L'Espérance de Lorraine

L'Espérance de Lorraine

 

II, 5

 

1634-1635

 

Que dans poisson fer & lettre enfermée,

Hors sortira, qui puis fera la guerre,

Aura par mer sa classe bien ramée,

Aparoissant près de Latine terre.

 

EXPLICATION. Cette Prophetie në signifie autre chose, si ce n'est qu'à l'avenir on fera mettre en prison un homme de distinction & de remarque, où il sera gardé d'une maniere qu'apparemment il n'aura point de communication avec personne qu'avec les Guichetiers ; cependant comme l'argent facilite toutes choses on ne laissera pas que de trouver l'invention de le faire sauver, & voici comment : c'est qu'on lui envoyera dans le ventre d'un poisson, comme on diroit par exemple un brochet, une lime de fer pour scier les grilles qui seront aux fenêtres de la chambre, avec une lettre qui l'avertira de toutes choses, & de la conduite qu'il faudra tenir, soit pour faire une maniere de corde des couvertures & draps de son lit, soit autrement. Enfin, il se sauvera fans doute une belle nuit. C'est l'unique sens que ces paroles enferment en elles-mêmes. Quand dans poisson fer & Lettre enfermée : Hors sortira ; c'est-à-dire, des prisons. Le dernier Vers nous avertit en même temps du chemin qu'il tiendra. Aura par mer sa classe bien ramée : apparoissant prés de Latine terre. Il faut bien croire qu'au sortir de la prison, il trouvera des chevaux tout prêts pour s'en aller bien vîte dans quelque port de mer où il trouvera une galere, barque ou tartane toute prête, avec laquelle il se sauvera en diligence à force de rames du côté d'Italie. Et c'est aussi là qu'il commencera seulement de paroître & de se montrer, suivant ces paroles : Aura par mer sa classe bien rÃ¥mée; le mot de classe signifie veritablement une armée navale, mais cela ne se doit prendre ici que pour un seul bâtiment de mer. Aparoissant prés de Latine terre; c'est-à-dire, qu'il paroîtra alors proche d'Italie, que Nostradamus nomme avec raison la terre Latine ; c'est-à-dire, le Païs Latin, l'Italie; qui puis fera la guerre. Nostradamus ne veut dire autre chose si ce n'est que ce fugitif se mettra ensuite dans les troupes des ennemis, & qu'il servira. contre son Prince (Balthazar Guynaud, La Concordance des prophéties de Nostradamus avec l'histoire depuis Henry II. jusqu'à Louis le Grand La vie et l'apologie de cet auteur, 1712 - books.google.fr).

 

Poisson d'avril

 

Son origine n'est pas bien connue. Louis XIII faisait garder à vue dans le château de Nancy un prince de Lorraine, dont le cardinal de Richelieu avait à se plaindre. Le prisonnier trouva moyen de s'échapper en traversant la Meurthe à la nage. Les Lorrains dirent en riant que c'était un poisson qu'on avait donné à garder aux Français. Date de l'évasion : le premier avril 1634. Telle est l'origine la plus accréditée du poisson d'avril, que l'abbé Tuet, dans ses Proverbes français, définit ainsi : «Démarche inutile que l'on fait faire à quelqu'un pour se moquer de lui.» Au XVIIe  siècle, les poissons d'avril étaient en vogue à la cour. Au XVIIIe, la ville les adopta. Ils n'existent plus de nos jours qu'à la campagne; encore le fond principal de cette plaisanterie n'a-t-il guère varié depuis Louis XIV (Dieudonné Dergny, Le Pays de Bray. Communes et paroisses, histoire et archéologie, topographie et statistique, Tome 1, 1870 - books.google.fr).

