Vincent de Paul

Vincent de Paul

 

I, 65

 

1605

 

Enfant sans mains, jamais veu si grand foudre :

L'enfant royal au jeu d'œsteuf blessé :

Au puy brisé fulgures alant mouldre,

Trois sous les chaînes par le milieu troussés.

 

Pierre Brind'Amour envisage la mort du dauphin en 1536 après s'ĂŞtre senti mal au jeu de paume. Cela se passait alors que la France Ă©tait en guerre contre Charles Quint. L'expĂ©dition du moulin d'Auriol visait Ă  priver les troupes impĂ©riales de pain. Autrement, le moissonnage nocturne et la remise en eau des moulins (« allant mouldre Â») permirent de ravitailler la ville de Bene et de faire lever le siège en juin 1552 (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties: (Ă©dition MacĂ© Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

"Brisés" peut être à la place de "brize" (1557, L'Escluze : briza) du grec "bruza" désignant une céréale (Dictionnaire étymologique, Larousse, 1969).

 

Fulgur a donné foudre qui désigne les blés couchés par la pluie dans certaines régions (Beauce, Perche) (Jean Espagnolle, L'origine du français, 1888 - books.google.fr).

 

Infirmes

 

Le 16ème siècle voit cependant l’apparition d’une figure qui, d’une part, semble accorder peu d’importance aux qualités esthétiques des illustrations anatomiques et, de l’autre, aborde la guérison des corps de façon plus prosaïque : Ambroise Paré. Le célèbre médecin français est considéré comme le père de la chirurgie moderne en raison de sa découverte de la ligature des artères lors des amputations, méthode moins douloureuse et plus efficace que la cautérisation. Arrivé à Paris en 1532, où il entreprit une formation de barbier, il pratiqua à l’Hôtel-Dieu et fut ainsi confronté à la misère du bas peuple, exposé à diverses formes d’infirmité sans pouvoir accéder à des soins de qualité. Quand il fut finalement admis au Collège des Chirurgiens en 1554, il n’oublia pas ses années de pratique au service des plus démunis. Il accompagna également les armées françaises dans leurs expéditions militaires, perfectionnant ses techniques destinées au soin d’urgence des blessés. Son talent fut rapidement reconnu : entré au service de François II et de Charles IX, il devient premier chirurgien d’Henri III. Ambroise Paré est célèbre pour avoir laissé à la postérité l’une des premières collections de croquis décrivant des appareils mécaniques pouvant se substituer à un membre perdu. Douze ans après son premier grand ouvrage, La manière de traicter les playes, il publia les Dix livres de la chirurgie : avec le magasin des instrumens necessaires à icelle. Comme le stipule son titre, l’édition de 1564, imprimée à Paris chez Jean le Royer, comprend de nombreuses illustrations dont des modèles de jambes artificielles). Le chirurgien, de part son pragmatisme et son mépris affiché envers les liens existant entre la guérison et les croyances métaphysiques, amorce une révolution : celle de la prothèse. Grâce à Ambroise Paré, cette dernière devient un instrument de guérison efficace et fonctionnelle, participant certainement à la réinsertion des mutilés dans leurs fonctions. Avant que la prothèse n’acquière la complexité psychologique et médiale que Freud et ses successeurs lui confèreront, elle sert avant tout à éviter la honte et la marginalisation qu’un membre amputé pouvait provoquer. Néanmoins, la restauration corporelle obtenue n’indique plus un lien direct avec le divin ou une insertion dans l’ordre qu’il stipule, amorçant ainsi un changement significatif dans les rapports entretenus par l’être humain avec la science et son propre organisme (Pierre-Yves Theler, L'image de la greffe : Iconographie, anthropologie et restauration de l'intégrité corporelle dans l'art occidental du Moyen Âge tardif et de la Renaissance, 2014 - doc.rero.ch).

 

Ambroise Paré, dans son « vingt-troisième livre, traictant des moyens et. artifices d'adiouster ce qui défaut naturellement, ou par accident » (1575) figure une main artificielle complètement articulée, ainsi qu'un bras de fer qu'il fit exécuter par un serrurier parisien, nommé le petit Lorrain, « pour suppléer au défaut des membres déperdus ». Nous connaissons quelques autres exemples de fabrication de membres mécaniques au XVIe siècle, entre autres celui d'Haroudj Barberousse, fait de fer et d'argent, exécuté entre 1514 et 1518, et le bras de fer de Goetz von Berlichingen (1480-1562), ce chevalier dont Goethe fit le héros de ses drames. D'autres ont été exécutés postérieurement, mais nous n'avons pas relevé dans la littérature médicale, d'essais plus anciens de prothèse des membres supérieurs. C'est ce qui nous engage à faire connaître la lettre suivante, extraite du deuxième Cartulaire d'Yolande de Flandre, dame de Cassel, conservé aux Archives départementales du Nord (B. 1574, p. 110). « Les lettres pour Hanequin le Grave, filz Omaer, pour li taire une main de fer » (Revue du Nord, Volume 10, Université de Lille, 1924 - books.google.fr).

 

Les paralysie et incapacités motrices comprennent les personnes paralysées ou ayant un membre dit contracté(contractus), desséché (aridus), privé de force (debilitatus), tordu ou noué. Un infirme atteint aux membres supérieurs est dit manchot (mancus), aux membres inférieurs est dit boiteux (claudus). Le terme paralysis est rarement utilisé pour désigner l’incapacité de mouvoir une partie ou l’ensemble de son corps. On peut distinguer la tétraplégie, lorsque l’individu est totalement immobilisé ou la paraplégie, lorsqu’il s’agit de la partie inférieure du corps seule.

 

Dans les Livres des miracles de Grégoire de Tours, les circonstances ou les lieux des accidents ne sont presque jamais évoqués. L’évêque de Tours justifie parfois l’accident ou la maladie comme une punition divine frappant les parents pécheurs, et dont les conséquences retombent alors sur leurs enfants (Treffort, 1997b, p. 123). Pour Grégoire, c’est donc souvent le péché qui est à l’origine du mal :

 

A propos d’un certain Piolus : « Était-ce parce que lui ou ses parents avaient péché qu'il était ainsi né manchot ? » (Et hoc cur accesserit, utrum hic aut parentes eius peccaverint, ut sic mancus nasceretur, non est nostrae discretionis exsolvere. » Grégoire de Tours, Miracles de saint Martin, II, 26, MGH, p. 168, lin. 30). Cette notion de péché se retrouve dans d’autres récits de miracles tardo-antiques.

