Sièges de Dole et de Saint Jean de Losne

Sièges de Dole et de Saint Jean de Losne

 

II, 6

 

1635-1636

 

Auprés des portes & dedans deux Citez,

Seront deux fleaux, oncques n'aperceu un tel ;

Faim dedans peste : dehors gens boutez,

Crier secours au grand Dieu immortel.

 

La guerre de dix Ans

 

La guerre de Dix Ans (1634-1644) est l'épisode comtois de la guerre de Trente Ans (1618 à 1648). Cette guerre a pris ce nom sous la plume de l'historien comtois Jean Girardot de Nozeroy, contemporain des faits (fr.wikipedia.org - Guerre de Dix Ans (Franche-Comté)).

 

En 1595, Henri IV, voulant en finir avec le duc de Mayenne qui tenait le duché de Bourgogne et qui se ravitaillait dans la Franche-Comté, fit envahir la comté par Louis de Beauveau-Tremblecourt et 6000 hommes; mais le connétable de Castille s'étant avancé avec une armée de 20000 hommes, Tremblecourt dut reculer. Henri IV accourt aussitôt en Bourgogne, bat Mayenne à Fontaine-Française et se jette sur la Franche-Comté avec une armée de 25000 hommes, rançonnant les places comme Besançon, saccageant les petites villes et détruisant les châteaux forts. Après cette incursion qui fut une véritable razzia, Henri IV se retira et consentit au rétablissement du pacte de neutralité de la Franche-Comté. Sous le gouvernement de l'archiduc Albert et de la princesse Isabelle la comté fut très paisible; mais en 1631, la Franche-Comté ayant donné successivement asile au brouillon Gaston d'Orléans et à Charles IV de Lorraine, Richelieu trouva que la neutralité était rompue et la Franche-Comté fut englobée dans les opérations militaires de la guerre de Trente ans. En 1635, Richelieu rassembla un corps de 20000 hommes derrière la Saône et s'apprêta à envahir la comté. Mais la Franche-Comté devenue une sorte de république se gouvernant elle-même, ne relevant que nominalement des princes dont elle reconnaissait la suzeraineté, payant peu d'impôt, désirait naturellement garder cette situation, et tous les Comtois, peuple, bourgeoisie, noblesse, s'apprêtèrent à repousser l'invasion; les fortifications furent réparées, des corps francs organisés. Les principaux capitaines de partisans furent d'abord le baron César du Saix-d'Arnans et Jean-Claude Prost, dit le capitaine Lacuzon, et en second ordre Jean Varroz, d'Orgelet.

 

Le 29 mai 1636, le prince de Condé vint mettre le siège devant Dôle. La défense fut héroïque et le 14 août, après deux mois de siège, Condé, menacé par une armée de secours des Impériaux, dut battre en retraite.

 

Le reste de la Franche-Comté fut saccagé par les troupes françaises de Longueville et de Villeroy et par les bandes suédoises de Bernard de Saxe-Weymar. Ce fut une épouvantable guerre qui faillit ruiner et dépeupler toute la Franche-Comté, et pendant laquelle les représailles effectuées dans le Bugey et dans la Bresse furent également atroces. Besançon, Dôle, Salins et Gray étaient les seules villes de la Franche-Comté qui fussent restées libres, et dans la montagne, D'Arnans et Lacuzon résistaient seuls encore en 1646, lorsque Mazarin se décida à renoncer à la comté. Une trêve de dix mois fut signée, et grâce à la médiation des cantons suisses la Franche-Comté rentra dans son ancienne neutralité pour une période de vingt-neuf ans, moyennant le payement d'un don annuel de 40000 écus, porté ensuite à 100000 écus; en outre la France conservait la possession du fort de Joux près de Pontarlier (Paul Joanne, Franche-Comté et Jura, 1888 - books.google.fr).

 

Siège de Dole

 

