Louis XIII et l'armée

Louis XIII et l’armée

 

I, 60

 

1601

 

Un Empereur naistra pres d'Italie,

Qui à l'Empire sera vendu bien cher :

Diront avec quels gens il se ralie,

Qu'on trouvera moins prince que boucher.

 

Pertinax

 

Pertinax, encore lui (cf. quatrains V, 52 et IX, 62), serait né à La Turbie.

 

M. G. Rossi, dans la Storia di Ventimiglia (p. 241), estime qu'on serait plus fondé d'identifier cette Villa Martis, avec Saint-Blaise, commune placée sur les monts entre la Roya et la Nervia. Nous pouvons, à meilleur droit» montrer la Villa Martis plus près du Trophée d'Auguste, en nous appuyant sur diverses autorités, notamment sur Gioffredo, lequel a écrit dans NicÅ“a Civitas, ce passage que nous traduisons du latin : « On a dit qu'autrefois La Turbie était la Ville de Mars, et cette assertion est appuyée par Blondus, Léandre et d'autres auteurs plus modernes. La tradition fait naître dans cette bourgade Helvius Pertinax, empereur romain... Dion Cassius, et d'après lui, Zonara et Xiphilin, le font naître à Alba Pompeia. Nous préférons croire Aurelius Victor, lequel dit qu'il était né dans une humble localité, chez les Ligures, Villa Martis, parce qu'Aurelius Victor a rempli au IVe siècle des charges importantes (il fut consul et préfet de Rome, donc un des successeurs de Pertinax), ce qui lui permettait de mieux connaître ces faits. » Gioffredo (1629 - 1692) homme d'Église et historien niçois à la cour de les ducs de Savoie, à Turin, ajoute : « Elle nous paraît fondée sur la réalité la tradition qui fait naître à La Turbie ce grand homme dont la vie fut toujours consacrée au devoir et à la vertu. On sait que Pertinax, après s'être élevé aux plus hauts rangs militaires, vainquit les Germains, gouverna avec sagesse de vastes provinces d'Orient. Il était préfet de Rome, lorsqu'à la mort de Commode, il fut proclamé empereur par le Sénat et l'armée. Il ne vit dans le pouvoir suprême que la possibilité de réformer les abus et de rétablir la discipline militaire Â» (Philippe Casimir, Le trophée d'Auguste à la Turbie, 1932 - books.google.fr).

 

Honoré Bouche (1599-1669) dit déjà en 1664 que des historiens, comme Pierre Jofret de Nice en 1658, font naître Pertinax à la Turbie (Petrus Jofredus, Nicaea civitas sacris monumentis illustrata quis in que praeter antiquitatum notitiam, 1658 - books.google.fr).

 

Mais à ces dates, les Centuries étaient déjà écrite. Blondus était cependant accessible à Nostradamus :

 

Flavio Biondo (en latin Flavius Blondus), (né en 1392 ou 1388 à Forlì, Émilie-Romagne - mort en 1463) était un historien, archéologue et humaniste de la Renaissance italienne. Il fut le premier à utiliser l'expression « Moyen Âge » et fut aussi un pionnier de l'archéologie. On lui doit la découverte à Milan de la copie unique du dialogue de Cicéron : Brutus, de claris oratoribus, dont ses copies furent diffusées dans toute l’Italie. Il fut secrétaire des papes Eugène IV, Nicolas V, Calixte III et Pie II, et composa sur les antiquités de Rome et de l’Italie des ouvrages extrêmement remarquables pour leur époque, et qui ont été longtemps considérées comme des références. Les plus importants se nomment : Romae instaurata lib. III (Vérone, 1481, in-fol.), et Rome triumphantis lib. X (1482, in-fol.). Ses œuvres ont été réunies à Bâle (1559) (fr.wikipedia.org - Flavio Biondo).

 

De même, Léandre, Leandro Alberti (né le 12 décembre 1479 à Bologne et mort le 9 avril 1552 dans la même ville) qui est un religieux dominicain, un philosophe, un historien et un théologien italien du XVIe siècle, qui fut provincial de son ordre. Il a laissé une Description de l'Italie (1550) (fr.wikipedia.org - Leandro Alberti).

 

Connu, dans la coulée, sous la dénomination de Tour d'Auguste, ce trophée fut construit sur lo col de la Turbie, près de la voie Julia, à la limite entre la Gaule et l'Italie. C'était un énorme massif quadrangulaire. Il a été tiré de cet antique monument les pierres qui ont servi à bâtir l'église et presque toutes les maisons de la commune de Turbie. On découvrit, en 1585, une tête d'Auguste ayant appartenu à une statue de 7 métrés de hauteur, qui avait eu, bien certainement, pour piédestal le gigantesque trophée (Mémoires et procès-verbaux, Volumes 10 à 11, Société agricole & scientifique de la Haute-Loire, Le Puy, Société agricole et scientifique de la Haute-Loire, 1900 - books.google.fr).

