Sixte Quint et l'arbre Ă  cire

Sixte Quint et l'arbre Ă  cire

 

I, 44

 

1589-1590

 

En bref seront de retour sacrifices,

Contrevenans seront mis Ă  martyre :

Plus ne seront Moynes, Abbés ne Novices,

Le miel sera beaucoup plus cher que cire.

 

Japon

 

A cette époque, vers la fin du XVIe siècle, on voit avec étonnement que le christianisme sembla sur le point de faire la conquête de tout le Japon, qu'il inonda de ses flots. Vers 1547, un jeune homme, nommé Ryô-sas, ayant commis un meurtre, s'enfuit à Goa. Là, il se fit chrétien et reçut le baptême. Il changea son nom en celui d'Anjirô. Un jour, dans un entretien avec des Jésuites de cette contrée, il les pressa d'évangéliser le Japon. Là-dessus, l'éminent prêtre François Xavier, accompagné d'Anjirô et de deux ou trois missionnaires, vint débarquer à Kagochima (île de Kiouchou), en 1549, le neuvième mois ; le christianisme entrait pour la première fois au Japon. Dès lors, d'autres missionnaires espagnols et portugais arrivèrent successivement à Kiouchou. Ils avancèrent ensuite à l'est, et atteignirent Osaca et Kyoto. Ils répandirent leurs croyances à pleines mains, et pendant l'espace d'une trentaine d'années, ils purent faire pénétrer leur culte à peu près dans toutes les parties de l'empire. Dans l'ile de Kiouchou, ils comptaient une foule d'adhérents à Nagasaki, Omoura, Foucabori, Arima, Yanagizawa, Yatsoujiro, Amacouça. Dans les provinces du centre, ils étaient nombreux à Hirochima et à Yama-goutchi; dans la région du sud, à Wacayama (province de Kii); pareillement à Kyôto, Osaca, Sacaï, Fouchimi (région du Gokinaï). Ils avaient pénétré encore plus loin à l'est, dans tout le Couantô, jusqu'à Sendaï et Aidzou; au nord, jusqu'à Canazawa. On eût dit que ce puissant mouvement allait ébranler le Japon tout entier. On comptait alors plus de trois cents missionnaires, deux cent cinquante monastères et trois cent mille adhérents. On vit des seigneurs comme Omoura Tomomasou, Arima Yochitomo (dans la province de Hizén, île de Kiouchou) pousser l'ardeur de la foi jusqu'à envoyer des ambassadeurs à Rome, au pape Grégoire XIII, avec des lettres où ils affirmaient leur croyance, et des présents. Ils promettaient solennellement de dévouer toutes les forces de leur corps et de leur âme à l'intérêt de la religion. Le seigneur Daté Masamouné envoya également un de ses officiers à Rome.

 

En 1568, Oda Nobounaga se fit présenter Ouroucan et un autre Padre. Il leur bâtit à Kyôto le Couvent des Étrangers du Sud et lui donna un revenu de 500 couan dans la province d'Omi. Puis il fit venir d'autres prêtres du Portugal, et donna aux missionnaires, sur le mont Ibouki, un espace de 50 tchó, où ils plantèrent des arbres et des herbes rares de leur pays. Cependant, plus tard, leurs progrès extraordinairement rapides et l'ardeur de leurs convertis commencèrent à déplaire à Nobounaga, et il les prit peu à peu en aversion.

 

Lorsque Toyotomi (Hidé-yochi) succéda à Nobounaga, on voyait apparaître des présages de violents démêlés entre le christianisme et le bouddhisme. Hidé-yochi craignit pour l'intégrité du pays et décida de supprimer le christianisme, à la date de 1586. Quoique l'édit de suppression ne fût pas encore exécuté avec la dernière rigueur, il y eut déjà beaucoup de supplices. Dans la seule année 1590, près de deux cents personnes furent exécutées. En 1592, une ambassade du gouverneur de Manille vint au Japon; des Franciscains l'accompagnaient. Au mépris de l'édit, ils prêchèrent publiquement dans les rues de Kyôto. Hidé-yochi conçut dès lors une véritable haine pour cette religion, et la traita avec une sévérité toujours plus grande (Alfred Millioud, Histoire du couvent catholique de Kyoto; Revue de l'histoire des religions, Volume 32, 1895 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain I, 53 - Les Catholiques au Japon - 1596-1597.

 

Brefs

 

Le Pape GrĂ©goire XIII promulgua le 28 janvier 1585 Ă  Rome un bref interdisant le ministère au Japon pour tout autre religieux que ceux de la Compagnie de JĂ©sus. Dès l'annĂ©e suivante, les Franciscains en obtinrent un autre de Sixte Quint (15 novembre 1586) les autorisant Ă  fonder des couvents aussi bien dans les Ă®les Philippines que dans n'importe quel lieu et terre des Indes susdites et des royaumes dits de la Chine… Ă  l'exception de Malacca, du Siam et de la Cochinchine. Ce bref fut authentiquĂ© Ă  Madrid le 22 juin 1588. Les thĂ©ologiens de Manille consultĂ©s dĂ©clarèrent que le bref de Sixte Quint annulait celui de GrĂ©goire XIII pour le Japon et la Chine ; les Franciscains, en toute sĂ»retĂ© de conscience, se jugeaient ainsi autorisĂ©s Ă  se rendre au Japon (Bulletin de la Maison franco-japonaise, Volume 11, 1939 - books.google.fr).

