La fortune de François duc d'Alençon I, 33 1581-1582 Prés d'un grant pont, de plaine spatieuse, Le grand lyon par forces Cesarées Fera abbatre hors cité rigoreuse : Par effroy portes luy seront reserées. "plaine
spatieuse" : Cambrésis Les “guerres d'Italie” se termineront de façon
significative en Picardie après la bataille de Saint-Quentin (1557) et le
traité du Câteau-Cambrésis (1559), dans
cette grande plaine du nord de l'Europe, qui devient dès lors – et jusqu'Ă
la première moitié du XXe siècle – le nouveau territoire sur lequel se déploie
l'affrontement des puissances européennes (Jean-Louis
Fournel, Jean-Claude Zancarini, La politique de l'expérience: Savonarole,
Guicciardini et le républicanisme florentin, 2002 - books.google.fr). "grand
pont" Comme cela se pratiquait encore au XIVe siècle, la tour
des Arquets avait été mise à cheval, si l'on peut ainsi dire, sur le fleuve,
pour en défendre l'accès ; et un pont était établi à sa base pour faciliter les
communications. C'est ce qui résulte d'un passage du Mémorial journalier d'un
moine de Saint-Sépulchre, sur le siège de Cambrai
par le comte de Fuentès, en 1595. Ce passage où il s'agit d'une rébellion des
bourgeois contre le gouverneur pour la France, de Montluc de Balagny, est ainsi
conçu : D'autre part les
bons bourgeois du quartier de Cantimpré, sous le capitaine Baudon Quelleries,
Fiacre Ségard, avec d'autres bourgeois de diverses compagnies, s'étant emparés
de la porte Cantimpré, barricadèrent vaillamment le grand pont de pierre, celui de la tour aux Arquets et le pont
Amoureux. Sur une très belle estampe au burin (qui semble avant la
lettre), du cabinet de M. V. Delattre, et dont le sujet est expliqué par cette
légende manuscrite, tracée au bas : "Le duc
d'Alençon fait lever le siège de Cambrai en 1581." on remarque, sur le
premier plan, le duc à cheval entouré de quelques cavaliers, tandis que la
ville, vue du côté du midi, est figurée, au fond, vers la gauche. Dans le mur
d'enceinte on distingue nettement la tour des Arquets, accompagnée, en aval, ou
si l'on veut de l'autre côté du pont, d'une seconde tour d'un aspect semblable
à la première (A.
Durieux, La tour des Arquets, Memoires de la Societe d'emulation de Cambrai,
1867 - books.google.fr, Adolphe
Bruyelle, Memoires de la Societe d'emulation de Cambrai, Dictionnaire
topographique de l'arrondissement de Cambrai (etc.), 1862 -
ww.google.fr/books/edition). Prise de Cambrai en 1581. On comprend que l'intervention des canons rend désormais illusoires les
murs qui assuraient la défense des villes (Marc
Ferro, Histoire de France, 2018 - www.google.fr/books/edition). Le Cateau Abbattre = mettre
les batteries en action, tirer du canon pour démolir quelque chose (Pierre
Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition
Macé Bonhomme de 1555), 1996 - www.google.fr/books/edition). En septembre 1581, le duc d'Alençon, après la délivrance
de Cambrai, cerné depuis un an par l'armée du duc de Parme, met aussi le siège
devant le Câteau. Le canon joua si
durement contre l'enceinte, qu'une brĂŞche praticable fut bientĂ´t ouverte.
