Le roi de Perse Abbas Ier

Le roi de Perse Abbas Ier

 

I, 70

 

1608-1609

 

Pluie, faim, guerre en Perse non cessée :

La foy trop grande trahira le monarque :

Par là finie, en Gaule commencée :

Secret augure pour Ă  ung estre parque.

 

"estre parque"

 

Dans l'ode Parcus Deorum cultor (I, 34), Horace avoue d'abord son peu de religion: «Adorateur avare et peu assidu des dieux, je m'Ă©gare au souffle d'une sagesse insensĂ©e.» : Parcus Deorum cultor et infrequens, / Insanientis dĂąm sapientae / Consultus erro (v. 1). Nous ne saurions trop blâmer Horace, quand on songe aux Dieux, que rĂ©vĂ©raient les Romains. Cependant il aurait tout d'un coup changĂ© de croyance et de conduite, et reconnu le pouvoir de Jupiter, parce qu'il aurait Ă©tĂ© frappĂ© d'Ă©pouvante, en Ă©tant tĂ©moin d'un phĂ©nomène "naturel pourtant", celui d'un coup de tonnerre en temps serein (Augustin Bonnetty, Documents historiques sur la religion des Romains, Tome 2, 1871 - books.google.fr).

 

Cette interprétation est cohérente avec la "trop grande foy" dans le domaine de la croyance.

 

Dans sa lutte contre l'empire Perse, Alexandre le Grand conquiert la Syrie et la Palestine, dont Gaza.

 

Dans une lettre rapportĂ©e par Plutarque, Alexandre Ă©crit : "Nous trouvâmes aussi dans Gaza de grandes quantitĂ©s de myrrhe et d'encens. Me souvenant que jadis mon prĂ©cepteur LĂ©onidas me conseillait de l'Ă©conomiser, je lui ai fait adresser beaucoup d'encens avec ces mots : «Je t'envoie une abondante provision d'encens et de myrrhe afin que tu ne sois plus si avare envers les dieux»"

 

soit en latin : « Ad te thus myrrhamque abundĂ© transmisimus, ut cum deis parcus esse desinas Â»  (Georges Berton, Alexandre le Grand, 2018 - books.google.fr, Konrad Lykosthenes, Apophthegmata Ex Probatis Graecae Latinaeqve Lingvae Scriptoribvs, 1591 - books.google.fr, Plutarchus, Vitae, 1554 - books.google.fr).

 

Parthes et Gaulois

 

La multiplicité des allusions aux peuples du Moyen-Orient dans l'œuvre d'Horace peut surprendre; le mystère dont restent entourées ces populations, leurs richesses, leur puissance ne suffisent pas à expliquer la hantise du Parthe qui a remplacé à Rome, au temps d'Auguste, celle du Gaulois. Depuis le désastre de Carrhes en 53, au rythme des défaites et des victoires, l'image du Parthe qui se créé progressivement, laisse parfois percer (chez Ovide, Tite-Live, Pline) une certaine admiration pour ce peuple qui contrôle un territoire "grand comme l'Empire romain" et auquel Rome se heurte en Syrie et en Cilicie. La correspondance de Cicéron, gouverneur de Cilicie en 51, deux ans après Carrhes, montre que Rome n'envisage pas d'opération militaire dans la région; elle a besoin de commercer avec les Parthes, et préfère l'entente, qu'Auguste recherchera après les échecs de César et d'Antoine. Suétone loue la prudence de l'Empereur, Horace vante sa réussite.

 

Sauf les Satires, toutes les œuvres d'Horace mentionnent abondamment, sous le nom de «Mèdes», les Parthes, en raison non seulement de la conjoncture historique des années 23-8 av. J.C., mais du rôle symbolique que revêt pour Horace l'Etat arsacide. Par son obstination à affirmer son indépendance et son droit naturel d'exercer l'Empire sur les nations, celui-ci représente l'exemple par excellence de la perfidia - refus d'entrer dans les rapports de fides, selon lesquels Rome pense habituellement sa relation avec les autres peuples. Pareille prétention, sans interrompre les échanges économiques et culturels, crée à Horace, étant donné les cadres généraux de la pensée romaine, un problème théorique difficilement soluble (Les provinces hellénophones de l'empire romain: de Pompée au milieu du IIIe siècle ap. J.-C. : recueil bibliographique à partir des analyses du BAHR (1962 à 1974), 1986 - books.google.fr).

