Sigismond et Amurat

Sigismond et Amurat

 

I, 52

 

1595-1596

 

Les deux malins de Scorpion conjoints,

Le grand seigneur meurtri dedans sa salle :

Peste Ă  l'eglise : par le nouveau roy joint

L'Europe basse & Septentrionale.

 

Conjonction Mars-Saturne, planètes malignes, au Scorpion

 

Pour la période qui nous occupe : conjonction de Mars et Saturne du 12 décembre 1543 au 30 janvier 1544; du 31 juillet au 8 septembre 1572 ; du 14 au 27 octobre 1600 (www.astro.com - 1544, www.astro.com - 1572, https://www.astro.com - 1600).

 

L'influence nocive de Saturne et de Mars étant établie, vous pouvez affirmer que c'est la conjonction de Saturne et de Jupiter, le 25 novembre 1484, dans le signe du Scorpion et dans «la maison» de Mars qui a déterminé l'irruption du "mal français" (syphilis) (J. Lucas Dubreton, Le monde enchanté de la Renaissance: Jérôme Cardan l'Halluciné, 1954 - books.google.fr).

 

Saturne et Mars se conjoignent bien à 9° du signe tropique du Scorpion, mais cela se produit à la fin novembre 1483 et non en 1485 (Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France: formation et fortune, Tome 2, 1999 - books.google.fr).

 

Nicholas Grimald prefixed four copies of verses to Turner's Preseruatiue or triacle agaynst the poyson of Pelagius, 1551. (Bodl. 8vo. T. 29. Th. Seld.). The first in Latin addressed to Hugh Latimer, the second in the same language to Turner, and the last to the reader in English, beginning Lyke as in tyme of Goddes reuengyng wrath, When fyry Mars when Saturn colde and drye Wyth soone in scorpion conspyrid hathe, And from the south vnholsoone breathis do flye, &c. It is asserted by Mr. Steevens that he died about the year 1563 (Athenae Oxonienses: An Exact History of All the Writers and Bishops who Have Had Their Education in the University of Oxford, Volume 1, 1813 - books.google.fr).

 

Selon Cambden, il y aurait eu conjonction de Saturne et Mars en 1551 à l'occasion d'une épidémie de suette (sueur anglaise), ce que conteste Joshua Childrey, disant que trois conjonctions de ces planètes eurent lieu en 1542 (Joshua Childrey, Histoire des Singularitéz naturelles, d'Angleterre, 1667 - books.google.fr).

 

C'est au cours de son séjour à Prague, après la mort de Tycho Brahé survenue en octobre 1601, que Kepler, désormais «mathematicus impérial» de Rodolphe II auquel Mathias succédera en 1612, observa la nova de 1604.

 

A la fin de l'année 1603 (17 décembre), Kepler signala la conjonction de Jupiter et de Saturne, complétée par Mars au printemps suivant; dans l'automne de la même année, un corps céleste, inconnu jusqu'alors, apparut dans la proximité de Jupiter et de Saturne, au S.-E. du Scorpion; il cessa d'être aperçu en mars 1606. Keppler rechercha si un phénomène analogue n'avait pas pu se produire vers l'époque de la naissance du Christ. Ses calculs l'amenèrent à reconnaître qu'une conjonction semblable avait eu lfeu vers l'an 748. Il supposa qu'un corps céleste du genre de celui qu'il avait observé avait pu apparaître à la même date. Or, par une coïncidence très remarquable, les tables chronologiques de la Chine portent qu'un astre, qui ne fut visible que pendant soixante et dix jours, fut signalé vers l'an 748. Il est vrai que Jésus-Christ n'est né qu'en l'an 750, mais le texte évangélique montre clairement que l'astre a dû paraître deux ans auparavant, puisque Hérode fait tuer les enfants de cet âge,après s'être enquis exactement du temps ou l'étoile avait apparu (Edmond de Pressensé, Jésus-Christ, son temps, sa vie, son oeuvre, 1866 - books.google.fr).

