aidant, favorisaient la formation de bandes de brigands qui désolaient périodiquement le pays castrais et toute la province (Rémy Cazals, Histoire de Castres, Mazamet, La Montagne, 1992 - books.google.fr).

 

Du Bartas

 

L'Armagnacais Du Bartas évoque la tempête ainsi que la fusion du ciel et de la mer comme signes de la colère divine, préparant thématiquement l'«Histoire de Jonas» et la fin de son poème, lequel devait aller, comme il l'annonce dans sa prière initiale, de la création à la fin du monde trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.» Du Bartas, poète-prophète, reprend donc Jonas à son compte et à celui de ses contemporains, heureux de trouver dans sa vaste entreprise une conjuration de leur angoisse de fin de siècle (Marc Bensimon, L'Histoire de Jonas de la Seconde Sepmaine, Du Bartas, poète encyclopédique du XVIe siècle, 1988 - books.google.fr).

 

Entre le 18 et le 22 mai 1584, Henri roi de Navarre se rend à Saint Georges à quelques lieues de Lectoure au château du Bartas, demeure robuste que le poète-soldat Guillaume Saluste du Bartas venait d'embellir «d'un corps de maison du cousté vers le soleil levant». C'est d'ailleurs lors du séjour du prince avec son gentilhomme ordinaire au Bartas que survint au château «une grande calamité», probablement une catastrophe atmosphérique, tempête, grêle ou orage car le roi, quelques jours après son passage, lui accorda une somme de 200 écus «de laquelle somme nous lui avons faict et faisons don par ces présentes en considération de la grande calamité qu'il a soufferts en nostre présence en ses biens, lorsque nous estions en sa maison...» (R. Schuler, Le parc du Château d'Henri IV : la sauvetage d'un patrimoine, Revue de Pau et du Béarn, N ° 12, 1985 - books.google.fr).

 

Dans ses Commentaires de la Sepmaine, Simon Goulart, né à Senlis le 20 octobre 1543 et mort à Genève le 3 février 1628, un théologien et humaniste français, disserte sur les trois sortes de foudres antiques, et indique que Jonas passa trois jours et trois nuits dans le ventre d'un poisson (fr.wikipedia.org - Simon Goulart, Commentaires sur La sepmaine de la creation du monde, de Guillaume de Saluste sieur du Bartas, 1597 - books.google.fr).

 

Quoique les païens eussent leurs mânes bienheureux, tous les mânes relevaient des enfers et de Pluton, le Jupiter Summanus ou dieu des mânes. L'Évangile le confirme, puisque le Seigneur ne descend aux enfers que pour lui en arracher les clefs (Jules Eudes de Mirville, Le Vrai Secret de M. Renan et de ses maîtres sur la Résurrection, explications ajournées par les possesseurs du secret, et pourquoi, 1864 - books.google.fr).

 

Comme Jonas a demeuré trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi demeurera le Fils de l'homme trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. [...] Jonas ne fut pas sitôt dans la mer, que toute la violence de l'orage fut apaisée; et Jésus-Christ ne se fut pas plutôt offert à la mort pour les péchés du monde, que toute la juste fureur que Dieu avoit conçue contre les pécheurs fut éteinte (Louis de Grenade, Catéchisme, ou introduction au symbole de la foi, Tome 3, 1825 - books.google.fr).

 

Louis de Grenade (dominicain, 1504-1588) est traduit et publié à Lyon par Jean Pillehotte, de l'imprimerie de Pierre Roussin, en 1592 (tolosana.univ-toulouse.fr).

 

La Sauvetat

 

Barthélemy Vignaulx qui témoigent des intempéries en Armagnac en 1592 était notaire à La Sauvetat (Gers).