Malgré les importants moyens déployés par les Français pour faire tomber les défenses et les épidémies qui dévastent la capitale comtoise, la ville dont la défense est confiée au mestre de camp Louis de la Verne, tient bon. Ce siège est resté dans les mémoires comme le symbole de la combativité et de la pugnacité des Francs-Comtois, menés par l'archevêque Ferdinand de Rye, le gouverneur de Franche-Comté et l'avocat Antoine Michoutey, demeure encore l'un des plus grands faits d'armes de la Franche-Comté face à l'envahisseur français4. Ferdinand de Rye alors âgé de 80 ans parcourt régulièrement les remparts de la ville l'épée au côté. Plusieurs parlementaires comme Antoine Brun ou Jean Boyvin montrent également l'exemple et galvanisent le moral des hommes. Le 16 juillet, Christophe de Raincourt tente une introduction de troupes et munitions dans Dole par la forêt de Chaux et le gué du Temple mais l'alarme ayant été donnée dans le camp français, il dut rebrousser chemin. La situation des Dolois est de plus en plus préoccupante: les vivres et munitions manquent, la peste fait des ravages et le 7 août la foudre détruit le clocher de la ville, déjà endommagé par les bombardements. Le moral est de plus en plus bas. Mais le 14 août alors qu'une armée de secours composée de l'armée franc-comtoise, de mercenaires lorrains et de troupes du Saint-Empire, commandée par Charles IV de Lorraine est en approche de Dole, Condé reçoit l'ordre de lever le siège pour conduire ses troupes en Picardie contre les Espagnols (fr.wikipedia.org - Siège de Dole (1636)).

 

Cf. Charles IV de Lorraine au quatrain précédent II, 5.

 

Siège de Saint Jean

 

Saint-Jean-de-Losne, qui au VIIe s. s'appelait Latona ou Laudona, eut d'origine très ancienne. Erigée en commune par Alix de Vergy, en 1227, la ville reçut une charte de franchises en 1252 ou en 1256, de Hugues IV, duc de Bourgogne. Ces chartes furent plus tard confirmées par les rois de France. Ville frontière entre le duché et la comté de Bourgogne, elle eut plusieurs sièges à soutenir, en 1273, contre les seigneurs comtois, pendant la guerre du XVIe s., et surtout en 1636, contre l'armée de Galas. Le défense fut héroïque la ville, décimée par la peste, ne renfermait que 150 hommes de garnison en état de combattre, et de plus les remparts étaient en très mauvais état. Malgré cela, et bien que sachant que le prince de Condé ne pouvait leur porter un prompt secours, les habitants forcèrent M. de Machault à défendre la ville. Toutes les attaques furent repoussées avec tant de vigueur que, après un siège de neuf jours, Galas, menacé d'une crue de la Saône et inquiet des mouvements de l'armée française, fut forcé de se retirer abandonnant son artillerie et ses bagages. En récompense de leur conduite (les femmes, les enfants, les vieillards, avaient contribué à la défense), Louis XIII, par lettres patentes du mois de décembre 1636, déclara les habitants de Saint-Jean-de-Losne francs, quittes et exempts de toutes tailles, tailles  et tous autres subsides et impositions quelconques qui s'imposeront en nostre royaume, en la généralité de Bourgogne. En outre, le roi leur accorda le droit de franc fief. Les ordonnances furent enregistrées au parlement de Bourgogne, le 27 juillet 1837, et, jusqu'à la Révolution la ville fut exempt d'impôts (Paul Joanne, Franche-Comté et Jura, 1888 - books.google.fr).

 

Guerre et peste

 

L'Ă©pidĂ©mie de 1635-1640 se rĂ©vĂ©la particulièrement brutale et meurtrière ; tous les contemporains s'accordèrent sur ce point, bien qu'Ă  cause de la guerre, ils eussent souvent placĂ© la contagion de peste au second plan de leurs prĂ©occupations. De 1628 Ă  1633, la Franche-ComtĂ© avait dĂ©jĂ  subi une Ă©pidĂ©mie pesteuse qui, bien que gĂ©nĂ©ralisĂ©e, fit dans l'ensemble peu de victimes. Ainsi, après seulement un an de rĂ©pit, la contagion revenait en force dans la province et cette fois, aucune ville, aucun village ne devait y Ă©chapper, si ce n'est quelques sites isolĂ©s du Haut-Jura comme Avignon et Saint-Lupicin. Le mal dĂ©buta au cours de l'Ă©tĂ© 1635 et disparut dĂ©finitivement Ă  l'automne de 1640 ; il fut particulièrement virulent de 1635 Ă  1637. Comme en 1628-1633, il s'agissait d'une forme de peste bubonique.

 

La peste qui ravagea l'Europe en même temps que la guerre de Trente Ans, était pour ainsi dire présente dans toutes les régions, se déclarant ici, s'apaisant là pour mieux reprendre ensuite, activée par le mouvement des troupes et la fuite des populations. Ce furent les continuelles allées et venues des troupes impériales et françaises entre la vallée du Rhin, la Lorraine et la Porte de Bourgogne qui amenèrent la peste dans la région.