 

Kepler devait, comme astronome impérial, demeurer attentif aux événements qui survenaient dans le ciel. Il écrivit, en 1606, une longue dissertation sur une étoile apparue dans la constellation du Serpent, et qui, après avoir brillé d'un éclat supérieur à celui de Jupiter, disparut bientôt sans retour. Ce phénomène curieux, mais non sans exemple, causa une grande émotion, "Si l'on me demande: Qu'adviendra-t-il, que présage cette apparition? Je répondrai sans hésiter, dit Kepler : Avant tout, une nuée d'écrits, publiés par de nombreux auteurs, et beaucoup de travail pour les imprimeurs. Si l'on se plaint, ajoute-t-il, que ma dissertation glisse trop légèrement sur les conséquences théologiques et politiques, je répondrai que ma charge m'oblige, selon mes forces, à perfectionner l'astronomie, et non à remplir l'office de prophète public. J'en suis fort aise : si j'avais à parler librement de tout ce qui se passe en Europe et dans l'Église, je serais fort exposé à choquer tout le monde, car, comme dit Horace: Iliacos intra muros peccatur et extra." On ne devinerait pas, en lisant ces lignes, qu'elles sont écrites en 1606 ! (M. Bertrand, Notice sur Kepler, Le moniteur scientifique: journal des sciences pures et appliquées, Tome 6, 1864 - books.google.fr).

 

Kepler as the massing of planets that occurred shortly afterwards when Mars joined Jupiter and Saturn in the sky. In September and early October 1604 the three planets were very close together (within about 8 degrees), the whole group being at the edge of Scorpio and Sagittarius, and not in Pisces (David Hughes, The Star of Bethlehem Mystery, 1979 - books.google.fr, Edgar Leoni, Nostradamus and His Prophecies (1965), 2013 - books.google.fr).

 

L'"Europe basse et Septentrionale" : Constantinople et Scandinavie

 

"Europe basse" reste mystérieux. On a "basses Allemaignes" au quatrain X, 61.

 

Au XIXème siècle cela peut désigner la Russie et ses alentours (Frédéric de Rougemont, Ulysse Guinand) (Frédéric-Constant de Rougemont, Précis de géographie comparée, 1831 - books.google.fr, Ulysse Guinand, Esquisse de la Terre: suivie de descriptions de la Suisse et de la Palestine, 1837 - books.google.fr).

 

Alexander von Humbolt dit que l'Oural sépare la Basse Europe de la Basse Asie (Alexander von Humboldt, Ansichten der Natur: mit wissenschaftlichen Erläuterungen, Tomes 1 à 2, 1849 - books.google.fr).

 

A partir d'un passage de La Moselle d'Ausone, Jacob Tollius (Rhenen, 1633 - Utrecht, 1696), philologue et alchimiste néerlandais, déclare que la contrée de la Thrace où était Constantinople se nommait Europa minor au temps de Constantin (Henri de La Ville de Mirmont, Ile Barbe, 1918 - books.google.fr).

 

Les principales éditions d'Ausone sont celles de J. Scaliger (Leyde, 1575), de Tollius (Amsterdam, 1669 et 1671), de Souchay (Paris, 1730) (Encyclopédie Des Gens Du Monde, Répertoire Universel Des Sciences, Des Lettres Et Des Arts, Tome 2, 1833 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Jacobus Tollius).

 

Armenia minor : la basse Armenie, l'Armenie mineure (Dictionaire nouveau francois-latin (et latin francois), Tome 2, 1693 - books.google.fr).

 

Bassa (pacha) dignité turque : gouverneur de province, pour rappel de "grand seigneur" (Jean de La Fontaine, Fables, présenté par Yves Le Pestipon, 1995 - books.google.fr).

 

"Le grand Seigneur"

 

Le grand seigneur. L'empereur des Turcs. Synonyme de sultan. Dans la religion mahomĂ©tane, les chefs de l'État se disent les descendants du prophète : tel est le grand-seigneur chez les Turcs, le sofi de Perse, le grand-mogol (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p. 297). Pascal dans ses PensĂ©es dit qu'il faudrait avoir une raison bien Ă©purĂ©e pour regarder comme un autre homme le grand Seigneur environnĂ© dans son superbe sĂ©rail de quarante mille janissaires (Mauriac,Journal 2,1937, p. 196) (www.cnrtl.fr - seigneur).

 

Articles accordez par le Grand Seigneur en faveur du Roy & de ses subjects, a mesire Claude Du Bourg... pour la liberté & seureté du trafficq, commerce & passage es païs & mers de Levant. A Paris. Chez Jean de Bordeaux. 1570 (Traités internationaux de l'Ancien Régime: éditions isolées et recueils conservés à la Bibliothèque nationale de France : catalogue, 1997 - books.google.fr, Articles accordez par le Grand Seigneur en faveur du Roy & de ses subjects: a mesire Claude Du Bourg ... pour la liberté & seureté du trafficq, commerce & passage es païs & mers de Levant, traduit par Dominico Olivery, 1570 - books.google.fr).