 

Fait symptomatique, les mille cavaliers gaulois de Crassus furent anĂ©antis par les Parthes : la uirtus occidentale succombait, une nouvelle manifestation de la barbarie s'imposait. La dispersion des survivants romains, soit dĂ©portĂ©s dans la rĂ©gion de Merv, soit passĂ©s au service des Hiong-nou et des Chinois, soit ralliĂ©s aux Parthes, les a engagĂ©s au cĹ“ur mĂŞme de l'Asie. Au cours des frĂ©quents contacts qu'ils eurent par la suite avec les Romains, les Parthes leur apparurent comme le symbole de l'Orient en mouvement, redoutable parce qu'insaisissable, avec ses hordes Ă  cheval, son besoin d'espace et de pillage, sa conception de la guerre si Ă©trangère Ă  la mentalitĂ© occidentale. DouĂ© d'ubiquitĂ© et d'invulnĂ©rabilitĂ©, rĂ©putĂ© d'une rare perfidie, le barbarus eques va dorĂ©navant hanter les esprits avec la mĂŞme insistance que le Germain (Yves Albert Dauge, Le barbare, 1981 - books.google.fr).

 

Au deuxième livre des Sermones, Horace, dans sa satire, dialoguant avec TrĂ©batius, reconnaĂ®t certaines de ses lacunes dans le domaine de l'Ă©popĂ©e en ces termes : "Je le voudrais, père excellent, mais je suis trahi par mes forces : il n'est pas donnĂ© Ă  tout homme de dĂ©crire les bataillons hĂ©rissĂ©s de longs javelots, les Gaulois expirant sous une pointe qui se brise, ou les blessures du Parthe tombant de cheval". L'allusion Ă  la "pointe qui se brise" dans les flancs des Gaulois renvoie, on le sait, Ă  une invention technique ingĂ©nieuse attribuĂ©e Ă  Marius et citĂ©e par Plutarque en ces termes : "On dit qu'en vue de ce combat (contre les Cimbres) Marius introduisit une innovation dans l'agencement du javelot : jusqu'alors la hampe de bois insĂ©rĂ©e dans le fer Ă©tait maintenue par deux rivets de fer; Marius en laissa un comme il Ă©tait, mais fit remplacer l'autre par une cheville de bois qui se brisait facilement. Grâce Ă  ce changement, le javelot tombant sur le bouclier d'un ennemi ne restait pas droit ; la cheville de bois se rompant, la hampe se courbait Ă  proximitĂ© du fer et traĂ®nait par terre, en restant attachĂ©e au bouclier par sa pointe tordue". Cette innovation prend place Ă  la veille de la bataille de Verceil, Ă  la fin du mois de juillet 101. Horace s'est trompĂ© dans sa citation en confondant Gaulois et Germains (Aquitania, Volumes 15 Ă  16, 1997 - books.google.fr).

 

Le roi des Galates, Amintas, allié d'Antoine, passa avant la bataille du côté d'Octave, futur Auguste, avec deux mille cavaliers. Les Galates descendaient d'une colonie gauloise qui s'était établie dans la Grande Phrygie. Il en est parlé dans la neuvième Ode du cinquième livre des Odes appelé Les Epodes écrite à l'époque de la bataille d'Actium (Quintus Horatius Flaccus, Oeuvres completes traduites en francais par Amar, Andrieux A. V. Arnault et precedees d'une etude sur Horace par Hippolyte Rigault, 1856 - books.google.fr).

 

Pacorus

 

L'ode VI du Livre III fut composée par Horace en 724 ou 725, peu de temps après les guerres civiles terminées par la défaite d'Antoine. Elle porte une teinte sombre, mais religieuse, et très morale.

