Moncontour

Moncontour

 

I, 15

 

1568-1569

 

Mars nous menace par sa force bellique,

Septante fois fera le sang Ă©pandre.

Auge et ruine de l'Ecclésiastique,

Et plus ceux qui d'eux rien voudront entendre.

 

La bataille de Montcontour

 

Le 3 octobre 1569, les forces catholiques du roi Charles IX, sous le commandement du duc d'Anjou, futur Henri III, battent à Moncontour, dans le Poitou, les troupes huguenotes, commandées par l'amiral Gaspard de Coligny. Cette bataille a lieu durant la troisième guerre de Religion (fr.wikipedia.org - Bataille de Moncontour).

 

La bataille de Montcontour, suivant Lanoue, ne dura pas une heure entière. Les calvinistes y perdirent cinq mille cinq cents hommes, y compris les valets et les goujats; soixante-dix capitaines d'infanterie française y pĂ©rirent, mais, les Allemands furent Ă©crasĂ©s; deux colonels de reĂ®tres, sur quatre, furent tuĂ©s, et de vingt-huit capitaines d'infanterie allemande il n'en resta qu’un. Trois mille Français se rendirent au duc d'Anjou , qui commandait l'armĂ©e catholique : action qu'il serait fort difficile de concilier avec le fanatisme qu'on donne pour motif de la guerre (Pierre-Louis Roederer, Le budget de Henri III ou les premiers Ă©tats de Blois, comĂ©die historique ; prĂ©cĂ©dĂ©e d'une dissertation sur la nature des guerres qu'on a qualifiĂ©es de guerres de religion, dans le seizième siècle ; suivie d'une notice nouvelle sur la vie de Henri III., 1830 - books.google.fr, H. C. Davila, Histoire des guerres civiles de France, Tome 1, 1657 - www.google.fr/books/edition).

 

Infanterie française

 

C'est en 1560, après la conjuration d'Amboise, que commence l'histoire du célèbre corps qui pendant plus de deux cents ans porta le nom de Gardes Françaises. Jusque-là les rois de France n'avaient guère confié la sûreté de leur personne qu'à des gardes nobles, c'est-à-dire à cheval, ou à des hommes de pied étrangers, Écossais ou Suisses. Ainsi une conspiration de la noblesse conduisit Catherine de Médicis à remettre à une troupe roturière le soin de veiller autour de son fils François II. Cette première garde à pied française ne fut composée que d'une seule enseigne et eut pour capitaine d'abord François III du Plessis seigneur de Richelieu, prévôt de l'Hôtel, puis quelques mois plus tard Philippe Strozzi, un condottiere italien, cousin de Catherine de Médicis.

 

Au début de l'année 1561, quand François duc de Guise tenta, sous les murs d'Orléans, le premier essai d'organisation régimentaire de l'infanterie, en partageant en trois corps distincts, commandés chacun par un mestre de camp, les gens de pied de l'armée royale, cette compagnie de Philippe Strozzi fut versée dans le régiment de Richelieu et participa ainsi, en 1562 et 1563, aux principaux actes de cette première guerre civile, qui furent la bataille de Dreux et les sièges de Rouen et d'Orléans.

 

En 1568, l'infanterie royale reçut une nouvelle organisation. Les 6000 hommes de Strozzi restèrent sous son commandement immédiat, sous son régiment, comme on disait alors, mais les enseignes dont le nombre s'élevait à cinquante-cinq, tant du régiment des Gardes que des bandes amenées par Sarrieu et Gohas, furent réparties en trois corps, commandés chacun par un mestre de camp. Montlezun-Cosseins eut vingt enseignes appartenant toutes à la garde du roi, qui, en décembre 1567, après la bataille de Saint-Denis, avait encore été augmentée des huit compagnies. Les trente-cinq autres enseignes furent partagées entre Sarrieu et Gohas qui conservèrent en même temps leurs compagnies aux Gardes. Dans les derniers mois de 1568, le prince de Condé, qui avait reçu des secours de l'Allemagne, recommença la guerre et obtint d'abord de grands succès dans le Poitou et la Saintonge. Le duc d'Anjou fut envoyé au commencement de 1569 pour s'opposer à ses progrès. Le régiment de Strozzi, qui formait la meilleure partie de l'armée du duc, contribua puissamment à la victoire de Jarnac le 13 mars. Après la défaite et la mort du prince de Condé, le duc d'Anjou, Henri, fait camper son armée sous les murs du château de La Rochefoucauld en Angoumois, et ce fut là, le 29 mai 1569, que Philippe Strozzi, pourvu de la charge de colonel-général de l'infanterie française à la place de François de Coligny d'Andelot qui venait de mourir à Saintes, partagea définitivement les quarante sept enseignes présentes de son régiment entre les trois mestres de camp qui en commandaient les fractions.

