L'Anti-Lucrèce de l'abbé de Polignac II, 92 1698-1699 Feu couleur d'or du ciel en terre veu,
Frappé du haut nay faict cas merveilleux, Grand meurtre humain prinse du grand neveu, Morts d'espectacles eschappé l'orgueilleux. "orgueilleux" et "cas merveilleux" se trouvent déjà ensemble dans le quatrain II, 55 qui a été interprété en rapport avec Vatel et la vérole.. "couleur d'or" : Lucrèce La raison suivante peut encore expliquer pourquoi l'on voit s'envoler vers la terre la couleur dorée de ce feu fluide : c'est que les nuages
eux-mêmes doivent contenir un très grand nombre d'éléments ignés. En effet, lorsqu'ils ne contiennent aucune trace
d'humidité, ils ont le plus souvent la couleur et l'éclat de la flamme. C'est qu'ils doivent nécessairement emprunter de
nombreux principes à la lumière du soleil pour rougir comme ils le font et répandre leurs feux. Ainsi donc, lorsque ces nuées,
sous la poussée du vent, sont pourchassées, pressées et entassées dans un même endroit, leur pression mutuelle en fait jaillir
ces germes de feu qui font briller les couleurs de la flamme (De la Nature, Livre VI) (Titus Lucretius Carus (Lucrèce), De la nature :
Livres IV-VI, traduit par Alfred Ernout, 1997 - books.google.fr). ...il arriue que cette couleur dorée du feu glissant, laquelle est si mobile, s'enuole par terre, pource qu'il faut de necessité que
les Nuées contiennent beaucoup de semences de ce Feu (Six livres de Lucrece De la nature des choses,
traduit par Michel de Marolles abbé de Villeloin, 1659 - books.google.fr). Le sixième livre est consacré aux météores, sujet fort important, puisqu'il donne au poëte l'occasion d'expliquer les causes des phénomènes célestes, source
éternelle d'épouvante pour les hommes. Les nuages, la pluie, la foudre, l'arc-en-ciel, les tremblements de terre, tout est rapporté à des causes naturelles.
Le merveilleux, l'intervention et le courroux des dieux sont bannis du monde. La paix rentre dans le cœur des mortels. C'est en expliquant la cause des exhalaisons
féltdes qu'il est conduit à décrire, d'après Thucydide, la fameuse peste d'Athènes (Paul Albert, Histoire de
la littérature romaine, Volumes 1-2, 1871 - books.google.fr). Seuls deux textes du IVe siècle, donc très postérieurs, donnent des indications douteuses sur la fin de Lucrèce : Donat écrit dans sa Vie de Virgile que Lucrèce est mort l'année où Crassus et Pompée furent consuls et où Virgile prit, à 17 ans la toge virile. Mais cette affirmation est contradictoire : Virgile a eu 17 ans en 53 et le deuxième consulat commun de Pompée et Crassus date de 55. Par ailleurs, le crédit accordé à cette œuvre est très faible. Dans sa Chronique, saint Jérôme, élève de Donat, semble à peu près s'accorder avec son maître sur les dates. Il ajoute des informations que beaucoup jugent assez incertaines, en raison notamment de l'hostilité des chrétiens à l'égard de l'épicurisme. À l'année 96 ou 94 suivant les manuscrits, il est écrit : «Le poète Titus Lucretius naît. Rendu fou par un philtre d'amour, il rédigea dans ses moments de lucidité quelques livres que Cicéron corrigea par la suite. Il se donna la mort dans sa quarante-quatrième année.» Quant au suicide, Alfred Ernout, le traducteur des Belles Lettres, écrit : «La folie, le suicide ont dû être des châtiments inventés par l'imagination
populaire pour punir l'impie qui refusait de croire à la survie de l'âme et à l'influence des dieux comme au pouvoir des prêtres.» (fr.wikipedia.org - Lucrèce). Dans le quatrain II, 55, il serait question de Vatel, suicidé lors d'un banquet donné en l'honneur de Louis XIV par le Grand Condé (1671). "cas merveilleux" Cf. quatrain II, 55 mis en rapport avec les maladies à pustules décrites par Rabelais dans son IVe livre. Nous avons bien peu de témoignages pour établir la probabilité de l'existence de la petite vérole avant l'ère chrétienne. Ceux qui affirment qu'elle exista en
Europe et en Asie, dans ces temps reculés, fondent leur croyance sur les preuves qu'ils trouvent dans les ouvrages de Tite-Live, de Lucrèce, de Sophocle, d'Orose, etc.
