Les Vaudois et l'occupation de la Savoie

Liège et le charbon

 

II, 89

 

1696-1697

 

Un jour seront demis les deux grands maistres :

Leur grand pouvoir se verra augmenté :

La terre neufve, sera en ses haults estres

Au sanguinaire le nombre racompté.

 

"deux grands maîtres" : deux bourgmestres de la ville de Liège

 

"bourgmestres" et "estres" : rime riche, dans la prononciation et l'écriture.

 

Un des derniers actes de la vie de Ferdinand de Bavière avait été de décider la construction d'une citadelle destinée à dominer la ville et à contenir les habitants. La nécessité de recueillir les sommes nécessaires à ce grand travail, qui fut achevé par son successeur Maximilien-Henri de Bavière, donna lieu à de nouvelles exactions, et fut un nouveau motif de mécontentement. Aussi le peuple liégeois désigna-t-il, dans son énergique langage, ce monument d'oppression par le nom de HaCeLDaMa (c'est-à-dire ager sanguineus, le champ qui fut acheté, avec les trente deniers pour lesquels Judas avait vendu Jésus.), dont les lettres numérales marquent précisé. ment l'année où il fût bâti. Cette menace toujours suspendue sur la ville; ces épées allemandes qu'on y voyait briller; les mutineries de cette soldatesque étrangère, qui, à plus d'une reprise, se livra aux excès les plus graves contre la population liégeoise, irritaient singulièrement les esprits.

 

La guerre vînt à éclater entre la France et la Hollande, en 1672. Les armées de Louis XIV traversèrent le pays, et le foulèrent de toutes les manières. Les Allemands y pénétrèrent à leur tour, et y commirent toute sorte d'exactions. Cet état de choses dura jusqu'au traité de Nimègue, où les Liégeois intervinrent, et firent consacrer la neutralité de leur territoire. Ils n'avaient retiré de ces hostilités, comme compensation de tous les dégâts dont ils furent les victimes, la démolition de l'odieuse citadelle, que le comte d'Estrades, maréchal de camp français, fit raser en 1676. Mais ils furent si satisfaits de se voir délivrés de cette forteresse, qu'ils ne regrettèrent pas même le comté d'Agimont, que le traité leur enleva pour l'adjuger à la France, ni le duché de Bouillon, dont la propriété fut rendue singulièrement précaire. La citadelle détruite, le peuple de Liége se crut libre, et les trente-deux métiers reprirent la forme électorale de 1603, avec l'addition de 1631 (André Henri Constant Van Hasselt, L'Univers. Histoire et description de tous les peuples, Belgique et Hollande, 1844 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Liste des bourgmestres de Liège).

 

Cf. quatrain IV, 8 - Liège - 1784.

 

"sanguinaire"

 

Les Wittelsbach occupèrent des sièges épiscopaux de l’empire, tels Cologne - assorti de la dignité électorale - (Ruprecht fils de Louis III du Palatinat, Ernest fils du duc Albert V, son neveu Ferdinand, son neveu Maximilien-Henri, son petit-cousin Joseph-Clément, son neveu Clément-Auguste), Strasbourg (Robert de Simmern en 1440-78, fils d'Étienne comte de Simmern et des Deux-Ponts ci-dessous ; Albert de Mosbach en 1478-1506, issu d'une branche fondée par un fils du roi Robert III-Ier), ou Liège (le duc Jean III petit-fils du duc-empereur Louis IV, puis les mêmes que les archevêques de Cologne : Ernest, Ferdinand, Maximilien-Henri, Joseph-Clément, enfin Jean-Théodore frère de Joseph-Clément et de l'empereur Charles VII) (fr.wikipedia.org - Maison de Wittelsbach).

 

