Faust, Simon le Magicien, Semo Sancus et Hercule

Faust, Simon le Magicien, Semo Sancus et Hercule

 

I, 25

 

1575-1576

 

Perdu, trouvé, caché de si long siecle

Sera pasteur demi dieu honorĂ© :

Ains que la Lune acheve son grand siecle,

Par autres veux sera deshonoré.

 

Pour Pierre Brind'Amour, le demi dieu est Jésus Christ. D'une manière orthodoxe, ce n'est pas le cas, il est dieu complet (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

DĂ©couverte en 1574

 

Saint Justin et d'autres Pères assurent que l'on Ă©leva dans Rome une statue Ă  Simon le Magicien : ils ne sont point d'accord sur le temps. Saint IrĂ©nĂ©e et saint Cyrille de JĂ©rusalem disent qu'elle fut Ă©levĂ©e par ordre de l'empereur Claude, et par consĂ©quent après la mort de Simon. Saint Augustin, au contraire, dit que cette statue fut Ă©rigĂ©e Ă  la persuasion de Simon. Des critiques cĂ©lèbres ont cru qu'on avait pris une statue du dieu Semon Sangus pour une statue de Simon; voici le fondement de leur conjecture : On sait que les Romains, Ă  l'imitation des Sabins, adoraient un Semo Sancus qu'ils disaient ĂŞtre leur Hercule : on a mĂŞme trouvĂ© dans ces derniers temps une statue dans l'Ă®le du Tibre, oĂą saint Justin dit qu'Ă©tait celle de Simon. Cette statue porte cette inscription, assez approchants de celle que rapporte saint Justin : Semo Sanco (ou Sango) Deo fidio sacrum. Sex. Pompeius Sp. L. Col. Mussianus quinquennalis Decuria Bidentalis donum dedit.

 

Cette statue, trouvĂ©e sous le pontificat de GrĂ©goire XIII, en 1574, dans le lieu mĂŞme oĂą saint Justin dit qu'on avait Ă©levĂ© une statue Ă  Simon le Magicien, a donnĂ© lieu de croire que saint Justin avait confondu Semon avec Simon, surtout parce que les graveurs mettaient assez souvent un I pour un E; on trouve mĂŞme que ce SĂ©mon est quelquefois appelĂ© Sanctus aussi bien que Sancus, de sorte que l'inscription pouvait ĂŞtre telle que la rapporte saint Justin, et n'avoir rien de commun avec Simon le Magicien. On ne trouve dans les auteurs paĂŻens rien qui ait rapport Ă  cet Ă©vĂ©nement, ce qui ne serait guère possible s'il Ă©tait vrai : d'ailleurs, les Juifs Ă©taient odieux Ă  Claude, et le sĂ©nat persĂ©cutait les magiciens et les avait chassĂ©s de Rome. Enfin, il est certain qu'on n'accordait l'apothĂ©ose qu'aux empereurs et encore après leur mort : comment aurait-on fait de Simon le Magicien un Dieu pendant sa vie ?

 

Plusieurs auteurs du cinquième siècle ont rapportĂ© que Simon s'Ă©tant fait Ă©lever en l'air par deux dĂ©mons dans un chariot de feu fut prĂ©cipitĂ© par l'effet des prières de saint Pierre et de saint Paul, et qu'il mourut de sa chute. Mais ce fait est apocryphe; car, indĂ©pendamment de la difficultĂ© de le concilier avec la chronologie, il est certain que la chute de Simon, Ă  la prière de saint Pierre, Ă©tait un fait trop important pour avoir Ă©tĂ© ignorĂ© des chrĂ©tiens et pour n'avoir pas Ă©tĂ© employĂ© par les apologistes des premiers siècles : cependant saint Justin, saint IrĂ©nĂ©e, Tertullien, n'en parlent point, eux qui ont parlĂ© de sa statue. Les auteurs qui rapportent la chute de Simon ont peut-ĂŞtre appliquĂ© Ă  cet imposteur ce que SuĂ©tone rapporte d'un homme qui, sous NĂ©ron, se jeta en l’air et se brisa en tombant. Cette conjecture d'Ittigius n'est pas destituĂ©e de vraisemblance : une ancienne tradition portait que Simon volait (Dictionnaire des hĂ©rĂ©sies, des erreurs et des schismes, Volumes 11 Ă  12 de Première encyclopĂ©die thĂ©ologique, 1863 - books.google.fr).

 

Il s'agirait plutĂ´t d'un autel que d'une statue (fr.wikipedia.org - Semo Sancus).

 

Marc Antoine Muret (cf. quatrain I, 2)

 

L'antiquaire Giulio Giacoboni de Terni (1538, vers 1587) avait Ă©crit Ă  Marc Antoine Muret (1526 - 1585) en 1575 au sujet d'une inscription sur un autel dĂ©couvert en juillet 1574 sur l'Isola Tiberina, gravĂ©e plus tard par Piranesi, et conservĂ©e aujourd'hui au MusĂ©e du Vatican : SEMONI SANCO DEO FIDIO SACRVM. Justin Martyr y avait vu une allusion Ă  Simon le Mage, censĂ©e confirmer le texte du Nouveau Testament, hypothèse reprise par les catholiques contemporains lors de la redĂ©couverte de la pierre. Giacoboni demande Ă  Muret de rĂ©futer «horum insulsissimum hominum sententiam»; et Muret de dĂ©molir cette «stultitiam», Ă  grand renfort de citations de Tite-Live, d'Ovide, de Plutarque et d'autres, qui prouvent qu'il s'agit, non de Simon le Mage, mais du dieu romain, Semo Sancus.

