

Perte de la Crète par Venise, comme elle perdit l’EubéeII, 211646-1647L’embassadeur envoyé par biremes A mi chemin d’incogneuz repoulsé : De sel renfort viendront quatre triremes : Cordes & chaines en Negrepont troussés. Ce
quatrain porte manifestement sur la perte de l’Eubée (anciennement « Negrepont »)
par Venise en 1470 alors que sa flotte était commandé par l’amiral Nicolo da
Canal, ancien ambassadeur, et responsable de la défaite en raison de son
indécision. Ainsi,
comme Venise a perdu l’Eubée, elle perd la Crète, pratiquement pour les mêmes
raisons, au cours d’une guerre contre les Turcs qui dura de 1645 à 1669. « En
1645, les forces chrétiennes rassemblées comptaient de 60 à 70 galères, 4
galéasses et environ 36 galions […] Mais la division des conseils, le mauvais
temps et l’incapacité de s’accorder sur la conduite des opérations empêchèrent
toute intervention décisive contre les envahisseurs cette année-là [1]. » "Cordes & chaines"
Jacques de Lavardin utilise l'expression "armez de cordes & chaines pour lier les Chrestiens" pour qualifier
les soldats ottomans de Balladan dans une bataille perdue contre Skanderberg qui meurt 2 ans avant la prise de Négrepont en 1470
(Jacques de Lavardin, Histoire de Georges Castriot: surnommĂ© Scanderbeg, roi d'Albanie, 1576 - books.google.fr). Georges Kastrioti (en albanais : Gjergj Kastrioti), plus connu sous le nom de Skanderbeg (en turc moderne : Iskender Bey), nĂ© le 6 mai 1405 Ă
Croïa de Jean Kastrioti, noble albanais, et d'une mère albanaise Vojsava Kastrioti, et mort le 17 janvier 1468 à Lezhë, est un seigneur albanais
du XVe siècle, considéré comme le héros national albanais pour sa résistance à l'Empire ottoman
(fr.wikipedia.org - Skanderbeg). "incogneus" : dangers inconnus de la mer
Le Trésor des Pilotes sur la science des inconnus en mer, les étoiles et les signes du zodiaque, leurs noms et leurs pôles :
Kanz al-Maalima wa Dahiratuhum fi ilm al-Maghulat fi al-Bahr wan-nugum, wal-Burug, wa asma'iha wa aqiabiha. Ce poème du mètre Basit compte 72 vers dont 4 constituent un avant-propos
sur la mer et ses dangers, et l'orientation par les astres sur terre et sur mer. La conclusion compte 16 vers où Ibn Madjid tout en se louant avec présomption,
avoue ses faiblesses linguistiques et poétiques. Le reste, 52 vers, se divise en trois parties très inégales. Une
première partie extrêmement courte (4 vers) dit que les étoiles tournent autour de l'axe des pôles célestes et se situent dans les deux hémisphères et le zodiaque.
La deuxième partie, la plus longue (16 vers) divise les 48 constellations en 21 septentrionales (elle les nomme et donne le nombre général de leurs étoiles : 360);
12 zodiacales, non nommées, de 346 étoiles, et 15 méridionales expressément nommées avec 316 étoiles, soit en tout 1025 astres y compris la Chevelure de Bérénice,
classées en 6 grandeurs. La troisième partie (32 vers) explique les zams, la Tiriffa et les rhumbs et donnent certaines règles pour mesurer quelques étoiles
suivant leur position dans le ciel. Elle se termine par la définition de l'immobilisation d'un astre et de la graduation en latitude
(Ibrahim Khoury, Les poèmes nautiques, Institut français de Damas, 1988 - books.google.fr). Ahmad Ibn Mâdjid est un poète, un navigateur et un cartographe arabe, né en 1432 (ou en 1418 selon d'autres sources) dans la région de Julphar,
à Ras el Khaïmah Il a été élevé dans une famille de marin et avait la réputation d'être un expert de l'océan Indien. Il était si célèbre qu'il était considéré
comme l'un des plus importants marins arabes. Il serait mort en 1500
(fr.wikipedia.org - Ahmed Ibn Majid). Il était vivant en 1470.
Nicolas Canale
CANALE (Nicolas), amiral vénitien, vivait vers la fin du quinzième siècle. Il succéda, en 1469, à Jacques Loredano dans
le commandement des troupes vénitiennes en Grèce; rassembla une flotte de vingt-six galères à Négrepont, avec laquelle il menaça plusieurs îles de la mer Égée; et finit par s'emparer d'Eno,
sur le golfe Saronique. C'était une ville commerçante, assez riche, habitée uniquement par des Grecs: les Turcs n'y avaient pas même de garnison; néanmoins, elle fut
réduite en cendres, après avoir éprouvé toutes les horreurs du pillage. Les lieux saints ne furent pas même épargnés : les religieuses, dont les Turcs avaient
respecté les couvents, en furent arrachées et abandonnées à la brutalité des soldats, qui s'enrichirent d'un butin considérable, et emmenèrent à Négrepont deux mille
captifs. Cet affreux et facile triomphe avait anéanti une ville chrétienne : cependant, la nouvelle du sac d'Éno étant arrivée à Rome
en même temps que celle d'un avantage remporté sur les hérétiques de Bohème, le pape Paul II ordonna des actions de grâces pour ces heureux succès. Quoique les
pirateries des Vénitiens ne portassent surtout préjudice qu'aux sujets chrétiens de Mahomet II, ce monarque résolut de ne pas souffrir davantage de pareilles attaques.
Il fit prêcher la guerre sainte, et réunit à Constantinople une armée et une flotte formidables. Ces forces se mirent en mouvement le 31 mai 1470. Canale était à Négrepont
avec trente-cinq galères, quand on l'informa que la flotte turque avait paru près de Ténédos. Il s'avança par le canal qui sépare Lemnos et Imbros, et bientôt aperçut la
flotte ennemie couvrant la mer de ses navires. Les Vénitiens prirent la fuite, et, profitant de la nuit, se mirent à couvert derrière Scyros, que les Turcs ravagèrent et
brûlèrent sous leurs yeux. Canale se pressa de ravitailler Chalcis, et attendit des renforts, qui ne tardèrent pas à lui arriver, avec ordre de tout hasarder pour débloquer
Négrepont, ville que Mahomet assiégeait avec cent vingt mille hommes, et à laquelle il avait déjà livré trois assauts très-meurtriers. L'amiral vénitien, profitant des courants
et d'un vent favorable, laissa arriver sur les chaînes tendues par les Turcs pour lui fermer l'Euripe, les rompit, et parut, le 11 juillet 1470, en vue de la ville, qui se crut
délivrée. Mahomet, craignant d'être coupé du reste de son armée, allait se rembarquer; mais Canale s'aperçut qu'il n'avait été suivi que par douze galères et deux vaisseaux :
la peur ou un malentendu avait retenu les autres en dehors de l'Euripe.
Cependant Candiano, son pilote, les frères Pizzamani, capitaines des vaisseaux, l'exhortaient à venir donner sur le pont de
bateaux que les Turcs avaient construit pour unir l'Eubée avec la Béotie, et couper ainsi leurs communications avec la terre ferme. En vain lui démontraient-ils qu'aidés par le vent et
les courants, ils redoutaient peu la flotte ottomane, entassée derrière le pont dans un espace où elle ne pouvait manœuvrer, et où le grand nombre de ses bâtiments devenait
plus nuisible qu'utile; Canale manqua de résolution : il défendit à son pilote de passer outre jusqu'à l'arrivée du reste de la flotte, dont il pressait la marche messager
par messager. Pendant qu'il attendait, les assiégés, toujours les yeux fixés sur les vaisseaux vénitiens, dont l'immobilité les désespérait, eurent un quatrième assaut à repousser
sur mer et sur terre. Leur faible garnison, commandée par Luigi Calvo, fit des prodiges de valeur, et, quoique accablée de fatigue, tint ferme toute la journée et toute la nuit
du 11 juillet; mais le 12 au matin, le combat ayant recommencé plus furieux que jamais, ils furent enfin précipités des murailles, et se firent tuer dans les rues jusqu'au dernier.
