canal de Briare

Le canal de Briare

 

II, 14

 

1641-1642

 

A Tour Gien gardes seront yeux penetrants,

Descouvriront de loing la grand sereyne :

Elle & sa suitte au port seront entrants :

Combats poulsez : puissance souveraine.

 

Montargis et le Loing : "de loing la grand sereyne"

 

On compte sur un jeu de mot "loing" : "le Loing".

 

La révolte des Cottereaux en 1181-82 incite Philippe-Auguste à annexer en même temps Gien et Montargis au domaine royal en 1184, Pierre II de Courtenay recevant des compensations avant de finir empereur de Constantinople. L'année-même le roi signe un acte à Montargis « en notre palais » : il résidera douze autres fois au château qu'il complète par l'érection du donjon central, haut de trente-cinq mètres. La Maison-Dieu devient Hôtel-Dieu comme dans toutes les villes royales, recevant la pente du Vernisson jusqu'à Villemandeur, desservie depuis l'établissement par un chemin rural (impasse de l'Ancienne Comédie, rue Raspail, chemin de Saint-Denis menant à Mormant). Avec le pèlerinage à Compostelle à son zénith (plusieurs enseignes rue de Loing à l'image de Saint-Nicolas des Lorrains), la ville vit des opérations de moulinage à foulon et à tan. Mais le rattachement au domaine favorise aussi la route du Bourbonnais, créatrice de relations multiples avec l'Auvergne et même le Languedoc comme avec Paris. Grâce à des pertuis, le Loing est navigable à la descente depuis Cepoy où un prieuré de La Chaise-Dieu sert de terminal aux colporteurs auvergnats. Montargis dotée d'une modeste châtellenie (neuf communes) en 1202 la voit s'incorporer, peu après, dans un bailliage nouveau Cepoy-Montargis: si le bailli réside à Cepoy, la prévôté est à Montargis, son penon (drapeau) flotte à l'angle de la rue Dorée (Magasins Ouf). [...] (Paul Gache, Les grandes heures de Montargis: ses monuments, ses hommes célèbres, ses événements marquants, 1980 - books.google.fr).

 

Le samedi 15 juillet 1525, à 11 heures du soir, prend à « l'Ange », principale hostellerie depuis 1476, un incendie. Une rixe ou vengeance d'officiers de Louis de Vendôme, vidame de Chartres, pris à Pavie le 24 février, sans solde depuis, est à l'origine du sinistre qui se répand de l'angle des rues Leclerc et Périer à la Grande Boucherie (derrière l'Huis de fer) et par le portail de l'Espérance (devant l'église). Poussé par un vent violent, le feu dévore toute la ville, sauf le château, la porte feu Ogier, trois maisons attenantes dont « les Trois Maures », la maison de Laurent de Brunes à la Pêcherie et deux autres. Tout est brûlé « jusqu'à l'aire » et sur les rivières « jusqu'à l'eau », viviers compris ; Sainte-Croix et N .D.-de-Recouvrance, rue Dorée, sont anéanties, mais subsiste le gros œuvre de La Madeleine (la petite porte nord de 1377 demeure) et les faubourgs de La Conception et de La Chaussée sont indemnes. On ne sait le nombre de victimes, les portes étant closes par crainte des gens du vicomte de Turenne, également sans solde et redoutés comme des pillards. Les habitants, réfugiés dans la prairie sont affranchis d'impôts pour dix ans par Louise de Savoie: ils étendent de nouveaux faubourg, à la Sirène vers Paris et aux Moines vers Lyon, avant même de reconstruire leur ville en vingt-cinq ans. (Paul Gache, Les grandes heures de Montargis: ses monuments, ses hommes célèbres, ses événements marquants, 1980 - books.google.fr).

 

Louis de Savoie est deux fois régente de France pendant les campagnes italiennes de son fils : en 1515, lorsqu'il partit battre les Suisses à la bataille de Marignan, puis à nouveau en 1525-1526. La régence de Louise de Savoie est de première importance après la capture du roi lors de la bataille de Pavie car, du fait de son expérience, elle peut organiser la continuité du royaume et une contre-offensive diplomatique contre l'empereur Charles Quint (fr.wikipedia.org - Louise de Savoie).

 

Le 10 février 1528 est conclu le traité de mariage de Renée de France, fille de Louis XII, avec le duc de Ferrare. Renée de France, veuve, se retira au château de Montargis, qui faisait partie de son apanage, en 1561 et y mourut en 1575. L'ancienne forteresse dominant le Loing était enfermée dans une enceinte ovale. Renée releva les fortifications pour pouvoir défendre la place dans les troubles religieux et établit ses appartements dans les bâtiments médiévaux, notamment la célèbre grande salle. Favorable aux protestants, elle y accueille l'architecte Jacques Androuet Du Cerceau en 1565, qui lui dédiera son volume de Grotesques l'année suivante. Du Cerceau travaillera encore au château et dans la ville (le pont sur le Loing) jusqu'en 1581 et 1583. Dans ses Plus Excellents Bâtiments de France, il a gravé les plans et élévations du vieux château de Montargis ainsi que d'une galerie de bois qu'il avait dressée dans les jardins. Il ne reste aujourd'hui qu'une poterne et des vestiges de l'enceinte (Jean Pierre Babelon, Châteaux de France au siècle de la Renaissance, 1989 - books.google.fr).

 

Au fur et à mesure que la sécurité générale revenait, les gens des villes sentaient moins le besoin de vivre à l'intérieur des murailles ; et c'est ainsi que le développement de Montargis se fit par les faubourgs que nous avons évoqués plus haut, et vers eux. Ces faubourgs étaient au nombre de quatre dont le Faubourg de la Sirène construit au bas de la colline du château, et le long de la voie qui a été la première route de Paris  (Recueil des travaux de l'Institut national d'hygiene: travaux des sections et mémoires originaux, Volume 3, 1947 - books.google.fr).

 

En suivant la rue du Loing, qui longe l'église, on voit à g. quelques vieilles maisons en bois bâties sur un bras de la rivière ; plus loin, c'est le faubourg de la Sirène, dominé par les restes peu remarquables du château, des XIIe-XVe s.: on les voit encore mieux de la place du Pâtis (Karl Baedeker, Le Nord-Est de la France, de Paris aux Ardennes, aux Vosges et au Rhône, 1895 - books.google.fr).

 

Daniel Charroyer, de la même famille que le seigneur de Treilles, major de la milice bourgeoise de Montargis où il demeurait, s'était reconnu détenteur, le 10 août 1731, d'une maison, grande rue de Loing, où il demeurait, « avec jardin derrière », et d'autres maisons, rue Dorée, rue Neuve du Pâtis; d'un magasin « dans la rue aux Maures, faubourg de la Sereine » ; d'un jardin au même lieu, de deux arpents trois quartiers de terre situés derrière le château de Montargis et enfin d'une maison « dans le faubourg du Pastys », le tout dans la ville de Montargis (Annales de la Société Historique et Archéologique du Gâtinais, Volume 24, 1906 - books.google.fr).

 

Tours et garde

 

Le château de Sully, ancienne demeure des sires de la Trémoille, a été restauré et presque entièrement reconstruit par le fidèle ministre de Henri IV, qui, après la mort de ce monarque, se retira à Sully, où il employa ses moments de loisir à embellir sa demeure. La grosse tour du château, baignée par le magnifique canal qui sépare le château de la ville, avoisine ces salles; elle est parfaitement conservée, et porte le nom de tour de Béthune. C'est dans cette tour que Sully fit établir l'imprimerie qui a servi à l'impression de la première édition de ses Économies royales. On voit encore à Sully une des anciennes portes de la ville et quelques anciens murs de son enceinte (Eusèbe Girault de Saint-Fargeau, Guide pittoresque du voyageur en France: contenant la statistique et la description complète des 16 départements, Tome I, 1838 - books.google.fr).