 

On a vu que les  Franciscains qui accompagnaient l'ambassade de Manille en 1592, au mépris de l'édit de Toyotomi (Hidé-yochi), prêchèrent publiquement dans les rues de Kyôto.

 

Miel

 

Une source historique rapporte qu'en 643, un aristocrate coréen a essayé d'implanter l'apiculture au Japon, en vain. Durant le millénaire suivant, on ne trouve aucune trace d'apiculture. À partir du XVIIIe siècle, les fermiers dans différente parties du pays considéraient la récolte du miel comme une activité secondaire. Basée sur les niches des abeilles sauvages, leur production était très limitée et le miel était bien trop onéreux pour etre intégré comme ingrédient à part entière dans la cuisine quotidienne. Le miel était, à cette époque, un médicament. C'est en 1877 que le gouvernement de Meiji a favorisé l'introduction de abeille d'Occident et des techniques d'apiculture. L'industrie s'est développée avec une production suffisante pour qu'une partie soit exportés (Naomichi Ishige, L'art culinaire au japon, 2011 - www.google.fr/books/edition, R. Mayerhoffer, Coup d'oeil sur l'apiculture japonaise, Bulletin, Société d'apiculture de la Gironde, 1877 - www.google.fr/books/edition).

 

Cire végétale

 

Il nous arrive en grande quantitĂ© de ce pays une substance cireuse, en gros pains, blanche ou lĂ©gèrement jaunâtre, qui est vendue sous le nom de cire du Japon qui  est produite par certains arbres de la famille des AnacardiĂ©es, qui la fournissent en abondance. L'exploitation de l'arbre Ă  cire est la principale industrie des iles Kiu-Siu. Elle est purifiĂ©e et blanchie dans la province de Hisen et nous arrive par Osaka. Les indigènes l'emploient pour l'Ă©clairage et pour cirer les cheveux; en Europe elle sert surtout Ă  falsifier les cires blanches d'abeilles. Elle ressemble beaucoup Ă  la cire des abeilles blanchie ; elle est cependant plus cassante et sa cassure est plus nette, moins grenue; en outre, son odeur rappelle celle du suif. Son point de fusion est beaucoup plus bas ; elle fond de 42° Ă  54°. Sa densitĂ© est un peu plus Ă©levĂ©e; elle est de 1,002 Ă  1,006, pour la cire brute, et de 0,970 Ă  0,980 pour la cire blanchie. Sa composition chimique est toute diffĂ©rente de celle de la cire des abeilles. La cire du Japon est, en effet, un mĂ©lange de glycĂ©rides neutres d'acides gras, principalement de l'acide palmitique et d'autres acides voisins, notamment l'acide stĂ©arique et l'acide arachidique, avec une petite quantitĂ© d'acides huileux. Elle se rapproche donc beaucoup de l'huile de palme et c'est plutĂ´t un suif qu'une cire ; aussi, la dĂ©signe-t-on quelquefois sous le nom de suif du Japon (A. et P. Buisine, La cire des abeilles, 1891 - books.google.fr).

 

Acrostiche : ECPL

 

ecpleos, ekpleos : comlet, plein en grec ; ekplerosis, complétude (P. H. Brazier, In the Highest Degree: Volume Two, Essays on C. S. Lewis’s Philosophical Theology—Method, Content, & Reason, Tome 2, 2018 - www.google.fr/books/edition).

 

Lorsque Toyotomi Hideyoshi s'en prit aux missionnaires , il avait déjà fait valoir le fait que le Japon était et devait rester avant tout le «pays des kami» (shinkoku), c'est-à-dire un pays protégé par ses propres divinités. Le décret historique de 1614, par lequel leyasu interdit le christianisme dans tout le Japon, reprit la thèse du «pays des dieux» et dénonça dans le christianisme une religion «aberrante». Hideyoshi et Ieyasu ont aussi tous les deux fustigé  le préjudice causé par la religion étrangère à la tradition bouddhique du Japon, qu'elle «détruisait» (Nathalie Kouamé, L'État des Tokugawa et la religion, entre intransigeance et tolérance (XVIIe-XVIIIe siècle), Archives de sciences sociales des religions, Volume 137, 2007 - books.google.fr).

 

Ce fut au IXe que le Ten Daï (du nom d'une montagne Chine) fut introduit au Japon par Saïthio qui était allé l'étudier sur place. Saïthio mourut en 823. Ce système est «le plus profond du Mahayana». Or le Mahâyâna, on ne cesse de nous le redire, de peur que nous ne venions à l'oublier, est l'essence même de ce Bouddhisme japonais qu'on nous affirme être la plus haute manifestation de l'esprit humain, la philosophie de toutes la plus sublime. D'après le Ten-daï, il y a dans les prédications du Bouddha cinq périodes et quatre enseignements  Les cinq périodes n'ont ici aucune importance, on se contente de nous les signaler ; et, comme des quatre enseignements ou doctrines, trois sont des moyens provisoires, on se borne également à les mentionner pour ne parler que de la quatrième doctrine, celle de la Plénitude, parce qu'elle est définitive, la seule et vraie voie qui permette de traverser le samsara, l'Océan des samsara (Alfred Roussel, Le bouddhisme contemporain,  1916 - books.google.fr).

 

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