Aemathien

Ordo neglectus et duc d'Osuna

 

I, 73

 

1611

 

France à cinq pars par neglect assailie,

Tunys, Argiels esmeus par Persiens,

Leon, Seville, Barcelonne faillie,

N'aura la classe par les Venitiens.

 

L'université et la division en 5

 

Au moyen âge, le mot université, universitas, désignait toute espèce de communauté, mais il finit par être spécialement réservé à la communauté des maîtres et des écoliers de Paris. Cette communauté qu'une tradition fabuleuse voulait faire remonter jusqu'au règne de Charlemagne fut constituée en 1200 par une ordonnance de Philippe Auguste, concédant aux écoliers de Paris divers priviléges, entre autres celui de ne pouvoir être arrêtés par les officiers du roi, à moins de flagrant délit ou de crime énorme, et de ne pouvoir être jugés que par les tribunaux eccésiastiques. En 1215, des statuts lui furent donnés par le légat du pape, Robert de Courçon, cardinal de Saint-Étienne. Ses priviléges, confirmés à diverses reprises, furent augmentés en janvier 1341 par Philippe de Valois, qui accorda aux écoliers et aux membres de l'Université l'exemption de la taille, des péages et autres impôts, le privilége de ne pouvoir être traduits devant d'autres juges que ceux de Paris en affaires personnelles, etc.

 

L'Université était divisée en quatre Facultés : arts (sciences et lettres); théologie ; droit canon et civil ; médecine. La Faculté des arts était composée de quatre nations. La nation de France, divisée en cinq provinces ou tribus : dictes de Paris, de Sens, de Rheims, de Tours et de Bourges. La province de Paris comprend les diocèses de Paris, Meaux et Chartres ; celle de Sens, ceux de Sens, Orléans , Nevers, Vienne, Lyon, Troye, Auxerre, Bourgogne, Besançon et Savoye; celle de Rheims, ceux de Rheims, Thou, Metz , Senlis , Châlons, Verdun et Soissons ; celle de Tours, ceux de Tours, Mans, Angers, de Saint-Brieu, de Saint-Mallon ou Saint-Malo, Dol, Nantes, Leon, Rennes, Vannes, Triquet et Cornouaille ; et celle de Bourges, ceux de Bourges, Toulouse, Poitiers, Auch, Arles, Embrun, Espagne, Arménie, Médie, Syrie, Samarie, Lombardie, Venise, la Pouille, Bordeaux, Narbonne, Avignon, Aix, et les nations de Romanie, Egypte, Perse, Palestine, Italie, Gênes, Naples, Sicile et autres, non comprises toutes les autres provinces.

 

La nation de Picardie, était divisée aussi en cinq tribus. Il y avait encore : la nation de Normandie; la nation d'Allemagne, divisée en deux tribus : celle des continents, subdivisée en deux provinces et celle des insulaires, comprenant les Iles britanniques. Le chef de l'Université était le recteur, qui était élu par les quatre Facultés tous les trois mois ; et pour son installation il se faisait une procession avec grande pompe. L'organisation de l'Université de Paris, la première en date, fut adoptée (sauf pour l'enseignement du droit canon et du droit civil où l'on prit pour modèle Bologne), par toutes celles qui s'élevèrent ensuite, soit en France, soit dans le reste de l'Europe. L'université de Paris joua un rôle considérable au moyen âge dans les affaires politiques et religieuses; elle défendit avec opiniâtreté ses priviléges, et plus d'une fois, pour obtenir justice, elle suspendit ses leçons; la dernière interruption eut lieu sous Louis XII. Au XIIIe siècle, elle engagea contre les ordres mendiants et les dominicains qui avaient institué trois chaires de théologie, une lutte fort vive, à la suite de laquelle elle fut forcée de céder et de les admettre dans son sein. La part très-grande qu'elle prit dans les querelles des Bourguignons et des Armagnacs et la servilité qu'elle montra lors de la domination anglaise à Paris, firent sentir la nécessité d'une réforme qui eut lieu en 1452 et qui fut opérée par le cardinal d'Estouteville, assisté de plusieurs membres du Parlement. L'influence politique de l'Université ne reparut que dans les guerres religieuses du XVIe siècle, surtout durant la Ligue dont elle embrassa la cause avec ardeur. Ce fut là sa dernière immixtion dans les affaires de l'Etat.

 

Elle eut, vers le même temps, un long procès à soutenir contre les jésuites qui demandèrent en vain à lui être agrégés, mais obtinrent d'ouvrir des établissements d'éducation en concurrence avec les universitaires.

 

Elle fut supprimée en 1790 (Ludovic Lalanne, Dictionnaire historique de la France, Volumes 1 à 2, 1877 - books.google.fr, Charles Richomme, Histoire de l'Université de Paris, 1840 - books.google.fr).

 

Procès entre l’Université de Paris et les Jésuites

 