 

Philippe Auguste comme jadis Henri II Plantagenêt va plus loin et tente de se substituer à certains seigneurs locaux comme « garde » de telle ou telle abbaye (Guy Devailly, Le Berry du Xe siècle au milieu du XIIIe, 1973 - books.google.fr).

 

Autour de 1200, Philippe-Auguste fit édifier dans la région comme symbole de sa suzeraineté tutélaire trois de ces tours « neuves » stéréotypées. Celle d'Orléans, dont le devis est conservé, celle de Montargis, souvent confondue avec une tour-porte, et celle de Sully-sur-Loire, qu'il abandonna contre remboursement au seigneur local (Monuments historiques, Numéros 161 à 166, 1989 - books.google.fr).

 

Le château de Sully appartient à Henri de Sully, seigneur local, vassal de l'évêque d'Orléans Manassès de Seignelay. Mais ce dernier le lui confisqua, peu avant 1218, par suite d'un litige survenu entre eux à propos d'une taxe indûment réclamée par le seigneur â un marchand. C'est alors que l'évêque confia la garde du château au roi qui s'empressa de faire construire une de ses tours en un lieu stratégiquement intéressant pour lui, puisque situé entre ses terres du Gâtinais et celles du Berry (A. Chatelain, Recherche sur les châteaux de Philippe-Auguste, Archéologie médiévale, Volume 21, 1991 - books.google.fr).

 

Sirène

 

Madame Thouvenot, notre sociétaire de Nontargis, nous écrit avoir vu au musée de Montargis, une petite sirène au miroir qui ornait la proue d'un bateau du XVIIe siècle (Bulletin de la Société de mythologie française, Numéros 88 à 96, 1973 - books.google.fr).

 

Les sirènes ou Mélusines dont l'image a été sculptée sur de nombreux monuments anciens du Giennois ont-elles existé ! (cf. sculptures figurant au château de Gien, sur des chapiteaux des églises de Saint-Brisson, Coulions, Saint-Benoît-sur-Loire, et sur des stalles de l'église de Châtillon-sur-Indre) (Revue d'histoire de l'église de France, 1971 - books.google.fr).

 

Le comte d'Angoulême, ses revenus ne lui permettant sans doute pas d'enrichir sa bibliothèque, il entretenait pourtant un délicieux enlumineur, Robinet Testard, dont nous croyons reconnaître la main dans la décoration du livre du sire de Goétivy. Testard gagna la faveur de Louise de Savoie, et resta à son service jusqu'à un âge avancé. Il exécuta, dans ce moment, un curieux et fort beau travail : il illustra un volume, qui comprend les Echecs amoureux, et un autre traité, composé, à la fin du XIVe siècle, pour le duc Louis Ier d'Orléans, l'Archiloge Sophie. [...] Le type caractéristique de Louise de Savoie reparait sans cesse : mince et même sèche, la robe bien ouverte, les cheveux d'un blond châtain relevés sous une coiffe, le front haut, les sourcils minces et légèrement arqués, la peau blanche et fine, de maigres joues peu colorées, la bouche et le menton mignons, le nez droit et massif, les yeux gris en coulisse, un pou boursouflés, au regard qui se dérobe. Louise joue le rôle de Dame Nature. Ici, la Nature ouvre à un amant richement vêtu (qui ressemble fort au page du début) les portes d'un château. Plus loin, elle endoctrine l'amant. Une fois même, elle figure à demi nue, en sirène. L'Archiloge Sophie, qui complète le manuscrit, répond à d'autres idées : les idées de pompe et d'ambition; on le sent, de suite, plus officiel et moins intime (René de Maulde-La-Clavière (1848-1902), Louise de Savoie et François 1er, trente ans de jeunesse (1485-1515), 1895 - archive.org).

 

Le lynx aux yeux pénétrants et les sirènes se retrouvent mentionnés au Livre V des Métamorphoses d'Ovide, Minerve chez les Muses, dans le chant de Calliope qui raconte comment Cérès recherche vainement Proserpine et se venge. Cérès parcourt terres et mers et veut se venger de la terre entière, en particulier de la Sicile, en plongeant toutes les contrées dans la stérilité et la désolation. Alors, la fontaine d'Aréthuse implore pitié pour la Terre, nullement responsable de cette disparition, et apprend à Cérès que Proserpine est devenue la souveraine des enfers. Jupiter consent à laisser Proserpine, qui a rompu le jeûne imposé par les Parques aux habitants des enfers, passer une partie de l'année dans les enfers, et l'autre sur terre en compagnie de sa mère. Les filles de l'Achélous, qui ont manifesté de la sympathie à Proserpine, sont, à leur demande, métamorphosées en sirènes. Enfin apaisée, Cérès écoute Aréthuse, qui lui raconte ses aventures. Cérès quitte la Sicile et se rend à Athènes par la voie des airs. Là elle confie son char au jeune Triptolème qu'elle charge de répandre partout des semences. Ayant fait part de sa mission à Lyncus, roi de Thrace, le jeune homme suscite l'envie du roi qui tente de le tuer dans son sommeil. Mais Cérès métamorphose Lyncus en lynx, et permet à Triptolème de poursuivre sa mission (bcs.fltr.ucl.ac.be).

 

Cérès est une déesse de la Nature, si elle ne la représente en elle-même.

 

Pour Panurge, si l'organisation économico-financière du monde se réalise, tous les dieux de la Nature fourniront en abondance leurs productions ; «ce sera l'Idée des régions Olympicques» (Guy Demerson, "Extraicts de haulte mythologie" : La mythologie classique dans les "Mythologies Pantagruélicques" de Rabelais. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1973, n°25 - www.persee.fr).

 

"Ô comment nature s'y délectera en ses œuvres et productions : Cérès chargée de bleds, Bacchus de vins, Flora de fleurs, Pomona de fruicts, Juno, en son aer serein, sereine, salubre, plaisante. Je me perds en ceste contemplation" (Tiers Livre) (Les Oeuures de M. François Rabelais, 1573 - books.google.fr).

 

Dans un esprit anti-évhémériste, le Tiers-Livre conte la fable de Lyncus qui, voulut s'arroger l'honneur d'avoir inventé le blé, et, que Cérès transforma en loup-cervier. Gaster est bien un descendant de l'impie Lyncus. Ainsi, ce qui est important dans l'apparition de la mythologie classique au cours de l'œuvre, c'est qu'elle est le modèle du processus par lequel un récit de type populaire prend en surimpression une valeur fabuleuse, comme les généalogies, les etiologies, les thériomachies qui opposent de nouveaux Hercules aux monstres qui dénaturent l'homme. Or ce n'est pas seulement la structure temporelle du récit, mais l'âme même des personnages qui est marquée par cette présence du mythe classique (Guy Demerson, "Extraicts de haulte mythologie" : La mythologie classique dans les "Mythologies Pantagruélicques" de Rabelais. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1973, n°25 - www.persee.fr).

 

Dans son quatorzième sermon sur l'Apocalypse où il s'oppose au mouvement des Vaudois, après ces histoires d'êtres mystérieux venus de la mer et de femme-serpent, Geoffroi d'Auxerre, connu également sous le nom de Geoffroy de Clairvaux, moine Cistercien du XIIème siècle, disciple direct de Bernard de Clairvaux, revient à son point de départ - Jézabel, la femme prophète qui mena le peuple de Thyatire à la luxure et à l'idolâtrie. La coïncidence onomastique avec la mauvaise reine d'Israël (3 Rois 18, 4 ; 21, 23 ; 4 Rois 9, 7-47) renforce l'association du féminin, de l'animal et du démoniaque avec l'hérésie et la prédication non autorisée. La transgression de l'ordre naturel, en ce sens qu'un être humain prend une forme mixte, reflète la transgression de l'ordre social  (Les Cathares devant l'histoire: Mélanges offerts à Jean Duvernoy, 2005 - books.google.fr).