 

Dans ce partage, les compagnies des Gardes furent distribuĂ©es inĂ©galement dans les trois nouveaux corps, ce qui explique, avec l'anciennetĂ© des compagnies de Sarrieu el de Gohas, les prĂ©tentions soulevĂ©es plus tard par les rĂ©giments de Picardie et de Champagne contre la prioritĂ© de rang des Gardes Françaises. Ce dernier corps, dont le commandement fut donnĂ© Ă  Montlezun-Cosseins, eut quinze compagnies, parmi lesquelles il y avait six compagnies seulement de l'ancienne garde. Deux appartenaient au colonels-gĂ©nĂ©ral, les autres Ă©taient : Cosseins, Iromberry, La Chambre, MontafiĂ©, Savaillans, Chanteron, Thomassin, Bellebrune, Barant-Mesnil, Beaurobert, Launay, VuĂ©ly et Saint-Pessaire. Des deux compagnies qui appartenaient Ă  Strozzi, l'une garda l'enseigne blanche du colonel-gĂ©nĂ©ral, et l'autre lut chargĂ©e de porter le grand Ă©tendard royal bleu d'azur parsemĂ© de fleurs de lis d'or, qui fut donnĂ© plus tard aux autres compagnies et qui demeura jusqu'Ă  la fin le drapeau particulier du rĂ©giment des Gardes Françaises.

 

À la reprise des hostilités, les Gardes assistèrent à la bataille de La Roche-l'Abeille en Limousin, firent des prodiges de valeur au combat de Jazeneuil le 16 novembre 1568, et prirent une part très active au siège de Châtellerault en juillet 1569. Le 3 octobre, à la bataille de Moncontour, ils avaient la garde de l'artillerie qu'ils conduisirent ensuite au Siège de Saint-Jean-d'Angély. Après la prise de cette ville, le 2 décembre, le régiment eut ses quartiers dans le Bas-Poitou, où il guerroya tout l'hiver et jusqu'au milieu de 1570.

 

Durant la Révolution française, le régiment est licencié par le roi après avoir pris fait et cause avec les révolutionnaires. Les soldats et officiers s'engagèrent alors dans la garde nationale soldée de Paris qui forma les 102e, 103e et 104e régiments d'infanterie ainsi que les 13e et 14e bataillons de chasseurs et les 29e et 30e divisions de gendarmerie nationale à pied  (fr.wikipedia.org - Régiment des Gardes françaises).

 

"Auge" : Te deum

 

Le chancelier L'HĂ´pital rend les sceaux et s'efface devant les fanatiques et les assassins (7 octobre 1568). Après le guet-apens avortĂ© du château de Noyers, la guerre civile avait commencĂ© ; mais le bruit des armes s'Ă©loigne de Paris. On se bat presque partout, dans la Saintonge, l'Angoumois, le PĂ©rigord, dans le Querci, dans la Guyenne, dans le DauphinĂ©. A la fin de novembre 1568, le prince d'Orange pousse mĂŞme une pointe jusqu'Ă  Soissons avec les mercenaires allemands. CondĂ© fut assassinĂ© Ă  terre, sur le champ de bataille de Jarnac (13 mars 1569), par Montesquiou, capitaine des gardes du duc d'Anjou. Mais Coligny restait, avec son indomptable Ă©nergie, Paris, qui n'Ă©tait pas menacĂ© par les armĂ©es protestantes, intervint dans la lutte d'une façon odieuse. Le 13 septembre 1569, le Parlement, Ă  la requĂŞte de Gilles Bourrin, procureur gĂ©nĂ©ral, condamna Coligny Ă  mort comme rebelle et coupable de lèse-majestĂ©, en promettant 50.000.000 Ă©cus d'or Ă  quiconque le livrerait vivant. Ce ne fut pas assez. Le Parlement ne voulait pas qu'on pĂ»t croire qu'il rĂ©pudiait la doctrine de l'assassinat, appliquĂ©e par le Gascon Montesquiou. Par arrĂŞt du 28 septembre, la cour souveraine promit la mĂŞme somme de 50000 Ă©cus d'or Ă  qui tuerait l'amiral ; si l'assassin Ă©tait huguenot, on lui pardonnerait son hĂ©rĂ©sie en faveur de sa trahison. Cependant, de toutes les Ă©glises de Paris montait le bruit des Te Deum ordonnĂ©s par la cour. Rome, Madrid et Bruxelles en renvoyaient l'Ă©cho. L'allĂ©gresse fut encore plus vive après Moncontour (3 octobre 1569) oĂą 10000 protestants succombèrent. La guerre continua cependant (Paul Robiquet, Histoire municipale de Paris, Depuis les origines jusqu'Ă  l'avènement de Henri III, 2016 - www.google.fr/books/edition).