L'empereur adressa des remontrances aux Liégeois qui s'étaient libérés ; mais ils n'en tinrent aucun compte. L'évêque ne réussit pas davantage; et sa colère redoubla, quand il apprit que les députés liégeois avaient signé la paix de Nimègue en 1678, et compromis les droits de l'évêché sur Bouillon. Ce fut alors sur l'affaire électorale que le prélat se rejeta exclusivement. Il lança des troupes allemandes sur la principauté, qui fut livrée à une exécution militaire. Les Liégeois appelèrent à leur secours la France, et Maximilien de Bavière se radoucit enfin au point de leur offrir la paix : elle fut conclue le 22 novembre 1683, et publiée à Liége le 26 février 1684. La cité consentit à fournir au prince un don de cent mille écus. Mais les moyens employés pour réunir cette somme donnèrent lieu à de nouvelles difficultés, et divisèrent la ville en deux camps. Bientôt se ralluma la guerre civile, et le sang coula de nouveau. On prétendait que l'évêque lui-même cherchait, par des manÅ“uvres souterraines, à fomenter de nouvelles dissensions pour ne pas tenir la paix récemment signée, après que le peuple l'aurait violée le premier. Ce que les tous esprits avaient craint ne tarda pas à se vérifier. Maximilien, fatigué de lutter avec cette indomptable population, résolut d'en finir une bonne fois, et par un grand coup. Au mois d'octobre 1684, un corps de troupes de l'électorat de Cologne entra brusquement dans la principauté; et les Liégeois, après avoir vainement invoqué l'aide des Français, furent forcés de se soumettre. Les deux bourgmestres, Renardi et Macors, qui se trouvaient à la tête du mouvement, furent décapités.

 

Les trente-deux métiers furent abolis, et remplacés par seize chambres, qui, investies de droits politiques fort restreints, représentaient la cité de Liége. Chacune de ces chambres était composée de trente-six assesseurs, dont vingt appartenant à la noblesse et aux patriciens, dix appartenant au haut commerce, et six aux métiers. Le conseil fut réduit à vingt-deux membres, c'est-à-dire deux bourgmestres et vingt conseillers. Les bourgmestres furent dépouillés du droit de faire des édits, et leurs fonctions limitées à la simple administration des revenus de la ville, à l'entretien des bâtiments, etc. Enfin, la constitution liégeoise fut bouleversée, et reçut une nouvelle forme qui la mit tout entière sous la main de l'évêque, maître, dès ce moment, des élections, et par conséquent de tout le pouvoir. Maximilien ne se borna pas à cette mesure d'énergie : il fit rebâtir la citadelle, et ordonna la construction d'un fort au milieu du pont de la Meuse. Cette batterie reçut le nom de Dardamelie, et devait servir à interrompre la communication des deux parties de la ville, et à prévenir les émeutes populaires. Maximilien de Bavière mourut en 1688, et il eut pour successeur Jean-Louis d'Elderen. Sous ce nouvel évêque, la ligue formée en. 1689, entre les princes de l'Empire, contre Louis XIV, amena de nouveaux malheurs pour le pays de Liége. Les Français étaient entrés dans les électorats de Mayence et de Trèves, dans les évêchés de Worms et de Spire, et ils s'étaient emparés du Palatinat. Partout ils levèrent d'énormes contributions. La principauté de Liége ne fut pas épargnée : ils en occupèrent presque toutes les places, et agirent partout en maîtres. Le 9 janvier 1689, les Liégeois avaient conclu, à Versailles, un traité par lequel leur neutralité fut déclarée maintenue, et la démolition de la citadelle stipulée; mais cette convention même ne fut pour eux qu'une nouvelle source de désastres. La ligue de Ratisbonne s'étant formée, et l'empereur ayant sommé les Liégeois de leur pays, qui fut entièrement mis à ruine. Le traité de Ryswyck n'y mit pas un terme; car la guerre de la succession d'Espagne vint, bientôt après, rouvrir la carrière des batailles; et la principauté en fut encore en partie e théâtre jusqu'à la paix d'Utrecht, en 1713 (André Henri Constant Van Hasselt, L'Univers. Histoire et description de tous les peuples, Belgique et Hollande, 1844 - books.google.fr).

 

Les auteurs, qui dans l'exposé de ces évènements, s'appuient plutôt sur les pamphlets de l'époque que sur les histoires sérieuses, traitent Maximilien de despote et de tyran sanguinaire, parce qu'il a employé des moyens énergiques pour réduire ces factieux démagogues et ramener la paix dans le pays. C'est aller chercher de singulières autorités pour écrire l'histoire, surtout à, une époque comme la nôtre, où l'on devrait bien connaître la valeur que l'on peut attacher aux écrits des pamphlétaires. Mais, pour certains écrivains, on est toujours digne de foi, du moment que l'on combat le pouvoir légitime et la religion (Charles Pollet, Histoire de l'ancien diocèse de Liége et des Saints qui l'ont illustré, Tome 2, 1860 - books.google.fr).