 

Au plan local, pour les communautés concernées par le procès de l'hiver 1592-1593, les guerres de religion ont eu des conséquences importantes. L'église de Croute dépendant spirituellement de Pouydraguin et située sur les terres du seigneur de Lasserrade, a été ravagée par les hordes huguenotes et meurtrières de Montgomery en 1569. C'était un peu plus de vingt ans avant le procès qui nous intéresse ici. Le traumatisme devait encore être important en 1592, et la peur toujours présente car les affrontements continuaient. En 1588, un massacre a lieu au château de Lasalle près d'Aignan. En 1589 le baron de Lau s'empare de Marciac, puis en 1591 de Barcelonne du Gers, avec massacre et pillages. En juin 1592, Jegun est pris par les catholiques... La violence est partout. Extorsion, pillages, meurtres accompagnent le passage des soldats. Et en cet hiver 1592-1593, des malheurs venus du ciel frappèrent les habitants du comté d'Armagnac, et s'ajoutèrent aux malheurs de la guerre. Trop de pluie au printemps causa la perte d'une grande partie des récoltes, et la famine s'installa rapidement. Véronique Larcade rapporte à ce sujet les propos de Maître Vignaux, notaire de La Sauvetat : «[...] Le mois de mai fort sec, sauf environ la fin et tout le mois de juin que nous eûmes pluie qui continua ou le jour ou la nuit quarante deux jours et cela gâta tout [...] Tout le pays criait à la faim, même des principaux et des plus opulents [...]». Les difficultés et les souffrances provoquées par ce fléau climatique et les conséquences des guerres de religion, ont pu exacerber les jalousies et les haines locales. Elles ont pu trouver par le moyen d'un procès de sorcellerie, une échappatoire. Devant une telle adversité, qui accuser ? La sorcière devient responsable des malheurs qui accablent ses voisins. Le siècle de la raison n'est pas encore né ! Ainsi à la fin du XVIe siècle des procès se multiplient et par bien des aspects rappellent les troïki de l'époque de la Grande Terreur stalinienne (Sorcellerie dans le bas-Comté d'Armagnac en 1592, Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 105, Numéros 1 à 4, 2004 - books.google.fr).

 

SALVITAS, atis. f. Eccl. La Salvetat, près de Toulouse. Salvetat, en Querci. La Sauvetat, près d'Ausch [On trouve salvitas dans les fragmens de Plaute] (Nicolaus Magniez, Novitius, Seu Dictionarium Latino-Gallicum, Schreveliana Methodo Digestum. Ou Dictionnaire Latin-François, Suivant La Methode De Schrevelius, Tome 5, 1721 - books.google.fr).

 

SALVITAS, Immunitas data loco vel Ecclesiæ aut Monasterio à Principibus. [...] Jupiter Salvator dicitur (Charles du Fresne Du Cange, Glossarium ad Scriptores Mediae & Infimae Latinitatis, Tome 3, 1678 - books.google.fr).

 

Sur la route romaine d'Auch à Toulouse, tirée de l'itinéraire de Burdigala à Hierusalem

 

Ad Iovem. Lêguevin, d'après Danville et mon savant confrère et ami, M. Dumège. Pour peu que le calcul des distances s'y prêtât, nous préférerions placer cette position à la Salvetat ou à la Sauvetat, sur la voie, à côté de Lêguevin. Malgré l'ingénieuse opinion de M. Dumège sur l'origine de ce dernier mot, en patois de la localité, Leougo-bin, nous pensons qu'il faut en chercher uniquement l'étymologie dans le latin ou le roman, leuga bina, qui indique la distance de cette position à Toulouse, deux lieues ordinaires du pays. On trouve dans les itinéraires romains plusieurs lieux indiqués sous la dénomination de ad Jovem. Quelque temple, quelque oratoire ou simplement quelque autel consacré à Jupiter leur aura donné ce nom. «Les temples, dit Dom Martin (bénédictin de Saint-Maur, 1684 - 1751), étaient souvent à la porte ou à l'entrée des faubourgs de quelque ville remarquable.» C'est ce qui avait lieu ici par rapport à Toulouse. Le mot sauvetat indique toujours un lieu où il a existé un temple ou un autel, et plus particulièrement dédié à Jupiter, ce dieu ayant le surnom de salvator Jupiter sauveur (M. Chauduc de Crazannes, Voies romaines du département du Gers, Bulletin monumental, Tome 3, 1838 - books.google.fr, Jean-Joseph Brial, Recueil des historiens des Gaules et de la France, Tome 1, 1869 - books.google.fr).

