107 ans

107 ans

 

I, 51

 

1595

 

Chef d'Aries, Juppiter & Saturne,

Dieu eternel, quelles mutations !

Puis par long siecle son maling temps retourne :

Gaule & Itale, quelles esmotions !

 

Roussat donnait la date de la conjonction de Jupiter et de Saturne au dĂ©but du signe du BĂ©lier : "la tresfameuse approximation & union de Saturne & Jupiter qui se fera pres de la teste d'Aries, l'an de nostre Seigneur mil sept cens & deux". Chaulveron donne la date du 22 mai 1702 au 6° degrĂ© du BĂ©lier (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties: (Ă©dition MacĂ© Bonhomme de 1555) de Nostradamus, 1996 - books.google.fr).

 

Les conjonctions de Saturne et de Jupiter entrent en considération de comput mystique chez les Ismaéliens. Selon leur théorie, elles se reproduisent d'une triplicité zodiacale à une autre (d'eau, de feu, de terre ou d'air) tous les 238 ans (Lettre à Henry - Jovialistes et Achem).

 

Les Frères de la Pureté, secte mystique ismaélienne, en parlent dans leur Encyclopédie constituée de 52 épîtres, rédigées à la fin du IXe et au début du Xe siècle. Ils ont inspiré les Druzes, chez qui le jeudi est un jour cultuel important, et dont le quatrain précédent I, 50 ferait mention.

 

L'homme, roi de la création, est sur la limite du monde corporel et du monde spirituel, parce que sa nature participe à la fois de la Raison, de l'Ame et de la Matière. Ainsi est composé un microcosme correspondant au macrocosme. Le mouvement des sphères célestes est engendré par l'Ame universelle et de ce mouvement dérivent tous les mouvements d'ici-bas. Or la cause première de ce mouvement est la tendance de l'Ame vers la Raison, de l'imparfait vers le parfait, et cette tendance prouve que l'univers a été créé, car s'il était éternel, il serait parfait et conséquemment n'éprouverait aucun besoin de se mouvoir. La tendance en question est ce qu'on appelle l'amour, et il s'observe à tous les degrés de l'échelle des êtres, sous différentes formes. Lorsque le mouvement de retour de la création vers sa source sera terminé, le but sera atteint et la création entière rentrera dans le repos, c'est-à-dire, dans le sein de la divinité. C'est ce que les Frères de la Pureté considèrent comme la grande résurrection. Ce système n'appartient pas seulement aux Ikhwân as-Safâ. Toutes les sectes philosophiques musulmanes l'avaient adopté. Il se retrouve chez les Soufis et chez les Ismaélis. La théorie cosmogonique de ces derniers et de leurs successeurs, les Druzes, est, abstraction faite de certains détails, absolument identique à celle des Frères de la Pureté. Il ne serait pas impossible que des liens secrets eussent rattaché les loges de ces derniers à celles des Ismaélis. C'est d'ailleurs ce que nous donnent à entendre les docteurs orthodoxes, qui enveloppent tous ces hérétiques dans une même réprobation. Ibn Taimiyyah parlant des Nosairis, branche des Ismaélis, s'exprime en ces termes à leur égard : « Tantôt ils s'ap» puient sur les opinions des matérialistes, etc.; à l'imitation des Frères de la » Pureté, tantôt ils suivent les principes des philosophes et des mages, adorateurs de la vache, » et plus loin : « Ils détournent de son vrai sens une parole » venue du Prophète, à l'instar des Frères de la Pureté et de ceux qui leur ressemblent; leurs croyances sont les mêmes. » En effet, en ce qui concerne les traditions et le Koran lui-même, les Frères de la Pureté, n'osant sans doute les passer sous silence dans leurs écrits, prirent le parti de les interpréter symboliquement. Or l'explication allégorique du Koran est précisément ce qui distingue la secte des Ismaélis. C'est même pour cela qu'ils ont reçu le nom de Bâtinis. [...] Les traités des Frères de la Pureté se répandirent en Espagne, dès le XIe siècle, et durent exercer une grande influence sur notre philosophie et notre théologie scolastiques (S. Guyard, sur Die Lehre von der Weltseele bei den Arabern im X. Jahrhundert, von Dr Fr. Dieterici) (Revue critique, 1873 - books.google.fr).

 

1595 - 1702

 

De 1595 à 1702 il y a 107 ans. On remarque que le quatrain I, 49, daté de 1593 selon la méthode de ce site, parle explicitement de l'an 1700. Il y a encore 107 ans. Un long siècle (au singulier dans toutes les éditions).

 

107 ans

 

Cette expression ne figure pas dans les recueils de locutions françaises. Elle ne relève pas au surplus d'un langage très acadĂ©mique mais bien plutĂ´t de l'argot populaire. Les classiques l'ignorait totalement, et - Ă  noter - les langues Ă©trangères ne possĂ©dait pas d'Ă©quivalent sous cette forme. Le nombre 107, vĂ©ritable miroir Ă  alouettes fascine les chercheurs qui basent sur lui leurs explications ou essayent tout au moins de le faire ce qui conduit aux plus invraisemblables suggestions, du genre de celles qu'on trouve par Pi : s'appuyer sur la Genèse et les Ă©vangĂ©listes pour justifier une expression française, vulgaire et moderne, ce me semble dĂ©passer les limites permises! Qu'est-ce donc que ce fameux 107, sinon un modeste nombre premier ? Il n'a aucune signification scientifique ou autre. Ce n'est pas une constante au sens mathĂ©matique, astronomique, physique, etc., du mot. Ce n'est ni Pi ni e, ni le 7 de l'Ecriture sainte, ni le 13 fatidique. Hypothèse : 107 ne pourrait-il pas constituer le dĂ©but d'une proposition verbale dĂ©formĂ©e et tronquĂ©e dans sa transmission d'un individu Ă  un autre ? (Rappelant, en cela certain jeu de salon pratiquĂ© au temps de notre adolescence). Dans cet esprit, attendre 107 ans proviendrait de : Attendre sans s'Ă©teindre... Donnera qui pourra un sens concret et la suite voulue Ă  cette interprĂ©tation... A qui en tiendrait encore pour le nombre 107, je signalerais sans plus de commentaires que Montaigne dans son Journal de voyage (sĂ©jour Ă  Rome), p. 199 de l'Ă©d. de P. d'Espezel, fait allusion Ă  la cĂ©rĂ©monie de «l'aumĂ´ne des pucelles» rĂ©unies le dimanche de la Quasimodo (1581?) au nombre de cent et sept (F. de Vair) (L'Intermediaire des Chercheurs et Curieux, Volume 10, 1960 - books.google.fr).

 

On a parlé de la durée de construction de Notre Dame de Paris, de la guerre de Cent ans plus celle de Sept ans, de l'attente du Messie.

 

On peut alors rechercher d'autres périodes historiquement attestées, mais toutes les conjectures se heurteront à cette évidence : l'expression, populaire, ne semble pas remonter au-delà du XXe siècle ! Il est donc plus vraisemblable que cent sept ne soit que fictif et que la période très longue symbolisée par cent sept ans ne vaille que parce qu'elle excède celle de la vie humaine. L'âge de cent ans est déjà une exceptionnelle échéance. Sept, nombre fétiche, par ailleurs symbole par ailleurs symbole biblique de totalité et d'achèvement (sept jours, sept cieux, sept sceaux, sept trompettes, sept églises, sept péchés, sept fléaux, etc.) aurait logiquement été ajouté à cent pour exprimer une durée difficile à dépasser, du moins à l'aune d'une existence (Jean Maillet, 500 expressions populaires décortiquées, 2017 - books.google.fr).