Leurs cadavres, entassés sur la place Saint-François, furent ensuite jetés à la mer. Paul Erizzo, provéditeur, s'était enfermé dans la citadelle; hors d'état de la défendre, il la
rendit à Mahomet, sous condition d'avoir la tête sauve. Celui-ci ordonna qu'il fût scié en deux, déclarant qu'il n'avait garanti que sa tête, et qu'il la lui laissait. Cette boucherie
durait encore quand le reste des navires vénitiens rallia Canale: il était trop tard pour sauver Chalcis; mais on pouvait, en attaquant les musulmans dans le désordre de leur triomphe,
leur faire subir un grave échec. Canale, résistant encore à ses soldats, qui demandaient le combat les larmes aux yeux, préféra se retirer en hâte de l'Euripe. La douleur que causa la
perte de Négrepont à Venise fut accompagnée de la plus violente indignation contre Canale. Son courage n'avaitjusqu'alors jamais paru douteux; mais on prétendit que, dans cette occasion,
la présence de son fils sur sa flotte lui avait inspiré une crainte inaccoutumée. On doit attribuer sa mollesse à une autre cause, car après la chute de Chalcis il ne fit rien pour relever
l'affront que l'étendard de Saint-Marc venait de recevoir pourtant Girolamo Molini, duc de Candie, et Giacomo Veniero, lui avaient amené de puissants renforts qui mirent sous ses ordres cent
galères, armement plus que suffisant pour détruire la marine turque, mal aguerrie encore. Aussi Mahomet, sentant son infériorité, fit-il retirer sa flotte dans les Dardanelles. Nicolas Canale
la suivit jusqu'à Scio: là il assembla un conseil de guerre, et, sur l'avis de ses capitaines, il s'abstint d'attaquer les musulmans, qui se croyaient perdus. Il revint à Négrepont, qu'il tenta
de reprendre; mais, ayant mal combiné son attaque, il fut repoussé avec perte. Durant l'action, Pietro Mocenigo arriva, avec ordre de remplacer l'inhabile Canale: cependant il déclara que, pour
ne pas déranger des plans combinés d'avance, il était prêt à combattre sous les ordres de Canale, si celui-ci voulait renouveler l'attaque. Canale refusa. Tous deux semblaient redouter la fortune
et décliner toute responsabilité. Mocenigo, ayant vainement offert à son prédécesseur une occasion de se réhabiliter, prit le commandement de la flotte, montra l'ordre dont il était chargé par le
conseil des Dix, fit arrêter Canale et l'envoya chargé de fers à Venise, où il fut mis en jugement (1470). Le pape Paul II intervint vivement en faveur de l'arniral vénitien.
François Philelphe, littérateur et jurisconsulte distingué, écrivit une apologie qui eut pour résultat que Canale ne fut pas condamné à mort; mais le sénat le rélégua à Porto-Gruero,
oĂą il finit ses jours
(Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Tome 8, 1854 - books.google.fr). L'inexpérience (peur de l'inconnu) de Canale a été une des cause de l'échec de la défense de Négrepont
(André Clot, Mehmed II: Le conquérant de Byzance, 1990 - books.google.fr). La douleur que causa la perte de Négrepont à Venise, fut accompagnée de la plus violente indignation contre Nicolas Canale.
Loin d'encourager ses soldats au combat, il avoit retenu des guerriers plus ardens que lui, et il s'étoit refusé à tenter de rompre le pont de vaisseaux des Turcs, au moment où il auroit pu
sauver ainsi la ville. Son courage n'avoit jusqu'alors jamais paru douteux dans les combats; mais on prétendit que dans cette occasion, la présence de son fils sur la flotte,
lui avoit inspiré une crainte inaccoutumée. Après la chute de Chalcis il ne fit rien pour réparer l'affront que l'étendard de Saint-Mare avoit reçu. Cependant Jacques Véniero,
et d'autres encore, lui avoient amené de si puissans renforts, qu'il avoit enfin réuni cent galères sous ses ordres. Cet armement étoit bien plus redoutable que celui des Turcs,
lors même que la flotte de ceux-ci auroit été effectivement composée de quatre cents vaisseaux, comme le rapportent plusieurs historiens. Le sultan avoit réuni tous ceux du
commerce, tous ceux qui pouvoient lui servir de transports, et sa flotte mal aguerrie ne savoit ni manœuvrer dans les batailles, ni obéir aux signaux, tandis que les Vénitiens
étoient les plus hardis marins de la Méditerranée, parce qu'ils en étoient les plus habiles
(J.C.L. Simonde de Sismondi, Histoire des républiques italiennes du moyen âge, Tome 10, 1815 - books.google.fr). "Sel"
L'État vénitien, puissant redistributeur de revenus, agit comme le plus gros entrepreneur de son temps. Dans cette
fonction il trouve un utile relais dans les banques. De 1448 à 1473, cinq banques vénitiennes avancent plus de 200000 ducats gagés sur les recettes de
office du sel. Quand en 1465, à l'entrée de la guerre turque, le sénat somme l'office de débourser environ 230000 ducats,
une somme qui dépasse largement les recettes de l'année, l'office se tourne vers les banques pour leur emprunter en anticipation de ses recettes.
De même l'office, quand il dispose d'excédents de recettes, crédite ses créanciers, les importateurs de sel, par des virements effectués en banque
(Jean-Claude Hocquet, Venise au moyen âge, 2003 - books.google.fr). L'Office du sel fut l'organisme chargé de gérer, de distribuer le sel importé, de collecter les fonds provenant de
sa vente, de les répartir entre les marchands-importateurs. Les consommateurs financent donc, grâce à l'usage indispensable d'un produit de faible valeur, l'importation de
denrées de haut prix, dont la présence simultanée avec le sel dans les flancs des bateaux abaisse les coûts de transport. Bien entendu on pourrait objecter que sel et épices ne voyagent
pas sur les mêmes bateaux, ce que tout le présent travail démontre. Mais ce serait oublier les solidarités profondes qui unissent nefs et galères. Ces solidarités sont illustrées par
le charge- ment des épices de la rata sur les coques du voyage d'Alexandrie ou de Tana, par le prélèvement de la taxe de 3 % sur les nolis des galères, afin d'indemniser le capitaine des
nefs armées. Mais ces observations restent superficielles et deux remarques viennent davantage appuyer la force de ces solidarités : l'ordo salis impose péremptoirement aux nefs de
fréquenter les mêmes lignes de navigation que les galères; d'autre part les acquéreurs des galères mises aux enchères par l'Etat sont ces mêmes marchands - armateurs qui se partagent la
propriété des nefs. Il ne leur est donc pas difficile de répartir leurs nolis, d'égaliser leurs coûts entre toutes les marchandises qu'ils chargent sur les galères et sur leurs
vais- seaux ronds. Sinon, on ne comprendrait pas très bien pourquoi ce sont les coques d'Alexandrie dotées d'un moteur très économique, d'un équipage réduit, qui ont besoin de
prendre, à côté des épices, du sel pro subventione sua, sauf parce qu'elles accompagnent les galères au moteur très coûteux. Autrement dit, quel que soit le navire utilisé
au transport des marchandises de haut prix, nef ou galère, le sel qui ne voyage que sur les vaisseaux ronds subventionne la navigation de ces marchandises. Le résultat de cette
politique maritime est clair : selon le marché, les denrées de grand prix sont compétitives, et Venise est assurée d'affronter la concurrence dans d'excellentes conditions,
et si la concurrence marque le pas, le marchand vénitien, maître des prix, bénéficie d'un profit majoré, provenant de la différence entre un prix de vente élevé et un coût
artificiellement diminué par la répartition des frets entre la cargaison de denrées précieuses et le lest. Le sel, à toutes les étapes, sert donc les intérêts de la classe
marchande. Non seulement, il a apporté un concours actif direct à la construction navale , grâce au système des primes et des prêts, non seulement il a contribué à justifier
un emploi économique de ces nombreux vaisseaux, à amortir les coûts très élevés de leur utilisation, que la masse du fret à transporter ne justifiait pas, mais encore la
classe des marchands armateurs tire de la vente du sel des revenus importants, de deux sortes : revenus directs provenant des recettes du sel vendu Ă
la Lombardie et que les marchands accaparent presqu'intégralement, l'Office du sel ne se réservant que 20 % des recettes, ou revenus spéculatifs engendrés par les transactions sur les
titres de la Chambre du sel. Le profit des marchands, bien entendu, ne s'élevait pas à 80 % des recettes, car il faut tenir compte du coût de production, de chargement et de déchargement, des
taxes versées au Prince, maître des salines. Le profit s'élevait donc au montant nominal du nolis, du seul nolis, diminué des annuités d'intérêt qui avaient couru entre l'importation
du sel et son paiement, mais augmenté de tous les bénéfices engendrés et occultés par un système de nolis différenciés répartissant les nolis sur la totalité des marchandises et du lest.