 

On le consulte Ă©galement sur d'autres sculptures antiques. On avait trouvĂ© Ă  Arezzo en 1554 la fameuse Chimère de bronze antique, statue louĂ©e par Vasari, Cellini, et Michelangelo, transfĂ©rĂ©e depuis dans la collection des MĂ©dicis. En 1575 Muret reçoit une lettre de Johannes Bissonerius, professeur de droit Ă  Pavie et ami de Sigonio, avec transcription des lettres Ă©trusques gravĂ©es sur une patte de l'animal : Bissonerius n'y comprend rien, et Piero Vettori non plus, et l'on soumet le problème Ă  Muret. On le consulte Ă©galement sur la mĂ©trologie, sur la valeur du pied romain : voir sa rĂ©ponse (1579) Ă  une lettre du bibliothĂ©caire impĂ©rial Ă  Vienne, Hugo Bloot, oĂą il cite le livre de son ami Luca Peto, en compagnie duquel il est allĂ© examiner les monuments antiques qui conservent cette mesure romaine : Ostendit autem mihi cum alia vetustatis monumenta sane insignia, tum pedes duos æneos e terra erutos miræ antiquitatis. Eorum utrumque cum Colotiano contulimus. Il s'agit du fameux Ă©talon du pied romain conservĂ© dans la collection d'Angelo Colocci sur les pentes du Pincio. Dans la bibliothèque de Muret on relève d'autres ouvrages de mĂ©trologie, dont celui d'Agricola, et le commentaire de son ami, Elie Vinet, sur les manuels antiques de Priscianus et autres. S'il s'intĂ©resse aux poids et mesures, la numismatique ancienne ne le passionne pas moins, du moins en ce qui concerne l'usage des monnaies pour la comprĂ©hension de l'histoire romaine. Nous avons dĂ©jĂ  vu qu'il possède un livre de Panvinio sur les Fasti, bourrĂ© de monnaies gravĂ©es, ainsi que le livre de Fulvio Orsini (achetĂ© en 1581) sur les familles nommĂ©es sur les monnaies : dans une note caustique en marge de son exemplaire, Muret relève une erreur d'Orsini sur la gens Vipsania, et le traite de stultus (Marc Antoine Muret, un humaniste français en Italie, 2020 - books.google.fr).

 

Semo sancus

 

Dans la religion romaine, la sainteté du serment est, en principe, sous la garde du dieu suprême, Dius Fidius équivalant à Jupiter Lavis, et que l'Hercule Romain, tel qu'on le vénère à l'Ara Maxima sur le Marché aux Boeufs, est lui aussi une divinité de la bonne foi, prise à témoin dans les contrats on voit comment chez les Latins, les Sabins et les Ombriens, Semo Sancus a pu se confondre tantôt avec Jupiter, tantôt avec Hercule, et aussi former un être à part ayant une fonction semblable (Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio, 1877-1919 - dagr.univ-tlse2.fr, www.romanoimpero.com).

 

Les Anciens croyaient que Dius était un doublet de divuso et Semo une contraction de semihomo. Un personnage appelé Dius ou Semo ne serait pas un dieu, mais un demi-dieu, un génie, intermédiaire entre les dieux et les hommes, inférieur aux premiers, supérieur aux simples mortels. L'existence de plusieurs Semones dans la vieille religion romaine est certaine; Martianus Capella traduit ce mot par "èmitheoi" ; Fulgence, qui tient ses renseignements de Varron, cite parmi eux Priapus, Epona, Vertumnus. Les Latins adoraient en Semo Sancus le Semo par excellence, le Genius suprême le premier des Semones, comme en Jupiter le premier des dieux. D'étroits rapports unissaient Semo Sancus Dius Fidius et Jupiter. Une poésie de Properce est adressée à Hercule Sancus (Maurice Besnier, L'Ile Tibérine dans l'Antiquité, 1902 - books.google.fr).

 

Les traditions sabines disaient aussi que Semo Sancus, nommé encore Dius Fidius, le divin auteur de la race sabellienne, avait substitué aux sacrifices humains des rites purs de sang (Denys, Ant. Rom., l,58) (Victor Duruy, Histoire des romains depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'invasion des barbares par Victor Duruy: Des origines à la fin de la deuxième guerre punique, Tome 1, 1879 - books.google.fr).

 

Pasteur

 

Le Forum Boario, ainsi nommé parce qu’il sert aujourd’hui de marché aux bœufs, est situé vers le Tibre, entre le Mont Palatin et le Capitole. Là s’élevait jadis l’Ara Maxima, autel qui avait été érigé à Hercule en commémoration de la mort de Cacus que ce demi-Dieu tua, ainsi que nous l’apprend la mythologie, pour le punir de lui avoir volé ses bœufs. Dans ce forum fut trouvée la statue d’Hercule en bronze doré qui fut placée dans le musée du Capitole. L’arc de Septime-Sévère orne encore aujourd’hui cette place (Nouveau guide du voyageur en Italie, 1851 - books.google.fr).

 

L'Hercule du Forum Boarium, aussi connu sous le nom d'Hercule capitolin, est une statue en bronze doré découverte sur le site du Forum Boarium de la Rome antique, où les restes du temple qui lui était dédié ont été démolis sous le pontificat de Sixte IV (1471-84). En 1510, il est déjà inventorié dans le Palais des Conservateurs au Capitole où il est conservé. C'est sans doute la statue de culte mentionnée par Pline dans le temple circulaire, le temple d'Hercule Victor, qui était également été l'autel de plein air dédié à Hercule (fr.wikipedia.org - Hercule du Forum Boarium).

 

La statue d'Hercule du Forum Boarium avait peut-être été également dissimulée – selon une source, elle avait été trouvée dans une crypte, mais selon une autre source elle était dans le temple rond emilien, aujourd'hui perdu (c'était dans les années 1480, quand on ne notait pas avec soin le lieux des trouvailles) (Paula Landart, Sur les traces de Rome: Promenades à la recherche de la ville antique, 2015 - books.google.fr).