 

Les rĂ©cits de miracles offrent un Ă©clairage particulier sur l’enfance, ils constituent de vĂ©ritables tĂ©moignages de leurs activitĂ©s, Ă  travers l’évocation de nombreuses « scènes de vie Â» : les enfants jouent Ă  la « pelote Â» ou Ă  la balle, imitent les gestes de leurs parents et participent aux activitĂ©s domestiques.Le jeu reste nĂ©anmoins l’activitĂ© la mieux associĂ©e Ă  l’enfance (Emilie Perez, L'enfant au miroir des sĂ©pultures m ediĂ©vales (Gaule,VIe-XIIe siècle), 2013 - books.google.fr).

 

Roi lépreux

 

Roger Prévost interprète ce quatrain comme retraçant la vie de Baudouin IV, roi lépreux à 13 ans en 1174, dont on s'aperçut de la maladie lors d'un jeu de balle. Il remporta la victoire de Montjisard à 17 ans ("foudre" de guerre).

 

L'enfant sans main n'est pas forcément l'enfant royal, si on sépare les deux vers. On connaît au XVIIIème siècle, à Paris en 1750 et à Lyon en 1768, des légendes urbaines soupçonnant que les enlèvements d'enfants qui avaient réellement lieu, avaient pour objet de fournir respectivement du sang à un roi ou prince lépreux (ladre) et des membres à un roi manchot. (Jacob Rogozinski, Ils m'ont haï sans raison: De la chasse aux sorcières à la Terreur, 2015 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le futur Louis XIII avait 4 ans en 1605 et jouait déjà à la paume. L'esteuf désigne la balle au jeu de paume, venant de stupa (étoupe). Jacques Héroard ne mentionne pas qu'il s'y soit blessé dans son journal qu'il écrivit durant sa fonction de premier médecin du dauphin (Journal de Jean Heroard sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601-1628): Tome 1 : 1601-1610, 1868 - books.google.fr).

 

Par jeu de mot on peut prendre blessé pour blésé.

 

On note que le français moderne use encore du verbe bléser « parler avec un vice de prononciation » issu de l'ancien français blois « bègue » provenant lui-même du latin blœsus, en provençal bles (Parla bles). On trouve aussi en occitan "blessa" car il existe un verbe du bas latin : blissare avec deux "s" (Alain Rey, Dictionnaire Historique de la langue française, 2011 - books.google.fr, Frédéric Mistral, Lou trésor dóu Felibrige: A-F, 1879 - books.google.fr).

 

Les attestations de bégaiement sont nombreuses pour le roi de France Louis XIII ; entre autres celle de son second précepteur, Nicolas Lefèvre qui y voyait une raison du manque d'intérêt du jeune roi pour les lettres (Louis Vaunois, Vie de Louis XIII, 1944 - books.google.fr).

 

Louis est un manuel, joueur de paume et de palemail, simultanément ouvrier ou artisan qualifié, polytechnicien au sens étymologique du terme, avec une teinture d'universalité. Il est armurier certes, mais également métallurgiste, imprimeur, charron, garçon d'écurie, maréchal-ferrant, cocher, cuisinier, pâtissier. Henri IV en son enfance, et plus tard, était proche des paysans. Louis XIII, dans une société qui s'urbanise, a des contacts, notamment technologiques, avec les représentants qualifiés des métiers citadins, de la classe artisanale et ouvrière. Ainsi pourra-t-il (fort apprécié, qui plus est, par les soldats) maintenir ce « front populaire » de la monarchie, en quoi un écrivain de l'Ancien Régime voyait l'un des traits distinctifs de la royauté française (Emmanuel Le Roy Ladurie, L'Ancien Régime: L'absolutisme en vraie grandeur (1610-1715), 1991 - books.google.fr).

 

On pourrait reconnaître Pouy dans "puy".

 

Vincent de Paul est né le 24 avril 1581 non loin de Dax, au village de Pouy, dans les Landes.

 

Son père et sa mère possédaient quelques arpents de terre qu'ils cultivaient eux-mêmes. Vincent était le troisième des six enfants élevés par eux. En semaine, les parents et les enfants travaillaient aux champs. Le dimanche, toute la famille se rendait aux offices religieux, car sa foi chrétienne était profonde et vivace. A la piété que Vincent puisait parmi les siens, il unissait une grande charité. « Son jeune cœur s'apitoyait déjà sur les misères des autres : il prenait sur sa nourriture pour apaiser leur faim, puisait pour eux dans le sac de farine qu'il rapportait du moulin, tirait de sa bourse, pour les mettre dans leur main, les quelques liards qu'il avait peu à peu amassés (Louis Déplanque, Saint Vincent de Paul sous l'emprise chrétienne d'après sa correspondance et ses conférences, 1936 - books.google.fr).

 

OĂą Ă©tait Vincent de Paul entre 1605 et 1607 ?

 