 

Tremblement de terre

 

Il y a eu un tremblement de terre dans la Bigorre le 6 juillet 1592 (Grégory Quenet, Les tremblements de terre aux XVIIe et XVIIIe siècles: La naissance d'un risque, 2017 - books.google.fr).

 

Tarbes, capitale de la Bigorre, se trouve sur la N 21

 

"trois nuicts" : trois foudres

 

SUMMANUS : Ovide mentionne la restauration du temple de Summanus, mais sans indiquer que Tatius avait introduit ce dieu à Rome. Summanus était le dieu des foudres nocturnes. D'abord on le révérait beaucoup plus que Jupiter, dit saint Augustin d'après Varron; mais quand on eut érigé le temple du Capitole, Summanus fut tellement négligé qu'on n'entendait ou qu'au moins on ne lisait plus son nom. L'attribut de ce dieu n'est pas douteux. Arnobe le confond avec Dis; et Festus rapporte que les foudres du jour venaient de Jupiter et les foudres nocturnes de Summanus. Le nom qu'on avait donné à ce dieu était un euphémisme: car les Romains aimaient toujours à adoucir par l'expression les idées lugubres. Quant à l'origine de Summanus, elle est étrusque ou sabine, peutêtre l'un et l'autre. Les Sabins avaient fait beaucoup d'emprunts à l'Étrurie, et on trouve plusieurs divinités communes et d'autres conformités dans la religion de ces deux peuples (Victor Duruy, Italie ancienne: Institutions moeurs et coutumes, Tome 2, 1855 - books.google.fr).

 

Dans le théologème des trois foudres de Iupiter-Tinia, on sait que la théologie étrusque attribuait à Tinia quelque chose qui était sans doute à l'origine une foudre triple, caractérisée par des adjectifs spécifiques comme trisulcus ou trifîdus, et qui est ensuite devenu trois foudres, trois manubiae, pour reprendre le terme technique, comme l'indiquent les témoignages concordants de Festus (s.u. manubiae, 114, 5 L), Sénèque (NQ, 2, 41, 1-2) et Pline (HN, 2, 138). Dans un vers de l'Enéide (8, 427), Iupiter lance ces foudres. Des spéculations plus tardives ont réussi à distinguer entre ces foudres trois degrés de puissance, toujours d'après Festus et Sénèque : une première foudre, de faible puissance, qui a seulement valeur d'avertissement et est considérée comme bénéfique; une seconde, plus puissante, dont l'effet est «mixte», à la fois bénéfique et maléfique; une troisième, enfin, qui est uniquement destructrice (Gérard Capdeville, Les dieux de Martianus Capella. In: Revue de l'histoire des religions, tome 213, n°3, 1996 - www.persee.fr).

 

On voit Pan avec la foudre, sur deux petites figures romaines, en bronze au collège romain (Johann Joachim Winckelmann, Histoire de l'art chez les anciens, traduit par Hendrik Jansen, Tome 1, 1793 - books.google.fr).

 

«Une monnaie des Carnutes, dit M. Allmer, est particulièrement significative à l'égard de la roue; on y voit un aigle volant, tenant entre ses serres une roue (Hucher, Art Gaulois, p. 71, no 2). Plus significative encore est une statuette de Jupiter : le dieu porte en bandoulière un trousseau d'objets longs et effilés en forme d's, et tient de la main droite, à demi étendue, un foudre; la gauche repose sur une roue (Bulletin épigr., t. I, p. 57, et mieux dans Deux Stèles par M. Ed. Flouest, 1885, p. 19). Facilement, on reconnaît à première vue dans le faisceau d's une provision d'éclairs, dans le foudre la foudre elle-même, et dans la roue le tonnerre comparé au roulement d'une roue, les trois manifestations essentielles de la foudre la lumière, la violence et le bruit».