Un jeune homme de dix-neuf ans, élevé dans l'un de leurs collèges, d'un caractère sombre et fougueux, livré à tontes les déhanches de la jeunesse, Jean Chatel enfin, fatigué de ïa vie, désirant en sortir par une action d'éclat qui lui valût une récompense immortelle, se souvint des sermons de ses maitres, et résolut d'assassiner Henri IV. On sait comment le bon Henri, en se baissant pour embrasser un officier qui arrivait de la campagne, au lieu du coup mortel, ne reçut qu'une blessure légère. L'assassin saisi, interrogé, fut reconnu pour un écolier des Jésuites. Toute la France poussa un cri d'effroi. On mit des gardes au collège de Clermont, on fouilla les chambres, les papiers; on trouva, chez le Jésuite Guignard, des écrits injurieux au roi de France et à tous les princes. On y louait l'action de Jacques Clément, assassin de Henri III, et l'approbation qu'y avait donnée le Jésuite Bourgoing. Henri III était appelé un Sardanaple, un Néron, Henri IV un renard de Béarn, la reine d'Angleterre une louve, le roi de Suède, un griffon, l'électeur de Saxe, un porc. Il était dit que «le Béarnais serait trop heureux d'être mis dans un monastère, pour y faire pénitence, que si on pouvait lui faire la guerre, il fallait le faire, que si l'on ne le pouvait pas, il fallait l'assassiner.» Le crime de Jean Chastel, et la découverte des papiers de Guignard, décidèrent du sort de la société en France, et mirent fin à un procès en instance depuis trente ans. Les Jésuites fuient chassés, par arrêt du parlement en date du 29 décembre 1604, confirmé par un autre du 21 août 1597. Guéret, professeur de philosophie, fut mis à la question; Guignard, par arrêt du 9 janvier 1595, condamné à être pendu en place de Grève, et il fut ordonné que son corps serait brûlé et réduit en cendres. Une pyramide fut élevée à la place de la maison qu'occupait l'assassin, et des inscriptions furent destinées à perpétuer la mémoire du crime et du châtiment. Ce monument subsista jusqu'en 1605 ou 1606, que les Jésuites, rétablis en France, eurent le crédit de le faire abattre. [...]

 

Le meilleur des hommes et des rois, Henri IV, tomba, le 10 mai 1610, sous le couteau de l'infâme Ravaillac. Des soupçons qui n'ont jamais été vérifiés, s'élevèrent alors contre les Jésuites; on ne les crut pas généralement étrangers au crime qui plongeait la France dans le deuil et dans les larmes. Les visites que le P. Cotton rendit à l'assassin, les recommandations qu'il lui fit de bien se garder d'accuser des innocents; le silence d'un P. d'Aubigny, autrefois confesseur de Ravaillac, et à qui ce monstre avait confié que, pendant la nuit, il avait des songes, et pendant le jour, des apparitions; la doctrine régicide du Jésuite Mariana, qui avait été publiée sous le règne de Henri IV; bien des circonstances encore qui paraissaient coïncider, firent naître d'affreuses idées; cependant, on ne vérifia rien, et un évènement qui devait changer totalement la position de la France, ne fit qu'améliorer celle des Jésuite. Sous le gouvernement faible et chancelant de la reine-mère, ils obtinrent, le 20 août 160, de nouvelles lettres-patentes beaucoup plus étendues que celles de 1609. Il leur fut accordé de faire leçons publiques, non-seulement de théologie, à quoi Henri IV avait restreint la permission, mais encore «en toutes sortes de sciences et exercices de leur profession, audit collège de Clermont, observant par eux les règles de l'édit de septembre 1605, et autres déclarations et règlements faits depuis icelui.» Le prétexte allégué pour accorder cette permission, était l'utilité qu'il y a «que les enfants étudient à Paris, où le langage français est plus pur et plus poli qu'ailleurs, joint qu'en étudiant, ils apprennent insensiblement les formes et les façons de vivre qu'il faut observer à la cour et suite du roi.» Le 27 du même mois, les Jésuites firent signifier les lettres-patentes au recteur de l'Université, Etienne Dupuis, ajoutant «qu'ils en poursuit vraient l'entérinement et vérification en la cour du Parlement.» Le procès se trouva ainsi réengagé, et les Jésuites n'annonçaient pas, cette fois, le dessein de l'abandonner. Ils travaillèrent à gagner quelques-uns de leurs adversaires, et se firent plusieurs partisans dans les facultés de droit et de théologie, mais la grande majorité de l'Université se prononçait toujours hautement contre eux. Après plusieurs délais et remises, la cause fut appelée, le 17 décembre, devant les trois chambres assemblées, et fut plaidée avec la plus grande solennité. Montholon, avocat des Jésuites, après avoir cherché à éviter un jugement que ses clients semblaient solliciter avec le plus grand empressement, forcé de plaider, parla pendant une demi-heure au plus, et conclut par demander l'enregistrement pur et simple des lettres-patentes. [...]

 

La Martelière, qui portait la parole pour l'Université, rappela que c'était pour la troisième fois que ce corps célèbre venait réclamer, contre les Jésuites, l'autorité du Parlement, pour assurer «le repos, la condition, la vie de nos rois, de nos princes, de l'Université et de la postérité»; qu'à la première approche de ces Pères, on n'ouit retentir, dans le sanctuaire de la Justice, que des « prophéties de leur intention, qu'ils voulaient confondre tout ordre politique, dépraver les lois divines et humaines., etc.; qu'on eut. «d'abord de la peine à le persuader, mais que ces prédictions ont été autorisées par les événements.» [...]

 

Les crimes de Clément, Barrière, Chastel, Ravaillac, leur furent imputés par l'avocat, aux adversaires qu'il combattait; la conspiration des poudres, les troubles excités à Venise et dans plusieurs autres endroits, furent rappelés. La Martelière finit par exhorter le Parlement à ne pas se laisser surprendre par les promesses que feront les Jésuites de remplir les conditions qu'on leur imposera. « Ils promettront et jureront toutes ces conditlions, dit-il, puisque rien ne peut les obliger par leurs propres constitutions.» [...]

 

Le lendemoin du plaidoyer de La Martelière, le recteur de l'Université, selon le privilège de sa Compagnie, fit un long discours en latin. Cette pièce, qui a été imprimée, et qui subsiste encore, est de la plus liante éloquence el d'une pureté digne de Cicéron. Il reclama avec fermeté l'appui du Parlement, et. dans un beau mouvement oratoire, il représenta l'Académie expirante, implorant, contre la mort, le seul secours qui lui reste. Ce recteur, si illustre par son éloquence et son grand caractère, se nommait Pierre Hardivilliers. [...]