 

La conjonction de 1544

 

Amurat III, né en 1544, succéda (1575) à son père Sélim II, fit étrangler ses cinq frères, dont le plus âgé n'avait pas 8 ans (Biographie portative universelle, 1851 - books.google.fr).

 

Amurat mit sur le trône valaque Michel le Brave à la place du tyran Alexandre Ivan dont se plaignaient des députés venus à Constantinople. Michel le Brave se retournera contre les Turcs après la mort d'Amurat.

 

Ce fut là le dernier acte de fouveraineté d'Amurat. La fievre qui le consumoit le mit bientôt au tombeau; il mourut dans le haram entre les bras du premier Eunuque noir, au mois de Janvier 1595, après avoir vécu cinquante ans & quelques mois, & en avoir regné vingt (Vincent Mignot, Histoire de l'Empire Ottoman, depuis son origine jusqu'à la paix de Belgrade en 1740, 1771 - books.google.fr).

 

Aujourd'hui on le fait naître en 1546 (fr.wikipedia.org - Mourad III).

 

"Peste" et "nouveau Roi" : le cacatholique Sigismond Wasa chassé de Suède

 

C'est en ce temps, en l'an 1590, que les Moscouites recouurerent presques tout le pays que les Suedois leur auoyent pris, pendant la guerre de Pologne, & afin que les Polonnois ne vinsent au secours des Suedes, ietterent les Turcs & Tartares dans la Pologne. Le Roy Jean de Suede mourut l'an 1592. Prince lettrĂ©, & de bon esprit, mais trop indulgent Ă  la femme Catherine de Pologne, laissant son fils Sigisinond, son successeur au Royaume de Suede. Mais Sigismond ayant eu Ă  grand peine leur permission des Polonnois, de venir en Suede, pour se mettre en possession du Royaume, & ayant demeurĂ© plusieurs iours Ă  Dantzic, finalement, apres auoir estĂ© secouĂ© de diuerses tempestes, arriua en Suede : OĂą il iura folemnellement de conseruer les priuileges du Royaume, & ne souffrir autre religion que la Protestante, de ne rien accorder aux Catholiques : & fut couronnĂ© Roy le 19 Feburier 1594. Sigismond donc estant Roy de Suede, sous ces conditions, mais nourri par sa mere en la religion Romaine, dont il a tousiours fait profession, monstra son affection au parti Papiste, permettant que quelque temples fussent ostez aux Lutheriens en PrĂĽsse, par les Euesques, & commandant Ă  ceux de Dantzic, de laisser aux Papistes l'Eglise noftre Dame, ce qui donna grand grand ombrage aux Suedois. Charles son Oncle, fils du Roy Gustaue, conuoque les Estats Oncle de du Royaume en Suede, le 18 Feburier 1597; & prend le titre de gouuerneur du Royaume de Suede. Ce que Sigismond scachant, il defend toute assemblee des Estats en son absence : mais Charles ne s'en souciant, continue d'assembler les Estats, se saisit des principales forteresses, & soustient qu'il le peut faire par les loix du Royaume. Bref il dispose de toute la Suede Ă  sa volontĂ©, dont Sigismond ayant eu aduis, vient en Suede le 18 Iuillet 1599. & apres quelques rencontres avec les troupes de Charles, fut fait quelque accord, lequel ne dura pas longtemps. Car Charles portant le nom de Duc de Suede assiegea Calmar, pendant l'hyuer, & l'ayant contraint par la famine de se rendre, s'en saisir le 12 May, conuoque les estats esquels Sigismond est declarĂ© decheu du Royaume de Suede, & les Finlandois, voulans tenir le parti de Sigismond, sont assaillis & vaincus en Novembre, apres quoy, Charles retourna en Suede, d'oĂą il sortit l'an 1601 pour se saisir de la Liuonie, & n'y ayant eu du meillieur, quoy qu'aidĂ© par les Estats de Hollande, fut contraint de se retirer en ses garnisons. Voila donc le Royaume de Suede en interregne, Charles n'ayant point le nom de Roy, mais l'estant en effet, & gouuernant si bien la Republique, que le histoires estrangeres disent d'vn accord, que tous ont admirĂ© ce Prince & Capitaine de Suede, qui pour soustenir les droits du Royaume, a souffert tant de trauaux, donnĂ© & receu tant de batailles, & nonobstant plusieurs disgraces receuĂ«s des Danois, Polonois & Moscouites, est demeurĂ© ferme comme vn rocher au milieu de ces orages. Ce que les Suedes recognoissants, resolurent de luy donuer le nom & les marques de la RoyautĂ©, tellement qu'on peut dire que c'est vn autre Charles Martel, ou Hue Capet, suscitĂ© pour releuer les ruines de la Republique, & empescher qu'vn si grand Royaume ne fust reduit en prouince sous les Polonois, ou exposĂ© Ă  l'invasion des voisins Danois & Moscouites. SuscitĂ© derechef pour produire & laisser apres luy ce grand Prince & Heros Gustaue son successeur Ă  present regnant, duquel les histoires laisseront vne memoire eternelle & recommendable Ă  la posteritĂ©. Charles donc estant esleu Roy de Suede, & fut couronnĂ© le 15 Mars 1607 (Histoire des armes victorieuses de Gustave Adolphe, roy de Suède, 1632 - books.google.fr).