Lucrèce dit, en décrivant la maladie pestilentielle qui dépeupla Athènes : «Tout le corps devenait rouge, étant couvert de vésicules et de pustules enflammées.»
Hérodote dit aussi : «Au commencement de cette grande peste, tout le corps d'un jeune enfant fut couvert d'ulcerations.» (Henry George, Précis de
l'histoire de la Petite Vérole, suivi d'un mode de traitement, 1853 - books.google.fr). Abbé de Polignac Probablement dans les années 1700-1710, le cardinal Melchior de Polignac (1661-1741) commençait l’écriture de l’Anti-Lucrèce, un poème en vers latins où l’auteur combat de matérialisme en proposant une démarche de reconnaissance de l’existence de Dieu à travers la nature. Le duc du Maine (Louis-Auguste de Bourbon, 1670-1736) traduisit le premier livre en prose française, puis l’abbé Rothelin (Charles d’Orléans de Rothelin, 1691-1744), ainsi que Jean-Pierre de Bougainville (1722-1763), proposèrent une traduction complète, (la traduction de Rothelin parut en 1747, celle de Bougainville parut en 1749, le livre fut réédité en 1754). Le rejet de la philosophie d’Epicure et de Lucrèce prend forme dans un dialogue, où l’auteur s’adresse à un personnage hypothétique, un certain Quintius. Si Fénelon est à la base de l’apologétique du XVIIIe, c’est surtout Polignac qui nous intéressera en tant que formalisant un déterminisme anti-matérialiste, destiné à exclure le rôle du hasard, en particulier dans l’apparition de la vie et le développement des espèces vivantes. Polignac rejette catégoriquement l’origine des animaux à partir de parties ou de particules de matière et du hasard. [...] Comme chez Bougeant, ou d’autres auteurs de la même époque (l’abbé Pluche et les apologètes en général), l’univers de la vie est déterministe et trouve
son origine dans la création. Dieu aurait créé les espèces en assignant la fécondité à l’intérieur de ces espèces et en déterminant les générations possibles
qui en seraient issues. On trouvait déjà le même type de raisonnement chez Malebranche (Olivier Perru, L’ordre et la vie excluant le hasard : la démarche
apologétique au XVIIIe siècle, Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie, 2014/1 (Volume 21) - www.cairn.info). Melchior de Polignac, né à Lavoûte-sur-Loire, près du Puy-en-Velay, le 11 octobre 1661 et mort à Paris le 20 novembre 1741, est un prélat, diplomate et poète
français néolatin. C'est le premier personnage qui distingue la maison de Polignac, l'une des plus anciennes de la noblesse française dont la généalogie remonte
par filiations probables à la fin du IXe siècle (fr.wikipedia.org - Melchior de Polignac). Polignac échoue comme envoyé de la France dans la tentative d'établissement de la paix entre Pologne et Empire Ottoman et dans la candidature du Prince de Conti à la couronne de l'Etat polonais, face à Auguste de Saxe. Louis XIV, lui même, n'a-t-il pas fait preuve de légèreté en s'engageant dans cette opération d'influence sans avoir la possibilité de donner à l'abbé les moyens financiers qui lui auraient permis de contrer les libéralités financières grâce auxquelles Auguste de Saxe a pu se constituer un parti acquis à sa cause à la veille de l'élection ? Rentré en grâce en 1700, il est élu à l'Académie française en mai 1704. En janvier 1712, il est l'un des négociateurs français des traités d'Utrecht (1713).
Il est cardinal en 1713 par Clément XI (fr.wikipedia.org - Melchior de Polignac). La mort prévue d'Alexandre VIII arrêta ces négociations dont le succès allait dépendre du choix de son successeur. L'abbé de Polignac se hâta de retourner
à Rome pour entrer de nouveau dans le conclave comme assesseur du cardinal de Bouillon. La lutte y fut longue et vive entre le parti français et le parti espagnol.
