Chronocratories
Chronocratories

 

I, 48

 

1592-1593

 

Vingt ans du règne de la Lune passés,

Sept mil ans autre tiendra sa monarchie

Quand le soleil prendra ses jours lassés

Lors accomplir & mine ma prophétie.

 

 

La doctrine astrologique des chronocratories enseigne la domination des astres sur le temps, périodes de 354 ans et un tiers, elle même issue des spéculations sur la grande année. Ainsi, selon Richard Roussat, la période de la Lune commence en 1533, celle du Soleil en 1887 et celle de Saturne en 2242 (Pierre Brind’Amour, «Nostradamus astrophile», Klincksieck, 1993, p. 187).

 

Le livre de Roussat reprend les données d’Ibn Ezra (Liber rationum) avec un décalage de quelques années dans les dates par rapport à celles données par Trithème. La vingtième période, sous la direction de Gabriel, allait commencer selon Trithème le 4 juin 1525 et se terminer en octobre-novembre 1879. Roussat a un décalage de 8 ans.

 

“...Mars règne, jusqu’en 6732 4 mois, pour la troisième fois : et Ă  sa fin, la Lune, qui Ă  prĂ©sent gouverne, a pris le règne, qu’elle devrait mener, pour parfaire son cours ordinaire de 354 ans quatre mois, jusqu’à l’an 7086 huit mois : & le Soleil après jusqu’à l’an 7441; et, après le Soleil, devrait aussi rĂ©gner, pour la quatrième fois, Saturne, si cependant le Monde ne se terminait ou prenait sa fin. Mais par les choses susdites il apparaĂ®t que nous sommes maintenant sous le septième milliaire qui fait la dernière station après laquelle doit advenir la mutation merveilleuse : et dès cette annĂ©e-ci, 1548, selon Jacques de Bourgogne et autre, Mars a fini de mener et gouverner il y a 13 ans et huit mois : & selon Eusèbe CĂ©sarien en son livre De temporibus il y a 15 ans et huit mois ; donc au temps prĂ©sent la Lune gouverne et mène le monde…” (Roussat, Le Livre de l’Etat et de la mutation des temps, 1550, p. 95).

 

Au moment où Nostradamus écrit nous sommes bien vingt ans après le début du règne de la Lune qui a commencé en 1533 (selon Eusèbe). Le règne de la Lune, effectivement, dure bien (tient sa monarchie) au-delà (oultre) de l’an 7000 puisqu’il se déroule de 6732 à 7086. Quand la période solaire prend fin (7441) “s’accomplit et se termine” la prophétie de Nostradamus qui considère que son terme est l’an 2242. Il est tout à fait vraisemblable que 3797 corresponde à cette année 2242 qui signe la fin de la période solaire. Selon un procédé courant à son époque, Nostradamus aurait crypté 2242 en ajoutant tout simplement l’année de parution des premières Centuries (3797 = 2242 + 1555) (Yves Lenoble, Nostradamus et l’éclipse du 11 aout 1999, Astrological association, 1999 - ramkat.free.fr).

 

"sept mille ans"

 

Selon la première chronologie biblique de la Lettre Ă  Henri, l'annĂ©e 2242 est la 7000ème annĂ©e après la crĂ©ation datĂ©e de 4757 avant J.C. 2242 voit le commencement de la chronocratorie de Saturne qui suit celle du Soleil commençant en 1887 : cf. le quatrain V, 53 associĂ© Ă  la date de 1890-1891.

 

L'année 2242 début du règne de Saturne, l'âge d'or, correspond au quatrain X,89 qui parle en effet d'un temps de prospérité mellifique.

 

1573

 

Il s'agirait de 20 ans passés depuis 1533. Le problème est que le quatrain est ici daté de 1592-1593. 20 ans avant 1593 c'est 1573.

 

Peter (von) Bennewitz ou Bienewitz, dit Petrus Apianus ou Peter Apian, né à Leisnig (Saxe) le 16 avril 1495 et mort à Ingolstadt le 21 avril 1552, est un astronome et mathématicien allemand connu pour ses travaux en cartographie. En 1524, à Landshut, il édite son Liber Cosmographicus, un travail sur l'astronomie et la navigation, réimprimé par la suite 30 fois, en 14 langues, et qui demeura populaire jusqu'à la fin du XVIe siècle (fr.wikipedia.org - Petrus Apianus).

 

Les éclipses de lune de 1572 et de 1573 ont été ajoutées à l'édition française de 1544 (Henri Stein, Le Bibliographe moderne: courrier international des archives et des bibliothèques, Volume 5, 1901 - books.google.fr).

 

Une éclipse de lune du 8 décembre 1573 donne lieu aussi à un discours prophétique de "Crespin Archidamus" d'inspiration ou de commande probablement pré-Politique, qui suggère au roi que le ciel lui intime d'opérer une grande réformation dans son royaume, qui qui garantirait la paix pour plus de 300 ans (Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu: la violence au temps des troubles de religion, vers 1525-vers 1610, 2005 - books.google.fr).