 

Dès le début de son règne, Jean de Bavière s'attira l'hostilité de ses sujets liégeois, soucieux de maintenir leurs privilèges et coutumes. De plus, l'élu refusait d’entrer plus avant dans les ordres pour devenir évêque. Au bout de quelques années d'un règne agité, il dut se retirer à Maastricht (1402) alors que les autres villes choisissaient Henri de Perwez, sire de Hornes, comme mambour. Autoritaire, Jean de Bavière se brouilla rapidement avec ses sujets. Encouragés par l'inaction de celui-ci, ses opposants persécutèrent ses partisans et proclamèrent même sa déchéance en 1406. Le fils du mambour, Thierry de Perwez, fut choisi comme évêque et ses troupes assiégèrent Maastricht dans l'hiver 1407-1408. La maison de Bavière ne pouvait tolérer ces humiliations : l'élu fut secouru par son frère, Guillaume IV de Hainaut, et par son beau-frère, Jean sans Peur, duc de Bourgogne. La bataille décisive eut lieu près de Tongres, dans la plaine d'Othée, en septembre 1408. Les rebelles furent écrasés, huit mille Liégeois périrent dans la bataille, dont le mambour et son fils. À la suite de cette victoire, la Paix des vainqueurs supprima toutes les institutions communales liégeoises et Jean de Bavière exerça dès lors un pouvoir sans limites. Après sa restauration, Jean de Bavière ordonna de terribles représailles qui lui valurent le surnom de Jean sans Pitié. La veuve du mambour fut même précipitée dans la Meuse (fr.wikipedia.org - Jean III de Bavière).

 

Joseph-Clément de Bavière

 

Joseph-Clément de Bavière (1694-1723) fera l'expérience de ce nouveau jeu de contre-pouvoir, lui qui était pétri de principes absolutistes. Son palais de Bonn ayant été bombardé en 1689, il s'installe en bord de Meuse, au plus grand ravissement des Liégeois appréciant les fêtes qu'il donnait. L'espoir des Liégeois fut renforcé lorsqu'ils apprirent qu'un contrat avait été signé le 28 mai 1695 entre le comte de Corswarem, intendant du prince, et l'architecte en titre des Wittelsbach, Henrico Zuccalli, alors à Bruxelles. Joseph-Clément estimait que le palais d'Erard de La Marck méritait quelques aménagements et désirait la construction de chambres, d'un escalier et d'une galerie avec quatre cheminées. Le tout était évalué à 18000 florins et devait se terminer le 29 septembre 1696. Ces travaux furent surveillés par le Sieur Grégoire et prirent du retard, mais durent être finis en 1697, le comte de Corswarem menaçant de prison à la citadelle de Namur pendant six mois les ouvriers. [...] Ainsi rafraîchi, le palais méritait un cérémonial, et dès le 4 octobre 1696, une étiquette était établie. Le Wittelsbach déterminait la liste de ceux qui auraient accès tant à la première qu'à la seconde antichambre de son palais. Il répartissait la société en trois groupes, les ecclésiastiques, les «gens de cour» et les «gens militaires». Les évêques et suffragants, les chanoines de Saint-Lambert, les abbés et prévôts ainsi que son confesseur avaient accès à la seconde antichambre, les doyens de cathédrales, les chapelains auliques ainsi que les prieurs des ordres à la première. Ses partisans devaient s'efforcer d'être comptés parmi ses «Ministres et Conseillers d'État et Privé» qui, eux, faisaient partie des «gens de la cour». Quant aux séculiers, ils étaient tenus en haleine, puisque seuls les ambassadeurs, les ministres et conseillers de Son Altesse et les gentilshommes de la Chambre étaient admis dans la seconde antichambre. En étaient ainsi exclus les membres de l'État noble, les deux bourgmestres de Liège, les échevins de Liège, les médecins personnels de Joseph- Clément et son maître de chapelle. Les nobles liégeois, peu habitués à de tels traitements, recevaient de la sorte un puissant stimulant: ils devaient tenter d'être promus gentilshommes de la chambre ou conseillers. Cette dernière charge représentait par ailleurs l'unique possibilité pour les roturiers de franchir le seuil vénéré, signe de leur ascension sociale. Chez les militaires, seuls les brigadiers, en compagnie des généraux, pouvaient frayer avec l'élite du pays. Cette distinction entre les militaires et les gens de cour disparaîtra progressivement au profit de la noblesse du sang. L'appartenance  à la cour devait donc devenir l'objet des ambitions tant de la noblesse que de la bourgeoisie liégeoise séculière ou ecclésiastique. Il est symptomatique que ce soit son neveu Jean-Théodore de Bavière qui ait rétabli à Liège en 1751 l'étiquette instaurée par son oncle et délaissée par Georges-Louis de Berghes. Jean-Théodore durcira encore cette étiquette, puisqu'il fera régresser dans la chambre du Dais le chapitre cathédral avec l'État noble et les bourguemaîtres régents. Cela signifiait une diminution de l'autorité des chanoines et une élévation de la noblesse. Seuls les ministres auraient accès à la chambre du Lit de parade ! Hélas ! Ses démêlés avec le chapitre cathédral entraîneront le départ de Joseph-Clément pour Bonn. Illusion du pouvoir, l'ordonnance de 1698 pour sa Maison était le reflet des aspirations d'un homme désargenté. L'or de son nouvel allié Louis XIV (1701) lui permettra de rêver avant de connaître les aléas de l'exil à Namur, puis en France, à Lille et Valenciennes (1702-1715). Rétabli à Rastadt, en 1714, il se fera construire un nouveau palais à Bonn, l'actuelle université, grâce aux donatifs de ses sujets liégeois et aux bois de sa mense qui prendront le chemin de l'Allemagne. Certes, le palais de Liège bénéficia encore en 1715 et 1716 de travaux pour le mettre au goût du jour, dont profitèrent menuisiers, sculpteurs, serruriers, peintres, doreurs et vitriers, pour un montant de 5 000 écus, mais c'était si peu ! (Bruno Demoulin, Francis Balace, Liège et le palais des princes-évêques, 2008 - books.google.fr).

