La succession espagnole après la mort de Philippe IV
La succession espagnole après la mort de Philippe IV

 

II, 47

 

1665-1666

 

L’ennemi grand vieil deuil meurt de poison :

Les souverains par infinis subjuguez :

Pierres plouvoir : cachĂ©s sous la toyson :

Par mort articles en vain sont allégués.

 

II, 48

 

1666-1667

 

La grand copie que passera les monts,

Saturne en l’Arq. tournant du poisson Mars :

Venins cachés sous testes de saulmons,

Leur chief pendu Ă  fil de polemars.

 

Les quatrains semblent bien porter sur une question espagnole car la « toyson Â» peut faire rĂ©fĂ©rence Ă  la Toison d’Or crĂ©Ă©e par Philippe le Bon et passĂ©e en hĂ©ritage Ă  Philippe II d’Espagne.

 

Le traité de Pyrénées avait été signé sur l’Ile des Faisans où l’on pêchait des saumons réservés à l’administration royale espagnole [1]. Y avait été réglé le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Autriche, fille d’un premier lit de Philippe IV d’Espagne.

 

Mazarin avait conditionnĂ© le renoncement Ă  l’hĂ©ritage de celle-ci contre le versement de 500 000 Ă©cus en espĂ©rant qu’ils ne seraient jamais versĂ©s, ce qui fut le cas (« Venins cachĂ©s Â»). Aussi quand Philippe IV meurt en 1665, un enfant de 4 ans souffreteux lui succède, Charles II. Louis XIV et l’Empereur LĂ©opold espèrent en tirer avantage. Mais la destinĂ©e en dĂ©cida autrement (« souverains par infinis subjuguĂ©s Â»). Charles II vivra jusqu’en 1700. Louis XIV exige de recevoir les Pays-Bas espagnols et la Franche-ComtĂ© en se lançant dans la guerre de DĂ©volution (1667-1668). La guerre de Hollande (1672-1678) en sera la suite.

 

La femme de Charles II, Marie-Louise, « mourut dans des conditions atroces après avoir Ă©tĂ© empoisonnĂ©e [2] Â», en 1689 (« L’ennemi grand vieil deuil meurt de poison Â» : le roi, d’un pays ennemi de longue date, en deuil pour cause de poison). Charles II dĂ©signera pour lui succĂ©der le petit-fils de Louis XIV, ce qui dĂ©clenchera la guerre de succession d’Espagne de 1701 Ă  1714.

 

Les armĂ©es françaises au cours de ces guerres passeront les Vosges, le Jura et les PyrĂ©nĂ©es (« La grand copie que passera les monts Â»).

 

L'ĂŽle des Faisans

 

Mazarin, qui songe à ménager éventuellement à Louis XIV des droits à la succession d'Espagne, propose le mariage du roi avec l'infante Marie Thérèse. Devant les réticences de Philippe IV, Mazarin se rend avec la cour à Lyon et fait semblant d'ouvrir des pourparlers en vue du mariage du roi avec une princesse de Savoie, tout en faisant savoir aux Espagnols que, dans ces conditions, la France se montrera beaucoup plus exigeante sur le chapitre des cessions territoriales (novembre 1658). La «comédie de Lyon» réussit : Philippe IV accepte de rouvrir, sur les bases proposées par Mazarin, les négociations interrompues. Pourtant celles-ci qui reprennent à Paris (février - juin 1659), puis dans l'île des Faisans, sur la Bidassoa, sont longues et difficiles : outre le problème du mariage, le cas de Condé donne lieu à d'âpres discussions, le roi d'Espagne mettant son point d'honneur à ne pas abandonner le rebelle aux justes représailles de Louis XIV (François Lebrun, Le XVIIe siècle, 1967 - books.google.fr).

 

La renonciation d'Anne d'Autriche avait été présentée aux états de Castille et d'Aragon, et acceptée par eux. Celle de Marie-Thérèse ne leur fut pas présentée; et c'est une des principales raisons sur lesquelles les casuistes et les jurisconsultes, auxquels Charles II s'adressa, se fondèrent pour décider que les descendans de Marie-Thérèse étaient les héritiers légitimes de la Couronne d'Espagne. [...] Le cardinal Mazarin prévit ce que vaudraient des renonciations, en cas que la postérité mâle de Philippe IV s'éteignît; et des événemens étranges l'ont justifié après plus de cinquante années (Voltaire, Siècle de Louis XIV, 1838 - books.google.fr).