 

La lĂ©gende de l'Hercule pasteur, connue dĂ©jĂ  de StĂ©sichore, peut n'ĂŞtre qu'une interprĂ©tation des grandes migrations pastorales dont les navigateurs Grecs retrouvaient au vie siècle le souvenir vivant sur toutes les cĂ´tes de la MĂ©diterranĂ©e Occidentale. Il est remarquable que cette lĂ©gende du vol des bĹ“ufs se retrouve partout oĂą des envahisseurs indo-europĂ©ens pĂ©nĂ©trèrent chez les peuples du Sud : en Grèce, c'est Hermès, dieu du monde prĂ©achĂ©en, qui vole les bĹ“ufs solaires d'Apollon ; en Thessalie, XĂ©nophon a vu danser la "karpaia", danse mimĂ©tique figurant un vol de bĹ“ufs; mĂŞme lĂ©gende en Thrace; dans l'Inde, ce sont les Dasyus indigènes qui volent les troupeaux des Aryens (AndrĂ© Piganiol, Essai sur les origines de Rome, 1917 - books.google.fr).

 

Faust

 

L'association du personnage de Faust Ă  la lĂ©gende de Simon le Magicien ne date pas d'aujourd'hui, puisqu'elle figure dĂ©jĂ  dans le Faustbuch (1587), le premier ouvrage conservĂ© qui traite de la lĂ©gende du docteur Faust, très exactement au chapitre 52, quand le vieil hĂ´te du docteur Faust l'invite Ă  se repentir et Ă  sauver son âme, lui donnant comme modèle la conversion de Simon le Mage, après qu'il eut Ă©coutĂ© la prĂ©dication de l'apĂ´tre Philippe. L'hĂ´te de Faust (et, Ă  travers lui, l'auteur du Faustbuch) indique mĂŞme sa source, puisqu'il cite nommĂ©ment les Actes des apĂ´tres en son chapitre VIII :

 

Or çà, Messire, il n'est pas encore trop tard, si vous retournez en arrière et priez Dieu de vous accorder grâce et merci, ainsi que vous en voyez l'exemple dans les Actes des apĂ´tres, au chapitre huitième, de Simon en Samarie qui lui aussi avait dĂ©bauchĂ© grande multitude de gens, car on le tenait singulièrement pour un dieu, et on l'appelait «la puissance de Dieu» et «Simon Deus sanctus» ; mais quand il eut ouĂŻ la prĂ©dication de saint Philippe, il se fit baptiser, crut en Notre-Seigneur JĂ©sus-Christ et ne se sĂ©para plus ensuite de Philippe. Cette conduite est particulièrement glorifiĂ©e dans les Actes des apĂ´tres (L'Histoire du docteur Faust, 1587, trad, de JoĂ«l Lefèbvre, Paris- Lyon, 1977, p. 159)

 

La mention de la statue dédiée à Simon dans le discours qu'adresse à Faust son vieil hôte n'est pas le seul indice de la connaissance qu'avait l'auteur du Faustbuch de la tradition simonienne. C'est surtout l'intervention du personnage d'Hélène comme compagne de Simon dans un cas, de Faust dans l'autre, qui rend la dépendance indéniable. Présentée par Justin comme une ancienne prostituée, elle apparaît chez Irénée comme une réincarnation de l'Hélène de Troie - ce qu'elle est aussi dans le Faustbuch. [...]

 

Le personnage d'Hélène se retrouve aussi dans la tradition latine des Clémentines, mais sous le nom de Luna - sans doute par confusion des mots grecs "Elenè" et "selènè", proches l'un de l'autre aussi bien dans leur écriture que dans leur prononciation. En revanche, il est absent de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Cette Luna n'est pas présentée comme une prostituée rachetée, mais comme une co-disciple de l'hérésiarque Dosithée, avant qu'il ne devienne le chef de la secte. Bien évidement, la confusion avec l'Hélène de Troie, devenue caduque, n'a pas été conservée, et le sens du texte source (celui de l'écrit commun aux Homélies et aux Reconnaissances, et à travers lui celui d'Irénée) a été complètement transformé [...]

 

Comme le rĂ©dacteur du Faustbuch utilise le nom d'HĂ©lène, et non celui de Luna, et qu'il identifie très explicitement l'HĂ©lène compagne de Simon avec l'HĂ©lène de Troie, on peut affirmer avec une quasi-certitude - contre Palmer-More et JoĂ«l Lefebvre - que ce n'est pas Ă  cette tradition-lĂ  (celle des Reconnaissances latines) qu'il a empruntĂ© le personnage d'HĂ©lène, mais ou bien Ă  la tradition hĂ©rĂ©siologique, ou bien aux HomĂ©lies pseudo-clĂ©mentines, de langue grecque, dans lesquelles la compagne de Simon s'appelle bel et bien HĂ©lène :

 

Jean (le Baptiste) eut de même trente hommes responsables, répondant au compte du mois lunaire. Parmi eux, il y avait une femme, nommée Hélène [...]. Simon était pour Jean le premier et le plus éprouvé de ces trente; mais il ne devint pas chef après la mort de Jean [...]. (Quand Dosithée mourut), Simon, accompagné d'Hélène, entreprit alors un périple et jusqu'à présent, comme tu le vois, il soulève les foules. À ses dires, Hélène est elle-même descendue des plus hauts cieux jusque dans ce monde; elle est souveraine, en tant que substance mère de toute choses et Sagesse. C'est à cause d'elle, dit-il, que les Grecs et les barbares se sont fait la guerre, prenant l'image pour la réalité, car en fait Hélène était alors auprès du Dieu premier de tous...