Les troupes ayant monté à l'assaut, la ville fut emportée après treize jours de
résistance. La défense aurait été soutenue plus long-temps, n'était la division
qui se mit entre les habitans et la garnison commandée par un sieur de Worde de
Brabançon. Le vicomte de Tours ou de Thouars fut tué dans l'action, et Balagny
reçut une blessure à la jambe. La ville fut exposée au pillage, et les femmes
et les filles à la violence des soldats, quoique la peste fût presque dans
toutes les maisons. Il arriva alors au baron de Rosni, depuis duc de Sulli, une
assez curieuse aventure que nous extrayons de ses mémoires : Une jeune fille,
fort belle, dit M. de Sulli, vint se jeter entre mes bras, comme je me
promenais dans les rues, et me tenait serré en me conjurant de la garantir de
quelques soldats qui s'étaient cachés, lorsqu'ils m'avaient aperçu. Je la
rassurai, et m'offris de la conduire dans la première église. Elle me répondit
qu'elle s'y était présentée, mais qu'on n'avait pas voulu la recevoir parce
qu'on savait qu'elle avait la peste. Je devins froid comme un marbre Ă cette
déclaration, et la colère me redonnant des forces, je repoussai d'entre mes
bras cette fille qui m'exposait Ă la mort, lorsqu'elle avait une raison de se
faire respecter, qui me paraissait sans rĂ©plique; et je m'enfuis, m'attendant Ă
tout moment d'être saisi de la peste. Vers la fin de décembre de la même année 1581, le baron
d’Inchi est tué d'un coup d'arquebuse, sous les murs du Câteau, où dans son
désespoir d'avoir été perfidement privé de son poste de gouverneur de la
citadelle de Cambrai, il s'Ă©tait, dit-on, rendu pour chercher la mort (A.
Bruyelle, Précis sur Le Cateau-Cambrésis, Memoires de la Societe d'emulation de
Cambrai, 1844 - books.google.fr). "grant
pont" et "plaine spatieuse" C'est pour payer les dépenses causées par ces crues
subites, que le Conseil des 2 finances fit lever un droit de péage sur les deux
ponts de Saint-Vaast-en-Cambresis. Le grand pont donnait communication entre le
village et Cateau-Cambrésis ; d'abord fait de bois, il ne fut construit en
briques qu'en 1666 ; le petit au contraire fut toujours en bois (Recueil,
Volumes 50 à 53, Société d'études de la province de Cambrai, 1940 -
books.google.fr). "effroy" reserer : ouvrir (Pierre
Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition
Macé Bonhomme de 1555), 1996 - www.google.fr/books/edition). On reste au Cateau qui ouvre ses portes au duc d'Alençon.
Ou "resserrer" : tenir fermer. La prise de
Cambrai par le duc d'Alençon, 16 août 1581, jeta l'effroi parmi la population
d'Arras. Le Magistrat s'empressa de mettre en Ă©tat les fortifications. Le
roi d'Espagne autorisa la prorogation des impôts spéciaux destinés à réparer
les brèches nombreuses existant aux murailles entre la porte d'Hagerue et le
Claquedent, entre la porte MĂ©aulens et le nouveau boulevard, aux abords des
portes Ronville et Baudimont, au Pas-de-cheval, etc., etc. (A.
de Cardevacque, Arras fortifié, Mémoires de l'académie des sciences, lettres et
arts d'Arras, 1891 - books.google.fr). "cité
rigoreuse" La paix du Cateau
permet aux souverains catholiques de se consacrer Ă la lutte contre la nouvelle
religion. La guerre débute mal pour la France, qui subit une
défaite à Saint-Quentin en 1557 et dont une expédition contre Naples échoue complètement.
Mais en 1558, François de Guise prend Calais aux Anglais. Cependant, les deux
souverains, las de la guerre et préoccupés par les progrès du protestantisme
dans leurs pays, entament des négociations, qui aboutissent au traité de
Cateau-Cambrésis (1559) : Henri II conserve Calais et les Trois Évêchés et
renonce au Milanais, c'est la fin des guerres d'Italie. Le roi de France peut
désormais se consacrer à la lutte contre les protestants; dès le début de son
règne, sous l'influence de sa favorite, Diane de Poitiers, il promulgue l'édit