 

Nicolas-François de Vaudémont et le poisson

 

Nicolas-François de Vaudémont (6 décembre 1609-25 janvier 1670) est cardinal et évêque de Toul de 1624 à 1634, puis duc de Lorraine et de Bar du 19 janvier au 1er avril 1634. Fils de François de Lorraine, comte de Vaudémont et de Christine de Salm, il nait le jour de la saint Nicolas, Saint Patron de la Lorraine dont il reçoit le prénom. En tant que cadet d'une branche cadette, le jeune prince est d'abord destiné à une carrière ecclésiastique. Il est nommé évêque de Toul dès 1624, puis cardinal in pectore en 1626 par Urbain VIII, sans avoir été ordonné prêtre, ce qui est fréquent dans le monde des dirigeants de l'époque (comme au siècle suivant le cardinal Dubois, premier ministre Français). Sa création est révélée le 30 août 1627 mais il ne reçoit jamais le chapeau ni le titre cardinalice. Son frère Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, devenu seul duc en 1625, s'allie à l'Empereur Ferdinand II et soutient en France les opposants au premier ministre, le cardinal de Richelieu notamment en autorisant le mariage de leur sœur Marguerite avec Gaston d'Orléans, frère et héritier du roi Louis XIII. C'est le prétexte qui permet au roi de France de faire envahir le Barrois et la Lorraine en septembre 1633. Nicolas-François étant plus apprécié des Français que lui, Charles IV juge préférable d'abdiquer en faveur de son frère le 19 janvier 1634. Nicolas-François s'accorde par provision une dispense pour un mariage avec sa cousine Claude-Françoise de Lorraine (1612-48), fille du défunt duc Henri II, envoie le lendemain au pape une lettre pour signaler les raisons pour lesquelles il renonce au cardinalat, se fait relever de ses vœux et épouse le 8 mars 1634 sa cousine, contrecarrant les projets du roi de France, pour que celle-ci ne soit pas mariée à un prince étranger, la loi salique ne s'appliquant pas en Lorraine et Barrois. La population des duchés reste profondément hostile à l'occupant français, à l'image de Pierre Fourier, curé de Mattaincourt qui meurt en exil ou Jacques Callot, artiste graveur, qui, en réponse à la demande de Louis XIII de graver une plaque commémorative de la prise de Nancy, répond qu'il préférait «perdre le bras». Cela, ainsi que le mariage inopiné du «cardinal», incite les Français à mettre la famille ducale en résidence surveillée.

 

Le 1er avril 1634, Nicolas-François et son épouse parviennent à s'échapper. Respectivement déguisés en page et en valet, ils gagnent ainsi la Franche-Comté, terre espagnole. Ils se rendent par Besançon, à Florence tenu par le grand-duc de Toscane, Ferdinand II (1610 - 1621 - 1670), petit-fils de leur tante Christine de Lorraine (morte en 1637), puis chez leur oncle, le duc de Bavière Maximilien Ier à Munich en août 1636 et enfin à Venise où ils séjournent dix-huit ans. La duchesse Claude meurt en couches en 1648 laissant cependant deux fils et une fille survivants qui assurent la continuité dynastique.

 

En 1654, après l'arrestation par les troupes du roi d'Espagne de l'intrigant Charles IV (qui a conservé ses titres malgré son abdication), il prend le commandement de l'armée Lorraine. Devant le refus espagnol de libérer le duc, il se rallie à la France et s'illustre avec son fils Charles à la bataille des Dunes le 14 juin 1658. Ses victoires permettent la libération de son frère, et sa collaboration avec le royaume de France permet la restitution des duchés à Charles IV (1661). Il meurt en janvier 1670 à Nancy où il a fait rapatrier le corps de son épouse.

 

Cependant, les intrigues de l'imprudent Charles IV entraînèrent une nouvelle occupation des duchés par les troupes françaises qui dure plus d'un quart de siècle (fr.wikipedia.org - Nicolas-François de Lorraine).

 

En 1615, Galilée lui adresse sa Lettre à la grande-duchesse Christine, qui fait suite à une discussion impromptue engagée par la duchesse Christine de Lorraine à la table des Médicis, en décembre 1613, concernant les rapports entre le système de Copernic et les Saintes Écritures. N'ayant pas assisté à la discussion, Galilée s'en était fait donner un compte-rendu par son ancien élève Benedetto Castelli; Galilée saisit alors l'occasion de donner son opinion sur le sujet (fr.wikipedia.org - Christine de Lorraine).