 

On peut remarquer que les autels à la roue sont presque toujours dédiés, lorsqu'ils portent l'indication d'une divinité, non pas Jovi optimo maximo, mais simplement Jovi, ce qui me paraît prouver, jusqu'à l'évidence, que les gallo-romains distinguaient parfaitement entre le Jupiter gaulois, souverain maître du tonnerre, et le Jupiter optimus maximus d'importation latine (Émile Espérandieu, Inscriptions antiques de Lectoure, 1892 - books.google.fr).

 

Météores

 

Le Soleil est lui même le grand feu du ciel vu de la Terre et sa chute, son coucher, marque le début de la nuit.

 

Vision céleste... météorites ! Le tout étant plus merveilleux et étonnant que maléfique, il s'agit d'une curiosité peu coutumière (Florent Arnaud, Le GRAND LIVRE de L'HISTOIRE du MONDE des HOMMES, Tome VII, 2010 - books.google.fr).

 

Si les grandes chutes de météores durent ordinairement trois jours, c'est que la terre, dans son mouvement de translation annuel, met, à chacune des deux époques, trois jours à traverser la zone qui en est remplie (Les étoiles filantes, L'utilité commerciale, industrielle, agricole, politique, scientifique, artistique, littéraire et financière: journal universel, 1864 - books.google.fr).

 

Métaphores

 

Au XVIIe siècle, les manuels des collèges jésuites racontaient l'histoire contemporaine de la France en célébrant l'odre et la religion.

 

Scène de «tragédie», la France est terre victime de catastrophes : aux ravages des soldats «en rapines», s'ajoutent les «inondations», les invasions, les «tempestes», les «orages» et les «incendies» de la guerre civile ou de l'hérésie. Le dénouement est toujours heureux, le héros royal intervenant à bon escient : «les brouillards qui s'estoient élevez dans France se dissipoient par la bénignité du Roy, comme à la veue d'un Soleil naissant» ou «L'an 1593, Henri quatriesme... vainquit la résistance de ses sujets, il se rendit maistre de leurs esprits, il coupa le nœud gordien de la Ligue et comme un nouveau Soleil, sortant des ténèbres de l'hérésie, il répandit sa Lumière sur toute la France». Terre nourricière, la France-Gaule possède un sol exceptionnel pour sa fertilité. Cluvier, et Labbe après lui, la décrivent heureuse et féconde en bons bleds et terres grasses et de rapport propre pour rendre de grands revenus de fruicts, garnie et plantée de beaux vignobles, et d'oliviers en quelques endroits; abondante en troupeaux de toute sorte de bestiaux et de choses requises à leur nourriture, arrosée des eaux vives, de fontaines et rivières; et qui nourrit fort peu d'animaux ennemis de la nature et nuisibles; si foisonnante et remplie de telle abondance de bleds qu'elle peut se parangonner aux plus fertiles terres d'Europe» (J. Lecuir, A la découverte de la France dans les manuels d'histoire et de géographie des collèges jésuites du XVIIe siècle, La découverte de la France au XVIIe siècle, 1980 - books.google.fr).

 

"Grand feu" : Lucifer

 

Rappelons que Lucifer est, étymologiquement, le «porteur de lumière», c'est-à-dire de la lumière céleste, du feu du ciel, mais que sa chute est due à son orgueil qui lui a fait dérober ce feu, et que, dès lors, il n'est plus qu'un usurpateur (Bertrand Acquin, Ce soir l'apocalypse, il était temps !, 2006 - books.google.fr).

 

Le chapitre 14 d'Ésaïe commente de cette façon l'histoire de la rébellion de Satan : «Astre brillant, fils de l'aurore !» (verset 12), ou bien, selon l'ancienne version latine appelée Vulgate : «O Lucifer, fils de l'aurore» (David Jeremiah, Ce que la Bible dit des anges, 2004 - books.google.fr).