de Châteaubriant, qui met en place un système de répression important; l'édit d'Écouen de 1559 est encore plus
rigoureux (Jean-Charles
Volkmann, Tous les rois de France, 1999 - books.google.fr). Paix universelle
entre la France, l'Espagne, l'Angleterre & l'Empire, par le traité de
Câteau-Cambresis. Henri II. voulant profiter d'une si belle occasion pour
réduire les herétiques de son royaume, se rend au Parlement lorsqu'il y étoit
le moins attendu, le 13. Juin, & fait arrĂŞter plusieurs membres de cette
compagnie qui s'opposoient à l'exécution de l'édit de Châteaubriant. Le
conseiller Anne Dubourg qui étoit de ce nombre, fut pendu & brûlé en place
de GrĂ©ve le 20. DĂ©cembre suivant : on le soupçonnoit d'avoir eu part Ă
l'assassinat du président Minard, qui fut tué d'un coup de pistolet en sortant
du Palais ; son supplice fur suivi de celui d'un grand nombre d'autres
Calvinistes (Philippe
Macquer, Abrégé chronologique de l'histoire ecclesiastique: contenant
l'histoire des eglises d'orient & d'occident, Depuis l'an 1201 jusqu'Ă l'an
1700, Tome 2, 1752 - books.google.fr). Cf. quatrain I, 5 pour Anne du Bourg. Paul IV poussait
également à une répression rigoureuse. Un mois avant la signature de la
paix, il avait publié une bulle applicable à toute la chrétienté et où il renouvelait
les décrets d'Innocent III contre les hérétiques (Félix
Rocquain, La France et Rome pendant les guerres de religion, 1924 -
books.google.fr). Après diverses alternatives de persécutions violentes et
de demi-tolérance, les chefs des protestants d’Écosse, guidés par l'énergique
prédicateur John Knox, s'étaient confédérés pour l'établissement public de leur
culte (3 décembre 1557). Durant dix-huit mois, la reine mère, Marie de Guise,
régente d'Écosse, hésita à prendre l'offensive contre eux; mais, après le traité du Câteau-Cambresis, ses frères les Guises, qui
se sentaient ébranlés auprès de Henri II et qui espéraient se raffermir par un
éclatant succès en Écosse, la poussèrent à rendre un décret de proscription
contre toutes innovations religieuses (Histoire
de France depuis les temps les plus réculés jusqu'en 1789, Tome 9, 1865 -
books.google.fr). On agissoit avec la mĂŞme rigueur en Espagne contre les
nouveaux hérétiques ; Philippe II. fit brûler à Seville & à Valladolid
un grand nombre de Lucheriens On ne pardonna pas( même à la mémoire du fameux
ConĂtancin Ponce qui avoir Ă©tĂ© prĂ©dicateur de Charles V Philippe
Macquer, Abrégé chronologique de l'histoire ecclesiastique: contenant
l'histoire des eglises d'orient & d'occident, Depuis l'an 1201 jusqu'Ă l'an
1700, Tome 2, 1752 - books.google.fr). "Le grand
Lyon" La Satyre MĂ©nippĂ©e (1593) exhorte les Ligueurs Ă
abandonner leur cause : Ne suivez plus
l'erreur de cet asne Cumain, Qui vestu de la
peau du grand lion Romain, Voyant le vray
lion, perd coeur et asseurance. (Ingrid A. R. De Smet, Menippean
Satire and the Republic of Letters, 1581-1655, 1996 -
www.google.fr/books/edition). "forces cesarees" serait une expression
synonyme de "romain". Le "grand lion romain" désigne Hercule romain,
vêtu d'une peau de lion. L'empereur Commode se fit représenter ainsi (Friedrich
Polleross, Hercules as an identification figure, Iconography, Propaganda, and
Legitimation, 1998 - www.google.fr/books/edition). D'Hercule romain on passe à François-Hercule de Valois,
le duc d'Alençon en scène ici. Acrostiche : P LF
P Le manuscrit du Liber
fortunae est un in quarto (270 x 200 mm) de 433 pages sur papier,
recueillant cent «emblèmes» et cent «symboles», selon les termes de l'auteur,
sur le thème de la Fortune. Ils sont précédés par un ensemble de textes
habituels en début d'ouvrage: une adresse au lecteur, datée de Dumphlun, aux
calendes de mars 1568, suivie d'une dédicace à Hercule-François d'Alençon, de
plusieurs pièces de vers offertes par des proches à l'auteur et enfin d'une
seconde dédicace, en vers, plus brève, à Louis de Gonzague, duc de Nevers.