 

Le fils du célèbre mathématicien et cosmographe impérial Gemma Frisius, Cornelius Gemma (1535-1578) était professeur de médicine à l'université de Louvain. Jusque très récemment il était quasiment oublié par les historiens, bien qu’il ait joué un rôle important sur la scène intellectuelle de la seconde moitié du seizième siècle. Ses principales œuvres sont De arte cyclognomica (Anvers, 1569) et De naturae divinis characterismis (Anvers, 1575) (Hiro Hirai, Cornelius Gemma, 2008 - www.biusante.parisdescartes.fr).

 

Il place encore au nombre des prodiges une grande Ă©clipse de lune, qui arriva le huit de DĂ©cembre sur la fin du jour, & qui Ă©toit selon lui de vingt points, quoique Cyrien Leowitz ne la fasse que de dix-sept points & de vingt-quatre scrupules : quoi qu'il en soit, c'est la plus grande qui ait parue depuis 1555 (Jacques Auguste de Thou (1553-1617), Histoire universelle : Depuis 1543 jusqu'en 1607 : traduite sur l'editione latine de Londres. Tome sixieme 1570-1573 1734 - books.google.fr).

 

1572 - Le 25. iour de Iuin en cest an 1572. se fera eclipse de Lune, qui produira ses effects en la mesme année, toutes fois sans rigueur aucune, & danger des hommes qui lors seront en vie, à cause de quoy ne nous empescherons à en faire particuliere enumeration, car ils seront doux & amiables. 1573 - A cause que les effects de l'année precedente ont esté tels que ceste-cy n'en peut endurer mal, & que sa constitution est toute bonne, elle fera toute pacifique, proufitable & fertile, en ce qui peut concerner le fait de la susdicte eclipse toutes fois elle donner a quelques occasions d'inimitiez & haines pour les ans d'apres, à cause de l'eclipse de lune, qui se fera le 8. iour de Decembre audict an 1573. & mettra ses effects en vertu l'an 1574 (Prédictions Des Choses Plvs Memorables Qvi Sont A Advenir Depvis L'An M.D.LXIIII. iusqu'à l'an mil six cens & sept, prise tant des eclipses & grosses Ephemerides de Cyprian Leouitie, que des predictions de Samuel Syderocrate, 1565 - books.google.fr).

 

1553, 1593

 

La chronocratorie de la Lune commence en 1533. "Vingt ans du règne de la lune passés" donne 1553.

 

Henri IV le vert galant, dit le Grand, né au château de Pau le 13 Décembre 1553. Il est le fils d'Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et de Jeanne d'Albret, reine de Navarre. Il descendait de Robert, comte de Clermont, 6ème fils de Saint Louis.? Bien que baptisé en (1554), il reçoit de sa mère une éducation calviniste qui le fera passer à la religion réformée dès la fin (1559).

 

A 23 ans il devient le chef du parti protestant. En Juin (1584) François II duc d’Alençon meurt. Henri IV devient l’héritier virtuel du trône de France. La Ligue lui bloque l’accès d’un trône au demeurant chancelant. Il se rapproche d’Henri III qui, sur son lit de mort, le désigne comme seul héritier légitime le 1er août (1589). Après avoir tenté par 2 fois de prendre la capitale, et une succession de Victoires et de Défaites des ses armées (1587) à (1588), il décide de laisser jouer les divisions du parti adverse.

 

En (1590) Victoire d'Henri IV Ă  la bataille D'Ivry, dont le discours est restĂ© cĂ©lèbre: "Mes compagnons, Dieu est pour nous ! Nos ennemis sont les siens ! Ils sont 2 fois plus nombreux que nous, mais nous les vaincrons ! Si vous perdez vos cornettes, ralliez vous Ă  mon panache blanc, vous le trouverez sur le chemin de la gloire et de l'honneur !". Il gagne le monde parlementaire et la haute bourgeoisie parisienne, pouvantĂ©s par les excès de la Ligue. Le 25 Juillet (1593) Ă  Saint-Denis Henri IV abjure sa foi protestante qui lui inspire cette phrase cĂ©lèbre, "Paris vaut bien une messe". Il se fait sacrer Roi Ă  Chartres le 24 FĂ©vrier (1594) et entre dans Paris le 22 Mars (1594) (monumentshistoriques.free.fr).

 

"autre... monarchie" et "Soleil"

 

Henri IV fonde la nouvelle dynastie, encore capétienne, des Bourbon.