 

Vers 5 - C'est parce que tu reconnois le pouvoir suprême des Dieux : On ne sauroit donner aux princes une plus belle leçon; elle est digne du christianisme : «Vous régnez sur la terre parce que Dieu est au-dessus de vous, et que vous relevez de sa puissance.» C'est cette maxime qui domine dans le chef-d'œuvre de la chaire, le Petit-Carême de Massillon. Voilà donc comment pensoit Horace, d'après les grands philosophes de l'antiquité. De quel front certains sophistes oseront-ils placer au-dessus des rois une autre chose, qu'ils appellent souveraineté du peuple, chimère inventée par les ambitieux pour faire des dupes et des victimes ? Vers 9 - Les soldats de Monèse et de Pacorus : Horace parle certainement ici de deux victoires que les Parthes avoient remportées sur les Romains, l'une sous la conduite de Monèse, et l'autre sous le commandement de Pacorus. Il attribue même les malheurs des Romains au mépris qu'ils avoient fait de la religion. C'est pourquoi il y a de l'apparence que l'une de ces victoires est la défaite de Crassus [à Carrhes en 53], qui marcha contre les Parthes, malgré tous les mauvais présages qui arrivèrent et dans Rome, et dans le camp, comme le rapporte Dion, livre XL. Mais la difficulté consiste à savoir si Crassus fut vaincu par Monèse, qui étoit un des principaux de la cour d'Orodès. Les historiens sont d'accord que ce fut Suréna qui défit Crassus. Il est vrai que comme Suréna n'est pas un nom propre, mais un nom de dignité, et qu'il signifie lieutenant de roi (car Monèse étoit le second personnage de l'empire), il y a de l'apparence que ce Suréna avoit nom Monèse : et ce passage d'Horace est très important, car c'est le seul de toute l'antiquité qui nous apprenne un point d'histoire si remarquable. La victoire que ce Monèse remporta sur les Romains lui fut funeste; car le roi Orodès, jaloux de sa gloire, le fit mourir bientôt après (Oeuvres Completes D'Horace, Tome I, traduit par Charles Batteux, commentaires par N.L. Achaintre, 1823 - books.google.fr).

 

Ce commentaire est en fait d'André Dacier, né le 6 avril 1651 à Castres et mort le 18 septembre 1722 à Paris, philologue et traducteur français (fr.wikipedia.org - André Dacier, Horace, Oeuvres, 1733 - books.google.fr).

 

Pacorus est le fils du roi des Parthes, Orodes qui, poussé par Labienus, agent de Brutus et de Cassius, lui ordonna de franchir l'Euphrate et de marcher contre la Syrie et la Palestine (42 avant J.- C.). Il s'était emparé, en l'an 40, de toute la Syrie jusqu'aux confins de l'Egypte, à l'exception de la ville de Tyr parce que les Parthes n'avaient pas de flotte. La Syrie entière étant conquise, Pacorus se dirigea vers la Palestine. Il suivit la côte, tandis que son général Barsapharnes marchait dans l'intérieur des terres. Les habitants de Sidon et de Ptolémaïs laissèrent prendre leurs villes par le prince parthe qui entra bientôt à Jérusalem. Il avait pris aussi Gaza (Henri Adrien Prévost de Longpérier, Mémoires sur la chronologie et l'iconographie des rois parthes arsacides, 1853 - books.google.fr).

 

Pacorus sera tué en 38 lors de la bataille de Cyrrhestica contre Publius Ventidius Bassus. Orode, son père, est assassiné l'année suivante par un autre de ses fils Phraate et successeur qui fera la paix avec Auguste (Edme Mentelle, Géographie ancienne, Tome 2, 1787 - books.google.fr).

 

Pacorus est encore un personnage de la pièce de Shakespeare Antoine et Cléopâtre (1623) et de celle de Corneille Suréna (1674) dans laquelle la ville de Séleucie est préférée à Hecatompylos, capitale de la Parthie, à l'emplacement, selon certains, d'Ispahan dont Abbas Ier fera la capitale de la Perse, mais celle-ci serait plutôt Aspadana (Pierre Corneille, Oeuvres, Tome 7, 1862 - books.google.fr).