 

"ruine" : aliénation des biens ecclésiastiques

 

C'est une opinion commune, que la première aliénation générale des terres & autres immeubles du Clergé a été faite sous le Regne de Henri II, en 1556. On fait mention de cette aliénation dans la Déclaration du 13 Juin 1641, pour premiere taxe du huitième denier, sur les détenteurs des biens d'Eglise qui ont été aliénés ; dans plusieurs Arrêts du Conseil d'Etat, pour le recouvrement de cette taxe; dans le Contrat passé entre le Roi & le Clergé, le 11 Septembre 1675, & dans plusieurs autres pièces, particuliérement depuis 1702. Ceux qui ont recueilli les actes, titres & Mémoires qui concernent les aliénations générales des biens du Clergé, n'ont rapporté, ni Bulles, ni autres pièces qui regardent cette aliénation. Il n'en est pas même fait mention dans le Contrat de Mantes du 14 Août 1641. Le Clergé par ce Contrat, ne renonce à la faculté de retirer les biens aliénés pour fournir aux subventions accordées aux Rois, que depuis l'année 1563. Ce qui fait présumer que cette Assemblée ne connoissoit point d'aliénations générales faites en 1556 & avant celle de 1563. [...]

 

Les guerres civiles de Religion continuant toujours, & les besoins de l'Etat devenus plus urgens, le Pape Pie V pour donner au Roi Charles IX moyen de continuer son pieux dessein pour la défense de l'Eglise & de l'Etat, lui permit par sa Bulle du premier Août 1568, une nouvelle aliénation du Temporel de l'Eglise, jusqu'à la somme de cens cinquante mille livres de rente. Cette Bulle a été revêtue de Letres-Patentes datées du 9 Septembre, & enregitrees le 10 du même mois. [...]

 

Les différentes aliénations que nos Rois ont sollicitées en Cour de Rome, & qu'ils en ont obtenu, ont souvent excité le zèle du Clergé de France pour la conservation de ces immunités, & il a, en plusieurs occasions, protesté contre ces sortes d'aliénations de son Temporel. Sa premiere protestation, est celle qui a été faite, le 22 Février 1577, par la Chambre Ecclesiastique des Etats-Generaux, tenus à Blois audit an, contre les aliénations du Temporel du Clergé, & les nouvelles impositions dont il étoit surchargé, & pour la concervation de ses immunités. [...]

 

On a aussi les Remontrances & protestations du ClergĂ© de France assemblĂ©e Ă  Paris, faites au Palement le 3 Mars 1586, pour empĂŞcher l'enregistrement et l'exĂ©cution de la Bulle du 30 Janvier 1586, comme ayant Ă©tĂ© obtenue sans le contentement du ClergĂ©, & la clause invicis Clericis, y Ă©tant couchĂ©e tacitement ; le ClergĂ© se plaignant aussi qu'elle permetroit une aliĂ©nation excessive & qui achevoit la ruine des EcclĂ©siastiques. La mĂŞme AssemblĂ©e prĂ©senta au Roi Henri III, ses Remontrances sur le mĂŞme sujet (Marc Du Saulzet, AbrĂ©gĂ© du recueil des actes, titres et mĂ©moires concernant les affaires du clergĂ© de France, 1764 - books.google.fr).