Pour résumer les faits : en 1605, le jeune prêtre Vincent Depaul a des soucis financiers. Il apprend alors à Toulouse qu'il a hérité de quelques biens. Seul problème : ces biens sont dus par un mauvais payeur qui s'est enfui à Marseille. Vincent le suit, le retrouve et obtient son incarcération. On parvient à un accord, et le « mauvais garnement » paie trois cents écus à Vincent. Pour son retour à Toulouse, quelqu'un lui suggère alors de s'embarquer pour Narbonne. Et c'est là que la vie de Vincent bascule, et que les opinions divergent. La biographie que Pierre Miquel (Vincent de Paul, 1996) a consacrée à Vincent de Paul résume parfaitement le débat des historiens. « Ce voyage demeure assez énigmatique, puisque c'est à Vincent et à Vincent seul qu'on en doit le récit ». En effet, tout ce que nous savons sur la captivité du saint est contenu dans une lettre autographe, ou plus exactement dans deux lettres - la deuxième ne fournissant que quelques compléments. [...] Cette première lettre - elle ouvre en même temps la vaste correspondance de Vincent de Paul - est expédiée à M. de Comet le 24 juillet 1607 de la ville d'Avignon, dans le but de lui demander l'envoi de ses attestations d'études et de prêtrise, ce que Vincent obtient. Pour expliquer une absence de deux ans, le jeune prêtre raconte évidemment ses aventures à son protecteur : l'attaque des corsaires, sa vente comme esclave sur le marché de Tunis, ses trois patrons successifs, et finalement sa fuite en compagnie de son dernier maître. Nous ne connaissons pas la réaction de M. de Comet. La lettre est classée, et personne n'évoquera plus cette histoire, jusqu'en 1658. C'est alors que la lettre parvient aux mains du chanoine de Saint-Martin qui envoie une copie à Vincent, « estimant », comme écrit son premier biographe, « qu'il seroit consolé de lire ses anciennes aventures, & de se voir jeune, en sa vieillesse : mais l'ayant leuë il la mit au feu ». Vincent essaie alors par tous les moyens de récupérer les originaux de ce qu'il appelle ses « misérables lettres »

 

N'y a-t-il pas des parallèles troublants entre la lettre de Vincent et le récit du captif dans la première partie du Don Quichotte ? [...] La parution du roman de Cervantès date de 1605 et coïncide donc avec l'enlèvement de Vincent. [...] Vincent anticipe de sept ans l'histoire de la tête enchantée insérée dans la deuxième partie du Don Quichotte.Les deux auteurs se réfèrent à un tour de magie apparemment assez répandu depuis le milieu du XVIe siècle et décrit par Jean-Jacques Wecker dans ses Secrets et merveilles de nature (Peter Weinmann, Sur la captivité de saint Vincent de Paul, Récits d'orient dans les littératures d'Europe: XVIe-XVIIe siècles, 2008 - books.google.fr).

 

Cervantès était devenu manchot (cf. "sans mains") à la bataille de Lépante en 1571.

 

Il faut y rajouter une étrange maladie, la layra, qui frappe le pays entre 1605 et 1609. Elle est dépeinte dans un livre écrit au XIXe siècle par le docteur Calmeil, De la folie. La layra est une « paralysie agitée » : « La maladie du Labourd n'était point provoquée par l'usage des végétaux somnifères, ou d'une pommade narcotique ; le délire se communiquait par voie de contagion, d'un individu à un autre. Les témoins que l'on gardait à vue ne possédaient aucun onguent; les prévenus n'en avaient pas à leur disposition; les uns et les autres affirmaient cependant qu'ils faisaient des voyages aériens. Le trouble des sens et des idées succédait pour l'ordinaire à une vive impression de crainte.» Je crains que le docteur Calmeil qui, comme beaucoup de médecins aliénistes du XIXe siècle, est extrêmement attiré par les cas de possession et de sorcellerie qui se sont produits deux cents ans plus tôt, n'ait allègrement confondu plusieurs symptômes : celui de cette mystérieuse maladie, « sorte de paralysie agitée » - la layra - et le transport sabbatique,  ce « voyage aérien» que Pierre de Lancre fait avouer à ses sorcières. Lancre est au courant de cette maladie : « Il s'est trouvé en une seule petite paroisse près de la ville d'Acqs quarante personnes affligées d'épilepsie par le moyen des sorciers, et une infinité d'autres affectées d'un certain mal qui les faisait aboyer comme des chiens. » Il écrit encore : « les sorciers de la même paroisse les font aviser de dérober des chiens domestiques, et les appâter et droguer, de façon qu'ils les font devenir enragés. » (Joëlle Dusseau, Le juge et la sorcière, 2002 - books.google.fr).

 

Mal si étrange qu'il est, le thème du poème que le président d'Espagne écrit en l'honneur de De Lancre : "Quelques uns sont saisis d'un tel enchantement / Qu'ils n'ont pour toute voix qu'un lourd aboyement"(...) Donner ce mal comme un mal donné peut se décider publiquement au sabbat. C'est ce qu'avoue Francine Boquiron : elle confesse qu'elle "était au complot qui se fait au sabbat de donner ce mal à cette Demoiselle". Mais, le plus souvent déjà en 1605, c'est un mal qui se donne dans l'intimité de la chambre, par exemple au moment d'un accouchement. Assimilé à "l'ordure", ou la "vilenie", déposée dans la matrice et qui la rend stérile, le mal de Layra "demeure si bien clos et enfermé dedans qu'il ne s'est découvert que huit ans après". La nouvelle diabolisation creuse l'intérieur du corps et de la personne, s'y enkyste et ne devient manifeste que longtemps après. Ainsi, anticipant quelque peu les événements de Loudun, dans la possession des aboyeuses d'Amou, comme à la Tournelle au Parlement de Paris en 1613, selon De Lancre, le corps mis en théâtre donne à voir publiquement ce démon qui se terre désormais à l'intérieur, et les crises manifestent la nouvelle dissociation des espaces. [...] Dans son Livre des Princes, De Lancre raconte l'attaque par le Diable et les sorcières de sa chambre et de celle du seigneur d'Amou le 25 septembre 1609 (Marie Claire Latry, De Lancre, un démonologue en Aquitaine, L'ethnologie à Bordeaux: hommage à Pierre Métais : actes du colloque du 10 mars 1994, 1995 - books.google.fr).

 

En 1613, l'épidémie de layra sévit plus virulente que jamais dans le diocèse de Dax, où plusieurs condamnations à mort seront prononcées. Entre 1614 et 1620, le parlement de Bordeaux ordonnera l'exécution de quatre personnes accusées des méfaits habituels : signature de pactes, ensorcellement, assistance au sabbat (Roland Villeneuve, Le fléau des sorciers: la diablerie basque au XVIe siècle, 1983 - books.google.fr).