 

"foi dans les traités"

 

ORODE demeura ainsi maître du Royaume des Parthes; mais tandis qu'il en jouissoit en paix, sous la foi des traitez faits avec les Romains, ausquels il fut toujours fidele, il se vit ataqué, l'an 54 avant J. C. par Crassus, qui entra sur les terres des Parthes, sans autre sujet que l'envie insatiable de s'enrichir du pillage d'un païs, qui passoit pour être extrêmement opulent. Orode, auquel il laissa le tems de se reconoître & d'assembler une armée, alla avec une partie sur les frontieres de l'Armenie, & envoya tre sous la conduite de Surena en Mesopotamie contre Crassus, qui s'étant laissé engager par un fourbe dans des deserts sabloneux, y fut ataqué par Surena, & y perdit son fils P. Crassus, avec un grand nombre de Romains. Il périt lui-même peu après à Carres, l'an 52 avant J. C. avec le reste de son armée, s'étant laissé conduire par de Crassus, un autre traître dans un marais. Surena fit couper la tête de Crassus & pour preuve de la victoire, il l'envoya à Orode. Il étoit alors en Armenie chez le Roi Artwasde, avec lequel il venoit de conclure la paix & le mariage de son fils Pacorus, avec une fille de ce Roi. Surena ne joüit pas long-tems du plaisir de sa victoire. Les services importans qu'il avoit rendus, & ses belles qualitez ne lui servirent de rien. Son maître jaloux de sa gloire, & du crédit qu'elle lui donoit , le fit mourir peu de tems après (Les genealogies historiques des rois, empereurs & c. Et de toutes les maisons souveraines qui ont subsisté jusqu'à present, Tome 1, 1736 - www.google.fr/books/edition).

 

Les Crassus, la richesse, les présages, la Gaule et la Perse

 

Quand l'avare Crassus, chef des troupes romaines,

Entreprit de dompter les Parthes dans leurs plaines (Corneille, Suréna).

 

Il est difficile d'imaginer une opposition plus frappante entre «l'avare Crassus», plus marchand parfois que capitaine, selon Plutarque, entre ce Romain superbe qui parle aux rois en maître, et ce sujet désintéressé, à qui son roi doit le trône, ce nouveau Nicomède, plus modeste, en face de cet autre Flaminius, et qui s'efforce aussi, mais avec respect et déférence, de rendre aux monarques asservis par Rome le sentiment de leur dignité, la conscience de leur indépendance (Félix Hémon, Théâtre de Pierre Corneille, Tome 4, 1887 - www.google.fr/books/edition).

 

Publius Licinius Crassus Dives est l'homonyme de son grand-père, Publius Licinius Crassus Dives, qui fut consul en 97 av. J.-C., censeur en 89 av. J.-C., Publius Crassus est le second fils de Marcus Licinius Crassus, le triumvir immensément riche. Le cognomen dives (riche en latin) laisse entendre que la famille était, d'ores et déjà, aisée.

 

En 59 av. J.-C., Publius apparaît dans les «Commentaires sur la Guerre des Gaules» sous la formule «le jeune Publius Crassus». Il est, quand les opérations débutent en mars 58 av. J.-C., l’un des légats qui secondent César. Fin 54 av. J.-C., il quitte définitivement la Gaule pour rejoindre son père Marcus, le triumvir, en Syrie avec mille cavaliers gaulois. Marcus veut, en attaquant les Parthes, gagner la gloire obtenue par ses collègues triumvirs, César et Pompée. Les Crassus traversent l’Euphrate en 53 av. J.-C. avec 30000 hommes et leurs cavaliers gaulois et tombent en juillet dans le piège tendu par les Parthes. C’est la bataille de Carrhes (aujourd’hui Harran). Dans la seconde phase des combats du premier jour, le 9 juin, Publius Crassus, piégé en menant une contre-attaque, est tué ou se suicide, comme son ami Censorinus qui était à ses côtés. Sa tête est alors plantée sur une pique et portée sous le regard de son père, qui suit son fils dans la mort le surlendemain (fr.wikipedia.org - Publius Crassus).

 

Cicéron fut nommé augure, fonction très recherchée et honorifique, à la place de Publius Crassus, le fils, mort dans la guerre des Parthes en 53 av . J.-C (Oltramare, Chrestomathie cicéronienne, 1858 - www.google.fr/books/edition).