 

"jou" et "demis"

 

Dans l'édition de 1555 des Centuries le premier vers commence par "Du jou" (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

On trouve dans l'églogue IX des Bucoliques de Virgile "jugum demittere" :

 

Certe equidem audieram, qua se subducere colles, Incipiunt, mollique jugum demittere clivo, Usque ad aquam et veteris jam fracta cacumina fagi, Omnia carminibus vestrum servasse Menalcan. (J'avois cependant ouï dire que votre Ménalque avoit mérité par ses vers qu'on lui conservât tout le terrain qui s'étend depuis le penchant de cette colline jusqu'au fleuve, et jusqu'à ce vieux hêtre dont les hautes branches sont rompues) (Oeuvres de Virgile, traduites en Francois, le texte vis-a-vis la traduction, avec des remarques, par l'abbe Des Fontaines, Nouvelle edition, Tome 1, 1796 - books.google.fr).

 

Mantua vae miserae nimium vicina Cremonae !

 

Virgile, à qui j'emprunte ce vers (Églogue IX), a célébré dans sa première églogue, sous le nom allégorique de deux bergers, les malheurs des propriétaires brutalement expulsés des lieux qui les avaient vus naître, condamnés à toutes les rigueurs de l'exil, auxquels un soldat barbare a notifié cette terrible sentence : Haec mea sunt, veteres migrate coloni (Ibid.) (Benech, Du respect des Romains pour le droit de propriété, Revue des revues de droit publiées à l'étranger: recueil trimestriel, Volume 12, 1849 - books.google.fr).

 

A mettre en rapport avec la politique du "pré carré" de Louis XIV et ses guerres de conquêtes de territoires.

 

"estres"

 

"haults estres" : hautes salles d'un bâtiment (château, rarement simple maison) (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

L'édifice dans lequel se réunissait la haute justice à Liège, depuis l'époque la plus reculée, se nommait le Destroit (districtus : ressort de la justice). C'était en somme un local assez modeste, puisqu'il n'avait que trente pieds de long sur vingt de large, bâti contre les degrés de la cathédrale au marché, près de l'hôtel de ville, avec lequel il communiquait, dit-on, par un pont de bois. La salle de l'étage, nommée salle de St-Michel, qui servait aux séances, était décorée de vitraux peints portant les armes des échevins en fonctions en 1528. Ce bâtiment ayant été détruit en 1691 lors du bombardement de Liège par le maréchal de Boufflers, les échevins allèrent s'installer dans une aile du palais, qui leur servit de local jusqu'en 1794 (Jules Helbig, La Révolution française à Liège et les Beaux-Arts, Conférences, Volumes 1 à 5, Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, 1888 - books.google.fr).