La richesse de la classe marchande de Venise est donc fondée sur l'exploitation du commerce lointain, africain et surtout asiatique, par un transfert de valeur à Venise, par le
transfert de denrées rares ou raréfiées, non substituables, produites dans la lointaine périphérie de la Méditerranée. [...]
Contrairement à l'Office du sel, celui du blé était souvent déficitaire, en raison de choix politiques opérés par l'Etat
qui, notamment en temps de guerre, livrait à la population de Venise le pain en-dessous de son coût réel et fournissait gratuitement le "biscuit" aux équipages de la flotte; d'autre part,
blé et sel alimentaient deux courants d'échanges de sens contraire : princes et marchands de l'Italie du Nord fournissaient le blé et recevaient le sel,
ils étaient donc créanciers à l'Office du blé et débiteurs de celui du sel. Ils demandaient et obtenaient un paiement par compensation entre les deux Chambres.
Ou bien, ayant livré du blé, ils demandaient à bénéficier d'un accord de troc et qu'on leur fournit du sel pour la valeur de leur crédit. Les recettes
du sel ont été encore plus sollicitées pour l'amortissement de la dette publique, bien qu'en fait huit Offices aient été chargés de ce service dès la fin du XIVème siècle . Mais la
guerre entraînait une telle aggravation de la dette publique qu'il devenait impossible de servir régulièrement l'intérêt de 5 % et de restituer le capital , non pas à son prix
d'émission mais même à son cours de marché. Pour restaurer la confiance et maintenir les cours, l'Etat, dès la fin du XIVème siècle, confia à l'Office du sel le soin de
collecter les impôts, c'est-à -dire les emprunts, d'en verser l'intérêt puis de restituer le capital grâce à ses recettes ordinaires. L'introduction de l'impôt direct ou "décime" en
1463, si elle a mis un peu d'ordre dans le système financier, n'a rien changé fondamentalement au aux fonctions de l'Office du sel, car l'Etat, contraint de
multiplier les décimes, a été obligé très vite de distinguer entre décimes versées à fonds perdus et décimes remboursables, dont la restitution était gagée sur les recettes
de l'Office. Pendant les Guerres d'Italie, Venise a frĂ´lĂ© le dĂ©sastre en 1509, Ă tel point que le 21 septembre la Seigneurie aux abois crĂ©ait le Monte novissimo Ă l'Office du sel, Ă
qui désormais reve- nait la lourde charge de gérer directement la dette publique. Auparavant celui-ci s'était contenté de transférer ses recettes propres auprès de la Chambre des
emprunts ou des Gouverneurs des entrées. Quand Venise put de nouveau respirer librement, que la paix fut revenue la paix qui constitue sans doute la carac- téristique dominante de
l'histoire de Venise au XVIème siècle, en dépit de quelques brefs et meurtriers conflits avec les Turcs l'Office du sel prit une part importante à l'extinction de la dette publique.
De cette brève description, tirons une première conclusion : de la Guerre de Chioggia (fin du XIVème siècle)
jusqu'en 1517, la guerre a été quasi permanente et de plus en plus coûteuse : les recettes de l'Office ont été constamment sollicitées pour les besoins de l'Etat. Ces besoins sont prioritaires
et tellement urgents que bien souvent l'Office est obligé d'anticiper ses recettes futures
(Jean Claude Hocquet, Le Sel et la fortune de Venise, 1978 - books.google.fr). A l'Office du sel il appartenait de financer la politique annonaire de Venise, sa politique de pain Ă bas prix pour la population civile
et les équipages de la flotte
(Jean-Claude Hocquet, Contribution à l'histoire de l'administration financière de Venise au Moyen Age : des salinarii aux provéditeurs au sel, Studi veneziani, Volume 29, 1996 - books.google.fr). "biremes" et "quatre trirèmes"
Les premières birêmes furent construites par les Érythréens, suivant Damaste; les trirêmes par le Corinthien Aminocle, suivant Thucydide;
les quadrirêmes par les Carthaginois, suivant Aristote; les quinquerêmes par les Salaminiens, suivant Mnésigiton; les vaisseaux à six rangs de rameurs, par les
Syracusains, suivant Xénagoras; ceux depuis six rangs jusqu'à dix, par Alexandre le Grand, suivant Mnésigiton; Ptolémée Soter, suivant Philostéphane, en fit
construire à douze rangs; Démétrius, fils d'Antigone, à quinze; Ptolémée Philadelphe, à trente; Ptolémée Philopator, surnommé Tryphon, à quarante rangs de rameurs (Pline, Histoire Naturelle VII, 57)
(Paul Marie Weyd, Pline, 1897 - books.google.fr). Érythrées une ville d'Ionie située à 22 km au nord-est du port de Cyssos - actuel Çesme - sur une petite péninsule qui
s'étend dans la baie d'Érythrée, en face de l’île de Chios. Les ruines de cette colonie grecque sont proches du bourg d'Ildiri. La cité était réputée pour son excellent vin, ses chèvres et
son bois. Érythrées a été le berceau de deux prophétesses, des Sibylles, dont l'une, Sibylla, est mentionnée par Strabon comme ayant vécu au début de l'histoire
de la ville, et l'autre, Athénaïs, à l'époque d'Alexandre le Grand. Les Sibylles érythréennes présidaient l'oracle apollinien. Érythrées faisait partie de la
Confédération ionienne ou Dodécapole ionienne
(fr.wikipedia.org - Erythrées (Ionie)). Johannes Philippus, serviteur de Galeazzo Maria Sforza à Venise, lui écrit le 10 août 1470 au sujet de la chute de Négrepont :
...et quello di proprio domino Niccolo da Canale Capitanio generale, che fo a dì 11 del passato, mandò quindeci galere per soccorrere
la terra, de le quale undeci per non havere capo se retrasseno alamita del camino, quattro sole passaro più oltre, ma ona sola dele quattro animosamente se presentò al ponte facto per el turco da
la parte de sopra et andogli cum tanta furia che la conquasso tutto el ponte, et fece tanto terrore a quilli che guardaveno el ponte, che il forcio se buttarono in aqua;
per modo ognuno tene che se le quattro galee tutte unite urtaveno el ponte, per esser facto su fuste incatenato, lhaveriano rotto et soccorrevano la terra
(Archivio storico lombardo, 1884 - books.google.fr). Niccolo da Canale, capitaine général, envoya, le 11 du mois dernier, quinze galères pour secourir la ville. Onze d'entre elles,
sans chef, quittèrent le passage; quatre seulement allèrent plus loin, mais une seule s'approcha hardiment du pont construit par les Turcs et l'attaqua avec une telle fureur qu'elle le brisa entièrement
et terrifia tant ceux qui le gardaient qu'ils jetèrent leurs galères à l'eau. Tout le monde croit que si les quatre galères, toutes ensemble, avaient frappé le pont,
construit sur des poteaux enchaînés, elles l'auraient brisé et sauvé la ville (traduction google).