 

Les États se réunirent à Uppsala en 1593 pour décider de la politique religieuse à mener. Le Synode et la Diète d'Uppsala déclarèrent caducs les textes normatifs de Jean III (Nova ordinantia et Liturgie) et formulèrent une confession de foi luthérienne, la Confessio fidei. Elle contenait les trois anciennes confessions et la Confessio Augustana mais prenait ses distances avec le Livre de Concorde, adoptant un état antérieur à l'œuvre concordataire allemande (Otfried Czaika, La Scandinavie, L’Europe en conflits: Les affrontements religieux et la genèse de l’Europe moderne (vers 1500-vers 1650), 2019 - books.google.fr).

 

Jean III était catholique par le cœur, mais il redoutait la colère des princes protestants, le soulèvement de ses sujets, et l'usurpation de son frère Charles. [...] En 1580, la peste décima les habitants de Stockholm. Le roi retournait à l'hérésie; mais Sigismond, son fils, n'acceptait pas avec autant de résignation la loi des Luthériens. Il avait été élevé dans le sein de l'Eglise romaine; il ne consentit jamais à abjurer. Pour confesser son Dieu il fit plus tard le sacrifice du trône de Suède, l'héritage que ses pères lui avaient légué; et il régna sur les Polonais, qui, afin de récompenser cette persévérance, l'avaient, plusieurs années auparavant, choisi pour roi. Possevin sentait qu'il était de la dignité du Saint-Siége d'éloigner le légat apostolique de ces luttes, où le Catholicisme n'entrait que comme vaincu d'avance Jésuite, il serait resté en Suède avec le Père Warsevicz; Nonce du Pape, il ne songea qu'à sauver l'honneur de la tiare, et il demanda son audience de congé. Le 10 août 1580, il sortit de Suède (M. Crétineau-Joly, Histoire religieuse, politique et littéraire de la compagnie de Jésus: composée sur les documents inédites et authentiques, Tome 2, 1851 - books.google.fr).

 

Epidémie de peste

 

La fin du XVIe siècle est marquée par des famines en 1588 en Pologne et dans les pays Baltes, puis, de 1591 à 1597 d'abord en Afrique du Nord, en Italie et dans les Balkans, puis dans les régions atlantiques (1595), enfin en Allemagne et en Europe centrale (1597), et toutes ces mauvaises années sont accompagnées ou suivies de la peste (Jean-Noël Biraben, La peste dans l’histoire, 1975 - books.google.fr).

 

La peste de 1590 et 1591 enleva dans Rome soixante mille habitants (Stendhal, Promenade dans Rome, Tome 2 1883 - books.google.fr).

 

Une peste, la plus grave de tout l'Ancien Régime, ravage Bourg en Bresse en 1595, tuant un habitant sur sept (Denise Turrel, Élites urbaines et clientèle royale : la nouvelle chambre de justice de Bourg-en-Bresse en 1601, Villes rattachées, villes reconfigurées: XVIe-XXe siècles, 2013 - books.google.fr).

