Remontrants et Contre-Remontrants

Remontrants et Contre-Remontrants

 

I, 85

 

1619-1620

 

Par la response de dame, roy troublé,

Ambassadeurs mespriseront leur vie :

Le grand ses frères contrefera doublé :

Par deux mourront : ire, haisne, envie.

 

"Le grand" et "faux frère", frères en religion

 

GROTIUS, en Flamnand de Groot, c'est à dire, le Grand, nom d'une famille établie dans les Païs-Bas depuis plus de 400 ans. Ils étoient originaires de France portérent le nom de Cornetz, & ne le quittérent que lorsque Hugues Cornetz, épousa la fille de Dideric de Groot, Bourguemestre de Delft vers l'an 1430 (Louis Moréri, Le Grand Dictionaire Historique, Tome 4, 1740 - books.google.fr).

 

Les coups qui vinrent Ă  l'auteur de La rĂ©union de l'Ă©glise de la Hollande ne furent pas si modĂ©rĂ©s. Mon livre, dit-il, suscita dans ma patrie autant de tue malte que si Annibal eĂ»t Ă©tĂ© aux portes d’Amsterdam. AndrĂ© Rivet se mit Ă  la tĂŞte du parti Arminien et des envieux de Grotius. On y empressa Ă  indisposer les puissances contre lui, on le peignit sous les plus odieuses couleurs aux ambassadeurs qui rĂ©sidaient Ă  Paris. Un anonyme, qui prend le titre de Simplicius VĂ©rinus, fit imprimer une longue lettre latine que nous avons sous les yeux. Il y avoue d’abord que l'ambassadeur de Suède Ă©toit un grand littĂ©rateur, un bon poĂ«te, un habile critique. Mais il assure qu’il n’a jamais eu une religion bien assurĂ©e, et qu’il a toujours flottĂ© sans arrĂŞt entre les deux cultes. Il l'accuse devoir recherchĂ© dans tous les temps Ă  Paris les jĂ©suites, de les avoir louĂ©s, d’avoir vĂ©cu dans la plus grande intimitĂ© avec eux, d'avoir montrĂ© pour les papes une dĂ©fĂ©rence rĂ©voltante. "Aussi, ajoute-t-il, voyez-les Ă©loges par les Ă©vĂŞques, par toute l'Ă©cole de Loyola, a payĂ© de retour en pensant pour la cour pontificale comme ses admirateurs. Comme il traite Casaubon son ancien ami ! Grotius est un vrai socinien, un faux frère. Un jour le cardinal de Richelieu lui-mĂŞme disant que Calvin Ă©toit un homme profond, n’eut de contradicteur que l’ambassadeur de Christine. Aussi, que peut-on attendre du complice de Barnevelt ? Il est devenu papiste, donc il est Espagnol, donc il est l'ennemi des Etats-GĂ©nĂ©raux" (Jean-Marie-Louis CoupĂ©, Les soirĂ©es littĂ©raires, 1795 - books.google.fr).

 

Hugo de Groot (Ă©galement Huig de Groot), dit Grotius, nĂ© le 10 avril 1583 Ă  Delft et mort le 28 aoĂ»t 1645 Ă  Rostock, est un humaniste, diplomate, avocat, thĂ©ologien et juriste nĂ©erlandais. Jeune prodige intellectuel, il Ă©tudie Ă  l'universitĂ© de Leyde avant d'ĂŞtre emprisonnĂ© pour son implication dans les conflits intra-calvinistes de la RĂ©publique nĂ©erlandaise. Il s'Ă©chappe cachĂ© dans un coffre Ă  livres et Ă©crit la plupart de ses Ĺ“uvres majeures en exil en France. Avec les travaux antĂ©rieurs de Francisco de Vitoria, Francisco Suarez et Alberico Gentili, il jette les bases du droit international, fondĂ© sur le droit naturel dans son versant protestant. Deux de ses livres ont un impact durable dans le domaine du droit international : le De Jure Belli ac Pacis (Le Droit de la guerre et de la paix) dĂ©dicacĂ© Ă  Louis XIII de France et le Mare Liberum (De la libertĂ© des mers) (fr.wikipedia.org - Hugo Grotius).