 

Vincent de Paul écrivait le 8 décembre 1646 à Jacques Tholard depuis Saint Lazare :

 

Ressouvenez-vous, Monsieur, que vous avez Dieu avec vous, qu’il combat avec vous et qu’infailliblement vous vaincrez. Il peut aboyer, mais non pas mordre ; il vous peut faire peur, mais non pas du mal ; et de cela je vous en assure devant Dieu, en la présence duquel je vous parle (Correspondance de Vincent de Paul - jesusmarie.free.fr).

 

Le terme aboyer est encore employé dans son 52ème sermon (La rechute) au sujet du mal, dans le 37ème (L'amour des ennemis : "laissez aboyer les chiens"), dans la conférence 212ème (Des maximes contraires aux maximes évangéliques, 29 août 1659) (Vincent de Paul, Sermons de Saint Vincent de Paul et de ses coopérateurs et successeurs immédiats pour les missions des campagnes, Tome II, 1859 - books.google.fr, Saint Vincent de Paul, Correspondance, entretiens, documents, Volume 12, 1924 - books.google.fr).

 

L'adversaire du chrétien, quoique furieux et méchant, puissant et fort, est un adversaire déjà vaincu. C'est un chien à la chaîne: il peut aboyer, faire trembler le passant, mais il ne peut faire de mal à ceux qui ne se livrent à discrétion : Alligatus est enim (diabolus) tanquam annexus canis catenis, et nemini potest mordere, nisi eum qui se illi mortifera securitate conjunxerit. Latrare potest, mordere omnino non potest, nisi volentem. (Saint Césaire d'Arles, parmi les sermons de saint Augustin).

 

A la sollicitation de M. de Comet, qui le voulait non loin de Dax, il fut tout simplement curé de Tilh. Mais ce n'est ni à Tilh, ni dans les Landes que la Providence le destinait. Sur les contestations d'un certain Saint-Soubès, qui avait obtenu en cour de Rome la cure de Tilh, Vincent n'insista pas et s'en fut vers son destin. Il n'aura désormais avec Dax, au moins pendant quelques années, d'autres relations que quelques lettres adressées à M. de Cornet, puis après sa mort, à son frère, de Comet jeune, et à son neveu de Saint-Martin, chanoine de Dax, qui continuent à s'intéresser à lui. Vint-il à Dax lors de son unique visite à sa famille en 1623 ? Il ne semble pas, malgré ce que paraissent en dire l'auteur et l'ouvrage cités plus haut : Nous le connaissons assez pour nous le représenter parcourant en détail les lieux témoins de son enfance... Nous nous figurons aussi, sans peine, tous les témoignages de sa gratitude pour M. de Saint-Martin et tous les membres de la famille de Comet, ainsi que pour les Pères Cordeliers et tous ses autres bienfaiteurs. Il édifia grandement sa famille, dit Collet, "par sa piété, sa sagesse, sa tempérance et sa mortification" (Chanoine Darmaillacq, Saint Vincent de Paul, Dacquois, Bulletin de la Société de Borda, Volumes 83 à 84, 1959 - books.google.fr).

 

C'est Coste qui écrit Saint-Soubé sans préciser d'où il tient ce nom (Bernard Pujo, Vincent de Paul, le précurseur, 1998 - books.google.fr).

 

Thil se trouve très proche d'Amou où sévit De Lancre.

 

Dans sa lettre du 24 juillet 1607, Vincent de Paul note : "Curieuse qu'elle estoyt de sçavoir nostre façon de vivre, elle me venoyt voir tous les jours aux champs où je fossioys, et après tout, me commanda de chanter louanges à mon Dieu. Le ressouvenir du Quomodo cantabimus in terra aliena des enfants d'Israël captifs en Babilone me fist commencer avec la larme à l'œil le psaume Super flumina Babilonis, et puis le Salve regina, et plusieurs autres choses, en quoy elle print autant de plaisir que la merveille en feust grande" (Michel Ulysse Maynard, Saint Vincent de Paul: sa vie, son temps, ses œuvres, son influence, Volume 1, 1874 - books.google.fr).

 

Quomodo cantabimus in terra aliena et Super flumina Babilonis, c'est le psaume 136 (137). Sous le coup de l'émotion provoquée par cette évocation, il a lui-même, la larme à l'oeil.

 

L'évêque de Séez (Sées, Orne), Claude-Privas de Morenne, mort en 1606, consacre son troisième sermon sur le psaume 136 "Super flumina Babylonis", adressé à Nicolas Brûlart :

 

Le poëte Menander ayant exactement considéré tous les maux qu'une trop excessive mélancholie engandre en l'homme infera ces vers dans ses écrtits : Il n'y a mal plus dangereux / A l'homme q'un soin douloureux. De quoy pouvant rendre plusiuers raisons diverses, il s'est contenté de la principale adjoutant cet autre vers : Les ennuis et fascheries / Engendrent les maladies (Claude-Privas de Morenne, Sermons sur le Psaume 136e, Bertault, 1605 - books.google.fr).

 

Cela sera publié en 1605.

 

Nicolas Brulart de Sillery, né en 1544 et mort le 1er octobre 1624, est un homme d'État français, garde des sceaux puis chancelier de France. Il est nommé garde des sceaux en 1604, puis chancelier de Navarre en 1605 et chancelier de France en 1607 (fr.wikipedia.org - Nicolas Brulart de Sillery).

 

Noël Brûlart, le plus jeune frère de Nicolas fait la rencontre, en 1626, de Vincent de Paul qui le convainc de réformer sa vie et de consacrer son énergie, ses talents et sa fortune à travailler au bien de son prochain (fr.wikipedia.org - Noël Brûlart de Sillery).

 

Si le médecin spagyrite, de qui Vincent de Paul aurait été l'esclave, cherchait la pierre philosophale, l'évêque de Séez rappelle, en son huitème sermon, les paroles de saint Augustin dans son Enarratio s. 136 : "bienheureux qui brisera les passions qu'elle a fait naître en nous contre la pierre qui est le Christ", Christ qui est la "vraye pierre" (www.clerus.org).

 

Les liens entre mélancolie, saturnisme et alchimie sont également à déduire de la caractérisation traditionnelle de l'adepte: un «jaloux», goûtant le secret, la solitude, le silence, enclin à la méditation... (Frank Greiner, Les métamorphoses d'Hermès, Bibliothèque littéraire de la Renaissance, 2000, p. 237).