 

Cf. quatrain précédent II, 4 - Urbain VIII et Galilée - 1633-1634. 

 

Guerre en Lorraine

 

C'est en vain que le 19 janvier 1634, Charles IV abdiqua en faveur de son frère le cardinal Nicolas-François de Lorraine, évêque de Toul, personnage qui était mieux vu des Français et qui paraissait devoir tout céder mais qui, en l'occurrence se révéla un habile politique. C'est en vain que le nouveau duc qui bien qu'évêque et cardinal n'avait jamais encore été ordonné prêtre, se donnant à lui-même les dispenses nécessaires pour cause de parenté et de bans, renonça à l'épiscopat en même temps qu'à la dignité cardinalice et épousa sa cousine germaine Claude de Lorraine, fille du duc Henri II pour fortifier ses droits à la possession du duché de Lorraine et pouvoir être ainsi mieux en mesure de résister à Richelieu. Saisissant ou inventant des prétextes, mais en réalité en vertu du droit du plus fort et avec mille fourberies qui justifient toutes celles des ducs Charles IV et Nicolas François, Richelieu était maître de toute la Lorraine où ne se où ne se trouvait plus aucun membre de la famille ducale. Les Français étaient réellement maîtres du pays. Ils annonçaient leur intention de ne jamais rendre la Lorraine. Richelieu faisait composer de nombreux mémoires où par toutes sortes de subtilités, il démontrait les droits de la France sur elle. Un gouverneur, le comte de Brassac, fut le 1er novembre 1634 nommé gouverneur de toute la Lorraine avec droit de remplacer le duc pour la nomination dans tous les duchés à tous les bénéfices, canonicats ou cures. Alors commença pour la Lorraine une première «occupation» française qui dura jusqu'en 1663 et qui progressivement habitua ce duché à l'administration française, plus d'un siècle avant que celui-ci fût définitivement incorporé à la France (Paul Lesourd, La Lorraine, le Barrois, les Trois-Évêchés dans l'histoire de la France et, demain, de l'Europe, 1966 - www.google.fr/books/edition).

 

À MADAME LA DUCHESSE DOUAIRIÈRE DE TOSCANE, 30 janvier 1635, «Ma tante»... Le roi loue la compassion qu'elle a de l'estat où le duc Charles est réduit, et de la part que le duc Nicolas François, son frère, a dans sa disgrâce; mais c'est un légitime châtiment des mauvaises intentions qu'il ne cesse de manifester pour la France. «La participation que le prince Nicolas François a prise à sa dernière action m'a d'autant plus offensé que j'avois tousjours eu pour luy une affection particulière... Je ne puis faire autre response à la lettre que vous m'avez escrite par M. Mazarini, nonce extraordinaire.» S'il ne s'agissait pas d'une affaire d'État, le roi n'aurait rien à refuser à S. A. pour laquelle il a une grande affection (Denis Louis Martial Avenel, Collection de documents inédits sur l'histoire de France, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'etat du Cardinal de Richelieu, Tome Huitieme, 1877 - books.google.fr).

 

"classe bien ramée"

 

La Lorraine étant un Etat enclavé, cette flotte de galères (rames) est mystérieuse.

 

De Naples, le 1er Ianvier 1635 : Nostre soldatesque se plaint si grandement de ce que le Vice-Roy a converti la solde qui leur estoit deuë de 3. mois, en vn present qu'il a fait de quatre mille pistolles au Duc Nicolas François de Lorraine; auquel il a aussi promis des hommes & des vaisseaux pour ce Printemps, pour la levée desquels il a nommé en la presence trois Mestres de Camp (La Gazette de France, Tome 4, 1636 - books.google.fr).