 

Alcool de citron

 

Le Cent-Sept-Ans figure dans de nombreux ouvrages, entre autres dans un livre publié à la fin du Second Empire, le Traité de la fabrication des liqueurs, par P. Duplais ainé (3e éd. par Duplais jeune, Paris, Gauthier- Villars, 1866-1867, 2 vol. in-8°), où l'on trouve sept formules différentes (t. Ier, p. 271, 275, 279, 284, 364, 365, 367). Le cent-sept-ans est une liqueur composée d'alcoolat de citron, d'eau de roses, d'alcool, de sucre et d'eau. Son nom lui venait sans doute de la longévité que devaient atteindre ceux qui en faisaient usage (Œuvres complètes de Honoré de Balzac, Marcel Bouteron, Henri Longnon, 1952 - books.google.fr).

 

cent-sept-ans, s.m. — 1830 — « il (l'épicier) vend le cent-sept-ans au soldat ». Balzac, l'Epicier, 21, 270. — 1843 — « Une petite goutte réjouit Venez avec moi... justement l'voisin a un petit cent-sept-ans... une violette. » Dupeuty et Cormon, Les Cuisines Parisiennes, I, XII (Datations et documents lexicographiques, Vol 3, 1965 - books.google.fr).

 

Dans certaines provinces, on se transmet des vieilles recettes régionales de vin cuit. Balzac nous fournit l'une d'elles : "Dans le Morvan, ce vin cuit... est un breuvage assez cher qui joue un grand rôle dans la vie des paysans et que savent faire, plus ou moins admirablement, les épiciers ou les limonadiers, là où il existe des cafés. Cette liqueur, composée de vins choisis, de sucre, de cannelle et autres épices, est préférée à tous les mélanges de l'eau-de-vie appelée ratafia, cent sept ans, eau des braves, cassis, vespréto, etc." (Balzac, Les paysans, 1845) (Luc Bihl-Willette, Des tavernes aux bistrots: histoire des cafés, 1997 - books.google.fr).

 

La première liqueur à base d'alcool a, semble-t-il, été inventée au XIVe siècle par Amault de Villeneuve pionnier de la distillation dont nous avons déjà parlé. Elle devait par la suite jouir d'un certain engouement sous le nom d'eau-de-vie de Dantzig. La paternité de la fabrication actuelle des liqueurs paraît revenir aux Italiens. Au XVIIe siècle apparurent en France le populo, et le Rossolis importés d'outre-Alpes et composés, suivant la méthode moderne, d'eau-de-vie, de sucre et d'essences de plantes. Sous Louis XV, commença la vogue de toute une catégorie de liqueurs suaves, doucereuses, pommadeuses un peu et tendres comme leur nom, crème des Barbades, baume des Iles, huile de Vénus ou Parfait amour, que les seigneurs tout à l'ambre de l'ancien régime léguèrent aux guerriers du premier Empire et que, peu à peu, les bourgeois de Louis-Philippe et leurs altesses électorales les citoyens souverains d'aujourd'hui remplacèrent par les amers, les bitters, le genièvre et l'absinthe. Qui songerait désormais à acheter ou à vendre le vespetro, l'huile de roses, le cent sept ans ou la crème de céleri dont Cagliostro avait inventé la recette ? Qui connaît même de nom le Délice de Rachel, l'eau virginale ou de la Pucelle, la crème de rubans secs, voire l'esprit de Chateaubriand? On sourit en lisant, pieusement conservée pour l'histoire, dans les archives du distillateur érudit, la formule d'un élixir de Raspail qui, en son temps, faisait fureur : « liqueur hygiénique et de dessert » où l'aloès et le camphre jouaient un rôle décisif, — le camphre, vers 1850, fut une panacée universelle. — Et que penser des célèbres « liqueurs de la veuve Amphoux, » parmi lesquelles figurait le baume humain, confectionné avec de la myrrhe, du beujoin en larmes, de l'eau de roses et un baume du Pérou ? (Georges d'Avenel, Le mécanisme de la vie moderne - L'alcool et les liqueurs, Revue des deux mondes, 1899 - books.google.fr).

 

On peut remonter encore jusqu'en 1822 dans une pièce de théâtre se déroulant dans une ville de garnison : "votr' ratafiat de cent sept ans" (Nicolas Brazier, Jean Toussaint Merle, Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche, Sans tambour ni trompette, comédie-vaudeville en un acte, 1822 - books.google.fr).

 

Théophraste : 107 ans et citron

 

Théophraste mourut accablé d'années et de fatigues, et il cessa tout à la fois de travailler et de vivre. Toute la Grèce le pleura, et tout le peuple athénien assista à ses funérailles. L'on raconte de lui que, dans son extrême vieillesse, ne pouvant plus marcher à pied, il se faisoit porter en litière par la ville, où il étoit vu du peuple, à qui il étoit si cher. L'on dit aussi que ses disciples, qui entouroient son lit lorsqu'il mourut, lui ayant demandé s'il n'avoit rien à leur recommander, il leur tint ce discours : « La vie nous séduit, elle nous promet de grands plaisirs dans la possession de la gloire; mais à peine commence-t-on à vivre, qu'il faut mourir. Il n'y a souvent rien de plus stérile que l'amour de la réputation. Cependant, mes disciples, contentez-vous : si vous négligez l'estime des hommes, vous vous épargnez à vous-mêmes de grands travaux ; s'ils ne rebutent point votre courage, il peut arriver que la gloire sera votre récompense. Souvenez-vous seulement qu'il y a dans la vie beaucoup de choses inutiles, et qu'il y en a peu qui mènent à une fin solide. Ce n'est point à moi à délibérer sur le parti que je dois prendre, il n'est plus temps : pour vous, qui avez à me survivre, vous ne sauriez peser trop mûrement ce que vous devez faire. » Et ce furent là ses dernières paroles. Cicéron, dans le troisième livre des Tusculanes, dit que Théophraste mourant se plaignit de la nature, de ce qu'elle avoit accordé aux cerfs et aux corneilles une vie si longue et qui leur est si inutile, lorsqu'elle n'avoit donné aux hommes qu'une vie très-courte, bien qu'il leur importe si fort de vivre longtemps; que si l'âge des hommes eût pu s'étendre à un plus grand nombre d'années, il seroit arrivé que leur vie auroit été cultivée par une doctrine universelle, et qu'il n'y auroit eu dans le monde ni art ni science qui n'eût atteint sa perfection. L'opinion commune a toujours été qu'il avoit poussé sa vie au-delà de cent ans; et Saint-Jérôme, dans une lettre qu'il écrit à Népotien, assure qu'il est mort à cent sept ans accomplis, frappé de la maladie dont il mourut, regretta de sortir de la vie dans un temps où il ne faisoit que commencer à être sage (Les caractères de Théophraste: Avec Les caractères, ou Les moeurs de ce siècle, Tome 1, Adrien Destailleurs, 1861 - books.google.fr).

 

On récolte à Soller dans les îles Baléares une espèce de citron doux appelés citrons de Saint-Jérôme; ils sont assez estimés. Ce fruit recouvert d'une écorce semblable à celle du citron ordinaire, est gros comme la tête d'un enfant. Une chair blanche et d'une saveur agréable (Archives du Commerce, Volumes 5 à 6, 1834 - books.google.fr).