 

Si la source des informations que le Faustbuch donne sur Simon le Magicien se trouve donc chez Justin, chez IrĂ©nĂ©e, chez Eusèbe et ses adaptateurs latins (tel Rufin d'AquilĂ©e), pourquoi donc faire appel Ă  la tradition clĂ©mentine (ou pĂ©trino-clĂ©mentine) sur Simon comme source du personnage de Faust ? C'est que certains des traits de caractère et certaines des anecdotes que le Faustbuch attribue Ă  Faust ne peuvent en aucun cas dĂ©river de Justin, d'IrĂ©nĂ©e et de la tradition historiographique ou hĂ©rĂ©siologique, mais des lĂ©gendes vĂ©hiculĂ©es par les Ă©crits hagiographiques et la tradition clĂ©mentine. Voici les parallèles que nous avons pu Ă©tablir entre le Faust du Faustbuch et le Simon du Roman clĂ©mentin ou celui des Actes de Pierre - dont la critique rĂ©cente tend Ă  situer la rĂ©daction après celle du Roman clĂ©mentin et sous son influence. [...]

 

Nous ne cherchons certes pas Ă  nier que Faust soit le vĂ©ritable patronyme du magicien, qu'il l'ait hĂ©ritĂ© de son père (le nom de Faust, le «poing», est très rĂ©pandu en Allemagne) ou qu'il s'agisse d'un sobriquet qu'on lui aurait attribuĂ© très tĂ´t dans sa vie. Mais nous soumettons au jugement de nos lecteurs l'hypothèse, dĂ©jĂ  ancienne, mais qui semble aujourd'hui complètement nĂ©gligĂ©e, que c'est lĂ  une des occasions de la confusion entre Faust et Simon, par l'intermĂ©diaire du personnage romanesque de Faustus. Rappelons brièvement nos arguments. Le Roman clĂ©mentin est l'origine principale du dĂ©veloppement de la lĂ©gende de Simon. Or, l'un des protagonistes de ce Roman, le vieillard père de ClĂ©ment, s'appelle prĂ©cisĂ©ment Faustus - du moins dans la version grecque des HomĂ©lies clĂ©mentines; dans la version latine, bien connue en Occident par la lĂ©gende dorĂ©e, il se nomme Faustinianus. Ce Faustus devient mĂŞme, par un Ă©trange concours de circonstances, un double de Simon : le diabolique magicien lui donne en effet son apparence pour qu'il puisse lui-mĂŞme Ă©chapper Ă  la police impĂ©riale qui le recherche. Mais, dans la version grecque des HomĂ©lies clĂ©mentines, Faustus ne recouvre pas sa vĂ©ritable apparence; il est simplement annoncĂ© que Pierre la lui rendra Ă  leur arrivĂ©e Ă  Antioche, un Ă©pisode qui ne figure pas dans le Roman originel. [...]

 

Quant à l'Hélène de Troie, la compagne de Simon, elle appartient peut-être elle aussi à la légende du Faust historique. En effet, il semble qu'elle figurait parmi les personnages illustres de la Grèce que le charlatan faisait apparaître devant un public médusé, sans doute grâce à une lanterne magique. C'est du moins ce dont témoigne Wolfgang Büttner, un disciple de Mélanchton, qui, dans la seconde édition de son Epitome Historiarum augmentée par Steinhart en 1596, mentionne la belle Hélène parmi les héros de la guerre de Troie que le magicien évoquait au cours de séances publiques. [...] Toutefois, comme ce témoignage est tardif, puisqu'il est postérieur à la publication du Faustbuch (1587), il doit être considéré avec prudence ; en effet, la première édition de l'Epitome historiarum, datée de 1576, ne mentionne pas Hélène parmi les héros évoqués (Bernard Pouderon, Faust, le Faustbuch et le Faustus Pseudo-Clémentin, ou la genèse d'un mythe. In: Revue des Études Grecques, tome 121, fascicule 1, Janvier-juin 2008 - www.persee.fr).

 

Dans les Explicationes Melanchthoniae, publiées par son disciple Chrisopher Pezelius à partir de 1594, il compare explicitement Johann Faust à Simon le magicien (Epiphania: études orientales, grecques et latines offertes à Aline Pourkier, 2008 - books.google.fr).

 

La transition vers le Faust-Buch est marquée par les récits de Christoph Rosshirt, chroniqueur de Nuremberg. Ces écrits, datant de 1570, racontent l'activité de Faust comme magicien et sorcier; dépassant l'anecdote, amplifiant le personnage, ils constituent déjà l'élaboration d'une légende, telle que nous la rencontrons par la suite dans le Livre de Faust (Hans Henning, La trilogie de Faust au seizième siècle et ses suites jusqu'à l'époque de Goethe, traduit par Paul Kessler, Faust, Cahiers de l'hermétisme, 1977 - books.google.fr).

 

A manuscript by Christoff Rosshirt contains six Faust stories, not to mention five detailed and hand-colored illustrations. In the fourth picture, the date 1575 is visible. In these vignettes, Faust develops on the way to becoming the central character in a set of tales soon to constitute an explicit narrative with a beginning, middle, and end. Although still relatively brief (thirty-six sides all told), Rosshirt's six stories represent the largest collection of Faust's adventures and pranks prior to the composition of the Fausthucher (J.M. Van Der Laan, Faust from cipher to sign and pious to profane, The Faustian Century: German Literature and Culture in the Age of Luther and Faustus, 2013 - books.google.fr).

 

"siècle" : cent ans

 

L’édition de 1555 des centuries porte "cycle" et celle de 1557 "siècle" (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Les histoires anciennes et modernes font mention de plusieurs femmes célèbres pour leur beauté jusqu'à l'âge de cent ans. Hélène avait près d'un siècle lorsque le siège de Troie commença (voyez Eusèbe et Lucien dans le dialogue qui a pour titre Le songe ou le coq); cependant Homère ne présente jamais cette princesse sans la parer de l'épithète de belle. Il y a plus, Hélène, après la mort de Paris, eut encore assez d'agrément pour inspirer de la passion à Déiphobe, son frère, qui l'épousa. Après qu'elle eut livré celui-ci aux Grecs qui le massacrèrent, elle fut reçue par Ménélas, son premier époux, avec tout l'empressement possible (Abbé du Clot, La sainte Bible vengée, tome II. Lyon et Paris, 1824) (Patrice Larroque, Examen critique des doctrines de la religion chrétienne, Tome 2, 1864 - books.google.fr).