Enfin, l'ouvrage se clôt sur une «De Fortuna adnotatio sive compendium» qui se
propose d'«élucider» les «synonymes de fortune, à partir de plus ou moins cent
auteurs, de manière concise et claire». L'ouvrage semble préparé pour la
publication, mais il est resté manuscrit. En 1883, Ludovic Lalanne présentait ainsi sa publication
des copies exécutées d'après les dessins originaux de ce recueil d'emblèmes:
«si le Liber Fortunae n'avait contenu que le texte, je n'aurais jamais songé,
je n'ai pas besoin de le dire, à le tirer de l'oubli» dans lequel il était tenu
depuis trois siècles. Il avait certes identifié l'auteur de ce malheureux
texte, Imbert d'Anlézy, seigneur de Dumphlun dans le Nivernais, vétéran des
guerres d'Italie appelé au service du duc d'Alençon, à qui il dédie son ouvrage
au lendemain de la paix de Longjumeau qui met fin à la deuxième guerre de
religion. Mais, Ă sa suite, c'est au dessinateur que les chercheurs allaient
consacrer exclusivement leur attention, au point que le manuscrit est
aujourd'hui connu comme le Livre de Fortune de Jean Cousin le fils. L'infortuné
seigneur de Dumphlun s'est ainsi trouvé dépossédé de la paternité d'un ouvrage
dont il espérait tirer une immense gloire. Cette tychologie se présente au lecteur qui la parcourt
comme une fresque chaotique et bigarrée. Les figures s'enchaînent, comme
souvent dans ce genre de recueils, sans progression, sans classement facilement
repérable, malgré l'«ordre» que l'auteur se prévaut de leur avoir donné, et
dont ses amis le louent abondamment. La série s'ouvre sur deux figures très liées à la
fortune, Hercule et Vénus, avec deux couples emblème/symbole qui se répondent
presqu'en chiasme: «Fortuna audax»/Hercule. et «Fortuna virilis»/Vénus. Au
seuil du livre, ils indiquent assez l'attitude qu'il convient d'adopter face Ă
la fortune, faite de force et de séduction. À chaque emblème, sur la page de gauche comprenant, selon
la loi du genre, un titre, une image et un quatrain, répond à droite un «symbole»,
c'est-à -dire un cartouche orné différemment selon le «mot» à illustrer, portant
un titre et encadrant une ou deux citations d'auteurs anciens ou modernes
complétées, au bas de la page, par un distique. Ces «inventions» sont
expliquées par un commentaire en latin, traduit au début en italien, espagnol,
français, allemand et anglais. Peu à peu pourtant certaines traductions
viennent à manquer, et seuls restent les versions latine et française. Le sceptre que tend la «bonne face» de la Fortune est lui
aussi surmonté d'une fleur de lys. Cet attribut du roi de France, qu'on
retrouve tout au long du recueil dans la main de la Fortune favorable, ne
serait-il pas placé ici du côté de l'heur comme du malheur pour évoquer la
difficulté de régner «en cette époque malheureuse et tourmentée» (infoelici et
exulcerata hac aetate) où «gronde la guerre civile et intestine» (feruere
ciuile et intestinum bellum) (dédicace à Hercule-François, p. 10) ? Ainsi, bien que, comme on le verra, le seigneur de
Dumphlun n'ait pas toujours eu Ă se louer de la fortune, celle qu'il dĂ©cline Ă
plaisir au long de ses cent emblèmes, malgré ses visages multiples et
contradictoires, nous semble ĂŞtre une force plus fascinante qu'Ă©crasante, plus
séduisante qu'effrayante. Elle est un adversaire à la mesure d'Hercule. On la
montre aux côtés du héros vêtu de la peau du lion de Némée et portant le globe
du monde: ce monde qu'il porte avec peine, est littéralement aux pieds de
Fortune. Nous avons déjà relevé l'importance d'Hercule dans le
Liber Fortunae et nous aurons encore l'occasion d'y revenir plus loin.