 

"meurtri" : chagriné

 

Les Turcs se font des grandes escarres [estafilades] pour leurs dames; et, afin que la marque y demeure, ils portent soudain du feu sur la plaie et l’y tiennent un temps incroyable pour arrêter le sang et former la cicatrice. Gens qui l’ont vu l’ont écrit et me l’ont juré. Mais pour dix âpres [petites pièces d'argent], il se trouve tous les jours entre eux qui se donnera une bien profonde taillade dans le bras ou dans les cuisses (Michel de Montaigne, Les Essais. Mis en français moderne, 1588 - archive.org).

 

Le sens affaibli du verbe meurtrir est attestĂ© au milieu du XVe siècle par le biais du participe meurtri (contusionnĂ©) et qu’à la mĂŞme Ă©poque on rencontre la première attestation de la collocation affective meurtrir le cĹ“ur de quelqu’un. Il semble donc que l’épisode polysĂ©mique qui s’est Ă©tendu sans doute du XIVe au XVIe siècle ait concernĂ© simultanĂ©ment l’affaiblissement de l’agression physique et l’affirmation de la mĂ©taphore affective (Charles d’OrlĂ©ans, Ballade, V, 26 ds PoĂ©sies, Ă©d. P. Champion, t.1, p. 22 : "honte vous est... D’un loyal cueur ainsi meurdrir") (Jacques François, Les fluctuations historiques de la polysĂ©mie lexicale, Travaux de linguistique 2020/2 (n° 81) - www.cairn.info).

 

La guerre qu'Amurat III fit en Hongrie n'eut pas un succès plus constant. S'il fit quelques conquĂŞtes dans la Croatie, il les perdit bien-tĂ´t après. Sinan battit l'armĂ©e ChrĂ©tienne près de Comar; mais le Baron d'Euffembach altĂ©ra la joie de cette victoire, par la prise de Sabatzie, de Filech, de Novigrade, & de plusieurs autres Forts : enfin la rĂ©volte des Valaques & des Moldaves mit le comble Ă  toutes les disgraces d'Amurat. Quelques Auteurs prĂ©tendent qu'il en mourut de chagrin. On croit plus fĂ»rement, qu'une attaque d'apoplexie termina sa vie Ă  l'âge de cinquante ans en 1595 (Jean-Antoine Guer, Moeurs et usages des Turcs, leur religion, leur gouvernement civil, militaire et politique, avec un abregĂ© de l'histoire ottomane, Tome 1, 1746 - books.google.fr, Jean-Pierre Luminet, La discorde cĂ©leste, Les Bâtisseurs du Ciel, 2008 - books.google.fr).

 

"sa salle"

 

Le mot «sérail» désigne le Palais de Topkapi (Porte du Canon) dont la construction commença sous le règne du Conquérant, entre 1459 et 1465. Ce ne fut que sous Süleyman (qui règna de 1520 à 1566) que le harem fut bâti (J. Huré, La tragédie classique au sérail, Travaux de linguistique et de littérature, Volume 24, Numéro 2, 1986 - books.google.fr).

 

Le harem n'a intégré le palais de Topkapi que sous le règne de Murat III (1574-1595). Sous celui de Soliman, il est à l'Eski Saray, le “Vieux Palais”, dans le quartier de Beyazit (Harry Bellet, Les Aventures extravagantes de Jean Jambecreuse, au temps de la révolte des Rustauds : Tragique pastorale, 2018 - books.google.fr).

 

On peut voir comment se situaient la cour et les appartements de la Validé (sultane-mère), les deux pavillons jumeaux des Princes où résidaient Bajazet et son frère Soliman, la magnifique salle d'Amurat III... (René Jasinski, À travers le XVIIe siècle, 1981 - books.google.fr).

 

La salle de Murat III comporte des niches ménagées dans le mur pour déposer des lampes, des vases, des coffrets, des livres et des objets familiers. Il faut les imaginer remplies pour que cette pièce si bien faite pour le plaisir et la méditation, pour la lecture comme la conversation, prenne un caractère intime et personnel (Marcel Schneider, Alpay Evin, Le Harem impérial de Topkapi, 1977 - books.google.fr).

 

Le deuxième panneau à droite de la porte d'entrée de la salle de Murat III est une merveille de céramique du XVIe et de quelques portions du XVIIe s (Ernest Mamboury, Istanbul touristique, 1951 - books.google.fr).