 

Provinces Unies 1619

 

Les divisions intestines occupaient au dehors les amis de la nouvelle rĂ©publique. Tandis que le roi Jacques associait contre Barneveld sa haine Ă  celle de Maurice, et soutenait, en Hollande, la secte qu'il persĂ©cutait en Angleterre, la France se comportait tout autrement. Depuis les demandes infructueuses de Jeannin, elle n'intercĂ©dait plus en faveur des catholiques, elle avait des huguenots pour ambassadeurs en Hollande. Mais, du moins, elle recommandait, entre protestants divisĂ©s, la conciliation et la tolĂ©rance. Henri IV, redoutant partout les discordes capables d'affaiblir ses alliĂ©s, n'avait rien nĂ©gligĂ© pour prĂ©venir la brouille de Maurice et de Barneveld. La brouille ayant Ă©clatĂ© après la mort de Henri IV, les envoyĂ©s de France, Boissise et du Maurier, rĂ©pĂ©taient encore aux États : «C'est par l’union, qu'avec l'appui du roi notre maitre, vous avez grandi; c'est par l'union pouvez vous conserver; pour des disputes d’école, ne vous divisez pas. DĂ©tournez vos yeux de ce qu'il plaĂ®t Ă  Dieu de vous cacher. Ne rĂ©jouissez pas vos ennemis par vos querelles.» C'Ă©tait inviter l'OcĂ©an Ă  se calmer et Ă  se contenir au plus fort de la tempĂŞte. D'ailleurs depuis qu'Henri IV n'Ă©tait plus, les conseils de la France avaient cessĂ© de se faire Ă©couter. Les factions, rĂ©veillĂ©es dans le royaume, contrecarraient, en toute occasion, au dehors comme au dedans, le Gouvernement royal et lui Ă´taient tout crĂ©dit. En ce qui concerne la Hollande en particulier, nos huguenots savaient mauvais grĂ© Ă  Barneveld de conserver l'alliance française et de rester uni Ă  la cour, quand la cour se brouillait avec eux. Leur chef, le duc de Bouillon, beau-frère du prince Maurice, ne cessait d'accuser les secrets desseins de la reine-mère et de ses ministres contre la Hollande ; par malheur, il avait pour complice de ce mauvais office l'ambassadeur mĂŞme de Hollande en France: Aerssens, personnage adroit et avisĂ©, mais indiscret, intrigant et rancuneux. Après avoir Ă©tĂ© admis longtemps dans la familiaritĂ© de Henri IV, Aerssens avait pris parti, depuis la mort de ce prince, pour les protestants, contre le gouvernement auprès duquel il Ă©tait accrĂ©ditĂ©. RappelĂ© pour ce motif et sur la demande expresse de la reine-mère, il ne pardonnait pas Ă  Barneveld sa disgrâce; il le dĂ©nonçait comme vendu aux papistes et Ă  l'Espagne; il se faisait, entre les huguenots de France et les «Contre-Remontrants» de Hollande, l'entremetteur de la haine, de la mĂ©fiance et de la calomnie; il discrĂ©ditait, sans relâche, les bons et honnĂŞtes avis partis d'une cour qui l'avait chassĂ©. C'est ainsi que la voix de l’Angleterre, prĂŞchant la discorde, Ă©tait mieux Ă©coutĂ©e que la nĂ´tre. Tout conspirait donc, de loin comme de près, contre Barneveld. Rien ne venait changer, Ă  son profit, les chances et les conditions du combat. L'issue en pouvait-elle ĂŞtre douteuse ? D'un cĂ´tĂ©, le prince Maurice, s'appuyant, du haut