La galée ou galère fut ce que la trirème avait été pour l'antiquité
(Philippe Le Bas, France: dictionnaire encyclopédique, Tome 8, 1842 - books.google.fr). Typologie
Le report de 1645 sur la date pivot 1470 donne 1295.
La famille Barozzi est une famille patricienne de Venise. Les papes Eugène IV et Paul II étaient apparentés à la famille Barozzi.
Andrea Barozzi, consul de Venise à Négrepont en 1258, infligea une défaite à l'armée de Guillaume II d'Achaie au cours de la
guerre de succession d'Eubée. Jacopo, son fils, fut recteur de la Canée, de Négrepont (1295) et duc de Candie vers 1301. Sa conquête de Santorin l'entraîna dans un conflit avec les ducs de
Naxos qui dura plusieurs dizaines d'années et se solda par la perte définitive de l'île en 1335.
Lucas Barozzi défendit avec vaillance la Canée, en juin 1645 lorsque les Turcs débarquèrent en Crète
(Gustave Léon Schlumberger, Paulos Lampros, Numismatique de l'Orient latin, 1878 - books.google.fr,
fr.wikipedia.org - Famille Barozzi). Francesco Barozzi (latinisé en Franciscus Barocius; né le 9 août 1537 à Candie, auj. Héraklion, en Crète, mort le 23 novembre 1604 à Venise)
est un mathématicien et un astronome italien de la Renaissance.
Vers 1583, Barozzi fut entendu une première fois par l'Inquisition pour un motif inconnu et fut jugé coupable. En 1587, il fut
accusé d'apostasie, d'hérésie, et de pratiques occultes ayant provoqué une tempête en Crète. Reconnu de nouveau coupable, il dut verser 100 ducats et fut condamné à la prison avec sursis.
Il est l'auteur de Pronostico Universale di tutto il mondo (Bologne, 1566), traduction d'un recueil d'almanach
(de prophéties) de Nostradamus pour les années 1565-1570
(fr.wikipedia.org - Francesco Barozzi). Un voyageur et ambassadeur
Parmi les voyageurs de renom, se place Evliya Çelebi qui appartient à l'époque de l'Empire Ottoman.
Evliya Çelebi naquit à Istanbul en 1611. Il reçut une éducation et une instruction assez choisies, d'après les critères de son époque. Son père était orfèvre, sous le règne du Sultan Selim II et du Sultan Ahmed I,
il fit accueillir son fils Mehmed Zilli au Palais; en 1636, par l'entremise de Melik Ahmed Pacha, un de ses proches, il fut présenté au Sultan Murad IV.
Çelebi sut profiter de cette occasion, gagna la confiance du souverain et en 1640, fut envoyé à Bursa comme fonctionnaire. C'est durant les années suivantes,
jusqu'en 1680, date de sa mort, que Çelebi, en tant que fonctionnaire du gouvernement ottoman, parcourut les différentes parties de ce vaste territoire. Parfois
il compta même parmi les fonctionnaires de l'ambassade. Par ailleurs, Çelebi contribua à certaines campagnes militaires, sous le règne du Sultan Ibrahim I (1640-1648)
et celui du Sultan Mehmed IV (1648-1678). C'est grâce à ces expéditions que Çelebi put également parcourir les contrées de l'Europe et de l'Ouest. Çelebi publia
ses riches descriptions sous forme de 10 volumes. Plusieurs pays traduisirent les oeuvres de Çelebi et publièrent ces traductions
(A. Caferoglu, L'itinéraire onomastique suivi par Evliya Çelebi durant voyage en Bulgarie, Actes Et Mémoires, Volume 1, 1974 - books.google.fr). En 1640, Il visite Bursa, Izmit et part au pays des Abazes. Il suit les côtes de la Mer noire jusqu'à Anapa où il embarque
sur la flotte qui va bloquer Azov. Après la fin du siège, il se rend à Balaklava et rejoint Istanbul. En 1645, il est chef des muezzins de la flotte qui attaque Candie. A son retour, il devient employé des douanes
à Erzurum d'où il explore l'Arménie. En 1648, Mortedha Pacha l'emmène à Damas, et lui confie des missions à La Mecque, en Egypte, à travers la Syrie et en Asie mineure.
Evilya suit ensuite son oncle Melek Ahmed à Oczakow en 1650, puis à Silistre (Valachie) et à Van. Il est envoyé à sept reprises en Perse et dans le Djezireh, passe par Tabriz,
Amman, Bagdad, Bassora, Koufa, Ormuz, Mossoul, Tikrit. En 1659, il fait avec son oncle la campagne de Moldavie et de Transylvanie. Celui-ci meurt en 1660, mais Evliya reste
dans l'armée jusqu'en 1664. Il est nommé secrétaire de l'ambassade qui se rend à Vienne sous la direction de Kara Mehmet Pacha. De là , il continue son voyage en Europe qu'il
parcourut pendant plus de trois ans : Allemagne, Pays-Bas, Flandre, Danemark, Suède, Pologne, Russie et Crimée. Il raconte ses voyages jusqu'en 1655 dans le Turikh-i-Seyyah ou
Seyahât-Nâme (Histoire ou livre du voyageur)
(www.turquie-culture.fr). En 1050 (1640) il visita Brousse, Nicomédie, et partit pour le pays des Abazes. Il suivit les côtes de la mer Noire
jusqu'à Anapa; là il monta sur la flotte qui allait bloquer Azof. Après la levée du siége, il se rendit à Balaklava, où il s'embarqua pour Constantinople. Durant le trajet, il faillit perdre
la vie, dans un naufrage d'où il échappa avec quatre de ses esclaves. En 1055 (1645) il fut placé en qualité de chef des moezzins sur la flotte qui alla menacer l'île
de Candie. A son retour, il fut envoyé comme employé de la douane à Erzeroum, d'où il exécuta diverses excursions, qui lui firent connaître la plus grande partie de l'Arménie
(Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Tome 16, 1856 - books.google.fr). L'attaque de la Crète
Le dixiéme de May 1645. on leva l'ancre... La flotte estoit composée de quatre-vingt & une galeres, en comptant huit
galeres de Barbarie, de deux mahones ou galeasses, d'un grand gallion nommĂ© la Sultane, de dix vaisseux d'Alexandrie, de deux vaisseaux de Tunis, de dix navires Anglois on Hollandois, que l'on avoit forcez Ă
servir, & de trois cens saĂŻques ou caramousols, chargez de soldats, de provisions, & de munitions. Les troupes estoient sept mille Janissaires, quatorze mille Spahis
environ cinquante mille Timariots, ou autres soldats, & trois mille pionniers. Le rendez-vous general fut à Chio. La flotte y arriva le 17. Avant le départ l'Ambassadeur
de Venise jugea à propos de rendre visite au General de la mer, pour tâcher de découvrir le veritable dessein des Turcs. Il fut reçû fort civilement de ce Bacha,
qui l'entretint fans paroistre embarrassé : De forte qu'il fut impossible à l'Ambassadeur, de rien penetrer; & ainsi il demeura toûjours incertain, s'il y auroit paix
ou guerre. Il manda pourtant au Gouverneur de Candie, Qu'il ne pouvoit pas connoistre le fond de l'entreprise des Turcs; mais qu'en general, voyant que le Capitan Bacha
n'estoit pas bien intentionné pour la Republique, il craignoit que la tempeste n'allast fondre sur le Royaume de Candie; qu'ainsi on devait toujours estre sur ses gardes
cependant ne point faire paroistre trop de crainte, ou trop de soupçon; Que sur ce pied, si les Turcs abordoient en Candie, on pourroit leur donner les vivres & les
rafraichissemens, qui leur seroient necessaires.