 

Seule l'opĂ©ration de 1568-69, connue pour ĂŞtre la troisième, a laissĂ© une documentation complète : huit registres de recettes, diocèse par diocèse, et Ă  l'intĂ©rieur de ceux-ci, bĂ©nĂ©fice par bĂ©nĂ©fice, deux registres de dĂ©penses et un registre contenant les adjudications en la chambre du trĂ©sor de Paris pour 19 diocèses.

 

Nous avons cartographie les décharges accordées aux diocèses (carte 2), dont le total s'élève à 100 741 lt 8 s 3d. Pour les diocèses du nord, de l'est, du centre et du sud-est, il s'agit généralement de mesures ponctuelles, concernant tel ou tel bénéficier trop taxé, ou provisoirement insolvable, ou bien encore protégé par quelque cardinal ou haut dignitaire ecclésiastique. Les décharges importantes n'intéressent que le sud-ouest ; là elles ont été consenties globalement au diocèse selon un certain pourcentage : la moitié pour Vabres et Castres, un tiers pour Cahors, Rodez ou Périgueux... [...]

 

Cette carte des décharges doit être complétée par celle des restes (carte 3), c'est-à-dire les sommes non payées à la clôture du compte, au total 105 484 lt 8 s ld47. La géographie de l'insolvabilité n'est pas très différente de celle des décharges ; elle la complète, mais aussi la corrige, en déplaçant le centre de gravité vers les Pyrénées dont trois diocèses, Tarbes, Comminges et Alet dépassent 50 %. L'autre zone critique est le sud du Massif central, les diocèses de Castres et de Vabres qui n'ont finalement rien payé du tout (50 % de décharges et autant de restes). La carte 4 synthétise les deux précédentes : elle fait bien ressortir le triangle du refus dont les pôles seraient Rodez au nord, Tarbes à l'ouest et Alet à l'est. C'est une aire assez limitée si on la compare avec le vaste champ des actions militaires et des ruines de la guerre civile. Certes, le bastion poitevin, où le futur Henri III a remporté au printemps de 1569 les victoires de Jarnac et de Moncontour, n'apparaît pas. Mais si on confronte la carte des décharges et restes cumulés de l'aliénation, avec la carte des restes des décimes en 1569, on constate que le refus des décimes est beaucoup plus massif puisqu'il prend toute la France du sud en écharpe, de Luçon à Uzès, en passant par Périgueux, .Sarlat, Cahors, Albi, Montauban, Vabres..», avec deux annexes, les diocèses pyrénéens au sud, celui de Gap à l'est. En 1570, le non-paiement s'intensifie pour atteindre tout le quart sud-ouest de la France, la vieille Aquitaine au sens large, plus la Bourgogne et quelques diocèses alpins. Les décimes étaient perçues sur les fruits qui pouvaient facilement s'évanouir selon les aléas de la conjoncture militaire et politico-religieuse, alors que les biens, eux, restaient. D'autre part, il était aisé pour un bénéficier de dissimuler ses revenus, alors que le patrimoine exposait aux yeux de tous ses terres, ses prés, ses bois, ses rentes, ses immeubles. Il n'était pas facile au bénéficier de parer à l'aliénation, sinon en rachetant sa taxe, ce qui était faire l'aveu de disponibilités métalliques, dont on aurait pu alléguer le manque pour ne pas payer les décimes. [...]

 

Il apparaît bien que les diocèses du Midi ont moins payé que ceux du Nord, mais ce qu'ils ont payé, ils l'ont déboursé en aliénant proportionnellement tout autant (Claude Michaud, Les aliénations du temporel ecclésiastique dans la seconde moitié du XVIe siècle. Quelques problèmes de méthode. In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 67, n°178, 1981 - www.persee.fr).

 

"Mars"

 

A son entrĂ©e dans la ville de Tours, le 22 octobre 1568, des reprĂ©sentations de complaisance comparaient le duc d'Anjou au dieu Mars ou Ă  Jupiter tonnant et brandissant la foudre ; ce n'Ă©tait, il est vrai, qu'anticiper sur ses rĂ©elles victoires Ă  venir (Jarnac et Moncontour, 1569) (Pierre Leveel, Histoire de Touraine et d'Indre-et-Loire, 1988 - www.google.fr/books/edition, Eugene Giraudet, Histoire de la ville de Tours, Tome 2, 1873 - www.google.fr/books/edition).