 

Crassus Ă©toit parti de Rome, et mĂŞme de Brindes, au milieu de prĂ©tendus mauvais prĂ©sages, et chargĂ© des imprĂ©cations de plusieurs Romains. Il ne faisoit aucun cas de ces objets de la superstition populaire; et ce mĂ©pris lui nuisit. L'antiquitĂ© nous offre des exemples de gĂ©nĂ©raux aux affaires desquels une imbĂ©cile crĂ©dulitĂ© a fait beaucoup de tort. Ici c'est tout le contraire : Crassus, qui avoit pris soin d'Ă©clairer son esprit par les connoissances philosophiques, Ă©toit si intimement pĂ©nĂ©trĂ© de mĂ©pris pour tous ces signes imaginaires de la colère cĂ©leste, qu'il sembloit supposer que tout le monde pensoit comine lui. Ses soldats Ă©toient pourtant très susceptibles de ces craintes superstitieuses; et leur gĂ©nĂ©ral, n'y faisant aucune attention et n'apportant aucun remède au mal, laissa se rĂ©pandre et croĂ®tre Ă  l'excès dans son armĂ©e le dĂ©couragement et le dĂ©sespoir.

 

Cette attention lui eût été néanmoins d'autant plus nécessaire, que la guerre qu'il faisoit aux Parthes étoit constamment injuste; ce qui disposoit à croire que les dieux se déclaroient contre lui. Il n'avoit ni sujet légitime, ni ordre de qui que ce soit de les attaquer (Charles Rollin, Oeuvres complètes de Rollin, Volume 26, 1827 - www.google.fr/books/edition).

 

Typologie

 

Le report de 1608 sur la date pivot -53 donne -1714.

 

Epoque d'Amram, père de Moïse, qui épousa sa tante Yokebed (Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'histoire universelle sacrée et prophane, ecclésiastique et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1743, Tome 1, 1744 - www.google.fr/books/edition).

 

Le livre des Nombres, chapitre XXVI, verset 59, précise que Jocabed, l'épouse d'Amram, était la sœur de son père. Épouser sa tante sera interdit ultérieurement, après le départ d'Égypte (Hervé Taïeb, La Bible Plus Justement: La Bible Plus Justement (LBPJ), redécouvrir la Tora, 2017 - www.google.fr/books/edition).

 

Marcus Crassus Ă©tait fils d'un père qui avait Ă©tĂ© censeur et avait eu l'honneur du triomphe : mais il fut nourri en une petite maison avec deux autres siens frères, qui tous deux furent mariĂ©s du vivant mĂŞme de leurs père et mère, et mangeaient tous ensemble Ă  une mĂŞme table, ce qui semble avoir Ă©tĂ© cause principale pour laquelle, en son vivre ordinaire, il fut homme rĂ©glĂ© et bien ordonnĂ©, et Ă©tant l'un de ces deux frères dĂ©cĂ©dĂ©, il Ă©pousa sa femme, de laquelle il eut des enfans : car quant aux femmes il a toute sa vie Ă©tĂ© autant rĂ©formĂ© que nul autre Romain de son tems, combien que depuis, Ă©tant sur son âge, il fut accusĂ© d'avoir eu affaire avec une des religieuses de la dĂ©esse Vesta, nommĂ©e Licinia, et fut le dĂ©lateur qui en accusa Licinia un nommĂ© Plotinus : mais la cause de l'en faire soupçonner, fut qu'elle avait un beau jardin et lieu de plaisance, joignant les faubourgs de la ville, que Crassus dĂ©sirait avoir Ă  bon marchĂ©, et pour cette occasion Ă©tait toujours après Ă  lui faire la cour, ce qui le fit tomber en cette suspicion : mais, ayant semblĂ© aux juges que ce n'Ă©tait qu'avarice qui lui faisait faire, il fut absous Ă  pur et Ă  plein de l'inceste dont il Ă©tait mĂ©cru (soupçonnĂ©), et ne laissa jamais en paix la religieuse qu'il n'eĂ»t eu sa possession. Si disent les Romains qu'il n'y avait que ce seul vice d'avarice en Crassus, lequel offusquait plusieurs belles vertus qui Ă©taient en lui : mais, quant Ă  moi, il me semble que ce vice n'y Ă©tait pas seul, mais que, y Ă©tant le plus fort, il cachait et effaçait les autres (Plutarchus, Les vies des hommes illustres, Volume 5, traduit par Adamantios Koraès, 1825 - www.google.fr/books/edition).