Remarquons que Galiot de Genouillac, l'a choisi lui aussi comme élément
essentiel du programme iconographique de son château d'Assier. Or la tradition
chrétienne a lu le mythe des Travaux comme une allégorie de la lutte contre les
Vices et a fait de son héros un typus Christi et un modèle du chrétien menant
une lutte sans trĂŞve contre le Mal. Chaque combat d'Hercule est une
psychomachie, de la Vertu contre le Vice. Mais il incarne aussi la Virtus aux
prises avec la Fortune et les deux combats sont bien évidemment liés, comme on
l'observe fort bien par exemple sur une médaille de G. Fr. Caroto pour
Paléologue de Montferrat: elle montre Hercule, qualifié de «Vitiorum Domitor»,
saisissant le Vice par une mèche frontale qui l'assimile à l'Occasion. Cependant, en se proclamant miles fortunae, le chevalier
de Dumphlun ne souhaite pas se poser, bien entendu, en soldat du Vice. S'il invite le jeune frère de Charles IX Ă
ĂŞtre un nouvel Hercule, c'est dans un combat que Galiot de Genouillac voyait
comme un combat amoureux («J'aime Fortune»), où la fortune tend à se rapprocher
de la vertu. On l'a dit, Anlézy partage une conception positive de la
fortune, la Fortune-Occasion, qui propose une épreuve où va se révéler la
qualité de celui qui l'affronte. Se dire miles fortunae, c'est, puisque la
fortune est la volonté de Dieu (souvenons-nous des vers de la page de titre du
Liber), ĂŞtre prĂŞt Ă affronter toutes les Ă©preuves qu'il propose. Remarquons par
ailleurs que le Liber fortunae du
seigneur de Dumphlun ne resta pas le seul ouvrage sur la fortune lié au duc
d'Alençon. Beaucoup plus tard, Pierre Dampmartin dans sa Fortune de la Cour,
met en scène les entretiens d'un «ancien Courtisan du règne de Henry III.
Lequel s'estoit rangé vers le Duc d'Alençon» «avec le Sieur de Bussy
d'Amboise son principal favori» (Florence
Buttay, Miles fortunae. Remarques sur le Livre de Fortune de la Bibliothèque de
l'Institut (ms. 1910). In: Histoire, économie et société, 2002, 21e année, n° 4
- www.persee.fr, Ludovic
Lalanne, Le livre de fortune de Jean Cousin, Imbert d'Anlezy, 1883 -
www.google.fr/books/edition). Après la paix du Cateau-Cambrésis, Imbert dit avoir très vite été appelé par Catherine de Médicis à la cour, pour servir le jeune duc d'Alençon. Notons que cette faveur accordée à un client des Nevers s'inscrit bien dans les efforts de la reine mère pour maintenir cette maison dans son attachement à la couronne. Elle organise dans ce but en 1565 le mariage de la dernière héritière, Henriette de Clèves, avec un de ses fidèles italiens, Louis de Gonzague, le deuxième dédicataire du (Florence Buttay, Miles fortunae. Remarques sur le Livre de Fortune de la Bibliothèque de l'Institut (ms. 1910). In: Histoire, économie et société, 2002, 21e année, n° 4 - www.persee.fr). Nonobstant les
beaux portraits que la reine Marguerite sa soeur nous fait de lui Son
caraflere. dans ses mémoires, il n'avoit gueres d'autres bonnes qualités que la
valeur, l'affabilité & l'attachement à la religion catholique ; toujours
gouverné par des esprits brouillons auxquels il se livroit, & suivant
aveuglément les mouvemens de son ambition, qui le portoit aux entreprises les
plus hardies, & quelquefois les plus injustes, n'ayant d'ailleurs, ni assez
d'esprit, ni assez de prudence, ni
assez de constance pour les soûtenir : mais ce qui parut en quelque façon
excuser sa conduite, c'est qu'il avoit Ă faire Ă une cour & Ă un prince qui
furent cause de la plûpart des fautes toù il tomba, par les mauvais traitemens
qu'on lui faisoit (Histoire
de France, depuis l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules,
par le Père G. Daniel, 1755 - books.google.fr). La dimension irréligieuse du terme est soulignée d’emblée
par Furetière : «C’était autrefois une divinité païenne qu’on croyait être
la cause de tous les événements extraordinaires : au lieu que c’est en effet la
Providence divine qui agit par des voies inconnues et au-dessus de la prudence
des hommes.» (Antoine Furetière, Dictionnaire Universel, La Haye et Rotterdam,
1690 ; s.v. fortune.) (Laurent
Thirouin, La pensée du hasard chez Gracián et La Rochefoucauld, 2019 -