 

En 1635, on condamne aux galères 1,400 soldats de l'armée du duc de Lorraine tombés entre nos mains; il est vrai que là-dessus il en arriva à peine 150 à Marseille. Les autres s'étaient échappés, avaient gagné les gardiens, étaient probablement morts en route par suite du mauvais traitement qu'ils subissaient, ou pendus car trop vieux pour servir aux galères ; «ce qui, disait une ordonnance royale, retarde notre service, parce que nous avons bien besoin de forçats». Le «commissaire-conducteur des condamnés aux galères» formait à Paris la chaîne qui se dirigeait à pied vers Lyon, suivie de charrettes où l'on mettait les malades; à Lyon on embarquait le convoi sur le Rhône, «dans des bateaux si humides que l'eau y pénétrait souvent. Les malheureux étaient jetés là, comme des pierres, du fer, ou toute marchandise non sujette à se détériorer, en vrac selon le terme des compagnies de chemin de fer; plus tard, en raison des pertes éprouvées, on fit un plancher dans le fond du navire et un plafond de bois au-dessus pour préserver ces malheureux de la chaleur. Une fois rendus à destination, il n'était pas facile aux «gens de chiourme» de reconquérir leur liberté, même s'ils y avaient droit. Il leur fallait lutter contre la mauvaise volonté des capitaines, qui, pour ne pas désorganiser leurs équipages, s'efforçaient toujours de retarder les ordres d'élargissement (Georges Avenel, Richelieu et la monarchie absolue, Tome 3, 1895 - books.google.fr, Ferdinand Des Robert, Campagnes de Charles IV, duc de Lorraine et de Bar, en Allemagne, en Lorraine et en Franche-Comté, 1634-1638, 1883 - books.google.fr).

 

91. IET DE LA CHAMBRE DES AYDES. Écusson aux armes pleines des ducs de Lorraine, telles que les portait Henri II, et dont nous avons détaillé les quartiers au n° 90. Au-dessus la couronne ducale de Lorraine, surmontée elle-même de deux rinceaux élégants, de ceux dont Briot se plaisait à enjoliver ses ornementations. Rev. OPS . SINGVLORVM . SALVS . OMNIVM. Une galère, spécialisée par la croix, de Lorraine dont la poupe est surmontée. Le chef, marchant sur le pont, ordonne les manÅ“uvres des nombreux rameurs qui occupent leurs bancs. Un pavillon de forme carrée, marqué d'une croix alésée, gravée en creux, est hissé au sommet du grand mât. A l'exergue, la date : 1612. Argent et laiton. Ce jeton est le premier que l'on connaisse de la Chambre des Aides de Lorraine. Il est très rare en argent. C'est d'après un exemplaire en ce métal qu'a été fait notre dessin, où l'on reconnait, sans la moindre hésitation, tous les caractères du travail de Briot; et il en est de même pour un bon nombre des exemplaires en laiton. Sur certains de ces derniers il n'existe pas, au revers, de filet circulaire intérieur pour séparer du champ la légende; et la date 1612, à l'exergue, n'est pas placée entre deux points. C'est une preuve que Briot a eu à graver deux coins, au moins, pour le revers de la pièce dont il s'agit. Il existe d'ailleurs, de cette même pièce, des imitations en laiton, datées de 1612, dont la gravure est tellement inférieure, pour ne pas dire grossière, qu'elles ne paraissent avoir pu être faites que par des ouvriers de la Monnaie de Nancy, doués de prétentions beaucoup plus fortes que ne l'était leur habileté (J. Rouyer, L'oeuvre du médailleur Nicolas Briot (les jetons), Revue belge de numismatique, 1894 - www.numisbel.be).

 

Nicolas-François de Lorraine est le neveu de Henri II.

 

Pour Nicolas Briot : cf. I, 80 - Les Condés en Bourgogne - 1616-1617.

 

Nicolas Briot est un médailleur français né en 1579 à Damblain (Lorraine) et mort en Angleterre en 1646. Parallèlement, avec son père qui a obtenu en fermage la frappe des monnaies du duc de Nevers, Charles de Gonzague, à Charleville, il grave les effigies de ce prince de 1608 à 1611, puis celles du duc de Bouillon à Sedan de 1612 à 1614. Il utilise alors des machines d'usage fréquent dans divers états de l'empire. Il est aussi graveur général du duc de Lorraine, qu'il équipe de presses à rouleaux venues de Nuremberg, tandis que son oncle François Briot les essaie à Montbéliard (fr.wikipedia.org - Nicolas Briot).

