Fuite de Marie de Médicis
Fuite de Marie de Médicis

 

I, 86

 

1620-1621

 

La grande royne quand se verra vaincue

Fera exces de masculin courraige,

Sur cheval, fleuve passera toute nue :

Suite par le fer : a foy fera oultraige.

 

Pierre Brind’Amour relie ce quatrain à un épisode de l’histoire antique de Rome. L’Etrusque Porsenna était venu assiégé Rome pour rétablir Tarquin, qui s’en était vu fermé les portes, alors qu’il était allé combattre les Ardéates. Clélie fut remise en otage avec d’autres jeunes femmes, par les Romains, au chef étrusque pour qu’il lève le siège. Trahissant la confiance de leurs gardes, Clélie et ses compagnes s’enfuirent alors qu’elles se baignaient dans le Tibre. Clélie se serait procurée un cheval pour traverser le fleuve[1]. Elles furent poursuivies sans succès.

 

Cependant Clélie n’était pas reine comme indiqué dans le quatrain. Aussi, gardant l’interprétation de Pierre Brind’Amour, je mettrai en rapport les histoires de Clélie et de Marie de Médicis qui toutes deux se sont enfuies. Comme Clélie, Marie de Médicis échappa à ses gardiens en faisant preuve de courage alors qu’elle était retenue à Blois. « La reine retrousse sa jupe, enjambe la fenêtre mais refuse de descendre normalement les quarante mètres qui la séparent de la rue. Au risque de se rompre le cou elle effectue la descente le dos à l’échelle.[2] Â»

Les partisans de la reine-mère qui s’est retranchée dans le château des Ponts-de-Cé et qui s’occupe activement de la mise en état de siège de la ville, sont facilement dispersés.

 

Marie de Médicis reprendra de l’influence sur son fils après la mort de Luynes en 1621. Elle fera entrer Richelieu au Conseil du roi pensant qu’il la servirait, mais il servira la France.

 

Femmes fortes

 

Le XVIIe siècle avait un goût prononcé pour les «femmes fortes» de l'Antiquité, qui constituaient des modèles importants au cours d'un siècle marqué par deux périodes de régence : Marie de Médicis et Anne d'Autriche, lors des minorités de Louis XIII et de Louis XIV (Mathieu Da Vinha, Raphaël Masson, Versailles: Histoire, Dictionnaire et Anthologie, 2015 - books.google.fr).

 

Nous pouvons encore voir en France, dans les musées et les châteaux, de nombreuses représentations de ‘femmes fortes’, qui sont de véritables iconographies du rayonnement du pouvoir politique des femmes : je mentionnerai ici les peintures de Rubens, Champaigne, Le Brun et Vouet qui illustrent les galeries de femmes héroïques au Louvre, au Palais Royal et à l’Hôtel de l’Arsenal, ainsi que la ‘salle des Judith’ au château d’Ancy le Franc. Dans les livres aussi, Grenaille produit une Gallerie de Femmes illustres en 1643, quatre ans avant La Gallerie des femmes fortes de Pierre Le Moyne où l’on trouve les ‘fortes juives’, ‘fortes Barbares’, ‘fortes Romaines’ et ‘fortes Chrestiennes’. Puget de la Serre publie deux ‘galeries’ féministes en 1645 et 1648, Jacqueline Guillaume Les dames illustres (1645). Jacques Du Bosc, dans son livre La Femme Héroïque (1645), compare des héros et des héroïnes. Toutes ces représentations ont une visée politique : il s’agit de montrer que des femmes exceptionnelles ont exercé le pouvoir dans le passé, et ainsi de légitimer l’exercice du pouvoir par des femmes contemporaines (Danielle Haase-Dubosc, De la ‘nature des femmes’ et de sa compatibilité avec l’exercice du pouvoir au XVIIe siècle, Les cahiers du CEDREF, Hors série 2, 1996 - journals.openedition.org).