 

D'où vient que Lucifer, tant eslevé par nature, et sureslevé par la grace, est tombé, et que tant d'anges, moins advantagez, sont demeurez debout en leur fidellité ? Certes, ceux qui ont persevere en doivent toute la loüange à Dieu, qui, par sa misericorde, les a creez et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, à qui peuvent-ils attribuer leur cheute, sinon, comme dit sainct Augustin, à leur propre volonté, qui a, par sa liberté, quitté la grace divine qui les avoit si doulcement prevenus ? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer (Is., 14) ! qui tout ainsi qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, rêvestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour, qui devoit croistre jusques au midy de la gloire eternelle ? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous; mais tu as manqué à la grace. Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour; mais tu privas son amour de ta cooperation: Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection (Traité de l'amour de dieu, Livre II, Chapitre X) (Oeuvres complètes de saint François de Sales, Tome 4, 1868 - books.google.fr).

 

En Armagnac, encore au siècle dernier, il arrive que le diable, après avoir pris la forme d'un bouc, descende par la cheminée, jettant l'effroi au sein de paisibles familles. «La cheminée est la large voie que le monstre suit de préférence lorsque dans un orage il veut effrayer le quartier en fonçant sur les habitations sous l'aspect d'une lame de feu qu'on nomme tonnerre. Aussi voyez la précaution du chef de la maison ! A peine le ciel s'est-il assombri dans un moment d'orage et les nuages ont-ils répercuté deux ou trois fois les sourds grondements d'une longue étincelle invisible produite dans les hautes régions de l'atmosphère, il s'arme du fusil, s'installe dans l'âtre privé du feu pour un instant et décharge son arme sur l'horrible nuage qui porte dans ses flancs l'ennemi du foyer. L'orage se dissipe bientôt. Le voisinage s'assemble. On cause avec admiration du succès obtenu. On n'ose pas trop cependant s'en attribuer exclusivement le mérite. En effet des amis éloignés ont aperçu au milieu des nues un prêtre bienfaisant qui dirigeait la grêle pour en régler sagement les effets et la faire tomber sur un bois inconnu ou dans une lande anonyme» (cf. abbé Cazauran, Monguilhem et Toujouse, Paris, Maisonneuve, 1890, pp. 340-341). Cette technique de la lutte armée contre la foudre est mentalement assimilable, par exemple, à celle des Scythes qui, de la même manière, tiraient à coup de flèches contre les nuées orageuses. Elles se réfère à une conception restée peu ou prou animiste de l'univers. Les coups de fusil tirés contre les nuages par les paysans de l'Armagnac à la fin du XIXe siècle sont à l'origine d'une pratique encore banale en nos régions, notamment lorsqu'il y a lieu de combattre un feu de cheminée (R. Sindou, Gallo-roman pagan, pacan, bacan, Hommage à Jean Séguy, Via Domitia, Volume 2, 1979 - books.google.fr).

 

Acrostiche : TG CB, Tégée - cabale

 

Après la mort d'Ulysse, Mercure coucha avec sa femme Pénélope qui, près de la citadelle de Tégée, lui donna un fils nommé Pan; de là vient qu'on le qualifie aussi de Tégéen.

 

Pan est qualifié de "dieu de Tégée" par Virgile (Georg. I, 18). Tégée est une des plus anciennes villes d'Arcadie, fondée, suivant la tradition, par Tégéatès, fils de Lycaon. Schulz a bien montré que, pour ce texte, le mythographe a repris une scholie de Georg. I, 18, dans le manuscrit de Berne (Philippe Dain, Mythographe du Vatican I: traduction et commentaire, 1995 - books.google.fr).