halshs.archives-ouvertes.fr). Rappelons que tous les camps condamnent en principe la fortune en tant que puissance indépendante de Dieu, agissant sur les humains ou possiblement orientée par eux. Si elle est une détermination absolue, elle nie le libre-arbitre mais si l'homme se croit capable de maîtriser ou de prévoir les «accidents» de son existence, il nie la liberté de Dieu. Comment l'auteur présente-t-il les rapports de Dieu et de la Fortune ? La question ne le laisse pas indifférent. Il s'inquiète même d'être mal compris: aussi son idée est-elle précisée dès la page de titre: «Lecteur, après tant de noms de Fortune, et aussi variés, tiens toi ceci pour certain: Dieu est tout. La Nature est le pouvoir ordinaire de Dieu. La Fortune est vraiment sa volonté». Dans le tissu de citations que constitue l'Adnotatio, où, on l'a dit, l'auteur se propose de définir son sujet et ses synonymes, Anlézy commence par affirmer - en reprenant Lactance - que la fortune est «ce qui nous arrive de manière inopinée». Elle est donc bien pour lui essentiellement une «occasion», hors de toute logique naturelle ou déterminée, proposée directement par Dieu à l'homme comme une épreuve dans laquelle peut se révéler sa virtus. On reviendra sur ce point à propos du nom de miles fortunae que se donne le seigneur de Dumphlun. Pour l'heure, contentons-nous de remarquer comment, malgré cette affirmation initiale, Anlézy éprouve encore le besoin de se défendre vigoureusement d'avoir fait un livre qui sente le paganisme. Il prie son dédicataire, François d'Alençon «de ne pas [se] mettre en colère» si, dit-il, «je te rapporte des propos de païens, pour une grande part, et si, renouvelant ces jeux de fortune, ma plume ne me laisse pas voir le chrétien sévère qui est en moi». Il ajoute à cette disculpation une sorte de représentation iconoclaste de la Fortune «Caeca: Manca: Svrda: Brvta» en idole mutilée, ses attributs (voile, roue, ailes, corne d'abondance), jonchant le sol. Le symbole la dit vaine comme la chimère «choze faincte et ymaginee. non plus que fortune : et a l’une et l’aultre ont atribue plusieurs Visaiges plusieurs figures et plusieurs signes et effectz par leurs fictions poétiques, cum haues peu veoir si de auant» (p. 415). À la fin d'un recueil où il s'est plu à revenir sur le pouvoir de Fortune, et avant les trois derniers emblèmes sur la mort, l'auteur brise sa statue et prononce une espèce d'abjuration... Nous avons vu que le Liber fortunae n'avait finalement pas été publié. Au-delà de la mort ou de la ruine de l'auteur, on peut aussi penser que le temps de cette Fortune-ci était passé (Florence Buttay, Miles fortunae. Remarques sur le Livre de Fortune de la Bibliothèque de l'Institut (ms. 1910). In: Histoire, économie et société, 2002, 21e année, n° 4 - www.persee.fr). 103 : Fortunæ adversæ comites. Les compagnes de la
Fortune adverse. 104 : Fortunatus modeste, infortunatus prudenter agas.
Sois modeste dans le bonheur et prudent dans l'infortune. Les compagnes de Fortune adverse sont : douleur, crainte,
ire rapine ; si tu es bien fortuné, sois prudent comme le serpent; si tu es
infortuné, sois doux et gracieux comme la colombe. 107 : Fortunæ imperatrix Providentia. La Prévoyance
commande à la Fortune. 108 : Tela prævisa minus feriunt. Les coups prévus
n'atteignent pas. Comme dedans un miroir l'on voit ce qui nuit Ă la face, ainsi
doit-on prévoir les flèches : c'est-à -dire les maux que Fortune peut apporter; lesquels bien prévus
n'offensent pas tant; ainsi Providence (Prévoyance) est impératrice de ladite
Fortune (Ludovic
Lalanne, Le livre de fortune de Jean Cousin, Imbert d'Anlezy, 1883 -
books.google.fr). Dans le discours
politique des XVIe et XVIIe siècles, la prudence constitue la vertu centrale du
gouvernant soucieux de servir l’État et le bien commun. Face à elle, la
cautèle, précaution servant des intérêts particuliers, est la marque des
tyrans. [...] Formateur de la pensée politique, le pamphlet est également –
dans les Pays-Bas, mais aussi dans d’autres contextes géographiques et
historiques – partie intégrante d’une culture politique basée sur le débat
d’opinion, s’appuyant sur et alimentant une culture de l’imprimé. [...] La
question de la construction d’une culture politique à travers les pamphlets est
intimement liée à celle de l’émergence et la communication d’identités
collectives : monarchiste, républicaine, habsbourgeoise, révoltée,