 

Le modèle thĂ©orique (qui, comme toujours dans l'histoire ottomane, souffre de nombreuses exceptions), exige qu'il fasse procĂ©der Ă  un nouvel arpentage gĂ©nĂ©ral et reconfirme les actes de son prĂ©dĂ©cesseur, ainsi que les titres qu'il avait accordĂ©s, devenus «lĂ©galement nuls et non avenus» avec sa disparition. La loi du fratricide qui certifie symboliquement la sacralitĂ© de la dynastie pour mieux permettre au sultan de se placer au-dessus d'elle, est, Ă  ce titre, significative. Nul n'a le droit de faire couler le sang d'un membre de la dynastie Osman, qui est sacrĂ©; pourtant, dans un recueil de lois gĂ©nĂ©ralement attribuĂ© Ă  Mehmed II, on lit que « comme la plupart des ulĂ©mas le confirment, il est licite que celui de mes enfants Ă  qui incombera la faveur d'avoir le sultanat, tue ses frères pour le nizami alem (“ordre universel”) Â». L'historien Ahmet Mumcu montre pourtant combien il est difficile de lĂ©gitimer ce dispositif juridique par une quelconque doctrine islamique, puisqu'il s'agit de la mise Ă  mort de personnes explicitement reconnues comme innocentes, exĂ©cutĂ©es pour le simple fait d'exister. Ce modèle qui n'est pas islamique, est cependant lĂ©gitimĂ© par une conception «cĂ©leste» du sultanat, puisque le « droit Ă  la souverainetĂ© sur une communautĂ© musulmane est garanti directement par Dieu et la conquĂŞte concrète de la souverainetĂ© est synonyme, en rĂ©alitĂ©, d'une dĂ©signation divine». Dès lors, cette pratique relève d'un registre cosmique supĂ©rieur qui annule la lettre de la loi rĂ©vĂ©lĂ©e pour mieux en respecter l'esprit. La victoire d'un membre de la dynastie sur ses frères dans la lutte pour le trĂ´ne semble d'ailleurs ĂŞtre exigĂ©e par la population elle-mĂŞme comme un signe envoyĂ© par Dieu. [...] Le chroniqueur Saloniki Ă©voque la mise Ă  mort des dix-neuf frères de Mehmed III (1595-1603) (Hamit Bozarslan, Histoire de la Turquie: De l'Empire Ă  nos jours, 2013 - books.google.fr).

 

Le règne de Mehmed III a mauvaise réputation. Même à l’aune violente des traditions fratricides ottomanes, il marque l’histoire en faisant assassiner dix-neuf de ses frères et demi-frères pour asseoir son pouvoir. Sa mère, la Sultane validé Safiye Sultan, assure une sorte de régence du pouvoir. Mehmed délaisse les affaires de l’État pour s'occuper de son harem en y donnant des fêtes somptueuses. Après lui la pratique du fratricide pour asseoir le pouvoir du sultan disparut, ses successeurs se contentant d'enfermer les autres prétendants dans divers sérails. À sa mort son fils, Ahmet Ier (1603-1617), prend sa succession (fr.wikipedia.org - Mehmed III).

 

Soucieuse de renforcer l'alliance avec les Turcs contre les Espagnols et de consolider les capitulations en faveur des commerçants, la reine d'Angleterre Elizabeth I envoie à Murat III en 1599, un orgue agrémenté d'une horloge mécanique à personnages tenant des trompettes d'argent et oiseaux qui chantent et agitent leurs ailes à la fin de leur chanson. Le facteur, Thomas Dallam, raconte son voyage sur le navire Hector et son séjour à Constantinople. L'orgue est construit dans une pièce de Topkapi qui a vu la strangulation des dix-neuf frères de Mehmed III (Alain Servantie, Le voyage à Istanbul: Byzance, Constantinople, Istanbul : voyage à la ville aux mille et un noms du Moyen Age au XXe siècle, 2003 - books.google.fr).