 

Le médecin Cornelius Agrippa comparaît déjà Louise de Savoie qu'il avait servi à la reine biblique Jézabel (Le Prieuré de Sion : Prologue : Serpentaire : Annemasse et Charles Baudouin).

 

Jeanne de Naillac est une autre "sirène". Femme du chancelier Pierre de Giac, elle attira, selon certains auteurs, le duc de Bourgogne Jean sans Peur dans le guet apens de Montereau où il est assassiné par les hommes du dauphin, futur Charles VII, en 1419. En 1427, les Anglais sont battus à Montargis, ce qui marque l'époque du revrs de leur fortune en France (Histoire de France depuis le temps les plus régulés jusqu'a la Revolution en 1789, Dufour et Mulat, 1850 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Assassinat de Jean Ier de Bourgogne).

 

Montereau-Fault-Yonne, au confluent de l'Yonne et de la Seine, se trouve en amont et près de Moret où se jette le Loing dans la Seine.

 

En réalité, Hurepoix n'était pas originellement un nom propre, mais un déterminant commun. Indépendamment du Hurepoix de Dourdan, consacré dans la pratique, et du Hurepoix de Nogent-sur-Vernisson, il y avait d'autres Hurepoix en Gâtinais. ll y avait au Nord, le Hurepoix de Dormelles, ancienne résidence mérovingienne près Montereau : « il y a un endroit voisin de Montereau-fault-Yonne appelé Hurepois» écrit Claude Fauchet en 1580 ; « Dormelles, laquelle fait la séparation du Gâtinois et du Hurepois » ajoute Dom Morin. Ce Hurepoix lui aussi de quelques communes était limité au Sud par la forêt de Sereine d'où Chevry-la-Sereine (Chevriaco Serenensi en 1164 dans la grande charte de Villechasson), altérée depuis en simple bocage (ainsi Lorrez-le-Bocage). Juste au Sud de la Sereine, nouvel îlot d'openfield, illustré par les halles aux grains d'Egreville et limité à l'Est par les Haies (au sens germanique de Haga : forêt) de Courtenay et au Sud par le « Buisson de Paucourt » devenu forêt de Montargis. « Egreville, pais de Hurepois » écrit Dom Morin ; « le fief du Boulay (juste au nord de Ferrières-en-Gâtinais) esf dit en Hurepois » ajoute-t-il avec la précision d'un prieur de l'abbaye de Ferrières. Et de Paley, partagée par le cours du Lunain et proche de Lorrez, il dit encore : « Pallay, assise tant en Gastinois que Hurepois ». Or Paley a ce fameux cimetière franc. Donc toujours une ellipse de cultures et un site d'ancienneté au moins franque affirmée. Autre Hurepoix, entre les forêts  précitées et celle de Burcey qui commence la Puisaye, celui de Châteaurenard. On a dit Châteaurenard-en-Gâtinais au XlX* siècle, mais les notaires du XVe écrivent Châteaurenard-en-Hurepois (Bulletin folklorique d'Ile de France, Volume 33, Fédération folklorique d'Ile-de-France, 1971 - books.google.fr).

 

En francique Wôst désignait un ensemble forestier dégradé qui n'a plus sa continuité comme nous parlons de forêts secondaires en frange de la forêt vierge. Il s'opposait à Hurepel, paysage hérissé, alternance de buissons, de terroirs céréaliers et de bois, et plus encore à Belsia, plateau sans arbre. Très vite, chaque type de paysage imposa son nom au secteur géographique où il dominait: on trouve à plusieurs reprises Wôst transcrit en latin dans la formule pagus Wastinensis au début du VIIe siècle et en français, le W dur de Wastinensis s'est mué en G comme nous traduisons Guillaume le Wilhelm germanique, d'où Gâtinais (Paul Gache, Les grandes heures de Montargis: ses monuments, ses hommes célèbres, ses événements marquants, 1980 - books.google.fr).

 

Yeux pénétrants

 

Le roi Henri III d'Angleterre est surnommé le lynx par Guillaume Le Breton, chroniqueur du roi Philippe Auguste présent à Bouvines (1214), selon Les Prophéties de Merlin.

 

"Vere ipse est lynx typica Merlini, de qua idem Merlinus, de patre ejus, quem leoni comparaverat, loquens: Ex eo, inquit, procederet lynx penetrans omnia, que ruine proprie gentis imminebit, per illam namque utramque insulam amittet Neustria, et pristina dignitate spoliabitur" (De Gestis Philippi Augusti) (Recueil des historiens des Gaules et de la France, Tome XVII, 1818 - books.google.fr).

 

Henri III devra céder à Saint Louis la souveraineté de Tours et de la Touraine en 1256. (Étienne de Jouy, Oeuvres complètes, Tome XXV, Essais sur les moeurs, Tome VII, 1826 - books.google.fr).

 

Lyncée, sirènes, Briarée/Briare et canaux : Rutilius Namatianus

 

La comédie Querolus est dédiée à un Rutilius, grand personnage et ami des lettres. Pierre Daniel, qui en assure la première édition imprimée, à Paris, en 1564, l'identifie avec le célèbre Rutilius Namatianus, qui revint de Rome en Gaule en l'an 416 après avoir été préfet de la Ville, et qui écrivit sur ce Voyage un poème qui nous a été en partie conservé (Louis Havet, Le Querolus: comédie latine anonyme, 1880 - books.google.fr).

 

A.Chastagnol (p. 194, note 4) signale par ailleurs que beaucoup de préfets quittaient leur charge avec joie et soulagement. Cette remarque jointe au fait que Rutilius Namatianus n'a exercé sa charge que très peu de temps peut éclairer la fin du monologue. [...] Pantomalus trouvant finalement que la charge de son maître est la pire des conditions. L'évocation uiuat ambitor togatus... (Quer. 16) raillerait dans un raccourci saisissant les inconvénients d'une fonction extrêmement absorbante et parfois très inconfortable et trahirait sans doute la déception de Rutilius devant la corruption et le laisser aller des services qu'il a eus sous ses ordres. Vraisemblablement, le personnage d'Arbiter qui a instruit Quérolus et lui a ouvert les yeux sur les méfaits de ses esclaves si quando isti casu uel consulte) se uident, tunc inuicem sese docent (Quer. 73), cache-t-il un proche de Rutilius qui a lui aussi occupé une haute fonction dans l'administration impériale et l'on songe à Lucillus, intendant des Largesses Sacrées que Rutilius Namatianus évoque dans le De reditu (voir introduction p.XXI). Enfin, l'idée de cette caricature et de cette transposition a pu être inspirée à l'auteur par la satire 14 de Juvénal qui décrit un maître dur à l'excès portant justement le nom de Rutilus: an saeuire docet Rutilus, qui gaudet acerbo I plagarum strepitu et nullam Sirena flagellis I conparat, Antiphates trepidi laris ac Polyphemus, I tunc felix, quotiens aliquis tortore uocato I uritur ardenti duo propter linteaferrol «n'est- il pas plutôt un professeur de cruauté ce Rutilus qui met sa joie dans le bruit cruel des coups, pour qui le chant des Sirènes n'est pas comparable à la musique des fouets, Antiphatès et Polyphème de son foyer tremblant, heureux chaque fois qu'il peut mander le bourreau et lui faire appliquer le fer rouge à un esclave pour deux serviettes perdues» (v. 18-22) (Catherine Jacquemard-Le Saos, Querolus, 1994 - books.google.fr).