de sa naissance et de ses victoires, sur le parti populaire, prĂ©tendait, pour son pays, Ă  l'unitĂ© et, pour lui-mĂŞme, Ă  la souverainetĂ©. De l'autre, l'avocat de Hollande, en vertu des vieilles lois, au profit des vieilles familles, dĂ©fendait l'autonomie provinciale et, dans ce conflit oĂą se trouvait mĂŞlĂ©e la religion, c'est encore dans le camp de Maurice que se rangeait la portion la plus ardente et la plus nombreuse de la nouvelle Église. Pour trancher une lutte aussi inĂ©gale, il ne fut pas besoin, mĂŞme un jour, d'une guerre civile : la Hollande ne se divisa pas alors, comme l'en avait menacĂ© l'ambassadeur de France; elle se rallia, ou se soumit tout entière, au plus fort. Le stathouder licencia, sans coup fĂ©rir, les soldats que l'ovocat prĂ©tendait lui opposer et, par un coup de main, moitiĂ© populaire, moitiĂ© militaire, changea les municipalitĂ©s des villes hollandaises, substitua Ă  l'Ă©troite aristocratie de marchands et de lĂ©gistes, qui les rĂ©gissait jusqu'alors, une classe infĂ©rieure, plus remuante et plus nombreuse. C'Ă©tait changer du mĂŞme coup les États de la province. Car ils se composaient des dĂ©putĂ©s nommĂ©s par les conseils des villes. Dès lors, Barneveld se trouva dĂ©busquĂ© de son dernier retranchement; il Ă©tait Ă  la merci de son antagoniste. Celui-ci le fit arrĂŞter et, au mĂ©pris de toute justice, mettre en jugement. L'obstination du grand patriote Ă  dĂ©fendre une cause vaincue fut considĂ©rĂ©e par les vainqueurs comme une offense mortelle Ă  la patrie. L'Angleterre pressa la condamnation. La France essaya de l'empĂŞcher. ObĂ©issant Ă  la fois aux instructions de leur cour et Ă  leurs sentiments personnels, Boissise et du Maurier multiplièrent, tant que dura le procès, les dĂ©marches publiques et privĂ©es; ils adressèrent des harangues aux États gĂ©nĂ©raux, des reprĂ©sentations au Prince d'Orange, ils invoquèrent les anciens services de l'illustre accusĂ©; ils firent appel Ă  l'honneur de la maison de Nassau. Tout fut inutile. La sentence de mort Ă©tant prononcĂ©e, du Maurier, restĂ© seul après Boissise en Hollande, tenta encore d'en conjurer l'exĂ©cution. La veuve du Taciturne, qui Ă©tait fille de l'amiral de Coligny, voulut aussi sauver la tĂŞte de Barneveld. Elle demanda une entrevue Ă  son beau-fils Maurice, pour le flĂ©chir : Maurice refusa de la recevoir. L'ambassadeur de France sollicita une audience des États gĂ©nĂ©raux et ne l'obtint pas davantage. Alors, ne pouvant leur parler, il leur Ă©crivit; les archives de la Hayo conservent encore la lettre qu'il se hâtait d'achever, pendant que dĂ©jĂ  se dressait l'Ă©chafaud. Comme le stathouder, les États gĂ©nĂ©raux ne voulurent rien entendre et rien lire. Ainsi pĂ©rit Barneveld, victime du fanatisme sectaire, de l'ingratitude populaire et de l'ambition d'un prince dans une rĂ©publique (Marie Camille Alfred de Meaux, La rĂ©forme et la politique française en Europe, jusqu'Ă  la paix de Westphalie, Tome 1, 1889 - books.google.fr).