 

C'est Théophraste qui, le premier, nous fournit la description du citronnier dans son Histoire des plantes. Si le citron était connu avant Théophraste, comme le suppose un peu gratuitement M. Kircher, dans son excellente étude sur les écrits botaniques de Théophraste, il est certain cependant que le philosophe d'Erésus est le premier à en parler. C'est la description de Théophraste qui a été suivie, comme nous le verrons bientôt, jusqu'au troisième siècle de notre ère. « L'Orient et le Sud, dit-il, possèdent des animaux et des plantes qui leur sont propres; ainsi en Médie et en Perse, il existe, entre autres, une pomme dite médique et persane. L'arbre a des feuilles semblables et presque identiques à celles de l'adrachnée (espèce d'arbousier), des épines comme le poirier sauvage ou comme l'oxyacanthe, mais lisses, très pointues et fortes. On ne mange pas son fruit, dont l'arome est pourtant excellent, tout comme celui de ses feuilles. Placé entre les vêtements, il les préserve des vers. Pris comme breuvage, il est utile contre le poison ; administré dans du vin, il fait évacuer le poison. Il sert aussi à rendre l'haleine saine : si, après l'avoir fait bouillir, on en exprime le jus dans la bouche et qu'on l'avale, l'haleine devient excellente » Théophraste parle ensuite de la culture de cet arbre sans le décrire d'une manière plus précise. Cette description si vague laisse supposer que quelques fruits avaient été rapportés en Grèce par des soldats d'Alexandre, mais que le citronnier y était inconnu. Virgile ne fait que traduire poétiquement la description de Théophraste, et indique assez clairement que, de son temps, on ne mangeait pas le citron à Rome (Adolf de Ceuleneer, De la signification des mots negotiator citriarius, Bulletins de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 1891 - books.google.fr).

 

Theophraste, & Pline apres luy, escripuent, que les solives & planchers des temples se faisoyent, anciennement de bois de citron, à cause de la durée de l'estoffe qui ne pourrit iamais. le meuble de ce bois est extrêmement riche (L'asne d'or ou les métamorphoses de Luce Apulee philosophe Platonique ; illustré de commentaires apposez au bout de chacque livre, qui facilitent l'intention de l'auteur, traduit par Montlyard, 1602 - books.google.fr).

 

Théophraste est un philosophe de la Grèce antique né vers -371 à Eresós (Lesbos) et mort vers -288 à Athènes. Élève d’Aristote, il fut le premier scholarque du Lycée, de -322 à sa mort ; botaniste et naturaliste, polygraphe ou encore alchimiste. La spécialité de Théophraste était l’étude des sciences naturelles et plus particulièrement celle des plantes, sujet de deux de ses ouvrages : Histoire des plantes et Causes des plantes (fr.wikipedia.org - Théophraste).

 

Citron médicinal

 

I'obmets le Citron, qui en son ius est par le dedans caustique, aperitif & refrigeratif, & en son écorce chaud outremesure, pour alleguer le rechigné & mal poli Saturne (Antoine Fuzy, Le mastigophore, ou, Precurseur du Zodiaque, 1609 - books.google.fr).

 

Les mesures que recommande André du Laurens, premier médecin d'Henri IV, sont plus nombreuses, plus raffinées que celles de Constantin l'Africain. Pour ce médecin qui soigne des nobles et des rois, l'amélioration de l'air fait l'objet d'instructions délicates : le médecin se fait parfumeur. Il ne suffit pas d'orienter la chambre vers le levant, il faut « jeter dans la chambre force fleurs de roses, violes, nénuphars ». La fleur d'oranger, les écorces de citron, le storax viennent encore ajouter leurs senteurs. On disposera des bassins remplis d'eau chaude, pour combattre la sécheresse de l'air. Et comme l'air n'est pas seulement chargé d'odeurs, mais encore parcouru d'images et de rayons lumineux, il faut prendre garde aux couleurs parmi lesquelles le malade va se trouver (Jean Starobinski, L'Encre de la mélancolie, 2013 - books.google.fr).

 

En 1555, Nostradamus rédige, un ouvrage marquant sur la confiserie : le Traité des fardements et confitures. Nostradamus enseigne comment «confire petits limons et oranges tout entiers, coings en quartiers avec le sucre pour faire du cotignac, du pignolat, du sucre candi, des sirops, des poires confites et de la tarte de massapan» (fr.wikipedia.org - Fruit confit, Jean François Revel, Culture and Cuisine: A Journey Through the History of Food, 1982 - books.google.fr).

 

Le duc de Guise, un peu avant son assassinat à Blois en 1588, 7 ans avant 1595, demande des écorces de citron pour se soulager de ses émotions, se doutant du péril qu'il encourrait.

 

Le Conseil estant assis sur les huit heures, & disputant du fait que le sieur de Petremol auoit proposé : le Duc de Guise sent d'estranges eslancemens en son ame, des esmotions extraordinaires, son esprit estant le prophete du malheur qui le suiuoit, il sentist sur ceste deffiance vn affoiblissement de coeur, dit à l'Huissier du Conseil qu'il allast demander de l'escorce de citron audit Sainct Prix, lequel lui enuoya quelques prunes de Brignoles, & raisins de Damas dont il mangea, & mit le reste dans vn drageoir d'argent qu'il portoit (Pierre Matthieu, L'histoire des derniers trovbles de France: Soubs les regnes des roys tres-chrestiens Henry III. roy de France & de Pologne; & Henry IIII. roy de France & de Nauarre, 1604 - books.google.fr).

 

Citron entre Gaule et Italie, et en Iraq

 

L'opinion la mieux fondée est que le Bigaradier a été inconnu aux anciens peuples dont il nous reste des traditions particulières, qu'il est originaire des contrées de l'Inde situées au-delà du Gange, et que les Arabes l'en rapportèrent vers le dixième siècle, et le répandirent dans tous les pays où ils avaient établi leur empire. M. de Sacy, dans les notes qu'il a ajoutées à sa traduction d'Abd-Allatif, dit que le Citron rond, qui est notre Bigarade, a été apporté de l'Inde postérieurement à l'an 300 de l'hégire; qu'il fut d'abord semé dans l'Oman, de là porté à Basra ou Bassora, dans l'Irack-Arabi, et qu'il devint trèscommun dans les maisons des habitans de Tharse et autres villes de la Natolie, à Antioche, sur les côtes de la Syrie, dans la Palestine et en Égypte. Aucun auteur n'a fixé l'époque à laquelle le Bigaradier commença à être cultivé sur les bords de la Méditerranée; on trouve seulement, dans l'écrivain arabe Ebn-El-Awam, que cet arbre était cultivé à Séville vers la fin du douzième siècle, et, dans Hugues Falcande et Nicolaüs Specialis, qu'il embellissait les jardins de la Sicile en 1150; enfin, selon l'histoire du Dauphiné, cet arbre était, en 1336, un objet d'agrément et de commerce pour la ville de Nice (Pierre Auguste Joseph Drapiez, Herbier de l'amateur de fleurs: contenant gravés et coloriés, d'après nature, les végétaux qui peuvent orner les jardins et les serres, Tome 1, 1828 - books.google.fr).

 

Parmi les orangers, le bigarradier ou oranger à fleurs, originaire de l'Inde, fut importé par les Croisés en Italie, d'où il nous parvint et, dès 1332, Nice faisait déjà le commerce de ses fruits et de ses fleurs, heureux prélude de l'industrie des parfums (Revue horticole, Volumes 131 à 132, Société nationale d'horticulture de France, 1959 - books.google.fr).

 

Les îles d'Hyères sont nommées Stoëchades (ce qui signifie rangées en ligne) par le géographe grec Strabon. Ce n'est que bien plus tard qu'elles furent appelées en français îles d'Orient, puis îles d'Or sous la Renaissance en raison des oranges qu'elles produisaient (mala aurea) avant de prendre le nom d'îles d'Hyères (fr.wikipedia.org - Îles d'Hyères).

 

Menton, longtemps fief des Grimaldi, actuelle dernière ville française avant la frontière italienne au sud-est du pays, était devenue la capitale du citron dont la culture fut encouragée et développée à partir de la Renaissance. C'est que depuis le XVe siècle les agrumes ont fait la richesse du pays mentonnais et de la principauté de Monaco (www.nicematin.com).

 

Les Stechades sont mentionnées dans la Lettre à Henry.