 

A Liège, le Destroit signifia le ressort territorial des Echevins et le local du tribunal de ces magistrats qui tenaient leurs séances dans un immeuble dont une salle haute était placée sous le vocable du ministre de la justice divine : saint Michel (Joseph Philippe, Van Eyck et la génèse mosane de la peinture des anciens Pays-Bas, Tome 1, 1960 - books.google.fr).

 

"estres" ou "aîtres" : disposition ou parties d'un bâtiment du latin extera, pluriel neutre du latin classique exter «qui est situé à l'extérieur» (www.cnrtl.fr).

 

L'ensemble de la principauté de Liège souffre en 1698-1699 d'une carence frumentaire plus grave que jamais, comme si elle n'arrivait pas à récupérer. En 1698. selon le Tiers Etat, la crise était encore plus grande que "pendant le plus facheux de la guerre". Les crises céréalières correspondent le plus souvent à des périodes de surmortalité et à un appauvrissement des ménages. Quant aux pouvoirs publics, ils s'endettent faute de matières imposables. La réduction considérable du produit de la mense épiscopale qui résulte et le rapport des tailles confirment la gravité de la crise quasi permanente durant la dernière décennie du XVIIe siècle. L'Etal lève 120 tailles en 1690 et - chiffre record - 180 en 1691. Mais après 1689, le revenu n'arrête pas de diminuer en raison de la misère qui ronge. En 1694, le grand doyen de Mean tâche de faire échec à la contribution de 120 tailles en raison de "la ruine" des quartiers de Moha, Hesbaye et Montenacken où, il est vrai, le Chapitre cathédral possédait ses plus riches propriétés. Elles sont quand même votées, mais les villes et les communautés n'arrivent pas à fournir leur quote-part. En 1696, les résultats sont catastrophiques. A la journée d'octobre 1697, la réponse des Etats au prince - qui s'entête à vouloir maintenir une armée - résume les émeuves de la population. Celles du conflit apparaissent en filigrane. "Il est d'une notoriété publique qu'une partie des villages sont abandonnés et déserts, les terres incultes et en friche", prétendent-ils. Si les "pauvres habitants" ne sont pas soulagés, il "leurs serat impossible de subsister ny de furnir à la despense nécessaire pour restablir leurs familles désolées, réparer les maisons ruinées et abandonnées, et remettre les terres en leurs premiers estres ou en culture". En conséquence, les Etats décident de n'exiger aucune taille en 1698 et 1699. L'énorme dette publique les oblige pourtant à en lever 12, mais ils ne persévéreront pas dans cette intention "puisque l'état pitoyable du plat pays ne s'était pas amélioré" (Jean-Pierre Rorive, Les misères de la guerre sous le Roi-Soleil: les populations de Huy, de Hesbaye et du Condroz dans la tourmente du Siècle de malheur, 2000 - books.google.fr).

 

"terre neuve" : charbonnage

 

"terre neuve", "terre naturelle" ou "plein vif thier" dans la région de Liège c'est une veine de charbon qui n'a pas été travaillée (Descriptions des arts & metiers, Tome 44 : L'art d'exploiter les mines de charbon de terre, 1779 - books.google.fr).

 

On dit un plein vif thier, pour signifier que la veine est dans son entier, sans avoir été travaillée; au bout d'une telle voie nous avons rencontré le vif thier : c'est à dire que la veine s'y est rencontrée en son entier (Mathias G. de Louvrex, Recueil contenant les édits et reglemens faits pour le pais de Liege, Tome 2, 1750 - books.google.fr).

 