 

Les plaidoieries des avocats et le discours du recteur, employèrent trois audiences. Le quatrième jour, les gens du roi portèrent la parole, par la bouche de Servin, premier avocat-général. Ce magistrat représenta que, dès le commencement du procès, il avait engagé les Jésuites à s'en tenir aux termes de leur rétablissement. Il donna connaissance du refus qu'avaient fait plusieurs d'entre eux, et notamment le P. Fronton, de signer, sans équivoque ni évasion, quatre propositions rédigées par la Sorbonne : les trois premières, regardant la sûreté de la personne des rois, l'indépendance absolue de leur autorité pour les choses temporelles, l'assujétissement des ecclésiastiques, comme des laïcs, à cette autorité; la quatrième, concernant les libertés de l'église gallicane. [...]

 

Après cet exorde, Servin entra dans le fond de la cause, et, abondant dans le sens de l'avocat de l'Université, il ajouta de nouveaux reproches à ceux dont celui-ci avait déjà chargé la Compagnie, il attaqua l'institut dans ses constitutions, dans ses privilèges, dans la conduite de ses membres, dans la doctrine de ses théologiens et dans les écrits de ses casuistes, déclara adhérer à l'opposition de l'Université, et finit par requérir qu'il fût fait défense aux Jésuites «de faire leçons publiques, ni fonctions scholastiques, pour l'instruction des enfants, ni d'autres en cette ville de Paris, jusqu'à ce qu'autrement en soit ordonné par la cour, sous telle peine qu'elle advisera.»

 

Enfin, le 12 décembre 1611, survint un arrêt qui appointa les parties au conseil, et provisoirement fit «inhibitions et défenses aux demandeurs de rien innover, faire et entreprendre au préjudice des lettres de leur rétablissement et de l'arrêt de vérification d'icelles; s'entremettre, par eux ou personnes interposées, de l'instruction de la jeunesse en cette ville de Paris, en quelque façon que ce soit, et d'y faire aucun exercice ou fonction de scholarité à peine de déchéance du rétablissement qui leur a été accordé, dépens réservés.» Ainsi se termina cette affaire, en laissant encore en suspens le point litigieux.

 

Cet échec ne fut pas le seul que reçut la Société, cette année et les suivantes; les Jésuites n'étaient pas en bonne veine au commencement du dix-septième siècle. Le livre de Mariana De rege et régis institutione, les ouvrages de Bellarmin, Becan, Suarez et autres, furent censurés par la Faculté de Sorbonne, condamnés par le Parlement et livrés aux flammes, avec défense d'introduire en France des écrits contenant une aussi pernicieuse doctrine. L'université de Louvain renouvela ses censures contre les thèses des Jésuites Lessius et Hamélius. En Bohème, un décret du conseil souverain, rendu du consentement de tous les ordres du royaume, chassa les Jésuites, comme perturbateurs du repos public, comme voulant assujétir au Siège de Rome, tous les états dans lesquels ils étaient admis, et semant perpétuellement la discorde et la mésintelligence. La Moravie, à l'exemple de la Bohème, les bannit la même année, de ses terres et dominations, mais les Jésuites surent rentrer dans ces deux états et y reprendre leur crédit.

 

L'arrêt de 1611, outre les dispositions que nous avons rapportées, ordonnait que les Jésuites, établis en France, déclareraient être unis de doctrine avec la Sorbonne, et signeraient les quatre propositions que leur avait présentées l'avocat-général Servin. Quand leur procès eut été perdu pour eux, ils ne se pressèrent pas d'obéir à cette injonction, mais voyant que l'Université, non contente de leur avoir fait fermer leurs écoles, poursuivait l'exécution de l'arrêt dans toutes ses parités, et parlait de demander leur expulsion, ils crurent devoir parer le coup, en faisant la déclaration qui leur était commandée. En conséquence, les PP. Balthazard, provincial ; Jacquinot, supérieur de la maison de St.-Louis; Fronton, Jacques Sirmond et Faconius, assistés de leur procureur, présentèrent au greffe du Parlement, un acte portant qu'obéissant à l'arrêt de la cour souveraine, ils déclarent qu'ils sont conformes à la doctrine de Sorbonne, même en ce qui concerne la conservation de la personne sacrée, des rois, manutention de leur autorité royale et libertés de l'église gallicane de tout temps, et ancienneté, gardées et observées en ce royaume.»

 

Cette soumission, à laquelle les Jésuites n'avaient accoutumé personne, leur fut beaucoup plus profitable qu'ils ne l'avaient imaginé peut-être; ils recueillirent de cette humiliation passagère, des fruits qu'ils étaient loin d'en attendre, et le crédit qu'ils eurent dans les états tenus en 1614 et 1615, fut pour eux une assez belle récompense (Charles Laumier, Résumé de l'histoire des Jesuites depuis l'origine jusqu'à la destruction de leur société, 1826 - books.google.fr).