 

Claudius Rutilius Namatianus est un poète et homme politique latin du début du Ve siècle, païen, d'origine gauloise, appartenant à une grande famille païenne de propriétaires terriens de la Narbonnaise. Il est l'auteur d'un poème narrant son retour de Rome vers la Gaule, le De Reditu suo. Il semble qu'un seul manuscrit de Rutilius ait traversé le Moyen Âge. En 1493, Giorgio Merula, chargé par Ludovic Sforza d'écrire une histoire de la famille Visconti, envoie à l'abbaye de Bobbio son secrétaire Giorgio Galbate chercher des documents utiles à son ouvrage. Ce dernier y découvre un certain nombre de textes latins, dont certains inédits. Parmi ceux-ci se trouve le De Reditu suo, dont Galbiate fait une copie qu'il apporte à Merula à Milan. L'édition princeps est publiée par Giovanni Battista Pio à Bologne en 1520, d'après une copie inconnue du manuscrit, peut-être celle de Parrasio (fr.wikipedia.org - Rutilius Namatianus).

 

Les sites favorables à l'extraction de sel marin sont peu nombreux en Italie continentale, contrairement à ce qu'on pourrait penser. Sur la côte ouest, on connaît l'existence de salins dans la région de Vada en Etrurie, décrits par Rutilius Namatianus dans son De reditu suo, à l'embouchure du Tibre et près d'Herculanum (Col. X, v. 135; CIL, IV, 128) (Athenaeum: studii periodici di letteratura e storia, Volume 63, Università di Pavia - books.google.fr).

 

Toujours dans son Livre I, Rutilius Namatianus alors qu'il décrit son passage à Pise, ville qui a consacré une statue à son père, il dénonce "les fonctionnaires corrompus du trésor, qui commettent un brigandage digne de Briarée, Rutilius les assimile à des Harpies, habiles au point de réussir à tromper Argus lui-même" et Lyncée (Etienne Wolff, Retour sur quelques problèmes du De reditu suo de Rutilius Namantinaus, Revue des études latines, 2007 - books.google.fr).

 

Les sirènes et les harpies, monstres moitié femmes et moitié oiseaux, en sont encore une preuve. Les premières, occupées sans relâche à mettre à mort les malheureux que le charme de leur voix avait attirés, devaient être organisées de manière à pouvoir satisfaire ce cruel penchant (Marcel de Serres, De l'homme et des races perdues, Revue encyclopédique, ou Analyse raisonnée, Volume 57, 1833 - books.google.fr).

 

Il est le premier écrivain qui parle expressément de la séparation du Tibre en deux branches (I, 179-180) : "qua fronte bicorni Dividuus Tibris dexteriora secat". Avant lui, les géographes semblent ne connaître qu'une seule embouchure, celle où débarqua Enée, suivant la légende qui est rappelée ici à cette occasion : "Hospitis Aeneae gloria sola manet". Pline le Jeune indique non pas une deuxième branche du fleuve, mais un canal creusé par Trajan pour parer aux inondations (Jules Vessereau) (Claudius Rutilius Namatianus, De reditu suo, traduit par Jules Vessereau, 1904 - books.google.fr).

 

Philippe Walter met en relation Mélusine, la fée, avec les marais salants dont Rutilius Namantianus fait une description à Volterra (Vada) (Philippe Walter, Galaad - Le pommier et le Graal, 2004 - books.google.fr, Philippe Walter, La Fée Mélusine : Le serpent et l'oiseau, 2008 - books.google.fr).

 

Le bain de sainte Venise (Venice ou Venisse), sainte dont le culte est très populaire en Normandie principalement, mais aussi en Aquitaine, n'est pas sans rapport avec le culte ancien de Vénus-Aphrodite comme déesse mère, nous en avons un exemple ancien à Langon. Il est lié également au bain de la sirène et donc de Mélusine, et enfin à la tradition sémitique du bain purificateur telle qu'elle est traitée dans les figurations de Bethsabée au bain (Françoise Clier-Colombani, La fée Mélusine au Moyen Âge: images, mythes et symboles, 1991 - books.google.fr).

 

La gabelle ou impôt du sel, introduit en France par Philippe le Bel, varia suivant les temps. Il était de 6 deniers sous Jean le Bon. Il fut établi à perpétuité par Charles V, qui le porta à 8 deniers, et sous François Ier, le muid valait 21 livres. Des greniers à sel furent institués partout pour faire vendre cette denrée et, sous Louis XIV, la contrebande du sel ou faux saunage fut classée au rang des crimes. Il y avait à Lorris une garde du sel, qui dépendait du grenier à sel de Montargis; mais, bien avant l'institution des gabelles, les comptes royaux de 1239 signalent déjà un saunier nommé « Renaud » (Annales de la Société Historique et Archéologique du Gâtinais, Volume 28, 1910 - books.google.fr).

 

Ce vœu est repris dans la plupart des cahiers de doléances. « Que la gabelle, cet impôt désastreux qui occasionne une inquisition nouvelle dans quelques provinces et la plainte de toutes soit supprimée », écrivent les habitants de Montargis (Françoise de Person, Bateliers: contrebandiers du sel XVIIe-XVIIIe siècle, 1999 - books.google.fr).

 

Navigation sur le Loing

 

La navigation sur le Loing remonte à une époque reculée. Les plus anciens documents la concernant datent des XIIIe et XIVe siècles. Dès 1353, le Roi Jean le Bon passant par Nemours vint s'embarquer à Grez pour rejoindre Paris. En 1554, des marchands de Montargis plaidèrent pour être exemptés d'un péage à Saint-Mammès. Il semble donc qu'un courant commercial se soit de bonne heure développé tout au long de la vallée. Ce n'était pourtant pas sans difficulté que pouvaient s'opérer les transports sur cette rivière car les propriétaires prirent l'habitude de construire des barrages en travers de son lit pour capter les eaux nécessaires au fonctionnement de leurs moulins. Toute une réglementation était venue préciser les obligations des riverains, meuniers et seigneurs : ceux-ci se voyaient contraints d'aménager et d'entretenir des ouvertures dans les digues pour assurer le passage des bateaux, de laisser libres les parties navigables du cours d'eau, de ne pas empêcher son utilisation. Les péages étaient soigneusement fixés, tandis que l'entretien des chemins de halage, des divers ponts et passages, le curage du lit étaient mis à la charge des propriétaires. Mais ces précautions n'avaient que médiocrement favorisé la navigation sur une rivière qui ne s'y prêtait guère naturellement. Le Loing prend sa source en Puisaye près de Saint-Sauveur (Yonne) à une altitude de 289 mètres. A Montargis, il ne se trouve plus qu'à 89 mètres ; à Saint-Mammès, il rejoint la Seine à 45 mètres environ. Ainsi, pour un parcours de 150 kilomètres, la dénivellation n'atteint que 244 mètres, ce qui fait une pente moyenne de 1,62 m. au kilomètre. Ce fait explique que la rivière coule en serpentant, à fleur de terre, dans une vallée à peine formée. Son lit peu profond et couvert de vase se comble facilement et il en résulte de nombreux débordements. De plus, le Loing se divise par endroits en plusieurs bras, ce qui abaisse d'autant la hauteur d'eau utilisable. Dans ces conditions, la navigation présentait de grandes difficultés : sans parler de la remontée du cours, le passage des pertuis lors de la descente offrait des dangers certains. Pour ce faire, on constituait des réserves d'eau en amont des barrages, on ouvrait brusquement les pertuis et les bateaux seuls ou groupés en « trains », franchissaient l'étroit passage, entraînés par un courant furieux. Les occasions de naufrage ou d'échouage ne manquaient pas, lorsque le Loing en crue recouvrait la vallée, rendant impossible toute signalisation du chenal. En été, quoique toute différente, la situation n'était guère plus favorable ; le Loing devient pauvre ruisseau, asséché par les éclusées du canal de Briare. Il fallait acheter très cher de l'eau aux meuniers d'amont. Parfois les propriétaires des moulins intermédiaires retenaient cette eau ; il s'en suivait de multiples discussions et procès. Résultat : le voyage qui, sur un canal, aurait duré deux ou trois jours, demandait bien souvent plusieurs semaines... Les marchands et les voituriers de tous lieux se plaignaient sans cesse d'un tel état de choses, obligés qu'ils étaient, lors des inondations comme dans les périodes de basses eaux, de prendre à leur bord, outre leurs équipages, des bateliers du pays, censés mieux connaître les passes, mais exigeant d'eux des sommes exorbitantes pour les guider pendant leur trajet. Une première étape fut franchie avec la construction du canal de Briare. Les Lettres-Patentes accordées en 1604 par Henri IV portaient déjà qu'« il seroit grandement utile de joindre les rivières de Loyre et de Seyne, par le moyen d'un canal tiré de ladicte « rivière de Loyre, auprès de Briare, en celle de Loing et de ladicte « rivière de Loing en celle de Seyne... ». C'est ainsi que Cosnier fut amené à entreprendre la construction de son ouvrage en utilisant partout où il était possible le cours de la rivière. C'est ce que prescrivait d'ailleurs le devis primitif, dont les insuffisances n'avaient pas échappé à l'ingénieur ; celui-ci devait élargir et fouiller le fond de la rivière, tandis que dans les autres lieux, il creusait des « canaux neufs » notamment pour joindre le Loing et la Trézée. De toute façon, le canal de Loire en Seine n'étant prévu que jusqu'à Montargis, tout le cours du Loing inférieur à cette ville se trouvait exclu de ces améliorations et il ne semble pas qu'un travail de ce genre ait été envisagé à cette époque. Sans doute considérait-on le Loing comme navigable dans cette partie. On appelait « éclusée » ce passage. Ce système de navigation fut couramment utilisé sur l'Yonne (Hubert Pinsseau, Histoire de la construction de l'administration et de l'exploitation du Canal d'Orléans de 1676 à 1954: un aspect du développement économique de la France, 1963 - books.google.fr).