 

A mettre en rapport avec l'affaire que plaida Lucius Licinius Crassus (1401-91 av. J.-C.), autre membre de la gens Licinia, en -114 au sujet de vestales, dont une Licinia, sa parente, qui auraient contevenu au devoir de chasteté de leur fonction (Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Tome 12 : Cer-Dan, 1855 - www.google.fr/books/edition).

 

Crassus est un cognomen de la gens Licinia (Marie-José Kardos, Topographie et poésie dans les Fastes d'Ovide, Aere perennius: en hommage à Hubert Zehnacker, 2006 - www.google.fr/books/edition).

 

Abbas Ier

 

Le rituel des Sacaea babyloniennes est connu par des auteurs grecs. La fĂŞte n'est pas sans analogie avec les Saturnales; et Cronos-Saturne est prĂ©cisĂ©ment un dieu qui, comme le roi Aun, a tuĂ© ses enfants Ă  mesure qu'ils venaient au monde. MaĂ®tres et serviteurs Ă©changeaient leurs rĂ´les. Un prisonnier condamnĂ© Ă  mort prenait les vĂŞtements du roi et pouvait user de ses concubines, ainsi que le fait Absalon Ă  la mort de David, affirmant ainsi ses droits au trĂ´ne (II Sam., XVI, 21-23). L'histoire de Shah Abbas (1586-1628) prouve Ă  quel point la croyance resta vivante : prĂ©venu par ses astrologues que l'annĂ©e 1591 lui serait malĂ©fique, il abdique et fait occuper le trĂ´ne trois jours durant par un «infidèle» qui est ensuite exĂ©cutĂ©, après avoir dĂ©chargĂ© le vrai roi de tout prĂ©sage dĂ©favorable (Marie Delcourt, ArchaĂŻsmes religieux dans les tragĂ©dies de SĂ©nèque. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 42, fasc.1, 1964 - orbi.uliege.be).

 

D'une superstition extrême, il prenait toujours conseil de ses astrologues. Della Valle rapporte qu'Abbâs alla camper à l'extérieur des murailles d'Ispahan jusqu'à ce que les auspices eussent déclare tel jour favorable à son entrée dans la ville. Sa foi aveugle dans les étoiles est à l'origine de sa curieuse abdication provisoire en 1591, l'astrologue de la cour l'ayant prévenu que la configuration des planètes menaçait l'occupant du trône, il fit nommer Châh un certain Yousouf, probablement un chrétien, jusqu'à ce que fût passée l'heure du danger. Yousouf couronné jouit de quatre jours de gloire; au cinquième, Abbâs le fit exécuter. Abbâs craignait pour sa vie; constamment, il changeait de chambre à coucher pour déjouer des tentatives de meurtre; et cependant il n'avait pas peur de se promener à cheval à travers la ville sans autre protection que celle d'un seul serviteur (Wilfrid Blunt, Ispahan, perle de la Perse, traduit par Robert Latour, 1967 - books.google.fr).

 