 

Non seulement la peste était partout, mais elle n'épargnait personne. On parlait de sa «fureur», de son déchaînement : «Elle est partout et autant dans les rues que dans les maisons», disaient les Dolois. A Poligny, ville «si furieusement» affligée du mal contagieux, il ne restait qu'une douzaine de maisons préservées au début d'octobre. [...] A Dole, Jean Boyvin connut le même enfer : «J'ai déjà été persécuté cinq fois et contraint de fuir de maison à autre et j'ai toujours laissé quelque pièce : ma belle-mère, deux filles, ma belle-sœur, ma nièce, à chaque fois une comme si j'étais condamné d'être brûlé à petit feu.» Virulente, généralisée et meurtrière fut en effet l'épidémie pesteuse de 1636 !

 

La relation entre la présence de troupes et la peste paraissait donc évidente, même dans le cadre restreint de la guerre de Dix Ans. Pour certains auteurs, ce lien existerait en Europe depuis 1348 et il est exact que les épidémies les plus graves survenues en Franche-Comté au xvie siècle (1562-69, 1573, 1575-77, 1586-88...) correspondaient la plupart du temps à des passages et logements de soldats en provenance d'Italie ou d'Europe centrale.

 

Le phénomène se reproduisit en août 1636 avec le licenciement de l’armée comtoise survenu après la levée du siège de Dole. Cette armée composée de miliciens et de la noblesse du pays avait en l'espace de deux mois traversé des régions empestées, côtoyé les contingents auxiliaires venus en renfort, accompagné les troupes de secours devant Dole, regagnant enfin ses foyers avec les grosses chaleurs de l'été... Toutes les conditions étaient réunies pour que l'épidémie se généralisât le plus rapidement (Louis Gérard, Chapitre 3. Les fléaux de Dieu In : La guerre de Dix Ans : 1634-1644, 1998 - books.openedition.org).

 

"hors gens boutez"

 

A Dole pendant le siège de 1636, tout se dĂ©roula Ă  peu près normalement tant que le nombre de pestifĂ©rĂ©s resta limitĂ© ; on barrait les maisons, on enterrait les corps au cimetière de l'HĂ´pital..., mais dès que l'Ă©pidĂ©mie «s'Ă©chauffa», les difficultĂ©s devinrent insurmontables : il Ă©tait impossible d'isoler les quartiers Ă  cause des problèmes de dĂ©fense, les morts encombraient les cimetières trop Ă©troits et il n'y avait aucune aide Ă  attendre de l'extĂ©rieur. Il fallut que le Magistrat relĂ©guât une partie des malades dans les fossĂ©s de la ville, Ă  proximitĂ© des portes : «C'Ă©tait chose pleine d'horreur, relatait Jean Girardot, de voir hors la porte de la dite ville oĂą nous Ă©tions les loges des pestifĂ©rĂ©s en si grand nombre qu'elles tenaient place d'un grand faubourg avec un air tellement infect que le sieur de La Verne, commandant en la dite ville, nous vint avertir de n'en pas approcher et nous dit que les autres portes avaient mĂŞmes faubourgs». La levĂ©e du siège redonna aux Dolois les moyens de lutter contre le mal, mais il Ă©tait dĂ©jĂ  trop tard... Dans les campagnes, les gens atteints par la maladie Ă©taient Ă©galement abandonnĂ©s Ă  leur sort, faute de capacitĂ©s et de personnel, et l'insĂ©curitĂ© rendait difficile l'ensevelissement des morts ; en 1637, le Parlement publia mĂŞme un Ă©dit imposant aux communautĂ©s d'enterrer les cadavres se trouvant sur leur territoire (Louis GĂ©rard, Chapitre 3. Les flĂ©aux de Dieu In : La guerre de Dix Ans : 1634-1644, 1998 - books.openedition.org).

 

Les fléaux de Dieu

 

Selon l'Apocalypse de Jean, les trois fléaux de Dieu sont la guerre, la famine et la peste (Jacques-Bénigne Bossuet, Oeuvres complètes de Bossuet, Tome 5, 1874 - books.google.fr).

 

C'est le cas ici.

 

En Franche-Comté, la contagion de peste avait bien précédé l'apparition de la famine, en 1628-1633 comme en 1635-1640 : en empêchant le déroulement normal des moissons, en freinant le commerce, elle causait la pénurie des denrées, la hausse des prix et. à terme, la famine (Louis Gérard, Chapitre 3. Les fléaux de Dieu In : La guerre de Dix Ans : 1634-1644, 1998 - books.openedition.org).

 

"Dieu" et "immortel"

 

Les villes assiégées sont vraiment catholiques (Balthasar Guynaud, La concordance des propheties de Nostradamus, 1693 - books.google.fr).

