Les Provinciales de Blaise Pascal dans la persécution des JansénistesLa Fortune de MazarinII, 361657-1658Du grand Prophete les letres seront prinses : Entre les mains du tyrant deviendront : Frauder son roy seront ses entreprinses, Mais ses rapines bien tost le troubleront. Jansénius
expose sa doctrine dans l’Augustinus en 1640. Son influence croîtra rapidement
en France en particulier, où l’on sera séduit, dans toutes les classes
sociales, par l’austérité des jansénistes. Mazarin, « accusé de tous les
péchés du monde, et notamment d’être un voleur, un tyran et l’amant de la reine
(seule la première des ces accusations est acceptable) [1] »
« persécute Port-Royal, enferme les solitaires, à cause de l’attitude
politique des jansénistes qui soutiennent les derniers frondeurs (Mme de
Longueville et le cardinal de Retz). Il préside l’assemblée qui reçoit le bref
condamnant les cinq propositions attribué à Jansénius dans l’Augustinus (1655),
impose aux ecclésiastiques le formulaire de février 1661, fait fermer les
Petites Ecoles et disperser les solitaires[2] »
Blaise
Pascal fera publier, de 1656 Ă 1657, 18 lettres Ă un provincial, plus connues
sous le nom de Provinciales, qui auront, et avec par la suite leur traduction
latine, un succès considérable. Elles sont écrites pour soutenir la cause des
Jansénistes et du Grand Arnauld en particulier condamné par la Sorbonne. Elles
seront mises à l’index dès septembre 1656 à Rome, condamnées en février 1657
par le Parlement d’Aix à l’initiative des Jésuites à être brûlées, et, dans
leur traduction latine, condamnées au feu en septembre 1660 par le Conseil du
roi (« Entre les mains du tyrant… »). Mazarin et le roi
lui-mĂŞme se les faisaient lire. Blaise
Pascal peut être qualifié de prophète à deux titre. Il est « un génie
particulièrement français dans toutes ses dimensions […] En même temps qu’un
génie prophétique : car personne mieux que cet homme du XVIIème siècle,
n’a compris les questions qu’allait se poser l’homme du début du XXIème. [3]». D’autre
part il pris comme pseudonyme, pour des écrits scientifiques, le nom d’Amos
Dettonville, anagramme de Louis de Montalte, autre pseudonyme qui fut une
signature de quelques Provinciales. Amos était un prophète biblique qui s’en
prenait aux iniquités sociales. Il est « le type de l’inspiré isolé,
heurtant de front tous les intérêts et touts les traditions au nom de sa
certitude personnelle absolue d’exprimer la pensée divine[4] ».
En cela, il se rapproche de Pascal, le « misanthrope sublime » selon
Voltaire, « dans son obsession religieuse, son ascétisme, son apologie de
la solitude [5]». Mazarin
s’enrichit en 8 ans de pouvoir « par les plus scandaleux trafics, les
ventes de fonctions publiques, les détournements des deniers de l’Etat
[…] jamais on n’avait vu pareil « filoutage » [6]».
Cependant Mazarin organise une loterie en février 1658 où chaque joueur reçoit
un lot de prix. A sa mort il lègue à la famille royale tableaux et objets
précieux. Cette « distribution » testamentaire de 1661 dépassa
largement celle de la loterie de 1658, « et c’était peut être encore une
sorte de restitution [7]»
(« ses rapines… le troubleront »). Acrostiche : DEFM, DEF. M.
"Def" comme abréviation de défense
(Michel Le Tellier, Defense des nouveaux chretiens et des missionaires de la Chine, du Japon, et des Indes: Contre deux Livres intitulez la morale pratique des Jesuites, et l'esprit de M. Arnauld, Tome 1, 1688 - books.google.fr). et "M" comme morale.
Condamné par le pape et censuré par la Faculté de Théologie de Paris (la Sorbonne), pour ses écrits jansénistes, le Grand Arnauld décida,
après entente avec ses amis de Port-Royal, d'en appeler à l'opinion publique. Mais les Solitaires n'approuvèrent qu'à demi la défense qu'il avait préparée;
aussi engagea-t-il Pascal à «faire quelque chose». En janvier 1656, parut, sous le voile de l'anonymat, une
Lettre écrite à un Provincial par un de ses amis sur le sujet des disputes présentes de la Sorbonne, puis, successivement, jusqu'en janvier 1657, 17 autres Lettres également
anonymes. Les 18 lettres eurent un succès éclatant; elles parurent en volume en 1657 sous le pseudonyme de Louis de Montalte et le titre de Provinciales, qui leur est resté.