 

Mutations

 

Pour un grand nombre d'auteurs antiques, il s'agit là bien plutôt de deux conditions extrêmes revenant selon le cycle de la Grande année cosmique déterminée par le mouvement des astres ; sous forme radicale, cela implique des destructions périodiques du monde par l'eau et par le feu. Sous forme atténuée, c'est en gros la conception d'Aristote et de ses successeurs (ainsi Albert le Grand au XIIIe siècle) où le déplacement des rivages est lui-même induit par les changements de climats ; Albert de Saxe préfère attribuer ces modifications des climats au déplacement de l'apogée solaire plutôt qu'aux conjonctions planétaires selon Sénèque, ou qu'à la précession des équinoxes. Quant à l'invasion de la mer sur le continent attestée par les trouvailles de fossiles marins et d'agrès prétendus de navires loin dans les terres, fallait-il y voir des inondations ou déluges mineurs, dus à l'augmentation des pluies, ou encore à des mouvements du fond marin (Strabon) ? Ou bien s'agissait-il d'un phénomène beaucoup plus vaste et global de permutation lente des terres et des mers ? Pour Aristote le monde éternel soumis à des lois d'évolution uniforme n'est que modulé par la Grande année ; ce qui est mer peut devenir terre et vice versa, en fonction de la formation et de la disparition des fleuves : car depuis Hérodote chacun sait que le Nil (et d'autres fleuves) a conquis son delta sur la mer. Strabon et Polybe affirment expressément que des fosses marines profondes, telles le Pont (Mer Noire), seront avec le temps entièrement comblées par les apports des fleuves affluents, tandis que la mer gagnera insensiblement ailleurs ; au XIIe siècle de notre ère, Averroès de Cordoue reprendra cette grande pensée dans ses commentaires d'Aristote. Corrélativement, l'érosion doit forcément niveler les continents, mais des textes grecs décisifs sur ce sujet n'ont pas été conservés. Ovide du moins, en deux vers fameux, affirme cette toute-puissance de l'érosion, si attentatoire au sens commun attaché à vénérer les montagnes comme l'inébranlable siège des majestés divines. Il semble que Théophraste, l'élève d'Aristote, enseignait et critiquait cette théorie. (François Ellenberger, A l'aube de la géologie moderne: Henri Gautier (1660-1737), 1975 - books.google.fr).

 

Pour construire leur Géologie, les Frères de la Pureté paraissent avoir mis à contribution, d'une part, la théorie des philosophes que combattait Théophraste et, d'autre part, l'enseignement de Straton de Lampsaque (Pierre Maurice Marie Duhem, La physique parisienne au XIVe siècle, 1913 - books.google.fr).

 

Vers la fin du Xe siècle, une confrérie savante et spiritualiste de Bassorah, les « Frères de Pureté et de la Sincérité », a produit une œuvre à caractère encyclopédique dont la partie consacrée aux mutations de la nature reprend les vues d'Aristote: Sache, Ô ! mon frère, que ces endroits changent et se transforment à travers les époques, les régions de montagnes devenant des champs et des déserts, les champs devenant des mers [...] ; les mers devenant des montagnes.... L'exposé s'appuie sur des observations naturalistes qui lui donnent une vigueur particulière. On devine sans peine comment ces descriptions ont pu être inspirées par les paysages de régions situées à l'extrémité nord occidentale du golfe Persique : limites indécises et changeantes de la terre et de la mer sur l'étendue du Chott-el-Arab proche de Bassorah, avec au NE les premiers reliefs escarpés des montagnes du Zagros, et au Sud l'étendue infinie du désert d'Arabie. Les «Frères» poursuivent : Nous voulons décrire partiellement comment se forment les montagnes et les mers, comment l'argile malléable devient pierre, comment les pierres se brisent et deviennent cailloux et sables, comment les écoulements fluviaux les transportent vers les mers par l'intermédiaire des rivières et des fleuves, et comment, à partir de cela, se transforment l'argile et le sable en roches et en montagnes, dans le fond des mers [...]. Les mers, à cause de la force de leurs vagues, de l'intensité d'agitation et de son bouillonnement, déposent ces sables, cette argile et ces cailloux dans son fond, couche sur couche au cours du temps et à travers les époques.... On ne peut qu'apprécier la qualité naturaliste de cette relation d'événements dans laquelle on reconnaît l'enchaînement des phénomènes d'érosion, de transport, de sédimentation, de formation des strates, de transformation des sédiments en roches (processus de lithification ou de « pétrification »), lesquelles seront à leur tour soumises à l'érosion, etc.. La cause invoquée des permutations cycliques des terres et des mers paraîtra plus discutable (Christian Montenat, Mers disparues et âges du monde, Sous la mer: le sixième continent : actes du colloque international tenu à l'institut catholique de Paris, 8-10 décembre 1999, 2001 - books.google.fr).

 

Alchimie

 

Les livres alchimiques de Jâbir reposent sur des observations expérimentales. En les lisant, malgré le voile qui les couvre parfois, on se rend compte de la distance parcourue depuis les écrits gréco-égyptiens. Il s’agit dorénavant d’une science expérimentale fondée sur l’observation, dissociée complètement de la magie avec laquelle elle forma un couple solide durant des siècles. [...] Jâbir semble être l’inventeur d’équipements de laboratoire tels que l’alambic. Il mit au point le système de la balance, d’une nécessité absolue pour le chercheur. Il découvrit l’acide chlorhydrique (à partir de chlorure de sodium) et l’acide nitrique (à partir de salpêtre). «En mélangeant les deux, il inventa l’eau régale, qui est l’un des seuls réactifs chimiques qui permettent de dissoudre l’or». C’est également à Jâbir qu’est attribuée la découverte de l’acide citrique (à partir de l’acidité du citron), de l’acide acétique (à partir de vinaigre) et de l’acide tartrique (à partir de résidus de vinification). [...] C’est principalement, l’école des Ikhwân as-Safa, des Frères de la Pureté, adepte d’une doctrine d’obédience chiite ismaélienne, qui continuera ensuite à produire des écrits en hermétisme durant la première moitié du Xeme siècle. L’encyclopédie des Frères de la Pureté est constituée de cinquante-deux épîtres englobant des domaines divers tels que les mathématiques, les sciences de la nature, les sciences psychologiques et rationnelles ainsi que les sciences théologiques. Ce sont essentiellement les épîtres sur les sciences de la nature qui renferment le point de vue des Frères de la pureté sur l'alchimie qui es ici beaucoup plus spirituelle que chimique. Le chercheur Yves Marquet, un ouvrage très documenté (La philosophie des alchimistes et l’alchimie des philosophes, 1988), tente de comparer les approches sur l'alchimie de Jâbir ibn Hayyân et des Frères de la Pureté. La majorité des chercheurs conviennent que les Ikhwân et leurs Rasâ’il appartiennent au mouvement ismaélien et ont été composées avant l'an 950 (Kacem Aït Salah Semlali, Histoire De L'Alchimie Et Des Alchimistes Au Maroc, 2015 - archive.org).