 

"Saturne en l'Arq" : Saturne en Sagittaire et l'aspiration Ă  l'Empire

 

LE MARQUIS DE CASTRIES A COLBERT. A Bésiers, ce 29 décembre 1664. Vous allés estre bien surpris quand vous trouverés cette lettre toute pleine de predictions et de prophéties, parlant des astres et de la conjonction des planettes. Je ne doute pas que d'abort vous ne croyés que je suis deveneu fou; mais quand vous aures attentivement considéré l'imprimé cy-joinct, je m'asseure que vous perdrés la mauvaisse impression que le commencement de ma lettre vous avoit donnée, et que vous le jugerés digne de vostre curiosité; pour l'intelligence duquel je vous diray qu'étant allé ces festes de Noël à Montpellier, j'ouïs parler de la prédiction contenue audit imprimé qui étoit entre les mains d'un vieux astrologue, nommé Bonnet, lequel ayant envoyé chercher, et m'ayant fait voir le papier que je vous envoye, je luy demandé où il l'avoit pris, et ce que cela signifioit. Il me respondit qu'étant à Paris en l'an 1660, il l'avoit achepté sur le Pont-Neuf des pèlerins allemans, et que depuis que le comète paroissoit, il avoit examiné ledit papier, et jugé que le temps étoit venu de ceste prédiction, qui vouloit dire que l'Empire changeroit de maison, et que nostre maistre seroit empereur, parce, dit-il, que Saturne se trouve dans la maison du Sagittaire, que les astrologues nomment des informittés, ce qui arrive, dit-il, de 30 en 30 ans; mais que la conjonction qu'il y a eu de Jupitter avec Saturne, qui n'arrive que 800 ans en 800 ans, le confirmoit dans ceste créance, ce qui arriva, dit-il, lorsque Charlemagne fut fait empereur, auquel temps parut un pareil comette. N'entendant point ces matières, et entendant parler du roy en ces termes, voyant ce vieux imprimé qui ne peut estre soubçonné d'aucune supposition ni friponnerie, j'ay creu, Mr, que je vous le devois envoyer, pour en faire ce que vous jugerés à propos. Le comette qui paroît en ce païs depuis 3 sepmaines est semblable à celuy qui est dépeint dans cest imprimé. Me voilà, M. à bout de mon astrologie (Georges-Bernard Depping, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Tome IV, 1850 - books.google.fr).

 

En 1663, Saturne est en Sagittaire (depuis le 22 décembre 1661, année de la majorité de Louis XIV, jusqu'au 8 juin 1662 et du 30 septembre 1662 jusqu'au 19 décembre 1664) et Mars en Poissons depuis le 5 mars jusqu'au 11 avril (www.astro.com).

 

C'est Saturne qui rétrograde au 1er avril ce qui pourrait faire penser que "tournant" s'applique à Saturne et non à Mars.

 

L'empereur Ferdinand III était mort en 1657; son fils Léopold, âgé de dix-sept ans, déjà roi de Hongrie et de Bohême, n'avait point été élu roi des Romains du vivant de son père. Mazarin voulut essayer de faire Louis XIV empereur. Ce dessein était chimérique; il eût fallu ou forcer les électeurs ou les séduire. La France n'était ni assez forte pour ravir l'empire, ni assez riche pour l'acheter; aussi les premières ouvertures, faites à Francfort le maréchal de Grammont et par Lionne furent-elles abandonnées aussitôt que proposées. Léopold fut élu. Tout ce que put la politique de Mazarin, ce fut de faire une ligue avec des princes allemands pour l'observation des traités de Munster, et pour donner un frein à l'autorité de l'empereur sur l'empire (auguste 1658.) (Voltaire, Siècle de Louis XIV, 1838 - books.google.fr).