 

"mespriseront leur vie" : au risque de leur vie

 

On ne voit pas que Boissise et Maurier aient risqué leur vie dans cette affaire du procès de Barneveld.

 

Peut-être en remontant en 1614, alors que Maurier était déjà en Hollande, lors de la révolte des Princes conduite par Condé. Maurier servait la régente Marie de Médicis qui avait de bons rapports avec Maurice de Nassau. Les Provinces Unies essayaient de limiter les désertions, vers la France et les Princes, des troupes françaises stationnées sur leur territoire.

 

Les princes témoignaient une grande animosité contre du Maurier. Aersens en effet leur faisait croire qu'il parlait d'eux sans respect et qu'il les avait même appelés criminels de lèse-majesté. Pourtant son seul tort était de remplir son devoir avec beaucoup de dévoûment et de sagacité. Il y avait gagné le titre d'ambassadeur, 6 mars; mais, outre que son caractère le portait à ménager tout le inonde, il n'ignorait pas sans doute que les gouvernements faibles se réconcilient souvent avec leurs ennemis aux dépens de leurs serviteurs ; il craignait même que sa fidélité ne lui coûta la vie (Henri Ouvré, Aubéry du Maurier, ministre de France à La Haye, Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, 1853 - books.google.fr).

 

"mourront"

 

Les États de Hollande donnent ordre de mettre en prison Oldenbarneveld, de Groot, Hoogerbeets, van Ledenberg et van Moersbergen (J.N. Valkhoff, Sujets d'exercices littéraires, Tome 1, 1871 - books.google.fr).

 

Van Moersbergen meurt en 1618, Van Ledenberg en 1625, la même année que Hoogerbeets qui avait été libéré peu avant par le fils de Maurce de Nassau, Frédéric-Henri (Auflegung dieses Wallfischs, Illustrierte Flugblätter des Barock, 1983 - www.degruyter.com).

 

"Par deux"

 

Il semble que les deux pourraient désigner Maurice de Nassau et Jacques Ier d'Angleterre.

 

Une force secrète ramenait pourtant toujours Maurice Ă  l'Angleterre; il semble qu'il ait devinĂ© l'avenir rĂ©servĂ© Ă  sa maison, et compris que le mariage de l'Angleterre et des Stuarts ne serait plus long. Jacques d'ailleurs, quand il dĂ©sespĂ©rait de rien obtenir de l'Espagne, revenait aussi Ă  la Hollande; le sort de Barneveld, restĂ© fidèle Ă  l'alliance française, fut peut-ĂŞtre dĂ©cidĂ© dans une entrevue que Maurice eut Ă  Arnheim avec sir Ralph Winwood, l'ambassadeur anglais (M. Motley a trouvĂ© le rĂ©cit de cette entrevue dans les manuscrits des archives de Hatfield). Maurice parle de la nĂ©cessitĂ© de former une ligue Ă©vangĂ©lique, qui ferait obstacle aux plans de la ligue catholique; la ligue Ă©vangĂ©lique devait embrasser l'Angleterre, le Danemark, la Suède, les princes allemands, les cantons protestans de Suisse, les Provinces-Unies, les huguenots français; le roi d'Angleterre en serait le chef et le protecteur, «C'est lĂ , dit Maurice, le seul coupe-gorge des complots de la France et de l'Espagne.» - «Et quelle apparence, lui dit Winwood, y a-t-il que les Provinces-Unies entrent dans cette confĂ©dĂ©ration, puisque la foi religieuse y est Ă©branlĂ©e chaque jour ? Celui qui gouverne la Hollande est le patron de Vorstius et des arminiens schismatiques. Comment les huguenots français peuvent-ils avoir confiance dans un homme qui est Ă  la dĂ©votion de la France ?» (Auguste Laugel, Jean de Barneveld, Revue des deux mondes, 1874 - books.google.fr).

 

Marie de MĂ©dicis, dans son manifeste publiĂ© après sa fuite de Blois, prend parti pour Maurice de Nassau contre Barneveldt captif ; Archives curieuses, 20 sĂ©r., t. II, R. 89 (Henri Martin, Histoire de France, depuis les temps les plus reculĂ©s jusqu'en 1789, Tome 11, 1860 - www.google.fr/books/edition).

 

"réponse"

 

Marie de Médicis cherchait à rallier tous les mécontents contre Luynes et son fils.