Abbas n’était pas exempt de la superstition des tems oĂą il vivait, et il n’hĂ©sita point Ă  adopter l'Ă©trange expĂ©dient qu’on lui prĂ©senta comme le seul moyen de dĂ©tourner ce funeste prĂ©sage. ll abdiqua le trĂ´ne, et l'on couronna un homme nommĂ© Yusoofee : les historiens persans ont soin de nous apprendre que ce mannequin Ă©tait un incroyant; peut-ĂŞtre Ă©tait-ce un chrĂ©tien. Pendant trois jours, si l'on en croit encore ces historiens, il jouit et de l’état de roi et mĂŞme du pouvoir royal, chose toutefois difficile Ă  croire. Cette comĂ©die cruelle finit comme on devait s’y attendre : Yusoofee fut mis Ă  mort; le dĂ©cret des astres fut rempli par ce sacrifice; Abbas remonta sur le trĂ´ne dans un tems d’heureux augure; et ses astrologues lui promirent un long et glorieux règne (Zubd ul Tuarikh, Ă©crit par un ministre du roi Abbas II nĂ© le 31 dĂ©cembre 1632, mort le 25 septembre 1666). Le premier grand Ă©vĂ©nement qui suivit cette scène extraordinaire dut confirmer le monarque dans la foi qu’il ajoutait Ă  leurs prĂ©dictions. Les Usbegs, conduits par Taleem Khan, neveu d’Abdulla, Ă©taient encore entrĂ©s dans le Khorassan; l’armĂ©e persane marcha sur eux avec tant de rapiditĂ© qu’ils ne purent Ă©viter une action : l’affaire eut lieu auprès d’HĂ©rat ; et le rĂ©sultat fut la dĂ©faite complète de ces barbares. Leur prince et leurs plus braves chefs, ainsi qu’une grande partie de leurs meilleures troupes, furent massacrĂ©s; le reste n’échappa au mĂŞme sort qu’en fuyant rapidement et repassant l'Oxus (John Malcolm, Histoire de la Perse, Tome 2, 1821 - books.google.fr).

 

En 1617, sous le règne de Chah Abbas, parut une comète extraordinaire, on lui attribua les ravages de la peste qui se produisit dans le Khorassan (Gazette médicale d'Orient, Volume 17, 1873 - books.google.fr).

 

Abbas Ier, dit le Grand (1571-1629), cinquième de la dynastie, dont la figure exemplaire inspirera Montesquieu dans L’Esprit des lois. MontĂ© sur le trĂ´ne Ă  17 ans, en 1588, l’arrière-petit-fils d’IsmaĂŻl Ier commence par signer un traitĂ© de paix dĂ©favorable avec l’ennemi hĂ©rĂ©ditaire ottoman auquel il cède l’ouest de l’AzerbaĂŻdjan, l’ArmĂ©nie, la GĂ©orgie et une partie du Kurdistan. Mais il prĂ©pare sa revanche. MĂ©thodiquement, il reconstitue son armĂ©e avec des gĂ©nĂ©raux chrĂ©tiens qui lui tĂ©moigneront une fidĂ©litĂ© Ă  toute Ă©preuve. Plus original encore : il charge deux catholiques anglais, les frères Shirley, d’instruire les troupes «à l’europĂ©enne». En 1602, c’est donc une armĂ©e iranienne profondĂ©ment rĂ©formĂ©e qui affronte de nouveau le gĂ©ant ottoman. Le succès est au bout du chemin : deux dĂ©cennies plus tard, le pays compte 4 millions de kilomètres carrĂ©s, soit un million de plus qu’à l’époque d’IsmaĂŻl Ier.

 

Ardent dĂ©fenseur de la tolĂ©rance religieuse, le chah Abbas couvre de bienfaits ces commerçants chrĂ©tiens qui, en retour, s’emploient Ă  tisser des liens avec l’Europe. Le rĂŞve du monarque ? Initier avec les puissances de l’Ouest une alliance de revers contre les Ottomans. Si ce plan audacieux ne voit jamais le jour, la Perse, comme on dit en Occident, devient peu Ă  peu une destination Ă  la mode. L’Espagne envoie un ambassadeur dès 1608, suivi par les Portugais, puis les Anglais – celui de France, arrĂŞtĂ© par les Ottomans, ne parviendra jamais Ă  bon port (Christèle Dedebant, Iran : deux rois pour un âge d’or Ă  Ispahan, 2018 - www.geo.fr).

 

Si "parque" fait penser aux Parques qui président à la destinée des hommes, on peut chercher un être qui commence sa vie en France ("Gaule") et la finit en Perse. Notons par exemple les pères capucins Pacifique de Provins (1588 - 1648), ambassadeur de Richelieu en 1627, Raphaël du Mans (né Jacques Dutertre, 1613-1696) arrivé en 1647 à Ispahan, supérieur, de 1650 à sa mort, de la mission fondée par les capucins français dans la capitale de la Perse en 1629, ou François Mathieu Châtelet de Beauchâteau, écrivain précoce né en 1645, qui s'enfuit en Angleterre pour disparaître après s'être embarqué pour la Perse.

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