 

Jacques Thuillier a souligné la parenté de Marie de Médicis avec les grandes héroïnes littéraires de l'époque. Tout, dans la rutilante série de 24 tableaux peints par Rubens pour la galerie Médicis, est placé sous le signe de l'extraordinaire. La politique s'efface devant le roman : illustre naissance, dons brillants, éducation parfaite (à laquelle président les dieux), mariage royal et naissance d'un dauphin, régence et triomphe militaire. Même les épisodes plus malheureux tiennent de l'aventure, et contribuent à grandir Marie. La «banquière» florentine devenue reine, puis régente de France, prend place dans la galerie des Femmes fortes de l'histoire, où se côtoient guerrières et grandes amoureuses, Judith et Cléopâtre, Lucrèce et Jeanne d'Arc (Promenades au Louvre: en compagnie d'écrivains, d'artistes et de critiques d'art, 2010 - books.google.fr).

 

Le personnage de Clélie, qui évoque quelque Amazone, est l'une de ces «femmes fortes» de l'histoire, si à la mode en France sous les régences de Marie de Médicis et d'Anne d'Autriche. Elle a inspiré à Madeleine de Scudéry un fameux et très long roman (1654-1661) (Eloge de la clarté: un courant artistique au temps de Mazarin, 1640-1660 : [exposition] : Dijon, Musée Magnin, 8 juin-27 septembre 1998, Le Mans, Musée de Tessé, 29 octobre-31 janvier 1999, 1998 - books.google.fr).

 

Acrostiche : LFSS

 

LF : Lauda foemina (femme remarquable) ; SS : senatus sententia (avis du Sénat) (Abréviations tirées du «Dictionnaire des Abréviations latines et italiennes» de A.Capelli - www.arretetonchar.fr).

 

La destruction du monument célébrant le Parlement fut ordonnée par Henri IV en 1605.

 

Cette démolition totale doit-elle être comprise comme la mise en scène du sacre de la monarchie absolue de droit divin sur le système désormais dépassé de la monarchie représentative, consentante et consensuelle, de la Renaissance. Soit dix années, entre 1595 et 1605, au cours desquelles s'affirme la prééminence de l'État du roi sur la république française et sur l'«État des États», un passage signalé également par la promotion de la place du surintendant des  finances sur celle du chancelier; promotion consacrée cette même année 1605 après l'échec de l'opposition de ce dernier à la création du droit annuel quelques mois plus tôt. À ces modifications importantes du système institutionnel de la monarchie – une monarchie «d'effets» davantage que «de justice» –, semble répondre une forme nouvelle d'appropriation de l'espace urbain qui, dans le temps même de la destruction du monument parlementaire, voit les prémices d'un urbanisme royal, personnel et conquérant, avec le début de construction d'une place royale, le projet d'une statue équestre du souverain commandée par Marie de Médicis et la réalisation, en 1606, d'un bas-relief de ce dernier à la porte de l'Hôtel de ville de Paris (Yann Lignereux, Les rois imaginaires, Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, 2018 - www.google.fr/books/edition).

 

Après la mort de Henri IV, Cosme II, grand-duc de Toscane, envoya à sa fille Marie de Médicis, sa veuve, un cheval de bronze modelé par Jean de Bologne et destiné d'abord à une statue équestre du grand-duc Ferdinand. Marie de Médicis résolut d'élever une statue à Henri IV sur le terreplein du Pont-Neuf; elle en posa la première pierre le 16 août 1614, et bientôt on y mit sur un piedestal le cheval de Jean de Bologne. Il resta longtemps sans cavalier, et la statue de Henri IV, quoique depuis un certain temps exéculée par le sculpteur Dupré, ne fut placée sur le cheval et inaugurée qu'en 1666 (F. Rittiez, Histoire du Palais de justice de Paris et du Parlement: 860-1789, 1863 - books.google.fr).

 

Pour Marie de Médicis, première bénéficiaire de l'affermissement du régime et de la dynastie des Bourbons, offrir à Paris la statue équestre d'Henri IV, c'était accomplir un geste de magnificence et de libéralité. [...] La finalité première du monument est d'exploiter la maîtrise technique et le prestige artistique florentins pour consolider l'image royale de Marie de Médicis (Colette Nativel, Henri IV, Art et pouvoir, 2018 - www.google.fr/books/edition).

 

C'était un peu sa statue, comme Clélie eu la sienne. 