 

Dans «Les Itinéraires d'Antonin» (via Aurelia) la Turbie est mentionnée sous le nom de « Alpe Summa Â». Ils confirment la reconnaissance de l'Alpe Summa, comme point frontière entre l'Italie et la Gaule : «Alpe Summa, huc usque Italia, ab hinc Gallia» (André Franco, La Turbie: le trophée et le laurier, 2008 - books.google.fr).

 

La rue principale de la Turbie est sur cet étroit col qui sépare la Tête de Chien du massif du mont Agel, ancienne frontière de l'Italie et de la France (Jules Verne, Mathias Sandorf, 2015 - books.google.fr).

 

Helvius Pertinax, ainsi nommé à cause de la ténacité de son caractère, était fils d'un charbonnier de la Turbie. A force de travail, il finit par apprendre si bien le grec et le latin que son père le laissa partir pour Rome. Marc-Aurèle le discerna, le prit en amitié et se l'attacha. Pertinax laissant la rhétorique pour les armes, devint centurion, chef d'une cohorte syrienne, sénateur, consul, préfet de Rome, et entrant dans la conspiration contre Commode, il fut élu empereur. dura que trois mois, lui a laissé la réputation d'un prince juste, assidu aux affaires, frugal, doux sans faiblesse, grand sans orgueil. Il n'oublia pas le pays qui l'avait vu naître. La Turbie et Monaco lui doivent des travaux de défense dont on voit encore les vestiges aujourd'hui. Pertinax fut pourtant massacré par les Prétoriens, et après ce forfait, ô honte éternelle ! Rome n'eut plus qu'à mettre l'empire à l'encan (Eugène François Tisserand, Histoire civile et religieuse de la Cité de Nice et du Département des Alpes-Maritimes: Chronique de Provence, Tome 1, 1862 - books.google.fr).

 

Bien cher

 

L'empereur Claude donna quinze mille sesterces (3,000 fr.) à chaque soldat (Tac, Ami. de Claud., 1.1). Néron fit une semblable distribution (Tac, Ami.). Oïhon, Vitellius, Vespasien, Titus, Nerva, accordèrent aussi des gratifications. Marc-Aurèle donna vingt mille sesterces (4,000 fr.) par tête; Pertinax, douze mille (2,000 fr.). Après le massacre de ce prince, la couronne coûta à Didius, vingt-cinq mille sesterces (5,000 fr.) par soldat, et, à la honte de l'univers, on avait mis aux enchères l'empire, qu'un prétorien adjugea comme il eût fait d'un vieux meuble (Spart. Aug., Hist. Script, Dion.). Caracalla accorda dix mille sesterces (2,000 fr.). Enfin chaque empereur dut acheter plus ou moins cher son élévation, et l'on peut dire qu'en moyenne, après Caracalla, le trône coûtait, à chaque élévation, environ cent millions de notre monnaie (Crev., Hist. des emper. rom.) (Jules Migeon, La France, ses institutions, ses assemblées politiques, son état social et moral, et le développement de ses libertés publiques, Tome 1, 1846 - books.google.fr).

 

Le préfet du prétoire Laetus fit élire Pertinax empereur, après l'assassinat de Commode, et voyant qu'il gouvernait par lui-même, le fit assassiner par les prétoriens.

 

Le produit de la vente des biens de Commode suffit à Pertinax pour payer douze mille sesterces par tête aux pretoriens, et quatre cents aux citoyens du peuple.

 

Zélateur de l'équité et des lois, il rendoit souvent la justice par lui-même. Il rétablit la mémoire de ceux qui avoient souffert d'injustes condamnations sous Commode ; ou, s'ils vivoient encore, il les rappela d'exil. Il rendit à ceux-ci, ou aux héritiers des morts, leurs biens confisqués; et je ne saurois croire, sur le témoignage du seul Capitolin, qu'il leur ait fait acheter cette justice

 

Il est difficile de laver entièrement Pertinax du reproche d'avarice, que Capitolin appuie de détails circonstanciés. Cet écrivain assure que Pertinax, après avoir fait paroître de l'intégrité et du désintéressement pendant la vie de Marc-Aurèle, changea de conduite après la mort de ce vertueux prince, et manifesta son amour pour l'argent; qu'il devint riche tout d'un coup, caractère des fortunes suspectes; et qu'il étendit ses domaines par des usurpations sur ses voisins, qu'il avoit ruinés par ses usures; qu'étant général d'armée, il vendit les grades militaires; enfin qu'il exerça, et particulier, et même empereur, des trafics sordides et plus dignes de son premier état que de celui auquel son mérite l'avoit élevé (Histoire des empereurs romains depuis Auguste jusqu'a Constantin, Tome 5, 1819 - books.google.fr).