 

En 1619, paraissent vingt-cinq libelles favorables aux rebelles et quarante-quatre pour le roi, dont treize dans le style burlesque. Si on y ajoute douze textes en faveur de la paix signĂ©e entre le roi et sa mère Ă  AngoulĂŞme et deux autres sur l'entrĂ©e du roi dans sa bonne ville de Chartres, on constate, une fois de plus, que le roi conserve l'avantage dans la polĂ©mique : 58 libelles contre 25, plus du double. En outre, en cette mĂŞme annĂ©e 1619, la libĂ©ration du prince de CondĂ© suscite 15 libelles de rĂ©jouissance de ses fidèles, ce qui va dans le sens d'un soutien de la politique de Luynes. Par voie de consĂ©quence, Marie de MĂ©dicis, qui a fait arrĂŞter le prince en 1616, se trouve dĂ©savouĂ©e et ne manque pas de protester contre cette libĂ©ration. Entre 1619 et 1620, la reine mère "signe" 18 pamphlets, et son alliĂ©, le duc d'Epernon, 8. Comme dans les rĂ©voltes prĂ©cĂ©dentes, la polĂ©mique diffuse les motifs des rĂ©voltes de ceux du roi. Les "Lettres" sont des manifestes et les "rĂ©ponses" exposent sur la place publique les bonnes raisons de chacun des partis : comme toujours, les rĂ©voltĂ©s Marie de MĂ©dicis, le duc d'Epernon et ceux qui les suivent, se dĂ©signent comme les dĂ©fenseurs du service du roi, c'est-Ă -dire des vrais intĂ©rĂŞts du monarque, et le souverain, de son cĂ´tĂ©, dĂ©signe ses adversaires comme des "rebelles". Dès le 11 janvier, Louis XIII envoie une lettre au duc d'Epernon, lequel publia une rĂ©ponse le 17. Puis le duc Ă©crit une seconde lettre le 7 fĂ©vrier protestant de sa fidĂ©litĂ©, mais critiquant en mĂŞme temps les choix du conseil. Deux semaines plus tard, dans la nuit du 21 au 22 fĂ©vrier 1619, Marie de MĂ©dicis s'Ă©vade du château de Blois, oĂą elle Ă©tait maintenue en rĂ©sidence surveillĂ©e, et elle rejoint le duc d'Epernon dans son gouvernement de Saintonge. Le lendemain, 23 fĂ©vrier, elle Ă©crit an roi son fils pour expliquer les raisons de sa fuite. D'autres publications reprennent ces Lettres, sĂ©parĂ©ment ou ensemble, gonflant ainsi la publicitĂ© du mouvement. Une troisième lettre du duc d'Epernon, datĂ©e du 26 fĂ©vrier, paraĂ®t avec l'ensemble, formant un vĂ©ritable manifeste, auquel le marĂ©chal de Bouillon se rallie le 4 mars. Il publie, lui aussi, un libellĂ©, Ă  Sedan d'abord, dans sa principautĂ©, puis Ă  Loudun, fief protestant, avant de le rĂ©Ă©diter une troisième fois. La caution que la reine mère apporte Ă  cette rĂ©volte la rend particulièrement redoutable, car Marie de MĂ©dicis apparaĂ®t alors comme la championne du parti des Catholiques français. Elle peut espĂ©rer trouver aussi des appuis Ă  l'Ă©tranger. Ainsi paraissent des Lettres. de la reine mère Ă  M. le prince de Piedmont et Ă  Madame la princesse. Ensuite, la correspondance de la reine mère avec ceux qu'elle tente de rallier est systĂ©matiquement publiĂ©e : lettre de monsieur d'Halincourt, gouverneur de Lyon, au duc de Mayenne, au garde des sceaux, le prĂ©sident Jeannin, au duc de Rohan, l'un des principaux chefs de la rĂ©volte protestante (HĂ©lène Duccini, Faire voir, faire croire, L'opinion publique sous Louis XIII, 2017 - books.google.fr).

 

Acrostiche : PALP, palpus

 

"palpus" : flatterie (Gaffiot).

 