 

La première de ces phases colorées permettait, par la calcination et la putréfaction, d'obtenir la matière au noir (en latin: nigredo). Elle fut parfois appelée «mélancolie» par association avec un des quatre tempéraments qui, suivant l'astrologie et la médecine, constituaient l'espèce humaine. Celui-ci était déterminé par l'humeur ou bile noire qui provoquait tristesse ou folie. Il dépendait évidemment de Saturne, comme le plomb de cette œuvre au noir. Pour la qualifier, les adeptes avaient coutume de dire qu'ils réalisaient «le noir plus noir que le noir même» (nigrum nigrius nigro). Il s'agissait non seulement de débarrasser la matière première de ses impuretés, mais aussi, pour l'alchimiste qui s'identifiait à son œuvre, de mourir au monde pour gagner l'éternité (Jacques Lennep, Alchimie: contribution à l'histoire de l'art alchimique, 1985) (Le Prieuré de Sion : Les documents secrets : 6 - Dossiers secrets de Henri Lobineau : Vélasquez).

 

Un fait intéressant pour la Normandie, et en particulier pour la ville de Flers, est qu'une des traductions du Traité alchimique d'Artefius, intitulé Clavis majoris sapientiœ, est due à un gentilhomme normand, seigneur et baron de Flers au XVIème siècle, Nicolas de Grosparmy, et a passé pour une œuvre originale. Un arrière-petit-fils de Nicolas de Grosparmy, était Louis de Pellevé, qui après avoir eu une superbe position, mourut dans la détresse en 1660 (Alfred de Caix, Notice sur quelques alchimistes normands, Bulletin monumental, 1868 - alchimie-pratique.kruptos.com).

 

Guillaume de Grosparmy avait acquis la seigneurie de Gasprée (Gâsprée) près de Sées (Orne) en 1521 (Le Pays Bas-normand, Volume 2, Société ornaise d'histoire et d'archéologie, 1985 - books.google.fr, Patrimoine des bibliothèques de France: un guide des régions, Volume 9, 1995 - books.google.fr).

 

Louis de Pellevé était d'une branche cadette d'une famille qui donna le Cardinal de Pellevé, archevêque de Reims (1592) : Nicolas de Pellevé, auparavant évêque d'Amiens (1552) et archevêque de Sens (1562) (fr.wikipedia.org - Famille de Pellevé).

 

Marie de Gondi, deviendra la femme de Léonor de Pisseleu, seigneur d'Heilly, fils de Jean et de Françoise de Pellevé. A ces liens avec la Picardie, les Gondi en ajouteront d'autres plus intéressants pour nous, quand l'un d'eux deviendra seigneur de Folleville et y amènera saint Vincent de Paul (Bulletin, Volume 17, Société historique de Compiègne, 1924 - books.google.fr).

 

Galériens

 

"Trousser" au milieu une voile est un terme de marine, et les trois enchaînés ressemblent ainsi à des galériens dont Vincent de Paul prit soins, pour les empêcher de désespérer et... d'arrêter de ramer.

 

Jusqu'au XVIIIe siècle, les galères changeaient de voiles selon la force du vent. Ce n'est que dans les derniers temps de la marine Ă  rames que se gĂ©nĂ©ralisa la pratique de « prendre des ris », ce qui se disait faire terzarol (rĂ©duire d'un tiers la surface de voilure). La galère ne fut jamais qu'un instrument rudimentaire Ă  la voile. Aux termes usitĂ©s Ă  bord des vaisseaux pour les diffĂ©rentes manĹ“uvres Ă  la voile se sont substituĂ©es naturellement, dans la marine des galères, des expressions entièrement diffĂ©rentes. Ainsi « loffer » se dit orser ; « laisser porter » devient pouger. « Serrer les voiles », c'est fĂ©rir, tandis que dĂ©fĂ©rir Ă©quivaut Ă  « larguer ». Casser signifie « raidir, border, tourner ». D'une voile qui « ralingue » ou « faseye », c'est-Ă - dire qui flotte par manque de vent, un marin des galères dit qu'elle fringue. Mettre Ă  la fringue est synonyme de « mettre en panne ». Assimer le quart (ou le car) revient Ă  dire « apiquer l'antenne le long du mât ». Quand le vent souffle exactement de l'arrière, les voiles sont opportunĂ©ment « mises en ciseaux »; pour exĂ©cuter cette manĹ“uvre Ă  bord d'une galère, il faut muder l'antenne de trinquet. Les voiles sont dites alors en oreilles de lièvre (une antenne Ă  la drette, l'autre Ă  senestre). Les diffĂ©rents termes du grĂ©ement sont Ă©galement tous particuliers. Indiquons, par exemple, que les haubans sont les sortis, les balancines les mantilles, les cargues les embrouilles. La cargue qui embrasse les deux cĂ´tĂ©s d'une voile qu'on veut Ă©touffer avant de la fĂ©rir porte le nom curieux de mère gourdinière. Il faut dire que gourdin est l'Ă©quivalent de « cordage ». Les rabans sont les matafions, le « raban d'empointure Â» Ă©tant le matafion du fĂ©ridor. Les amarres sont des caps (Roger Coindreau, de l'AcadĂ©mie de Marine) (Vie et Langage, NumĂ©ros 142 Ă  153, 1964 - books.google.fr).

 

Les CARGUES sont des cordes qui servent à trousser à relever la Voile. Il y en a de trois fortes, sçavoir les Cargues-point, les Cargues-fond, & les Cargues-Boulines. [...] Les Cargues-Boulines, qu'on apelle aussi Contre-fanons, sont des cordes qu'on amare au milieu du côté de la Voile vers les Pattes de la Bouline, pour Carguer, ou Bourcer, c'est-à-dire pour trousser, & racourcir le côté de la Voile (Jacques Ozanam, Dictionaire mathematique, 1691 - books.google.fr).