 

Moustapha Ier était le frère du sultan Ahmet Ier, fils de Mehmed III et de Halime Sultan. Moustapha Ier aurait été mentalement attardé ou, au moins, névrosé, et ne fut jamais davantage qu'un jouet de la cour du palais de Topkapi. Durant le règne de son frère, il fut confiné pendant quatorze ans dans le Kafes, la partie du palais où les successeurs potentiels étaient enfermés. À la mort de son frère en 1617, il accéda au trône, mais ne régna que quelques mois et fut déposé en 1618. Son neveu, Osman II, régna alors pendant quatre ans et Moustapha Ier fut renvoyé dans la Kafes. En 1622, Osman II fut assassiné par les janissaires et Moustapha Ier fut rappelé sur le trône, où il resta à nouveau environ une année. En 1623, il fut à nouveau déposé et remplacé par un frère d'Osman, Mourad IV. Moustapha Ier mourut seize ans plus tard. (fr.wikipedia.org - Moustapha Ier).

 

"Roy joinct, Europe basse et Septentrionale"

 

Les rapports entre la Turquie et la Pologne Ă©taient alors amicaux, et le chancelier ZamoĂŻsky, tout-puissant dans le royaume, Ă©tait l'un des partisans les plus chaleureux de cette amitiĂ©. Par contre, les relations de la Pologne avec l'Allemagne Ă©taient mauvaises, par suite de la lutte intervenue entre les candidats au trĂ´ne de Pologne, Ă  la mort d'Etienne Batori : Maximilien, frère de l'empereur Rodolphe, et Sigismond III, fils du roi de Suède, qui l'avait emportĂ© sur son rival. Michel-le-Brave devenant, par son alliance avec Sigismond Batori, l'alliĂ© de l'empereur, et, par sa rĂ©volte, l'ennemi de la Porte, devait, par ces deux raisons, se trouver avec la Pologne dans des rapports de froideur, sinon d'inimitiĂ© ouverte. Les Polonais devaient d'autant plus s'Ă©loigner des Allemands et de leurs alliĂ©s, les princes de Transylvanie et de Valachie, que Sigismond Batori s'Ă©tait arrogĂ© sur la Moldavie des droits que la Pologne avait toujours prĂ©tendu lui appartenir, entre autres le choix et la dĂ©position de ses princes (Alexandru Dimitrie Xenopol, Histoire des Roumains de la Dacie Trajane, jusqu'Ă  l'union des PrincipautĂ©s en 1859, Tome 1 : De 513 avant J.-C. Ă  1633, 1896 - books.google.fr).

 

Guerre aux Turcs

 

Les cosaques vont rêver de mener, avec l'Autriche et la Russie, la lutte contre les musulmans. Les Ukrainiens en forment la très grande majorité. Mais, des amoureux de la liberté, des étrangers s'enrôlent également dans leur armée qui prend des proportions considérables. La Pologne s'émeut. Elle craint une guerre avec la Sublime Porte, tant redoutée, à cause des incursions cosaques sur les territoires musulmans, guerre qu'elle subira du reste en 1620, et dont elle sortira vaincue. Elle cherche à discipliner, à drainer cette force. Elle essaie à plusieurs reprises de la «réorganiser». Elle s'efforce de créer un corps officiel de cosaques, qui jouira de certains privilèges, qu'elle paiera. Mais les Cosaques veulent vivre libres et indépendants. Elle veut mettre des entraves à leur puissance qui grandit toujours. Vexations sur vexations se succèdent, si bien que les Cosaques exaspérés entrent en guerre contre la Pologne. Pendant cinq ans, de 1590 à 1595, ils mettent en feu le bassin du Dniéper, et la Volhynie (Roger Tisserand, La vie d'un peuple : l'Ukraine, 1933 - books.google.fr).

 

La Moldavie, dans les années 1595-1611, constituait - sauf quelques intervalles - une sorte de condominium polono-turc. Le croisement des intérêts polonais et turcs en Moldavie fut une des raisons essentielles de la guerre polono-turque 1620-1621 (Balcanica Posnaniensia, Volume 4, 1989 - books.google.fr).

 

Batori avait déposé Aron le tyran et le remplacer par un homme qui lui était tout dévoué, Etienne Razvan. Les Polonais pénètrent donc en Moldavie, détrônent Razvan et le remplacent par un boyard moldave de leur parti, Jérémie Movila, lequel prête, le 22 août 1595, serment au roi de Pologne et se déclare serviteur obéissant du roi Sigismond. Voilà ce qu'était devenu l'«amicus nobis sincere dilectus» du temps d'Etienne-le-Grand. Les Turcs reconnaissent le nouveau prince et lui envoient l'étendard, le 14 décembre 1595. La Moldavie, qui avait été jusqu'alors l'alliée de Michel contre les Ottomans, devenait, par ce changement de prince, son ennemie (Alexandru Dimitrie Xenopol, Histoire des Roumains de la Dacie Trajane, jusqu'à l'union des Principautés en 1859, Tome 1 : De 513 avant J.-C. à 1633, 1896 - books.google.fr).