 

Pierre de la Martellière

 

Pierre de la Martellière que d'autres nomment de la MARTILLIERE, célébre avocat au parlement de Paris, & ensuite conseiller d'état, étoit originaire du pays du Perche, fils de François (ou Pierre) de la Marteliere, lieutenant général au bailliage du Perche à Bellesme. Pierre vint à Tours dans le temps que le parlement de Paris y siégeoit, & il y suivit le barreau, où il se fit estimer & rechercher. Pendant quarante-cinq ans qu'il exerca la profession d'avocat, il se fit un si grand nom, que Antoine Bruneau le place au rang des Arnaulds, des Loysels & des autres qu'il proposoit pour modéles aux avocats dc son temps. Il a été avocat du prince de Condé, des comtes de Soissons, pere & fils & de plusieurs autres grands feineurs. En 1611, il plaida avec beaucoup d'éclat la cause de l'université de Paris contre les Jesuites, qui sollicitoient leur rétablissement. Son plaidoyer fut imprimé en 1612. in-4°. & a été reimprimé plusieurs sois depuis. La même année on publia sur ce plaidoyer un écrit intitulé : Avis sur le plaidoyer de Pierre de la Marteliere pour les recteur & opposans de l'univerfié de Paris, contre les Jésuites, par Paul Gimont, sieur d'Esclavoles, à Paris, in-4°. On a encore de P. de la Marteliere plusieurs autres plaidoyers qui ont été imprimés. Un jour plaidant une cause pour M. le Prince de Condé contre le duc de Guise, & ayant reproché au dernier ce qu'il avoit fait pour la ligue, M. de Guise s'en irrita, & au sortir de l'audience, il le menaça. Peu de tems après, ayant été nommé pour se trouver à un arbitrage qui regardoit M. de Guise, & n'ayant pas voulu s'y trouver, M. de Guise qui en sçut la raison, lui fit dire qu'il pouvoit venir en toute sureté. La Marteliere alla en effet au lieu marqué; & dès qu'il entra, M. de Guise vint au-devant de lui, l'embrassa, lui protesta qu'il lui donnoit son amitié, & le pria d'oublier la menace qu'il lui avoit faite. Lorsque M. de la Marteliere eut été fait conseiller d'état sur la fin de ses jours, il ne laissa pas de continuer à suivre le barreau & de consulter. Après sa mort, arrivée depuis l'an 1631, l'univerfité de Paris lui fit faire par M. Tarin, professeur d'éloquence, une épitaphe qu'on peut lire dans les opuscules de Loysel : elle finit par qualifier le défunt, Princeps patronorum, & patronus principum. M. de la Marteliere avoit épousé demoiselle Marie le Grand, fille d'Alexandre le Grand, conseiller au parlement, dont il eut entr'autres enfans, deux fils, qui ont été successivement conseillers au parlement : l'aîné fut reçu en 1629. & mourut en 1631, avant son pere : le second fut reçu en 1632. Voyez l'éloge de Pierre de la Marteliere dans les opuscules de Loysel pag. 606. & 607. Bruneau dans son traité des criées, &c. Le pere d'Avrigny Jesuite, dans ses Mémoires chronologiques & dogmatiques, tom. 1. pag. 131. dit que le plaidoyer de la Marteliere feroit honneur au plus vieux professeur de rhétorique, tant il y a de figures de toutes les sortes, & de traits de l'ancienne histoire rassemblés. On pense bien qu'à l'égard du fond de ce discours, il n'en juge pas si favorablement (Nouveau supplement au grand dictionnaire historique, genealogique, geographique, &c. de M. Louis Moreri, pour servir a la derniere edition de 1732. & aux precedentes. Tome 2 : H-Z, 1749 - books.google.fr).

 

Les ouvrages de Caussin, Richeome et Garasse appartiennent pour leur part à la rhétorique des jésuites de Cour, cette rhétorique «toute peinte et dorée» selon Guez de Balzac, qui cherche avant tout à stimuler l'imagination de l'auditoire. A l'inverse, Du Vair ou Jacques de Montholon proposent un modèle épuré des citations en langues anciennes, une éloquence qui cherche à convaincre sans faire inutilement appel à l'émotion. Guillaume du Vair, en particulier, propose à ses lecteurs de s'inspirer du modèle cicéronien de l'orateur-magistrat. Plus encore, il érige en idéal l'orateur attique incarné par Périclès et Démosthène, à la fois censeur et pédagogue du peuple, véritable «monarque spirituel». Cet idéal s'inscrit dans un contexte particulier, celui des guerres de Religion. Il a pu apparaître comme un modèle de rhétorique «gallicane» en opposition avec le modèle jésuite (Michel Cassan, Offices et officiers "moyens" en France à l'époque moderne: profession, culture, 2004 - books.google.fr).

 

Fait remarquable, le sénéquisme philosophique de Du Vair ne l'empêche pas d'être cicéronien en matière de style dans le traité De l'éloquence française. Parmi les onze éditions de ses œuvres publiées entre 1606 et 1641, la plus complète est celle de 1625. Les études sur Guillaume Du Vair comme orateur politique restent peu nombreuses. On se référera essentiellement à R. Radouant, Guillaume Du Voir, l'homme et l'orateur jusqu'à la fin des troubles de la Ligue, Paris, 1907. L'Age de l'Eloquence de M. Fumaroli (Genève, 1980) contient un long passage consacré à Du Vair (Richard Crescenzo, Le traité De l'éloquence francoise de Du Vair (1594) : une réponse à la position de Montaigne sur l'éloquence, Montaigne et Henri IV (1595-1955): actes du colloque international, 1996 - books.google.fr).

 

Jacques de Montholon fut l'avocat des Jésuites au troisième procès face à l'Université de Paris. Il ne partageait donc pas le style des jésuites de Cour.