 

Jean Boyvin fut un de ceux qui dirigerent la défense de Dole, pendant le fameux siége de 1636, où les habitans de celle ville se couvrirent d'une gloire immortelle (Nicolas Antoine Labbey de Billy, Histoire De L'Université Du Comté De Bourgogne Et Des Différens Sujets Qui L'Ont Honorée, Tome 1, 1670 - www.google.fr/books/edition).

 

De La Franche-ComtĂ© protĂ©gĂ©e de la main de Dieu contre les efforts des François en l'an 1636. M. DC. XXXVI (in - 4 de 40 p.), Dole 1636, de Girardot de Nozeroy, on ne connait de cet ouvrage qu'un exemplaire ; encore celui-ci est-il incomplet ; il manque les pages 39 et 40 (Émile Longin, Girardot de Nozeroy et la Bourgogne dĂ©livrĂ©e, 1895 - www.google.fr/books/edition).

 

A peste, fame et bello libera nos Domine.

De la peste, la famine et la guerre, délivre-nous Seigneur.

 

Jamais sans doute dans l'histoire de la Franche-Comté, une telle prière ne devait être prononcée avec autant de ferveur, d'humilité, sinon de désespoir qu'en ces sombres années de la guerre de Dix Ans (Louis Gérard, Chapitre 3. Les fléaux de Dieu In : La guerre de Dix Ans : 1634-1644, 1998 - books.openedition.org).

 

Le Trisagion, traduit en latin par Sanctus Deus, sanctus fortis, sanctus immortalis, qui fut, selon la légende, inventé à l'occasion d'une série de tremblements de terre sous Théodose II et Pulchérie, est employé dans les processions pour toutes sortes de nécessités, pour demander la délivrance de tous les fléaux (Offices complets avec le propre et les chants communs du diocèse de Lyon intercalés, 1874 - www.google.fr/books/edition).

 

En 1636, pendant une durée de huit jours, on ressentit à Schlestadt et dans toute la Basse-Alsace de violentes secousses qui avaient lieu à 7 heures du matin, à midi, à 7 heures du soir, à minuit. Von Hoff rapporte ce fait (J. Bourlot, Histoire des tremblements de terre ressentis en Alsace et dans le pays de Bade, Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar, Volumes 6-7, 1867 - www.google.fr/books/edition).

 

Acrostiche : AS FC

 

FC : Franche Comté

 

Le nom de Franche-ComtĂ© n'apparut officiellement qu'en 1478 ; auparavant, on parlait de la comtĂ© de Bourgogne. La tradition rapporte que le comte de Bourgogne Renaud III (1126-1148) aurait refusĂ© de prĂŞter l’hommage Ă  l’empereur germanique Conrad III (1093-1152), ce qui lui aurait valu le surnom de «Franc-Comte», lequel serait peut-ĂŞtre Ă  l’origine du nom Franche-ComtĂ©. Cependant, l'historien Auguste Castan montre qu'il faut attendre 1366 pour qu’un document officiel mentionne cette dĂ©nomination, qui plus est sous la forme «France-Comté», un terme utilisĂ© pour la première fois par la comtesse Marguerite III de Flandre. Au XVe siècle, les actes officiels Ă©taient signĂ©s dans les Flandres, oĂą le «c» se prononçait «ch», ce qui expliquerait alors la genèse du terme «Franche-Comté». Une autre origine est peut-ĂŞtre le fait que la rĂ©gion Ă©tait une terre franche, c'est-Ă -dire exempte de taxes douanières envers l'Empire germanique, après qu'elle y a Ă©tĂ© rattachĂ©e en 1026. Aujourd'hui, le nom commun «comté» est masculin, mais on dit toujours la Franche-ComtĂ© ou, en abrĂ©gĂ©, la ComtĂ©. Dans son lointain passĂ©, le territoire de l'actuelle Franche-ComtĂ© a connu de nombreux noms et appellations selon les Ă©poques. SĂ©quanie dans l'AntiquitĂ©, Haute-Bourgogne, Bourgogne Transjurane voire Bourgogne supĂ©rieure, puis comtĂ© de Bourgogne au Moyen-Ă‚ge. Ces dĂ©signations subsistent durant la Renaissance et Ă©voluent encore avec le terme de franche comtĂ© de Bourgogne au XVIIe siècle pour ne devenir plus que Franche-ComtĂ© après l'annexion française en 1678 (fr.wikipedia.org - Franche-ComtĂ©).

 

Cf. II, 58 - 1673-1674 avec le jeu de mot possible "port et lainé nay" pour Port-Lesney.

 

AS : as senatu (?) (Abréviations tirées du «Dictionnaire des Abréviations latines et italiennes» de A.Capelli - www.arretetonchar.fr).