La Belgique a fouillé ses mines de houille en même temps que l'Angleterre. C'est au village de Plénevaux, près de Liége, que semblent avoir commencé les exploitations vers le XIIe siècle. Ici la légende se mêle à l'histoire d'une manière ingénieuse. Voici le fait tel que le racontent les chroniqueurs : Houillos, maréchal ferrant à Plénevaux, était si pauvre qu'il ne pouvait suffire à ses besoins. Un jour que, sans travail, il était presque décidé d'en finir avec la vie, un vielliard à barbe blanche se présenta dans sa boutique. Ils entrèrent en conversation. Houillos lui confia ses chagrins. Le bon vieillard était ému jusqu'aux larmes. «Mon ami, dit-il au forgeron, allez à la montagne voisine; vous y fouillerez le sol, et découvrirez des veines d'une terre noire excellente pour la forge.» Ainsi dit, ainsi fait. Houillos alla au lieu indiqué, y trouva la terre annoncée, et l'ayant jetée au feu, parvint à forger un fer à cheval en une seule chaude. Rempli de joie, il ne voulut pas garder pour lui seul cette précieuse découverte; il en fit part à ses voisins, et même aux maréchaux ses concurrents. La postérité reconnaissante a donné son nom à la houille (on a vu qu'il s'appelait Houillos), et, sous ce rapport, il a été plus heureux que beaucoup d'autres inventeurs. Son souvenir est encore conservé par tous les mineurs de Liége qui, le soir, racontent dans les veillées l'histoire du prud'homme houilleux ou du vieillard charbonnier, comme on se plaît à surnommer Houillos, le forgeron de Plénevaux. Il y a enfin des grammairiens qui regardent l'histoire de Houillos comme un mythe, et se contentent de faire venir le mot houille du saxon ULLA, charbon de terre : grammatici certant !

 

L'exploitation de la houille en Belgique ne se concentra pas à Liége. Le combustible minéral fut bientôt également découvert à Charleroy, à Mons, et avec l'emploi de la houille si convenable en ces pays pour la forge, se développa la fabrication des armes, qui remonte chez les Belges aux temps les plus reculés. On dit qu'ils pratiquaient cette industrie bien avant même la conquête de Jules César, et des historiens tirent argument de ce fait, pour prétendre que la houille a été connue et employée de tout temps en Belgique (Louis Simonin, La vie souterraine ou les mines et les mineurs, 1867 - books.google.fr).

 

L'acrostiche du quatrain dans son édition de 1557 est ULLA : ("Un jour" au lieu "Du jou").

 

Le lecteur verra également s'il doit admettre que le mot houille vient du nom de l'auteur de la découverte, Hullos, Houlloz, ou bien Houilleur; si, au contraire, la houille (hulla) a donné son nom à celui qui l'a trouvée, ou le premier exploitée en grand en Belgique ; ou si, enfin, le mot houille vient du saxon hulla, comme l'enseigne la commission d'enquête de 1832, d'après le dictionnaire technologique, et ce dernier, probablement, d'après Du Cange. Quant à nous, nous croyons que, d'où qu'il vienne, le mot houille est originaire de la Belgique; tout au moins, il est certain que c'est de la Belgique que nous l'avons emprunté. Morand dit, en effet, qu'il se sert des mots houille, houillerie, houilleurs, parce qu'ils sont employés à Liège. Si le mot bouille est aussi employé en France à cette époque, c'est dans le nord ; on se sert encore alors, dans le midi, des mots charbon de terre et charbon de pierre, et c'est après la révolution de 1789 seulement, que l'on semble s'accorder à employer en France le mot houille, a en usage, disent les rédacteurs du Journal des mines, dans nos départements qui avoisinent le pays de Liége et la Belgique». Quoi qu'il en soit, la houille exploitée suflit long-temps aux besoins des habitants du Hainaut et des provinces voisines, la Flandre, la Picardie, etc. Dès le XVIIe siècle, les mines du Hainaut commençaient à prendre de l'importance et attiraient l'attention des capitalistes. C'est alors (1678) qu'arriva la division de cette province, qui, peu après, fut momentanément réunie aux mains de la France (1691 à 1697). A cette dernière date, l'intendant du Hainaut donnait à Louis XIV les renseignements suivants sur ces houillères: «La houille ne se trouve que dans la partie du Hainaut qui est de la dépendance de Mons, depuis Quiévrain jusque vers Marimont, cela fait sept lieues de longueur, et le terrain où les veines se trouvent a environ deux lieues de large. Les puits ont 35 toises de profondeur. Les paysans qui travaillent aux houillères ne sont pas assez riches pour faire les frais de l'épuisement des eaux, cela fait qu'ils ne travaillent que sur une première superficie. Il serait à souhaiter que des personnes plus riches et plus intelligentes s'appliquâssent, par l'usage des machines pareilles à celles dont on se sert dans le pays de Liège, à tirer d'une même fosse tout ce qu'il peut y avoir de charbon. Il s'est fait depuis deux ans une société d'ouvriers et de marchands qui ont établi un travail sur ce pied , sur le territoire de Wasmes, à deux lieues de Mons. Ils ne craignent point que l'eau les surmonte et les accable, parce qu'ils ont une machine pour la tirer continuellement, faite à peu près en petit comme celle de Marly» (Edouard Grar, Histoire de la recherche, de la découverte et de l'exploitation de la houille dans le Hainaut français, dans la Flandre française et dans l'Artois 1716-1791, 1847 - books.google.fr).