 

Louise de Savoie s'intéressait beaucoup à l'astrologie. Dans son Journal, elle signale tous les phénomènes météorologiques dont elle fut témoin en leur attribuant une valeur de présage. Le poète Brodeau fit un poème sur la mort de Louise annoncée par la comète du 20 janvier (jour de la Saint Sébastien) 1530 sur Paris (Hilary M. Tomlinson) (Victor Brodeau, Poésies, présenté par Hilary M. Tomlinson, 1982 - books.google.fr).

 

Lorsqu'elle mourut en 1532, à Grez en Gâtinois, on trouva 1,500,000 écus d'or dans ses coffres. L'avidité était un des traits dominants de son caractère. On lit dans les mémoires du temps que plusieurs fois elle retint pour elle l'argent qui devait être envoyé aux armées, et qu'elle fut ainsi la cause de beaucoup des désastres de l'armée française. L'affection réelle qu'elle avait pour son fils, au milieu de son ardeur des plaisirs et malgré son avidité, la protégea toujours dans son esprit (J.A.C. Buchon, Choix de chroniques et memoires sur l'histoire de France, 1836 - books.google.fr).

 

Au bord du Vieux Bourg de Grez-sur-Loing se trouve une toute petite allée particulièrement fleurie en été. Pour qui s’y aventure, entre roses trémières et bosquets quasi-sauvages, le chemin se rétrécit jusqu’au bord du Loing. Cette impasse, anciennement nommée impasse des Mariniers et aujourd’hui impasse du Loing, était l’entrée d’un port très actif à Grez-sur-Loing entre le Moyen-Age et le 17ème siècle (atoutgrez.fr).

 

Sereine : l'otium et la puissance souveraine

 

"Combat(s), poussés (poussez, poulssés)", selon les éditions des Centuries renvoie peut-être à la tranquillité privée ou publique (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties: (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Oisille, pseudonyme de Louise de Savoie dans l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, sa fille, dans lequel semble résonner l'oisiveté propre à l'otium, ne trouve meilleur passe-temps dans ce désert « que la lecture des saintes lettres en laquelle se trouve la vraie et parfaite joie de l'esprit » (Berbard Beugnot, Loisir, retraite et solitude, Le loisir lettré a l'age classique: essais réunis par Marc Fumaroli, Philippe-Joseph Salazar et Emmanuel Bury, 1996 - books.google.fr).

 

L'oiseau c'est celui qui vole dans les airs, qui est dans les airs et si vous regardez Oisille, vous vous apercevrez que cela correspond en effet au personnage : elle est très aérienne, Oisille, elle est très béate, Oisille, c'est l'oiseau. Oisille peut venir de otiosella, un mot de bas latin qui vient lui-même de otiosa, c'est-à-dire la tranquille, Oisille, c'est la tranquille, la sereine et en effet ça correspond au personnage : je fais une lecture allégorique ici (Claude-Gilbert Dubois, Marguerite de Valois et la religion : l'énigme dede l'Heptaméron, Bulletins et mémoires, Société archéologique et historique de la Charente, 1993 - books.google.fr).

 

Une joie inaltérable domine la vie d'Oisille. Celle-ci se distingue comme un véritable personnage qui ne se présente pas comme une rose fanée et ne s'embarrasse pas non plus des inconvénients de la vieillesse car « son aage et poisenteur ne la gardérent point d'aler la plus par du chemin à pié.» A vrai dire, devant sa présence, son acceptation sereine d'elle-même, ses pointes d'humour ironiques qui à l'occasion allègent sa gravité, comment l'idée stéréotypée de la rosé fanée viendrait-elle à l'esprit ? (Brenda Dunn-Lardeau, La vieille femme chez Marguerite de Navarre, Bibliotheque d'humanisme et renaissance, Volume 61, 1999 - books.google.fr).

 

Nous avons vu la faveur que rencontrait chez les Romains, chez ce peuple pourtant amoureux de combats et d'honneurs, la tranquillité publique. Nous avons montré qu'elle comprenait deux éléments proches, mais distincts, la «pax» et l'«otium»: la «pax» est l'absence de troubles, la paix civile; elle est surtout chère aux Quirites; l'«otium», goûté des Sénateurs et des chevaliers, consiste pour les premiers en un honorable repos couronnant une vie chargée de dignités, pour les seconds en un refus de s'engager dans le cursus honorum. Mais la pax constitue la condition même de la jouissance de l'otium. Vu le prestige de ces deux formes de la tranquillité publique, vu le prix que Cicéron y attache lui-même167, il est normal qu'il soit assez souvent montré dans les discours optimates cicéroniens que s'opposer aux improbi c'est s'assurer pax et otium. [...] L'appel à l'otium (lié là à la dignitas) dans le plaidoyer pour Sestius est resté fameux. Il est évident que c'est un appel riche en résonnances philosophiques : P. Boyancé et A. Michel les ont parfaitement mises en relief. [...] En insistant simultanément sur la recherche de la dignitas et de l'otium, Cicéron démontre que Yotium digne de ce nom n'est qu'une fin, conquise à force d'énergie (Guy Achard, Pratique rhétorique et idéologie politique dans les discours "Optimates" de Cicéron, Volumes 68 à 70, 1981 - books.google.fr).