 

"assailie" : saillies

 

A première vue, c'est à la même tendance (l'atticisme sénéquien) qu'appartient Montaigne. Lui aussi relève de la rhétorique savante des citations et cherche à la faire évoluer. Lui aussi ne veut plus se contenter d'être comme ses collègues du Palais, un médiateur impersonnel entre l'Antiquité, dépositaire du Logos originel, et un public savant. Il a, au plus haut degré, conscience de son ingenium personnel. Mais il joue sur deux langues, alors que Lipse ne peut jouer qu'entre deux états - classique et tardif - de la langue latine. Si les citations latines balisent, dans les Essais, une quête de la vérité, c'est seulement en contrepoint d'une invention en langue vulgaire qui prétend puiser ses « conceptions » directement à travers un ingenium moderne, aux sources de «nostre mere Nature». La vérité que recherche Montaigne n'est plus celle, métaphysique et juridique, du Juge-Législateur, mais celle de l'homme-Protée, telle que la protéique Nature le lui révèle à travers son propre moi-Protée. A la découverte de cette vérité fuyante concourent, comme chez les savants de la République des Lettres, inspiration et érudition. Mais l'une se veut toute naturelle et l'autre n'intervient que comme confirmation de la première : à la différence de ce qui se passait dans les Remonstrances ou chez Lipse, le témoignage des Anciens chez Montaigne n'a pas valeur de preuve supérieure à celle des voyageurs mîodernes ou à celle de l'auteur, observateur de soi-même et du monde. Aussi le style de Montaigne n'obéit-il pas, comme celui de Lipse, à une manière uniforme, toute tendue à faire croire que les «saillies» de l'ingenium coïncident toujours avec les « oracles » de l'Antiquité. «Libre», se laissant conduire par un ingenium démonique, le style de Montaigne est fidèle au protéisme qu'il veut manifester : tantôt comique, tantôt sublime, tantôt sententieux, tantôt périodique, tantôt éloquent, tantôt dialoguant, il réussit pourtant à faire triompher une unité de ton, et à imposer la présence constante d'une identité personnelle vigoureuse. C'est la leçon la plus précieuse que l'anti-cicéronien Montaigne lègue à l'atticisme classique (Marc Fumaroli, L'Age de l'éloquence : Rhétorique et «res literaria» de la Renaissance au seuil de l'époque classique, 2002 - books.google.fr).

 

Seneque plus ondoyant et divers. [...] Seneque est plein de poinctes et saillies (Livre II, chap. 10) (Michel de Montaigne, Essais, Tome 1, 1833 - books.google.fr).

 

Rhétorique : quinquepartitus et ordo neglectus

 

Montaigne ironise sur le soin méticuleux avec lequel Cicéron marque les divisions de son discours, et il observe : «Pour moy... ces ordonnances logiciennes et Aristotéliques ne sont pas a propos» (II, 10, p. 393 a; 1 10). Il loue Sénèque et Plutarque  d'avoir écrit «à pieces descousues» et de pouvoir être lus de même, ce qu'il s'empresse d'appliquer à lui-même : «Je prononce ma sentence par articles descousus, ainsi que de chose qui ne se peut dire à la fois et en bloc» (III, 13, p. 1054 b; 376). Solidité et spontanéité, voilà son affaire, non la composition charpentée «Moy qui ay plus de soin du poids et utilité des discours que de leur ordre et suite», note-t-il-au début d'une de ses «digressions» (II, 27, p. 678 c; 498). La négligence de la forme et de la tenue, l'ordo neglectus, répond, il est vrai, au goût de l'époque, dans les arts plastiques, la poésie, la vie mondaine. On avait appris depuis le XIVe siècle à priser le charme du laisser-aller. Une lettre de Pétrarque esquisse l'esthétique de l'habitus neglectior, par opposition au magnus cultus (Familiares, XVIII, 7). Castiglione met au nombre des qualités qui distinguent l'homme du monde accompli l'aptitude à la sprezzatura (Cortegiano, I, 26). On reste sensible au bel effet des negligenze artifici jusqu'au Tasse (Jérusalem dél. II, 18). Il y a sans doute là des réminiscences d'Horace et d'Ovide, dont certaines recommandations vont dans le même sens. C'est en outre une vieille habitude d'auteur que de se présenter avec une modestie affectée» (E. Norden) et protester de son incapacité a écrire avec art. Mais on n'irait pas loin si on voulait rattacher l'autoportrait de Montaigne uniquement à cette mode et à cette manière rhétorique. [...] Ecrivain, il s'abaisse au moyen de ces formules traditionnelles de modestie dans le même but qu'il poursuit en s'humiliant, comme homme et philosophe, par la formule de la miseria hominis. Il s'est servi de ces formules littéraires pour caractériser sa propre réalité et le développement illimité dont elle était capable. Il recourt à la forme ouverte de l'ordo neglectus, qu'il semble déprécier, encore qu'il en reconnaisse la grâce (I, 28, p. 181 a; 238), parce qu'elle est l'expression naturelle de son image du n'est que changement, le caractère antinomique de la vie, l'homme complexe, inconstant, interdisent un régulier qui ferme les ouvertures, ramène le multiple à un seul aspect, enjolive l'imparfait (Hugo Friedrich, Montaigne, 1984 - books.google.fr).

 

Or "quinquepartitus" est un terme rare employé par Marius Victorinus dans ses Explanationes in Ciceronis rhetoricam :

 

Le livre VI de Martianus Capella est expressément consacré à la géométrie, mais en réalité, la quasi-totalité de son contenu traite de géographie, et ce sont seulement les dernières pages qui abordent la matière de la géométrie - du reste sans grande ambition, car les développements sont réduits à l'énoncé des définitions fondamentales, d'après la tradition euclidienne. Vers la fin du livre, donc, le § 716 présente un texte évidemment parallèle à celui de Proclus. On lit en effet : «Mais toutes les figures (de raisonnement, alors que Martianus parle avant et après de figures géométriques) se développent en cinq  parties, que les Grecs désignent de la façon suivante : la première "protasis", la deuxième "diorismos", la troisième "kataskeuè", la quatrième "apodeixis, la cinquième "sumperasma". En latin, nous pouvons donner les traductions suivantes : la première, proposition de la figure, la deuxième,  détermination de la question, la troisième, disposition des arguments, la quatrième, démonstration et preuve de l'idée, la cinquième, conclusion».