 

Mais ie ne puis passer par souffrance, ce que Jean Picus Prince de la Mirande [Pic de la Mirandole], au positions Magiques escript, que la Magie naturelle n'est que la pratique de la Physique, qui est le filet auquel Satan attire les plus gentils esprits, qui pensent que par la force des choses naturelles on attirera, voire on forcera les puissances celestes. Et neantmoins en la XXII. position le mesme autheur soustient qu'il n'y a rien qui ait plus grande force en la Magie, que les figures & characteres. Et en la position XXI. il soutient que les paroles barbares, & non significatiues ont plus de puissance, que celles qui signifient quelque chose. Nous auons monstré la vanité, ou pour mieux dire, l'impieté de telles choses. Mais pour descouurir le secret de telle imposture que le mesme autheur a couuerte, ou celuy qui a emprunté son nom, nous voyons en la XXVIIII. position sur les Hymnes d'Orphee ces mots, Frustrà naturam adit, qui Pana non attraxerit : Pour neant use des choses naturelles, qui n'aura attiré Pan, c'est à dire, qui n'aura inuoqué Satan.

 

Tous les anciens ont entendu par le mot de Pan, ce que les Hebrieux appellent Satan, & par les terreurs Paniques, ils ont tousiours signifié les frayeurs des Diables, & ceux que souffrent les Dæmoniaques fuyans les malins esprits, quand ils viennent les vexer : & Plutarque au liure De Oraculorum defectu, appelle le Prince des Dæmons, le grand Pan, à la mort duquel les autres Dæmons furent ouys faire de grands cris, & gemissemens, au temps de Tybere l'empereur : laquelle histoire est aussi confirmee par Eusebe aux liures de la Preparation Euangelique. Et par mesme moyen en l'vnziesme position, où il parle de Leucothea, il entend la Lune, que les Hebrieux appellent la Blanche, & en la XIX. position, où il dict, qu'il n'y a rien qui puisse auoir effect en Magie, sine Vesta, il entend les sacrifices faicts par feu. Le mesme autheur faict de la Cabale vne vraye magie pernicieuse, & qui destruit entierement les fondemens de la loy de Dieu : ce que chacun pourra cognoistre, qui y regardera de pres, car la Caballe n'est rien autre chose, que la droicte interpretation de la loy de Dieu couuerte soubs la terre : Et neantmoins son but est de faire des miracles par la force des lettres & characteres. J'ay bien voulu descouurir ceste imposture, à fin que ceux qui lisent Agrippa le maistre Sorcier, & ceux qui font de mesme opinion, ne foient abusez, usans de pierres, de plantes, & autres choses naturelles pour attirer les forces & influences celestes (Jean Bodin, La Demonomanie des sorciers, 1598 - books.google.fr).

 

Nicolas Remy, né en 1530 et décédé en avril 1612, est un avocat, procureur général, historien, diplomate et auteur lorrain de la fin du XVIe siècle. Il est l'auteur de la Démonolâtrie (1592) Remy est connu pour son ouvrage sur les démons, sorciers et sorcières, dans lequel il a consigné plus de neuf cents procès et séances de torture sur une période de quinze ans : Dæmonolatreiæ libri tres publié a Lyon en 1595 et traduit en français en 1998. Le titre fait écho au célèbre ouvrage de Jean Bodin, De la Démonomanie des sorciers (1580), qui a connu de nombreuses réimpressions. Entre 1577 et 1592, Rémy condamne plusieurs centaines de personnes au bûcher pour satanisme. La méthode du magistrat aboutissait inévitablement à la condamnation (fr.wikipedia.org - Nicolas Remy).