 

Nous verrons en pleine lumière le sens et la force de l'appel de Cicéron à son auditoire, invité à récupérer et à maintenir sa dignitas et son otium, car le second est l'accompagnement du premier. Ceux qui veulent s'attacher à ces biens sont les conseruatores ciuitatis ; et les fundamenta otiosae dignitatis sont la religio, les auspicia, les potestates magistratuum, la senatus auctoritas, les leges, le mos maiorum, les iudicia, la iuris dictio. Telle est la thèse du Pro Sestio ; l'atteinte portée à ces fundamenta constitue un crime de maiestas ; il s'agit d'une atteinte à la dignitas, à l'amplitudo, à la potestas populi ou à la potestas de ceux qui ont été choisis par le peuple. Qui est donc le coupable ? Clodius. Qui fut le defensor et le conseruator rei publicae ? Sestius. Qui a troublé l'otium ? Clodius. Qui a voulu préserver la dignitas juridique du peuple ? Sestius. Donc, tous les boni, tous les optimi doivent être juridiquement à ses côtés. De quelle imputation de uis volontaire peut-on charger Sestius ? D'aucune. Sur quelle loi peut-on se fonder ? On ne sait plus. Vatinius s'est entendu demander par Cicéron : quauis lege, quouis crimine accusandum potius fuisse (dixisti) ? Et le dernier mot de l'affaire se trouve à la fin de l'Interrogatio in Vatinium, où s'opposent oportuisse et debuisse (Discours: Pour Sestius. Contre Vatinius, 1999 - books.google.fr).

 

Dans l'entourage de la duchesse d'Angoulême, Etienne Leblanc produisit une traduction de discours de Cicéron, le Pro Sestio n'en faisant pas partie apparemment.

 

Dans le titre du Cicéron, Etienne Leblanc se qualifie de secrétaire de Louise de Savoie et de Marguerite de Navarre. Or, d'une part, c'est le 3 janvier 1527 que Marguerite devint reine de Navarre par son mariage avec Henri d'Albret ; et, d'autre part, Louise de Savoie mourut le 22 septembre 1531. Donc ce manuscrit a été exécuté entre 1527 et 1531 (Paul Durrieu, Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Les manuscrits à miniatures des Héroïdes d'Ovide, 1894 - books.google.fr).

 

Comme le montre notamment Jean-François Courtine dans un texte paru dans L'Etat baroque, la définition de la dignitas a évolué, notamment sous l'effet du droit pontifical puis de la construction bodinienne, vers son identification avec la puissance souveraine, elle-même construite par analogie avec la potentia Dei absoluta. Or, à côté de ce mixte d'archaïsme mystique et de souveraineté moderne, tandis que, parallèlement se développait une machine administrative dépersonnalisée (autre sens, concret et sans métaphore, de l'Etat), la monarchie française s'est organisée autour d'un cérémonial de cour visant à augmenter le prestige du corps royal dans toute l'équivocité de sa double nature, mortelle mais participant par le sang d'une dignité immortelle. Jean-Marie Apostolidès et Louis Marin voient dans la littérature la représentation chargée de traduire (Jean-Marie Apostolidès), ou de combler dans un processus de performativité magico-discursive (Louis Marin), le hiatus entre l'incorporation de l'Etat par le simple corps du monarque, l'apparat de la vie de cour et la mécanique des rouages administratifs. Pour Apostolidès, l'image l'image du roi devient le lieu imaginaire, à la charnière du physique et du psychique, du collectif et de l'individuel, qui permet d'unir ce que la pratique politique de l'Etat naissant dissocie (Hélène Merlin-Kajman, L'absolutisme dans les lettres et la theorie des deux corps, 2000 - books.google.fr).

 

Auprès de Louise de Savoie, le chanoine François Demoulins et le cordelier Jean Thenaud, en dehors de toute culture juridique savante, ne jouent pas le rôle de propagandistes, ils sont des « directeurs de conscience » qui créent la mythologie du règne dans l'exaltation de l'héroïsme mystique à l'écart de la pensée du droit (Robert Descimon, Les fonctions de la métaphore du mariage politique du roi et de la République en France, XVe _ XVIIIe siècles, Annales, Volume 47, 1992 - books.google.fr).

 

Ce "François Ier imaginaire" (Anne-Marie Lecoq, François Ier imaginaire. Symbolique et politique à l'aube de la Renaissance française, Paris, 1987), créé et patiemment promu par la famille des Angoulême, transparaît à travers les décors des entrées royales ou les enluminures des manuscrits, à travers les poésies palinodiques et les traités didactiques. Il fond en une seule unité les symbolismes monarchique, christologique et marial. Le changement dynastique, les projets impériaux liés à la personne du jeune roi paraissent favoriser les transferts métaphoriques entre le religieux et le politique (Jan Miernowski, Signes dissimilaires: la quête des noms divins dans la poésie française de la Renaissance, 1997 - books.google.fr).

 

Dans les traités politiques de la première moitié du XVIe siècle, le caractère monarchique du pouvoir royal est très nettement affirmé, et la liste des attributs de la souveraineté s'allonge, sans que la notion de « puissance souveraine » soit encore clairement définie. La défaite du modèle politique aristotélicien de « régime mixte » (une monarchie tempérée par des éléments aristocratiques et démocratiques) semble acquise ; pourtant, la crise politique ouverte par la question religieuse remet en cause la victoire du modèle absolutiste. [...] La réaction des défenseurs de la royauté (les « Politiques », catholiques modérés, souvent officiers royaux) vise à protéger le pouvoir du roi contre de telles attaques. Ils exaltent l'idéal monarchique, en présentant la monarchie «pure» comme la conséquence nécessaire de la nature même de la souveraineté. Tel est l'objet de la démonstration de Jean Bodin, qui, dans son traité intitulé Les six livres de la république (1576), propose la première définition synthétique de la souveraineté : «puissance absolue et perpétuelle d'une république». En effet, parce qu'elle est absolue (c'est-à-dire pleine et indépendante), la souveraineté ne doit pas être divisée. [...] La réflexion politique suscitée par la crise de l'État monarchique à la fin du XVIe siècle conduit ainsi à l'abandon de la référence au modèle romain. Désormais, la définition du pouvoir absolu du monarque est tirée de la seule référence au modèle abstrait de la «république» (c'estàdire de l'État). Au début du XVIIe siècle, les juristes développent cette idée et forgent une véritable doctrine de la monarchie absolue, dont les principes sont exprimés par des formules radicales. Dans son Traité des seigneuries (1608), Charles Loyseau, reprenant une comparaison ancienne entre le pouvoir absolu et le cercle parfait de la couronne, écrit que «la souveraineté n'est point si quelque chose y défaut». Sous le règne de Louis XIII, pour justifier la pleine puissance du roi en matière législative, Cardin Le Bret avance une autre comparaison : «la souveraineté n'est pas plus divisible que le point en géométrie (Traité de la souveraineté du roi, 1632). À ces affirmations théoriques répond, en pratique, le rejet de tout contrôle institutionnalisé sur l'exercice du pouvoir par le roi (Martial Mathieu, Patricia Mathieu, Histoire des institutions publiques de la France: Des origines franques à la Révolution, 2014 - books.google.fr).

 

Le principal ministre de Louis XIII sera l'acteur de l'affirmation du pouvoir royal (cf. Typologie).

 

Notion de souveraineté

 

Dans le foisonnement doctrinal de la première moitié du XVIe siècle, se prépare la théorisation de l'ordo regni que proposeront Jean Bodin et Charles Loyseau en affinant le concept de «puissance souveraine». Bodin définit la République de la façon suivante : « République est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine ». Cette formule, qui se retrouve dans le De Monarchia de Dante Alighieri en 1311, aura un écho particulièrement important dans la philosophie politique de Jean Bodin (Les Six Livres de la République, 1576) et jusque dans le Léviathan (1651) de Thomas Hobbes (S. Goyard-Fabre, Y-a-t-il une crise de la souveraineté, Revue Internationale de Philosophie, Volume 45,Numéros 176 à 179, 1991 - books.google.fr).