 

On connait la fière rĂ©ponse des magistrats du Parlement de Franche ComtĂ© au prince de CondĂ©, qui leur offrait la protection de la France : «Le comtĂ© de Bourgogne, dirent les magistrats, ne peut accepter d'autre protection que celle du roi d'Espagne, son lĂ©gitime souverain, et cette protection, la nation versera jusqu'Ă  la dernière goutte de son sang pour la mĂ©riter.» La nation rĂ©alisa les espĂ©rances du Parlement; il est vrai que cette haute assemblĂ©e avait pris toutes les mesures possibles pour la rĂ©sistance la plus longue et la plus opiniâtre, fortifiant les villes menacĂ©es, les garnissant d'abondantes provisions, ordonnant Ă  tous les habitants âgĂ©s de quinze Ă  soixante ans de prendre les armes, contractant des emprunts en leur propre nom, stimulant partout l'ardeur guerrière, inspirant Ă  tous l'amour de la patrie. A Dole, les magistrats donnèrent les plus nobles exemples, maniant eux-mĂŞmes le mousquet, commandant aux hommes d'armes, offrant leurs poitrines aux coups de l'ennemi; le patriotisme et l'Ă©nergie de ces vaillants fut Ă  la hauteur des Ă©preuves les plus redoutables; c'Ă©tait lĂ  cette magistrature militante que l'on a appelĂ©e justitia togata et armata, et de laquelle on a dit avec raison : «Nescio an meliores toga aut ense.» Grâce Ă  son intrĂ©piditĂ©, Dole rĂ©sista Ă  l'invasion. Boyvin, qui remplissait les fonctions de vice-prĂ©sident, se conduisit en hĂ©ros, il se multipliait. «J'ai assistĂ©, dit-il, Ă  tous les conseils, j'ai eu les dĂ©tails des fortifications, j'ai maniĂ© les deniers publics, j'ai paru, les armes Ă  la main, dans tous les lieux oĂą ma prĂ©sence Ă©tait nĂ©cessaire.» Le procureur gĂ©nĂ©ral Antoine Brun marcha Ă  l'ennemi l'arquebuse sur le dos, le plastron sur la poitrine, «donnant chaleur aux sorties des soldats, et ne reculant pas plus devant le feu des troupes de CondĂ© que devant les menaces de ce prince.» Girardot de Beauchemin, Petrey de Champvans, et tous les magistrats secondèrent le procureur gĂ©nĂ©ral et firent preuve de grandeur d'âme et de courage. CondĂ©, qui croyait Ă  un succès facile, fut forcĂ©, devant cette rĂ©sistance opiniâtre, de lever le siège; il partit, laissant Ă  quelques hommes de robe l'insigne honneur de voir reculer devant eux l'homme de guerre le plus intrĂ©pide, le plus aventureux de son temps. [...]

 

Ferdinand, infant d'Espagne, gouverneur des Pays-Bas, Ă©crivait de Cambrai, le 13 septembre 1636, ces chaleureuses fĂ©licitations aux parlementaires : «La France vous a gravĂ© un Ă©loge Ă  sa confusion, et si profondĂ©ment dans les murailles de la ville de Dole, que ni l'envie ni le temps ne la sauront jamais effacer; vous n'avez en rien dĂ©menti les espĂ©rances que nous avions conçues de votre fidĂ©litĂ©, prudence et valeur, et le roi Monseigneur, Ă  qui vous les avez dĂ©diĂ©es, après Dieu, n'en oubliera jamais la reconnaissance envers vous et votre postĂ©ritĂ©, et toute la province; de quoi nous vous donnons parole de prince de la part de Sa MajestĂ© et la nĂ´tre, jusqu'Ă  en faire une dette hĂ©rĂ©ditaire de sa très auguste main.» Les mĂŞmes marques de haute estime Ă©taient donnĂ©es au Parlement par Philippe IV. Le 31 mars 1638, Philippe IV Ă©crivait au Parlement : «Vous pouvez juger de notre amour-propre Ă  votre endroit et de l’estime que nous faisons de si nobles et de si fidèles vassaux; combien nous avons Ă©tĂ© marrys de vos travaux et combien nous dĂ©sirons votre repos. Nous n'avons pas autres meilleurs sujets et qui soient plus proprement nĂ´tres et qui donnent plus d'honneur Ă  notre couronne.» (Alexandre Estignard, Le parlement de Franche-Comte de son installation Ă  Besançon Ă  sa suppression, 1674-1790, Tome 1, 1892 - books.google.fr).

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