 

Fils du prévôt de Charmes-sur-Moselle, où il naquit vers 1530, Nicolas Remy était encore enfant lorsqu'il rencontra une « magicienne» qui reconnut avoir fait venir, dans la jambe de son voisin, «un ulcère dont sortit une pelote». La protection du marquis d'Avré lui permit d'aller «étudier en France», notamment à Toulouse où il put faire la connaissance du démonologue Bodin. La peste le chassa de cette ville. Il s'en fut à Auch où il remplit des fonctions ecclésiastiques mineures en l'église métropolitaine. Un jour, une grêle de pierres s'abattit contre les fenêtres de sa chambre et il y vit la main du Démon. En 1563, à Paris, il entre en relation avec une Vosgienne spécialisée dans la recherche des trésors enfouis. Elle lui parle d'une sorcière de ses amies capable de tirer des confidences d'un cadavre cloué au gibet depuis plusieurs heures. Il ne hausse même pas les épaules, tant il est friand de merveilleux diabolique. Il a quarante ans lorsque son oncle, François Mittat, se démet en sa faveur de sa charge de lieutenant général au bailliage des Vosges, à Mirecourt. Brillant magistrat, il obtient cinq ans plus tard d'être attaché à la personne du duc de Lorraine en qualité de secrétaire ordinaire. Bientôt, il siège au tribunal des échevins de Nancy. Ce tribunal ducal, de cinq ou six membres, présidé par le maître échevin, connaît des causes criminelles dans le ressort de la prévôté de Nancy (soixante-douze villages); mais il doit encore réexaminer et, dans la plupart des cas, confirmer toutes les sentences de mort prononcées par les tribunaux des trois bailliages lorrains. Nicolas Remy devient conseiller du duc en son conseil privé (il avait été anobli six ans plus tôt); en 1581, comme procureur général de Lorraine, il redouble d'ardeur dans la chasse aux sorcières. Il se fit gloire d'avoir envoyé au bûcher, en qualité de maître échevin, neuf cents personnes. Mais les victimes de son zèle de procureur furent au moins trois fois plus nombreuses. La ville de Nancy lui offrit un joli tableau à la naissance de son septième enfant, le 3 juin 1598; il avait alors soixante-huit ans. Un an plus tard, il dut à la protestante Catherine, soeur de Henri IV et belle-fille du duc de Lorraine, d'obtenir pour Claude Remy, son fils aîné, la survivance de sa charge de procureur. Ennemi viscéral du Démon, il ne craignait pas d'être le protégé d'une «hérétique». Il avait écrit sa Démonolâtrie en latin, au cours de l'année 1592, année de répit pour les sorcières, l'épidémie de peste empêchant les tribunaux de siéger. (Hélas ! la maladie en tua peut-être autant que la justice, sans plus de discernement.) Nicolas Remy s'effaça devant son fils en 1606, mais ne cessa de rimer en latin. Après la mort de Charles III, lorsque le duc Henri II entra à Nancy, les vers de Remy à la gloire de son avènement étaient déjà imprimés. Il mourut en avril 1612. La légende en a fait un inquisiteur, «le Torquemada lorrain». Elle ajoute qu'à la fin de sa vie, il se dénonça comme suppôt de Satan, se fit donner la question et mourut sur le bûcher. En réalité, il s'est éteint paisiblement et sans remords, persuadé de l'impuissance du Diable à l'égard des juges, des inquisiteurs et des bourreaux. La meilleure définition de ce personnage est de Dintzer, son plus récent biographe : «Nicolas Remy est un primitif vivant en Lorraine à l'époque de la Renaissance.» Il est bien d'un primitif en effet d'attribuer aux événements les plus accidentels et les plus explicables une cause surnaturelle et d'en faire le résultat du déchaînement des forces occultes. Nicolas Remy avait condamné au bûcher une Nancéienne dont le seul crime fut de passer dans une rue au moment même où un enfant, tombé d'une fenêtre, s'y écrasait. Son explication : la passante était une sorcière; elle a utilisé la force mystérieuse qu'elle tenait de son maître pour attirer l'enfant vers le vide, alors qu'il tendait le bras pour s'emparer d'un nid ! (Jean Vartier, Histoire de la Lorraine, 1994 - books.google.fr).

 

L'acrostiche TGCB pourrait être décomposé comme T GC B ou T Jessé B.

 

Jessé de l'hébreu ISAI : don de dieu de schai (don) ou de jesch (qui existe) (Augustin Calmet, Dictionnaire historique, archéologique, philologique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, Tome 4, 1859 - books.google.fr).