La flotte partit de Chio pour Napoli de Romanie. Mais il se leva un vent de Nord si frais, que les galeres furent dispersées,
& contraintes de se retirer en divers ports. Les saĂŻques & les caramousols moĂĽilletent l'ancre aux environs de Micone & de Tino. La derniere de ces Isles, qui appartient Ă la Republique, donna aux Turcs
de l'eau douce, & quelques autres provisions, qui se trouverent dans l'Isle. AprĂ©s cela la flotte s'estant reĂĽnie, on la vit Ă la hauteur de Cerigo, Isle qui est Ă
l'entrée de l'Archipel, & appartient aux Venitiens. De la les Turcs firent voile vers le canal de Braccio di Maina. Le lendemain neuf galeres, un gallion, & un brigantin
s'approcherent de Cerigo, & envoyerent au Provéditeur, une lettre du Bacha de Rhodes, qui luy demandoit le present ordinaire de caffé & de sucre. En recevant ce present,
les Turcs assurerent les Venitiens des bonnes intentions & de l'affection du Grand-Seigneur. Mais un petit bâtiment, charge d'armes & de munitions, donnant dans leur flotte,
ils s'en saisirent: ce qui éventa leurs desseins, & fit connoistre leurs veritables intentions. [...]
A la fin de May ceux de Carabuso, petite forteresse que les Venitiens avoient en mer, Ă quelque distance vers l'oĂĽest,
découvrirent la flotte des Turcs. Cela donna l'alarme à la capitale de l'Isle, dont les soupçons furent bientost confirmez. Un brigantin sous pretexte d'apporter de Sainte-Maure, des marchandises
de Turquie Turquie, avoit fondé la profondeur de aux environs de San-Theodoro, petit rec à la hauteur de la Canée. Ces circonstances faisoient assez
connoistre, que le dessein estoit seulement contre le Royaume de Candie. Neanmoins les craintes des Venitiens commencerent Ă se dissiper, lors qu'ils apprirent,
que l'on avoit marqué un second rendez-vous à Navarino, qui est une place fort éloignée de Candie; & personne ne douta, que Malthe ne dûst estre attaquée. Mais au mesme
temps on fut detrompé. Le General des forces Turques, ne fut pas plûtost arrivé à Capo-Colona appellé Sunio par quelques-uns, qu'il envoya un brigantin à Constantinople,
pour donner avis, qu'il alloit passer en Candie. La Cour Ottomane crut, qu'il n'estoit plus necessaire de feindre, & qu'il falloit declarer hautement la guerre aux Venitiens.
Cela se fit, en emprisonnant leur Ambassadeur, & en donnant des ordres Ă tous les habitans de l'Archipel de tuer, ou de faire des esclaves autant de sujets de la Republique,
que l'on en pourroit attraper. Ce qu'il y a Ă remarquer principalement, c'est que les Turcs entreprirent la guerre contre Venise, avec de plus grandes precautions, qu'ils
n'ont accoutumé de le faire, lors qu'ils rompent avec leurs voisins. Avec les derniers, ils frappent au mesme temps, qu'ils menacent. Mais icy ils prennent de grandes mesures,
sçachant, qu'ils ne peuvent tenir la mer contre les Vénitiens
(Paul Rycaut, Histoire Des trois derniers Empereurs des Turcs: Depuis 1623 jusqu'à 1677, Tome 2, 1684 - books.google.fr). Les îles de Mikonos et Tinos sont au centre de la mer Egée à mi chemin entre les côtes de Grèce et de Turquie.
Sur la grande route maritime, entre les côtes asiatiques et les côtes européennes, nos trois îles de Mykonos, Délos
et Syra se présentent tout juste à mi-chemin de la traversée et comme au milieu du pont insulaire : ce sont les gites d'étape presque forcés. Aussi, quand les Ioniens, maîtres des deux côtes,
voudront un lieu de foire, de réunion et de culte commun, c'est Délos qui verra les grandes panégyries de l'hymne homérique
(Victor Bérard, Les Phéniciens et les poèmes homériques, 1899 - books.google.fr). La marine ottomane pendant la guerre de Crète
En cas de nécessité, par exemple pour une expédition nécessitant des effectifs importants, ces escadres venaient
renforcer la flotte impériale ce qui les plaçait alors sous le commandement du kapudan pacha. Le plus souvent, elles avaient pour tâche
d'assurer la défense d'une zone du domaine maritime ottoman. Ces navires dépendaient de sancak beys des provinces maritimes et insulaires
qui avaient dans leurs attributions l'obligation de faire construire, armer et équiper un nombre précis de
galères et de les mettre à la disposition de l'État. Au milieu du XVIIe siècle, Rhodes devait en fournir trois, Chypre trois, Nauplie cinq, l'Eubée quatre,
Chio deux, Smyrne, une, Naxos une, Coron une et Modon une. [...]
Rappelant l'efficacité de Mehmed Sokollu trois quarts de siècle auparavant, l'État ottoman met sur pied, durant l'hiver
1644-1645, une imposante force militaire et navale qui quitte Istanbul le 30 avril 1645. Bien que leur ambassadeur à Istanbul soit très attentif aux mouvements de la marine ottomane,
les Vénitiens ont été abusés et croient que les Ottomans ont l'intention d'attaquer Malte. La flotte comprend 72 galères, deux mavnas, un grand kalyon,
dix vaisseaux hollandais et anglais affrétés pour l'occasion et environ 250 navires de charge, karamürsels et saykas. Après des escales successives à Chio,
à Karystos à la pointe sud de l'Eubée et à Navarin, où les contingents issus du Maghreb, d'Alexandrie, de Roumélie et de l'Archipel, viennent successivement
la rejoindre, l'imposante flotte de plus de 350 navires atteint la Crète le 23 juin. Le lendemain 24, l'armée, comprenant 7000 janissaires, 14000 sipahis, 3000 sapeurs et
pionniers et 50000 timariotes, commence à débarquer sans incident à 30 kilomètres à l'ouest de La Canée. Après s'être emparés le jour même de l'île de San Todero et de ses
forts qui couvrent le port de La Canée, la flotte y pénètre cependant que la ville est investie par la terre. Après une belle résistance, les Vénitiens, laissés sans
secours , se résignent à traiter. Ils rendent la ville le 22 août et la quittent, sans être molestés, avec leurs effets personnels le 24 à bord de navires turcs.
Cette victoire fêtée avec éclat à Istanbul donne aux Ottomans l'indispensable port d'accueil pour leurs renforts et une base pour la poursuite de la conquête de l'île.