Les lettres I à IV traitent de la grâce. Les lettres V à XVI traitent de la morale des jésuites. Pascal leur reproche leur casuistique, où il voit un art
d'excuser les fautes les plus graves, fondé sur de néfastes doctrines : A) la doctrine de la probabilité (il suffit de l'autorité d'un seul docteur pour rendre une opinion probable,
c'est-à -dire plausible, acceptable); B) celle de la direction d'intention (la pureté de l'intention peut corriger le vice de l'action : par exemple, un
gentilhomme qui a reçu un soufflet peut tuer son agresseur, s'il le fait, non pour se venger, mais pour conserver son honneur); C) celle de la restriction mentale (qui rend
licite le parjure : par exemple, après avoir dit tout haut : «Je jure que je n'ai point fait cela», on peut ajouter tout bas : «aujourd'hui»). Les lettres XVII et XVIII traitent
de l'autorité du pape et des concile.
Montalte paraît être une allusion au lieu de naissance de Pascal, Clermont, en latin Mons altus (génitif : Montis alti).
En réalité, les dix premières lettres seulement sont adressées au Provincial; le six suivantes le sont aux jésuites en général, les deux dernières à l'un d'entre eux, le Père Annat. Au XVIIe siècle,
les Provinciales sont ordinairement appelées Les Petites Lettres. Sous le pseudonyme de Wendrock, Nicole en publia, en 1658, une
traduction latine, dont la PrĂ©face contient des renseignements intĂ©ressants : Pascal Ă©crivit de verve la 1ère lettre; les autres furent longuement travaillĂ©es et recommencĂ©es jusqu'Ă
sept ou huit fois; la XVIIIe fut refaite treize fois. La IVe, où il est déjà question de la morale des jésuites, forme transition avec les suivantes
(Michel-Maurice Guillaume, Histoire de la littérature française, 1946 - books.google.fr). Pour nous, mon R. P., que vous regardez aujourd'hui comme le principal objet de votre animosité, bien loin de nous repentir
de l'engagement où Dieu nous a mis nous nous sentons obligés de lui rendre graces de ce qu'il a fortifié notre foiblesse contre ces craintes. Et peut-être aussi que la postérité nous saura
gré d'avoir mieux aimé nous exposer à tous les ressentiments d'une haine aussi obstinée & aussi puissante qu'est la vôtre, que d'abandonner la défense de la Morale de JÉSUS-CHRIST
(Septième factum pour le curés de Paris, A Paris, le 25 Juin 1659, attribué à Pascal)
(Oeuvres de Blaise Pascal, Tome 3, 1779 - books.google.fr,
Pensées de m. Pascal sur la religion, et sur quelques autres sujets: qui ont esté trouvées aprés sa mort parmy ses papiers, 1688 - books.google.fr). Dans Les Provinciales, l'éloquence est réservée au camp de la vérité. Ainsi Pascal l'assigne-t-il
au Montalte de la 10e Lettre, qui se fait le défenseur de la morale évangélique contre la casuistique jésuite
(Chroniques de Port-Royal, Volumes 57 à 58, 2007 - books.google.fr). [1] Pierre Goubert, « Le siècle de Louis XIV », le Livre de Poche – de Fallois, 1996, p. 185 [2] Grand Larousse encyclopédique en XX volumes, 1970 [3] Jacques Attali, « Blaise Pascal », Fayard, 2000, p. 13 [4] Adolphe Lods, « Les prophètes d’Israël », Albin Michel, 1969, p. 85 [5] Jacques Attali, « Blaise Pascal », Fayard, 2000, p. 460 [6] A. Malet et J. Isaac, « XVIIème & XVIIIème siècles », Hachette, 1923, p. 89 [7] Claude Dulong, « Mazarin », Perrin, 1999, p. 362 |