Pendant cinq mois, les prélats italiens hésitèrent et subirent tour à tour des influences contraires. Enfin, après bien des intrigues et les débats les plus animés,
le parti français l'emporta. Le 12 juillet 1691, la majorité des voix du conclave se réunit sur Antonio Pignatelli (Innocent XII) dans lequel Louis XIV trouva contre
l'empereur d'Allemagne un allié dévoué, et qui devait faire abandonner pour longtemps la politique antifrançaise suivie par la cour de Rome depuis Urbain VIII. Mais
ce résultat, d'autant plus précieux pour Louis XIV qu'une partie de l'Europe était alors soulevée contre lui, ne fut obtenu que lorsque les questions pendantes entre
les deux cours eurent été résolues. Louis XIV renonça solennellement au droit d'asile, les prélats français se soumirent et le roi annonça lui-même au pape «qu'il
venait de donner « les ordres nécessaires afin que son édit relatif à la déclaration du clergé ne fût pas observé. L'Église l'emporta encore parce qu'elle avait su
attendre le moment propice, se servir du temps sans le devancer, et qu'un de ses papes, ne cĂ©dant point devant le monarque français, avait opposĂ© Ă ses menaces comme Ă
ses attaques la plus tranquille et la plus inébranlable obstination. L'abbé de Polignac, qui n'avait pas été étranger à la nomination d'Innocent XII,
et qui était parvenu à faire comprendre dans le conclave la nécessité d'une réconciliation entre les deux gouvernements, rentra en France, évita la cour et s'enferma
dans le séminaire des Bons-Enfants. C'est là que pendant trois années il compléta ses études, se livra, sur les temps passés, aux recherches les plus approfondies,
et demanda Ă l'histoire le secret de la diplomatie (Marius Topin, Le cardinal de Polignac,
Le Correspondant, religion, philosophie, politique, Volume 55, 1865 - books.google.fr). "Grand meurtre humain... neveu" : népotisme et Innocent XII La nature même de la monarchie pontificale est un facteur d'instabilité. Souverain élu, le pape ne donne pas à ses sujets la rassurante impression de continuité d'un pouvoir
dynastique. Souvent âgé, il ne peut espérer s'attacher inconditionnellement des fidélités qui risquent fort de ne pas avoir le temps
d'être récompensées. La papauté de la Renaissance cherche à pallier cet inconvénient en pratiquant de façon systématique le népotisme : la famille
pontificale investit le gouvernement de l'Église et de ses États ; elle cherche aussi à trouver une principauté territoriale pour fonder une nouvelle dynastie.
Si les contemporains et les historiens ont porté un jugement moral sévère sur cette pratique politique, elle n'en a
pas moins permis au pape de disposer des moyens de gouverner pendant son pontificat et de susciter une forme très particulière de loyauté dynastique,
support indispensable d'un pouvoir princier. À la mort du pape, son clan familial conserve une partie de l'influence politique obtenue pendant le pontificat, ce
qui explique un phénomène caractéristique de la Renaissance : l'élection très fréquente au trône de saint Pierre d'un parent d'un pape défunt.
Cette introduction d'une logique dynastique dans la monarchie pontificale a bien sûr des conséquences négatives : système des dépouilles quand un clan en chasse un autre,
lutte des factions cardinalices liées à telle ou telle famille pontificale, tentatives répétées à chaque règne de tailler dans les États de l'Église une principauté au
profit de la famille du pape régnant ou d'utiliser la puissance pontificale pour la conquérir à l'extérieur, au prix de nouvelles guerres. Le népotisme fait presque
structurellement de la papauté un facteur d'instabilité politique dans la péninsule (Alain Tallon,
L'Europe au XVIe siècle. États et relations internationales, 2015 - books.google.fr). Antonio Pignatelli, né à Spinazzola, près de Bari (Italie) le 13 mars 1615, et décédé à Rome le 27 septembre 1700, est le 242e évêque de Rome et donc pape de l’Église catholique qu'il gouverne de 1691 à 1700 sous le nom d’Innocent XII (en latin Innocentius XII, en italien Innocenzo XII). Il succède à Alexandre VIII. Dès après son élection, il se déclare opposé au népotisme qui est longtemps une des grandes plaies de l'Église ; la bulle Romanum decet Pontificem,
promulguée en 1692, interdit aux papes à tout moment, de donner des propriétés, des charges ou des rentes à des parents quels qu'ils soient ; en outre, un seul
de leurs parents pouvait être élevé au cardinalat. Tout au long de son pontificat, il se tient à cette règle et pas un membre de sa famille ne reçut de charge au
Saint-Siège. Ainsi il refuse la pourpre à son neveu bien qu'il soit l'archevêque de Tarente. Il déclare : «Mes neveux, ce sont les pauvres», en comparant sa
bienfaisance publique au népotisme de nombre de ses prédécesseurs (fr.wikipedia.org - Innocent XII). Cf. quatrain suivant II, 93 et sa mort. Innocent XII joue un rôle discret mais décisif dans le déclenchement de la Guerre de Succession d'Espagne. C'est lui qui convainc le 2 octobre 1700
le roi d'Espagne Charles II, sans enfants et à la santé très fragile, de désigner comme héritier le Bourbon Philippe de France plutôt qu'un Habsbourg, ce qui était inacceptable
pour les autres puissances européennes. Le Pape espère ainsi préserver la paix en Europe. Il meurt le 27 septembre 1700 après avoir célébré la même année le seizième jubilé (fr.wikipedia.org - Innocent XII). Vers 4 : suave mari magno (De la nature II,1) Dans le Supplément à ses Réflexions sur le désastre de Lisqbonne (1756), Laurent-Etienne Rondet mettra en relation tous ces phénomènes climatiques,
tremblements de terre, vents, tempêtes, ainsi que «météores ou feux célestes, arcs de lumières, globes de feu, nuages enflammés» avec
l'attentat dont Louis XV est victime, au début de 1757, du fait de Damiens, ancien élève des Jésuites : «combien faut-il que Dieu soit irrité contre nous
pour permettre qu'au milieu de nous ait été commis un crime si affreux». Le crime si affreux n'était qu'un léger coup de canif sans » conséquence.