Malgré la présence proche de deux escadres importantes, vingt-cinq galères, quatre galéasses et plusieurs vaisseaux à Zante, vingt-trois galères et treize
vaisseaux à Suda, en Crète à l'est de La Canée, les Vénitiens ne sont pas intervenus. En fait, ils attendent leurs alliés. Cinq galères du pape, cinq de Toscane,
cinq de Naples et six de l'ordre de Malte finissent par se retrouver à Messine le 13 août qu'elles quittent le 25 pour atteindre Zante le 29 où les attend l'escadre vénitienne.
L'imposante flotte alliée aligne alors 46 galères, quatre galéasses et dix-huit vaisseaux, et l'on attend encore l'escadre de Suda, mais La Canée est tombée le 22 août et les
Ottomans ont renvoyé à Istanbul la majeure partie de leur flotte et de leur armée. Après des hésitations et une timide tentative contre La Canée, les divisions alliées se retirent
fin septembre, considérant que la saison est maintenant trop avancée pour les galères. Jusqu'à la mi-octobre, les Vénitiens s'efforceront, seuls, d'intercepter, avec quelque
succès, les bâtiments ottomans, notamment barbaresques, qui apportent des renforts en Crète avant de se retirer à Suda et à Corfou. Le déroulement de cette première année de
guerre révèle l'importance, la variété et la complexité des tâches à accomplir dans le domaine naval. La priorité des dirigeants ottomans est d'amener en Crète les renforts,
en hommes et en matériel, nécessaires à la poursuite de la conquête de l'île et pour cela d'éviter l'affrontement naval décisif. Au contraire, les Vénitiens, ont certes besoin
de renforcer leurs garnisons, mais leur principale préoccupation est d'empêcher à tout prix les renforts ottomans d'atteindre l'île et dans ce but ils cherchent à détruire
le potentiel naval de leurs adversaires. En outre, les flottes vénitiennes et ottomanes sont des ensembles hétérogènes tant par les types de navires utilisés que par leur
provenance politique. En effet, aux côtés d'escadres «métropolitaines», qui constituent le gros de leurs forces, Ottomans et Vénitiens complètent leurs effectifs
à l'aide de divisions navales, d'origine étrangère, provinciale ou mercenaire, aussi bien dans les combats que dans le transport, et la coordination entre elles s'avère
le plus souvent difficile. En près d'un quart de siècle, la guerre présente donc des constantes certaines qu'il importe de présenter ici. Mais sa durée, sa complexité
et son ampleur contraignent les adversaires à repenser d'une part leur stratégie et de l'autre, à accorder à la logistique une importance qu'elle n'avait sans doute pas
au départ. Ces efforts d'adaptation aux circonstances témoignent des capacités et des moyens dont disposent Venise et Istanbul pour faire face aux besoins croissants
en hommes, en matériel et en argent que nécessite ce conflit qui va durer bien plus que prévu
(Daniel Panzac, La marine ottomane: de l'apogée à la chute de l'empire, 1572-1923, 2009 - books.google.fr). La bataille de Nègrepont en 1647 Dans la guerre de Crète, les navires d'Alger enregistrent des pertes en 1645 et 1646 et surtout
en 1647 lors de la défaite navale de Nègrepont. Les pertes se poursuivent les années suivantes et culminent en 1652 (12 navires «barbaresques o en majorité d'Alger, sont pris ou détruits). Certes les Ottomans
versaient des sommes d'indemnisation importantes à la Régence d'Alger mais la disparition de rais aguerris affaiblit la marine d'Alger. De plus, cette mobilisation pour la guerre réduit les activités de course et
les corsaires d'Alger étaient poursuivis par la quasi totalité des flottes européennes. Situation que jusqu'ici Alger évitait en jouant des contradictions entre puissances européennes
(Lemnouar Merouche, Recherches sur l'Algérie à l'époque ottomane II.: La course, mythes et réalité, 2007 - books.google.fr). Tommaso Morosini avait proposé et réalisé une première tentative de blocus des Dardanelles, qui s'acheva par défaut d'approvisionnement,
en eau particulièrement. Après des opérations sans effet près de la Crète, Morosini s'aventura dans le canal de Négrepont, avec son seul vaisseau amiral, en janvier 1647. Attaqué par 45
galères turques, il meurt d'une arquebusade. Son navire sera secouru par le nouveau Capitano Generale da Mar Giovanbattista Grimani, qui succède à l'inexpérimenté Giovanni Cappello.
(Guido Candiani, Stratégie et diplomatie vénitienne 1646-1659, Risque, sécurité et sécurisation maritimes depuis le moyen âge, 2008 - books.google.fr). Grimani, ayant rassemblé quarante-un bâtiments, poursuivit les Turcs de station en station, à Négrepont, à Scio, à Mitylène,
les obligeant à baisser leurs mâts, pour échapper à sa vue, les attaquant jusque dans leurs rades, les foudroyant jusques dans leurs y ports pénétrant de vive force au milieu d'eux, et leur enlevant des
bâtiments sous le feu des batteries de terre. Tout cela n'empêchait pas qu'à la faveur de l'obscu. rité, et de quelques coups de vent, qui écartaient la flotte vénitienne, les vaisseaux turcs ne s'échappassent
d'un port pour se réfugier dans un autre, et que le nouveau capitan-pacha, Hussein, ne parvint à jeter des secours et des approvisionnements dans la Canée. Cependant il était bloqué dans le port de Naples de Romanie,
et l'armée turque, qui assiégeait les places de l'île, ne pouvait pousser que lentement ses opérations
(Pierre-Antoine-Noël-Bruno Daru, Histoire de la république de Venise, Tome 6, 1826 - books.google.fr). Acrostiche : LADC, LADic, Ladik
La ville antique de Laodicée du Lycos (en latin : Laodicea ad Lycum, «Laodicée au bord du Lycos», «Laodicée de Phrygie») en Phrygie,
près de la Carie et de la Lydie était, à la période hellénistique et romaine, la capitale de la Phrygie en Asie Mineure. Ses ruines sont encore visibles
entre le village de Goncali et le quartier d'Eskihisar (en turc : Vieille citadelle) Ă 6 km du centre de Denizli en Turquie.
Laodicée comptait une forte communauté juive hellénistique. Au sein de celle-ci, mais aussi à l'extérieur, le prosélytisme chrétien eut rapidement
du succès et la ville devint l'une des sept Églises d'Asie citées dans l’Apocalypse.