Le grand savant protestant Jean Barbeyrac dans la PrĂ©face de sa Traduction du De Jure belli et pacis s'est efforcĂ© de justifier son auteur en ces termes : "Pour ce qui est du Droit Public, Grotius en a assez bien Ă©tabli les principales règles, fondĂ©es sur le but et la constitution des SociĂ©tĂ©s Civiles. S'il a un peu trop donnĂ© au Pouvoir des Rois, il ne faut pas s'en Ă©tonner. C'est une des matières sur lesquelles on est le plus sujet Ă  pencher vers l'une ou l'autre des extrĂ©mitĂ©s vicieuses. [...] On voit par lĂ , que ceux qui voudraient s'appuyer du suffrage de Grotius, pour favoriser la Tyrannie, pourraient ĂŞtre rĂ©futĂ©s par l'autoritĂ© de Grotius mĂŞme. Ce grand Homme a d'ailleurs assez fait voir par les rĂ©flexions qu'il entremĂŞle dans son Histoire Latine des Pays-Bas, avec sa brièvetĂ© ordinaire, que l'idĂ©e qu'il avait du Pouvoir des Souverains, et de l'obligation des Sujets, Ă©tait fort au-dessous de cette AutoritĂ© Despotique et illimitĂ©e que les Flatteurs des Princes leur attribuent".

 

En fait, il y a bien chez Grotius ce que Rousseau y a vu. Il suffit pour s'en convaincre de lire, dans le Droit de la guerre ou de la paix, les chapitres III et IV du Livre Premier, auxquels Rousseau renvoie lui-mĂŞme ses lecteurs. Partisan du droit de conquĂŞte comme du droit d'esclavage, Grotius pousse aussi loin que possible l'analogie entre le pouvoir du souverain sur ses sujets et celui du maitre sur ses esclaves, entre la souverainetĂ© et la propriĂ©tĂ©. C'est cela d'ailleurs que Rousseau ne peut lui pardonner, et l'on est surpris de voir Barbeyrac dans sa PrĂ©face plaider pour son auteur alors que dans ses notes il prend soin de rectifier tout ce qui lui parait outrĂ© dans l'absolutisme de Grotius. Celui-ci a conscience qu'on ne peut plus soutenir Ă  son Ă©poque que les rois tiennent leur pouvoir de Dieu mĂŞme, mais il n'en reste pas moins un partisan zĂ©lĂ© de la monarchie absolue : tous ses efforts tendent Ă  lui trouver un fondement solide dans le droit naturel sans recourir Ă  la doctrine du droit divin qui lui parait pĂ©rimĂ©e. Aussi Rousseau ne manque-t-il pas de perspicacitĂ© lorsqu'il Ă©crit, non sans malveillance d'ailleurs, dans le Contrat social : "Grotius, rĂ©fugiĂ© en France, mĂ©content de sa patrie, et voulant faire sa cour Ă  Louis XIII, Ă  qui son livre est dĂ©diĂ©, n'Ă©pargne rien pour dĂ©pouiller les peuples de tous leurs droits et pour en revĂŞtir les rois avec tout l'art possible." (Robert DerathĂ©, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, 1970 - www.google.fr/books/edition).

 

Les peuples du Brabant ont toujours este extremement soigneux de leur libertĂ© ; & de chercher, pour sa conservation, plusieurs precautions que les autres peuples n'avoient jamais connuĂ«s : c'est pourquoy, comme ils considererent, entre autres choses, qu'il se trouve souvent des Potentats qui sous ce pretexte, assez vulgaire, du bien public, ne font point de difficultĂ© de rompre leurs promesses ; pour s'opposer Ă  cet inconvenient, ils ettablirent chez eux une coustume, qui est telle, que jamais ils n'admettent leur Prince dans la possession du gouvernement; sans avoir auparavant fait avec luy cette paction, que toutes les fois qu'il luy arrivera de violer les loix du paĂŻs, ils demeureront affranchis du lien de l'obeissance qu'ils luy avoient jurĂ©e ; jusques Ă  ce que les outrages ayent estĂ© entierement reparez. Et cette veritĂ© se confirme par l'exemple des predecesseurs qui se servirent autrefois utilement de la force des armes & de celle des decrets, pour remettre dans le devoir leurs Princes qui s'en estoient Ă©cartez ; soit par leur propre de reglement, soit par l'artifice de leurs flatteurs ; ainsi qu'il arriva Ă  Jean second de ce nom : & ils ne voulurent point faire de paix avec luy, ny avec ses successeurs ; jusqu'Ă  ce que ces Princes eussent promis religieusement de leur conserver leurs privileges (Hugo de Groot, Annales et histoires des troubles du Pays-Bas, 1662 - books.google.fr).

 

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