 

Gens

 

Le contexte romain supposé conduit à reconnaître dans "quels gens" les "gentes" ou familles nobles romaines.

 

Dans l'onomastique des Acilii Glabriones, à partir du milieu du IIe siècle, on trouve les noms Manliola et Faustina. En 193, Pertinax, siégeant au Sénat, s'entoure de Pompeianus, le gendre de Marc Aurèle, et de M. Acilius Glabrio : il serait tentant de supposer, à la fin du Ier ou au début du IIe siècle, une alliance entre ces Manlii et des proches parents des parents de Marc Aurèle, ce qui justifierait dans cette famille et chez ses descendants les noms Lucilla et Faustina, de même que le geste politique de Pertinax s'entourant de parents des Antonins (François Chausson, Cornelia Praetextata, Cahiers du Centre Gustave Glotz, Volume 7, 1990 - books.google.fr).

 

L'origine « vénusienne » des Acilii Glabriones est exprimée lorsque Pertinax propose de les porter à l'Empire après l'assassinat de Commode (193). Les Sulpicii et les Acilii appartenaient certes à la noblesse républicaine mais aucun document ne permet de penser qu'ils aient formulé ces prétentions dès la République.

 

La revendication d'une origine divine s'intégrait dans la stratégie de familles en ascension mais récentes ou déchues, particulièrement sous la République. Mais d'autres facteurs favorisaient l'émergence d'une telle prétention, spécialement sous l'Empire. À l'époque impériale, il est frappant de constater qu'elle survenait souvent lorsqu'une famille parvenait à l'Empire ou semblait sur le point de l'être (Christophe Badel, Généalogies divines et légitimité nobiliaire, Pouvoir et Religion dans le monde romain, 2006 - books.google.fr).

 

Bouc, Boucher

 

L'empereur Macrin (217-218) est surnommé Marcellinus (boucher) par un des auteurs de l'Histoire Auguste, Capitolin (Gaffiot).

 

L'empereur Galerius avoit été boucher (Gilbert Charles Le Gendre, Traité historique et critique de l'opinion, 1741 - books.google.fr).

 

Ce fut un prétorien tongrois du nom de Tausius qui tua l'empereur Pertinax, à la tête de son armée, d'un coup de hache dans la poitrine (193 après J.-C.). Enfin, Vopiscus raconte qu'une prêtresse tongroise prédit à Dioclétien, attablé dans une taverne à Tongres, qu'il monterait sur le trône impérial (François Driesen, J.L. Guioth, Recherches historiques sur Tongres et ses environs, 1851 - books.google.fr).

 

Le métier de boucher était l'un des plus importants de la ville de Tongres ; sa charte remontait au 6 avril 1399; elle fut renouvelée le 10 avril 1470 et en 1634. Les bouchers possédaient le droit exclusif de vendre les viandes ou de les saler dans la ville et banlieue: en revanche ils étaient astreints à plusieurs mesures de police. Ils étaient tenus de fournir leurs étaux des viandes nécessaires pour la consommation des bourgeois, et ces viandes devaient être de bonne qualité. S’ils étalaient des viandes gâtées ou provenant de bêtes malades ou de moutons galleux, ils perdaient le métier; ils ne pouvaient étaler de la viande de taureau ou de truie, sans y mettre une étiquette , avertissant Pacheteur de la nature de ces viandes. Les bouchers mariés osaient seuls abattre des bœufs ou autres fortsbestiaux; les jeunes gens devaient se contenter de tuer des moutons et des veaux (Antoine Francois Charles Thédore Perreau, Tongres et ses monuments, 1849 - books.google.fr).

 

Une fois empereur, Pertinax garde le train de vie plutôt simple qu'il menait avant de succéder à Commode. Une demi-laitue ou un pied de cardon, un peu de viande servie parcimonieusement (on met de côté ce qui n'est pas consommé, pour servir les restes aux invités du lendemain !) constituent l'ordinaire du Palais. Aimablement, Pertinax fait porter à ses amis absents, à des sénateurs (souvent plus gourmets que l'empereur) une cuisse de poulet, une part de tripes ou deux boulettes de viande hachée, en croyant leur faire plaisir. Mais cette frugalité plébéienne est plutôt mal vue (SHA P. 12, 2-6 ; DC 73, 3, 4) (Robert Turcan, Vivre à la cour des Césars: d'Auguste à Dioclétien (Ier-IIIe siècles ap. J.-C.), 1987 - books.google.fr).