 

Une difficultĂ© initiale naĂ®t du fait qu'aucune Ă©pĂ®tre des Ikhwân ne traite de l'alchimie, mais qu'il est question de cette discipline dans celles qui sont relatives aux proportions arithmĂ©tiques et gĂ©omĂ©triques, Ă  la musique, aux minĂ©raux, Ă  la magie. Dans l'analyse qu'il prĂ©sente des autre Ă©pltres en question, M. Marquet met naturellement l'accent sur les donnĂ©es alchimiques qu'elles contiennent, mais il doit se montrer prudent, car les Ikhwân, Ă  la manière de Jâbir, prĂ©cisent qu'ils n'ont pas exposĂ© la magie et notamment l'alchimie, de façon claire, de peur que les Ă©pltres ne tombent entre les mains des mĂ©chants. De toute façon, ajoute-t-il, « l'analogie entre le système alchimique jâbirien et celui des Ikhwân ne saute pas aux yeux Â». Cependant, une similitude assez frappante apparaĂ®t par exemple dans la tentative des seconds visant Ă  ramener â une formule simple tout le mystère de la crĂ©ation par l'adoption d'un principe fondamental de la science de Jâbir, celui de la Balance, qui parait tout de mĂŞme beaucoup moins nuancĂ© chez eux, car il ne concerne, outre la Balance du Jugement dernier, que les poids et mesures employĂ©s pour les choses matĂ©rielles et les critères utilisĂ©s par la langue et par la conscience. Étant donnĂ© qu'Yves Marquet a consacrĂ© jadis sa thèse Ă  la philosophie des Ikhwân, il ne s'Ă©tend pas sur ce sujet, mais analyse plus longuement les idĂ©es philosophiques de Jâbir. Cette partie est suivie d'une Ă©tude Ă©clairante de l'Ismâ'Ă®lisme de ce dernier qui est très obscur et difficile â dĂ©gager. En conclusion, il relève, outre la proximitĂ© des deux corpus dans le temps, la similitude que prĂ©sentent la langue et les problèmes posĂ©s, mĂŞme si les solutions proposĂ©es diffèrent, d'autant que si, chez Jâbir, l'essentiel est l'alchimie, la philosophie Ă©tant pour lui secondaire, c'est le contraire qui est vrai pour les Ikhwân. Enfin, il Ă©met prudemment une hypothèse sur la collaboration possible de certains auteurs aux deux littĂ©ratures (Charles Pellat) (Livres offerts. In: Comptes rendus des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, 133e annĂ©e, N. 1, 1989 - books.google.fr).

 

On sait que dans la littérature alchimique, la pseudépigraphie est un phénomène fréquent. Dans le corpus, nous pouvons trouver mentionnés comme auteurs alchimiques Platon, Aristote, Démocrite, Théophraste. Mais Olympiodore et Stéphanus, comme le remarque Westerink, constituent du point de vue chronologique, des cas-limites entre ces attributions manifestement fausses et les attributions authentiques à des personnages connus, comme Psellos (Cristina Viano, Quelques aspects théoriques et méthodologiques des commentaires alchimiques gréco-alexandrins, Le commentaire entre tradition et innovation: actes du colloque international de l'Institut des traditions textuelles, Paris et Villejuif, 22-25 septembre 1999, 2000 - books.google.fr).

 

Théophraste, élève d'Aristote (371-286 avant notre ère) dressa les premières listes des minéraux connus et tenta de les classer. On peut l'appeler à juste titre le fondateur de la minéralogie et fie la botanique (Alexandre Fersman, La Géochimie récréative, 1958 - books.google.fr).

 

Ce n'est que très progressivement que le terme ("metallon", sans perdre son sens primitif de « mine », a pris celui de « métal » : car « la spécialisation de "metallon" au sens de « métal » n'apparaît avec toute la clarté désirable que dans la langue tardive d'un petit nombre de traités spéciaux, tels que les textes astrologiques. Au terme de son évolution en grec ancien, ce mot sert à désigner globalement sept corps qui sont l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, le fer, l'étain, ainsi que tantôt l'électrum tantôt le verre. Quant au mot latin metallum, à l'exception d'un certain nombre de textes tardifs, il n'a jamais été vraiment spécialisé pour désigner les métaux, car, jusqu'à la fin de l'Antiquité, il a aussi été appliqué à des substances non métalliques. [...] Le Traité des Métaux de Théophraste est perdu (Revue d'histoire des sciences, Volume 30, 1977 - books.google.fr).

 

Le problème majeur de l'alchimie arabo-latine sera sa compatibilité avec le nouvel Aristote. À la fin du livre III des Météorologiques, Aristote promettait un exposé détaillé sur les métaux et les minéraux non métalliques. Ce plan n'est pas réalisé dans l'actuel livre IV, traité primitivement indépendant joint aux Météorologiques par la tradition grecque. Les écrits de Théophraste, qui comblent la lacune, sont restés inconnus des Latins du Moyen Âge (Rushdi Rashid, Histoire des sciences arabes: Technologie, alchimie et sciences de la vie, Volume 3, 1997 - books.google.fr).

 

Paracelse est un surnom dont on ignore le sens exact ; le nom complet de celui qui le portait semble être Auréole Philippe Théophraste Bombast ab Hohenheim. Encore de tous ces noms, seul Théophraste est-il réellement assuré ! Sa date de naissance n'est guère mieux connue et varie entre le 10 novembre 1493 et le 1er mai 1494 à Einsiedeln  mort en 1543 (Jacques Sadoul, Le grand art de l'alchimie, 1973 - books.google.fr).

 

Saturne, siècle et Théophraste

 

S. Jérôme, liv. II contre Jovinien, c. 9 (al. 2) : « Dicéarque, dans ses livres d'antiquités et dans sa description de la Grèce, rapporte que, sous Saturne, c'est-à-dire au siècle d'or, quand la terre produisait tout d'elle-même, personne ne mangeait de viande, mais que tout le monde vivait des légumes et des fruits que la terre sans besoin de culture faisait sortir de son sein. Xénophon, dans ces huit volumes où il déroule la vie de Cyrus, roi des Perses, assure que ce peuple ne vivait que de farine d'orge, de cresson, de sel et de pain grossier. Le même Xénophon, Théophraste et presque tous les historiens de la Grèce nous vantent la modeste table et la frugalité des Lacédémoniens (Pierre Canisius (1521 - 1597), Le grand catéchisme de Canisius ou Précis de la doctrine chrétienne: appuyé de témoignages nombreux de l'écriture et des pères (1554), 1859 - books.google.fr).

 

Une bonne partie du deuxième livre du traité de Porphyre est consacrée à une critique des sacrifices d'animaux empruntée pour une large part à Théophraste. Elle est elle aussi centrée sur les dangers qu'ils représentent pour celui qui mangerait la chair des victimes. Leur consommation pourrait introduire en eux des âmes étrangères et troubler leur accès au Dieu suprême. [...] Les Frères de la Pureté seraient les premiers, ailleurs qu'en Extrême-Orient, à poser le problème de la légitimité de la domination de l'homme sur les animaux. Le débat à ce propos occupe le plus clair d'une de leurs« épîtres » qu'on a pu appeler l'Épître des animaux (Rémi Brague, Le Propre de l'Homme: Sur une légitimité menacée, 2015 - books.google.fr).

 

Rabelais cite Théophraste six fois, à propos d'histoire naturelle. Son Historia plantarum était le traité de botanique ancien le plus lu, après Pline. Il était généralement publié à la suite des œuvres d'Aristote. Il figure, par exemple, dans l'édition Aldine de 1504 d'Aristote, traduite par Th. Gaza (Jean Plattard, L'invention et la composition dans l'oeuvre de Rabelais, 1909 - books.google.fr).

 

Dans Le tiers livre (1546), Panurge fait l'éloge de la braguette, pièce principale de l'armure qui protège les organes sexuels à la manière d'une coque de noix, d'une peau de citron, d'une cosse de châtaigne, d'une gousse d'ail. Le fruit implique une éthique du manger, une subtile sociabilité de la table, une sympathie commensale fondée non pas sur la férocité des dents qui broient mais sur le son délicat du nectar pulpeux des fruits coulant le long des lèvres et des doigts, des langues et des gorges (Franck Évrard, De la fellation dans la littérature: de quelques variations autour de la fellation dans la littérature française, 2001 - books.google.fr).