Le théologien catholique Barthélémy Holzhauser (1613 - 1658) a interprété le passage des 7 églises comme les sept périodes, avec leurs
caractéristiques propres, de l'histoire de l’Église, depuis sa fondation jusqu'à sa consommation à la fin des temps : 7- Église de Laodicée : 3,14-22. : Tribulations dernières et règne de l'Antéchrist (désolation)
(fr.wikipedia.org - Laodicée du Lycos). Çelebi en parle longuement dans la relation de ses voyages
(Evliya Çelebi, Narrative of Travels in Europe, Asia, and Africa, in the Seventeenth Century, Tome 2, traduit par Joseph Freiherr von Hammer-Purgstall, 1850 - books.google.fr). Dans les années qui suivirent Lepante, G. Foscarini, gouverneur de la Crète pour Venise, puis haut dignitaire et même candidat
malheureux au doganat, chargea l'humaniste et mathématicien frotté d'occultisme Barozzi de constituer une nouvelle édition des Oracles de Léon VI en y introduisant des morceaux inspirés par les besoins de la
propagande anti-turque. Ce dernier connaissait G. Klontzas, un des peintres crétois les plus fameux, contemporain et probablement ami du futur El Gréco. En fait,
Barozzi avait donné deux textes de ses Oracles, l'un est le «Bute», l'autre le Baroccianus 170. En outre, le travail de Barozzi a été utilisé par les copistes
de deux autres manuscrits. L'objectif que poursuit ici Mme Vereecken est de donner une édition critique, avec une traduction française, des Oracles dans la de Barozzi,
y compris sa traduction latine, et un commentaire. L'humaniste avait laissé un commentaire de son œuvre, qui est perdu. Grâce à un manuscrit de Bergame et à la
correspondance de Barozzi, J. Vereecken parvient à reconstituer le contexte idéologique, qu'elle rapproche du mouvement religieux œcuménique appuyé par le pape Grégoire XIII
et auquel avait adhéré Henri III, le roi de France - en juillet 1574, de retour de Pologne, il avait séjourné plusieurs jours au palais de Foscarini : le document annonçait la
mort de Mourad III en 1590 et la chute de l'empire turc, relayé par un empereur de Constantinople, qui réconcilierait tous les schismatiques au sein de l'Église romaine. Il répète
donc le thème des prophéties illuministes qui ont fleuri en Occident depuis Joachim de Flore au XIIIe s. jusqu'aux voyants du XVIe s., les Campanella, Giordano Bruno et autres
Guillaume Postel
(Jacques Schamp, Les oracles de Léon le Sage illustrés par Georges Klontzas. La version Barozzi dans le Codex Bute de Jeannine VEREECKEN et Lydie HADERMANN-MISGUICH, In: L'antiquité classique, Tome 72, 2003 - www.persee.fr). Barozzi a en effet réalisé une "édition" des Oracula Leonis à l’aide de plusieurs manuscrits donnant des recensions
différentes; il a complété le texte en y ajoutant des oracles isolés trouvés dans des recueils apocalyptiques et en a retranché d’autres, qui ne se trouvaient peut-être pas dans les manuscrits dont il
disposait, si bien que cette version peut être considérée comme l’œuvre de Barozzi lui-même et non comme une œuvre byzantine. Cet ensemble de vingt-quatre
oracles brillamment illustrés par Klontzas se trouve dans plusieurs manuscrits de prestige (dont le codex Bute) et a été édité en 2000.
(Marie-Hélène Congourdeau, Les Oracula Leonis, Medioevo latino, Volume 31, 2010 - hal.science). La composition des "Oracles selon Barozzi". Des 24 oracles (appelés figurae par Barozzi), seuls les 12 premiers ont trait
aux Oracles de Léon proprement dits. La deuxième partie du texte contient d'autres prophéties (byzantines et autres) que l'on retrouve très souvent dans les mêmes manuscrits que les Oracles.
Les Figures 21 à 24 décrivent des scènes eschatologiques connues, à savoir la chute de Constantinople, le règne de l'Antéchrist et le second avènement du Christ.
Donc à l'opposé de la rédaction courante, les Oracles selon Barozzi ont une dimension eschatologique et contiennent les scènes finales typiques des apocalypses
chrétiennes. Dans la composition du texte et la répartition des prophéties, Barozzi a agi très librement. La division en 24 prophéties (ou mieux en 2x12),
qui seule intervient dans son édition, paraît très artificielle. On est d'abord frappé par la longueur très inégale des prophéties, allant de 2 à 47 vers, mais une
analyse plus détaillée du texte prouve que Barozzi s'est efforcé d'obtenir une composition et un nombre de prophéties "idéaux". La première moitié contient les Oracles de Léon
proprement dits (mélangés à d'autres vers et prophéties); dans cette partie-là , Barozzi a consciemment réduit le nombre des oracles à 12 alors qu'il y en a 15 dans les manuscrits
conservateurs. Pour commencer, il a éliminé les deux oracles en prose (conservés même dans les Vaticinia Pontificum) parce qu'ils constituaient un élément gênant par rapport aux
prophéties en vers. De plus, il a réuni les oracles XIII et X dans la Figure 10. Dans la deuxième partie du texte, la division en 12 prophéties est tout aussi forcée.
Cela se remarque surtout dans les Figures 13 et 14 qui sont consacrées au roi mythique Conon et à son jeune corégent et successeur. Ces prophéties (qui ne portent aucun titre)
forment une unité quant à leur contenu et à la représentation iconographique et comptent respectivement 6 et 2 vers. Il n'y avait donc aucune raison de les traiter en tant que
figures séparées. Tout porte à croire que le mathématicien Barozzi visa à une composition symétrique basée sur le nombre 12. Nous savons que ce nombre, qui a une grande valeur
symbolique dans l'Apocalypse de saint Jean, lui était particulièrement cher. Barozzi aurait donc choisi ce nombre "apocalyptique" comme clé de voûte de la composition de ses
prophéties. [...] D'autre part, il faut rappeler l'importance du nombre 12 comme symbole de la plénitude, de la Jérusalem céleste, de l'Église triomphante. Pour Barozzi
en particulier, qui s'en réfère à Platon et à Pythagore, ce nombre "parfait" représente l'empire de Jupiter ou l'empire de Dieu
(Jeannine Vereecken, Lydie Hadermann-Misguich, Chresmoi tou Leontos tou Sophou eikonographemenoi apo ton Georgio Klontza, 2000 - books.google.fr). Sous le titre de Vaticinia de summis pontificibus et sous le nom de Joachim de Flore, circule une adaptation
latine des Oracula, où les empereurs à venir sont devenus des papes à venir. Probablement née dans le milieu des spirituels franciscains, cette adaptation voit dans Célestin V le pape «à la rose et à la
faux», dont la rose exprime le caractère angélique et qui par la faux doit purifier l’Eglise. Nous avons ici la naissance de la légende du papa angelicus, qui n’est
en réalité qu’un empereur byzantin habillé en pape. Par un curieux retour, cette tradition des papes à venir devait être connue en Orient, puisque l’historien
byzantin Laonikos Chalkokondylès, au XVe siècle, évoque «les papes à venir prophétisés par Joachim»
(Marie-Hélène Congourdeau, Les Oracula Leonis, Medioevo latino, Volume 31, 2010 - hal.science). On pense à la prophétie de Malachie.
Dans les pays grecs sous domination ottomane, les Oracles donnèrent naissance à deux traditions. La première est celle de l’empereur
pétrifié. Cette légende post-byzantine est née d’une relecture de la chute de Constantinople à la lumière des Oracles. Dans les derniers jours du siège, une rumeur courait par les rues de la ville. Elle
nous est rapportée par l’historien Doukas. La rumeur disait que lorsque les Turcs entreraient dans la ville, «un ange descendu du ciel avec une épée au
poing donnerait le règne à un inconnu, simple et misérable, qui se trouverait à ce moment devant la colonne (de Constantin) et lui dirait: "Prends cette épée et
venge le peuple du Seigneur". Alors les Turcs s’enfuiraient et les Byzantins les poursuivraient et les mettraient en pièces, les chassant non seulement de la cité
mais aussi de l’Occident et de leurs régions orientales jusqu’aux confins de la Perse au lieu dit Monodendrion»34 Confiants dans cet oracle, beaucoup de
Byzantins se réfugièrent derrière la colonne de Constantin, où ils furent massacrés. On aura reconnu une version de l’oracle sur le vrai empereur.
Après la chute, la légende se transforma : l’empereur Constantin XI n’était pas mort sur les remparts de Constantinople, comme on le croyait. Sur le point
d’être tué, il avait été emporté par un ange dans une grotte près de la Porte Dorée, où il attendait, changé en pierre, que l’ange vienne le réveiller.