 

Après la mort de Charles Ier, qui monta sur l'échafaud le 9 février 1649, le duc de Lorraine écrivit au fils aîné de ce malheureux prince pour lui offrir ses services, et, l'année d'après, il s'aboucha avec le comte de Taafe, chargé d'une mission par le duc d'Ormond, lord-lieutenant d'Irlande pour le roi Charles II. Dans une lettre, datée du 25 avril 1650, les archevêques et évêques irlandais peignaient avec les plus sombres couleurs la triste situation de leur patrie et conjuraient Charles IV de les aider. Une entreprise aussi aventureuse lui plut extrêmement. Il remit sur-le-champ au comte de Taafe une somme de cinq mille livres sterling, manda au Souverain-Pontife qu'il allait consacrer toutes ses forces et ses ressources à la délivrance de l'Irlande, et dépêcha dans ce pays Étienne de Hennin, coadjuteur de l'abbé de Longeville, pour reconnaitre l'état des choses et porter aux catholiques une grande quantité d'armes et de munitions. Il montra beaucoup de désintéressement dans cette affaire, et offrit de se rendre lui-même en Irlande, avec une petite armée, et de fournir une partie de l'argent nécessaire aux frais de la guerre ; en retour, il exigea, à la vérité, qu'on lui accordât le titre de protecteur royal, qu'il devait conserver jusqu'au moment où Charles II pourrait rembourser intégralement les sommes que le duc aurait dépensées. La crainte de se donner un maitre, en cherchant un libérateur, empêcha d'accepter immédiatement les propositions de Charles IV; il y eut à ce sujet de longues délibérations en Irlande et dans le Conseil du roi ; enfin, comme les progrès de l'armée anglaise devenaient plus alarmants de jour en jour, on se décida à ne pas refuser au duc ce qu'il demandait, et il promit, de son côté, de s'embarquer le plustôt possible. Le traité signé, Charles s'occupa des préparatifs de l'expédition, fit enrôler des soldats, prit à son service des officiers de marine et acheta un vaisseau de guerre, qu'il appela l'Espérance de Lorraine, et dont il confia le commandement à un anglais nommé William Monklon. Malheureusement pour l'Irlande, le duc rencontra des difficultés qu'il n'avait pu prévoir et renonça à l'entreprise, avant que les préparatifs fussent complètement terminés. Les calomnies dont il fut l'objet ne contribuèrent pas peu à lui faire abandonner son dessein. [...] Un autre obstacle qui empêcha le duc de Lorraine de s'embarquer pour l'Irlande fut la part qu'il jugea à propos de prendre aux troubles de la France [la Fronde] (Auguste Digot, Histoire de Lorraine, Tome 5, 1880 - books.google.fr).

 

L'Espérance de Charles IV : recouvrer ses Etats

 