 

L'exemple y est manifeste en pois, febves, faséols, noix, alberges, coton, colocynthes, bled, pavot, citrons, chastaignes, toutes plantes généralement, esquelles voyons apertement le germe et la semence plus estre couverte, munie, et armée qu'autre partie d'icelles. Ainsi ne pourvut nature à la perpétuité de l'humain genre. Ainsi créa l'homme nud, tendre, fragile, sans armes ne offensives, ne deffensives, en estât d'innocence et premier âge d'or : comme animant, non plante : comme animant, di-je, né à paix, non à guerre; animant né à jouissance mirifique de touts fruicts et plantes végétables; animant né à domination pacifique sus toutes bestes. Advenent la multiplication de malice entre les humains en succession de l'âge de fer et règne de Jupiter, la terre commencea produire orties, chardons, espines, et telle aultre manière de rébellion contre l'homme entre les végétables (Pantagruel, Livre III, Chapitre VIII) (Oeuvres de Rabelais: précédées d'une notice sur la vie et les ouvrages de Rabelais, 1861 - books.google.fr).

 

Pour certains, l'âge d'or a pris fin avec l'âge de fer, c'est-à-dire avec l'invention des armes (voir Romard, Meslanges de 1554, « Les Armes à J. Brinon ») (François Rabelais, Tiers Livre, rédacteurs Guy Demerson, Michel Renaud, Geneviève Demerson, 1997 - books.google.fr).

 

Au chapitre XXVII de ce même livre, on y trouve Théophraste :

 

Ne me allegues point l'Indian, tant celebré par Theophraste, Pline, et Atheneus, lequel, avecques l'ayde de certaine herbe, le fesoyt en ung jour soixante et dix foys, et plus. Je n'en croy rien. Le nombre est supposé. Je te prie ne le croyre. Je te prie croyre (et ne croyras chose que ne soyt vraye) mon naturel, le sacre Ithyphalle, messer Cotal d'Albingue estre le prime del monde. Escoute ça, couillette. Veidz tu oncques le froc du moyne de Castres ? Quand on le posoyt en quelque maison, feust a descouvert, feust a cachettes, soubdain, par sa vertus horrificque, tous les manans et habitans du lieu entroyent en ruyt, bestes et gens, hommes et femmes, jusques aux ratz et aux chatz. Je te jure qu'en ma braguette j'ay aultresfoys congneu certaine energie encores plus anomale (Oeuvres de Rabelais, Tome 1, Dalibon, 1823 - books.google.fr).

 

Etrog

 

La communauté juive utilise le cédrat, sorte de gros citron, lors de la fête de Souccot (fête des Tabernacles, fête des Cabanes, fête des Tentes). C'est la fête de la moisson. On se présente dans une procession joyeuse avec un bouquet des quatre espèces, constitué d'une branche de palmier — le loulav —, de trois rameaux de myrte, de deux branches de saule elle, et il en mangea. » et d'un fruit le cédrat ou étrog. Par extension, on appelle ce bouquet le loulav. L'etrog est identifié par la tradition rabbinique au fruit que la Bible appelle « etz hadar » : «fruit de l'arbre hadar ». « Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas et vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez. » (Genèse 3, 3) (Jean Paquereau, Au jardin des plantes de la Bible: botanique, symboles et usages, 2016 - books.google.fr).

 

Il est à remarquer que si rien ne distingue le cédrat des autres xenia dans la plupart des tapis africains, dans une maison de Nabeul, la Nymfarum domus, il est particulièrement mis en valeur, isolé, sur un seuil. Il est représenté là à côté d'un instrument dont ne subsiste que le manche et qui peut être une serpe ou un couteau. Or, ce même accessoire est répété sur quelques-uns des pavements tardifs cités ci-dessus : au VIe siècle, au Mont Nebo, et aussi au VIIIe siècle, à Khirbat al Mafjar et au palais Hisham. Cette association s'explique peut-être par référence à la représentation - et à la sémantique - du cédrat dans un contexte différent, quoique non complètement étranger au précédent, celui de la pratique religieuse hébraïque, où ce fruit (portant le nom d'ethrog) joue un rôle cultuel important, et se trouve souvent reproduit, sur un grand nombre de supports. Les images qui le concernent évoquent la fête des Tabernacles, ou des Cabanes (Sukkot), qui coïncide avec le commencement des récoltes d'automne, l'ethrog y apparaît à côté d'un couteau, parmi les objets qui accompagnent le chandelier à sept branches (la Menorah), dont la palme (lulab), la corne de bélier (chofar) et la cuiller à encens (Catherine Balmelle, Recherches franco-tunisiennes sur la mosaïque de l'Afrique antique, 1990 - books.google.fr).

 

L'étrog figure avec le lulab sur les fresques de la synagogue de Duro-Europos ; ce sont les symboles cultuels de la fête des Tabernacles (J. DANIELOU, Les symboles chrétiens primitifs, Paris, 1961, p. 15). Dans le symbolisme juif ou judéo-chrétien, l'étrog serait en relation avec le fruit de l'Arbre de vie, gage d'immortalité. Or, dans l'Islam, Fâtima est née du fruit du Paradis que l'Ange donna à goûter au Prophète au cours de son ascension céleste. Le Bahir en présentant l'étrog au milieu des neuf palmiers ferait donc bien intervenir le principe féminin. Fâtima sera le Paradis comme Secret, comme source de toutes révélations, archétype de la Vierge Mère engendrant en l'homme sa propre divinité comme elle a été sur terre la mère des deux Imâms enfants. C'est un aspect de la continuité entre le judaïsme et la gnose ismaélienne, en particulier (Paulette Duval, La pensée alchimique et le conte du graal, Champion, 1979, p. 89).

 

Que sa légende ait ou non atteint le mythe que les chiites ont créé ultérieurement, il reste que Fatima est à leurs yeux leur patronne naturelle, à la fois mère de leurs deux imams, Hassan et Hussayn, et épouse d'Ali. Le prestige de Fatima est immense. C'est en son nom, par exemple, que s'est fondée la dynastie des Fatimides du Caire, laquelle se réclame directement d'Ali et de sa femme, un couple, dit la légende, prompte à broder, qui se serait formé sur l'injonction directe de l'archange Gabriel. Mais outre les chiites duodécimains, Fatima est vénérée aussi par les ismaéliens et, plus largement, par tous les musulmans, à quelque doctrine qu'ils appartiennent. Un tel personnage est donc exceptionnel. Figure de proue au sens plein du terme, Fatima a un statut proche de celui de «prophétesse», sans toutefois l'atteindre puisque l'islam ne connaît qu'un seul prophète, en la personne de Mohammed (Malek Chebel, Les grandes figures de l'islam, 2015 - books.google.fr).

 

Acrostiche : CD PG

 

CD : Civitas Dei (Cité de Dieu) d'Augustin (?)

 

PG : primigenia (AbrĂ©viations tirĂ©es du «Dictionnaire des AbrĂ©viations latines et italiennes» de A.Capelli - www.arretetonchar.fr).

 

Sur la fortune. Les exemplaires latins portent qu'Ă  la naissance d'un fils de Zelfa (Zilpa), Lia dit : «Je suis devenue heureuse ou bienheureuse» ; le grec porte : "eutuchè", ce qui marque de prĂ©fĂ©rence la bonne fortune. Des lecteurs inintelligents concluent de lĂ  que cet homme adorait fortune ou que l'autoritĂ© des divines Écritures a consacrĂ© ce mot. Mais de deux choses, l'une : ou la fortune sans ĂŞtre pourtant rĂ©gardĂ©e comme une divinitĂ©, doit ĂŞtre prise pour ce qui semble arriver par hasard, tandis que tout ce qui paraĂ®t l'effet du hasard est soumis par Dieu Ă  des causes cachĂ©es; de lĂ  ces expressions que personne ne peut retirer du langage, par exemple : peut-ĂŞtre, par hasard, par accident, fortuitement. C'est ainsi encore que dans le grec on dit "tacha", peut-ĂŞtre, comme on dit "tuchè" : hasard ; ou bien Lia s'est exprimĂ©e ainsi, parce qu'elle avait conservĂ© cette habitude des paĂŻens (Questions sur l'Heptateuque, Genèse) (Oeuvres complètes de Saint Augustin, Tome 4, 1866 - books.google.fr).