 

XII. L'âge donnait à ce prince un air vénérable. Il avait la barbe longue, les cheveux frisés, beaucoup d'embonpoint, le ventre saillaz, lataille tout à fait impériale. Il était médiocrement éloquent, et plutôt agréable que bon. Il passa aussi pour n'avoir pas de franchise. Prodigue de belles paroles, il fut en réalité fort peu libéral ; il poussa, comme particulier, l'avarice jusqu'à faire servir à ses convives des moitiés de laitues et d'artichauts; et, à moins qu'il n'eût recu quelque pièce de gibier, neuf livres de viande, partagées en trois services, étaient tout ce qu'il offrait à ses amis, quel qu'en fût le nombre. Si l'envoi était plus considérable, il gardait le surplus pour le lendemain, ayant toujours beaucoup de convives. Empereur, il ne changea rien à sa manière de vivre dans le particulier. Voulait-il envoyer à quelqu'un de ses amis des mets de son dîner, c'étaient deux tranches de viande, ou un plat de tripes et quelquefois des aiguillettes de volaille. Jamais il ne mangea de faisan à sa table particulière ; jamais il n'en envoya à personne (Capitolin, Pertinax) (Les ecrivains de l'histoire auguste avec la traduction en francais, 1865 - books.google.fr).

 

Dans les fresques du zodiaque du Palais d'Arco à Mantoue, chaque fresque comporte deux médaillons, placés à droite et à gauche de l'archivolte. Ils figurent des empereurs romains et n'impliquent aucun rapport entre ces empereurs et le signe du zodiaque qui les domine ; sinon Auguste figurerait sous le Capricorne, signe sous lequel il fut conçu et qu'il donna à ses légions. L'artiste a suivi l'ordre chronologique des empereurs et celui du zodiaque. Ces personnages ne sortent pas non plus tels quels d'un recueil de médailles. Jacopo da Strada, né à Mantoue vers 1515, fit paraître à Lyon en 1553 un de ces recueils, Epitome Thesauri Antiquitatum etc. Il s'y qualifiait lui-même d'antiquaire, ce qui à l'époque voulait dire connaisseur et collectionneur d'antiquités et il assure que les originaux se voient dans ce  ce qu'il appelle modestement son musée. Il n'est pas impossible, il est même vraisemblable que l'auteur des fresques ait eu connaissance de ces pièces ou de certaines d'entre elles. Cependant ses médaillons diffèrent de ceux de Strada moins par les inscriptions, souvent identiques, que par le traitement des modèles. Il est vrai qu'on copie plus facilement une inscription qu'on ne reproduit une ressemblance. Le recueil d'Andrea Fulvio, Illustrium Imagines, paru à Rome en 15 17 et qui par sa date aurait pu servir de source aux fresques de Mantoue, s'en écarte davantage encore. Nous donnons en note les inscriptions qui entourent les médaillons sur les fresques [...] : du Capricorne : 1) « PERTINAX P CAES AVG » (Pertinax, empereur pendant 3 mois en 193 ; assassiné) ; 2) « AVIDIVS AVG COS III PP » (Avidius Cassius ; se proclama empereur en 175 ; assassiné 3 mois plus tard) (Guy de Tervarent, Les fresques zodiacales du palais d'Arco, Mededeelingen van de Afdeeling schoone kunsten, Volumes 45 à 46, 1963 - books.google.fr).

 

Le Zodiaque du Palais d'Arco fut peint vers les années 1520 à Mantoue alors sous la domination des Gonzague qui interviennent incidemment dans le Prieuré de Sion et dans l'élaboration du Tarot de Paris (nonagones.info - La Vraie Langue Celtique et les Travaux d’Hercule).

 

Capricieux est troduit en latin par "pervicax vel pertinax" (François Pomey, Le petit dictionaire royal françois latin, 1679 - books.google.fr).