 

Si les armes du jeune roi de France dominent le conflit, la controverse juridique des droits de la reine est loin d'être close. Au contraire, elle est même à son apogée et les traités en réponse aux prétentions de Louis XIV déferlent de toute l'Europe. Cette guerre juridique connaît un grand développement en 1667 et 1668. Outre le Traité des droits de la Reyne Tres-Chrestienne sur divers Estats de la monarchie d'Espagne, les revendications françaises sont soutenues par l'abrégé de ce traité le Dialogue sur les droits de la Reine Très-Chrétienne. Abrégé du traité des droits de la Reine Très-Chrétienne sur divers Etats de la monarchie d'Espagne. Ces deux ouvrages, pierre angulaire de la défense française des droits de la reine Marie-Thérèse, connaissent de multiples traductions pour faciliter leur diffusion, signe de la volonté du roi de France de faire connaître à chacun son bon droit. [...]

 

En dehors de ces auteurs, un écrivain subit bientôt les foudres royales. De par l'outrance de son ouvrage, Antoine Aubéry dessert son roi. Son traité intitulé Des justes prétentions du Roy sur l'Empire apporte plus d'armes aux opposants de Louis XIV qu'il ne défend la politique française. Dans ce livre, Aubéry réclame non seulement, le titre impérial pour Louis XIV mais encore la domination sur la plus grande partie de l'Allemagne, comme ayant été possédée par Charlemagne en tant que roi de France. Devant les vives réactions au sein du Saint Empire, Louis XIV fait enfermer Aubéry à la Bastille... pour quelques semaines. L'ombre de la monarchie universelle plane à nouveau sur l'Europe et renouvelle la peur des guerres de conquête (Delphine Montariol, Les droits de la reine : La guerre juridique de Dévolution (1661-1674), 2021 - books.google.fr).

 

Cf. la comète du quatrain II, 46.

 

En 1679, Meinders «offrit», au nom de Son Altesse électorale Frédéric-Guillaume de Brandebourg, de transformer le roi de France en Empereur et de lui restituer la couronne de Charlemagne (A. Legrelle, "Des tentatives de Louis XIV pour arriver à l'Empire" de Henri Vast, Bulletin Critique, 1897 - books.google.fr).

 

La diète germanique avait profité des embarras de l'empereur pour étendre ses prérogatives et pour se rendre, en quelque sorte, permanente par l'établissement de délégués permanents : Louis XIV, de son côté, avait encore étendu son influence sur l'Allemagne; plusieurs petits princes adhérèrent à l’Alliance du Rhin (1664-1666). L'électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, profond politique qui préparait à sa race de grandes destinées et à l'Allemagne du Nord une ère nouvelle, évitait de se laisser envelopper dans l’Alliance du Rhin, de peur de se mettre sous la dépendance de la France, mais avait consenti à signer à part une alliance défensive avec Louis XIV (5 mars 1664). L'électeur de Saxe avait signé-un traité semblable le 12 avril, et, de plus, s'était engagé secrètement, moyennant 20,000 écus de pension, à voter, au collège électoral et à la diète, suivant les désirs de Louis XIV : la maison de Saxe s'abrutissait dans la matière, tandis que la maison de Brandebourg se relevait par la pensée politique (Louis Henri Martin, Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, Tome 15, 1847 - books.google.fr).

 

Dès 1662, Louis XIV se croyait assuré de l'adhésion de Frédéric-Guillaume à la Ligue comme il l'écrivait à Gravel, le 18 mars de cette année (Adolphe Chéruel, Étude sur la ligue ou alliance du Rhin, 1884 - books.google.fr).

 