 

La conception bodinienne de la souveraineté s'oppose donc radicalement à la théorie de la supériorité des formes mixtes d'origine aristotélicienne, si chère aux théoriciens médiévaux et dont Claude de Seyssel restait le représentant attardé (Encyclopaedia Universalis, Dictionnaire de la Renaissance, 2015).

 

Avant Bodin, qui en recevra cependant l'héritage, Seyssel pose les premiers jalons d'une théorie de la souveraineté (Encyclopédie philosophique universelle, Volume 3, 1992 - books.google.fr).

 

Claude Seyssel dans son ouvrage « La grande monarchie de France » publié en 1515 propose la théorie faisant coexister un pouvoir royal puissant et des forces diverses, centrales ou provinciales, faisant contrepoids à l'autorité du monarque. Ainsi se trouve établi un régime laissant au roi sa puissance souveraine, tout en accordant un certain nombre de libertés générales ou locales aux populations. Il constatait que « l'autorité et puissance du roi est réglée et refrénée en France par trois freins : la religion, la justice et la police » dont la force contraignante, relative, est un rempart contre «la puissance absolue dont voudraient user les rois». (Aimé Bonnefin, La monarchie française: 987-1789, 1987 - books.google.fr).

 

Claude de Seyssel, réagissait contre une nouvelle conception de la monarchie, plus autoritaire, qu'incarnait François Ier, fils de Louise de savoie, apparaissant comme le principal inspirateur de la théorie de la royauté tempérée (Jean Louis Thireau, Charles du Moulin: (1500-1566), Tome 1, 1980 - books.google.fr).

 

Claude de Seyssel, né à Aix-en-Savoie vers 1450, et mort à Turin le 1er juin 1520, est un prélat savoyard, un pays de Louise de Savoie, qui enseigne d'abord le droit à Turin. Il est appelé auprès de Charles VIII en 1498, puis devient conseiller et maître des requêtes de Louis XII (fr.wikipedia.org - Claude de Seyssel).

 

Dans Traité de l'origine, progrès et excellence du royaume et monarchie des Français (1561), les idées qu'expose Du Moulin constituent un prélude à la théorisation de la souveraineté qu'effectuera Bodin en 1576 dans les Six Livres de la République. Selon l'auteur, c'est en Dieu que réside le fondement de l'autorité souveraine. Ayant reçu l'héritage de la patristique, Du Moulin répète la formule de saint Paul : omnis potestas a Deo (Encyclopédie philosophique universelle, Volume 3, 1992 - books.google.fr).

 

Charles Dumoulin a bien mis en évidence les caractères politiques de la monarchie mixte : la dualité des corps du roi, l'exercice collégial du pouvoir, et la souveraineté partagée. S'inspirant du jurisconsulte italien Balde (XIVe siècle), il écrit : « le Roy a deux personnes [...] la personne intellectuelle, qui est la majesté et dignité comprenant la République », et « la personne privée [...], qui n'est que l'organe et l'instrument de ladite personne intellectuelle » (Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle, 1483-1598, 2012 - books.google.fr).

 

Du Moulin, sans négliger pour autant l'éthique, va rechercher également dans le droit les freins capables de borner la puissance royale, et c'est en ce sens qu'il fait figure de continuateur de Seyssel, bien qu'à notre connaissance, il ne fasse jamais référence à La Monarchie de France, et que ses conclusions soient parfois assez différentes. Chez Du Moulin, la limitation du pouvoir monarchique résulte d'abord de la participation de divers organes au gouvernement, qui introduit une sorte de régime mixte ; ensuite, de l'obligation, pour le prince, de respecter à la fois ses propres lois et les droits de ses sujets (Jean Louis Thireau, Charles du Moulin: (1500-1566), Tome 1, 1980 - books.google.fr).

 

Autres combats

 

Oisille évoque la «piteuse et chaste mort de la femme de l'un des muletiers de la Royne de Navarre», le fondement de la doctrine paulinienne: le salut obtenu par la seule grâce de Dieu. La femme, «martyre de la chasteté», meurt «le visage joyeux, les yeux eslevez au ciel», en «l'esperance de son salut par Jesus- Crist seul» (Olivier Millet, La spiritualité des écrivains, 2008 - books.google.fr).

 

Dans la petite peinture de mœurs que tracera un jour le cardinal vice-chancelier de l'Eglise romaine Pompeo Colonna dans une Apologie des femmes*, dédiée à l'illustre et chaste Vittoria Colonna, que de traits peuvent se rapporter à Cognac! Le cardinal énumère, à la louange des femmes, les divers courages, d'inégale valeur, dont elles font preuve. Leur « courage domestique » consiste dans le profond dévouement à la direction du ménage, la patience envers des serviteurs impertinents, ennemis même. l'extrême sensibilité à l'égard de leur mari etde leurs enfants, dont les moindres maladies leur causent mille tortures. Mais, selon lui, quel autre courage, plus grand et plus rare, il leur faudrait, pour ne pas se laisser prendre aux pièges d'une société où tout proclame leur domination, pour repousser l'assaut des mille petites entreprises agréables, pour parer les mille coups habiles des amants : argent, cadeaux, serments, larmes, soupirs incandescents, complicités des servantes : « Ah, s'écrie Pompeo, je vénère les femmes chastes, je ne sais pas de combats plus durs, plus périlleux que ceux de la chasteté, de la pudeur: combats permanents, où la victoire ne l'est pas! » (René de Maulde-La-Clavière (1848-1902), Louise de Savoie et François 1er, trente ans de jeunesse (1485-1515), 1895 - archive.org).

 

Typologie

 

La vie de Montargis pendant au XVIIe et au XVIIIe siècle est dominée par un fait d'ordre économique : le percement au début du XVIIe siècle des canaux d'Orléans et de Briare, et au début du XVIIIe siècle du canal du Loing. La jonction de ces trois canaux est en effet à l'origine de la création du port de Montargis (Recueil des travaux de l'Institut national d'hygiene: travaux des sections et mémoires originaux, Volume 3, 1947 - books.google.fr).

 

Le canal de Briare fut commandé par Sully afin de développer le commerce entre provinces, réduire les disettes (« labourage et pâturage »), et par là ramener la paix dans le royaume. Sa construction commença en juin 1605 et ne fut achevée qu'en 1642. Entre 6 et 12 000 ouvriers travaillèrent sur ce chantier qui reliait les bassins de la Loire et de la Seine et qui s'achevait dans le Loing à Montargis. Richelieu, bien que gravement malade, en fut le premier passager illustre. Il venait de faire décapiter, à Lyon, le propre fils de son ami Ruzé d'Effiat, le jeune conspirateur Cinq-Mars (fr.wikipedia.org - Canal de Briare).

 

Le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique existait dans l'ancienne législation comme l'un des attributs de la puissance du souverain ; qu'on en trouve la preuve dans divers actes, notamment à propos de l'établissement du canal de Briare, et, spécialement, dans l'édit d'octobre 1666, qui a ordonné la création du canal du Midi (Recueil critique de jurisprudence et de législation, 1911 - books.google.fr).

 

On lit dans la Gazette de France, à la date du 30 mars 1641 : « Le 27 du courant sont arrivez en cette ville dix batteaux chargez de diverses marchandises, venans de la rivière de Loire, qui ont passé par le canal nouvellement fait depuis la ville de Briare jusques à Montargis, de la longueur de douze lieuës. La nouveauté du cas, et l'espérance que la ville de Paris recevra grand accroissement de toutes sortes de commoditez, par la communication de la rivière de Loire avec la Seine, a donné sujet au corps de ville d'aller au-devant de cette flotte, qui a esté aussi receuë avec l'applaudissement de grande quantité de peuple qui l'a veuë arriver. » (La Gazette de France, Imprimerie de la Gazette de France, 1642 - books.google.fr).