Alors de nouveau tu auras le pouvoir, Ă´ ville aux sept collines. Une seconde tradition substitue, Ă la liste des empereurs byzantins, la liste
des sultans jusqu’à la chute de l’empire ottoman et le rĂ©tablissement de l’empire byzantin. Chacun des oracles est ainsi appliquĂ© Ă l’un des sultans: la licorne Ă
Mehmet II, le bœuf à Bayazid II, l’ourse à Sélim Ier, l’homme à la faux à Suleyman, etc. Cette croyance, qui entretenait l’espoir d’une prompte libération,
explique probablement la soudaine profusion de manuscrits grecs des Oracles au XVIe siècle, alors qu’on n’en a conservé aucun de la période antérieure à la chute
(Marie-Hélène Congourdeau, Les Oracula Leonis, Medioevo latino, Volume 31, 2010 - hal.science). Cf. les "poissons demy cuits" plus 'Negrepont" du quatrain II, 3 qui pourraient être en rapport avec l'espérance de la chute des Ottomans.
Les Oracula Leonis sont un exemple particulièrement frappant d’interpénétration culturelle. Ces textes sont à première
vue strictement byzantins : leurs sources remontent au passé païen et ésotérique de Byzance; certains furent composés dans un contexte politique précis (peut-être le milieu des empereurs ico
noclastes) et lus dans un tout autre contexte (la dynastie des Comnènes); ils amalgament des prophéties sur les destinées de Constantinople et des éléments
de l’apocalyptique byzantine sur le Dernier empereur grec. Ce sont pourtant ces mêmes textes byzantins qui, habillés de vêtements latins, nourrirent les espéran
ces des spirituels occidentaux espérant le pape angélique, tout autant que celles des humanistes vénitiens attendant la chute de l’empire ottoman. Il n’est pas
jusqu’aux Réformateurs qui n’aient vu dans Luther la réalisation de la prophétie de l’homme à la faux et à la rose. Plus tard, les combattants de l’indépendance
grecque soutinrent leur espérance par des chants populaires issus eux aussi des Oracula Leonis. Peu de textes ont eu une fortune aussi longue et aussi diverse.
L’Europe est aussi fille de Byzance
(Marie-Hélène Congourdeau, Les Oracula Leonis, Medioevo latino, Volume 31, 2010 - hal.science). En ce qui concerne le texte des Oracles, la rédaction bilingue du mathématicien et hermétiste Francesco Barozzi, n'offre pas la même
jouissance que les miniatures au lecteur qui bute sur de nombreux passages obscurs, voire incompréhensibles, dûs tantôt à l'ambiguïté du langage oraculaire, tantôt à la
négligence du savant. En outre, Barozzi a senti le besoin de compléter les Oracles de Léon, qui datent probablement du IXe siècle, par d'autres prophéties
d'époques et d'origines diverses. Il voulait , de cette façon, adapter le texte byzantin aux événements historiques et aux attentes eschatologiques
de la fin du XVIe siècle. Ainsi les Oracles originels se trouvent noyés dans la composition hétérogène de Barozzi. Dans notre commentaire nous avons
démontré que les Oracles authentiques appartiennent au genre hermétique ou mystique; ils ne visaient donc pas à révéler l'avenir mais bien d'autres
"secrets". L'intérêt particulier pour ce texte au XVIe siècle - qui ressort du grand nombre de copies exécutées à ce moment-là - paraît tout à fait
logique à une époque inquiète où fleurissait l'hermétisme. Barozzi souligne cet aspect ésotérique dans sa dédicace au gouverneur de Crète , Giacomo Foscarini,
commanditaire de l'édition. Malheureusement, l'interprétation des Oracles, que Barozzi avait l'intention de donner, manque dans le codex Bute et dans son doublet par le texte,
le Baroccianus 170, dont un grand nombre de pages sont aussi restées blanches. On ignore pourquoi le commentaire élaboré, annoncé par Barozzi lui-même, n'y a pas été intégré
au moment de l'exécution de ces manuscrits; par la suite, il a pu être confisqué par la censure vénitienne ou par l'Inquisition lors de la condamnation de l'auteur en tant que
magicien et prophète en 1587. Nous avons pu reconstituer l'esprit de cette interprétation grâce à la correspondance de l'érudit. Il est apparu que les éléments ésotériques auxquels il se
réfère dans sa dédicace, à savoir "la science des nombres et des hiéroglyphes", ne faisaient que masquer le vrai message de ses commentaires et le dessein réel de son édition :
l'appel à la résistance contre les Turcs. En effet, les "Oracles selon Barozzi" se sont révélés un instrument de propagande en vue d'une nouvelle ligue anti-ottomane, dans laquelle
le destinataire du codex Bute, Foscarini, et probablement aussi le roi de France, Henri III, devaient jouer un rôle important. Le but ultime de cette ligue aurait été la
reconquête de Constantinople et l'instauration d'un souverain universel qui réunirait les Églises avant la consommation des temps. À la fin du XVIe siècle, ce genre de rêves
utopiques était surtout nourri par des philosophes hermétiques dont plusieurs ont payé très cher, et parfois de leur vie, leurs idées extravagantes. La condamnation de 1587
devrait sans doute être reconsidérée dans ce même contexte. La découverte toute récente du manuscrit de Bergame, autographe de Barozzi, contenant un commentaire abrégé,
n'infirme en rien notre thèse du caractère politique de l'ouvrage. En effet, ce commentaire présente, de façon un peu plus élaborée, les idées déjà exprimées dans
les lettres de Barozzi. [...]
Le soin, la préciosité et la qualité des peintures du codex Bute, ainsi que les signatures de Klontzas, semblent attester que, dès sa
genèse, il fut l'ouvrage commandé par Giacomo Foscarini, probablement au début de son mandat, c'est-à -dire aux environs de 1575. Si la miniature au portrait reste encore quelque peu
énigmatique, les armoiries de Foscarini figurées en vis-à -vis et la reliure vénitienne, timbrée des mêmes armes, confirment l'identité du propriétaire et, probablement
aussi, l'attachement que portait à ce manuscrit exceptionnel le gouverneur de Crète, ainsi que sa prétention au doganat de Venise
(Jeannine Vereecken, Lydie Hadermann-Misguich, Chresmoi tou Leontos tou Sophou eikonographemenoi apo ton Georgio Klontza, 2000 - books.google.fr). Lien avec le quatrain précédent
En filigrane, l'Ethiopie apparaît dans la version Barozzi des Oracles de Léon le Sage, par l'intermédiaire
des influences du Pseudo-Méthode.
Figure 16 Monarchie et union : vv. 1-2 Dans l'Égypte ancienne le faucon était le prince des oiseaux et la manifestation
du dieu solaire Horus. Selon les Hieroglyphica d'Horapollon, un ouvrage grec tardif très en vogue pendant la Renaissance, le signe hiéroglyphique de faucon signifie entre autres "dieu",
"supériorité" ou "victoire". La juxtaposition du faucon et du cheval dans cet oracle interpolé peut rappeler l'oiseau-cavalier de la Figure 3,
intitulé également Monarchie. Notons encore que, sur la miniature, le faucon semble porter un capuchon rouge, détail que paraît confirmer la copie de
Bergame; vv. 3-5 Douze : Comme il a été dit plus haut (voir Figures 9 et 12), 12 ans est la durée du règne du roi messianique. Selon le Pseudo-Méthode,
celui-ci viendrait de l'Éthiopie et serait un parent lointain d'Alexandre le Grand. Le cheval "libyen", monture de notre empereur au faucon (v. 2),
semble donc référer également à ce "roi de l'Éthiopie" de la littérature apocalyptique
(Jeannine Vereecken, Lydie Hadermann-Misguich, Chresmoi tou Leontos tou Sophou eikonographemenoi apo ton Georgio Klontza, 2000 - books.google.fr). |