 

Le futur Théodore de Bèze s'appela primitivement Dieudonné ou Déodat. Il signera les lettres de sa jeunesse du sigle D, où Herminjard voit l'initiale de son prénom. Sa première mention dans un document genevois (son inscription sur les registres d'habitation), le désigne comme un «sieur Dieudonné de Besze, natiffz de Vézelay en Bourgongne» (Paul Frédéric Geisendorf, Théodore de Bèze, 1967 - books.google.fr).

 

Il ne faut pas s'étonner de ce que Théodore de Bèze, dans l'Histoire ecclésiastique des Eglises réformées au royaume de France, maltraite, à plusieurs reprises, le prélat dont Ribier a cru devoir dire : «Il bruloit de zèle et de ferveur pour la foy catholique et fit guerre ouverte aux nouveaux religionnaires.» Tantôt Théodore de Bèze l'appelle bien étrangement (t. I, p. 157, sous l'année 1558) «l'un des plus invétérés apostats de France» ; tantôt il raconte (Ib., p. 325, sous l'année 1560) que «le cardinal d'Armagnac vint à Nérac, portant une grande bulle, par laquelle le Pape excommuniait Boynormand, le sieur de La Gaucherie, précepteur de M. le prince de Navarre, et leurs adhérens, mais on ne tint grand conte de luy, ni de ses bénédictions qu'il fit à l'entrée de la ville, tout le monde s'en mettant à rire» (Philippe Tamizey de Larroque, Lettres inédites du Cardinal d'Armagnac, 1874 - books.google.fr).

 

Georges d'Armagnac est un membre de la Maison d'Armagnac issue du lignage des anciens ducs de Gascogne dont l'origine remonte au VIIIe siècle ou IXe siècle. Il est le fils de Pierre d'Armagnac, bâtard de Charles Ier d'Armagnac, et capitaine des guerres d'Italie. Pierre fut légitimé par le roi Louis XII en 1502. Il était comte de l'Isle-Jourdain. Sa mère était Fleurette de Lupé (fr.wikipedia.org - Georges d'Armagnac).

 

La seigneurie de Lasserade, et celle de Tieste, appartenaient encore en 1568 à François de Lupé. Ce dernier est le descendant de Gaillard de Lupé qui reçut la seigneurie de Lasserade des mains du comte d'Armagnac en 1390, en récompense de services rendus (Jean-Michel Laclaverie, Une dame gasconne de la noblesse rural, Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 104, Numéros 1 à 4, 2003 - books.google.fr).

 

Au plan local, pour les communautés concernées par le procès de l'hiver 1592-1593, les guerres de religion ont eu des conséquences importantes. L'église de Croute dépendant spirituellement de Pouydraguin et située sur les terres du seigneur de Lasserrade, a été ravagée par les hordes huguenotes et meurtrières de Montgomery en 1569. C'était un peu plus de vingt ans avant le procès qui nous intéresse ici (Sorcellerie dans le bas-Comté d'Armagnac en 1592, Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire & scientifique du Gers, Volume 105, Numéros 1 à 4, 2004 - books.google.fr).

 

Le cardinal d'Armagnac meurt 3 mois après l'élection de Sixte V en 1585. Il était archevêque d'Avignon où César de Bus fondera sa congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne en 1593, reconnue par la papauté en 1598 (fr.wikipedia.org - Georges d'Armagnac).

 

Cf. le quatrain I, 66.

 

La constitution de Sixte V, cæli et terræ creator de janvier 1586, condamne ceux qui : «Sortilegiis et superstitionibus non sine dæmonum saltem occulta societate aut tacita pactione operam dare non verentur;» elle condamne encore ceux : «Qui etiam expressa cum diabolo pactione nefarias magica artis incantationes adhibent.» (Bonaventure Philip, Conférences théologiques, dogmatiques et morales, Tome 1, 1867 - books.google.fr).

 

Cf. le quatrain précédent I, 45.

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