 

Dans le système de Simon le Magicien, Ennoia est la première pensée de Dieu, mère de tout ce qui existe. Sujette à la métempsychose, esclave des lois et des formes du monde matériel, elle fut, dans ses migrations, l'objet d'ignominies toujours renouvelées de la part des esprits. Simon prétendait avoir retrouvé cette «première pensée de Dieu» dans une esclave, Hélène, qu'il avait rachetée à Tyr (Matter, I, 198-202) (Claudine Gothot-Mersch, La tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert, 1983 - books.google.fr).

 

He declared himself the “highest god.” He was always accompanied by a lady called Helena, who he said was the divine ennoia (notion), the power contained in the aion (age), who was also a charis (grace) and who made aion long for the women, so that anthropos was begotten (Carl Alfred Meier, Personality: The Individuation Process in Light of C.G. Jung's Typology, traduit par David N. Roscoe, 1995 - books.google.fr).

 

En grec "aiona" signifie siècle.

 

"grand cycle"

 

Quant au "grand cycle", la chronocratorie de 354 ans de la Lune court de 1533 à 1887, environ. Il existe un grand cycle pascal de 532 ans dans le calcul de la date de Pâques pour le calendrier julien.

 

Dans le calendrier julien, la sĂ©quence des dates de Pâques se rĂ©pète Ă  tous les 532 ans. Le nombre 532 = 19Ă—28 est le produit des nombres suivants : 19 (le cycle MĂ©tonique ou le cycle du nombre d’or) 28 (le cycle solaire).

 

C'est ce qu'on appelle la Période Dionysienne de 532 ans, qui ne diffère de la période de Victorius, que parce qu'elle roulait sur les calculs des Orientaux ou Alexandrins, qui étaient plus sûrs que ceux des Latins, que Victorius avait employés pour flatter les Romains (Dictionnaire de statistique religieuse et de l'art de vérifier les dates, 1851 - books.google.fr).

 

Le comput ecclésiastique de base a été élaboré par Denys le Petit en l’an 525 ap. J.-C. Par la suite, des tables de calcul améliorées ont été proposées par Dionyisius Exiguus (532 ap. J.-C.), et par Aloisius Lilius (an 1576). Les tables de Lilius ont été ensuite ajustées par Christopher Clavius. Depuis 1583, ce sont ces tables modifiées de Clavius qu’utilise le comput ecclésiastique. Tous les algorithmes de calcul de la date de Pâques sont basés sur ces dernières tables (lagrandehistoireducalendrier.wordpress.com).

 

La chronique d'Albéric de Trois-Fontaines (mort en 1241), dans le passage consacré à Lambert le Bègue ou le Begge, le définit comme «magister Leodiensis de S. Christophoro» et signale qu'il mourut en 1177. On remarquera le terme «magister» qui sous-entend, plus que un titre universitaire. [...] Sous sa forme correcte et complète, le comput de Lambert se compose de deux éléments distincts. Le premier occupe toujours une pleine page après le calendrier et figure sur un recto d'un feuillet. C'est une grille de 532 cases réparties sur 19 colonnes verticales et 28 lignes horizontales. La grille ou table est précédée d'une colonne donnant les lettres dominicales. Les cases représentent les années d'un cycle pascal complet (cycle de 532 ans, après lequel les dates de Pâques reviennent dans le même ordre, 532 étant le plus petit commun multiple de 28 et de 19, durée respective d'un cycle solaire et d'un cycle lunaire). Au sommet de la grille figure - ou devrait figurer - la date 1140. Celle-ci correspond à la date de la première case en haut à gauche, et marque le début d'un cycle pascal ou grand cycle de 532 ans, c.-à-d. d'une année ayant rang 1 à la fois dans le cycle lunaire (nombre d'or) et solaire (et aussi 1 comme concurrent). Les autres cases ne sont pas datées, mais sont datables. La première colonne correspond aux années 1140 à 1167, la deuxième débute en 1168 et ainsi de suite. Cette grille est perpétuelle, en ce sens qu'il suffit de substituer à la date de 1140 d'autres dates correspondant au début d'un grand cycle (c.-à-d. 76 et 608 après J.C. et, bien entendu, 457 av. J.C. pour la détermination des quantièmes de Pâques des 75 premières années de l'ère chrétienne) pour obtenir un calendrier pascal valable jusqu'à l'introduction du grégorien (Claudine Lemaire, Le comput de Lambert le Bègue, son interprétation et sa tradition. In: Scriptorium, Tome 34 n°1, 1980 - www.persee.fr).

 

Le grand cycle pascal de 532 ans qui avait recommencé en 1140 mourut de mort violente en 1582 et, officiellement, il ne fut pas remplacé (Jean Sonet, Le roman de Barlaam et Josephat, Volumes 9 à 11, 1952 - books.google.fr).

 

"autres veux" : "altera vota", autre mariage

 

votum : voeu, mariage (Gaffiot).

 

Le Pape Innocent III a dĂ©clarĂ© nettement que le Mariage de deux personnes infidelles, dont l'une se convertit Ă  la Foi, n'est resolu qu'en cas que la Partie Infidelle veĂĽille se retirer, ou qu'elle ne veĂĽille rester que cum injuria offensa Creatoris : extra, (ap. Quanto Cap Gaudemus. De divortiis). Il n'en seroit pas de mesme, si de deux Parties Fidelles, l'une venoit Ă  se pervertir & Ă  abandonner l'autre; car le Mariage ne subsisteroit pas moins après cet abandonnement ; & la Partie fidelle ne seroit pas pour cela en libertĂ© de passer ad altera vota. Cap. Quanto. De divortiis. La raison que le Pape Innocent III. donne de cette difference, c'est, dit il, que le Mariage de deux personnes fidelles devient indissoluble par la qualitĂ© de Sacrement, dont il a estĂ© une fois revestu : au lieu que le Mariage des Payens, qui n'a jamais estĂ© honorĂ© de cette qualitĂ©, peut estre rĂ©solu en faveur de la Partie qui a embrassĂ© la Foi de Jesus Christ (Jean Gerbais, TraitĂ© pacifique du pouvoir de l'Eglise et des princes sur les empeschemens du mariage, 1690 - books.google.fr).