calviniste, catholique, etc. Cette émergence dérive de la nécessité pour les
pamphlétaires de définir leurs objectifs et ce qu’ils combattent et, plus
largement, eux-mêmes et l’ennemi. [...] La prudence, telle qu’elle est abordée
dans les pamphlets analysés, est généralement envisagée comme un type de
prévoyance, c’est-à -dire la capacité à prendre en compte les facteurs
déterminant une situation particulière et à élaborer le cours d’action à y
appliquer : les auteurs adoptent globalement la définition de la phronêsis
aristotélicienne et celles de la prudentia latine et de celui qui l’applique,
le prudens (Camille
Dohet, Prudence, cautèle et dissimulation : le double discours des élites
politiques durant la guerre de Quatre-Vingts ans. In: Revue belge de philologie
et d'histoire, tome 94, fasc. 4, 2016 - www.persee.fr). La guerre de
Quatre-Vingts Ans, également appelée révolte des Pays-Bas, est le soulèvement
armé mené de 1568 à 1648 contre la monarchie espagnole par une partie des
Dix-Sept Provinces des Pays-Bas espagnols. Ayant pris forme autour de la
révolte des Gueux, revendiquant la liberté religieuse pour le protestantisme,
la révolte prend aussi la forme d'une guerre civile entre les sept provinces du
Nord (actuels Pays-Bas), où la Réforme est bien ancrée, et les Pays-Bas
méridionaux (actuels Belgique, Luxembourg et Nord-Pas-de-Calais), catholiques
et loyalistes. En 1581, à la suite de succès contre l'armée du roi d'Espagne
Philippe II, les sept provinces septentrionales, menées par la Hollande,
proclament leur indépendance par l'acte de La Haye, créant un nouvel État, qui
reçoit le nom de république des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas, en général appelées
«Provinces-Unies». Le conflit se poursuit pendant presque trois décennies,
s'interrompt à la suite du traité d'Anvers (9 avril 1609) pour une période de trêve
qui va durer douze ans, de 1609 Ă 1621, puis reprend dans le cadre de la guerre
de Trente Ans qui débute en 1618. L'indépendance des Provinces-Unies est
finalement reconnue par le roi d'Espagne au traité de Münster, signé en 1648 en
marge des traités de Westphalie qui mettent fin à la guerre de Trente Ans (fr.wikipedia.org
- Guerre de Quatre-Vingts Ans). "forces
cesarees" "cesarees" s'applique en général à l'empereur
du Saint Empire Romain germanique comme "Majesté césarée" (Lettre
au Duc de Nemours 21 ocotbre 1568, Lettres de Catherine de Médicis: publiées
par m. le cte Hector de La Ferrière, Numéro 18, Volume 3, 1887 -
books.google.fr). L'adjectif "cesaré "a été forgé, semble-t-il,
par J. Lemaire; cesaré : de César, en rapport avec le Saint Empire (Chron.
Ann. ; Stecher IV, 475) (Ĺ’uvres
de Jean Lemaire de Belges, 1891 - www.google.fr/books/edition). Sous Tibère, on
dédia près du Tibre, dans les jardins que le dictateur César avait légués au
peuple romain, un temple à la déesse Fors-Fortuna (Oeuvres
complètes de Tacite, Tome 1 : Annales, Livre II, 1845 - books.google.fr). Jacqueline Champeaux, dans son grand ouvrage sur le culte
de Fortune à Rome, s'est attachée à montrer l'originalité de la déesse latine
avant qu'elle ne subisse l'influence de la Tyché grecque, puissance maîtresse
de la Chance et du Hasard. Ces notions de chance et de hasard ne sont pas
premières. Fors comme fortuna dérivent de la même racine indo-européenne
(*bher-) que le verbe ferre, «porter», «donner». Elle est la déesse «quae
fert», «qui porte» au sens où la terre porte ses fruits. Appartenant à la
grande famille des dĂ©esses - mères mĂ©diterranĂ©ennes, la divinitĂ© adorĂ©e Ă
Préneste au moins depuis le vie siècle avant J.-C. était liée aux éléments
«porteurs» de fertilité au printemps. La fête de Fors fortuna à Rome était
fixée au solstice, le 24 juin. Déesse du «passage», elle est «donneuse» de
fertilité sexuelle mais aussi de souveraineté. Cette idée de «porter», de «faire
passer du non être à l'être» assure à cette Fortune oraculaire : la Fortune est
«grosse» du futur. Divinité de la naissance, elle va être, comme les Parques,
divinité de la destinée (Florence
Buttay, Fortuna, usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance,
2008 - www.google.fr/books/edition). "LF" entre les deux "P" de Providence
et de Prudence, comme un passage, "les voies inconnues" de Furetière.