 

Horace [Coclès] fut encore assez généreux pour prendre soin de faire mettre la statue de Clélie, suivant la délibération du Sénat, au haut de la rue Sacrée, auprès de la sienne, ayant cette triste consolation de voir que les marques de leur gloire étaient du moins en un même lieu (Clelie, histoire romaine. Par Mr de Scudery, gouuerneur de Nostre Dame de la Garde, Tome 10, 1661 - books.google.fr).

 

Les statues pédestres furent sans doute de très bonne heure estimées à Rome. Cependant l'origine des statues équestres est aussi fort ancienne : on en a même accordé l'honneur à des femmes, puisqu'il y en a une de Clélie, comme si ce n'était pas assez de l'avoir ornée de la toge (Pierre Paul Rubens, Théorie de la figure humaine (1600-1640), 2013 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Clélie, fille romaine donnée en otage à Porsenna lorsqu'il mit le siége devant Rome, vers l'an 507 avant J. C., pour rétablir les Tarquins sur le trône, se sauva et passa le Tibre à la nage, malgré les traits qu'on lui décochait. Porsenna, à qui on la renvoya, lui fit présent d'un cheval superbement équipé, et lui permit d'enmener avec elle, en s'en retournant, celles de ses compagnes qu'elle voudrait : elle choisit les plus jeunes. Le sénat lui fit ériger une statue équestre dans la place publique. Ce trait de Clélie, qui a l'air fabuleux, a été trop exalté; c'était un manque de foi; les Romains le reconnurent, et renvoyèrent la fugitive à Porsenna (Répertoire Universel Historique Biographique Des Femmes Célèbres Mortes Ou Vivantes, Tome 2, 1826 - books.google.fr).

 

Le report de 1620 sur la date pivot -507 donne -2634.

 

La première femme dont il soit fait mention dans les annales chinoises est l'impératrice Si-ling-chi, en 2,602. Chargée par son époux, Hoang-ti, d'examiner les vers à soie et de tirer parti de leur travail, elle fit ramasser une grande quantité de ces insectes, les soigna elle-même, puis trouva la meilleure manière de les élever, de dévider leur soie et d'en faire des étoffes sur lesquelles elle broda des fleurs et des oiseaux (Grosier, Hist. générale de la Chine, p. 24-27) (Louis-Auguste Martin, Histoire de la femme, sa condition politique, civile, morale et religieuse. Antiquité, Tome 1, 1862 - www.google.fr/books/edition).

 

Un ouvrage spécial, Hawaï-nan-Tze (IIe siècle avant notre ère), qui fait autorité pour tout ce qui concerne le ver à soie, donne une histoire complète de l'industrie de la soie en Chine; les assertions qu'il contient se trouvent corroborées et complétées par d'autres ouvrages historiques chinois, et ont été soigneusement comparées et rassemblées. Ce livre nous apprend que Te-ling-Shi, la femme de l'empereur Hoang-Te, selon d'autres documents sa fille Louit-Seu, s'occupait de la culture du ver à soie, vers l'an 2650 avant J.-C. On fabriquait avec ces vers des cordes pour instruments de musique, sans doute de la même manière dont actuellement encore on fait des lignes à pêcher avec des vers mûrs. Ceci donna à la susdite impératrice l'idée de dévider les cocons des vers à soie et d’en tisser les fils pour en faire des vétements. L'empereur s'intéressa vivement à cette découverte, et c'est à lui qu'on attribue l'invention de teindre les nouveaux tissus au moyen de couleurs végétales. Il doit avoir le premier porté un vètement teint en bleu, couleur du ciel, et en jaune, couleur de la terre. L'ingénieuse impératrice fut mise, après sa mort, au rang des divinités, et une constellation céleste lui fut consacrée sous le nom de Maisonnette de soie (Tsan-Fang) (O.N. Witt, Exposé historique du développement de l'industrie textile, Le Moniteur scientifique du docteur Quesneville, journal des sciences pures et appliquées, Volumes 33-34, 1889 - books.google.fr).



[1] Pierre Brind’Amour, « Les premières Centuries Â», Droz, 1996, p. 168

[2] André Castelot, « Marie de Médicis Â», Perrin, 1999, p. 166

nostradamus-centuries@laposte.net