Pour qui n'aurait pas perçu le lien qui unit une parodie de régicide à une catastrophe meurtrière à grande échelle, le voilà établi.
Le rapport entre les deux événements peut sembler aussi inconsistant que choquant, mais l'essentiel sans doute est qu'il vise à restaurer une cohérence,
cruellement mise à mal dans un tel contexte. La littérature va quvrer en ce sens et c'est évidemment avec la veine pathétique que l'événement
entretient les affinités les plus étroites. Dans le registre de la sensibilité, il est conforme à l'esprit du temps ; le public est prêt
à voir la souffrance car la littérature lui a fourni des modèles multiples qui ont aiguisé son appétit ; la souffrance est un spectacle.
On le sait depuis Lucrèce et sa fameuse formule du «suave, mari, magno...» (Suave, mari magno, turbantibus æquora ventis, / E terra, magnum alterius spectare laborem)
qui connaît une faveur particulière au XVIIIe siècle. La compassion s'accompagne d'une jouissance esthétique que manifeste le développement de la d'une jouissance
esthétique que manifeste le développement de la littérature pathétique et la prolifération sans précédent jusqu'alors d'un nouveau type littéraire, celui de la
victime innocente (Sophie Le Ménahèze, Le tremblement
de terre du 1er mars 1755, Lisbonne, géocritique d'une ville, 2006 - books.google.fr). L'orgueilleux (Lucrèce, qui se serait suicidé comme Vatel) échappe au naufrage, en restant sur la rive, observant le spectacle donné à ses yeux. Dans le quatrain II, 56, qui suit celui de Vatel, il est question de naufrage et d'abbé. Ces quatrains se répondent. Acrostiche : FF GM, frères et Grand-Maître Par un édit du mois de décembre 1672, Louis XIV, voulant mettre fin à de longs scandales, supprima dans son royaume l'ordre hospitalier du Saint-Esprit de Montpellier,
et il en réunit les biens à l'ordre des chevaliers du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, dont Louvois reçut la direction suprême, sous le nom de vicaire-général.
L'exécution de cet édit sut entravée par de longues oppositions, et un siècle s'écoula encore avant l'extinction complèle de l'Ordre ; mais l'institulion religieuse
était morte, et lorsque Mgr de Malide prononçait, le 22 novembre 1776, au nom du pape Pie VI et du roi Louis XV, la suppression définitive des hospitaliers du Saint-Esprit
de Montpellier el la réunion de leurs biens à la manse du séminaire, l'arbre planté par la main de Gui de Montpellier vers 1198 avait perdu depuis longtemps toute sa sève, et
l'autorité pontificale et royale ne faisait tomber sous son double glaive qu'un tronc déjà vermoulu (Memoires, Section des lettres,
Volume 5, Académie des sciences et lettres de Montpellier, 1870 - books.google.fr). Cependant, en 1708, un arrêt du conseil ordonna le rétablissement de l'ordre du Saint-Esprit, et le cardinal de Polignac en fut nommé grand maître.
Mais l'ordre cessa dès lors d'être laïque et ne fut plus considéré que comme ordre religieux ; enfin, une bulle de Clément XIII le réunit définitivement à l'ordre
de Saint Lazare (Philippe Le Bas, France
dictionnaire encyclopédique, Tome 12, 1845 - books.google.fr). |