 

Il est souvent question de la peine des galères dans les registres secrets et dans les minutes de la Cour. Henri III avait songé à remplacer la condamnation aux galères par d'autres peines. Henri IV trouva d'abord que les galériens coûtaient beaucoup, car, les galères manquant, ils restaient dans les prisons ; mais dès 1596 il fit cependant tout le possible pour avoir beaucoup de galériens ; il recommanda alors au Parlement de rechercher parmi les grands criminels ceux qui paraîtraient propres à le servir sur ses galères. Il ne voulait pas toutefois que la peine des galères fût prononcée pour moins de dix ans, afin qu'elle n'expirât pas au moment où les condamnés seraient devenus propres à rendre des services. Les juges inférieurs n'étaient point en droit de faire exécuter des sentences portant le châtiment des galères; toutes ces sentences devaient être portées devant la Cour pour qu'elle prît une décision à leur sujet. Un peu plus tard, en 1600, le Roi rappelle au Parlement qu'il lui faut des galériens et l'invite à commuer la peine de mort en peine de galère (Henri Carré, Le parlement de Bretagne aprés la Ligue, 1598-1610, 1888 - books.google.fr).

 

D'après Abelly, c'est Louis XIII qui aurait eu en 1642 l'inspiration d'assister les pauvres esclaves chrétiens en Barbarie, aurait jeté les yeux sur Vincent de Paul à cet effet et lui aurait mis entre les mains 9000 ou 10000 livres pour un envoi future de missionnaires. La congrégation de Vincent de Paul avait été chargée, parmi d'autres congrégations, d'une grande mission sur les galères au début de 1643. Vincent envoya à Marseille des missionnaires dans le but d'aller jusqu'en Barbarie. Ils étaient accompagnés d'un frère chirurgien qui devait diriger un hôpital à Alger pour les pauvres galériens. Ils n'iront en Barbarie que deux ans plus tard (Marie-Joëlle Guillaume, Vincent de Paul, 2015 - books.google.fr).

 

L'Eglise Ă©tait le service social de l'Etat, aux ordres de l'Etat.

 

Pendant la guerre de Trente ans, Vincent de Paul envoya douze Missionnaires pleins de zèle et d'intelligence sur divers points de la Lorraine, vrais Missi dominici de ce roi des bonnes œuvres. Il leur adjoignit quelques frères de sa Congrégation, dont les uns devaient servir de messagers charitables, les autres, habiles en médecine et en chirurgie, pourvus de recettes contre la peste, soigner et panser les malades (Michel Ulysse Maynard, Saint Vincent de Paul: sa vie, son temps, ses œuvres, son influence, Tome 4, 1874 - books.google.fr).

 

Quirinus

 

La rouille attaque les blés et était l'objet d'un culte romain aux Robigalia, fête du 25 avril (Depaul est dit être né le 24 avril). La rouille du fer attaque les chaînes.

 

Dans quelques vers d’Ovide sur les Robigalia, fête au cours de laquelle le flamine de Quirinus officie, on demande à Robigus d’aller rouiller les armes plutôt que les récoltes. [...] La question d’un Mars ou d’un Quirinus « agraire » est un faux problème, si on accepte la théorie de Quirinus comme ancien dieu tonnant [cf. foudre]. Dans le monde indo-européen et même au-delà, tous les dieux de l’orage sont liés à la fécondité, aux récoltes : ils en sont les protecteurs, protection effectuée par les armes. Le dieu de l’orage est donc guerrier, mais par ses aptitudes, il protège la troisième fonction indo-européenne, fonction reproductrice, et non fonction agricole (Patrice Lajoye, Quirinus, un ancien dieu tonnant ? Nouvelles hypothèses sur son étymologie et sa nature primitive, Revue de l'histoire des religions, 2, 2010 - rhr.revues.org).

 

Chyren/Chiren prononcé avec un chi grec peut prendre des allure de Quirinus (cf. VI, 70).

 

Quirinus est seul, avec Jupiter et Mars, à posséder des flamines majeurs, d'ailleurs hiérarchisés. Les trois divinités constituent de ce fait un groupe particulier, lequel intervient comme tel dans plusieurs ensembles cultuels : la deuotio, les dépouilles opimes, le culte de Fides, peut-être aussi la conclusion d'un traité et l'organisation des Saliens. Le caractère très ancien de Quirinus ne semble donc faire aucun doute. D'autre part, son importance à l'époque primitive devait être considérable, puisqu'il avait à son service un des trois flamines majeurs. Nous ne possédons malheureusement pas beaucoup de précisions sur son culte et son rituel. Sa fête, les Quirinalia, figurait, à la date du 17 février, dans le calendrier « de Numa ». Elle est donc très ancienne. Quant à son prêtre, le flamen Quirinalis, il intervenait, à notre connaissance, aux Robigalia du 25 avril, aux Consualia du 21 août et aux Larentalia du 25 décembre, trois festivités archaïques qui appartiennent à la même couche chronologique que les Quirinalia (M. Poucet, Le dieu Quirinus et les Sabins, Recueil de travaux d'histoire et de philologie, Université catholique de Louvain (1835-1969), 1967 - books.google.fr).

 

La mention d'une fête de Quirinus dans le Calendrier de Philocalus (C.I.L., I2, p. 262), à la date du 3 avril, est tardive et isolée : N(atalis) dei Quirini c(ircenses) m(issi) XXIII dies Aegyp(tiacus). On ne peut en tirer aucune conclusion sérieuse : cfr Brelich, Quirinus, p. 71, et n. 24. Pour la mention des Quirinalia dans le Calendrier de Polémius Silvius (C.I.L., I2, p. 259), cfr infra p. 36, n. 123, et p. 62, n. 234. Ovid., Fast., IV, 905-942. 77 Tebt., Spect., V, 7. 78 Gell., VII, 7, 7. Pour une discussion sur la date (avril ou décembre) de l'intervention du flamen Quirinalis en l'honneur d'Acca Larentia : Koch, Quirinus, col. 1313.