 

La fontaine de Pérouse du XIIIème siècle est ornée entre autres d'un signe du zodiaque le Capricorne sous lequel un boucher égorge le cochon (c'est l'époque) (François Cattois, Architecture civile et domestique: au moyen âge et à la renaissance, Tome 2, 1864 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Avant Louis XIII, tout est organisé pour la Défense : défense du foyer seigneurial ou bourgeois, du château ou du bourg, rien pour l'attaque, au début de ce règne "La France présente encore le spectacle d'un sol hérissé de forteresses, villes et châteaux aux murs crénelés et flanqués de tours" derrière ses remparts se tient la nation armée et les milices subsisteront ainsi jusqu'au milieu du règne de Louis XIV à partir de quoi commença leur déclin. La création de l'armée permanente avait été due à Charles VII pour qui liquider les conséquences de la guerre de Cent Ans, mit sur pieds la cavalerie des Compagnies d'ordonnance (1445), l'infanterie des francs archers (1448) et un corps d'artillerie. Henri IV disposera d'un potentiel à peu près constant d'environ 15 000 hommes (dont 5 000 Suisses) mais à la bataille d'Ivry en 1590 ne met en oeuvre que six canons. C'est de Richelieu et de Louis XIII que datera une véritable armée permanente : ordonnance de 1629, 29 000 hommes (9 000 pour la Maison du Roi, 18 000 pour l'infanterie et 2 000 cavaliers). Le rôle du Seigneur dans la défense parcellaire du territoire a disparu. Une certaine aptitude de la noblesse au métier des armes est utilisée par le pouvoir pour la mettre au service de l'Etat par le biais de la hiérarchie militaire et, de ce fait, son rôle politique est terminé. Si [...] le nombre des militaires est encore restreint, il ne va pas tarder à croître rapidement et, sous Louis XIV, on arrivera à 300 000 soldats. Il faut faire remarquer que des premières années de la Guerre de Trente Ans (1635) jusqu'au traité de Paris (1763), la France n'a pratiquement pas cessé d'être en conflits avec l'un ou l'autre des pays voisins. Mais enfin, en 1790, les forces armées étaient revenues à environ 11 000 hommes (Pierre Eugène Leroy, Albert Babeau, 1835-1914: aspects de la vie et de l'oeuvre du grand historien, 1992 - books.google.fr).

 

L'accession du général Bonaparte au pouvoir en France semble couronner cette évolution.

 

Examinons dans l'ordre les différents types d'alliance dans lesquelles peut entrer le prince avec les conséquences respectives qui en découlent. Soit le prince est allié avec une force qui est la plus forte et qui désire dominer ; la question est alors la suivante : doit-il épouser complètement la logique de ses alliés et de quelle « distance » ou « indépendance » dispose-t-il à leur égard ? L'exemple-clé dans cette réponse n'est pas celui de la république mais de l'empire romain tel que Machiavel l'analyse au chapitre XIX du Prince. Sous l'empire, le conflit entre les grands et le peuple existe encore, mais une troisième force fait son apparition, celle de l'armée et c'est elle qui joue ici le rôle des grands et qui opprime le peuple. Quel choix devront donc faire les nouveaux empereurs ? Ils ont nécessairement besoin d'une force « alliée et amie » pour accéder au pouvoir lorsque celui-ci ne leur est pas conféré héréditairement. Or, l'armée et le peuple sont tous deux des forces puissantes et, comme elles sont antagonistes, il faut choisir l'une ou l'autre. Le choix stratégique du prince sera donc le suivant : « Les princes ne pouvant manquer d'être haïs par quelqu'un doivent d'abord s'efforcer de ne pas être haïs par les università et lorsqu'ils ne peuvent l'obtenir, ils doivent s'évertuer de toutes leurs forces de fuir la haine des università qui sont les plus puissantes ». Dans ces conditions, le seul choix stratégique de celui qui veut devenir empereur ne peut résider que dans une alliance avec l'armée, ce qui signifie que le prince sera lié par ses exigences et que ce lien ne sera pas une simple obligation mais une véritable contrainte.  Il ne pourra donc faire autrement qu'opprimer le peuple avec l'armée. Tout prince qui ferait un autre choix ne pourrait qu'être impitoyablement balayé par l'armée : c'est ce qui est arrivé à Pertinax et à Alexandre. La seule exception, dans ce schéma, est Marc-Aurèle et cela se comprend parce qu'il est un prince héréditaire et ne doit pas son accession au pouvoir à l'armée. Cela posé, il n'en reste pas moins tout d'abord qu'épouser les exigences d'une force contre l'autre présente l'inconvénient considérable d'être haï par celle qui est opprimée et qui est puissante et nombreuse. À défaut de craindre réellement une rébellion, le prince a tout à craindre d'une conspiration (Christian Lazzeri, La guerre intérieure et le gouvernement du prince chez Machiavel, Archives de philosophie, Volume 62, 1999 - books.google.fr).

 

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