 

Parmi tant de figures plus ou moins baroques, comment ne pas utiliser le thème du Roi-Soleil, si fĂ©cond en dĂ©veloppements fabuleux, astrologiques et poĂ©tiques ? Rien ne peut donner une idĂ©e plus complète de cette littĂ©rature que le petit livre d'A. Duchesne : «Les antiquitez et recherches de la grandeur et maiestĂ© des Roys de France» (Paris, Jean Petitpas, 1609). De page en page le soleil et les Ă©toiles, les astres et les flambeaux mènent une ronde Ă©blouissante. L'auteur hĂ©rite Ă©videmment de quelques bons clichĂ©s. Il affectionne encore les vieilles comparaisons du Roi avec Mars, Hercule, Neptune (on les retrouve sous Louis XIV et jusqu'Ă  la fin de la Monarchie). Henri IV fut d'ailleurs très souvent comparĂ© Ă  Hercule : Hercule gaulois, Hercule chrĂ©tien... Deux mĂ©dailles de DuprĂ© et une de Danfrie l'ont figurĂ© en Hercule, deux autres mĂ©dailles de DuprĂ© en Mars; Rubens l'a peint en Jupiter. Il est Ă  remarquer que Duchesne, tout imbu d'astrologie, dĂ©veloppe inlassablement l'image du Roi-Soleil, mais n'aborde qu'une fois la lĂ©gende d'Apollon. Une mĂ©daille frappĂ©e en 1593, pour commĂ©morer le triomphe d'Henri IV sur la Ligue, figurait le cardinal de Bourbon par un aigle «apesanti de vieillesse Ă  qui la vue manque pour pouvoir supporter les rayons du soleil» (Limiers) et, en 1613, une autre mĂ©daille reproduit exactement l'image de Duchesne : l'Aiglon couronnĂ© fixant le soleil reprĂ©sente Louis XIII s'inspirant des vertus d'Henri IV. Mais il en crĂ©e quelques autres qui vont Ă  leur tour inspirer les artistes, mĂ©dailleurs, dĂ©corateurs d'EntrĂ©es, etc... Duchesne a sans doute en mĂ©moire une mĂ©daille rĂ©cemment frappĂ©e en l'honneur d'Henri IV (en 1605), Ă  l'image d'un soleil dissipant les nuages, avec la devise «Sic obvia frango» (On se souvient de la devise du duc d'Alençon : «fovet et discutit» sur un phylactère entourant une image du soleil au milieu des nuages : il rĂ©chauffe et disperse), lorsqu'il parle du soleil, «astre mâle et fort qui dissipe les brouillas»; mais les signes du zodiaque lui servent Ă  composer des variations sur un thème connu; les Rois de France, Ă©crit-il, sont le soleil des Parlements, «non ce soleil duquel la maison est le Lyon, mais celui qui tient ses assises au signe des Balances». Nous retrouvons cette image dans Godefroy, au rĂ©cit de la naissance de Monsieur, frère de Louis XIV, «le Soleil est prĂŞt d'entrer au signe de la Balance, symbole de la justice de Louis XIII».

 

Duchesne puise encore des images nouvelles dans l'histoire de l'antiquitĂ© classique et de l'Orient. Il a appris de Pline que les Ă©lĂ©phants, justes et religieux, adoraient le soleil et la lune, et c'est la raison, paraĂ®t-il, pour laquelle les statues des dieux et les mains de justice furent habituellement faites d'ivoire. A l'instar des Ă©lĂ©phants, les «Indiens gymnosophistes... depuis le matin jusques au soir... regardoient continuellement le soleil», et les Égyptiens l'honoraient en une fĂŞte assez obscurĂ©ment nommĂ©e «bâton du soleil»; en ce bâton Duchesne voit une image de la justice, appui du Roi qui est le soleil de la terre. Si le soleil de justice est l'emblème du Roi, la lune sa soeur, «astre femelle mol et doux», image de clĂ©mence, est l'emblème de la Reine. Ils n'ont espousĂ© que des Princesses..., «lesquelles ces beaux soleils regardant amoureusement comme des Lunes, ils sont entrĂ©s en conjonction de leur lumière avec elles et en ont produict des rayons qui ont Ă©tĂ© agrĂ©ables Ă  la France. Le Dauphin, que l'auteur nomme «nostre PhĂ©bus», est aussi le petit aiglon, «seul capable... de regarder a veue franche cette glorieuse majestĂ© française, qui des raiz de ses grandeurs royalles esclaire non seulement la France mais tout le monde» (nec pluribus impar...). Le livre de Duchesne eut un Ă©cho presque immĂ©diat, dans un ouvrage publiĂ© l'annĂ©e suivante, en 1610, par Dom Champflour, prieur de Saint-Robert de Montferrand (Paris, Jean Libert), sous le titre tout astrologique : «La Grandeur et excellence du ciel français, soubs l'influence de ses planètes». La plupart des images de Dom Champflour, certaines de ses expressions mĂŞmes, sont directement empruntĂ©es Ă  Duchesne (Agnès Joly, Le roi soleil, histoire d'une image, Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, Volumes 38 Ă  39, 1936 - books.google.fr).

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