On sait que le cardinal Mazarin, en butte à l'animosité des parlements et d'une foule de grands seigneurs, avait été forcé de quitter Paris, avec le jeune roi et la Cour, au mois de janvier 1649; un accommodement, ménagé par le prince de Condé, avait rétabli la paix momentanément; mais les brouilleries se renouvelèrent l'année suivante. La reine-mère et le cardinal firent arrêter et enfermer au Havre le prince de Condé, le prince de Conti et le duc de Longueville. Le duc de Bouillon, la duchesse de Longueville et le maréchal de Turenne s'échappèrent, et le dernier, s'étant retiré à Stenay, conclut un traité avec l'archiduc gouverneur des Pays-Bas, reçut le commandement d'une partie de l'armée espagnole et commença les hostilités du côté de la Picardie. Charles IV crut voir dans les troubles dont nous parlons un moyen facile d'obtenir de la France des conditions plus avantageuses, et, pour opérer une diversion favorable à la cause des princes, il chargea le comte de Ligniville de rentrer en Lorraine, avec quatre mille hommes, d'enlever les villes mal défendues et de harceler le marquis de la Ferté. Philippe-Emmanuel de Ligniville, né dans le château de Houécourt, en 1611, était alors l'homme de confiance de Charles, qui lui avait donné le titre de maréchal-de-camp-général. [...] Cette campagne valut au marquis de la Ferté, envoyé par Mazarin, le bâton de maréchal, et attira de nouvelles calamités sur la Lorraine. Charles, qui avait espéré recouvrer ses États, reconnut, mais trop tard, la faute qu'il avait commise en divisant son armée et en ne donnant que quatre mille hommes au comte de Ligniville. [...] Le mauvais succès de la plupart des entreprises formées en 1650 ne découragea pas le duc de Lorraine et ne le porta pas à déserter la cause des princes. [...] La guerre languit sur les frontières, et Charles resta presque inactif en Flandre; mais les hostilités recommencèrent en Lorraine avant la fin de l'hiver (Auguste Digot, Histoire de Lorraine, Tome 5, 1880 - books.google.fr).

 

Acrostiche : Q HAA, Qabbalah HAA (Haaiah)

 

La collection de sceaux du Musée lorrain possède un curieux cachet à inscriptions cabalistiques. Ce cachet, circulaire, n'est pas en bronze ordinaire, mais en un alliage de métaux qui doit sans doute reposer sur certaines formules magiques. Au revers, on voit, gravées en creux, les lettres I K, initiales probables du nom de son possesseur, et la date 1620.

 

Or, si l'on veut bien consulter l'œuvre de Rembrandt et admirer une de ses eaux-fortes les plus célèbres, Le docteur Faustus, dont certaines épreuves hors pair figurent au Musée Dutuit, on voit le vieux docteur accomplissant une œuvre magique. Le célèbre magiste, penché sur sa table, regarde avec curiosité un pantacle lumineux qui se reflète sur un vitrail de son laboratoire. On se rendra facilement compte, en les comparant, de ce que les légendes des deux cachets ont d'identique, malgré quelques substitutions de lettres.

 

Rembrandt vivait de 1608 à 1669; notre cachet, étant de 1620, est bien de la même époque; il était donc la reproduction d'un talisman connu et célèbre, que le grand artiste devait adopter quelques années plus tard pour figurer à côté du plus populaire des occultistes allemands du XVe siècle.

 

L'année 1620 et toute cette époque est une phase des plus actives de l'histoire; on était en pleine période de la guerre de Trente ans : Wallenstein guerroyait en Bohême, et si j'invoque ce nom, c'est qu'un talisman célèbre a appartenu à ce grand capitaine. Grâce à l'imprimerie, grâce à ce renouveau qu'on a appelé Renaissance, des penseurs, des savants répandaient leurs écrits et battaient en brèche les idées de l'époque. Mais il n'était guère prudent de dire ouvertement ce qu'on pensait, on risquait le bûcher, aussi bien à Rome qu'à Genève, et c'est de là que naquit dans les ouvrages de magie, d'alchimie, sur les talismans, les gravures, ce langage inintelligible à double et triple sens, ces rébus dont il faut avoir la clef.

 

Fin de l'exorcisme des esprits aériens : «Venez, venez au nom d'Adonay, de Zabaoth, Adonay, Amoriam. Venez, venez ! pourquoi tardez-vous ? qui vous arrête ? Hâtez-vous, Adonay, le roi des rois vous l'ordonne, El, Aty, Titeip, Azia, Hyn, len, Minosel, Achadan, Vay, Vaa, Ey, Haa, Eye, Exe, à Ell, El, El, El, Hy, Han, Han, Han, Va, Va, Va, Va.» (A. Quenaidit, Cachet cabalistique du Musée lorrain, Bulletin mensuel, Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lorrain, Volumes 61 à 62, 1912 - books.google.fr).