 

Il faudrait lire Luc 21,3 : Lorsque Quirinius fut gouverneur de Syrie, le dénombrement qu’il fit de la Judée fut compté comme un deuxième recensement du pays (le premier étant celui qui avait été opéré sous Saturninus douze ou treize ans plus tôt). Cette solution d’un vieux problème d’exégèse n’a été proposée que récemment par le P. Jacques Winandy, bénédictin belge, dans un article publié en 1997 par la Revue Biblique (pp.373-377) : " Le recensement dit de Quirinius (Lc 2,2), une interpolation ? " Dans l’article, l’auteur se demande en outre si Lc 2,2 provient vraiment de Luc : ne serait-ce pas une note savante insérée après coup dans le texte, à une époque reculée ? (Le recensement d'Auguste (Lc 2,1-2) - www.clerus.org).

 

Le nom "Quirinus", qui serait celui du dieu en jeu le 23 décembre, concorde avec la naissance de Jésus placée au solstice d'hiver.

 

Chirurgiens

 

Louis XIII est né le 27 septembre 1601, fête de saint Côme et saint Damien qui ont pratiqué la greffe d'un homme noir mort sur un malade blanc. Le 27 septembre est aussi le jour de la mort de Vincent de Paul en 1660.

 

La maison Saint-Lazare se situait dans le centre de Paris, près de la gare de l'Est. Au Moyen Âge, il s'agissait d'une maladrerie recueillant les lépreux de la capitale et, bizarrement, les boulangers de France, plus exposés à la maladie suite au contact du feu sur leur peau. De 1515 au XVIIe siècle, la maison Saint-Lazare fut desservie par les chanoines réguliers de Saint-Victor qui la géraient comme une riche abbaye. En 1632, la réforme de l'établissement fut confiée à saint Vincent de Paul qui s'y installa avec avec les prêtres de sa mission, les lazaristes. Découvrant quelques insensés parmi les pensionnaires de son institution, saint Vincent de Paul la convertit en « maison de force pour personnes détenues par ordre de sa Majesté ». Le régime correctionnel de cette maison a été décrit par le lieutenant de police Marc René de Voyer, marquis d'Argenson et par le chancelier Louis Phelypeaux, comte de Pontchartrain: « Vous savez que ces Messieurs de Saint-Lazare sont depuis longtemps accusés de tenir des prisonniers avec beaucoup de dureté, et même d'empêcher que ceux qui y sont envoyés comme faibles d'esprit ou pour leurs mauvaises mœurs ne fassent connaître leur meilleur état à leurs parents afin de les garder plus longtemps.

 

Sous la Terreur, Saint-Lazare devint prison, puis prison pour femmes jusqu'en 1935 avant de redevenir hôpital (Claude Meyers, Les lieux de la folie: D'hier à aujourd'hui dans l'espace européen, 2015 - books.google.fr).

 

Saint Côme et saint Damien sont les patrons des médecins parce qu'ils ont exercé la médecine; ils sont plus particulièrement patrons des chirurgiens, qui les ont choisis à cause de l'allure tout à fait chirurgicale du principal miracle que la légende leur prête. Mais ils ont été de bonne heure, par extension, les patrons de tous ceux qui, de près ou de loin, participent aux soins que l'on donne aux malades, et depuis longtemps, en bien des pays, ils sont, à bon droit, considérés comme les patrons des pharmaciens (Marie-Louise David-Danel, Saint Côme et saint Damien sont-ils au nombre des " patrons " de la pharmacie ? In: Revue d'histoire de la pharmacie, 46e année, n°159, 1958 - www.persee.fr).

 

Le mot chirurgie vient du grec "cheiron", "main" en grec, comme le centaure Chiron, dont le signe du Sagittaire est un catastérisme, en rapport peut-être avec le Chyren/Chiren des Centuries et Quirinus.

 

C'est à la pointe de l'île Barnabe qu'était la chapelle des saints Côme et Damien, patrons des maîtres chirurgiens, mentionnée déjà au XIVe siècle, voire même au XIIIe, avec son cimetière à la suite. Les chirurgiens de Montpellier, appelés chirurgiens de Saint-Côme dans les anciens titres, devaient assister dans cette chapelle, la veille de la fête des saints Côme et Damien aux vigiles et le lendemain à la procession, après laquelle ils laquelle ils élisaient les consuls et prévôts de la Confrérie (statuts du 5 octobre 1418). Ceux-ci devaient faire pétrir le pain de las Caritats, que la ville distribuait le jour de l'Ascension (Bulletin, Volume 30, Société languedocienne de géographie, 1907 - books.google.fr).

 

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, qui vit naître Vincent de Paul, une doctrine catholique de la charité avait vu le jour. Juan-Luis Vives, savant théologien, tout en laissant le financement de la charité à l'aumône privée, prônait l'obligation de travailler pour les pauvres, la prison pour les vagabonds, l'internement (sans mauvais traitements) pour les fous. Même doctrine chez Dominique Soto, avec tendance à une prise en charge publique de l'action charitable1. La charité, dont Vincent de Paul est la figure de proue, se situe sur une ligne de maîtrise, d'encadrement, d'ordre. Elle n'est pas incohérente avec l'hôpital général. Mais les infirmes ont-ils ou non échappé à cet hôpital général ? Il faut évidemment rappeler que l'hôpital général, police des pauvres, laissa subsister les hôpitaux d'antan, tous les hôtels-dieu. Et, dans ces hôpitaux, l'on trouve des parties affectées aux invalides, telles que dans le très célèbre hôpital apostolique Saint-Michel à Rome. Il existe même des établissements spécialisés, tel l'hôpital des incurables à Paris. Saint Vincent de Paul, dans une conférence aux Filles de la Charité, leur enjoint d'exclure de leurs maisons les hydropiques, les boiteux et les manchots, car il y a les « Incurables » pour cela. Sans être enfermés au sens répressif de répressif de l'Hôpital Général, les infirmes tendent à être internés. Ils le sont, soulignons-le, de manière différente que dans les hôpitaux ou hospices de l'époque médiévale : pas davantage pour y être soignés et médicalisés qu'au Moyen Âge, mais pour y être concentrés. Concentration spécialisée ou non mais, nettement, délimitation des territoires. Ce que n'avait pas fait, à ce titre, le Moyen Âge. L'exemple le plus frappant de cette délimitation de l'espace pour les infirmes est la création de l'Hôtel des Invalides dont l'édit de fondation fut signé à Versailles en 1674 par Louis XIV. [...] Pendant le règne de Louis XIII, un homme en avait fait son combat : Charmot. En 1633, le roi finit par ériger une communauté en ordre de chevalerie (la commanderie Saint-Louis) et par construire un bâtiment à la place du château de Bicêtre. Il pensa financer la chose en taxant les abbayes, qui ne remplissaient plus leur ancien rôle. Hostilité du clergé, troubles de la Fronde, mort de Louis XIII et le projet avait été remis (Henri-Jacques Stiker, Corps infirmes et sociétés - 3e éd.: Essais d'anthropologie historique, 2013 - books.google.fr).