L'emblème avec le soleil éclairant la terre comme «corps» et la devise «nec pluribus impar» comme «âme» n'a donc été probablement introduit officiellement qu'en 1663, avec l'approbation de la Petite Académie fondée la même année. Quoi qu'il en soit, on peut se demander pourquoi la devise royale, qui ne sera sanctionnée que plus tard, était déjà entièrement élaborée en 1658. On sait que les Français se verront reprocher d'avoir volé l'emblème solaire aux Espagnols. En effet, l'emblème de Philippe II, accompagné de la devise «iam illustrabit omnia», montrait le char d'Apollon éclairant de ses rayons le globe terrestre avec les deux continents européen et américain. C'est contre ces accusations émises en 1670 par le vénitien Filippo Picinelli que le père jésuite Claude-François Menestrier se vit contraint de se défendre dans son ouvrage La Devise du Roi justifiée paru en 1679. La nécessité d'une telle justification écrite prouve qu'on ne pouvait tout à fait nier le caractère hispano-habsbourgeois de la devise louis-quatorzienne. Manifestement, Mazarin fit sciemment élaborer l'emblème français (proche de la version espagnole mais avec une image simplifiée et une devise plus recherchée) avant les négociations de paix avec l'Espagne, engagées à partir de juin 1659, pour mieux mettre en évidence la supériorité de la France sur l'Espagne. Mais l'emblème français témoignait aussi des aspirations de Louis XIV au trône de l'Empereur germanique après la mort inopinée de Ferdinand III en 1657. En s'inspirant alors de la devise du fils de Charles Quint, le modèle français devait illustrer à la manière d'un manifeste le droit à la souveraineté universelle et à l'héritage de l'Empire des Habsbourg revendiqué par la France (Isabelle de Conihout, Patrick Michel, Mazarin, les lettres et les arts, 2006 - books.google.fr).

 

"testes de saumons" et la Bidassoa

 

Sous prétexte de revoir sa fille la reine d'Espagne Élisabeth de France, Catherine de Médicis avait espéré se ménager une entrevue avec Philippe II pendant le long voyage que fit la cour de France dans les provinces du Midi de 1564 à 1566. Philippe ne vint pas, mais envoya en même temps que sa femme le duc d'Albe, chargé de s'entendre, s'il était possible, avec Catherine, sur les questions religieuses et politiques. L'entrevue qui eut lieu sur la Bidassoa, le 14 juin 1565, fut suivie de trois semaines de fêtes à Bayonne et à Saint-Jean de Luz. Dans cet intervalle, il y ent de nombreuses conférences où furent discutées des résolutions de la plus haute importance, particulièrement au sujet des protestants. On a prétendu que la Saint-Barthélemy y fut sinon décidée, du moins proposée. Dans tous les cas, dans la lettre que nous exposons, et qu'elle remit à sa fille Élisabeth pour Philippe, Catherine dit qu'elle a entretenu celle-ci de aultres propos... chause que si privement n'euse arisé dire ha aultre personne. Les protestants ne se trompèrent pas sur la nature des chauses qui avaient pu être traitées dans cette entrevue, et les inquietudes qu'ils en ressentirent determinèrent l'explosion de la seconde guerre de religion (Documents originaux de l'histoire de France exposés dans l'Hotel Soubise Musée des Archives Nationales, 1872 - books.google.fr).

 

En 1565, le duc d'Albe, le futur gouverneur des Pays-Bas, vit Catherine de MĂ©dicis Ă  Bayonne. D'après Davila, il lui aurait suggĂ©rĂ© qu'il fallait exterminer les hĂ©rĂ©tiques en commençant par «les tĂŞtes de saumon, lesquelles valent mieux que les tĂŞtes de grenouilles» : «Mais, Ă©crivait le rĂ©gent des Pays-Bas, Granvelle, Ă  propos de Catherine, je la crois si fortement entichĂ©e de cette idĂ©e qu'en mĂ©nageant les deux partis elle a trouvĂ© le secret de consolider son autoritĂ©, qu'elle s'obstinera dans ce système d'oĂą rĂ©sultera infailliblement la ruine de la religion et du trĂ´ne de son fils. Je suis donc bien persuadĂ© qu'elle ne fera rien de bon, et je n'ai que trop sujet d'apprĂ©hender de grands malheurs» (Eugène Cavaignac, Esquisse d'une histoire de France, 1910 - books.google.fr).

 

Enrico Caterino Davila (né le 30 octobre 1576 à Piove di Sacco, près de Padoue et mort en juillet 1631 à San Michele Extra (aujourd'hui un quartier de Vérone) est un historien italien (fr.wikipedia.org - Enrico Caterino Davila).