 

Par rapport à Proclus, il manque la deuxième étape l'"ekthesis".

 

Martianus évolue en réalité dans le double domaine de la géométrie et de la dialectique-rhétorique, et l'on peut même dire que son vocabulaire est plutôt celui de ces deux dernières disciplines. On s'en convaincra mieux si l'on se reporte à un passage qui traite nettement de rhétorique chez Marius Victorinus, et dont la numérotation des parties présente un parallélisme étonnant avec celle de Martianus, traduisant sans doute une influence sur ce dernier, même s'il y a quelque variation dans la terminologie: Quinquepartitus itaque est qui constat ex membris quinque, id est prima propositione, secunda eius probatione, tertio. adsumptione, quarta eius probatione, quinta conclusione (Marius Victorinus, Explanationes in Ciceronis rhetoricam 1,10, copié ensuite littéralement par Isidore de Séville, Étymologies 2,9, 18) (Jean-Yves Guillaumin, Les six "ordres" de la démonstration géométrique, Bulletin du Cange: archivum latinitatis medii aevi consociatarum academiarum auspiciis conditum, Volumes 61 à 63, 2003 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Marius Victorinus).

 

Avec ses considérarions géométriques et géographiques, les "cinq parts", qui devraient être six, annoncent les six côtés de l'hexagone français.

 

Séville ou Sicile

 

Brind'Amour corrige Séville (toutes éditions) en Sicile.

 

La monarchie continuait à vivre, en vertu de ses traditions bureaucratiques, sous un roi aussi indolent que le père avait été appliqué, et pour qui la dévotion n'était plus une raison d'agir. Avec l'avènement de ce Philippe III, vrai «fin de race», a commencé le règne des favoris ou validos. Au centre, à Valladolid, où la cour s'est retirée par économie après les folles dépenses des mariages de famille d'Albert avec l'infante Isabelle, du roi avec Marguerite d'Autriche, le vrai maître est don Francisco de Sandoval, marquis de Denia, fait duc de Lerma, traînant après soi une famille d'intrigants, accapareurs de titres et de richesses. [...] De même que Lerma mène l'Espagne, un véritable triumvirat se partage l'Italie : Pedro Tellez Giron, duc d'Osuna, dit el grande, vice-roi de Naples, qui ne craignit pas de s'attaquer à la flotte vénitienne, de soulever contre la république en Dalmatie les Uscoques, et qui tombera sous l'accusation (sans doute forgée à Venise) de vouloir se faire roi de Naples ; don Pedro de Toledo, marquis de Villafranca, gouverneur de la Lombardie ; Alfonso de La Cueva, marquis de Bedmar, ambassadeur à Venise. [...]

 

Cette Espagne déjà si atteinte entreprend de régler définitivement la question des Morisques, à Valence et en Aragon. Les vieilles accusations renaissent : celle de conserver secrètement les rites de l'islam, celle de s'entendre avec les pirates, à qui une flotte sicilienne commandée par Jean-André Doria a failli prendre Alger, celle aussi de pactiser avec la France (Henri Hauser, La prépondérance espagnole 1559–1660, 2019 - books.google.fr).

 

Pour la chasse aux Morisques voir quatrain I, 77.

 

Pour lutter contre les corsaires barbaresques, l'Espagne organise des expéditions à Malte en 1611, Tunis en 1612 et au Maroc en 1614. Elle profite aussi de l'accalmie des guerres en Europe pour construire un réseau d'ententes. Le double traité de 1612, rendu effectif en 1615, négocié avec la France, prévoyait le mariage d'Isabelle de France avec l'infant Philippe et d'Anne, la sœur de ce dernier, avec Louis XIII, frère d'Isabelle (Jean-Paul le Flem, Gilbert Larguier, Jean-Pierre Dedieu, Les monarchies espagnole et française au temps de leur affrontement: Milieu XVIe siècle - 1714. Synthèse et documents, 2013 - books.google.fr).

 

En 1612, le marquis de Santa Cruz, avec les galères de Naples, attaque la Tunisie; Osuna (1611) et le général Octavio d'Aragon (1613), dévastent la côte berbère et débarrassent Malte de la menace turque Du côté Atlantique, Luis Fajardo, capitaine général de l'armée de l'Océan, s'empare de la Mamora au Maroc (Michel Devèze, L'Espagne de Philippe IV, 1621-1665: siècle d'or et de misère, Tome 2, 1970 - books.google.fr).

 

Mais pendant cette période de paix relative, des trouble-fête se manifestèrent. Charles-Emmanuel Ier s'empare entre 1613 et 1617 du duché de Montferrat avec l'aide du maréchal de Lesdiguières sur le plan militaire et de la république de Venise sur le plan financier. Le duc d'Osuna, Pedro Giron, qui a de restauré la flotte de galères de la vice-royauté de Naples aide les Albanais Uskoks dans leurs raids de piraterie contre les bateaux vénitiens (1615-1618). Il est désavoué par Madrid et rappelé en 1620. Osuna et le gouverneur de Milan, Pedro de Toledo, de même que Bedmar, ambassadeur à Venise, sont persuadés que la Sérénissime est hostile à l'Espagne. En mai 1618, Bedmar et le poète Francisco de Quevedo, agent d'Osuna, accusés de conspiration doivent fuir la République (Jean-Paul le Flem, Gilbert Larguier, Jean-Pierre Dedieu, Les monarchies espagnole et française au temps de leur affrontement: Milieu XVIe siècle - 1714. Synthèse et documents, 2013 - books.google.fr).