 

Dès le mois d'août 1641, Richelieu commença les négociations du traité de Westphalie, qui ne devait être signé qu'en 1648 Mazarin, dont Richelieu avait fait son collaborateur, qui lui succéda au ministère et continua sa politique, partit avec quatrevingts personnes pour Munster où les négociations allaient s'ouvrir. [...] Louis XIII et le Cardinal concentrèrent tous leurs efforts sur le Roussillon et la Catalogne, convaincus que le moyen de forcer l'Espagne à faire la paix était de «menacer la route de Madrid». Avec le maréchal de Schomberg, Louis XIII assiégea Perpignan, qui se défendit longtemps. Dès le début des opérations, Richelieu était tombé gravement malade à Narbonne : un de ses bras était couvert d'abcès qui se rouvraient sans cesse. Il fit son testament, et, en attendant la mort qu'il sentait proche, il déjoua la conspiration de CinqMars et de Gaston, qui s'étaient alliés avec l'Espagne. Les traîtres punis, le Roi, malade aussi, quitta l'armée et se retira à Fontainebleau, donnant à Richelieu les pouvoirs les plus étendus sur les provinces du Midi [...]. La prise de Perpignan ne fut pas le seul succès de la campagne de 1642 ; on a encore à mentionner : la victoire de Lérida, en Catalogne, gagnée par le maréchal de la Mothe, – les victoires du général suédois Tortenson à Schweidnitz et à Leipsick ; Guébriant avait pris une part importante à cette dernière bataille. – Le maréchal de Guiche seul s'était fait battre à Honnecourt. De Narbonne, le Cardinal avait été s'établir à Tarascon, où sa maladie continuait ; il en partit enfin en bateau et remonta le Rhône pour aller prendre les eaux de BourbonLancy. Il quitta cette dernière ville le 3 octobre et vint, soit en bateau, soit porté en litière jusqu'à Fontainebleau où Louis XIII le reçut avec une grande joie (13 octobre). Il avait fallu trouver un expédient pour pouvoir ramener à Paris, des extrémités du Languedoc, le Cardinal, qui ne pouvait se tenir autrement que couché, ni souffrir le moindre mouvement sans incommodité. Le Cardinal resta trois jours à Fontainebleau auprès du Roi ; il en partit le 16 octobre et arriva, par eau, à Paris le 17. Il quitta son bateau au port Saint-Paul et fut porté dans son lit jusqu'au Palais-Cardinal. Il alla passer quelque temps à Rueil et revint à Paris, où il mourut le 4 décembre 1642. Il avait dit, quelque temps avant de mourir : « Il faut que l'Italie sente, aussi bien que tous les autres États de la Maison d'Autriche, que le chapelet de l'Espagne est défilé ». Quelques mois après, la bataille de Rocroi justifiait ces paroles. [...]

 

Le voyage se fit par eau de Tarascon à Lyon ; en litière, de Lyon à Bourbon et de Bourbon à Roanne ; par eau, sur la Loire, de Roanne à Briare ; par eau, sur le canal, de Briare à Montargis ; sur le Loing, de Montargis à Nemours ; en litière, de Nemours à Fontainebleau ; en bateau, de Valvin à Paris. Une flottille, montée par les parents et les amis du Cardinal, suivait le malade : le tout escorté par deux compagnies de cavalerie marchant sur les rives (Louis Dussieux, Le Cardinal de Richelieu : Étude biographique, 2015 - books.google.fr).

 

Malherbe, grand lecteur d'Horace, dans son Ode pour le Roy allant châtier la rébellion des Rochelais, félicite Richelieu d'avoir la vue plus perçante encore que celle du héros légendaire : Et de quelques bons yeux qu'on ait vanté Lyncée, / Il en a en a de meilleurs. Cette ode, parue en 1628, est sans doute le dernier témoignage notable où un grand écrivain de chez nous ait préféré la locution mythologique et littéraire à la locution populaire courante : avoir des yeux de lynx. A la fin du xvne siècle, c'est celle-ci qui prévaut, et qui prévaut d'autant plus facilement que la mythologie antique est moins connue — d'autant plus justement d'ailleurs, il faut le dire, que Lyncée doit son nom au lynx ou loup-cervier dont il avait les yeux pénétrants (Jean Tournemille, Jardin des locutions françaises, Vie et Langage, Numéros 46 à 57, 1956 - books.google.fr).

 

L'arrondissement de Montargis, qui forme l'angle nord—oriental du département du Loiret, est en entier dans le bassin de la Seine, ou plutôt de son affluent le Loing. Cette rivière passe dans la ville même de Montargis, la seule importante de la contrée, et s'y divise en plusieurs bras qui donnent à certains quartiers un aspect de « petite Venise » (Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, Tome 2, 1877 - books.google.fr).

 

Venise sera la Sirène de l'Adriatique dans les écrits de Nikola Zrinski. La sirène est présente dans les marques d’imprimeurs vénitiens ainsi que dans les ornements sculptés de la ville.

 

Nous citerons d'abord la paraphrase croate de l'épopée romantique du comte Nikolas Zrinski, Ban de Croatie, publiée d'abord à Vienne en 1651  Adriai tengernek Syrendja. Puis à Venise en 1660 : Adrianskoga mora Sirena (La sirène de la mer Adriatique). Cette paraphrase a été traduite par le frère et successeur du Ban le comte Pierre Zrinski (1621 - 1671). L'ouvrage contient, à côté de poèmes lyriques, surtout la glorification poétique du héros Nikolas Zrinski (1508 - 1566), le légendaire et courageux défenseur de la forteresse de Siget en 1566 (Stjepan Ratkovic, Les Croates, 1943 - books.google.fr).

 

Il y eut encore cependant un autre emploi du motif de la sirène dans l'art graphique, et qui n'est pas moins important pour notre documentation : c'est celui de la sirène servant de marque d'imprimeur. Nous la trouvons sous cette forme, au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, gravée sur bois dans les livres imprimés à Venise par Joannes Varisius et par les successeurs de Petrus Varanus. La marque du premier nous montre, dans un cartouche ovale, une belle sirène couronnée, dont le corps nu porte une ceinture précieuse (Friedrich Muthmann, L'argenterie hispano-sud-américaine à l'époque coloniale, 1950 - books.google.fr).

 

La dynastie des Macé avait pour marque la sirène tenant l'ancre : aussi était-elle sculptée sur l'appui d'une fenêtre à une maison de cette rue Froide où longtemps logèrent des imprimeurs. Les pierres taillées en joyaux, c'est du décor italien : c'est le diamant à facettes que les décorateurs virtuoses de la péninsule, à Bologne, à Ferrare, ont enchâssé en longues rangées sur les façades des palais. Même origine pour la sirène à l'ancre et le dauphin, qui viennent de Venise indirectement par nos livres imprimés ou directement par les gravures d'outremonts. Ce sont celles-ci en effet qui, en pièces ou en illustrations, ont le plus fourni à nos sculpteurs avides de nouveautés. Vérité de lieu commun sans doute, mais que certains motifs de nos monuments normands permettent de renouveler par quelques exemples précis. Le Songe de Polifile, terminé par le moine dominicain Francesco Colonna, à Trévise, en 1467, publié à Venise par Alde Manuce en 1499 et traduit en France par Jean Martin en 1546, a exercé autant d'attrait sur les artistes par ses gravures sur bois que sur les imaginations par son texte. Ce dernier d'ailleurs entremêle au roman d'amour avec Polia, rêvé par Polifile, des descriptions de monuments et d'objets d'art où le moine théoricien d'architecture a fait passer avec une sorte de fougue lyrique son archéologie classico-romantique, très pittoresque en dépit des précisions géométriques et des mesures. Les gravures les réalisent avec un luxe de motifs décoratifs, où la manie du symbole égale la passion (R. Schneider, Les livres à gravures en Normandie, Archives de l'art français, 1913 - books.google.fr).

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