 

Echevins et charbonnage

 

La Paix de Saint-Jacques doit être replacée dans son contexte historique. Elle n’a pas du tout la morphologie des paix antérieures, mais constitue, de l’aveu même de ses auteurs, un abrégé des lois du pays, réalisé en raison du fait que les archives confisquées par Charles le Hardi en 1468 tardaient à rentrer de Gand. Il ne s’agit donc pas de dispositions nouvelles, mais d’une manière de synthèse de celles qui existaient antérieurement aux événements et paraissaient dispersées (mettre tout en ung volume […] pour roisteir toute prolixité d’escripture).

 

On sait que cette paix eut bien du mal à être appliquée, puisque ce n’est que le 20 février 1507 que fut mis en garde de loi un cri proclamé au perron à Liège, selon lequel la Paix de Saint-Jacques sortirait ses effets, sauf les modérations contenues dans une ordonnance du prince-évêque Érard de la Marck, du 18 du même mois. Le cri annonce que la paix aura dorénavant cours dans huit jours ensy et en tel manier qu’il sera mis à ung piler en l’egliese de Liege, à la maison de la Violette et sur le Destroit.

 

On voit par ces deux derniers textes que l’affichage à la traille, mais aussi à la Maison de la Cité (dénommée «la Violette» d’après l’enseigne qui signalait jadis l’immeuble) et au local des échevins (le «Destroit», siège du districtum), conférait à la paix son caractère exécutoire. La publicité donnée au texte dans trois lieux officiels devait suffire à empêcher tout nouveau retard dans sa mise en oeuvre. Cet aspect est important car, mis en traille, un texte constitue une version «officielle», dont on peut tirer une copie jugée fiable.

 

Les seules coutumes conservées dans le pilier sont relatives au métier de la houillerie. La mention dont nous disposons est trop sibylline pour que nous puissions trancher sur leur teneur précise. Il devait s’agir des usages en matière de houillerie déjà attestés vers 1318-1330 et qu’un record prononcé par les voirs-jurés des charbonnages en date du 10 février 1377 complétait. Ces coutumes fixaient les droits des différents intervenants à l’exploitation : le hurtier, propriétaire de l’héritage sous lequel s’opérait l’extraction, le terrageur exploitant de la mine moyennant le paiement d’une rente foncière irrédimible et l’arainier, entrepreneur qui creusait les galeries par lesquelles s’écoulaient les eaux qui avaient envahi les veines. Une étude de premier plan a récemment insisté sur l’extrême précocité de ce type de dispositions juridiques

 

La cour des voirs-jurés des charbonnages relevait de la juridiction des échevins de Liège qui en nommait les membres. Elle était compétente pour accomplir des missions de conciliation et d’expertise en fait d’exploitation charbonnière et d’application du droit minier. Cf. pour la période moderne, HANSOTTE, Institutions, p. 165. La Paix de Saint-Jacques procédera à un travail de codification de ces usages (Paul Bruyère, Un mode singulier d’affichage des lois et des coutumes au Moyen Âge. La traille de la cathédrale Saint-Lambert de Liège, Revue Le Moyen Âge, 2007 - www.cairn.info).

 

"le nombre racompté"

 