 

C'en est assez pour que R. Belleau applaudisse au dieu Mars, c'est-à-dire au duc d'Anjou : 

 

Moissonnant cette vermine

De Reistres empistolez,

Et la brigade mutine,

De leurs soldats euolez,

D'une main prompte et habile

A grans coups de coutelas,

Ainsi que tombent Ă  bas

Les espics sous la faucille (Chant de Triomphe sur la bataille de Moncontour) (F. Charbonnier, La poésie française et les guerres de Religion 1560-1574, 1970 - www.google.fr/books/edition).

 

La bataille de Jarnac fut gagnée le 13 mars 1569 par le duc d'Anjou assisté de Gaspard de Tavannes (Inventaire-sommaire antérieur à 1790, Archives départementales du Nord, 1885 - www.google.fr/books/edition).

 

Pour célébrer la victoire de Jarnac en 1569, est dressé à Bellecour "ung superbe et magnifique chasteau avec grands artifices, paincturé par dehors, faict en quadrature, ayant quatre belles tourelles bien flanquées et une bien grande tour et dongeon au milieu". Au sommet est une effigie armée de Mars. Les flammes qui le détruisent brûlent symboliquement l'ennemi et la guerre elle-même (Gilbert Gardes, Lyon, l'art et la ville : architecture, décor, 1988 - www.google.fr/books/edition).

 

Le dieu de la Guerre figurait fréquemment dans la décoration des feux de joie destinés à célébrer des victoires. En 1559, par exemple, les imprimeurs avaient organisé, place Confort, un feu où figurait un Mars (Paradin, Mém. de l'Hist. de Lyon, 1573, p. 361) (Eugène Vial, Institutions et coutumes lyonnaises, Tome 7, 1908 - www.google.fr/books/edition).

 

Acrostiche : MSAE, "emessae" ou Emèse

 

Emessa ou Emisa : Emese, à present, Hemz. Ville de Phenicie ou de la haute Syrie entre Laodicée & Arethuse (Claude Jouannaux, La Géographie des légendes ou Table géographique des noms de provinces, villes & autres lieux qui se rencontrent dans les martyrologes, les légendes des saints, 1737 - www.google.fr/books/edition).

 

Stat Elagabalus sacrificantis ritu cogatus, & velato capite, pateram super ara effundens, supra quam stella apparet, solem exprimens. Fuit autem locus in Syria seu Phaenicia, ubi coleretur Sol (Emessae puto, ut infra in Aureliano & alibi per Orientem), eorum lingua Et dictus , quasi Deus per excellentiam Alah gabal, quasi Deus mortis. Plura de hac appelatione Casaubonus in notis ad Lampridium. Videtur facem vel ferulam ac censam sinistra tenere, quod forte eo ritu apud Syros huic deo sacra fiebant, de quo infra conjecturam nostram ponimus (Jacques de Bie, Ludolph Smids, IMPERATORUM ROMANORUM A JULIO CAESARE ad HERACLIUM USQUE, NUMISMATA AUREA, 1738 - books.google.fr).

 

MĂŞme si Jupiter Dolichenus a eu un certain succès, la divinitĂ© d'origine syrienne dont le culte a connu une fortune impĂ©riale sans prĂ©cĂ©dent, quoique Ă©phĂ©mère, est le Baal d'Émèse (aujourd'hui Homs) connu sous la forme d'un aĂ©rolithe noir nommĂ© Elagabal. L'influence de la belle-famille de Septime SĂ©vère (empereur de 193 Ă  211) qui a Ă©pousĂ© une syrienne, Julia Domna, fille du grand prĂŞtre d'Émèse, aide la promotion de cette divinitĂ©. Après l'assassinat de Caracalla (217), Julia Maesa, la sceur de Julia Domna, rĂ©ussit Ă  faire proclamer empereur l'un de ses petits-fils, le jeune prĂŞtre d'Émèse Varius Avitus Bassianus (empereur de 218 Ă  222) qu'on surnommera comme son dieu : Élagabal ou HĂ©liogabale. La pierre sacrĂ©e d'Émèse est alors transportĂ©e Ă  Rome oĂą lui est construit un sanctuaire, l'Elagabalium près du palais impĂ©rial sur le Palatin. Selon l'Histoire Auguste (HĂ©liogabale, 3, 4), l'empereur aurait voulu rĂ©unir dans ce sanctuaire les objets les plus sacrĂ©s des principaux cultes de Rome (feu de Vesta, le Palladium, aurifia de Mars...) dans une tentative d'unification du monde divin dont la première divinitĂ©, Ă©clipsant de fait Jupiter Capitolin, aurait Ă©tĂ© Sol Inuictus Elagabal. Après l'assassinat d'Élagabal en 222, le nouvel empereur, son cousin SĂ©vère Alexandre, renvoie le bĂ©tyle Ă  Émèse et met fin Ă  sa courte aventure romaine. Le temple sur le Palatin est quant Ă  lui reconsacrĂ© Ă  Jupiter Vltor (Vengeur) (Caroline Husquin, Cyrielle Landrea, Religions et pouvoir dans le monde romain de 218 av. J.-C. Ă  250 ap. J.-C., 2020 - www.google.fr/books/edition).