 

Walther von der Vogelweide, (né vers ~1170, lieu de naissance inconnu - ~1230) est le poète lyrique allemand le plus célèbre du Moyen Âge. Il a systématiquement pris un parti opposé à celui du pape. Dans le second de ses trois «lais sur le Royaume», il a des mots très durs contre la politique d'Innocent III (1198-1216), sans doute à cause des événements de 1201, au plus fort de la lutte entre Philippe et le candidat du pape, Othon. Sous le règne d’Othon auquel il s'est rallié, dans son «lai de l'indignation» (Unmutston), il proteste contre la collecte d'argent d’Innocent III, celle-ci n'étant pas destinée, comme on l'a proclamé, à subventionner la Croisade, mais bien plutôt à agrandir le Palais du Latran en prévision du synode de 1215 (fr.wikipedia.org - Walther von der Vogelweide).

 

Das schwarze Buch figure dans un des Sprüche de Walther von der Vogelweide; il signifie un livre de sorcellerie et se rattache à la légende qui fit du pape Innocent III un nouveau Simon le magicien (Jean Georges Platon, Le Moyen âge, 1890 - books.google.fr, Anton Nagele, Das schwarze Buch, Zeitschrift für vergleichende literatur-geschichte und renaissance-litteratur, 1889 - books.google.fr).

 

Mariage avec la lune

 

Alexandre d'Abonotique avait de toutes pièces monté les mystères du serpent Glykon. Au troisième jour de leur célébration, le cérémonial s'achevait par l'évocation des amours de Séléné et d'Alexandre-Endymion. Du haut du ciel, une comparse déguisée en Lune venait embrasser le pseudo-Endymion couché au milieu du temple (Lucien, Alexandre ou le faux prophète 38-39). De son union avec Séléné, Alexandre avait eu une fille. Lorsqu'il la maria au sénateur Rutilianus, celui-ci, en croyant épouser la fille de la Lune, se persuada d'être devenu un habitant du ciel (Alexandre ou le faux prophète 35). L'anecdote fait sourire. Mais on s'étonne moins de ces noces lunaires d'un sexagénaire en charge de hautes fonctions si l'on songe aux précédents que constituent l'union d'Antiochos IV de Syrie avec l'Atargatis de Hiérapolis (Atargatis est ici identifiée à la Lune ; voir aussi Lucien, De dea Syria 32) ou la prédilection de Mâ-Bellone pour Sylla. Au Ier siècle après J.-C, la vie de Simon le Magicien offre un autre exemple du caractère divinisant du mariage lunaire. Après avoir étudié la sagesse et la magie en Égypte, il avait rencontré à Tyr une courtisane du nom d'Hélène et l'avait associée à ses pérégrinations. Le nom que porte cette femme n'est pas indifférent puisqu'Hélène en Égypte est identifiée à Aphrodite, Isis et Séléné. Simon la présentait à ses disciples comme la figure vivante de la "pammètôr ousia kai sophia" (Homélies Clémentines II, 25), quand lui-même se donnait pour la grande puissance de l'être divin ("dunamis megalè"). Les disciples tenaient cette Hélène pour la réincarnation de l'Hélène d'Homère. La hiérogamie lunaire de Caligula jointe à sa défense d'Hélène, qui ira jusqu'à vouloir détruire l'œuvre d'Homère (Suétone, Caligula 34, 3), trouvent donc d'étranges correspondances avec le récit des aventures de Simon. L'intérêt de C. Caesar pour la Lune s'accompagne d'activités nocturnes inquiétantes (Philon, Legatio ad Caium 103). La nuit est son domaine. Il subit l'influence de la pleine Lune dont le rôle dans le rituel magique est bien attesté. Il l'invoque, ce qui suggère que l'invoquant, il s'identifie à elle avec toutes les conséquences que cette identification implique. Il travaille et il réfléchit la nuit (Suétone, Caligula 53, 3). Insomniaque et visionnaire, il converse avec les fantômes (Suétone, Caligula 50, 7-8). Interlocuteur des démons, démon lui-même, le prince erre la nuit comme une ombre (Suétone, Caligula 50, 8); il court à ses débauches (Suétone, Caligula 11, 1), se livre à d'étranges cérémonies comme cette danse qu'il exécute devant trois personnages consulaires terrorisés (Suétone, Caligula 54, 3-4; Dion Cassius 59, 5, 5) ou ce spectacle inspiré par les Enfers prévu le jour de son assassinat (Suétone, Caligula 57, 10). Sa compagnie démoniaque le suit jusqu'à la mort et au-delà (Françoise Gury, Portrait de Caligula en magicien, Archéologie et histoire de l'art, religion, 2003 - books.google.fr).

 

Car cet homme qu'on avoit crĂ» perdu, ayant estĂ© trouvĂ©, sans doute comme endormi, ainsi qu'un autre Endymion, cachĂ© depuis long siecle, sans qu'on sceust ce qu'il Ă©toit devenu, non plus que s'il eust Ă©tĂ© fondu : il sera, selon toute apparence, pour ce sujet fait Pape. Or tout ainsi qu'Endymion fut jadis les delices de la Lune selon la Fable, tout de mĂŞme celui-ci que l'Oracle appelle pour ce sujet le grand Endymion, sera aussi les delices de l'Eglise, honorĂ© comme un demi-Dieu (La clef de Nostradamus, 1710 - books.google.fr).