Déjà en 1649, à la suite des événements qui amenèrent la soumission des Liégeois, on vit Ferdinand de Bavière apporter d'importantes modifications dans le gouvernement des finances des villes, et déclarer, entre autres, qu'à l'avenir les comptes de la cité, au lieu d'être rendus comme autrefois par-devant les trente-deux métiers et toute la bourgeoisie, ne le seraient plus qu'en présence de douze personnes, dont six députées par le prince. Cette ordonnance ayant été abrogée, en 1676, Maximilien-Henri de Bavière, successeur de Ferdinand, publia, quelque temps après, le fameux règlement de 1684, puis l'édit de 1686, dans lesquels on trouve, relativement à la comptabilité communale, certaines dispositions qui devinrent la base de l'administration financière des villes. A Liége, les trente-deux métiers furent remplacés par seize chambres, auxquelles l'évêque laissa la faculté de s'imposer des moyens proportionnés aux dépenses de la commune, mais parmi délibération préalable, agréation et confirmation requises; les taxes votées par la cité ne furent plus exigibles qu'après un mandement d'approbation émané du prince. La connaissance et l'exécution des moyens publics continuèrent d'appartenir au magistrat, sauf l'appel au conseil privé de l'évêque. Les redditions de comptes eurent lieu désormais devant les délégués du prince; une copie authentique devait lui en être remise chaque année, pour être déposée dans les archives de l'État. Le règlement de Maximilien-Henri de Bavière demeura en vigueur jusqu'à la révolution (Jean Baptiste Nothomb, Rapport sur les octrois communaux de Belgique: présenté à la Chambre des représentants, le 28 janvier 1845, Tome 2, 1845 - books.google.fr).

 

Areines de Liège

 

Une areine (il existe plusieurs orthographes : arène, araine, etc.), en région liégeoise, seuwe, sèwe, saiwe en Hainaut, ou encore conduit dans le Borinage ou le Centre, désigne une galerie creusée au pied d'une colline, destinée à évacuer l'eau par écoulement et permettre l'exploitation de la houille. On parle aussi de galerie d'exhaure (à Liège, de xhorre).

 

L'areine du Val Saint-Lambert fut «abattue», après négociations avec les principaux intéressés (exploitants, areiniers, meuniers, etc.) sur l'areine de la Cité en 1697 par le Conseiller Roland (fr.wikipedia.org - Areine).

 

Il est certain que l'exploitation du charbon avait lieu dans la région de Saint-Nicolas avant le 14e siècle. Parmi les areines ayant démergé les exploitations de la Campagne de Saint-Nicolas : l'Areine du Val-Saint-Lambert démergeait les travaux souterrains des hauteurs d'Ans, Glain et Saint-Nicolas. Son issue se trouvait au bas de la rue des Moulins, à Ans, où ses eaux s'écoulaient dans la Légia, aidant à faire tourner les moulins situés en aval. Au puits des Bons Buveurs, elle était à environ 60 mètres de profondeur. Elle fut commencée en 1313 par les abbés du Val-Saint-Lambert et, en 1697, ses eaux furent définitivement abattues sur l'areine de la Cité ; L'Areine de la Cité, plus basse de 11 à 12 mètres et plus ancienne que l'areine du Val-Saint-Lambert, fut creusée à une époque très éloignée et a pris ce nom vers 1294, à la suite de la réunion des eaux de deux anciennes areines (Gilman et Lardier). Elle démergeait les bures [puits] des hauteurs de Saint-Nicolas, Ans et Glain et déversait ses eaux dans un grand bassin, place Saint-Séverin, d'où, par tuyaux, étaient alimentés en eau le palais et la place du Marché (Chronique Archeologique du Pays de Liege, Volumes 38 à 44, 1947 - books.google.fr).

 

Malgré toutes les recherches aux archives de l'État, dans celles de la ville et dans celles de la Société des Fontaines-Roland, du Bureau de bienfaisance, etc., il n'a pas été donné de retrouver l'original de la négociation, quoique citée encore dans le présent siècle qui eut lieu de 1683 à 1697, entre le conseiller Roland et consorts d'une part et d'autre part le monastère de St-Lambert, le chapitre de la cathédrale (pour les moulins des Bas-Rieux) et la cité de Liège, au sujet de l'abattement de l'areine du Val-St-Lambert, qui n'avait plus qu'un mince filet d'eau, sur celle de la Cité (Bulletin de L'Institut Archéologique Liégeois, Volume 15, 1880 - books.google.fr).

 

L'areine de la Cité était voisine de celle de messire Louys Douffet sur laquelle l'abattement de celle du Val St-Lambert était aussi envisagé. Le conseiller Roland était Jean Roland quui avait obtenu par voie de "conquête" les mines de houille à l'ouest de la ville de Liège en 1683 avec Wery Raick et Coune (Godefroid Eugène Brixhe, Essai d'un répertoire raisonné de législation et de jurisprudence, en matière de mines, minières, tourbières, carrières, etc., Tome 1, 1833 - books.google.fr).

nostradamus-centuries@laposte.net