 

Il est certain que le raffinement exagĂ©rĂ© que l'on reproche aux Hermaphrodites correspond mieux Ă  la cour d'Henri III qu'Ă  celle d'Henri IV. La cour du premier Bourbon avait une rĂ©putation d'ĂŞtre grossière, rude et impolie ainsi que bruyante et puante : il est donc peu probable qu'un visiteur au Louvre d'Henri IV aurait rencontrĂ© «la plus suave odeur qu'il estoist possible d'imaginer» (p. 59), odeur que sentit le narrateur de L'Isle des Hermaphrodites lorsqu'il entrait dans la chambre de l'empereur. L'Isle des Hermaphrodites utilise de façon caractĂ©ristique les Ă©lĂ©ments, stylistiques et imaginaires, des invectives dĂ©nonçant Henri III et ses favoris, qu'il s'agisse d'une publication Ă©phĂ©mère telle Les Moeurs, humeurs et comportement de Henry de Valois d'AndrĂ© de Rossant (1589) [(«effĂ©minĂ©, hĂ©liogabalisé»] ou d'une oeuvre de grande qualitĂ© littĂ©raire telle que les Tragiques d'Agrippa d'AubignĂ©. [...] N'oublions pas que celle-ci, bien que commencĂ©e en 1577, ne fut publiĂ©e qu'en 1616, lorsque sa virulence ne pouvait ĂŞtre que rĂ©trospective ! Les Ă©lĂ©ments particulièrement antihenriciens, qui font partie intĂ©grante de l'intertexte des Hermaphrodites, comportent, par exemple, des allusions ricaneuses aux influences italiennes qui se manifestaient Ă  la cour française depuis la rĂ©gence de Catherine de MĂ©dicis. Ils comprennent aussi des comparaisons peu flatteuses du roi avec des empereurs romains dĂ©bauchĂ©s tels NĂ©ron ou Sardanapale. Dans notre texte, retenons surtout l'association de l'empereur des Hermaphrodites avec l'empereur HĂ©liogabale, infâme pour avoir abusĂ© de ses courtisans. En effet, des scènes de la vie d'HĂ©liogabale sont reprĂ©sentĂ©es sur le ciel du lit de l'empereur hermaphrodite : l'ecphrasis suit, presque mot par mot, la biographie du (pseudo-) Lampridius incluse dans l'Historia Augusta, chronique scandaleuse de l'ancien Empire romain. Chose frappante, car HĂ©liogabale Ă©tait aussi, dans le Funus parasiticum de Nicolas Rigault, le nom de l'empereur d'«Onocrene», une Ă®le (!) onirique habitĂ©e d'ânes-parasites. Dans cette oeuvre, qui a ses origines dans un scandale prĂ©cis touchant le rĂ©gime prĂ©cĂ©dent et qui constitue elle aussi une satire de valeur rĂ©trospective, le nom dĂ©signe, sans aucun doute, Henri III lui-mĂŞme (Compte rendu : Ingrid A.R. De Smet, L'Isle des Hermaphrodites (Textes LittĂ©raires Français, 467) par Claude-Gilbert Dubois, Bibliotheque d'humanisme et renaissance, Volume 60, 1998 - www.google.fr/books/edition).

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