 

Osuna se trouve près de Séville en Andalousie. C'est le fief des ducs d'Osuna. Pedro Terez-Giron, duc d'Osuna, fut vice-roi de Sicile et de Naples. On lui prête l'intention d'avoir voulu s'en faire son propre royaume avec la complicité de Venise et de la France. Une hostilité simulée avec Venise aurait été le prétexte pour Osuna de recruter des mercenaires et des soldats pour arriver à ses fins. Il est aussi mêlé à une conspiration contre la République vénitienne. Il s'attira l'inimitié des jésuites de Naples pour leur avoir refuser de lever un impôt à leur profit. Il refusa d'établir l'Inquisition dans le royaume de Naples (Pierre Antoine Bruno Daru, Histoire de la république de Venise, Tomes 5 à 6, 1840 - books.google.fr).

 

A l'avènement de Philippe IV (1621), le duc d'Osuna fut enfermé au château d'Almeida, où il demeura jusqu'à sa mort en 1624 (fr.wikipedia.org - Pedro Tellez-Giron y Velasco).

 

On lui attribue, dans un recueil d'anecdotes du dix-septième siècle, une plaisanterie : «Le duc d'Osone promit mille pistoles aux Jésuites, s'ils lui faisoient voir qu'on pût donner l'absolution par avance d'un péché non encore commis. Après avoir bien cherché, ils lui apportèrent un de leurs auteurs, et lui donnèrent l'absolution qu'il demandoit. Il leur donna une lettre de change à recevoir à quatre lieues. Ils trouvèrent en chemin douze drôles qui les battirent et leur prirent la lettre de change. lls vinrent se plaindre au duc, qui leur dit que c'était là le péché qu'il avait envie de commettre et qu'ils l'en avoient absous (Tallemant des Réaux) (Le Tour du monde: nouveau journal des voyages publie sous la direction de Edouard Charton et illustre par nos plus celebres artistes, 1873 - books.google.fr, Gédéon Tallemant Des Réaux, Les historiettes, Mémoires pour servir à l'histoire du XVIIe siècle, Louis-Jean-Nicolas de Monmerqué, Hippolyte de Chateaugiron, Tome 5, 1834 - books.google.fr).

 

Le poète Quévedo, ami et conseiller du duc, tomba en disgrâce avec lui. Pour avoir déposé un pamphlet sur la serviette du roi Philippe IV, il est enfermé de 1639 à 1643 dans un cachot du couvent San Marcos à Leon (dans la province de Leon), prison misérable et humide, où sa santé se dégrade : il y perd la vue. Quand il est libéré en 1643, Quevedo est un homme affaibli, qui se retire dans ses terres de Torre de Juan Abad. Il part ensuite s'installer à Villanueva de los Infantes, où il meurt le 8 septembre 1645 (fr.wikipedia.org - Francisco de Quevedo y Villegas).

 

Avant sa disgrâce, le duc d'Ossuna fit venir sa femme, son fils et leur suite à Naples. Ils embarquèrent à Barcelone (Gregorio Leti, La vie de P. Giron, duc d'Ossuna, vice-roi de Sicile et de Naples, 1707 - books.google.fr).

 

Triangle espagnol

 

«Paris n'est pas la France», disent les Français qui habitent au delà de la grande banlieue. Tous les pays cultivent un slogan du même genre et les Espagnols seront spécialement empêchés de vous désigner le siège de l'Espagne. «Madrid est au milieu, c'est tout», déclarent à peu près avec la même véhémence Catalans, Basques et Andalous. Mais Barcelone, Bilbao ou Séville ne sont tout de même pas des capitales. La vérité, c'est que toutes les provinces et tous les dialectes concourent à faire un pays, de même que tous les instruments de l'orchestre, y compris le triangle, s'associent pour construire le vrai paysage d'une symphonie. Il faut que le voyageur sache cela, et qu'il s'en moque. C'est-à-dire qu'il picore d'un pays ce qu'il peut, dans n'importe quel ordre  (Jean Fayard, Petit guide du grand tourisme, 1965 - books.google.fr).

 

Quevedo et l'ordo neglectus

 

Par un curieux retournement des choses, contre l'autorité critique appuyée désormais sur les règles et les modèles classiques, La Pinelière marque son goût pour Sénèque, non le moraliste cher à Du Vair, mais le styliste cher à Montaigne, à Juste Lipse, à Quevedo qu'il cite et imite. C'est à Sénèque, contre le principe de régularité, qu'il demande le principe d'enthousiasme et d'inspiration poétique. Le Deus intus de la Lettre 41, si proche de l'idée longinienne du sublime, lui sert à combattre les autorités classiques invoquées dès lors par la critique docte, Cicéron, Virgile, Aristote, Scaliger. [...]  

 

Le genre même du Parnasse («songe» en prose, inspiré par par la mélancolie et découvrant la vérité sous les masques) est imité de Quevedo, cité avec admiration p. 3. Les Suenos y discursos... de celui-ci, publiés à Barcelone en 1628, avaient été traduits en français: Les Visions de Don F. de Quevedo Villegas, traduites... par le sieur de la Geneste, Paris, Billaine, 1632 (6 rééd. entre 1635 et 1649). La Pinelière a lui-même traduit (1636) La suite des Visions de Quevedo (Marc Fumaroli, L'Âge de l'éloquence, 1996 - books.google.fr).

 

Il est incontestable que l'écho rencontré par V. Malvezzi dans la péninsule pendant au moins trois décennies est dû à la traduction du Romulo par F. de Quevedo, et surtout au prologue dans lequel il réalise un véritable acte de refondation de l'écriture hypertacitiste ense présentant comme le découvreur, voire l'inventeur de V. Malvezzi (Bernard Darbord, Agnès Delage, Le partage du secret: Cultures du dévoilement et de l’occultation en Europe, du Moyen Âge à l'époque moderne, 2013 - books.google.fr).