 

Ce passage provient de Genèse XXX, 11 qui se poursuit par l'épisode des mandragores à l'origine de la naissance par Lia et Jacob d'Issacar.

 

Le terme hébreu qui est traduit dans la Vulgate par mandragoræ, n'est pas entendu de la même manière par tous les commentateurs. L'autorité des Septante, du chaldeen, et de plusieurs savants commentateurs qui l'ont entendu des mandragores, n'a pas empêché les nouveaux interprètes d'y chercher d'autres significations. Bochart, D. Calmet croient que tous les caractères que l'Ecriture donne au fruit dont il s'agit ici, peuvent convenir plus particulièrement au citron (Richard Auguste Henrion, Histoire ecclésiastique depuis la création jusqu'au pontificat de Pie IX, Migne, Tome 2, 1858 - books.google.fr).

 

Le temple de la Fortuna Primigenia Ă©tait très ancien ; on en attribuait la construction Ă  Servius Tullius, et Plutarque connaissait encore son existence ; mĂŞme si la mention de cet Ă©difice dans son traitĂ© De Fortuna Romanorum ne garantit pas qu'il ait survĂ©cu Ă  l'incendie de 80, car l'Ă©crivain grec peut utiliser ici des fiches tirĂ©es d'auteurs très antĂ©rieurs Ă  la date Ă  laquelle il rĂ©digeait, sa prĂ©sence Ă  une Ă©poque tardive paraĂ®t assurĂ©e par une notation d'Augustin qui Ă©crit, dans La CitĂ© de Dieu : Quid de ipso love senserunt, qui eius nutricem in Capitolio posuerunt ? Or on sait que la Fortuna Primigenia passait pour avoir Ă©tĂ© la nourrice de Jupiter, et son culte s'assimilait depuis longtemps Ă  celui des matres de PrĂ©neste, dont l'une porte sur ses genoux deux enfants, identifiĂ©s traditionnellement Ă  Jupioter et Ă  Junon. En fait le temple de cette divinitĂ©, Ă  laquelle Vespasien portait une dĂ©votion particulière, dut ĂŞtre, après l'incendie de 69, reconstruit par cet empereur, qui l'annexa sans doute, plus ou moins ouvertement, comme tant d'autres sanctuaires de la Fortune, au culte de son propre Genius (Pierre Gros, Aurea templa: recherches sur l'architecture religieuse de Rome Ă  l'Ă©poque d'Auguste, 1976 - books.google.fr).

 

En Palestine les plus anciens monuments funĂ©raires sont ceux de Marisa qui peuvent remonter Ă  l'Ă©poque macchabĂ©enne. Mais les plus importants sont ceux de Sheik Ibreiq (Beth She'arim, Sud GalilĂ©e), qui datent du IIe siècle de notre ère. Ils prĂ©sentent ce mĂ©lange de symboles juifs (chandelier Ă  sept branches (menorah), lubab et etrog, armoire de la Torah) et de symboles paĂŻens (dauphins, psychĂ©s) qui se retrouveront partout dans l'art juif de l'Ă©poque. La prĂ©sence de croix sur des Ossuaires certainement juifs amène Goodenough Ă  discuter la thèse de Dinkler sur la croix comme reprĂ©sentant le tav, le signe de Iahweh. A cĂ´tĂ© des tombeaux, la Palestine nous a laissĂ© les restes de quelques synagogues, celles de CapharnaĂĽm, de Chorazin et surtout de Beth Alpha. A la suite de Sukenik, Goodenough montre l'Ă©volution depuis le type galilĂ©en ancien, oĂą le coffret de la Torah est mobile et cachĂ© par un paravent, jusqu'au type plus rĂ©cent, oĂą la Torah est placĂ©e dans une niche creusĂ©e dans le mur tournĂ© vers JĂ©rusalem. Il pose la question de l'influence que les synagogues ont pu exercer sur la construction des Ă©glises chrĂ©tiennes. Il souligne que la synagogue est considĂ©rĂ©e comme un lieu saint ("topos") oĂą demeure la shekina. La synagogue de Beth Alpha, qui est du VIe siècle, prĂ©sente des mosaĂŻques remarquables : le sacrifice d'Isaac, HĂ©lios et son quadrige avec les douze signes du zodiaque et les quatre saisons, le tabernacle de la Torah avec les rideaux soulevĂ©s. Le tome II Ă©tudie les monuments de la Diaspora. Les plus cĂ©lèbres sont ceux des environs de Rome. Dans les catacombes de Monteverde (dĂ©couverte en 1602 par Antonio Bosio) nous rencontrons des thèmes juifs caractĂ©ristiques : menorah, Torah, sophar (trompe), etrog, lulab. Celles de la Vigne Randanini (dĂ©couvertes en 1859) prĂ©sentent au contraire presque exclusivement des thèmes paĂŻens. Les plafonds des chambres nous montrent le ciel sous forme de deux cercles concentriques : le cercle central contient des figures paĂŻennes, Fortune ou Victoire (Recherches de science religieuse, Volume 45, 1957 - books.google.fr).

 

Bien que le mot Hermaphrodite apparaisse pour la première fois dans ses Caractères 16, ThĂ©ophraste fait allusion Ă  un culte Ă©tabli, connu ; il n'est donc pas l'auteur de ce titre composite : Hermes-Aphrodite, sous l'aspect dont Aphrodite Ă©tait honorĂ© Ă  Chypre. Il s'agit d'un culte domestique, Ă  l'intĂ©rieur des maisons : il est question de plusieurs Hermaphrodites pour une mĂŞme maison (Jean Halley des Fontaines, La notion d'androgynie dans quelques mythes et quelques rites, 1938 - books.google.fr).

 

L’histoire de la transformation en homme de Christine, narratrice et héroïne du Livre de la Mutation de fortune, écrit par Christine de Pizan (1365-1405), saisit les commentateurs les plus prudents, qui connaissent la distance qui sépare le «je» d’auteur des écrivains médiévaux des discours autobiographiques et savent ce que ce récit doit aux motifs des poèmes allégoriques, utilisés à l’envi par des auteurs qui ne s’assignent pas pour tache de construire une oeuvre originale, mais de reproduire des modèles. L’oeuvre du seul écrivain médiéval profane dont on soit sûr qu’il est une femme, qui, dans La cité des dames, prit la défense des femmes contre les discours misogynes, trouverait sa vérité dans l’aliénation, signée par cette métamorphose. Mais ils négligent ce que changer de sexe veut dire pour la génération des clercs-écrivains dont fait partie Christine, pour Guillaume de Machaut ou Eustache Deschamps. Ils oublient que le discours sur l’inversion et la métamorphose sexuelles a partie liée avec la question de la création, de l’écriture (Anne Depaigne, «mutation», Vacarme 4-5, 1997 - www.cairn.info).