 

Endymion est l'amant de Séléné (Luna chez les Latins), dont il a cinquante filles rattachées au calendrier de la Grèce antique, d'après les traditions de l'Élide. Elles présidaient aux cinquante mois du calendrier lunaire qui séparaient deux sessions de Jeux olympiques. La tombe d'Endymion se trouve à Olympie. Selon certaines traditions, Séléné obtient pour lui qu'il conserve sa beauté dans un sommeil éternel dans une grotte du mont Latmos en Carie (fr.wikipedia.org - Endymion).

 

Berger "enlevĂ© jusqu'Ă  l'Olympe, promu demi-dieu, Endymion n'aurait plus eu qu'Ă  se laisser vivre s'il n'avait Ă©tĂ© aussi beau Junon s'en Ă©tait aperçue et lui, bon garçon, consentit Ă  ce qu'on l'admĂ®t. Il allait tromper son bienfaiteur... RenvoyĂ© sur terre, on lui demanda de se faire oublier et de dormir. Alors, Endymion dormit sur des lits de mousse... et dans les bras de Diane qui de lui, dit-on, aurait eu... cinquante enfants ! Papa Zeus se fâcha. Une mĂ©tamorphose ne tuerait pas Endymion mais le condamnerait Ă  se tenir tranquille. Ainsi naquit la jacinthe bleue, l'endymion penchĂ©, couleur de la nuit, lourd du regret de ne plus ĂŞtre qu'une jacinthe !" (Francis Cover, Le jardin des femmes, 1961 - books.google.fr).

 

Ce même parallèle d'Abonotichos nous invite à rapporter à quelque liturgie de mystère la présence d'une femme, dans le rôle d'Hélène-Sélènè, à côté de Simon. Le P. Vincent parle d'une «liturgie» du culte de Koré et des Dioscures «où l'astrologie tient le rôle principal». On pourrait songer pour Samarie, comme on le fait pour Abonotichos, à quelque succédané des mystères d'Éleusis. Éleusis a eu des filiales officielles et des filiales dégradées comme à Abonotichos et nous savons qu'on se préoccupait en Samarie de la métropole des mystères. La statue de Koré trouvée dans le «stade» de Sébastiyeh et qui de la main droite porte une torche tandis que la gauche serre une grenade et des épis, est du type éleusinien; l'inscription funéraire de Naplouse publiée et commentée par Ph. Berger nous montre comment les espoirs des mystes d'Éleusis ont pénétré dans le culte de la déesse samaritaine. Néanmoins, à notre connaissance, la tradition simonienne n'a jamais poussé sa mystique ou sa gnose dans cette direction. On y allégorisait beaucoup sur la légende d'Hélène; les allégories sur la torche - la statue de Sébastiyeh nous permet maintenant de soupçonner leur source concrète — sont annexées à cette légende et ni les épis, symbole de naissance mystique, ni le rapt de Perséphone ne semblent jamais avoir inspiré les Simoniens. Toute leur attention est concentrée sur le cycle d'Hélène-Sélènè. Dans ces conditions, il serait imprudent de croire qu'ils ont plagié la grande initiation grecque. Mieux vaut encore imaginer quelque jeu de mystère inférieur, pratique magique en même temps, où la lune se manifesterait crûment. Le rôle d'une femme portant le nom mystique d'Hélène y est tout indiqué. Encore une fois, les mœurs des conventicules de magiciens, aussi bien et mieux que d'autres liturgies, expliquent la manière de la gnose samaritaine (Louis Cerfaux, Simon le Magicien à Samarie, Recherches de science religieuse, Volume 27, 1937 - books.google.fr).

 

Chariclée prend le nom de Séléné lorsqu'elle parvient à la fin du roman des Éthiopiques à retrouver la place qui lui était destinée dans la hiérarchie sacerdotale de Méroé. Dans le Décaméron comme dans les contes byzantins véhiculés par les marchands d'Orient dont Boccace s'inspire l'association des héroïnes au cycle de la lune suspend pour celles-ci l'assujettissement aux lois terrestres de la corruption et de la décadence, et leur assure une forme d'immortalité. Mais tandis alors que le symbole, lié dans le roman d'Héliodore au culte du Soleil, ne faisait qu'y renforcer la vocation idéalisante et métaphysique des aventures de son héroïne, dans le monde chrétien de Boccace au contraire il vient souligner la supériorité de la lune sur les étoiles dans leur influence respective sur le cours des événements humains. Cette victoire, conforme à la célébration médiévale de la reverdie printanière, est thématisée chez Boccace comme celle d'Éros sur les décrets de la Fortune. Elle consacre la possibilité du salut sur terre, par opposition à l'attente de la rédemption, et substitue au schéma vertical de la chute celui, anti-spirituel autant qu'anti-tragique, du renouveau (Anne Duprat, Histoire du captif: Un paradigme littéraire, de l'Antiquité au XVIIe siècle, 2023 - books.google.fr).

 

Les Éthiopiques est un roman grec d'HĂ©liodore d'Émèse (IIIe ou IVe siècle), divisĂ© en dix livres. L'Ĺ“uvre est parfois connue sous le titre ThĂ©agène et ChariclĂ©e. Le roman Ă©tait bien connu Ă  l'Ă©poque byzantine. Ă€ la Renaissance, il fut imprimĂ© pour la première fois Ă  Bâle en 1534, et fut traduit en français par Jacques Amyot en 1547, en anglais par Thomas Underdown en 1569. Son influence fut très grande aux XVIe et XVIIe siècles : il Ă©tait vu comme une Ĺ“uvre majeure de l'AntiquitĂ©, au mĂŞme titre que l’Iliade et l’OdyssĂ©e ou que l’ÉnĂ©ide de Virgile (fr.wikipedia.org - Les Ethiopiques (HĂ©liodore)).