 

Dans la congrégation des Lazaristes, certains frères pratiquaient la chirurgie comme auprès des galériens (cf. supra).

 

Blé et chirurgie : carabin

 

Le carabin est une sorte de blé noir ou sarrasin (bucail), en Normandie, Anjou, Berry et Gille Ménage (1650) : carabin "sarrasin, blé noir", céréale introduite au XVe s., originaire d'Asie centrale, introduit en Europe par les Maures d'Espagne (Jean Pontoire, Glossaire des parlers d'Eure-et-Loir: Beauce et Perche, 1999 - books.google.fr, Manuel de l'herboriste, de l'épicier-droguiste et du grainier-pépiniériste horticulteur, Tome 2, 1828 - books.google.fr).

 

1583-90 carabin « soldat de cavalerie légère » (Brantôme, Capitaines estrangers, le duc d'Albe, I, 106 ds Hug.), terme hist. dep. Trév. 1704; d'où p. métaph. iron. 2. 1650 carabin de St Côme [patron des chirurgiens] « chirurgien » (L. Rither, L'Ovide bouffon, 2, 109 ds Quem.); p. ext. 3. 1803 carabin « étudiant en médecine » (Courrier des spectacles, 24 pluviose an XI ds Fr. mod., t. 13, p. 291). Orig. incert.; 1 est peut-être une altération du m. fr. (e) scarrabin « ensevelisseur des pestiférés » (dep. 1521, Arch. munic. de Montélimar ds Gdf.; devenu carabin au XVIIe s., ibid.), mot qui appartient prob., p. métaph. iron., à la famille de escarbot, certains de ces insectes fouillant la terre ou le fumier (v. FEW t. 11, s.v. scarabaeus; Bl.-W5; Dauzat 1973; EWFS2); l'évol. sém. s'explique prob. par la réputation qu'avaient les soldats carabins de faire rapidement passer leurs ennemis de vie à trépas. 2 est issu de 1 en raison de la mauvaise renommée des chirurgiens et parce qu'ils faisaient penser à des soldats enrôlés sous la bannière de St Côme, leur patron (www.cnrtl.fr).

 

On a souvent discuté sur l'étymologie du mot carabin, pris comme synonyme d'étudiant en médecine. On a cru que ce mot n'était pas antérieur au XVIIe siècle : or, dans une délibération de l'assemblée communale de Montélimar, en date du 15 avril 1521, on lit : « Pour ce que les scarrabins, et ceux qui sont commis à ensevelir les mours de la peste n'ont pas logis propisse au lieu où ils sont, pourquoy a esté dit et ordonné que messieurs les consouls leur ayent à fère fère ung chabote et logis de postes (planches) là où leur sera plus convenable. » Les scarrabins étaient plus spécialement chargés d'ensevelir les pestiférés ; dans une délibération, consignée sur le même registre que la précédente, on lit : « Les scarrabins retenus pour ensevelir les morts de peste » ; dans celle du 5 mars 1543 : « Jullian, escarrabin des pestiférés ». C'est encore ce mot qu'on retrouve dans deux autres délibérations municipales des 28 avril et 3 août 1587, de même que dans le registre de la chambre de santé établie à Montélimar, lors de la peste de 1629. Le 16 février 1631, le consul paie 97 livres à un certain Gauthier, pour « ses gaiges d'escarrabin et corbeau ». Mais le mot scarrabin n'était pas seulement employé dans le sens de croque-mort, il servait aussi à désigner les infirmier &c. De même qu'il y avait des corbeaux pour enterrer les morts, il y en avait d'autres pour transporter les malades. Il fut un moment question (le 28 avril 1587) de confier à la même personne les fonctions d'escarrabin et de parfumaire : le parfumaire recevait 10 écus par mois, outre la nourriture, pour purifier, en y brûlant des plantes odoriférantes et des drogues fournies par les apothicaires, les maisons des pestiférés et les rues infectées. (De Coston, op. cit., II, 454). Mais cela ne nous donne pas l'origine du mot carabin ; n'en trouverait-on pas l'explication dans ce passage, tiré de la Relation de la contagion de Lyon en 1628, laquelle contenait, entre autres dispositions, celle-ci : « Quatre hospitaliers marcheront avec carabines par la ville, pour appréhender les infects ? » Ces mesures rigoureuses étaient, paraît-il, appliquées dans beaucoup d'autres villes. Il est probable, écrit à ce propos le baron de Coston, à qui nous devons de connaître les particularités qui précèdent, que le public aura désigné les infirmiers, et plus tard les étudiants en médecine sous le nom de l'arme dont ils étaient autorisés à faire usage en temps de peste. La carabine avait servi primitivement aux compagnies d'arquebusiers à cheval, ou carabins, mentionnés pour la première fois, d'après Boutaric (Institutions militaires de la France, 346), en 1568, et qui sont peut-être d'origine italienne (Cf. DE Coston, Histoire de Montélimar, II, 137-139) (Auguste Cabanès (1862-1928), Moeurs intimes du passé, 1908 - archive.org).

 

Le quatrain suivant I, 66 se déroule dans la région vivaroise (Viviers), proche de Montélimar.

 

Le nom de « Carabin » donné aux Etudiants en Médecine, car on n'emploie plus ce terme, si l'on veut être à la page, provient non du Jeu du Lansquenet mais d'ailleurs et d'une origine sans relation avec un jeu quelconque. C'est une abréviation de « Carabin de St-Come » (le saint chirurgien), nom donné jadis aux garçons chirurgiens (L'intermédiaire des chercheurs et curieux, Volume 102, 1939 - books.google.fr).

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