 

Sur l'Adour, jusqu'à Urt, se détachent de petites iles, dont quelques-unes ont leur histoire ou leur légende. Celle de Roll ou de Lahonce, une des plus grandes, avec une vaste maison de maître aujourd'hui délaissée, fut un jour le rendez-vous d'une cour allant joyeusement manger ces saumons renommés qui n'ont d'égal que ceux de la Nive ou de la Bidassoa. C'est en effet dans cette ile qu'en 1565 il fut donné une fête en l'honneur de la réunion à Bayonne de Catherine de Médicis avec Charles IX et de la reine d'Espagne Elisabeth avec le duc d'Albe. Là, dit-on, Catherine de Médicis et le duc d'Albe, pendant que les deux cours galantes se laissaient aller aux plaisirs des tables chargées de mets, de confitures et de vins recherchés, s'entretinrent des moyens d'abattre le calvinisme, et le duc d'Albe y prononça ces paroles célèbres, que les chroniqueurs ont conservées : «Dix mille grenouilles ne valent pas la tête d'un saumon.» (Bidache et la Maison de Grammont, Bulletin de la Société des sciences & arts de Bayonne, 1888 - books.google.fr).

 

"fil de poulemars" et Coligny pendu

 

L'exemple cité par Cotgrave nous met sur la trace de l'erreur à fil de poulemart, c'est-à-dire à fil de cordeau (sens familier au mot dès le XIVe siècle), rapproché de la locution courante au fil de l'épée, a suggéré l'assimilation des deux termes correspondants qui n'ont en réalité aucun rapport entre eux.

 

Poulemart : ce mot désigne le gros fil d'emballage dans deux passages de Rabelais qui l'avait emprunté au provençal pouloumar, fil à voile, grosse ficelle. C'est un terme nautique emprunté au catalan palomera, câble, et palomar, fil de câble. Le terme catalan dérive de paloma, qui signifie à la fois pigeon et élingue. C'est à tort que Cotgrave, Sherwood, Oudin donnent à poulemart le sens d'épée (Revue des études rabelaisiennes: publication trimestrielle consacrée à Rabelais et son temps. 1903-1912, Volume 4, 1906 - books.google.fr).

 

On a prétendu que la Saint-Barthélemy fut sinon décidée, du moins proposée aux rencontres de 1565 entre Catherine de Médicis et le duc d'Albe.

 

Le 18 août 1572, le protestant Henri de Navarre épouse Marguerite de Valois, la sœur catholique du roi. De nombreux nobles protestants viennent assister au mariage, célébré à Paris et donnant lieu à des fêtes somptueuses. Mais leur présence dans la capitale, largement catholique, engendre des tensions. Le 22 août, l'amiral de Coligny, chef du parti protestant, est blessé lors d'un attentat. Charles IX lui assure que les coupables seront châtiés. Le samedi 23 août au soir, lors d'une réunion du Conseil, Catherine de Médicis rapporte au roi que les protestants, excédés par l'attentat contre l'amiral de Coligny, réclament justice. Elle prétend aussi qu'ils trament un complot contre lui. Elle est soutenue par son autre fils, Henri d'Anjou (futur Henri III), et par les membres du Conseil, dont le duc Henri de Guise. Selon eux, l'occasion est trop belle de se débarrasser des chefs protestants qui, logés au Louvre, pourraient s'emparer de la résidence royale. Charles IX cède aux pressions de son Conseil, exigeant en revanche la protection des deux princes du sang, Henri de Navarre et Henri de Condé, qui doivent se convertir (Bescherelle Chronologie de l'histoire de France : le récit des événements fondateurs de notre histoire, des origines à nos jours, 2016 - books.google.fr).

 

Jean Dorat, poĂ«te limousin, oncle d'un chanoine de Reims, catholique militant, «de qui le nom, vertu et scavoir, dit le privilège royal placĂ© en tĂŞte de ses oeuvres, sont cogneus des plus doctes hommes de ce Royaume», a rĂ©sumĂ© dans ces vers terribles les phases Ă©mouvantes du martyre de Coligny :

 

...Cil qui du haut en bas tant de chrestiens fit mettre,

Jecté luy-mesme en bas d'une haute fenestre,

Tombant, a craché l'ame au creux vide de l'air,

Et de peur qu'au terroir, qu'il osa violer,

En sa patrie il gise : ennemy de croix saincte,

En une croix infame il pend, ayant en ceincte,

Travers ses pieds la corde, ainsi qu'un OEdipus.