 

L'Evangile des Simoniens, ou des disciples de Simon le Magicien, est marqué dans les Constitutions des Apôtres & dans la Préface des Canons Arabiques du Concile de Nicée. Ce dernier écrit nous apprend que les Simoniens avaient partagé leur Evangile en quatre tomes ou en quatre livres auxquels ils donnaient le nom des quatre angles du monde, ou des quatre gom's sur lesquels roulait toute la machine du monde. Les Constitutions Apostoliques nous disent que Simon, & Cleobius avoient composé plusieurs livres dangereux, sous le nom des anciens Patriarches, & des Apôtres, dans lesquels ils combattoient la création, la providence, le mariage, la génération, la loi, & les prophetes (Augustin Calmet, Commentaire litteral sur tous les livres de l'ancien et du nouveau testament, Evangile de saint Matthieu, 1715 - books.google.fr).

 

Ce sont les simoniens ou disciples de Simon le Magicien, les nicolaïtes, les saturniens, les marcionites, les encratites, les adamites, les hiéracites, et plus tard les manichéens, qui publièrent que le mariage était illicite et que le démon en était l'inventeur (Jacques Albin Simon Collin de Plancy, Légendes des sacrements, 1861 - books.google.fr).

 

Saturnin, Basilide, Carpocrate, avaient pris les leçons de Ménandre, disciple de Simon le Magicien. [...] Saturnin soutint le premier que le mariage était une conjonction impure et damnable (Histoire de l'Église par M. l'abbé Berault-Bercastel, Tome 1, 1809 - books.google.fr).

 

Acrostiche : PSAP, Psaphon

 

Le Colloquium heptaplomeres de abditis rerum sublimium arcanis ou Colloque entre sept savants qui sont de différents sentiments des secrets cachez des choses relevées est un ouvrage de Jean Bodin, probablement rédigé entre 1587 et 1593. Il présente un dialogue entre sept savants appartenant à trois religions différentes (judaïsme, christianisme et islam) sur les mérites respectifs de celles-ci. En raison de ses thèses audacieuses pour l'époque, le manuscrit a circulé de façon clandestine jusqu'à sa première édition partielle en 1841 et complète en 1857 (fr.wikipedia.org - Colloquium heptaplomeres).

 

Il n'y en a que trop dont la folie ou l'impieté ont esté telles de nonseulement se vouloit faire croire Dieux, mais encor entreprendre de Dieu du hault en bas des cieux, ainsi quautresfois les Geans. Comme aussy Heraclides le Pontique au rapport de Diogenes Laertius dans la vie de ce fourbe eut assez d'addresse pour corrompre les prêtresses pyhtiques afinn qu'elles publiassent qu'il estoit Dieu, avant faict mettre vn serpent dans vne machine auec laquelle il se fit enleuer en l'air, mais la tromperie fut descouuerte et fut reconneu non pas pour ce qu'il vouloit estre mais pour ce qu'il estoit. Ainsi que Psafon l'Africain qui auoit instruict de petits oyseaux a prononcer ces parolles, Psaphon est Dieu, et puis les laissoit enuoller. Mais Symon Magus le Samaritain les a surpassez tous par le bruict de ses prodiges et de ses miracles, ayant non seulement ressuscité des morts, mais luy mesme s'estant faict couper par morceaux ressuscita le troisiesme jour (Roger Chauviré, Colloque de Jean Bodin des secrets cache des choses sublimen entre sept sçauans qui sont de differens sentimens, 1914 - books.google.fr).

 

Simon le Magicien par ses prodiges obtint du Sénat Romain une statue avec l'inscription Symoni Deo (folios 482-499). Comment dès lors distinguer le vrai miracle des faux, en un siècle où l'on ignorait la critique, et la divinité de Jésus de celle des imposteurs, quand ses contemporains faisaient couramment descendre les dieux et les déesses du ciel en terre et naître des héros des déesses et des dieux. Salomon nie aussi que les prophéties messianiques aient trait au Messie, mais on n'insiste pas. Puis après avoir ainsi récusé les arguments scripturaires et extrinsèques Bodin s'attaque à la personne même de Jésus-Christ. Ce ne fut pas un Dieu, nous dit-il, celui qui fut «obsedé du demon d'une si estrange sorte», qui fut ignorant au point de dire à ses apôtres que le Saint-Esprit leur enseignerait toutes choses (Henri Busson, Les sources et le développement du rationalisme dans la littérature française de la renaissance (1533-1601), Tome 1, 1922 - books.google.fr).

 

On retrouve le rapprochement de Simon le Magicien avec un Libyen, que l'on identifie Ă  Psaphon par ailleurs, chez Hippolyte de Rome, thĂ©ologien et premier antipape :

 

Après s'être joué d'une multitude de gens en pratiquant l'art de Thrasymède, de la manière que nous avons expliquée plus haut, et après avoir également accompli des œuvres mauvaises avec l'aide des démons, Simon tenta de faire de lui-même un dieu. C'était un charlatan, plein d'un fol orgueil, qui fut confondu par les apôtres, comme le rapportent les Actes (VIII, 9-24). Dans son désir de se faire passer pour un dieu, Apséthos le Libyen avait tenté dans sa patrie une entreprise pareille, mais avec beaucoup plus de sagesse et de mesure que Simon (Philosophumena, Livre VI).

 

Maxime de Tyr (Diss. XXXV de l'édition Duebner, XXIX de l'édition Hobein, coll. Teubner) rapporte un fait semblable d'un certain Psaphon, Libyen lui aussi. Ce Psaphon est sans doute le même personnage, réel ou légendaire, qu'Apséthos (A. Siouville, Philosophumena ou Réfutation de toutes les hérésies d'Hippolyte, Tome 1, 1928 - books.google.fr).

nostradamus-centuries@laposte.net