 

En Europe, la guerre de Hongrie fut poussĂ©e avec peu de vigueur; mais l'Autriche ne sut pas profiter de la diversion si favorable de la guerre contre la Perse et les rĂ©voltĂ©s d'Asie; elle irrita les Hongrois, qui se donnèrent pour roi BoskaĂŻ, oncle de Sigismond Bathory, et sollicitèrent la protection du sultan. Celui-ci s'empressa de donner l'investiture Ă  BoskaĂŻ (1605). L'Autriche, Ă©clairĂ©e par cet acte, conclut, en 1606, un traitĂ© par lequel elle reconnut BoskaĂŻ comme prince de Transylvanie et des districts de la Hongrie que les Bathory avaient possĂ©dĂ©s : il fut stipulĂ© qu'Ă  la mort de BoskaĂŻ toutes ses possessions reviendraient Ă  l'empire. Alors la Porte consentit Ă  signer le traitĂ© de Sitvatorok (11 novembre 1606), oĂą l'orgueil ottoman flĂ©chit pour la première fois et abolit les conditions humiliantes des traitĂ©s prĂ©cĂ©dents. Le tribut annuel de 30,000 ducats, que l'Autriche payait au sultan sous le nom de prĂ©sent d'honneur, fut supprimĂ©; «pour cette fois seulement, Ă©tait-il dit dans le traitĂ©, 200,000 Ă©cus seront payĂ©s aux Turcs; mais, Ă  l'avenir, tous les trois ans, des ambassadeurs iront porter des prĂ©sents volontaires dont la valeur ne sera dĂ©terminĂ©e d'aucun cĂ´tĂ©.» L'empereur et le sultan, ajoutait-on, se traiteront sur un pied d'Ă©galitĂ©; les attaques, les surprises, les irruptions, devront cesser; les dommages seront rĂ©parĂ©s et les prisonniers mis en libertĂ©. Gran, Erlau et Kanischa restèrent au pouvoir des Turcs; l'Autriche conserva Raab et Comorn. Cette paix fut ratifiĂ©e par les États de Hongrie et d'Autriche, rĂ©unis Ă  Presbourg (1608), et une convention, signĂ©e Ă  Vienne en 1615, la confirma pour vingt ans. Cette paix de Sitvatorok, qui n'a pas assez fixĂ© l'attention des publicistes, et dont le souvenir s'est perdu, effacĂ© par celui du traitĂ© de Carlovitz, signĂ© un siècle plus tard, a pourtant une haute signification dans l'histoire du droit politique et des rapports diplomatiques entre la Turquie et le reste de l'Europe : elle fixa pour la première fois une borne Ă  la conquĂŞte ottomane, qui jusqu'alors avait menacĂ© l'Occident. Les signes de vasselage, les tributs annuels apportĂ©s par des ambassadeurs, furent supprimĂ©s; les relations diplomatiques furent Ă©tablies sur un pied d'Ă©galitĂ©; la Transylvanie fut soustraite Ă  demi au joug turc, et la Hongrie, bien que soumise encore Ă  la domination ottomane pour une partie de son territoire, fut au moins affranchie du tribut pour le reste. Pour la première fois furent observĂ©es, de la part du sultan et du grand vizir, les formalitĂ©s diplomatiques en usage parmi les nations de l'Europe. L'acte, Ă©crit en turc, ne fut pas, comme cela s'Ă©tait fait jusqu'alors, imposĂ© aux plĂ©nipotentiaires impĂ©riaux sans qu'il leur fĂ»t permis d'en prendre connaissance; il fut examinĂ© par les drogmans des deux parties. La paix de Sitvatorok annonça aux puissances europĂ©ennes la dĂ©cadence de la Porte Ottomane et prĂ©para le traitĂ© de Carlovitz (Hammer).» (ThĂ©ophile LavallĂ©e, Histoire de la Turquie, Tome 2, 1859 - books.google.fr).

 

CF. la reconquête de la Hongrie sur les Turcs dans le quatrain II, 90 avec le traité de Carlovtsi de 1697.

 

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