Selon la légende, le culte de la Fortune aurait été
introduit par Servius Tullius, qui aurait déifié le fait de sa propre réussite
en la figure de Fortuna. L’œuvre la plus marquante de son règne ; le
census ; témoigne de l’importance qu’il lui accorde. En effet, le census
qu’il instaure consiste surtout en l’appréciation officielle de la richesse de
chacun permettant ensuite un classement de tous selon le niveau de richesse.
Or, cette richesse est alors considérée comme un des dons les plus précieux
octroyés par la Fortune. Quant au rôle de celle-ci, il est fondamental, puisque
la réussite ne dépend que de son bon vouloir : Servius ne devient Roi que parce
qu’il reçoit constamment l’aide de Fortuna, qui multiplie sur sa route les
occasions favorables. Néanmoins, sa réussite est aussi due au fait que dès sa
naissance, il a été prédestiné à jouer un rôle public à travers des «signes
merveilleux» A travers l’étude des sanctuaires de Préneste et
d’Antium, nous avons fait la connaissance d’une Fortune à la fois oraculaire,
fécondante et poliade. Or, le premier élément frappant que nous avons constaté
est que, lorsqu’elle est introduite à Rome par Servius Tullius, elle ne
présente plus aucun de ces caractères. La Ville refusant tout sanctuaire oraculaire
au sein de ses murs, Fortuna y fait sa première entrée en tant que protectrice
efficace des diverses classes d’âges et de personnes, auxquelles ses nombreuses
épiclèses se rattachent. Et pourtant, dès le 2ème siècle ACN, les sources
mentionnent la déesse comme présidant au destin. Afin de comprendre cette
transformation, notre attention s’est alors portée sur un évènement majeur
auquel les Romains ont du faire face à cette période : la deuxième guerre
Punique. En nous remémorant les défaites successives du Tessin, de la Trébie,
du lac Trasimène et de Cannes, nous avons mis le doigt sur l’élément essentiel
de la transformation de Fortuna : un sentiment d’incompréhension, d’insécurité
et de crainte face au futur, au sein du peuple romain qui, dans le passé,
n’avait jamais douté de l’issue favorable de son avenir. Conjointement à cet
évènement, nous avons constaté, à la suite de courants philosophico-religieux
venus de Grèce et d’Orient, la rencontre de Fortuna avec sa parèdre Grecque
Tychè, et ce, dès le 3ème siècle ACN. Il est impossible de ne pas établir de
lien entre ces deux évènements qui n’ont, à la base, certes rien en commun,
mais qui vont, une fois mis en regard, transformer Fortuna en une déesse du
destin au cœur même de la Ville. En effet, Tychè, comme nous l’avons rappelé, permettait
d’échapper à l’irrévocabilité du destin. C’est donc en toute logique que les
Romains, face à la crainte d’un avenir funeste, ont attribué à leur déesse les
fonctions de son homologue Grecque. C’est ainsi qu’en 194 ACN, comme nous
l’avons vu, Fortuna prend à Rome l’épiclèse de Publica populi Romani, garante
du devenir du peuple romain, et, de manière plus générale, déesse présidant au
destin de Rome. Dans une religion devenue philosophique, Fortuna, elle qui
assurait la victoire du peuple romain contre ses ennemis et qui lui conférait
l’empire universel, était désormais perçue, au terme de la République, comme le
principe moteur des évènements et de l’Histoire elle-même (Larissa
Leers, La Fortuna romaine et l’héritage grec, 2010 - orbi.uliege.be). Cf. quatrains V,66 et IX, 9 pour Servius Tullius. |