 

Dans le paragraphe 117-139 du Bahir (livre de mystique juive du XIIe siècle) on peut lire : «Un roi a plantĂ© dans son jardin neuf palmiers». Mais s'ils sont «tous de la mĂŞme espèce, ils ne peuvent pas subsister. Que fit-il ? Il planta parmi eux un Ă©trog». L'Ă©trog est un symbole fĂ©minin, qui, comme nous l'avons vu, symbolise avec la SchĂ©kina, c'est-Ă -dire avec la dixième sĂ©fira. Mais comment comprendre : «s'ils sont tous de la mĂŞme espèce», qu'ils ne peuvent subsister ? Si le palmier est dioique il n'a aucun besoin d'un Ă©trog - fĂ©minin - pour subsister. Il faut sans doute entendre : "118 sont tous de la mĂŞme espèce", comme signifiant ils sont tous mâles, car en ce cas Ă©videment, ils ne peuvent se reproduire (Paulette Duval, La pensĂ©e alchimique et le Conte du Graal, 1979 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le comté de Nice devint le département des Alpes-Maritimes. Ce pays avait fait partie de l'ancienne Gaule et l'on voit encore dans la montagne, au-dessus de Menton et de Monaco, dans un lieu appelé la Turbia, un monument romain qui marquait la limite entre la Gaule et l'Italie. Nice avait été ensuite, au moyen âge, un fief du comté de Provence, puis était tombé, par héritage, dans la maison de Savoie; mais la population, en grande majorité, est provençale et non  italienne, et les villes parlent français. La France avait ainsi atteint, par l'accession volontaire des populations, cette frontière naturelle des Alpes qui la sépare de l'Italie (Henri Martin, Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours, Tome 1, 1878 - books.google.fr).

 

De la même région frontalière, notons le quatrain I, 60 (1601) : "Un Empereur naistra près d'Italie".

 

Quant aux Grimaldi, ils étaient liés aux intérêts espagnols par des traités constamment renouvelés depuis 1529, La citadelle de Monaco dressée sur son éperon rocheux était réputée imprenable. Les navires pouvaient se réfugier dans son port protégés des tempêtes et défendus par ses canons. Une garnison de soldats espagnols occupait la place ; elle comptait habituellement environ deux cents hommes, mais pouvait monter jusqu'à huit cents en cas de danger. Cette situation favorable attirait les convoitises des princes voisins, le duc de Piémont et le roi de France. Plusieurs fois des coups de force français ou piémontais tentèrent de s'emparer du rocher. Des raids venus de Provence avaient essayé vainement de prendre la place par escalade en 1582 et 1596. En novembre 1604, une grave crise de succession suscita de nouvelles entreprises de conquête. Victime vraisemblablement d'une conjuration ourdie par le duc de Piémont-Savoie, Hercule Ier Grimaldi fut assassiné le 21 novembre. L'Etat de Monaco ne fut sauvé que par la présence fortuite et bienvenue de galères génoises, par la loyauté des magistrats municipaux qui affirmèrent le maintien des droits du jeune Honoré II et par la prompte arrivée de renforts espagnols envoyés depuis la place de Finale. Les Français qui avaient voulu eux aussi profiter des circonstances en galères de Marseille et quelques tartanes d'Antibes durent se retirer le 30 novembre devant la résolution des troupes des "communes", environ huit cents paysans et citadins en armes des milices de Roquebrune et Menton. Monaco était effectivement inexpugnable. Si les Français réussirent à mettre un terme à l'hégémonie espagnole en 1641, ce fut au terme d'une longue intrigue du prince Honoré II. Décidé depuis 1635 à renverser son alliance, il attendit une réduction momentanée de la garnison pour faire entrer sous des prétextes divers des gardes et des miliciens. La nuit du 17 novembre, ils investirent par surprise les trois corps de garde et purent presque sans coup férir faire prisonniers tous les soldats espagnols (Olivia Noat-Antoni, Vivre à Monaco aux XVIIe et XVIIIe siècles: (1675-1750), 2000 - books.google.fr).

 

Le frère de Charles II, Hercule Ier, devenu prince en 1589, épousa, en 1595, Marie, fille du prince de Valdetare et de Jeanne d'Aragon, et prit part au traité de Vervins, en 1598. Jalouse de s'emparer de Monaco, dont elle voulait faire le poste avancé de la Provence, la France tenta encore de surprendre cette place, en 1596. Cinq tartanes, portant quatre cents hommes, envoyés de Toulon par le duc de Guise, débarquèrent au port Mala, le 27 octobre. Les Provençaux comptaient sur quelques secrètes intelligences qu'ils entretenaient avec un certain capitaine Arnaldi, de Monaco, à qui le Duc avait promis cinquante mille livres s'il lui livrait la ville. Mais le succès ne répondit pas à leurs espérances. La garnison et les habitants contraignirent les assaillants à une retraite précipitée. La trahison ayant été découverte, Arnaldi, qui avait une fille à la cour de Guise, fut condamné à mort. Guise usa de représailles, et fit saccager Roquebrune. Un traité mit fin à cette guerre riveraine. En 1602, la question des limites est remise sur le tapis. Les arbitres et les consuls des deux parties semblaient l'avoir tranchée pour toujours ; mais elle reparut encore en 1667 et 1703; elle ne fut définitivement réglée qu'en 1760 (Abel Rendu, Menton et Monaco... Histoire et description de ce pays, 1867 - books.google.fr).

 

Pendant la guerre de la coalition d'Augsbourg, qui s'était terminée en 1697 par le traité de Ryswick, une entente avait été réalisée pour reconnaître la neutralité de la Principauté ; dès octobre 1703, la France fit savoir que le roi avait l'intention de respecter à nouveau la neutralité du prince à condition que la Savoie fît de même. Malgré sa neutralité, Antoine Ier témoigna du plus grand dévouement à la cause de la France : il organisa un service de renseignements en Italie, avec des correspondants à Gênes, à Milan, à Turin, et des messagers occasionnels envoyés dans le voisinage des troupes du duc de Savoie ; il put ainsi fournir journellement des indications opportunes, et il servit également d'agent de liaison entre la cour de Versailles et les généraux français tant que ceux-ci opérèrent dans le Piémont. Lorsque la guerre prit fin en 1713, Antoine Ier faillit payer cher sa fidélité à la France. Le duc de Savoie, ne pardonnant pas à son voisin son action pendant la lutte, demanda, au cours des négociations du traité d'Utrecht, la cession de Monaco, la France étant chargée d'indemniser le prince. Mais les plénipotentiaires français rétorquèrent que Louis XIV ne pouvait disposer de ce qui n'était pas à lui, et le duc de Savoie, satisfait en ce qui concerne d'autres de ses revendications et notamment nanti de la Sicile, n'insista pas au sujet de Monaco. Ayant abandonné ses prétentions sur Monaco, Victor-Amédée II obtint de faire obtint de faire prendre en considération ses revendications relatives à sa suzeraineté sur Menton et Roquebrune. Depuis Lucien, c'est-à-dire depuis deux siècles, les Grimaldi avaient réussi à éluder tout acte de vassalité au sujet de ces deux fiefs. Dans le traité d'Utrecht, du 11 avril 1713, le duc fit insérer un article 9, qui déclarait : « Son Altesse Royale de Savoie ayant demandé que le Prince de Monaco reconnaisse tenir de son domaine direct Menton et Roquebrune et qu'il en prenne les investitures d'Elle, de la manière que Son Altesse Royale prétend que l'ont fait les prédécesseurs de ce Prince, il a été convenu que l'on se rapportera respectivement à l'arbitrage de Leurs Majestés Très Chrétienne et Britannique, qu'Elles donneront six mois après la signature du présent traité. » Le roi de France et la reine d'Angleterre nommèrent deux commissaires pour examiner les raisons invoquées par chacune des parties. La sentence, rendue le 21 juin 1714, fut en faveur de Victor-Amédée II : « Le prince de Monaco est tenu de reconnaître le domaine direct du roi de Sicile comme duc de Savoie, sur les onze parts de douze de Menton et sur la totalité de Roquebrune, d'en prendre de lui les investitures et de lui en rendre la foi et hommage en la forme que ses prédécesseurs fait en l'année 1448 et autres années jusques et compris 1506. » La cérémonie de l'hommage eut lieu en août 1716 (Jean Pierre Gallois, Le régime international de la Principauté de Monaco, 1964 - books.google.fr).

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