 

C'est vers cette époque, en 1622, que se passait aussi un autre, épisode moins glorieux pour le corps médical, dont un des membres les plus distingués eut pourtant la faiblesse de partager les préjugés de son siècle sur la sorcellerie. Voici de quoi il s'agissait Demoiselle Élisabeth de Ranfaing, veuve de Dubois, prévôt d'Arche, avait fait vœu de chasteté. Un médecin de Remiremont, Charles Poirot, devint éperdument amoureux de la jeune veuve et mit en usage, pour obtenir sa main, tous les moyens que sa passion lui inspira. Élisabeth résista, mais bientôt elle dit et fit des choses si extraordinaires qu'on crut qu'elle était possédée par le démon. L'évêque de Toul consulta des médecins et des théologiens, qui ne furent pas d'accord sur la nature du mal de demoiselle de Ranfaing; elle fut néanmoins exorcisée, mais sans succès, et elle ne récupéra la raison qu'après avoir fait plusieurs pèlerinages.

 

Elle était, dit le marquis de Beauvaus dans ses Mémoires, possédée depuis plusieurs années, avec des contorsions épouvantables, le diable l'élevant quelquefois en l'air au milieu de l'Église, la tête en bas sans que ses jupes se renversassent. L'état de la jeune veuve fut attribué aux maléfices de son amant; accusé de sorcellerie, le malheureux médecin fut jugé, condamné et brûlé à Nancy le 2 avril 1622, pour ses maléfices, en compagnie d'une fille qu'on lui donnait pour complice. Le père Pithoys, minime champenois, s'était cependant prononcé ouvertement contre la possession d'Élisabeth; il priaît Dieu de lui envoyer le diable au corps s'il était vrai qu'elle fût possédée. Et, chose étrange, ce fut un médecin, Remy Pichard, écuyer, conseiller et médecin ordinaire du duc, qui réfuta le minime et entraîna la conviction, des juges dans un écrit "sur l'admirable vertu des saints exorcismes sur les princes d'enfer possédant réellement vertueuse damoiselle Elisabeth, avec ses justifications contre les ignorances et calomnies de F. Claude Pithoys, minime". (Albert René, L'ancienne faculté de médecine de Pont-à-Mousson (1592-1768), Lancette française: Gazette des hôpitaux civils et militaires, Volume 54, 1881 - books.google.fr).

 

La répression de Lorraine nous ramène en 1625 aux histoires d'envoûtements avec les procès du chevalier des Bordes et de Melchior de la Vallée, chantre de la collégiale Saint-George, aumônier du duc et Seigneur de Laxou, lequel ayant contribué par des charmes secrets au refroidissement conjugal de Charles IV régnant, au point qu'un révérend père jésuite commis ad hoc n'avait pu découvrir de quoi ces charmes étaient composés et pour ce, ce noueur d'aiguillettes fut pendu et brûlé et ses biens confisqués servirent au duc à commencer la construction de la chartreuse de Bosserville. Comme Melchior de la Vallée avait baptisé la femme du duc, le duc très chrétien la répudia, le mariage n'étant plus valable aux yeux de l'Eglise (M. Barthélemy, Sorcellerie et criminalité chez les animaux, Annales, Société d'émulation du département des Vosges, 1901 - books.google.fr).

 

"Haa" se retrouve dans des exorcismes aux esprits aériens cités par Cornelius Agrippa. Haa est aussi l'abréviation de Haaiah, un des 72 anges, des dominations (Ville de Genève: bulletin du Musée d'art et d'histoire, Volumes 21 à 23, 1943 - books.google.fr, Les oeuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, 1547 - books.google.fr).

 

Le Nom de Haaiah est un acrostiche du Psaume 119, v. 145 : "Je t'invoque de tout cÅ“ur, écoute-moi, Éternel, afin que j'observe tes statuts" (saintebible.com).

 

Qui entend les choses les plus cachées (François Henri Stanisla de L'Aulnaye, Histoire générale et particulière des religions et du culte de tous les peuples du monde tant anciens que modernes, 1791 - books.google.fr).

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