Et pour ce que gaussant les images rompus,

Vifs, à Dieu et aux saincts il montroit le derrière,

Mort, les pieds contre mont, il faict au vent bannière.

 

Baïf, Jodelle, du Tronchet et bien d'autres poètes se signalerent, comme Dorat, par la violence haineuse de leurs poésies, mais le sonnet de Louis Dorléans, improvisé devant le gibet de Coligny, se distingue entre tous (Henri Menu, L'Expedition de la tête de l'Amiral Coligny a Rome (septembre 1572), 1896 - books.google.fr).

 

C'est à l'année 1666, c'est-à-dire à une époque bien antérieure à celle qu'on admet d'ordinaire, que se rapportent les premières mesures restrictives de l'édit de Nantes. A cette date, en effet, nous voyons le gouvernement réduire, par divers moyens, le nombre des lieux où l'exercice du culte protestant était autorisé. A la même époque, nous voyons la peine du bannissement infligée à ceux qui, après avoir abjuré le protestantisme, y seraient retournés. Enfin nous devons constater qu'en cette même année 1666, un édit autorisa les jeunes garçons à se convertir dès l'âge de quatorze ans, les jeunes filles dès celui de douze, et enjoignit à leurs parents, s'ils demeuraient dans leur foi protestante, l'obligation de leur payer des pensions alimentaires. Certes, madame de Maintenon et la conversion du roi ne sont pour rien dans ces actes-là, et l'on y voit pourtant tout le système suivi depuis (Henri Prat, Etudes historiques, Tome 5, 1858 - books.google.fr).

 

De 1661 à 1666, nous voyons se succéder toute une série d'actes autoritaires, destinés à enrayer, amoindrir, combattre l'influence de la secte. Le 25 janvier 1661, le conseil rend un arrêt pour interdire aux protestants de qualifier leur religion d'orthodoxe. Le 17 mars, autre arrêt qui défend les assemblées connues sous le nom de colloques, et interdit aux pasteurs de se présenter en corps pour saluer les personnes de qualité qui passaient dans une ville. L'intendant du Dauphiné reçut l'ordre de faire exécuter tous les arrêts rendus précédemment contre les réformés. Ceux-ci envoyèrent une députation au monarque, qui nomma deux commissaires, Champigny, un catholique, et Charles d'Arbalestier seigneur de Montclar, un protestant, pour parcourir le Dauphiné, la Provence, le Lyonnais et le Beaujolais, et juger les différends que soulevait l'interprétation des édits. Leur commission est datée des 5 et 15 avril 1661. Pendant qu'ils poursuivaient leur enquête, les arrêts succédaient aux arrêts. Le 19 juillet 1661, défense aux ministres de se qualifier pasteurs. L'année suivante, suspension des synodes nationaux. Le 7 février 1662, le parlement de Grenoble défend «à tous seigneurs, gentilhommes et autres, ayant haute justice ou fief de haubert, de faire ou souffrir l'exercice de la R. P. R. dans les lieux de leur justice, si ce n'est en leur présence a ou de leurs femmes et familles, tant seulement.» Défense aux ministres de prêcher dans les annexes. Le 7 août, arrêt du conseil qui déclare que les huguenots ne sont admis à établir leur droit à avoir des temples que sur des documents officiels. C'était fermer la plupart de ces lieux de réunion. Les protestants se décidèrent à faire des recherches dans les archives pour défendre leurs droits, et l'année 1663 vit s'élever une polémique ardente entre leurs ministres et le P. Meynier, jésuite, qui prétendait prouver que les protestants possédaient alors dans le seul diocèse de Die plus de 100 lieux d'exercice qu'ils n'en avaient dans tout le Dauphiné ez années requises par l'Edit de Nantes». Vainement dans le camp opposé essaya-t-on de répondre soit par des explications embarrassées, soit par des distinctions subtiles, les faits étaient là, impossible de les nier (Charles Bellet, Histoire du cardinal Le Camus, Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers, Volume 6, 1886 - books.google.fr).



[1] D. et M. FrĂ©my, « Quid 1997 Â», Robert Laffont, p. 742

[2] Arlette Lebigre, L’Histoire n° 120, p. 27

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