 

Le style du Romulo de Malvezzi relève de l'ordo neglectus (Mercedes Blanco, Quevedo lector de Malvezzi, La perinola: Revista de investigación Quevediana, Numéro 8, Universidad de Navarra, 2004 - books.google.fr).

 

La traduction du Romulus inaugure une période nouvelle dans le développement du talent et du style de Quevedo. C'est surtout en songeant à cet ouvrage que l'on peut dire, avec don E. Fernandez de Navarrete , "que Quevedo a rapporté d'Italie un style coupé, incohérent, peu naturel, sans majesté et sans gráce, peu conforme enfin au caractére de notre langue harmonieuse, mais visant surtout au brillant et á la profondeur" (Ernest Mérimée, Essai sur la vie et les oeuvres de Francisco de Quevedo: 1580-1645, 1886 - books.google.fr).

 

Un Dialogue paru en 1717, fait le parallèle entre Sénèque, pour lequel parle Quevedo, et Cicéron, pour lequel parle Muret (Mémoires pour l'histoire des sciences et des beaux-arts, Volume 70 ; Volume 1718, 1718 - books.google.fr).

 

Reste entre autres le problème de "Persiens"

 

Les régences d'Alger et de Tunis dépendaient nominalement de l'empire ottoman.

 

Shah-Abbas ou Abbas le Grand régnait depuis 1585, après les revers infligés aux Perses par Murat III. Monté sur le trône par un fratricide et obligé à ces concessions par l'anarchie, Abbas allait bientôt par ses exploits faire oublier son crime et réparer son humiliation. Après avoir châtié les révoltes des Uzbecks, il opéra en dix années (1590-1600) les conquêtes successives du Ghilan, du Mazandéran, de plusieurs places de la Tartarie, avec la soumission de presque tout l'Afghanistan, et établit à Ispahan le siége de ses États restaurés et agrandis. Enfin arriva le moment de demander compte aux Ottomans des troubles que pendant ce temps ils n'avaient cessé de susciter dans ses provinces occidentales. La révolte des milices d'Asie contre le sultan lui fournit l'occasion favorable. Leurs chefs vaincus, s'étant réfugiés à la cour du shah, y trouvèrent un asile et la sécurité. Quand Achmet s'avança pour se venger de cette hospitalité, Abbas écrasa les Turcs à la bataille décisive de Bassorah (1605), qui le rendit maître de tout le territoire de l'ancienne domination des Sophis; puis, marchant de conquête en conquête, il enleva aux ennemis une vaste étendue de pays à l'occident du Tigre et de l'Euphrate, et la paix, dont il dicta les conditions à Achmet (1611), lui garantit la possession du Chirvan et du Kourdistan. La Porte ne craignit pas de violer les conditions de ce traité en fomentant des troubles dans la Géorgie; mais elle n'y gagna que des pertes nouvelles, et la Géorgie orientale tout entière resta sous les lois de la Perse (1648) (P. C. Nicolle, Mnémonique de l'histoire ou précis d'histoire universelle en tableaux séculaires, à l'usage de la jeunesse, 1852 - books.google.fr).

 

Dans un  texte anonyme, probablement de 1557, qui parle de l'Espagne par et à travers la Turquie, le Viaje de Turquia, un des personnage, Pedro de Urdemalas, compare Charles Quint au Shah de Perse, "au prétexte que l'empereur veut aussi défendre une confession originelle contre une interprétation et une pratique religieuse déviantes et dégradées. [...] Les deux adversaires de la très catholique Espagne ont volontiers été comparés voire assimilés au XVIe siècle19. En avril 1529, par exemple, les théologiens de la Sorbonne lient explicitement la réforme luthérienne à la question turque en pointant les similitudes qui existent entre ces deux nouveaux dangers que sont le luthéranisme et l'Empire ottoman" (Laura Alcoba, Le Viaje de Turquia, Littérature et exotisme, XVIe-XVIIIe siècle, 1997 - books.google.fr, Laura Alcoba, Pouvoir espagnol et pouvoir turc, Le pouvoir au miroir de la littérature en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles, 2001 - books.google.fr).

 

Además Quevedo, en el discurso que atribuye al renegado Sinán, trae a colación otros hechos históricos menos fáciles de fechar, pero no por esto de menor interés. Entre la evocación de don Juan de Austria y la del duque de Osuna a los que separan unos cincuenta años, alude a los persas, enemigos temidos de los turcos durante toda la primera mitad del siglo XVII, como lo sugiere con razón el texto de Quevedo. Ahora bien: la amenaza persa fue mucho más fuerte bajo Ahmed I (sultán de 1603 a 1617) que en los últimos años del reinado de Murad IV (1623-1640) ( «No con la enemistad tan rabiosa el persiano con turbante verde solicita la desolación de nuestro imperio»: el presente del verbo contrasta con el pretérito de «No pretendió con tan último fin don Juan de Austria…» y el de «No don Pedro Girón procuró con tan eficaces medios…» (Quevedo, La Hora de todos, p. 165)).

 

La afirmación de que sigue actual para los turcos la amenaza de los persas deja suponer que España ha dejado de ser temible, y ello a raíz de la desaparición del duque de Osuna: en este sentido, bien es verdad que Quevedo utiliza el tema turco para ensalzar a la España tradicional, con la que se confunde, según él, este personaje (Josette Riandière La Roche, Las sátiras de Quevedo, Quevedo y el Gran Señor de los Turcos: ¿exotismo o historia?, - cvc.cervantes.es).

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